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Ecologie

  • CONTRÔLES AUX FRONTIÈRES

     

    Libre-circulation suspendue : les défenseurs du climat ne seront pas les bienvenus en France pour la COP 21

    par Sophie Chapelle 29 octobre 2015

    Le gouvernement français s’apprête à rétablir les contrôles aux frontières pendant un mois, le temps de la Conférence internationale sur le climat à Paris. Cette mesure d’exception est prise « en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure ». La société civile, qui compte se mobiliser en masse, semble particulièrement visée. Nombre de délégations venant de pays du Sud rencontrent des difficultés pour obtenir leurs visas.

     

    A partir du 13 novembre, citoyens engagés et société civile mobilisée pour le climat ne seront plus les bienvenus en France. La conférence internationale sur le climat à Paris fin novembre s’accompagnera du rétablissement des contrôles aux frontières nationales. Durant un mois, la libre-circulation des citoyens de l’Union européenne sera donc suspendue. Basta ! s’est procuré une note des autorités françaises, publiée par le Conseil de l’Union européenne, concernant « la réintroduction temporaire des contrôles aux frontières intérieures avec la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne, la Suisse, l’Italie et l’Espagne à l’occasion de la COP 21 ». Ces mesures exceptionnelles débuteront le 13 novembre, soit deux semaines avant l’ouverture de la conférence. Elles prendront fin le 13 décembre, deux jours après la clôture de l’événement, comme en témoigne l’extrait du document ci-dessous [1] :

    « Menace grave pour l’ordre public »

    Le gouvernement fait valoir l’article 23 du Code frontières Schengen qui dispose du droit des États membres à réintroduire le contrôle à leurs frontières intérieures durant une période limitée – 30 jours maximum – « en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure ». La dernière fois que le gouvernement français a usé de cette disposition remonte à 2012 pour le G20 de Cannes. La Pologne a aussi rétabli des frontières provisoires en 2013, à l’occasion de la 19e conférence internationale sur le climat qui se tenait à Varsovie.

    « Depuis l’entrée en vigueur du code frontières, en 2006, toutes les réintroductions de contrôle aux frontières ont été liées à la prévention du terrorisme, de la criminalité, ou à des raisons de sécurité liées à l’accueil de réunions internationales ou d’événements sportifs », note Le Monde. Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères et président de la COP 21, vient d’annoncer la présence d’au moins 80 chefs d’État et de gouvernement. Que redoute exactement le ministère de l’Intérieur pour recourir à un tel dispositif ? « La crainte de violences », répond un haut responsable de la police nationale à l’agence d’informations AEF qui pourrait émaner de « black blocs » et d’« une frange de ’zadistes’ qui risquent de se mélanger à eux » [2]. Le ministère de l’Intérieur n’a, pour l’heure, pas répondu aux sollicitations de Basta !.

    Multiplication des refus de visas

    Plusieurs signes montrent que ces mesures d’exceptions viseront notamment la société civile et les défenseurs du climat. La Coalition climat 21, qui regroupe 130 organisations, pointe la difficulté d’obtention des visas pour les milliers de participants venant de pays du Sud. Certaines demandes sont refusées, d’autres peineraient à être traitées. « Les ambassades demandent différents documents dont des lettres d’invitations que nous avons rédigées, et des preuves comme la capacité à payer les transports », relève Juliette Rousseau, porte-parole de la coalition. « Aujourd’hui, c’est le président d’Attac Togo qui vient d’essuyer une demande de refus. Son déplacement ne serait pas motivé ! » « Il avait une invitation de la Coalition ainsi qu’une invitation d’Attac France disant qu’on prenait tous les frais liés à son séjour en France à notre charge », confirme Jeanne Planche, coordinatrice de l’association.

    Venir à la COP 21 ne serait-il pas un argument suffisant pour les ambassades ? « Nous ne sommes pas à l’abri d’une erreur, plaide le ministère des Affaires étrangères contacté par Basta ! [3], mais nous sommes naturellement favorables à la participation très large, au-delà des seuls accrédités, de la société civile ». Une « procédure spéciale » aurait ainsi été mise en place par le Quai d’Orsay pour les participants accrédités, notamment ceux ayant besoin d’un visa pour venir en France [4]. De source diplomatique, une distinction est néanmoins opérée entre les officiels qui disposent d’un passeport diplomatique et dépendent de fait du ministère des Affaires étrangères, et toutes les autres demandes qui relèvent du ministère de l’Intérieur. « Nous ne sommes qu’une simple boite aux lettres », atteste-t-on au Quai d’Orsay. Extrait ci-dessus de la notification de refus de visa

    Autre cas emblématique, celui de Mouhad Gasmi, figure de proue de la lutte contre les gaz de schiste en Algérie que Basta ! a rencontré. Le 21 octobre, il se rend au consulat de France à Alger, muni de l’invitation de la Coalition Climat 21, pour faire sa demande de visa. Le consulat lui accorde bien un rendez-vous, mais celui n’aura lieu que le 5 janvier 2016, soit un mois après la fin de la COP 21 ! [5] « Le gouvernement avait garanti des facilités pour les accréditations auprès de nos organisations membres. Mais tout est fait pour limiter le nombre de gens qui vont venir à Paris, dénonce Juliette Rousseau. Le gouvernement sélectionne la société civile qui va participer au sommet officiel. » Une sélection qui sera accentuée par le renforcement des contrôles aux frontières françaises, au sol et par voie aérienne.

    « Ouvrez Paris au monde ! »

    Autre problème soulevé : le gouvernement français et la mairie de Paris n’ont toujours pas indiqué quelles seraient les solutions d’hébergements pour les milliers de participants. La Coalition Climat 21 aurait déjà reçu « plus de 10 000 demandes » émanant de représentants de la société civile. « Pour l’instant, on a la promesse de 1000 places par la communauté d’agglomération Plaine Commune, il manque donc au moins 9000 places d’hébergement ! », s’inquiète Juliette Rousseau. « On a des retours négatifs de collectivités qui nous disent que les espaces collectifs sont déjà mobilisés pour les élections régionales. » Le premier tour des élections a en effet lieu le 6 décembre, mais l’argument peine à convaincre pour les autres jours...

    Une lettre ouverte à la maire de Paris Anne Hidalgo intitulée « Ouvrez Paris au monde ! », l’appelle à « mettre au plus vite à disposition de la Coalition Climat 21 des espaces permettant d’héberger les représentants des organisations de la société civile du monde entier ». Début septembre, François Hollande assurait que le succès de Paris dépendrait « de la capacité, de la volonté des États, mais aussi de la force des peuples [et] des mouvements ». Une « force » que son gouvernement s’apprête à sévèrement limiter. A moins d’un mois de l’ouverture de la conférence, les organisations de la société civile mettent en doute la sincérité du gouvernement quant à sa volonté de l’associer, dans toute sa diversité, au processus.

    @Sophie_Chapelle

  • Produire de l’électricité solaire en Tunisie pour éclairer l’Europe

    Parker, Global Voices,
    avec Edward Robinson, directeur de Culmer Raphael



    Maquette du projet de centrale solaire TuNur (TuNur)

    TuNur, un des projets actuels de centrales solaires les plus intéressants, espère produire dans le désert tunisien autant d’énergie renouvelable que deux centrales nucléaires et l’acheminer, grâce à des lignes haute tension de 1000 km, vers les réseaux européens et alimenter ainsi plus de 2 millions de foyers.

    D’un coût total de 10 milliards d’euros, le projet Tunur est un partenariat entre le développeur d’énergie solaire britannique Nur Energie et des investisseurs tunisiens, maltais et britanniques, notamment Low Carbon, une société basée à Londres.

    Projet ambitieux, il est aidé par de nouveaux facteurs majeurs :

    • l’amélioration du rapport coût-efficacité des câbles sous-marins de transport d’électricité,
    • la baisse du coût des technologies de production d’électricité solaire,
    • le plan climat de l’Union européenne (ou paquet climat-énergie),
    • et enfin le changement de politique énergétique tunisienne qui tend vers la libéralisation du marché.

    Energie solaire concentrée

    Grâce à cette nouvelle donne, TuNur servira de référence pour d’autres projets futurs.

    Du point de vue technologique, le projet apparaît tout à fait réalisable. Il prévoit d’utiliser l’énergie solaire concentrée (ESC) au lieu des panneaux solaires photovoltaïques (PV).

    D’ici à 2018, le projet devrait pouvoir produire 2,5 GW d’électricité en utilisant une surface de 100 kmde désert située au sud-ouest de la Tunisie. Il est prévu une perte en ligne d’environ 3% liée au transport de l’électricité vers l’Italie via le câble sous-marin.

    Concrètement, des milliers de miroirs réfléchiront les rayons du soleil vers un récepteur central placé au sommet d’une tour. Cela dans le but de chauffer des sels fondus (sels en phase liquide) et produire une vapeur qui actionnera des turbines. Une autre innovation importante du projet consiste en la capacité de stockage. En chauffant les sels pendant le jour et en libérant la chaleur emmagasinée pendant la nuit, ce qui permettra de produire une énergie fiable et… renouvelable !

    Une baisse du coût plus rapide que celle des photovoltaïques

    Si TuNur est envisageable, c’est en partie grâce à la diminution des coûts de production de l’énergie solaire concentrée.

    Comme le souligne Jonathan Walters, ancien directeur de la Banque mondiale et conseiller du projet TuNur :

    « L’ESC est produite avec des matériaux comme l’acier et verre. Les coûts diminuent rapidement en fonction de la quantité.

    Il n’est donc pas surprenant que la baisse du prix de cette énergie soit plus rapide que celle des panneaux solaires photovoltaïques, pourtant de plus grande hauteur.

    Même si leur prix a baissé de moitié au cours des cinq années, les panneaux sont plus complexes à fabriquer et ont besoin d’alliages de métaux rares. »

    Cependant pour être un succès financier, TuNur aura quand même besoin de la mise en place d’un système de tarif d’achat (Feed-in Tariff).

    Le projet espère d’ailleurs obtenir, de la part du gouvernement britannique, la garantie d’un prix minimum 20% moins cher que celui de l’éolien offshore. Daniel Rich, chef de l’exploitation de Nur Energie, affirme :

    « La différence des prix ne permet pas actuellement d’importer de l’énergie solaire. Cependant, au regard de ses prix compétitifs et des prévisions de production, TuNur est, depuis un an, en discussion avec le ministère britannique de l’Energie et du Changement climatique pour essayer de changer cette situation et établir un mécanisme adapté. »

    La priorité de TuNur : cibler les marchés allemand et britannique

    TuNur envisage également de nouvelles opportunités avec d’autres pays européens tels que l’Allemagne, la France ou la Suisse… Pour Daniel Rich :

    « L’ECS avec son système de stockage est une alternative intéressante au nucléaire, et nous voulons cibler en priorité les marchés allemand et britannique. »

    Mais tout n’est pas si simple car, aussi important que soit TuNur, les processus pour obtenir des subventions de la part des Etats nationaux pour un tel projet sont très complexes.

    Et cela confirme toute l’importance du rôle de l’UE dans la mise en place d’un cadre clairement défini, d’un soutien à l’investissement stratégique et peut-être même dans la coordination en tant que principal acheteur d’énergie renouvelable.

    D’ailleurs un récent communiqué de la Commission européenne informe :

    « Dans le cadre d’une revitalisation de sa diplomatie en matière énergétique et climatique, l’Union européenne utilisera tous les instruments de sa politique extérieure pour établir des partenariats énergétiques stratégiques avec des pays producteurs et des pays ou régions de transit qui gagnent en importance. »

    De plus le plan d’action UE/Tunisie engage l’Union européenne à ouvrir progressivement son marché aux acteurs de la production d’énergie tunisiens.

    Questions sur le rôle du Parlement tunisien

    De plus, le Parlement européen appelle à investir une partie des 80 milliards d’euros dédiés à la recherche et le développement (dont 60% sont affectés au développement durable) chez ses voisins des régions méridionales et orientales.

    Une solution pour atteindre ses objectifs dont un est d’atteindre, d’ici 2030, 27% en matière d’intégration des énergies renouvelables. Et cela sur l’ensemble du territoire européen plutôt que de le répartir entre les Etats membres avec des objectifs individuels.

    La dernière condition dépend de l’aptitude du nouveau gouvernement de Tunisie à créer un environnement propice aux investissements à long terme. Même si une nouvelle loi permettant l’exportation d’électricité a été votée en 2014, il reste encore de nombreuses questions quant au rôle exact du Parlement tunisien dans la supervision des nouveaux projets énergétiques.

    Un projet qui doit bénéficier aux économies locales

    Riccardo Fabiani, conseiller principal pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Eurasia Group, est optimiste :

    « Il existe des risques, mais ils sont nettement plus faibles que dans le reste de la région. Pour la première fois depuis longtemps, nous voyons un pays arabe qui peut introduire des reformes propres à améliorer la transparence et transformer positivement son climat d’investissement. »

    L’exportation d’énergie solaire à grande échelle d’Afrique du Nord vers l’Europe était envisagée depuis longtemps. Un des leçons à tirer de l’échec du projet Desertec est que l’investissement étranger direct dans les projets d’exportation d’énergie doit bénéficier aux économies locales.