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Monde

  • Espionnage américain : molle indignation

    Tout homme politique et entrepreneur sait que les affaires sérieuses ne se traitent qu’en tête-à-tête.

    Par Guy Sorman.

    Vidéosurveillance (Crédits Paweł Zdziarski, licence CC-BY 2.5)

    Vidéosurveillance (Crédits Paweł Zdziarski, licence CC-BY 2.5)

    François Hollande a mollement protesté auprès de Barack Obama : le service minimum. Car l’espionnage est aussi ancien que les États eux-mêmes ; seuls les moyens se perfectionnent. On se contentait naguère d’ouvrir les correspondances diplomatiques. Aujourd’hui, les gouvernements écoutent et observent à tout-va, les étrangers et leurs propres citoyens. On rappellera que François Mitterrand avait créé à l’Élysée une cellule secrète pour écouter les conversations téléphoniques de ses adversaires présumés : c’était illégal. Pour nous protéger du terrorisme, les services français pourront maintenant écouter toutes les conversations et ce sera légal. Les Américains, de leur côté, ont toujours espionné les dirigeants français, à commencer par le Général de Gaulle, dont ils se méfiaient énormément. Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy savaient qu’ils étaient écoutés et ne traitaient jamais de la moindre affaire confidentielle sur des téléphones non sécurisés.

    Il ressort de Wikileaks que les Américains n’ont jamais appris, par les écoutes, la moindre information significative. Tout homme politique et entrepreneur sait que les affaires sérieuses ne se traitent qu’en tête-à-tête. Du côté français, on espionne les Américains depuis fort longtemps, mais moins les politiques que les entreprises : la spécialité française est l’espionnage industriel, à l’initiative de l’État ou des entreprises. Ce qui valut à la France par le passé quelques expulsions de diplomates chassés des États-Unis. Si l’espionnage politique ne sert à rien – c’est du voyeurisme – l’espionnage industriel est-il plus efficace ? Il n’aura pas comblé le retard français sur les Américains dans l’innovation de pointe.

    La morale de cette querelle transatlantique est qu’il n’y a plus vraiment de secrets : tout se sait ou tout peut se savoir, en particulier ce qui transite par le téléphone et internet. Si l’on ne veut pas être espionné, chuchotons et n’écrivons plus. On se demande aussi ce que les agences d’espionnage, NSA aux États-Unis, DGSE en France, font des millions d’informations inutiles qu’ils recueillent : Wikileaks révèle qu’elles sont inexploitables et très banales.

    Envisageons que l’espionnage relève du voyeurisme autant que de la sécurité et qu’il remplace bien inutilement, l’intelligence des faits.

    Guy Sorman

  • A la Dominique, la croisière n’amuse pas

    Quelques coups de boutou [1] derrière le crâne viennent parachever les derniers élans d’une résistance vaine. Le gommier [2] chaloupe sous le poids de l’animal hissé péniblement à bord : un thon jaune d’une cinquantaine de kilos. Les visages se décrispent alors qu’on recouvre le poisson de feuilles de bananier sèches. Les deux pêcheurs relèvent la tête et s’épongent le front. Face à eux, à une quinzaine de kilomètres, se dessine le profil escarpé de l’île caribéenne de la Dominique. Une dizaine de volcans crevant les nuages à plus de 1 000 mètres d’altitude, des mornes aux pentes abruptes [3], couverts d’une végétation dense, qui tombent à pic dans une mer d’un bleu intense.

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    La baie de Kashakrou (Soufrière) vue depuis le village de Galion. Paysage volcanique typique de l’île.
    © Romain Philippon

    La capitale, Roseau, est une minuscule ville coloniale. Des rues parallèles bordées de vieilles maisons en pierre à un étage laissent rapidement la place à de modestes cases en bois sous tôles. Des enfants à la peau noire brillante remontent la rue dans des uniformes à cravate, les adultes vont au travail dans des chemises bouffantes et pantalons à pli, tailleurs pour les femmes. La pauvreté photogénique des Antilles anglophones…

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    Terrain de football de Pottersville, Roseau.
    © Ro. Ph.

    Des grappes de touristes se promènent dans les rues qui jouxtent le quai sur lequel accostent les bateaux de croisière. Peau blanche, chapeau large, short de bain, sandales. Parfum de crème solaire. L’appareil photographique noir avec téléobjectif se porte en pendentif, le petit appareil compact en bracelet argenté. Quelques hommes arborent un torse nu rougi par le soleil. Des femmes mûres portent un t-shirt flottant sur lequel il est écrit un « No problem » précédé du nom de l’une des îles visitée précédemment par le bateau. A la différence des maisons du centre-ville, la navire à quai peut compter jusqu’à quinze étages. Tel un immeuble de verre du centre-ville de Miami couché sur une barge et accosté le long de l’avenue principale de la capitale du pays le plus pauvre des Petites Antilles.

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    Touristes déambulant le long des stands installés dans la zone fermée.
    © Ro. Ph.

    Le tourisme de croisière débute à la Dominique au milieu des années 1980. Ceux qui ne veulent plus de contact avec l’Occident esclavagiste ont été « pacifiés » par les forces de police du pays fraîchement indépendant. Quelques leaders ont été tués ou emprisonnés. On ne peut désormais plus jeter de pierres sur ces visiteurs blancs [4]. En 1991, il y a déjà à la Dominique chaque année plus de croisiéristes que d’habitants (environ 70 000 habitants aujourd’hui). En 1996, ils sont trois fois plus nombreux. Un pic est atteint en 2010 avec plus d’un demi million de touristes. Mais à la fin de l’année 2010 une grande compagnie maritime déprogramme la venue de quelques-uns de ses navires. Pour la première fois depuis des années, le quai de Roseau restera désert certains mois durant la basse saison. En un an, la fréquentation connaît une baisse de 35 %, présentée localement comme un cataclysme [5].

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    Un groupe de touristes accompagnés par le guide d’une agence vers le minibus qui les emmènera en visite.
    © Ro. Ph.

    Roseau compte deux immeubles. Le premier est gris et austère. Il date visiblement de la fin des années 1970 et rappelle tristement l’architecture soviétique. Il s’agit du siège du gouvernement, probablement construit au moment de l’accession à l’indépendance en 1978. Un double escalier central ouvert mène aux petits bureaux qui hébergent les différents ministères. Deux par palier. En face se trouve un bâtiment jaune climatisé à la façade de verre.

    Deux ascenseurs mènent aux étages qui abritent notamment le bureau des statistiques nationales, les bureaux de l’Eastern Caribbean Bank et le bras exécutif du ministère du tourisme : la Discover Dominica Authority (DDA). Le bureau du directeur de la DDA, Colin Piper, est décoré de plaques dorées vantant la qualité de service, récompenses de compagnies croisiéristes. Quelques trophées en plastique d’employés du mois, une petite collection d’ouvrages touristiques français et anglais sur la Dominique. Le tout sous vitrine. Colin Piper est un jeune homme dynamique, dans la trentaine, de complexion claire. Il porte une chemise, une cravate et un badge. Il a fait ses études aux États-Unis.

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    Un chauffeur de taxi indépendant essaye d’attirer l’attention des croisiéristes puerto-ricains depuis la barrière empêchant l’accès à l’avenue du front de mer (Gauche). Couple de touristes à proximité du marché d’artisanat (Droite).
    © Ro. Ph.

    « Avant, c’était l’île nature », nous explique-t-il. Depuis les années 1980 de nombreux touristes visitent en effet la Dominique différemment. Le lieu est bien connu par les amateurs de tourisme vert et de plongée. Il s’agit de l’île la plus montagneuse et la mieux conservée de la région. Elle compte d’innombrables rivières, des sources chaudes noyées dans la végétation, un lac d’eau bouillante situé au cœur d’un cratère volcanique et des paysages à couper le souffle. A la différence des croisiéristes, les touristes de séjour passent plusieurs jours dans l’île. Ils dorment dans les hôtels locaux, mangent dans les petits restaurants et consomment beaucoup plus. En moyenne, d’après le directeur de la DDA, un croisiériste dépense l’équivalent de 35 euros par jour quand un touriste de séjour dépense plus de 100 euros. Sur une année, les recettes touristiques liées au tourisme de croisière s’élèvent à moins de 12 millions d’euros. Les recettes liées au tourisme de séjour sont sept fois plus élevées. « Quand nous avons commencé la croisière [à grande échelle] certains ont fait beaucoup de bruit » continue Colin Piper...

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    Des chauffeurs de taxi indépendants tentent d’attirer un client isolé qui n’a pas réservé de tour auprès d’une agence.
    © Ro. Ph.

    Car contrairement à ce qu’affirme le directeur de la DDA, ces deux formes de tourisme ne sont pas complémentaires. Loin de là. Ken Hill est directeur d’une petite agence de voyage spécialisée dans les excursions à l’intérieur de l’île. Son entreprise en propose à la fois aux touristes de croisière et aux touristes de séjour. Pour cet homme noir d’une cinquantaine d’années, polo uni à l’effigie de son entreprise, jean et chaussures de randonnée aux pieds, le tourisme de croisière est devenu nécessaire. Mais « les touristes de séjour prennent très mal de voir arriver sur les sites d’intérêt des centaines de visiteurs débarqués des bateaux de croisière », explique-t-il.

    Les premiers marchent, par petits groupes, sac sur le dos, et visitent à un rythme lent des sites réputés pour leur calme et leur végétation extraordinaire. Les seconds descendent du bateau par milliers, se déplacent en cohortes bruyantes et n’ont que quelques heures pour voir les lieux les plus réputés avant de lever l’ancre à 16 heures. Pour eux, le parking des chutes de Traffalgar ou de Emerald Pool se transforment en marché d’artisanat, où dominent les produits made in China et des groupes de musique folklorique surfaits. Le doudouisme a toujours la côte dans ces espaces aux ambiances madras et chapeaux bakoua.

    Ces touristes ne sont pas les seuls à se plaindre de la vue des croisiéristes. Les pancartes « Tourism is everybody business », installées par le gouvernement à l’entrée des villages il y a quelques années, ont rapidement disparu. Il n’en reste aujourd’hui que les moignons métalliques. Seules les publicités télévisées peuvent encore distiller ce message, avant les émissions locales dans lesquelles des personnes à l’accent britannique débattent sans fin des mille et une façons de mieux recevoir les croisiéristes pour qu’ils reviennent toujours plus nombreux.

    Dans la ville un homme à bout s’énerve et insulte un chauffeur qui tente d’attirer quelques touristes : « Magie [6] ! Vous dites que c’est le business de tout le monde mais on ne peut même plus trouver un bus pour aller travailler ! » « Partez tous ! », s’écrie un autre, les yeux exorbités.

    Une partie de la population est visiblement de plus en plus agacée : l’avenue principale de la capitale est fermée à la circulation pour permettre aux croisiéristes de flâner entre les cybercafés et des magasins hors taxes, la circulation et les livraisons sont rendues difficiles et les chauffeurs de bus préfèrent tenter leur chance auprès de ces touristes que de faire les habituels allers-retours entre les villages et la capitale. On les trouve malpolis... Et surtout, on peine à voir les bénéfices de cette activité pourtant très lucrative. Résultat, d’après Yvonne Armour, présidente de la Dominica Hotel and Tourism Association [7], quand ils remontent à bord du navire, les touristes se plaignent des comportements antisociaux de la population…

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    Le port et le centre ville, zone réservée
    La principale avenue de la capitale est fermée et réservée aux touristes lorsqu’un bateau de croisière est accosté en ville. La sécurité veille à ce que les taxis indépendants ne puissent pas pénétrer la zone réservée aux agences (Gauche). Les touristes des bateaux de croisière tels que les verront la plupart des Dominicais, de l’autre coté de la vitre fermée, dans un bus climatisé (Droite). 
    © Ro. Ph.

    Sur le port, nous rencontrons une ancienne vedette de la scène locale de Calypso. Un homme noir, grand et sec, qui approche les 70 ans. Pour survivre, il se mêle aujourd’hui au groupe des taxis indépendants qui tentent de proposer des excursions à ces touristes de croisière, en dehors des circuits pré-vendus par les grosses agences locales. « Le tourisme de croisière est devenu une drogue pour nous... ».

    Ces chauffeurs et guides travaillant à leur propre compte sont devenus en quelques années la bête noire du gouvernement, des agences locales et des compagnies de croisière américaines. « Ils cannibalisent le marché », nous affirme le directeur de la DDA. Daniel Nunez, directeur d’une petite agence proposant des excursions va dans le même sens. La baisse récente de fréquentation de l’île par les paquebots serait liée, entre autres choses, au « harcèlement » des taxis indépendants.

    D’après le ministre du tourisme Ian Douglas ces chauffeurs privés ont pris une part trop importante du marché aux agences locales, ce qui explique la désaffection des compagnies croisiéristes. Ces dernières prennent entre 25 et 35 % de marge sur les excursions qu’ils proposent à terre. En général, lorsque les indépendants prennent plus de 40 % du volume total de visiteurs à ces agences, la compagnie se retire pour chercher des bénéfices plus importants dans les îles voisines…

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    Une touriste américaine devant le bateau de croisière.
    © Ro. Ph.

    Au gouvernement de faire en sorte que cela ne se produise pas. La législation sur la certification pour exercer le métier de taxi indépendant est devenue de plus en plus contraignante ces dernières années. Début 2013, le ministère a été jusqu’à mettre en place l’initiative des « premium access passes » : les jours où un bateau de croisière est à quai, seules les agences peuvent acheter des tickets d’accès aux principaux sites touristiques avant 13h. Quant à l’accès au quai, il est interdit aux taxis indépendants durant la descente des croisiéristes.

    Seules les agences ont le droit de garer leurs véhicules à proximité du navire et leurs agents sont les premiers à pouvoir proposer leurs services, y compris aux plus indécis qui n’ont pas réservé une excursion depuis le bateau. De l’autre côté des grilles, surveillées par des policiers armés de matraques et les agents de sécurité du port, les indépendants doivent attendre leur tour. « On ne ramasse que les petits poissons qui s’échappent du filet », se plaint amèrement le chanteur de calypso.

    Les bénéfices générés par la croisière, à la Dominique comme ailleurs, se répartissent entre les firmes de croisière, les agences de voyage locales qui organisent les excursions dans l’île, les taxis indépendants et les commerçants. Les firmes croisiéristes sont dominées par trois entreprises américaines en situation d’oligopole, qui contrôlent 80 % du marché caribéen (Carnival, Royal Caribbean et Norwegian Cruise Line). Ces compagnies tirent des bénéfices des cabines qu’elles louent sur leur bateaux, des alcools et des attractions vendues à bord (casino, cinéma, soirées, etc.) et des marges sur les excursions proposées par les agences de voyage locales. Ces firmes sont les véritables moteurs du tourisme de croisière et en sont les principaux bénéficiaires.

    Les seules excursions à la Dominique leur rapportent environ 5 millions de dollars [8]. Et une croisière normale représente six escales de ce genre durant la semaine. Les agences de voyage locales sont les autres grandes gagnantes de ce business, qui se négocie en tête à tête avec les compagnies croisiéristes au Seatrade, organisé chaque année à Miami par la Florida Caribbean Cruise Association (FCCA).

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    Un indépendant qui a réussi à pénétrer dans la zone fermée tente discrètement de proposer un tour à un petit groupe de touristes.
    © Ro. Ph.

    Le schéma classique dans la Caraïbe veut qu’une agence locale se place en situation de quasi-monopole, tandis que quelques concurrents plus petits se disputent les miettes. A la Dominique cette agence s’appelle la Whitchurch Limited. D’après la DDA, la firme contrôlerait environ 80 % des excursions. L’agence de voyage n’est d’ailleurs qu’une de ses nombreuses branches d’activité : import-export, services financiers, vente de gros et de détail (nourriture, matériaux de construction)... Pour les seules excursions proposées aux croisiéristes, la Whitchurch réalise un bénéfice net avoisinant les 5,6 millions de dollars [9].

    Lorsque nous avons demandé au ministère du tourisme et à la DDA des lettres d’introduction pour rencontrer et interviewer les responsables des agences de voyage locales, nous avons reçu quatorze enveloppes. Seule manquait la lettre destinée à… Gerry Aird, le directeur général de la Whitchurch Ltd ! Devant notre insistance, nous avons finalement pu nous présenter à lui muni d’un de ces courriers « recommandant fortement [le directeur] de [nous] recevoir et de nous accorder un entretien dans le cadre d’une étude soutenue par la DDA et le ministère du tourisme ». Averti par une secrétaire, un petit homme blanc, en fin de soixantaine, se dirige vers nous d’un pas rapide. Il est visiblement très agacé. Il ressemble furieusement à un béké de l’île voisine de la Martinique. Même teint, mêmes tâches sur la peau qu’on appelle les « fleurs de cimetière ». Il a les yeux clairs, ses cheveux blancs sont rabattus sur le côté et il porte une cravate rouge à fleurs jaunes. La lettre à en-tête de la DDA tremble entre ses doigts fins : « Pourquoi ils ne m’ont pas prévenu ? Nous sommes en contact tout le temps pourtant ! Je n’ai pas le temps ! Demain non plus ! Non, pas en fin de semaine. Nous sommes très occupés (...). Retournez les voir et dites leur de ne pas m’embarrasser ! »

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    Les croisiéristes partent avant tout pour des vacances sur un bateau de croisière. Pas pour les îles. Un touriste prend en photo le bateau.
    © Ro. Ph.

    Contrairement à la Whitchurch, le gouvernement dominicain tire très peu de bénéfices du tourisme de croisière. Certes, il existe des taxes sur l’activité : taxes portuaires, impôts sur les bénéfices des sociétés locales et taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Mais le rapport de force est tout à fait défavorable au gouvernement : la seule compagnie Carnival affiche un chiffre d’affaires annuel de plus de 13 milliards de dollars [10] quand le PNB de la Dominique dépasse à peine les 400 millions de dollars. Résultat, les taxes gouvernementales sont minimes : un total de 2,9 millions de dollars pour 2011. En contrepartie, il faut en premier lieu construire et entretenir les infrastructures portuaires pour accueillir ces géants des mers. Ces infrastructures sont extrêmement coûteuses et endettent le pays.

    Il faut aussi payer les salaires des nombreux fonctionnaires nécessaires à la bonne marche de l’activité et précéder sans cesse les nouvelles demandes pour s’assurer que les compagnies reviendront l’année suivante : renforcer la sécurité des sites, construire et entretenir des routes de bonne qualité vers le port, s’occuper du problème des drogués et des estropiés qui mendient en guenilles dans les rues, installer des poubelles, nettoyer. Les dernières études montrent que les touristes trouvent maintenant l’île trop bruyante...

    Tout dans le rapport annuel des comptes nationaux semble indiquer que l’opération est en fait nulle ou presque. Rares sont les îles tentant le bras de fer avec les compagnies pour augmenter leurs taxes. Les compagnies n’ont d’ailleurs dans ce cas là qu’à faire jouer la concurrence avec les îles voisines. Les retombées pour la population sont donc très faibles et se mesurent à l’aune des quelques emplois gracieusement « offerts ». « Nous pensons que le tourisme dans son ensemble génère 3 000 emplois », nous explique Colin Piper, « mais nous n’avons pas d’études sur la question ».

    Cette estimation large, qui agrège le tourisme de séjour, inclut aussi les centaines de vendeuses vivant très chichement de la vente occasionnelle d’un artisanat bon marché made in China aux couleurs de la Dominique. Elle inclut aussi les nombreux guides et chauffeurs des agences, qu’on appelle occasionnellement, la veille pour le lendemain, et qui gagnent alors en une journée l’équivalent d’une trentaine de dollars. Reste à espérer quelques pourboires car le coût de la vie augmente très rapidement en Dominique. Les emplois générés sont en outre peu qualifiés, les gérants des Duty free et des bars ciblant les touristes sont le plus souvent français ou nord-américains. En dehors de ces étrangers, seule la petite bourgeoisie claire locale a le capital pour investir dans les activités liées au tourisme.

    L’article publié dans le Chronicle du 8 février 2013, sur la baisse de fréquentation récente, n’a pas même la décence de mentionner les quelques retombées pour l’île. La seule chose signalée par le ministère et la DDA : « permettre aux opérateurs de croisières de faire plus d’argent en Dominique » [11] . Pour cela, c’est aux Dominicains qu’on en demande encore et toujours plus : « de la propreté de nos rues à la convivialité de notre population, nous devons faire tous les efforts... » Le tourisme de croisière à la Dominique, à l’image du reste de la Caraïbe, rappelle le titre de cette pièce de Shakespeare : « Beaucoup de bruit pour rien ».

    Déçues, les compagnies se retirent aujourd’hui de l’ïle, espérant trouver des marges plus alléchantes ailleurs...

    Cet article est la synthèse d’un projet de recherche financé par le Ceregmia, Centre d’Etude et de Recherche pluridisciplinaire de l’Université des Antilles et de la Guyane.

    Toutes les photographies sont de Romain Philippon

    Notes

    [1] Une matraque de bois lourd dans le créole des îles des Petites Antilles. Le mot dérive de langues amérindiennes.

    [2] Petite embarcation de pêche traditionnelle qu’on construisait encore récemment dans le tronc de l’arbre du même nom.

    [3] collines formées par les volcans inactifs

    [4] On lira sur cette période l’excellent Bayou of Pigs de Madison Stewart Bell.

    [5] Les chiffres sont ceux de la Caribbean Tourism Organization(CTO) et de la Discover Dominica Authority (DDA).

    [6] Littéralement « foutaises » en créole de la Dominique.

    [7] Lire « 18 % drop in cruise ship calls expected this season », Chronicle, 8 février 2013.

    [8] Les valeurs sont en dollars des États-Unis. Les calculs de bénéfice sont effectués en croisant l’étude de la FCCA sur les recettes touristiques dans la Caraïbe et les comptes nationaux publiés par le Central Statistics Services (CSS) de la Dominique.

    [9] Calcul réalisé en croisant les chiffres des comptes nationaux et des études de la FCCA.

    [10] D’après le rapport annuel de comptes de la compagnie (2009).

    [11] Article du Chronicleop. cit..

     

    vendredi 26 avril 2013, par Bruno Marques et Romain Cruse

     
  • L’OMS et l’Unicef:Solution Finale

    L’OMS et l’Unicef ont stérilisé des populations du tiers monde sous couvert de vaccination

     
         

    Après les scandales qui ont déjà secoué le Mexique, le Nicaragua et les Philippines, l’OMS et l’Unicef sont à nouveau mises en cause au Kenya pour avoir administré des produits stérilisants à l’insu des patients qu’elles prétendaient vacciner contre le tétanos.

    La Conférence épiscopale catholique du Kenya, qui administre de nombreux hôpitaux, a participé à la campagne de vaccination contre le tétanos organisée par l’OMS et l’Unicef en mars et octobre 2014 pour les patients de 14 à 49 ans. Face aux rumeurs qui circulaient, la Conférence épiscopale a demandé au ministre kenyan de la Santé, James Wainaina Macharia, de vérifier la composition des vaccins. Devant son refus, la Commission épiscopale a mandaté le laboratoire AgriQ Quest Ltd pour procéder à des expertises. Les expert ont constaté la présence de 24 à 37,5 % d’hormones beta humaines chorioniques gonadotrophiques (βhCG), une quantité largement suffisante pour provoquer la stérilité des patientes. Le ministre de la Santé a réfuté ces résultats, affirmant qu’il était impossible d’introduire des βhCG dans ces vaccins.

    La Commission parlementaire de la Santé a alors invité le ministère d’une part et la Conférence épiscopale d’autre part à lui présenter leurs travaux. Contrairement aux déclarations antérieures du gouvernement, il s’est avéré que celui-ci n’avait pas testé les vaccins avant leur inoculation. Aussi fournit-il alors 10 échantillons du vaccins qui s’avérèrent négatifs, tandis que la Conférence épiscopale en présenta 9, dont 3 s’avérèrent positifs. Le ministère de la Santé se retira du débat.

    Mgr Paul Kariuki Njiru, évêque d’Embu et président de la Commission de la Santé de la Conférence épiscopale catholique du Kenya, a alors largement communiqué, accusant l’OMS, l’Unicef et le gouvernement kenyan d’avoir délibérément inoculé à leur insu du βhCG à des patientes afin de les stériliser à leur insu.

    Le vaccin du tétanos s’administre en trois prises. Un tiers des doses étaient empoisonnées.

    L’Organisation mondiale de la santé n’a pas souhaité communiquer.

  • Biopiraterie

    Biopiraterie : comment des entreprises privées menacent de s’approprier des semences et des plantes

     
         

    Aider les chercheurs à cataloguer des semences, et se retrouver ensuite privés du droit de les planter : c’est la menace qui pèse sur les paysans français. Des entreprises privées nouent des partenariats avec des instituts de recherche publique pour collecter des graines dans les champs des éleveurs et des cultivateurs. Puis déposent des brevets, qui privatisent l’utilisation future de ces plantes et de leurs vertus, grâce à des failles réglementaires qui permettent aux multinationales de s’accaparer la biodiversité. « Aujourd’hui, un paysan qui partage ses ressources génétiques avec la recherche n’est plus protégé », dénonce la Confédération paysanne. Enquête sur ces nouveaux risques de biopiraterie.

    « On veut mutualiser nos semences, pas se les faire voler ! Non aux brevets sur le vivant ! ». Déguisés en bagnards, boulets aux pieds, une dizaine de paysans déambulent dans les allées du Salon de l’agriculture ce 23 février. Direction, le stand de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra). Pourquoi cet institut de recherche est-il dans la ligne de mire de la Confédération paysanne ? Tout a commencé par un banal coup de fil. Jean-Marc Arranz, animateur à la Chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques, est contacté au printemps 2014 par un centre de ressources génétiques (CRG), basé à Lusignan en Poitou-Charentes. Il a déjà entendu parler de cette « banque publique de graines » rattachée à l’Inra. Ce centre collecte, répertorie et stocke des échantillons de plantes et de graines. Ses chercheurs s’intéressent justement aux semences pyrénéennes et « souhaitaient discuter des modalités d’une collecte de graines chez des éleveurs », explique Jean-Marc Arranz.

    Les éleveurs donnent leur accord sur le principe, mais certains s’inquiètent d’un risque de biopiraterie : quelles sont les garanties que, suite à la collecte de l’Inra, des entreprises privées ne brevettent les caractéristiques des plantes identifiées qui deviendront ainsi leur propriété ? « Nous ne voulons pas nous retrouver dans la situation des éleveurs en Italie : il y a eu un prélèvement de trèfle dans la montagne et des entreprises sont venues ensuite réclamer des royalties aux paysans. C’est ce qui s’est aussi passé pour le riz basmati en Inde », craint Pascale Rey, éleveuse laitière installée en vallée d’Aspe. Une discussion s’engage entre les éleveurs de la Chambre d’agriculture et le CRG. Rapidement, l’échange bute sur quelques détails pour le moins... épineux.

    Lire la suite de l’article sur bastamag.net

  • TOUCHEZ-MOI, S'IL VOUS PLAÎT !

     

     

    Par Alain Korkos le 16/02/2015

    Un David qui cache son sexe avec ses mains, une Joconde tout ébouriffée, une Jeune fille à la perle avec du rouge à lèvres sur la joue : telles sont les trois réclames assurant actuellement la promotion du Museo Tiflológico de Madrid…


    Le Museo Tiflológico de Madrid est un espace créé en 1992 par la la Organización Nacional de Ciegos Españoles (ONCE), l'organisation nationale des aveugles espagnols. Son accès est gratuit. On y trouve des maquettes de monuments, des reproductions d'oeuvres que les aveugles peuvent toucher, des oeuvres créées par des mal-voyants ou des aveugles. (L'adjectif tiflológico vient du mot grec tiflós, aveugle. En Espagne, il s'applique aux aspects culturels et historiques de la cécité.)

    Please Touch, Touchez-moi s'il vous plaît, nous dit le slogan de ces trois publicités rigolotes dans lesquelles des chefs-d'oeuvre universels ont été un peu bousculés par des aveugles. Dommage que ceux-ci ne puissent pas les voir…

    Voici quelques autres réclames les concernant, ou les mettant en scène. 

    Trois images canadiennes datées de 2012 pour la fondation Mira, qui fournit des chiens d'aveugles. Trois labyrinthes menant de la maison au travail, de la table de restaurant aux toilettes, et du banc au marchand de glace dans le parc :


    Mais le plus intéressant est peut-être le logo de la fondation Mira qui mélange un portrait et deux têtes de chien, rappelant ainsi le fameux vase de Rubin :


    Voici maintenant une publicité chilienne de 2009 à propos d'aliments pour chiens : Bad Food Bad Dog, Mauvaise nourriture mauvais chien. La chute n'est pas loin, elle viendra plus tard, attendez un peu…


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    Trois réclames de 2008 pour la Thailand Caufield Foundation for the Blind, la fondation thaïlandaise pour aveugles Caufield. Regardez bien ces images pas faciles à décrypter au premier coup d'oeil (ah ah ah), observez les mains des personnages :


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    Une publicité française enfin, datée de 2008, pour une marque de fringues. Avec un type voyant qui court sur un passage pour piétons en entraînant un aveugle, un panneau routier montrant un personnage qui traverse, et un clown à ballons de baudruche qui court. Live Fast, Vivez vite :


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    Cette réclame évoque un tableau célèbre qui aurait pu être utilisé par le musée pour aveugles de Madrid, La parabole des aveugles guidant des aveugles peinte par Pieter Bruegel l'Ancien en 1568 avec une vraie chute finale dedans, badaboum !


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