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Empire

  • I AM A MAN, DE MEMPHIS À FERGUSON

     

    Dans un Vite dit paru ici cette semaine et intitulé Ferguson / Photos : retour aux années 60, il était question d'un article du New York Times traitant des images de Ferguson qui ne seraient pas sans rappeler celles de la lutte pour les droits civiques des années 60. Des images qui se ressemblent, sans aucun doute :


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    Photo © Whitney Curtis pour le New York Times


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    Photo © Danny Lyon / Etherton Gallery


    « Certains échos visuels des années 60, comme l'utilisation de chiens par la police de Ferguson, ne sont probablement pas intentionnels », écrit le NY Times (on ose l'espérer !).


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    Photo © David Carson


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    Photo © David Carson


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    Photo © Bill Hudson / AP


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    Photo © Charles Moore


    « Mais du côté des manifestants, continue le quotidien, on a délibérément fait des efforts pour évoquer les manifestations non-violentes de l'époque de la lutte pour les droits civiques. Avec, notamment, ces t-shirts au slogan I Am A Man emprunté aux panneaux brandis pendant la grève des éboueurs de Memphis en 1968. »

    Ici le NY Times se trompe, aucune photo prise à Ferguson ne montre de tels t-shirts. L'inscription, en revanche, se retrouve sur des panneaux brandis (voir plus loin).

    Cela dit, la grève des éboueurs de Memphis est historique : le 1er février 1968, deux éboueurs noirs, qui n'avaient pas le droit de s'abriter de la pluie ailleurs qu'à l'arrière des camions-benne, furent broyés par l'un de ces camions. La grève fut déclarée le 12. Le maire la déclara illégale, recruta des "jaunes" (forcément blancs) pour vider les poubelles.

    De nombreuses manifestations non-violentes eurent lieu ; les employés municipaux noirs y dénoncèrent, en brandissant des panneaux portant les mots I Am A Man, ces deux morts atroces ainsi que leurs conditions de travail dangereuses et la discrimination qu'ils subissaient par rapport aux éboueurs blancs.


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    Photo © Ernest C. Withers, 28 mars 1968


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    Photo © Richard L. Copley, Memphis, 1968


    Martin Luther King rencontra les grévistes le 18 mars, participa dix jours plus tard à une manifestation au cours de laquelle un adolescent de seize ans fut tué par la police. Il fut quant à lui assassiné le 4 avril, au Lorraine Motel de Memphis. Le 8, 42 000 personnes manifestaient silencieusement dans la ville. Le 16, la municipalité se pliait aux exigences des éboueurs grévistes.

    La phrase I Am A Man est une référence à Am I Not A Man And A Brother (Ne suis-je pas un homme et un frère), slogan de la britannique Society for the Abolition of the Slave Trade créée en 1787 par des Quakers. Voici son emblème, abondamment copié :

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    Emblème de la société des Amis des Noirs,
    créée à Paris en 1788


    À Ferguson, aujourd'hui, on défile en brandissant des panneaux I Am A Man.

    « Diane McWhorter, continue le NY Times, auteure de Carry Me Home: Birmingham, Alabama, the Climactic Battle of the Civil Rights Revolution, dit qu'elle a également vu des échos de ces pancartes dans les bras levés des manifestants. Il s'agit là d'une image instantanément reconnaissable qui semble née de la rapidité avec laquelle les nouvelles circulent sur internet, et qui à son tour contribue à cette rapidité. Dans le premier cas, les pancartes I Am a Man sont une sorte d'affirmation massive d'humanité ; dans le second, celui des mains levées, c'est une manifestation de masse d'innocence. Deux images très fortes. »

    Le même pouvoir suggestif parce que dans les deux cas ce sont des milliers de personnes qui disent Je suis un homme, Ne tirez pas.


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    Photo © Wiley Price / St Louis American


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    Pendant ce temps, note enfin le NY Times, certains historiens s'inquiètent de ces rapprochements Ferguson 2014 / Droits civiques années 60 : « Nous pouvons regarder ces images et dire que Ferguson est comme Los Angeles ou Birmingham parce que ça y ressemble, dit le professeur Berger. Mais si nous devons nous demander "Qu'est-ce qui est pareil ?" nous devons aussi nous demander "Dans quelle mesure l'Amérique a-t-elle changé ?" Histoire d'avoir une conversation qui ne s'arrête pas aux brutalités policières, ce qui ne nous mène pas très loin. »

    Certes. Il est vrai qu'une image ne dit pas tout, loin de là. Ou bien elle dit tout et son contraire, selon la légende qu'on y appose. Mais tout de même. Les rapprochements sont nombreux :

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    Si en 1968 les éboueurs de Memphis soutenus par Martin Luther King ont choisi leur slogan I Am A Man en s'inspirant de la devise des abolitionnistes du XVIIIe siècle Am I Not A Man And A Brother et si les manifestants de Ferguson brandissent ces jours-ci des pancartes I Am A Man, cela signifie peut-être que rien n'a vraiment changé. L'esclavage fut aboli en 1863, la déségrégation commença lentement en 1954, mais aujourd'hui encore c'est un policier de Ferguson qui traite les Noirs d'enculés d'animaux…


     … après qu'un autre a abattu un jeune homme noir nommé Michael Brown (et l'on pense à Trayvon Martin, abattu par un vigile volontaire le 26 février 2012, voir cette précédente chronique). Dans les faits, rien n'a vraiment changé, non.

    Reste la lutte et l'espoir chantés par Pete Seeger dont le texte fut repris par Martin Luther King, We shall overcome (Nous vaincrons). Someday.


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    Martin Luther King à Lakeview (État de N.Y.), 12 mai 1965

     

    chronique du 23/08/2014 par Alain Korkos

     

     

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    Dans Le Monde.fr à la date du 22 août, un article d'Annick Cojean intitulé Tommie Smith, le poing noir de l'Amérique. Tommie Smith et John Carlos levèrent le poing sur les marches du podium aux J.O. de Mexico en 1968 (pour abonnés).

  • L'IMAGE DES NOIRS AMÉRICAINS ...

    DE SELMA À URGENCES : L'IMAGE DES NOIRS AMÉRICAINS AU CINÉMA ET DANS LES SÉRIES TÉLÉ


     

    Mercredi dernier est sortie sur les écrans une bobine intitulée Selma qui raconte les marches pour les droits civiques menées en 1965 par Martin Luther King.

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    Selma est une ville située en l'État d'Alabama aux États-Unis. Dans les années 60 sa population s'élève à 30 000 âmes, dont la moitié sont des Noirs. Parmi eux, trois cents personnes seulement sont habilitées à voter. Car à cette époque, les électeurs des États du Sud doivent passer un test d'écriture voire s'acquitter d'une taxe pour avoir le droit de s'approcher les urnes. Ces deux conditions éliminent la quasi-totalité de la population noire, qui ne prend même pas la peine de s'inscrire sur les listes électorales.

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    Selma, dans Selma


    En 1963, Amelia Boynton lance à Selma l'American Civil Rights Movement (le Mouvement pour les droits civiques) dont le but est l'abolition de la ségrégation raciale et la possibilité pour tout citoyen américain d'accéder, sans condition aucune, au droit de vote.

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    Lorraine Toussaint dans le rôle d'Amelia Boynton


    La même année, Martin Luther King prononce son célèbre I Have a Dream à Washington. L'année suivante est voté le Civil Rights Act qui abolit toute discrimination raciale. Sauf que les États du Sud ne sont pas d'accord, refusent par la force que les Noirs s'inscrivent sur les listes électorales. En février 1965, un manifestant est tué à Marion, petite ville située à quarante kilomètres de Selma.

    Le 7 mars, six cents manifestants menés par Amelia Boynton veulent marcher de Selma à Montgomery, capitale de l'Alabama, là où Rosa Parks refusa en 1955 de céder sa place de bus à un Blanc (ce fut le sujet d'un précédent article, voir par là). Mais la police montée intervient sur le pont Edmund Pettus, fait de nombreux blessés. Parmi eux, Amelia Boynton dont la photo du corps à terre fera le tour du monde. Cette première marche sera baptisée Bloody Sunday.

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    Photogrammes issus de Selma
    et photos du 7 mars 1965


    Martin Luther King lance alors un appel pour une seconde marche qui doit s'effectuer deux jours plus tard, le 9 mars. Mais les manifestants finissent par renoncer car, sans la protection de la police locale, ils risquent fort d'être attaqués par des milices blanches.

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    David Oyelowo dans le rôle de Martin Luther King

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    Photogrammes issus de Selma
    et couverture de Life du 19 mars 1965

    Aussi rejoignent-ils l'église de Selma, sous la houlette du pasteur. Cette nuit-là, le pasteur James Reeb, venu de Boston, est assassiné par un groupe d'hommes blancs.

    Le 21 mars a lieu la troisième marche. Protégés par des soldats, des gardes nationaux et des shérifs fédéraux, deux mille manifestants partent de Selma pour rejoindre Montgomery, à quatre-vingt-dix kilomètres de là.

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    Ils y arrivent trois jours plus tard, ils sont alors vingt-cinq mille. Réunis devant le Capitole, ils écoutent un discours de Martin Luther King. Cinq mois plus tard, le gouverneur George Wallace signe le Voting Right Act.

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    Photo de Stephen Somerstein

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    Photogrammes issus de Selma
    et photos du 24 mars 1965


    Ces événements sont le coeur du film Selma réalisé par Ava DuVernay avec David Oyelowo dans le rôle du pasteur King et Oprah Winfrey (qui est co-productrice) dans celui d'Annie Lee Cooper. Cette femme, qui fit la queue pendant des heures en janvier 1965 pour s'inscrire sur les listes électorales de Selma, fut chassée à coups de matraque par le shérif Jim Clark. Annie Lee Cooper se rebella, lui colla un vigoureux bourre-pif, fut aussitôt saisie par les nervis dudit shérif.

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    Oprah Winfrey dans le rôle d'Annie Lee Cooper


    Accusée de "provocation criminelle", elle passa onze heures en prison au cours desquelles elle ne cessa de chanter des negro spirituals.

    Les marches de Selma sont, pour les Américains, un moment historique d'une extrême importance. Barack Obama s'y rendit le 7 mars dernier à l'occasion du cinquantième anniversaire du Bloody Sunday, prononça un discours sur le pont Edmund Pettus. Il en avait prononcé un autre la veille à la faculté Benedict de Columbia, en Caroline du Sud, au cours duquel il avait évoqué la mort de Michael Brown à Ferguson (lirecette précédente chronique) et celle d'Eric Garner, tué lui aussi par un policier à New York le 17 juillet dernier. Il avait également déclaré : «Selma, c'est maintenant. Selma, c'est le courage de gens ordinaires faisant des choses extraordinaires parce qu'ils croient qu'ils peuvent changer le pays, qu'ils peuvent modeler le destin de la nation. Selma, c'est chacun d'entre nous se demandant ce qu'il peut faire pour améliorer l'Amérique. »

    La dernière phrase est un écho de celle que Kennedy prononça le 20 janvier 1961 : «Mes chers compatriotes, ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour lui. » Et le « Selma is now » sonne terriblement juste à l'heure où trente-et-un États sur cinquante (dont la totalité de ceux du Sud) demandent maintenant aux électeurs un papier officiel avec photo d'identité alors qu'auparavant une facture ou une signature suffisait. Cette mesure, qui touche essentiellement les Noirs n'ayant, bien souvent, ni passeport ni permis de conduire (lire cet article deLa Croix), rappelle tristement les restrictions au droit de vote pratiquées à l'époque des marches de Selma.Selma now! est aussi l'un des slogans du film :

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    Ces derniers mois ont vu l'émergence de plusieurs films étazuniens parlant des Noirs : Dear White People de Justin Simien (sorti en mars 2014) est une comédie satirique racontant la vie de quatre étudiants noirs dans une faculté blanche ;

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    Fruitvale Station de Ryan Coogler (sorti en janvier 2014) raconte les vingt-quatre heures précédant le moment où Oscar Grant croise des policiers dans la station de métro Fruitvale à San Francisco ;

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    12 Years a Slave de Steve McQueen (sorti en janvier 2014) raconte la vie d'un esclave avant la guerre de Sécession (on en avait parlé par là).

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    Ces trois bobines cartonnèrent au box-office. Aussi, McQueen est-il en train de préparer un film sur Paul Robeson, célèbre chanteur qui immortalisa Old Man River dans le film Show Boat de James Whale (1936). Ryan Coogler, quant à lui, travaille sur un film intitulé Creed, un spinoff mettant en scène le petit-fils d'Apollo Creed, adversaire et ami de Rocky Balboa.

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    Si les films ont un impact certain sur les consciences, les séries télé marquent sans doute plus durablement les esprits. Sauf que malheureusement, ces dernières sont beaucoup moins ambitieuses que les bobines de cinéma. C'est ce que raconte par le détail un article de Pierre Langlais paru cette semaine sur le site deTélérama : De l'image trop rose de la vie des Noirs américains dans les séries. Il y cite Black-ish, une série comique dans laquelle un homme noir travaillant dans une boîte de pub à Los Angeles et marié à une chirurgienne noire itou, se rend compte petit à petit qu'il est devenu, comme disent les Africains de France, un Bounty : noir dehors, blanc dedans. Aussi va-t-il tenter une espèce de retour aux sources.

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    « Black-lish, peut-on lire dans l'hebdomadaire, s'inscrit dans le même registre bienveillant et optimiste[que le Cosby Show ou Le Prince de Bel-Air], alors que les événements tragiques de Ferguson, de New York ou de Berkeley soulignent les inégalités et les injustices raciales dont la communauté noire continue d'être victime. »

    Autres séries américaines mettant en scène des personnages noirs : Scandal et How to get away with murderde Shonda Rhimes, la créatrice de Grey's Anatomy. Là encore, la réussite individuelle prime sur une vision de l'état de la société : l'héroïne de Scandal officie dans les relations publiques et est mêlée à un scandale impliquant la Maison-Blanche, celle de How to get… est avocate.

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    David J. Leonard, spécialiste de l'image des minorités raciales dans les médias américains cité par Télérama, pense que ces séries « parlent de l'individu, pas de la société, et réduisent des questions globales à des ­enjeux intimes. Elles nous font croire que la réussite d'un citoyen dépend de sa volonté, de ses valeurs et de sa culture ».

    Nous sommes loin de The Wire (Sur écoute) et Treme, deux séries créées par David Simon dans lesquelles les problèmes raciaux étaient traités frontalement : la première évoquait (entre autres choses) le trafic de drogue à Baltimore, la seconde racontait l'après-Katrina à La Nouvelle-Orléans avec son flot de corruption. Mais ces deux séries, tout à fait extraordinaires, n'eurent que peu d'écho aux USA.

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    Il exista cependant une série télé vue par des millions de téléspectateurs qui aborda avec beaucoup de réalisme et de subtilité les problèmes raciaux : Urgences (ER en anglais). Les quinze saisons furent diffusées en France à partir de 1996 (et sont actuellement rediffusées sur la chaîne belge AB3).

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    Dans cette série chorale étaient traités plusieurs problèmes inhérents à la société américaine. Parmi eux, l'assurance-maladie que seuls les plus riches peuvent s'offrir, la guerre des gangs, le racisme et l'image du Noir. Le Dr Pratt cristallisait ces deux derniers points, en voici deux exemples.

    L'épisode 16 de la saison 9 intitulé Mille oiseaux de papier (A Thousand Cranes) nous montre le docteur Chen entrevoyant un type qui sort en courant du diner situé en face des urgences et qui monte dans une voiture. Elle découvrira ensuite qu'une tuerie a eu lieu dans ce coffre shop et déclarera aux policiers :

    — J'ai vu l'un d'eux, je pense qu'il était noir.

    Au plan suivant, les docteurs Pratt et Gallant se font arrêter.

    —Bienvenue dans le ghetto, dit Pratt.

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    Ils sont plaqués au sol, l'un des policiers appuie sa chaussure sur le cou de Pratt, les deux hommes se retrouvent peu après incarcérés.

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    Ils seront plus tard libérés et raconteront leur mésaventure à l'hôpital où Jerry, le réceptionniste pince-sans-rire, leur dira :

    —Le problème c'est que vous êtes tous les deux coupables.
    —De quoi !? demande Pratt.
    —De conduite en état de négritude.

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    Le Dr Elizabeth Corday fait alors l'apologie du contrôle au faciès, ce qui surprend désagréablement les personnes présentes. Peu de temps après, le policier qui avait arrêté les docteurs Pratt et Gallant est blessé, arrive aux urgences. Après avoir reçu les premiers soins, il se retrouve seul avec eux.

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    —Là, vous devez vraiment avoir peur, dit Pratt au flic alité. Tous les Blancs sont sortis, il n'y a plus que vous et deux grands nègres avec des couteaux…

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    Dans l'épisode 9 de la saison 12 intitulé Une demande galante (I Do), le jeune KJ, fils de Darnell Thibeaux, est injustement accusé d'avoir volé une caméra vidéo avant que d'être innocenté. KJ, Darnell et le Dr Pratt se retrouvent devant l'entrée des urgences :

    Pratt : — Finalement, c'est toujours les Noirs qu'on vient chercher. Même si t'as un bon boulot, que tu habites dans un bon quartier et que tu gagnes beaucoup d'argent…

    Darnell : —… Les flics finissent par t'arrêter pour avoir traversé un quartier blanc.

    KJ annonce alors qu'il ne veut plus retourner travailler comme volontaire à l'hôpital :

    On me tombera toujours sur le dos, même si je fais du bon boulot.

    Darnell : —Oui, et ça sera toujours comme ça, alors il faut t'y habituer. Faut pas y penser, vis ta vie de ton mieux.

    Pratt : — Il faut rester dans la course, KJ, sinon c'est eux qui gagnent.

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    Dans d'autres épisodes le Dr Pratt se retrouve réquisitionné pour jouer le rôle de nègre de service : on lui demande d'aller parler avec tel ou tel membre de gang blessé dans une bagarre, une fusillade.

    Nous n'avons pas de conscience collective, se défend le médecin, souvent préoccupé par sa réussite personnelle. Mais finalement, il ira parler au petit malfrat.

    Il est à espérer que ce thème du racisme ainsi que les autres problèmes de société traités pendant les quinze saisons d'Urgences auront touché le public et continueront de le toucher, puisque la série est toujours diffusée ici où là. Et peut-être Oprah Winfrey, co-productrice de Selma et d'autres films, devrait-elle investir ses picaillons dans une série télé à l'opposé de celles qui mettent en avant la réussite individuelle. Une série susceptible de passionner les foules sur le modèle d'Urgences, par exemple.

     

  • L’empire contre la Corée du Nord

    L’empire contre la Corée du Nord : l’histoire de la poule et de l’œuf ?

    Qui est à l’origine de l’escalade militaire ?

     
     
     

    Après l’essai nucléaire du 6 janvier 2016 - que la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a présenté comme étant pour la première fois celui d’une bombe H – le Conseil de sécurité des Nations unies a envisagé le soir même, à l’unanimité, l’adoption de nouvelles sanctions contre la RPD de Corée – dont l’élaboration pourrait prendre à nouveau plusieurs semaines.

    Par ailleurs, de nombreux commentateurs ont repris l’analyse des armées américaine et sud-coréenne, selon lesquelles il ne s’agissait pas de l’explosion d’une bombe à hydrogène. Mais il y a plus significatif que la réaction, attendue, du Conseil de sécurité des Nations unies, et le débat (pas non plus nouveau s’agissant de l’arsenal balistique et nucléaire de la RPDC) sur la nature de l’essai nord-coréen, qui tend à occulter le fait que le programme nucléaire de la RPDC continue de se développer bien qu’elle soit déjà le pays le plus sanctionné au monde – ce qui, du reste, met en question l’efficacité de cette politique de sanctions. En revanche, ce qui est nouveau est la décision très rapide, dès le lendemain, de Washington et de Séoul de s’engager dans une escalade militaire, faisant ainsi peser de graves risques d’affrontements dans la péninsule coréenne.

     

    A été annoncé le déploiement en Corée de bombardiers américains B52, qui ont largué de nombreuses bombes au napalm pendant la guerre du Vietnam.

     

    Pour justifier la poursuite de son programme nucléaire avec l’essai réalisé le 6 janvier 2016, les autorités nord-coréennes avaient dénoncé la politique hostile des États-Unis et de leurs alliés. Elles invoquent aussi fréquemment le précédent des guerres d’Irak en 2003 et de Libye en 2011, qui les ont convaincues que seule une force de dissuasion crédible les protègera d’une attaque américaine. La réaction de Washington valide manifestement l’absence de volonté américaine de s’engager sur la voie de la paix, du dialogue et du désarmement : sans même attendre l’adoption de sanctions nouvelles par le Conseil de sécurité, les États-Unis ont annoncé unilatéralement le renforcement de leur dispositif militaire dans la péninsule coréenne, en laissant le soin de cette annonce à l’armée sud-coréenne, subordonnée au commandement militaire américain en cas de conflit.

    Selon la Défense sud-coréenne, les moyens supplémentaires déployés par Washington consisteraient en un sous-marin nucléaire, un chasseur F22 et un bombardier B52 - alors que se poursuit par ailleurs la construction de la base navale dans l’île de Jeju, qui pourra accueillir un porte-avions que ne possède pas la Corée du Sud - contrairement à la flotte américaine.

    Enfin, le gouvernement sud-coréen a annoncé qu’il reprendrait ses émissions de propagande par les hauts-parleurs disposés le long du trente-huitième parallèle qui sépare les deux parties divisées de la péninsule. En août 2015, la propagande sud-coréenne par haut-parleur avait entraîné une flamblée de tensions, heureusement conclue par un accord Nord-Sud : Séoul saisit ainsi l’opportunité de l’essai nucléaire nord-coréen pour remettre en cause cet accord, et relancer sa propagande.

    Après avoir condamné une nouvelle fois le programme nucléaire nord-coréen, la Chine a encore appelé l’ensemble des parties à la retenue – tout en sachant pertinemment que la base militaire de Jeju et le renforcement du dispositif américain en Corée la visent directement, au-delà de l’argument du programme nucléaire et balistique nord-coréen. Elle a ainsi réitéré son souhait d’une reprise du dialogue à six (les deux Corée, les États-Unis, le Russie, le Japon et elle-même) sur le dossier nucléaire en Corée, interrompu depuis 2009 – mais comment pourrait-elle être entendue alors que l’armée américaine annonce qu’elle-même déploiera de nouveaux vecteurs nucléaires au large de la Corée ?

    Un des meilleurs connaisseurs américains de la Corée du Nord, l’ancien gouverneur du Nouveau-Mexique Bill Richardson a observé, au lendemain de l’essai nucléaire du 6 janvier 2016, que la RPD de Corée voulait probablement un accord de sécurité avec les États-Unis couvrant les armes nucléaires, comme récemment l’Iran – sa démarche s’inscrivant dans une volonté d’être en position de force à la table des négociations. Une telle prise de position est rationnelle : face à l’échec des politiques de sanctions pour atteindre l’objectif d’une dénucléarisation de la Corée du Nord, il serait temps de prendre sérieusement en considération la voie alternative du dialogue, en tenant compte des attentes de Pyongyang dont les exigences de sécurité sont rationnelles. À l’opposé de la voie de l’escalade où a choisi de s’engager Washington, les négociations apparaissent bien comme la seule option viable pour tous ceux qui souhaitent sincèrement la paix et le désarmement, dans une Asie du Nord-Est qui serait enfin libérée des armes nucléaires.

  • Attentat de San Bernardino

    Attentat de San Bernardino : un trou de 18 minutes dans le parcours des tueurs

    V.F. | | MAJ :
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    Syed Farook et Tashfeen Malik avaient tenté de s'échapper dans un 4X4 noir mais ils avaient été tués par la police lors d'un échange de plus d'une centaine de tirs.
    Syed Farook et Tashfeen Malik avaient tenté de s'échapper dans un 4X4 noir mais ils avaient été tués par la police lors d'un échange de plus d'une centaine de tirs.
    (AFP/ Joe Raedle.)

    La police fédérale FBI a lancé mardi un appel à témoins pour compléter le parcours de Syed Farook et Tashfeen Malik, le couple qui a tué 14 personnes début décembre à San Bernardino (Californie). La tuerie, attentat terroriste le plus meurtrier aux Etats-Unis depuis le 11 septembre 2001, est intervenue lors d'un déjeuner de Noël pour les employés des services sanitaires du comté, dont faisait partie Syed Farook. 

    Les enquêteurs ont déjà reconstitué le parcours du couple radicalisé d'origine pakistanaise pendant toute la durée du drame, jusqu'à leur mortdans un échange de tirs nourris avec la police environ sept heures plus tard. Mais ils n'ont pas d'éléments pour les dix-huit minutes qui ont suivi la tuerie et précédé l'affrontement avec la police.

    VIDEO. San Bernardino : les deux suspects en fuite abattus dans un 4X4 par la police



    Ces 18 minutes sont «cruciales» pour l'enquête. «Nous voulons savoir s'ils se sont arrêtés quelque part, une maison ou un lieu commercial dont nous n'aurions pas idée. Nous voulons savoir s'ils ont contacté quelqu'un pendant ce laps de temps», a expliqué lors d'une conférence de presse le directeur du FBI à Los Angeles, David Bowdich. «Je demande aux citoyens de nous aider dans cette enquête, et, s'ils savent quelque chose, qu'ils nous contactent», a-t-il ajouté.

    VIDEO. Etats-Unis : fusillade meurtrière à San Bernardino


    Syed Farook, 28 ans, a quitté son domicile le 2 décembre vers 8 h 37 pour arriver vers 8 h 47 au déjeuner de Noël organisé dans le Centre régional Inland de San Bernardino, à environ 1 heure de Los Angeles. «Il en est reparti à 10 h 37 puis est revenu vers 10 h 56. L'attaque a eu lieu dans les minutes suivantes et quatorze personnes ont été tuées. Puis ils se sont rendus près d'un lac» dans un SUV noir, a détaillé David Bowdich.

    Le trou noir des enquêteurs dans les faits et gestes du couple meurtrier se situe entre 12 h 59 et 13 h 17. Les enquêteurs ont ensuite retrouvé leurs traces grâce notamment à des caméras de surveillance et des témoins. «Nous savons qu'ils se sont arrêtés à plusieurs endroits», a noté David Bowdich. Le couple a été repéré par les forces de l'ordre et une course-poursuite s'est engagée, se terminant par la mort des tueurs. Le lac a été exploré par des plongeurs du FBI qui n'ont pas retrouvé d'élément «pertinent pour l'enquête».

    VIDEO. Etats-Unis: un suspect à terre à côté d'un véhicule criblé de balles


    Les autorités américaines ont qualifié la tuerie d'«acte d'inspiration terroriste» mais n'ont trouvé «aucun signe qu'elle ait été dirigée depuis l'étranger». Le 16 décembre, le FBI a arrêté et inculpé Enrique Marquez, ami proche d'un des deux tueurs. Ce complice a été notamment inculpé de projets d'attentat avec Syed Farook en 2011 et 2012 dans une université et sur une autoroute. Il est également accusé d'avoir fourni «illégalement» à Farook des explosifs et deux fusils utilisés à San Bernardino. Il fait l'objet d'un troisième chef d'accusation pour «avoir trompé les services fédéraux de l'immigration en faisant un mariage blanc» avec une femme, dont la soeur avait épousée le frère de Syed Farook, selon un communiqué du département américain de la Justice (DoJ).

     

     
  • l'empire vs Venezuela

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    19 juin 2015

    Article en PDF :

    Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, une super puissance est apparue sur la planète, que l’humanité n'avait jamais connue auparavant : “Nous possédons environ 50% de la richesse mondiale avec seulement 6,3% de la population. Notre objectif principal dans cette époque à venir est de créer un système de relations qui nous permettra de maintenir cette situation d’inégalité sans porter atteinte à notre sécurité nationale”, George Kennan, chef d’État-major de planification stratégique au département d'Etat des Etats-Unis, le 23 février 1948.

     



    Le 9 mars dernier, le président des Etats-Unis, Barack Obama, a qualifié le Venezuela “d’une menace inhabituelle et extraordinaire pour la sécurité nationale” de son pays. Cette déclaration fut précédée de 148 autres déclarations ou communiques du gouvernement des Etats-Unis contre le gouvernement du Venezuela, depuis le début du mois de février battant ainsi tous les records d’ingérence américaine contre le Venezuela pour l’année 2014, en moins de 40 jours.

    Noam Chomsky pense que la politique étrangère des Etats-Unis fonctionne sur base de deux principes :


     garantir la liberté « d’exploiter et de voler » les ressources des pays du Tiers-Monde au bénéfice des entreprises étasuniennes ;
     mettre en place un système idéologique qui assure que la population se maintienne passive, ignorante, apathique et qui garantit qu’aucun de ces thèmes ne soit compris par les classes éduquées.

    Au vu de ces principes, on comprend le dégoût de l’élite qui dirige les Etats-Unis envers les gouvernements chavistes du Venezuela. Mais il faut contextualiser au regard de l’histoire contemporaine l’obsession des États-Unis envers le Venezuela. A la fin de la deuxième guerre mondiale, les Etats-Unis assument le rôle d’empire à l’échelle globale avec pour cobaye la Grèce, première victime d’une liste qui continue de s’étendre de nos jours.

    Le pays hellène avait eu une résistance armée importante contre l’invasion nazie allemande ; après la capitulation des Germains pendant la deuxième guerre mondiale, les forces armées résistantes, ayant connu une influence socialiste et communiste, refusèrent d’accepter la tutelle anglo-américaine sur le pays. Une guerre civile explosa en 1947, dans laquelle les Etats-Unis sont intervenus en appliquant des politiques contre-révolutionnaires, et ceci au nom de la doctrine Truman. Le secrétaire d’Etat nord-américain, Dean Acheson était la personne chargée de convaincre le Congrès de soutenir une intervention en Grèce argumentant : “comme des pommes dans un tonneau infecté par une seule pomme pourrie, la corruption en Grèce infectera l’Iran et tout le territoire oriental”, et s’étendrait aussi à l’Italie et à la France qui possédaient de grands partis communistes.

    La rébellion grecque fut étouffée volontairement au moyen de la torture, de l’exil politique et de la destruction des syndicats. Dorénavant, les Etats-Unis, à l’aide d’interventions directes ou indirectes, appliqueront la politique contre-révolutionnaire dans le monde entier avec la défense des libertés et droits humains comme credo. Ils sont donc intervenus de cette manière en Corée, aux Philippines, en Thaïlande, en Indochine, en Colombie, au Venezuela, au Panama, au Guatemala, au Brésil, au Chili, en Argentine et dans une longue liste de pays que les Etats-Unis inondèrent avec une rivière de sang pour maintenir cette disparité à l’intérieur du pouvoir mondial si chère a George Kennan.

    La menace que représente le Venezuela pour les Etats-Unis est de ce type, “la pomme pourrie” qui peut “infecter” les autres régions. En fait, il existe plusieurs pommes du tonneau latino-américain qui ont déjà été « infectées » de différentes manières : le Brésil, l’Argentine, la Bolivie, l’Equateur, le Nicaragua, l’Uruguay ou le Salvador connaissent pour le moment des expériences d’indépendance politique et économique majeure envers les Etats-Unis. La menace vénézuélienne est représentée par l’exemple “dangereux” que sont les politiques utilisant leurs propres ressources pour améliorer et élever la qualité de vie des citoyens, récemment la secrétaire exécutive de la commission économique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (CEPAL), Alicia Barcena, a indiqué que le Venezuela est un des pays ou la pauvreté, la pauvreté extreme et l’inégalité ont le plus diminué. Sans nul doute, c’est l’exemple que les Etats-Unis combattent dans la région et dans le monde car les ressources destinées à la population native du Venezuela sont celles que ne percevront pas les multinationales nord-américaines.

    Maintenant, il existe un fait aggravant, que la Grèce soit une autre fois « infectée » comme l’atteste le triomphe électoral de SYRIZA. L’Espagne pourrait être la prochaine à entrer en quarantaine si PODEMOS triomphait aux prochaines élections générales. Le panorama politique européen a augmenté l’hystérie de l’élite nord-américaine et de ses associés européens qui luttent par tous les moyens pour que l’exemple chaviste n’affecte pas non plus le sud de l’Europe, ce qui convertirait le cauchemar de l’ancien Secrétaire d’Etat Dean Acheson, en réalité.

    L’empire applique une politique sanitaire en Amérique Latine, ou le manu militari et les coups-d’Etat cherchent à discipliner la région et à contenir voir, éliminer le “virus” chaviste. Ainsi, nous pouvons constater la réactivation, en 2008, après 68 ans d’inactivité, de la flotte IV qui cible a nouveau les ressources militaires américaines vers les Caraïbes et l’Amérique du Sud ; le coup d’Etat contre le président Manuel Zelaya du Honduras en 2009, les nouvelles bases militaires en Colombie la même année et le coup-d’Etat contre Fernando Lugo du Paraguay en 2012. On peut y ajouter les tentatives avortées de faire tomber les gouvernements du président vénézuélien Hugo Chavez en 2002, d’Evo Morales de Bolivie en 2008, de Rafael Correa d’Equateur en 2010 et de Nicolas Maduro du Venezuela en 2014.

    Dans ce même sens, on peut apprécier les tentatives actuelles de saboter ou de faire tomber les gouvernement de Cristina Fernandez de Kirchner, d’abord avec l’attaque des fonds-vautours l’année passée et ensuite avec la dénonciation infondée du Procureur de la République, Alberto Nisman en janvier 2015, Procureur qui recevait des instructions depuis l’ambassade des Etats-Unis à Buenos Aires, selon les révélations des sources infiltrées par Wikileaks. La présidente du Brésil n’a pas été épargnée non plus, victime d’attaques à travers du cas très médiatisé de PETROBRAS ou de la tentative de jugement politique au Parlement.

    Un fait à souligner, les gouvernement les plus assiégés aujourd’hui par la politique extérieure américaine, les ONG et les médias qui la représentent sont ceux qui enregistrent le plus d’investissements venant de Chine en Amérique Latine : Argentine, Brésil et Venezuela. Les Etats-Unis, depuis 1823 jusqu’à ce jour et après avoir formalisé la doctrine Monroe de “l’Amérique aux Américains” ont toujours concentré leurs efforts sur l’élimination de leurs concurrents européens du continent (à cette époque la Chine n’était pas considérée comme une concurrente) et sur l’appropriation des richesses de ses voisins, au sud du fleuve Bravo.

    L’offensive impériale contre la région et contre le Venezuela en particulier est expliquée par le fait que le chavisme soit resté à l’avant-garde de la révolution en Amérique Latine et en opposition à la doctrine Monroe (sans oublier la révolution cubaine). C’est précisément pour cela qu’il est peu probable de rencontrer une solution dialoguée aux différences entre les gouvernements de Barack Obama et de Nicolas Maduro, les Etats-Unis n’accepteront pas un Venezuela indépendant, car cela impliquerait de renoncer à leur projet hégémonique et mondial.

    Source : Journal de Notre Amérique no.4, Investig’Action, mai 2015.