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  • PSG et Monaco

    Cavani, Falcao: le PSG et Monaco ont-ils le droit de recruter des stars?

    Le transfert de Cavani au PSG relance la question du fair-play financier. Un serpent de mer de l'UEFA qui entre enfin en vigueur et pourrait causer bien du souci aux deux géants de Ligue 1.

    Edinson Cavani, après avoir marqué un but en Coupe de confédérations contre le Brésil, le 26 juin 2013 à Belo Horizonte. REUTERS/Ricardo Moraes

    - Edinson Cavani, après avoir marqué un but en Coupe de confédérations contre le Brésil, le 26 juin 2013 à Belo Horizonte. REUTERS/Ricardo Moraes -

    Depuis l'arrivée des Qataris au PSG, la France vit un rêve éveillé à chaque mercato. En deux ans, le club aura fait venir Javier Pastore, Zlatan Ibrahimovic, Thiago Silva, Ezequiel Lavezzi, Lucas Moura, David Beckham et maintenant Edinson Cavani, ce dernier pour 64 millions d'euros. Tant et si bien que les arrivées des stars James Rodriguez, João Moutinho et Falcao, un des meilleurs attaquants de la planète, à Monaco n'étonnent presque personne. 

    La Ligue 1 est devenue une partie géante de Football Manager, où deux clubs s'achètent tout ce qu'ils veulent (dans la limite des stocks disponibles). En attendant peut-être un jour un troisième larron, avec le rachat du RC Lens, mal en point depuis plusieurs saisons, par des investisseurs azéris.

     
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    Mais comme dans tous les jeux vidéo, il y a un moment où les parents viennent débrancher la console. Fin de la récréation.

    Le rabat-joie s'appelle Michel Platini, le patron de l'UEFA. Le grand projet qu'il porte depuis 2007, le fair-play financier, va enfin entrer en vigueur pour la saison 2013-2014.

    Très technique, le fair-play financier ne suscite guère la curiosité du public. Si, sémantiquement, il renvoie au bon vieux Challenge du fair-play qui distribue des bons points aux clubs de Ligue 1, Michel Platini ne brandira pas de cartons bleus mais bien des cartons rouges, qui pourraient valoir exclusion de la Ligue des champions dès 2014. 

    Rembourser Falcao avec les recettes de Louis-II

    Au crash test du fair-play financier, le PSG passe tout juste, mais en force façon bus de l'équipe Orica sur le Tour de France. Quant à Monaco, on ne voit pas encore comment les dépenses somptuaires du propriétaire russe Dmitry Rybolovlev peuvent satisfaire aux exigences de l'UEFA.      

    Le fair-play financier impose d'équilibrer ses dépenses avec ses recettes sur une période de deux ans. Rien n'interdit d'avoir une dette abyssale (comme le Real Madrid), mais le déficit est désormais proscrit. Ce qui veut dire en clair qu'il faut compenser ses transferts galactiques par des recettes équivalentes en billetterie, droits télé, sponsoring, ventes de maillot ou revente de joueurs.

    Point crucial: au-delà d'une certaine limite, l'actionnaire n'a pas le droit de régler la différence, ce qui enlève beaucoup d'intérêt aux puits gaziers qataris. Du côté de Monaco, rembourser les 60 millions de Falcao avec les modestes recettes de billetterie de Louis-II (7.000 spectateurs de moyenne lors de la dernière saison en L1) ne sera assurément pas simple. Sans parler de son salaire de 14 millions d'euros.

    Dans sa grande mansuétude, l'UEFA offre un petit matelas de 5 millions de déficit aux clubs. Ils peuvent aussi, à condition que la facture soit réglée par l'actionnaire, avoir 45 millions de déficit supplémentaires par saison pour les premiers exercices couverts par le fair-play financier, 2011-2012, 2012-2013 et 2013-2014. Puis 30 millions pour les 3 saisons suivantes, et encore moins ensuite. 50 millions, ça permet d'acheter un Thiago Silva par an, mais guère plus, si les recettes ne suivent pas.

    Un contrat miraculeux

    Le PSG croyait avoir trouvé la parade: l'actionnaire ne pouvant pas faire marcher la planche à billets, le Qatar va se faire sponsor du club et régler ainsi la facture. Le club a signé fin 2012 un «contrat d'image», d'un montant de 150 à 200 millions d’euros par an pendant quatre ans, avec la Qatar Tourism Authority.

    Magie: le contrat est rétroactif et s'applique aussi à la saison 2011-2012, première année concernée par le fair-play financier! Le PSG peut donc présenter à l'UEFA des comptes équilibrés, avec 5 millions de pertes l'an dernier. 

    Ce montage financier n'a échappé à personne et il pourrait arriver au PSG ce qu'il est arrivé à Nicolas Sarkozy avec le Conseil constitutionnel: l'ICFC, l'instance de contrôle de l'UEFA, pourrait dès 2014 réévaluer ses comptes et prendre une lourde décision.

    Le règlement de l'UEFA prévoit que dans le cas d'un parrainage par une «partie liée» (filiale, entreprise liée à l'actionnaire du club...), il faut compter la somme au prix du marché, c'est-à-dire bien en deçà des 200 millions par an payés par les Qataris: pour situer, le contrat de sponsoring de la Fondation du Qatar avec le Barça se monte à environ 30 millions d'euros par an... Même si, selon le PSG, la «juste valeur» de son contrat d'image avec le Qatar n'est pas estimablepuisque c'est le premier contrat de ce genre dans le football.

    Si l'office du tourisme qatari était reconnu comme une «partie liée» du PSG (ce que la direction conteste aussi), le club pourrait donc avoir à retrancher jusqu'à 170 millions d'euros de ses comptes. Et peut-être dire adieu à la Ligue des champions l'année suivante. On ne plaisante pas avec le fair-play financier à l'UEFA, comme en a fait les frais le club espagnol de Malaga, rayé des compétitions européennes cette année.

    On attend toujours l'astuce de Monaco

    Le cas de Monaco semble encore plus compliqué. Ancien pensionnaire de Ligue 2 avec un budget de 30 millions d'euros l'année dernière, le club est encore loin d'avoir les rentrées d'argent pour compenser ses dispendieux transferts.

    Le fair-play financier aboutit à figer les positions au sein de l'élite européenne, les nouveaux entrants comme Monaco étant découragés d'investir les centaines de millions nécessaires pour intégrer le gotha européen. Pour dépenser, il faut déjà avoir gagné de l'argent.

    Auditionnée par une mission parlementaire sur le fair-play financier, l'administratrice de Monaco, Tetiana Bersheda, a indiqué que le club respectait les limites fixées par l’UEFA pour les saisons 2011, 2012 et 2013. Sans convaincre les députés, qui notent dans leur rapport:

    «On peut toutefois s’interroger sur la soutenabilité de la stratégie menée au regard du fair-play financier européen. Compte tenu des montants dont il est fait état dans la presse à propos des récents recrutements du club (60 millions d’euros pour Radamel Falcao, 45 millions d’euros pour James Rodriguez et 25 millions d’euros pour João Moutinho) [...].»

    L'UEFA fera-t-elle une «Balladur» au PSG?

    Cela étant, on s'interroge sur la véritable capacité de l'UEFA à sanctionner. Une application stricte du fair-play financier pourrait transformer la Champion's League en une Bundesliga augmentée de quelques autres clubs vertueux. Les clubs allemands sont réputés pour leur modèle financier sain, à l'image du Bayern Munich qui affiche chaque année des bénéfices.

    C'est loin d'être le cas partout en Europe, où des clubs comme Manchester City ou l'Anzhi Makachkala affichent des modèles économiques proches de ceux du PSG et de Monaco. A défaut de faire une «Sarkozy», l'UEFA pourrait faire au PSG une «Balladur»: ses comptes douteux avaient été validés au nom de la raison d'Etat en 1995.

    Les clubs peuvent aussi espérer s'en sortir par une autre acrobatie juridique. Les nouveaux riches de l'Est de l'Europe, financés par la manne pétrolière et gazière russe, ont ainsi peut-être trouvé une astuce pour rentrer dans les clous de l'UEFA. Gazprom (qui possède le Zenith Saint-Petersbourg) pourrait lancer en 2014 un championnat unifié de Russie et d'Ukraine dont les participants seraient grassement rémunérés: 22 millions d’euros pour la simple participation et 92 millions d’euros pour le vainqueur. 

    Le fantôme de Bosman

    Il reste enfin une dernière parade: Daniel Striani, un agent de joueurs, a déposé le 20 juin une plainte auprès de la Commission européenne contre le principe du fair-play financier. Selon l'agent belge, les règles de l'UEFA contreviennent au droit européen de la concurrence en limitant les investissements des clubs et enfreignent également le principe de libre circulation des travailleurs.

    Fait significatif: Daniel Striani est défendu par Jean-Louis Dupont, ancien avocat de Jean-Marc Bosman, un ancien joueur belge resté célèbre pour l'arrêt qui porte son nom et qui a autorisé, en 1995, les clubs européens à recruter autant d'étrangers qu'ils le souhaitaient du moment qu'ils étaient ressortissants de l'Union européenne. Et si le PSG et Monaco étaient sauvés par un second arrêt Bosman?

    Vincent Glad

  • Lettre ouverte à Julien Clerc

     

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    12 juillet 2013

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    Il y a quelques années, j'avais été scandalisé par une chanson « Utile » qui disait : "A quoi sert une chanson si elle est désarmée ?", me disaient des Chiliens, bras ouverts, poings serrés. Comme une langue ancienne qu´on voudrait massacrer, je veux être utile à vivre et à rêver.

     

    Elle était chantée par un certain Julien Clerc, un de vos homonymes sans aucun doute, car votre concert à Tel-Aviv démontre bien que vous n'êtes pas de ce bord-là.
     
    C'est avec respect que j'ai suivi votre courageuse résistance aux viles protestations des droitsdel'hommistes étrangers et à ces traîtres d'Israéliens qui vous demandaient de ne pas collaborer avec un Etat qui colonise et oppresse un peuple autochtone, vole les maisons, l'eau et les terres, impose des lois d'apartheid, applique le nettoyage ethnique, l'emploi systématique de la torture, même sur des gosses de 12 ans (Rapport de l'ONU du 20/6/2013)... et autres joyeusetés de ce régime qui se prétend démocratique.


    Ces ringards de BDS n'ont rien compris à la noblesse de la croisade, vous oui ! 
     
    J'ai apprécié votre clairvoyance en réservant votre premier et unique interview en Israël à "JSS News", sympathisant bien connu de l'extrême droite française. 
    Preuve supplémentaire, s'il en fallait, des valeurs que vous défendez.


    Je ne peux, de plus, qu'approuver votre belle réplique : " l’engagement des artistes, c’est d’être consensuels. Ce sont des messages d’amour que les artistes envoient ". 
    Vous l'avez peut-être vu vous-même, pas de populace arabe à votre concert à Tel Aviv.


    Le service d'ordre veillait à la "consensualité".
     
    J'ai admiré votre perspicacité en demandant au HCR de vous couvrir moralement – c'est toujours bon à prendre – et de déclarer avec force que vous ne faites pas de politique, rejoignant ainsi d'autres artistes, tels Astor Piazzola – il faisait de la musique, soutenait Videla et traitait les mères de la place de Mai de vieilles putes – Arno Breker ("Je ne fais pas de politique, je fais de la sculpture"), Drieu de la Rochelle ("je ne fais pas de politique, j’écris des poèmes"), Elia Kazan ("je ne fais pas de politique, je fais des films")... et quelques autres qui méritent votre accolade fraternelle.

     
    Toujours bien informé, vous avez aussi déclaré que "Tous les grands artistes sont venus en Israël et ce n'est pas leur vocation de régler les problèmes".
    Et vous aviez parfaitement raison !


    Seuls des individus insignifiants ont refusé de venir nous soutenir, sous prétexte qu'ils ont une conscience : Ken Loach, Bruce Springsteen, Desmond Tutu, Eric Clapton, Jonny Depp, Eduardo Galeano, Bon Jovi, Naomi Klein, Pete Seeger, U2, Dustin Hoffman, Stevie Wonder, Henning Mankel, Gilles Vignault, Vanessa Redgrave, Stephen Hawking, etc.


    Comme vous voyez, que des intellectuels et artistes de seconde zone ! 

     
    J'espère que nous pourrons vous applaudir aux prochains meetings de ceux et celles qui comme votre Marine nationale, défendent notre Occident et que vous continuerez à afficher l'image de l'artiste souriant qui ne fait pas de politique... mais a "le cœur à gauche".

     

    PS : J'aimais certaines de vos chansons et c'est avec tristesse que j'ai découvert l'homme. A quoi sert une chanson, Monsieur Clerc, si les actes de l'auteur contredisent ses paroles ? Bon vent !

     

    Source : Investig'Action - michelcollon.info


     

     

     

  • Commissions d’intervention

    Commissions d’intervention plafonnées : banquière, j’applaudis

    berengere1981 | Riveraine


    Une machine à sous (Adriagarcia/Flickr/CC)

    Le plafonnement des commissions d’intervention annoncé par le ministre de l’Economie Pierre Moscovici est une bonne nouvelle et un pas efficace vers une réglementation des frais bancaires. Après la loi Lagarde qui n’avait été qu’un immense cadeau aux banques, enfin une mesure juste.

    MAKING OF

    Les commissions d’intervention – ces frais facturés par les banques par exemple quand un client dépasse son découvert autorisé – ne pourront bientôt plus dépasser 8 euros par intervention et 80 euros par mois. Le plafonnement de ces commissions est prévu dans la loi bancaire votée ce jeudi. Le plafond a été annoncé vendredi par Pierre Moscovici.

    Chargée d’affaires dans une grande banque régionale, notre riveraine Bérengère applaudit. Mathieu Deslandes

    Pour tous ceux qui ne dépassent jamais leur découvert autorisé et se demandent ce qu’est une commission d’intervention, il s’agit d’une pénalité prélevée par la banque dès lors que vous dépassez votre découvert autorisé.

    Les clients ont tendance à les confondre avec les agios là où en réalité les agios ne coûtent pas grand-chose et sont légitimes puisqu’il s’agit du taux d’intérêt auquel la banque prête l’argent (puisqu’un découvert est par définition un crédit).

    Concrètement, comment se passe la gestion d’un compte débiteur ?

    Les comptes débiteurs, un jackpot

    Tous les matins, votre conseiller bancaire, quand il arrive au bureau, consulte la liste des comptes débiteurs qui a été générée par informatique. Il a donc accès à tous les comptes en dépassement et aux opérations en suspens : chèques et prélèvements principalement. A partir de là, il doit agir pour gérer le compte :

    • envoyer un courrier au client l’informant du débit (environ 15 à 20 euros) ;
    • envoyer un courrier l’informant du rejet prochain d’un chèque (également 15 à 20 euros) ;
    • rejeter des prélèvements (environ 20 euros) ;
    • bloquer la Carte Bleue (une quinzaine d’euros).

    S’il décide de laisser passer des opérations afin de ne pas pénaliser le client (rejeter l’école ou EDF n’est pas forcément une bonne idée), il se verra alors facturer les fameuses commissions d’intervention d’un montant d’environ 8 euros par opération.

    Ce qui devient drôle, c’est qu’ensuite, le conseiller peut mixer le tout :

    • le lundi, un prélèvement de 30 euros passe sur le compte, il facture donc une commission d’intervention (8 euros) ;
    • le mardi, il écrit au client pour lui demander de couvrir (20 euros) ;
    • le jeudi, comme il n’a pas couvert, le prélèvement est rejeté (20 euros).

    Soit potentiellement 48 euros de frais pour une opération de 30 euros !

    Le vrai scandale des banques ne réside pas tant dans les frais – tous ont une justification –, mais dans le manque de respect du client et la pression de certains directeurs qui ont compris le jackpot que représentent les comptes débiteurs.

    On ne gère pas ces cas comme une machine

    Il est bien plus compliqué de faire du résultat en étant compétent et en développant son portefeuille qu’en restant assis sur son bureau et en appuyant sur le petit bouton « rejet » de son ordinateur. Un prêt immobilier : 300 euros de frais de dossier pour des semaines de travail. Un chèque rejeté : 50 euros pour appuyer sur un bouton.

    Bien sûr que je rejette des prélèvements, des chèques et bloque des Cartes Bleues. Il s’agit de mon métier. En revanche, je n’ai jamais fait aucune opération sans appeler mon client avant (0 euro) afin de faire un point sur sa situation et n’ai jamais rejeté un prélèvement dont la somme des frais n’aurait pas fait baisser le débit de manière significative.

    On ne peut pas gérer ses débiteurs comme une machine. Chaque cas doit être étudié et réfléchi. On doit peser le ratio risque/intérêt client.

    Bloque-t-on vraiment la CB de la mère de famille qu’on n’arrive pas à prévenir et qui peut se retrouver en panne d’essence ou coincée à la caisse du supermarché ? Est-il cohérent de rejeter une facture de 20 euros qui coûtera la même somme en frais de rejet ? Rejette-t-on le prélèvement de Canal+ considéré comme un luxe par beaucoup de mes collègues mais qui est souvent la seule activité pour des clients totalement isolés socialement ? Comment donner des leçons à des gens à qui il reste 150 euros pour faire les courses une fois payés leur loyer et leurs assurances ?

    Nous avons le devoir moral de rester justes

    Ces questions, très peu de conseillers se les posent aujourd’hui et beaucoup ne se sentent aucune responsabilité vis-à-vis de leurs clients. Il est plus facile de matraquer un client à distance que de lui expliquer cela de vive voix.

    Ces commissions d’intervention ont un sens : faire des paiements sans provision oblige la banque à payer pour vous et elle prend le risque de ne pas avoir de couverture. Les agios également. Lorsque vous êtes à découvert, vous vivez à crédit et il est normal que ce crédit ait un taux débiteur.

    Je considère que la banque n’a aucune obligation de payer pour son client. Nous ne sommes pas un service public. En revanche, nous avons le devoir moral de rester justes dans nos décisions et nos pratiques.

    Voilà pourquoi cette réforme est une excellente nouvelle pour tous les clients en difficulté que leurs conseillers enfoncent par paresse ou incompétence, même si elle est moins bonne pour notre participation et notre intéressement.

    Quoique je ne m’inquiète pas : un de nos dirigeants arrivera sûrement à remplacer ces bonnes vieilles commissions par de nouveaux frais plus novateurs.

  • SOLDATS DE FORTUNE


    19/07/2013 à 14h26

    Des mercenaires français pour protéger le président centrafricain

    Pierre Haski | Cofondateur Rue89


    Le président issu du coup de force de mars 2013, Michel Djotodia à son arrivée à Bangui (SIA KAMBOU / AFP)

    Une vingtaine de mercenaires français, pardon, d’employés d’une société de sécurité privée, assurent depuis peu la protection rapprochée du président issu du coup de force armé de mars dernier en République centrafricaine, Michel Djotodia.

    « Mercenaire », c’est pourtant ainsi qu’un officiel français cité par le site de Jeune Afrique qualifie ces hommes dont Paris tente en vain de demander le renvoi par les nouveaux maîtres de Centrafrique, qui ont bien du mal à consolider leur pouvoir.

    Depuis quelques jours, ajoute Jeune Afrique, l’ambassade de France à Bangui tente de convaincre le président Djotodia de les renvoyer :

    « Elle cherche aussi la faille juridique dans le contrat conclu avec ces retraités très spéciaux de l’armée française. Mais ceux-ci appartiennent à une société,Roussel G-Sécurité, immatriculée dans l’État du Delaware, aux États-Unis.

    “ On n’a aucun moyen de pression sur eux ”, reconnaît-on à Paris. »

    Du 3e RPIMa à Bangui

    Selon La Lettre du Continent, c’est un ancien du célèbre 3e RPIMa (Régiment parachutiste d’infanterie de marine), Jérôme Gomboc, qui commande cette petite armée privée au camp Roux, à Bangui, pour le compte de la société Roussel, qui est en fait basée à Fréjus.


    Le logo de la société Roussel qui a remporté le contrat centrafricain (capture d’&eacute ; cran)

    Roussel a de nombreuses activités de sécurité privée, dont la société fait état sur son site, assurant la protection de concerts, de camps de vacances ou de grands magasins de grandes enseignes.


    Sur le site de Roussel (capture d’écran)

    Mais, dès la page d’accueil, elle donne comme « référence » la République centrafricaine, en reproduisant les armoiries de la RCA, et un écusson de formateur de la garde présidentielle centrafricaine.

    En faisant appel à une société militaire privée, le nouveau pouvoir centrafricain se dote de moyens militaires que la France lui refuse, dans un climat de confusion politique, militaire et humanitaire totale.

    La semaine dernière, cinq ONG françaises (Médecins Sans Frontières, Action Contre la Faim, Médecins du Monde, Première Urgence-Aide Médicale Internationale et Solidarités International) avaient lancé un appel urgent à renforcer l’action des Nations unies en Centrafrique, « alors que le pays est plongé dans le chaos et l’instabilité politique et que les besoins des populations sont criants ».

    Elles ajoutaient :

    « Au moment où se profilent une dégradation nutritionnelle et un important pic de paludisme, ce désintérêt aggrave encore une crise humanitaire particulièrement alarmante. Confrontée depuis des décennies au chaos politico-militaire, la République Centrafricaine (RCA) est devenue un contexte d’urgence humanitaire et médicale chronique. »

    La Séléka au coeur du problème

    Dans ce contexte, les anciens rebelles de la coalition Séléka qui ont pris Bangui en mars dernier non seulement ne parviennent pas à stabiliser la situation, mais font partie du problème. Fin juin, Bangui connaissait une nouvelle flambée de violences faisant six morts, et au cours desquelles les ex-rebelles pourtant au pouvoir ont été accusés de pillages, notamment au Crédit mutuel de Centrafrique.

    L’arrivée des hommes de Roussel à Bangui apporte un élément de tension supplémentaire en venant renforcer le pouvoir du président de transition alors que c’est du côté des forces multinationales, africaines ou onusiennes, que l’on attendrait des renforts.

    D’où la tension avec la France, qui redoute surtout d’être associée aux luttes pour le pouvoir à Bangui, dans la meilleure tradition de la Françafrique qui a longtemps sévi dans ce pays.

    D’autant que si les hommes de Roussel venaient à être considérés comme des « mercenaires », ils seraient passibles de poursuites en France où cette activité est proscrite depuis une loi de 2003.

    Eloge de la sécurité privée

    Cette affaire centrafricaine survient alors qu’un débat a été lancé en France, l’an dernier, par un rapport parlementaire qui prenait ouvertement parti en faveur de la légalisation en France des sociétés militaires privées (SMP), sous prétexte que le « marché » est dominé par les anglo-saxons.

    Les rapporteurs (au cours de la précédente législature), Christian Ménard (député UMP du Finistère) et Jean-Claude Viollet (député PS de Charente), se lamentaient :

    « Le développement du secteur en France semble pâtir de la mauvaise image accolée aux prestations privées touchant à la défense. Leur offre souffre d’un amalgame avec les activités de mercenariat ».

    Et Christian Ménard déclarait même au NouvelObs.com qu’un des avantages des SMP pouvait être d’assurer « une porte de sortie pour les militaires à la retraite et qui souhaitent se reconvertir ». Comme les anciens du 3e RPIMa présents à Bangui...

    Un autre avantage de cette privatisation, aux yeux des rapporteurs de droite comme de gauche, serait de permettre de faire des choses que les Etats ne peuvent pas assumer. Les exemples abondent, en Afrique, en Irak ou en Afghanistan...

    En attendant, la France a une affaire de mercenaires, ou de prestataires de services privés si on préfère, sur les bras. Au coeur d’une poudrière africaine qui s’appelle Bangui.

  • INTERNET À DEUX VITESSES


    19/07/2013 à 19h29

    Comment Bruxelles se prépare à enterrer la neutralité du Web

    Philippe Vion-Dury | Journaliste Rue89

    Décidément, l’année 2013 n’aura pas été faste pour l’Internet tel qu’il avait été pensé par ses géniteurs : libre, anonyme et égalitaire.

    Le quotidien économique allemand Handelsblatt affirme être en possession d’un document prouvant la volonté de la Commission Européenne d’enterrer la neutralité du Web.

    La proposition, téléguidée par la commissaire européenne chargée de la société numérique, Neelie Kroes, vise à laisser libres les opérateurs Télécom de décider de la bande passante qu’ils désirent allouer aux sites internet.

    Jérémie Zimmerman, cofondateur de l’organisation de défense des droits etlibertés des internautes La Quadrature du Net, réagit vivement :

    « C’est un habillage très subtil, qui n’en détruit pas moins la neutralité du Net. En autorisant la limitation des données et les deals sur la qualité du trafic, on ne fait pas de discrimination, mais on n’interdit pas la discrimination. »

    Un principe indissociable de l’Internet

    Le neutralité du Web est un principe qui signifie que les opérateurs de Télécom n’ont pas le droit de discriminer les contenus ou la vitesse de leur diffusion, se cantonnant au rôle de simple transmetteur d’information.

    Le Conseil de l’Europe l’avait définie ainsi en septembre 2010 :

    « Les utilisateurs doivent avoir le meilleur accès possible au contenu en ligne, aux applications et aux services de leur choix – qu’il soit ou non gratuit – en utilisant le périphérique qui a leur préférence.

    Un tel principe général, communément appelé neutralité du net, doit être appliqué sans tenir compte de l’infrastructure ou du réseau utilisé pour se connecter à Internet. »

    Ce principe est si fondateur de l’identité d’Internet que plusieurs pays – le Chili, la Slovénie et les Pays-Bas – l’ont même codifié dans leur législation. L’Union Européenne avait fait un pas dans ce sens avec l’amendement 138 du « Paquet Télecom ».

    Adopté en première et deuxième lecture par le Parlement européen, il a finalement été abandonné au profit d’une simple déclaration en faveur de la neutralité.

    Vers un Internet à deux vitesses

    La neutralité est confrontée à un obstacle inattendu : la Toile est saturée – on parle de « congestion du réseau ». A titre d’exemple, l’entreprise californienne Cisco prévoit que le trafic vidéo aura doublé d’ici 2017 ; à titre d’exemple, Youtube est aujourd’hui consulté 4 milliards de fois par jour.

    La réponse des fournisseurs d’accès Internet repose sur la logique suivante : qui dit plus de trafic dit de plus grosses infrastructures, donc des coûts qui augmentent. Des coûts qu’ils ne peuvent pas prendre en charge, et qu’ils veulent reporter sur les gros fournisseurs de contenus.

    On pourrait presque se laisser séduire par l’idée de faire payer les mastodontes du Net. Sauf que le projet de la Commission précise que les négociations portent sur le « traitement des volumes de données » ou « la transmission de trafic ». Il n’est donc pas question ici de taxer, mais bien de négocier la priorité sur la bande passante.

    On voit venir le loup : un Internet à deux vitesses, où les sites qui ont les moyens s’achèteront la priorité et le luxe de la vitesse, tandis que les autres prendront les miettes, où les internautes enragés pourraient être bridés une fois la limite de trafic atteinte.

    Un boulevard ouvert aux poids lourds du Net

    Imaginons par exemple que Youtube négocie un contrat avec Orange et pas avec Free. Les abonnés du premier pourraient accéder facilement aux vidéos, tandis que les abonnés du second rencontreraient des difficultés de visionnage.

    Imaginons encore que le contrat qui lie Orange avec Youtube soit plus important que celui qui le lie avec Dailymotion. Les vidéos du premier seraient accessibles plus aisément que celles du second, risquant de fait d’étrangler concurrent français.

    Un rapport [PDF] de la direction générale du Trésor évoquait le bouleversement de l’équilibre économique des fournisseurs de contenus si l’on venait à prioriser la bande passante. Les risques :

    • seuls les acteurs puissants seraient capables de payer des redevances élevées pour que leurs flux soient prioritaires ;
    • une hausse des prix d’accès aux services en ligne due à l’appauvrissement de la concurrence ;
    • « l’oligopolisation » du marché : les opérateurs Télécoms investiraient finalement eux-même dans le secteur des contenus et donneraient la priorité à leurs propres contenus, plutôt que ceux des concurrents.

    L’offensive des opérateurs Télécom

    Le géant allemand Deutsche Telekom a été le premier à lancer la charge enannonçant en avril dernier sa volonté de réduire la vitesse d’internet de ses abonnés, une fois la limite de données mensuelle atteinte. Ceux qui veulent surfer plus rapidement (ou retrouver le niveau du début du mois) devront payer.

    En France aussi la neutralité du Web vacille. Le fournisseur d’accès à Internet Free et Youtube ne s’entendent plus très bien depuis plusieurs mois. A l’origine du litige : la décision de Free de brider le flux des vidéos Youtube à ses abonnés. L’entreprise française estime que les vidéos du site racheté par Google sont gourmandes en bande passant,e et que Youtube devrait donc payer pour cette mobilisation importante des moyens de Free.

    Le vrai problème ici, c’est que les abonnés de l’opérateur sont discriminés dans leur accès aux contenus par rapport aux abonnés des autres opérateurs.

    Le saut périlleux de Neelie Kroes


    Neelie Kroes, le 17 septembre 2007 (VIRGINIA MAYO/AP/SIPA)

    Ces illustrations rappellent surtout combien la neutralité est fragile face à la monétisation à marche forcée du Web. Neelie Kroes avait pourtant pris ses fonctions en affirmant l’inviolabilité du principe. Jérémie Zimemrman :

    « Le jour où elle est entrée en fonction, elle avait fait des déclarations dithyrambiques sur la neutralité.

    Ensuite, le Parlement lui a donné six mois pour mener une enquête sur le sujet lors du Paquet Télécom de 2009. Elle en a pris dix-huit, pour rendre une étude complètement creuse de douze pages seulement. »

    Une preuve du lobbying forcené que mènent les opérateurs selon le fondateur de l’ONG.

    En France, le débat est avancé mais reporté

    L’état actuel des législations en Europe laisse planer le doute sur l’avenir de la neutralité. Les textes mettent l’accent sur la transparence des opérateurs, plus que sur la mise en place de garde-fous effectifs. Jérémie Zimmerman :

    « La logique des législateurs est basée sur une logique de concurrence : avec plus de transparence, les abonnés seront conscients des deals et conditions de leur opérateur, et choisiront donc eux-mêmes. »

    En France, l’état du débat est assez « assez avancé », et le respect de la neutralité faisait partie des promesses du candidat Hollande. Il aura tout de même fallu six mois à Fleur Pellerin, la ministre chargée de l’Economie numérique, pour mettre en place une « simple table ronde ».

    Finalement, une « grande loi » est prévue à l’horizon 2014, mais le porte-parole de la Quadrature du Net affirme ne « pas avoir la moindre idée de ce qu’on trouvera dedans ». Alarmiste, il rappelle que « toute restriction d’accès à Internet est une entrave à la liberté d’expression ».