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Gouvernement français:décryptage

  • Le gouvernement français ouvre officiellement la chasse aux musulmans

     

     
     
    Il n’a pas fallu attendre 3 semaines après les attentats terroristes qui ont frappé Paris pour que la France, pays autoproclamé des droits de l’homme lance officiellement la chasse aux musulmans sur son propre sol.
    Sous prétexte de « continuer et renforcer l’action de lutte contre la menace terroriste », le gouvernement Français vient en effet de mettre en ligne un site Internet www.stop-djihadisme.gouv.fr que Vichy et Pétain n’auraient pas renié si Internet avait existé à l’époque.

    En invitant les bons citoyens à « se mobiliser ensemble pour agir contre la menace terroriste et lutter contre l’enrôlement djihadiste », le gouvernement propose un arsenal de moyens pour dénoncer les personnes suspectes de son entourage.
     
    Suspectes de quoi ? C’est tout le problème.
     
    Le site s’ouvre d’abord sur un clip de 2 minutes pendant lesquelles on ne peut s’empêcher de penser à Fabius et Hollande qui nous ont cassé les oreilles pendant des semaines en ânonnant qu’il fallait absolument aller combattre Bachar El Assad en Syrie, exactement ce que font les djihadistes qu’ils prétendent aujourd’hui dénoncer.
    On ne peut pas s’empêcher non plus de penser à l’article du New York Times qui affirme que la France est le plus gros financeur d’Al Quaïda avec 58 M $ versés au titre de rançons pour libérer ses ressortissants. (1)
    Et puis, pour rester dans le ton très second degré du clip, remplacez « djihadiste » par « socialiste » et le message de fin donne :  « les discours d’embrigadement djihadistes socialistes font chaque jour de nouvelles victimes » #stopsocialisme.
     
    Bref, on se marre devant tant d’hypocrisie.
     
    Là où le site devient moins marrant, c’est quand on fouille un peu dedans. On y trouve la parfaite panoplie du collabo modèle, pardon du citoyen modèle.
    Les services de renseignements, la police et la gendarmerie sont incapables d’identifier des Merah, des Coulibaly ou des Kouachi avant qu’ils ne passent à l’action, mais toi, futur agent du renseignement, grâce à ton flair de policier, tu vas y arriver. On y croit.
     
    Le site comprend donc un numéro vert, un formulaire de signalement, un formulaire de dénonciation et un petit schéma censé aider les Français à repérer et signaler les futurs terroristes.
     
    Le numéro vert ne fonctionne qu’en semaine et de 9h à 17h. Il doit être utilisé pour « prévenir les radicalisations violentes ». Donc si vous trouvez un djihadiste en voie de radicalisation violente le vendredi à 17h05, vous le gardez bien au chaud jusqu’à lundi en espérant qu’il ne se radicalise pas trop violemment pendant le week-end. Non mais, on va quand même pas bosser le samedi, jour du Shabbat ou le dimanche, jour du Seigneur. La laïcité à ses limites.
     
    En dehors de ces horaires, on nous indique qu’on peut utiliser un formulaire de dénonciation. On passe donc sur le site du ministère de l’intérieur et là on vous propose de dénoncer un proche ou un membre de votre famille par écrit, en vous promettant de vous rappeler très rapidement.  En espérant que votre fils, neveu ou cousin que vous aimez tant au point de le foutre en taule pour des années ne prenne pas l’avion samedi ou dimanche.
     
    Enfin pour ceux qui voudraient en remettre une couche, ils peuvent aussi aller jusqu’au formulaire « signaler une apologie du terrorisme ». Vous savez, cette fameuse apologie du terrorisme dont se sert le gouvernement socialiste pour terroriser tout le monde et surtout les enfants en les inculpant à tour de bras, de 7 à 77 ans. (2)
    Bien évidemment, tout cela est anonyme, ce qui vous permet de balancer n’importe qui et n’importe quoi.
     
    Mais ce n’est pas fini. Si jamais vous n’aviez encore trouvé personne à qui vous voudriez nuire, ils ont inventé une petite infographie pour vous aider à trouver quelqu’un à qui pourrir la vie. C’est du lourd. Ca s’intitule : « les premiers signes qui peuvent alerter »
     
    Parmi ces signes que le gouvernement socialiste nous ordonne maintenant de surveiller, principalement chez nos proches, on trouve :
     
    - Ils rejettent des membres de leur famille (comme Hollande qui fait hospitaliser Trierweiler folle de rage d’être trompée)
    - Ils se méfient des anciens amis (comme les socialistes avec Cahuzac, ministre chargé de la fraude fiscale qui possédait des comptes en Suisse)
    - Ils ne regardent plus la télévision, ils fréquent assidument des sites et des réseaux sociaux
    (comme de plus en plus de monde qui se rend compte que les mass-médias ont pour unique objectif de manipuler, pas d’informer)
    - Ils changent brutalement leurs habitudes alimentaire (surtout, ne vous mettez pas dans la tête de commencer un régime en 2015, vous allez finir en garde-à-vue)
     
    Et le meilleur pour la fin :
    - Ils changent leur tenue vestimentaire, « notamment pour les filles, avec des vêtements qui cachent le corps ».
    Oui, vous ne saviez-pas ? Le vêtement laïc, lui, ne cache pas le corps, surtout en hiver. C’est par exemple la tenue « seins nus » des Femen quand elles vont pisser dans les églises. Ca c’est du vrai vêtement laïc garanti 100% anti-radicalisation. Tu m’étonnes.

    Hollande, un djihadiste en voie de radicalisation ?

    Mais il y a un gros problème. Moi, à titre personnel quand je lis ce truc, je dénoncerai bien Hollande. Il rentre dans au moins 3 cases. Il se méfie de ses anciens amis (et ses anciens amis se méfient de lui), il a rejeté des membres de sa famille (demandez à Ségolène ou Valérie…), il a changé brusquement ses habitudes alimentaires (quand il a décidé de se présenter aux présidentielles). Si on rajoute que, selon Obama, il a financé Al Quaïda et qu’il a essayé d’envoyer des milliers d’hommes combattre en Syrie, plus de doutes, je le dénonce.
     
    Donc il manque quelque chose, ça déconne leur truc. Si on peut dénoncer le Président de la République Laïque Socialiste car il présente des signes très clairs de radicalisation djihadiste, c’est qu’il y a un problème.
     
    Un appel à la délation des musulmans

    Le problème, c’est que ces bons à rien ont oublié l’essentiel, le plus important, le plus fondamental. Cet oubli est volontaire, car s’il était mentionné, le site tomberait sous le coup de l’incitation à la haine raciale et serait fermé immédiatement. Un comble…
    Oui, le plus important, qui est sous-entendu du début à la fin de ce site, qui est insinué entre chaque mot, qui transpire à chaque phrase, c’est bien évidemment que TOUS les suspects qu’on nous invite à dénoncer sont forcément MUSULMANS.
    Ne vous amusez pas à dénoncer un juif qui s’habille tout en noir ou un catholique qui fait le carême, vous pourriez vous retrouvez devant un tribunal pour dénonciation calomnieuse.
    Et puis, c’est bien connu, les juifs ou les chrétiens ne tuent pas au nom de leur Dieu des citoyens dans leur propre pays.  Il leur arrive bien de massacrer de temps en temps des populations entières, particulièrement des civils comme en Palestine, mais ça, c’est moins grave, c’est autorisé par la communauté internationale.
     
    Ne vous amusez pas non plus à dénoncer comme ça votre voisin qui vous empêche de dormir ou votre ex-mari qui veut absolument la garde des enfants. Avant toute chose, assurez-vous bien qu’il est musulman, sinon ça ne marche pas. Et n’oubliez pas le plus important, ne le dites pas hein, surtout pas d’amalgame. La France est en guerre contre les terroristes islamistes qui sont tous musulmans mais pas contre les musulmans, vous comprenez la nuance ?
     
    Et si vous ne vous sentez pas concernés, ne rêvez pas. Hier il fallait dénoncer les juifs. Aujourd’hui, il faut dénoncer les musulmans. Demain, il faudra dénoncer tous ceux qui n’adhèrent pas aux valeurs laïques socialistes. Après demain, il ne restera plus personne debout.
     
    Vive la Ripoublique, Vive la France


    (1) http://philippealain.blogspot.fr/2015/01/nous-sommes-tous-des-charlots.html

    (2) http://philippealain.blogspot.fr/2015/01/la-france-en-guerre-contre-ses-enfants.html
    Publié par à 01:11

  • Les tournures étranges de la liberté d’expression

    PRÉSENTATION :: En temps de guerre, aller regarder la France depuis l’autre côté de la Manche permet de voir la direction du manche (la barre en navigation aéronautique). D’outre-Atlantique, regarder la France c’est la voir de plus loin encore. Mais l’éditorialiste américain engagé dans l’information pour la liberté d’expression, Glenn Greenwald, plusieurs fois primé pour ses travaux, survole de près, où qu’il se trouve.
    Pour observer il ne s’embarrasse pas de la morale, en technicien du droit il va au droit et regarde la façon dont s’exécute le droit, par rapport aux textes de référence attachés aux libertés humaines.
    Ici, il entreprend un questionnement pragmatique de la liberté en France. Il explore, en l’informant, la liberté exécutive sous l’égide du slogan de la liberté d’expression sorti des protestations solidaires après les attentats de Charlie Hebdo. Non seulement en France, mais incidemment au Royaume Uni, aux USA, et dans la société occidentale en général.
    Spécialement, la France de « Charlie » paraît renouveler le cycle régressif qui inspire le monde, où auparavant les USA s’étaient particulièrement distingués. « Il faut bien être premier en quelque chose » ironisait Gilles Kepel évoquant, à propos de son livre sur le terrorisme et la guerre [1], la première place de l’Hexagone en nombre de djihadistes internationaux introduits au Moyen Orient. Glenn Greenwald nous explique qu’en matière de liberté nous aurions également innové un pire.
    Avec l’information sociale de la double contrainte (double bind) en pleine austérité, entre la politique étrangère de la guerre et la politique nationale des pétrodollars et de l’armement, le pays se disloque dans un double et même triple langage à travers les déclarations politiques, les actes attendus, les résultats, et leur communication. Mais les gens y seraient aussi pour quelque chose — du moins ceux qui défilèrent le 11 janvier 2015 : qu’entendent-ils par liberté d’expression ?
    L’auteur n’y va pas par quatre chemins, en déconstruisant la chronologie d’une gestation « communautarienne » occidentale et post-coloniale du concept et de l’application de la liberté d’expression, telle qu’elle se manifeste en France depuis les attentats de Charlie Hebdo, il dévoile au-delà de la réalité liberticide l’injustice et l’inégalité qui composent le cadre hiérarchique de la société, l’administration des citoyens et de surcroît, le plus inquiétant pour la suite, les tables constitutionnelles communes à tous, où le registre sécuritaire transforme le droit en non droit.
    On est surpris de retrouver Dieudonné cité en exemple des cas abusifs d’accablement répressif. Dieudonné, on n’osait plus en parler, on auto-censurait de l’évoquer. Ce n’est pas une provocation mais le regard externe qui considère les abus contre le droit à la liberté d’expression, tel qu’il est situé dans les conventions internationales et entre autres concernant le web depuis 2012 [2].
    La liberté de parole ne suppose pas l’adhésion à l’idée exprimée ni l’autorisation au passage à l’acte de ce qu’elle exprime, c’est un principe diptyque avec la liberté de penser, c’est pourquoi les deux forment et demeurent un droit inaliénable quelle que soit l’idée exprimée : réduire ou dissocier cette liberté, c’est l’abolir.
    Le droit international reste respectable, et les constitutions ne sont pas des magmas de chewing gum. Pourtant, on assiste à des phénomènes contraires, qu’on a laissés venir, sans réagir aux prémisses, qu’on a laissés prendre forme, pour toujours — et demain ?
    Au moment où soutenue par Podemos une Musulmane arborant le foulard, tout juste mandatée comme « conseillère communale » à la mairie d’un village catalan, inaugure ses actes publics en célébrant un mariage gay, tandis qu’en France les ouvriers syndiqués subissent la plus grande répression judiciaire jamais vue (9 mois de prison ferme, le temps de la gestation d’un enfant, pour les insurgés de Good Year) et des vieux — pas très vieux — se suicident après la saisie de leur maison par une banque, pour un endettement de 75.000 euros (soit sur un an l’équivalent mensuel de 6.500 euros par mois — pour donner une idée de leur niveau d’endettement par rapport au seuil moyen des allocations publiques des élus nationaux deux fois plus élevées et en partie défiscalisées), on voit que les SDF sont hors piste, et on pourrait commencer à se dire qu’aujourd’hui, en France, « la république communautarienne » non seulement occidentale mais réduite à très peu de couches sociales, s’engage au-delà de son économie financière et libérale désastreuse pour les gens, des banques, de son racisme endo-xénophobe, et de ses guerres, dans la dictature arbitraire contre tous sous la loi du non droit.
    Demain il sera trop tard, et les prochaines élections présidentielles sur fond de terreur et de loi d’urgence durable constitutionnalisée n’y changeront rien, sauf événement par ailleurs imprévu dont elles deviendraient l’émergence, (une chance à laquelle le liberticide laisse peu de place). (L. D.)


    Où étaient les croisés de la liberté d’expression post-Hebdo
    pendant que la France passait l’année dernière
    à concasser la liberté d’expression ?

     

    Voilà bientôt un an que plus d’un million de personnes — menées par les tyrans les plus répressifs de la planète [3] — défilèrent ostensiblement à Paris en faveur de la liberté d’expression [4]. Depuis lors, le gouvernement français, qui dans le sillage des meurtres de Charlie Hebdo avait ouvert le chemin en claironnant l’importance vitale de la liberté d’expression, à plusieurs reprises poursuivit différentes personnes pour les opinions politiques qu’elles avaient exprimées, et sinon exploita la peur du terrorisme pour écraser les libertés civiles en général. Il l’a fait en recevant à peine un regard de protestation furtif de la plupart de ceux qui, partout dans le monde occidental, agitaient les drapeaux de la liberté d’expression à l’appui des dessinateurs de Charlie Hebdo.

    C’est pourquoi, beaucoup de ces croisés de fraîche date pour la liberté d’expression, exploitant les meurtres de l’Hebdo, n’étaient pas, comme je l’avais soutenu à l’époque [5], des partisans authentiques en cohérence avec la liberté d’expression — au lieu de cela, ils invoquent ce principe seulement dans les cas les plus faciles et les plus égoïstes, à savoir la défense des idées qu’ils soutiennent ; mais quand les gens sont punis pour avoir exprimé des idées qu’eux détestent ils restent silencieux ou appuient l’interdiction : tout le contraire d’un plaidoyer sincère pour la liberté de parole.

    Quelques jours après la marche de Paris, le gouvernement français arrêta le comique Dieudonné M’bala M’bala « pour être “un apologue du terrorisme” d’après la suggestion sur Facebook qu’il éprouvât de la sympathie pour un des bandits armés de Paris. » [6]. Deux mois plus tard, il fut reconnu coupable, recevant une peine de prison de deux mois avec sursis [7] [8]. En novembre, pour des charges séparées, il fut reconnu coupable par un tribunal belge « de racisme et de commentaires antisémites dans un spectacle en Belgique » et reçut une peine de prison de deux mois [9]. Il n’y a pas eu de hashtag #JeSuisDieudonné en tendance, et pour cette attaque à la liberté d’expression il est à peu près impossible de trouver des dénonciations par les voix les plus fortes des croisés de la liberté d’expression post-Hebdo, à l’égard des gouvernements français et belges.

    En France, dans les semaines qui suivirent la marche pour la liberté d’expression, des dizaines de personnes « furent arrêtées pour discours de haine ou autres actes insultant les croyances religieuses, ou acclamant des hommes ayant perpétré les attaques. » [10]. Le gouvernement « ordonna aux procureurs à travers le pays de réprimer le discours de haine, l’antisémitisme et la glorification du terrorisme ». Il n’y avait pas de paliers dans la défense de leur droit à la liberté d’expression.

    Au mois d’octobre, le plus haut tribunal français confirma la condamnation pénale de militants qui prônaient le boycott et les sanctions contre Israël en tant que moyen pour mettre fin à l’occupation [11]. Qu’avaient fait ces criminels ? Ils « sont arrivés au supermarché en portant des maillots arborant les mots : “Vive la Palestine, Boycott d’Israël” » et « également distribuèrent des tracts qui disaient que “l’achat de produits israéliens signifie la légitimation des crimes contre Gaza” ». Parce que le boycott contre Israël était considéré comme « antisémite » par le tribunal français, le préconiser était un crime [12]. Où étaient tous les croisés post-Hebdolorsque ces 12 personnes furent condamnées en pénal pour avoir exprimé leurs opinions politiques critiques d’Israël ? Introuvables.

    Plus généralement, à la suite de l’attaque de Paris le gouvernement français se saisit les pouvoirs de l’« état d’urgence », dont à l’origine il déclara qu’il devait durer douze jours. Il l’a ensuite étendu à trois mois, et alors que l’échéance approche il est maintenant question de réitérer indéfiniment l’extension de ces pouvoirs, ou de les installer en permanence [13]. Ces pouvoirs ont été utilisés exactement comme on pouvait s’en douter : avoir fait irruption sans mandat dans des lieux où des musulmans français se rassemblaient, fermer des mosquées et des cafés, détenir sans charges des personnes, et par ailleurs abolir les libertés fondamentales [14]. Ils ont également été utilisés au-delà de la communauté musulmane, contre les militants du climat [15]. Si ce genre de répression classique, rampante, ne vous met pas en colère et ne vous bouleverse pas, alors vous pouvez être beaucoup de choses mais aucun d’entre vous ne peut être un véritable défenseur de la liberté d’expression en France.

    Même avant les meurtres de l’Hebdo, les poursuites contre les Musulmans en Europe pour l’expression de leurs opinions politiques étaient monnaie courante, en particulier lorsque ces opinions critiquaient la politique occidentale. En effet, une semaine avant l’Hebdo, j’avais écrit un article détaillant cette menace croissante pour la liberté d’expression au Royaume-Uni, en France et dans tout l’Occident [16]. Ces types d’actions — menées par les gouvernements les plus puissants du monde — étaient, et restent, la plus grande menace pour la liberté d’expression en Occident. Pourtant, ils ne reçoivent qu’une fraction minuscule de l’attention contre-liberticide portée aux raisons annoncées des meurtres de l’Hebdo [17].

    Alors, où sont tous les avocats auto-proclamés de la liberté d’expression ? Ce fut seulement lorsqu’un petit nombre de Musulmans s’engagea dans la violence, les caricatures anti-Islam étant en cause, que ces avocats auto-proclamés se rendirent soudain animés et passionnés pour la liberté d’expression. C’est parce que la légitimation de la rhétorique anti-Islam et la diabolisation des Musulmans était leur cause réelle ; la liberté d’expression était juste un prétexte.

    Durant toutes les nombreuses années où j’ai travaillé pour la défense de la liberté d’expression, je n’en ai jamais vu le principe aussi manifestement exploité à d’autres fins par des personnes qui manifestement n’y croient pas, comme ce fut le cas pour les meurtres de l’Hebdo. C’était aussi transparent que malhonnête. Leur véritable ordre du jour était d’illustrer comment ils inventaient un nouveau genre de liberté d’expression particulièrement à cette occasion : défendre la liberté d’expression ce n’est pas seulement défendre le droit d’exprimer une idée, décrétèrent-ils, mais de plus en embrassant cette idée [18].

    Ce tout nouveau « principe » est, en fait, l’antithèse exacte des véritables protections de la liberté d’expression. Le plus important dans une croyance réelle en les droits à la liberté d’expression est le point de vue que toutesles idées [19] — celles avec lesquelles on est le plus ardemment d’accord, et celles que l’on trouve les plus détestables et tout le reste — ont le droit d’être exprimées et défendues sans punition. Les défenses de la liberté d’expression les plus importantes et courageuses [20] sont généralement venues de ceux qui ont exprimé simultanément du mépris pour une idée tout en défendant le droit des autres personnes à exprimer librement la même idée [21]. Tel est le principe qui a longtemps défini l’activisme authentique de la liberté d’expression : ces idées sont viles à exprimer, mais je vais travailler pour défendre le droit des autres à les exprimer.

    Ceux qui ont exploité les meurtres de l’Hebdo ont cherché à abolir cette distinction essentielle. Ils ont insisté pour que dénoncer ou condamner ceux qui avaient assassiné les caricaturistes de l’Hebdo. ne suffît pas. A la place, ils ont essayé d’imposer une nouvelle obligation : il faut célébrer et embrasser les idées des caricaturistes de l’Hebdo, soutenir qu’il leur soit octroyé des récompenses, applaudir la substance de leurs vues. Le refus de partager les idées de Charlie Hebdo (plutôt que simplement leur droit à la liberté d’expression) soumettait aux accusations — par la foi des moindres artistes de dénigrement du monde — que l’on manquât à devoir respecter leur droits de s’exprimer librement, ou pire, qu’on sympathisât avec leurs tueurs.

    Cette tactique d’intimidation à peu de frais — essayer de forcer les gens non seulement à défendre le droit de l’Hebdo à la liberté d’expression, mais encore à embrasser les idées y étant exprimées (mais seulement en matière critique des Musulmans) a perduré depuis. Un an plus tard, il est encore fréquent d’entendre des partisans du militarisme occidental accuser faussement les fractions de "la gauche" d’avoir justifié ou permis l’attaque de Charlie Hebdo, au seul motif qu’elles aient refusé d’acclamer la teneur des idées de l’Hebdo.

    Cette accusation est un mensonge absolu, démontrable, une calomnie évidente. Je n’ai jamais entendu une seule personne de gauche exprimer quoi que ce soit d’autre que de la répulsion envers l’assassinat de masse des caricaturistes de l’Hebdo, je n’ai jamais entendu davantage quiconque de la gauche suggérer que les meurtres aient été « mérités » ou que les caricaturistes « l’aient cherché ». J’ai certainement entendu, et ai exprimé moi-même, une opposition au ciblage implacable d’une minorité marginalisée en France par les caricaturistes de l’Hebdo (juste à propos de cette critique, elle a été exprimée avec plus d’éloquence par un journaliste ancien employé de l’Hebdo, Olivier Cyran : « Le pilonnage obsessionnel des Musulmans auquel votre hebdomadaire se livre depuis une grosse dizaine d’années a des effets tout à fait concrets. Il a puissamment contribué à répandre dans l’opinion « de gauche » l’idée que l’islam est un « problème » majeur de la société française. » [22]). Mais les objections sur la teneur d’une idée bien évidemment ne dénotent pas ni même ne suggèrent, à l’égard de ceux qui expriment cette idée, une défaillance dans la défense des droits à la liberté d’expression : à moins que vous n’approuviez le concept entièrement nouveau, nocif et trompeur, que l’on puisse ne défendre le droit à la liberté d’expression que pour ceux avec lesquels on est d’accord.

    Mais tout cela souligne que la liberté d’expression n’était pas le principe soutenu dans ce cas ; la liberté d’expression c’était juste une arme utilisée par quelques occidentaux tribaux pour essayer de contraindre les gens à applaudir l’islamophobie et les caricatures anti-musulmanes (pas simplement d’acclamer le droit de publier sans punition les caricatures ou la violence, mais d’acclamer les caricatures elles-mêmes).

    Et ce qui manifeste encore plus la supercherie, au cœur de ce spectacle post-Hebdo, est qu’avant la marche de Paris, et particulièrement depuis, il y a eu un assaut systématique contre les droits à la liberté d’expression d’un nombre énorme de la population en France et partout en Occident, laquelle est Musulmane et/ou critique de l’Occident ou d’Israël, et sur quoi les croisés de fraîche date de la liberté d’expression de l’Hebdo n’ont manifesté quasiment aucune opposition, et même de temps en temps ont apporté leur soutien tacite ou explicite. C’était que la liberté d’expression était leur arme cynique, pas leur croyance réelle.

    G. G.

     

    Source : traduction en français par L. D. pour La RdR d’après l’article original en anglais de Glenn Greenwald, “Where Were the Post-Hebdo Free Speech Crusaders as France Spent the Last Year Crushing Free Speech ?” — © The Intercept, 8 janvier 2015.

    P.-S.

    En logo : citation iconographique extraite de l’article « "Un dimanche de janvier" : l’hommage place de la République aux victimes des attentats », © La Provence avec l’AFP, 10 janvier 2015. La statue de la République en contre-jour au crépuscule, place de la République à Paris, le 10 janvier 2015.

     
     

    Notes

    [1] Gilles Kepel, Terreur dans l’Hexagone. Genèse du djihad français, avec la collaboration d’Antoine Jardin, coll. Hors série Connaissane, Gallimard, 15 décembre 2015.

    [2] AFP Genève, « Le droit à s’exprimer librement sur internet reconnu par l’ONU » lapresse.ca, 5 juillet 2012.

    [3] "Paris unity march : which world leaders are really committed to press freedom ?", The Guardian, 1 janvier 2015.

    [4] « Charlie Hebdo : revivez le grand rassemblement à Paris et les autres marches républicaines », Le HuffPost, 11 janvier 2015. "Millions gather in Paris for free speech demonstration", CBS News, 11 janvier 2015.

    [5] Glenn Greenwald,"In Solidarity With a Free Press : Some More Blasphemous Cartoons", The Intercept, 9 janvier 2015.

    [6] N.d.T. L’article lié par l’auteur, intitulé « Dieudonné arrested over Facebook post on Paris gunman » dans le Guardian, du 14 janvier 2015, a été supprimé bien qu’on le trouve également cité dans les réponses aux requêtes sur Google.

    [7] L’auteur lie un article du Jerusalem Post, "Dieudonne convicted of condoning terrorism", du 19 mars 2015.

    [8] N.d.T. Dans fr.wikipedia à l’article éponyme de l’artiste on peut lire : "Après les manifestations des 10 et 11 janvier, Dieudonné poste sur Facebook et Twitter des statuts commentant avec ironie les défilés, auxquels il indique avoir participé, et concluant « Sachez que ce soir, en ce qui me concerne, Je me sens Charlie Coulibaly », faisant allusion à la fois à l’attentat contre Charlie Hebdo et au terroriste Amedy Coulibaly, auteur de l’attentat antisémite Porte de Vincennes. [...] Le 14 janvier 2015, Dieudonné est interpellé dans sa résidence du Mesnil-Simon par la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), puis placé en garde à vue. Il est ensuite renvoyé en correctionnelle. [...] En mars 2015, Dieudonné est condamné à deux reprises en l’espace de 48 heures : tout d’abord à deux mois de prison avec sursis pour son commentaire sur les attentats de janvier, puis à une amende pour les propos tenus dans Le Mur [c. a-d son spectacle].

    [9] "Comic Dieudonné given jail sentence for anti-Semitism", BBC News, 25 novembre 2015.

    [10] A.P. Elaine Ganley and Jamey Keaten, "New issue of Charlie Hebdo sells out quickly", news.yahoo.com, 14 janvier 2015.

    [11] JTA, "France Court Upholds ’BDS Is Discrimination’ Ruling", forward.com, 23 octobre 2015.

    [12] Glenn Greenwald, "Anti-Israel Activism Criminalized in the Land of Charlie Hebdo and ’Free Speech’", The Intercept, 27 octobre 2015.

    [13] Martin Untersinger, “Emergency Measures May Be Written Into the French Constitution”, 14] William Horobin, "French Authorities Close Three Mosques During State of Emergency", The Wall Street Journal, 2 décembre 2015.

    [15] Alleen Brown, "Under House Arrest, a Climate Activist Waits Out the Paris Conference", The Intercept, 30 novembre 2015.

    [16] Glenn Greenwald, "With Power of Social Media Growing, Police Now Monitoring and Criminalizing Online Speech", The Intercept, 6 janvier 2015.

    [17] N.d.T. Il s’agit d’une périphrase dans la version française pour exprimer une phrase anglophone concise qui dans sa traduction littérale aurait prêté à contresens.

    [18] Cette analyse conforte celle de Philippe Marlière qui qualifie le basculement actuel de la laïcité primitive (pour l’égalité du service républicain à l’égard de la diversité sociale), dans une demande de laïcité à ceux auxquels ces services sont destinés, par l’expression "laïcité communautarienne" : Le Yéti, "Droit au blasphème : les ravages de la laïcité « communautarienne »", Politis, (interview sur un entretien paru dans la revue Ballast), 8 juin 2015, également reproduit dans La RdR.

    [19] Glenn Greenwald, "France’s censorship demands to Twitter are more dangerous than ’hate speech’ ", The Guardian, 2 janvier 2013.

    [20] "ACLU History : Taking a Stand for Free Speech in Skokie", ACLU, septembre 2010.

    [21] "ACLU-EM Defends KKK’s Right to Free Speech"
    ACLU, 7 septembre 2012.

    [22] Référence française : Olivier Cyran, « Charlie Hebdo », pas raciste ? Si vous le dites… », lettre à Charb et à Fabrice Nicolino,Article 11, 5 décembre 2013 ; suivie de l’avertissement du 11 janvier 2015 dans le même support par le même auteur : « Aux fossoyeurs de tous bords ». The letter translated into english by Daphne Lawless : " “Charlie Hebdo”, not racist ? If you say so…",posthypnotic.randomstatic.net, 2015.

  • Les Socialistes veulent sanctionner le buzz mensonger

    Les députés socialistes défendront ce mercredi un amendement pour alourdir les sanctions pénales contre la diffusion de fausses informations lorsqu'elles génèrent du buzz sur Internet, en particulier lorsqu'il s'agit de hoax à caractère politique.

    Mise à jour : l’amendement a été retiré.

    Dans le cadre de l’examen du projet de loi pour une République numérique d’Axelle Lemaire, l’ensemble des députés du groupe socialiste à l’Assemblée nationale ont signé un amendement n°CL387, qui vise à sanctionner plus durement les « hoax » (canulars) lorsqu’ils sont suffisamment bien élaborés pour avoir connu du succès sur les réseaux sociaux. Il sera examiné ce mercredi en commission des lois.

    La loi sur la liberté de la presse de 1881 contient déjà un article 27, rarement mis en œuvre, qui condamne la diffusion de fausses informations, « lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler ». La peine de 45 000 euros est portée à 135 000 euros lorsque cette publication, diffusion ou reproduction est « de nature à ébranler la discipline ou le moral des armées ou à entraver l’effort de guerre de la Nation ».

    Condamner les fausses informations sur l’action politique

    L’amendement des députés socialistes vise à compléter cette disposition pour préciser que seront aussi sanctionnées de 135 000 euros d’amende les diffusions de fausses nouvelles « lorsque la publication, la diffusion ou la reproduction faite de mauvaise foi aura pris une dimension virale telle qu’elle en aggrave l’ampleur ».

    On pourrait croire qu’il s’agit d’une réaction à la diffusion de fausses rumeurs lors des attentats du 13 novembre, qui avaient participé à alimenter la panique et à troubler le travail des policiers, mais l’exposé des motifs dévoile une autre ambition, plus politique à l’approche des élections présidentielle et législatives de 2017.

    image: http://www.numerama.com/content/uploads/2016/01/changementmaintenant.jpg

    changementmaintenant

    Une menace pour le bon fonctionnement de notre démocratie

    « Nombreux sont les internautes qui sont victimes, qu’ils en soient conscients ou non, de canulars informatiques ou « hoax », sous la forme de courriels ou de lettres-chaînes. Ces canulars informatiques revêtent un caractère de particulière gravité lorsqu’ils visent à diffuser, à grande échelle, une information erronée sur le contenu d’une politique publique », dénoncent ainsi les députés Socialistes, sans livre d’exemple précis.

    « L’internaute qui ne prend pas conscience de leur caractère mensonger est trompé dans son jugement là où, en tant que citoyen, il devrait toujours disposer d’une information fiable sur l’action de ses représentants. De plus, il peut également contribuer à diffuser – à son insu – des informations erronées, ce qui à grande échelle constitue une véritable menace pour le bon fonctionnement de notre démocratie ».

    Aucune sanction n’est en revanche proposée pour la diffusion de fausses promesses électorales, qui ne sont pas perçues comme une menace pour la démocratie.



  • Vœux présidentiels 2016

    Vœux présidentiels 2016 : chassez le naturel…

    Publié le 5 janvier 2016 dans Politique
     

    Quand on écoute l’allocution de François Hollande, on est frappé par la facilité avec laquelle il a changé son fusil d’épaule d’une année sur l’autre.

    Par Nathalie MP.

    François Hollande – Prix de l’Audace artistique et culturelle 2015 credits Actualitté (CC BY-SA 2.0)

    En moins de dix minutes, Marseillaise comprise, François Hollande s’est livré jeudi 31 décembre dernier à son quatrième rituel des vœux du Président aux Français. « Mes chers compatriotes, les vœux que je vous présente ce soir ne ressemblent à aucun de ceux qui les ont précédés » a-t-il tout d’abord déclaré. Ce n’est pas faux. L’année 2015 n’a ressemblé à aucune autre depuis longtemps par la façon dont la France est devenue sur son sol la cible meurtrie et répétée du terrorisme islamiste. La nécessaire réponse à apporter à cette situation de mise en danger de la population, ainsi que l’échec assez net des politiques économiques engagées en 2015, font que l’état d’esprit présidentiel et gouvernemental est aujourd’hui bien différent de celui qui animait les vœux prononcés exactement un an auparavant par le Président. 

    Rétrospectivement, il me semble que nous assistons dans cette édition 2016 au retour au galop du naturel socialiste, tandis que les vœux pour 2015 ouvraient en quelque sorte une petite (ne nous emballons pas) brèche pour une année « Macron » synonyme de modernisation et de libéralisation de l’économie, sous les grincements de dents de l’ultra-gauche et de l’ultra-droite réunies.

    Le 31 décembre 2014, le Président constatait que l’année 2014 avait été difficile, constat classique qui permet de se faire pardonner toutes les erreurs et de faire espérer tous les retournements favorables. Ni la croissance, ni le reflux du chômage n’avaient été au rendez-vous en dépit de multiples incantations en ce sens et malgré le fait que ces deux critères devaient servir de baromètre à l’excellence de la politique du gouvernement. Mais pour 2015, tous les espoirs étaient permis. La France n’était-elle pas la cinquième puissance mondiale ? Notre diplomatie n’était-elle pas à la pointe de la résolution pacifique de tous les conflits, par exemple lors de la crise ukrainienne ? Nos soldats n’étaient-ils pas les fiers défenseurs de nos valeurs partout dans le monde, notamment en Afrique ? La France n’avait-t-elle pas été déterminante dans la prise en compte de la croissance au niveau européen ? N’était-elle pas une puissance majeure dans l’innovation, la recherche et le rayonnement culturel ?

    Fort de ces brillants atouts, François Hollande voulait donc « en finir avec le dénigrement et le découragement » et « faire le choix de l’avenir » pour « une année d’audace, d’action et de solidarité. » Il s’agissait ainsi de libérer les énergies et bousculer les rentes grâce à la loi Macron, simplifier les procédures grâce au choc de simplification, baisser le coût du travail grâce au Pacte de responsabilité (allègement des charges sociales sur les bas salaires), tout en conservant intact ce qui fait notre belle République et ses valeurs : notre modèle social (que le monde entier nous envie sans la moindre velléité de s’en inspirer).

    Conséquence logique de toutes ces bonnes résolutions mises en oeuvre par des socialistes, nous allions donc assister à la naissance du compte pénibilité, petit bijou d’usine à gaz consommateur inutile d’énergies et de complexités absurdes, à l’adoption de la loi Macron par trois 49.3 successifs qui servent surtout à libéraliser trois lignes d’autocars, à la loi Santé, votée peu après les attentats de novembre 2015, qui, avec son tiers-payant généralisé, consacre la fonctionnarisation de notre système de santé avec tout ce qu’un système planifié par l’État engendre de dysfonctionnements et de pénuries prévisibles, et au report de l’application de la deuxième phase du Pacte de responsabilité pour cause de petits problèmes de bouclage budgétaire difficile pour 2016.

    Le discours qui apparaissait fin 2014 transgressivement libéral dans la bouche des jeunes loups socialistes tels que notre ministre de l’Économie Emmanuel Macron s’est clairement limité aux belles paroles. Pour les actes, l’atavisme socialiste, tout en impôts, réglementations, contrôles et moraline, a fini par prendre le dessus, donnant les piteux résultats qu’on constate aujourd’hui : une croissance en panne, un chômage de masse, et le parachèvement de la déconstruction de nos structures les plus nécessaires que sont l’Éducation nationale, la Justice et le système de santé, par excès de stratégie étatiste et idéologique. Pour illustrer tout cela, citons deux chiffres : depuis mai 2012, la France avec son Outre-Mer compte 1 122 600 chômeurs de plus en catégories A, B et C pour un total de 5 743 600 demandeurs d’emploi à fin novembre 2015.

    Il y a bien « état d’urgence économique et social » comme l’a dit François Hollande, plus par jeu de mot et posture compassionnelle que par principe de réalité, dans ses vœux 2016 dont voici maintenant la vidéo intégrale (10′ 05″) :

    On pourra sans nul doute considérer que je fais du mauvais esprit en disant que les attentats islamistes, surtout ceux du 13 novembre 2015, sont venus apporter une sorte de diversion bienvenue dans la politique du gouvernement. Mais quand on écoute l’allocution de François Hollande, on est frappé par la facilité avec laquelle il a changé son fusil d’épaule d’une année sur l’autre. Dorénavant, il n’est plus du tout question de montrer la moindre audace ou de faire valoir les moindres qualités innovatrices ou entrepreneuriales de la France, il est uniquement question de se positionner intégralement sur la défensive.

    « Mon devoir, c’est de vous protéger » a assuré le Président aux Français, consacrant la première moitié de ses vœux à la question de la lutte contre le terrorisme. Sans surprise, il a justifié les mesures sécuritaires qui furent adoptées dans les quelques heures qui suivirent les attentats puis confirmées les jours suivants, à savoir la proclamation de l’état d’urgence pour douze jours, sa prolongation de trois mois, son inscription dans la Constitution afin d’en disposer facilement en cas de menace grave. Il a également abordé l’épineuse question de la déchéance de la nationalité pour les bi-nationaux condamnés définitivement pour terrorisme, que le gouvernement souhaiterait également voir inscrite dans la Constitution.

    Sur tous ces points, François Hollande joue sur du velours. Dans l’émotion bien naturelle consécutive aux attentats, les Français sont prêts à se raccrocher à n’importe quel fétu de paille pour peu qu’on leur assure avec suffisamment de conviction que cela mettra un terme au terrorisme. Un récent sondage OpinionWay pour Le Figaro indiquait qu’ils seraient 85 % à soutenir cette dernière mesure.

    En 2015, le débat sur la loi Renseignement (adoptée en juin) avait montré l’inutilité anti-terroriste des dispositions de surveillance massive des télécommunications qu’elle instaurait sans décision judiciaire. L’application de l’état d’urgence s’est montrée plus riche en abus et dérives qu’en résultats effectifs. Et aujourd’hui, le débat sur la déchéance de la nationalité des binationaux montre la même inutilité opérationnelle vis-à-vis des terroristes de Daesh ou d’ailleurs. Mais on a l’impression que la classe politique comme les Français se jettent sur la première mesure venue comme sur un talisman qui apporterait bonheur et protection. Alain Juppé, chouchou des Français pour 2017, en est à déclarer que même si « ce n’est pas une réforme utile » mais un « coup politique de François Hollande », il voterait la déchéance de la nationalité s’il était député ! Qu’on m’explique le sens de ce genre de déclaration. Apparemment, dès qu’un problème se présente, il faut impérativement trouver une mesure à prendre, n’importe laquelle pourvu qu’elle ait l’air sévère et technique, et on s’y accroche comme à une bouée de plomb.

    Le Président a aussi évoqué le renforcement des effectifs de police et de gendarmerie, notamment dans le domaine du renseignement, ce qui parait beaucoup plus adéquat pour traquer les terroristes de façon ciblée. Avec un gros bémol toutefois : ces dépenses supplémentaires n’entraineront aucune remise en cause de nos dépenses publiques globales. Dès son discours de novembre 2015 devant le Parlement réuni en congrès à Versailles, François Hollande avait expliqué que « le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité » (maintien du déficit public en-dessous de 3 % du PIB), entérinant et justifiant dès lors n’importe quel dérapage des finances publiques.

    Dans la seconde partie de ses vœux 2016, François Hollande confirme cette tendance générale à la dépense. Le chômage reste, engagement répété mille fois oblige, un cheval de bataille du futur candidat présidentiel Hollande. Que faire pour voir enfin la fameuse courbe s’inverser ? Réformer le Code du travail ? C’est en effet une piste évoquée par le Président, mais les termes restent vagues pour l’instant, d’autant que Manuel Valls se donne deux ans pour aboutir. Autant dire qu’on ne sait pas du tout où l’on va en ce domaine. Beaucoup plus sûr, mettre 500 000 personnes sans emploi en formation, accélérer les possibilités d’apprentissage, étendre le service civique et lancer des « grands travaux. »

    Et à propos de grands travaux, François Hollande semble avoir trouvé sa pyramide du Louvre, sa Grande Arche et sa Grande Bibliothèque : ce sera la COP21, dont ses vœux, à l’unisson sur ce point, vantent l’importance dans l’édition 2015 et la réussite dans l’édition 2016. Désormais, tout sera fait dans le but de sauver le climat. Les grands travaux auront donc non seulement le bon goût de précipiter l’inversion de la courbe du chômage, mais ils permettront à la France, phare du monde climatique, d’apporter sa pierre au maintien du réchauffement anthropique en-deçà de 1,5 ° C à l’horizon 2100 en se dédiant principalement aux énergies renouvelables, à la croissance verte et à la rénovation de bâtiments dans le sens d’une moindre consommation d’énergie.

    Ainsi donc, face au terrorisme, on se protège à coups de changements constitutionnels, quitte à réduire dangereusement les libertés qui seraient le prix à payer. Et face au chômage, on planifie des grands travaux et on rempile dans les emplois aidés, quitte à relancer la dépense publique, donc le chômage de ceux qui n’ont pas la sécurité de l’emploi mais dont le travail finance l’emploi de ceux qui, au service d’un État beaucoup trop vaste, ont un emploi à vie. Et, tiens, comme par hasard, on ne reparle plus de la fiscalité, qui avait pourtant été qualifiée par le Président lui-même de beaucoup trop lourde. Bref, on se lance avec beaucoup d’entrain sur la « route de la servitude. »

    L’année 2016 sera décisive pour la politique française car ce sera celle qui verra émerger les candidats à l’élection présidentielle de 2017 ainsi que les « programmes » qu’ils proposeront aux Français. Dans le contexte gouvernemental actuel, redevenu particulièrement frileux à l’égard du risque, du marché et de l’entreprise, et particulièrement soucieux de rogner petit à petit toutes les libertés individuelles pour mieux garantir, croit-on à tort, la protection des populations contre le terrorisme, les libéraux auront à batailler ferme pour faire passer leurs idées : non, la sécurité publique ne s’obtient jamais au prix de la destruction des libertés individuelles, et non, la prospérité économique ne s’obtient jamais au prix de la suppression, même partielle, du marché.

    Pour 2016, je souhaite cependant qu’ils trouvent beaucoup de relais dans l’opinion, auprès de vous, lecteurs, afin de lancer partout des débats à la fois iconoclastes et constructifs pour la France de demain.

    Sur le web

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  • Comment nous pouvons gagner la guerre contre le terrorisme

     

    Après des attentats sanglants les dirigeants politiques ont tendance à privilégier une riposte de style robocop. Mais est-ce la bonne réponse ? La War on Terror de Bush n'a fait que ranimer le terrorisme et par-dessus le marché elle a engendré Daech. Allons-nous aujourd'hui réitérer cette faute ?

     



    Le terrorisme touche la société dans son âme, délibérément. C’est pourquoi il faut tout mettre en œuvre pour fournir une riposte aux terroristes et les éliminer radicalement. A cet égard une approche anti-terroriste ne doit satisfaire qu’à un seul critère : elle doit être efficace, toucher le terrorisme en son coeur. On peut se demander si l’approche actuelle dans notre pays et en France est la réponse adéquate. On peut même se demander si nos dirigeants politiques sont disposés à mener la lutte à fond, c’est-à-dire jusqu’à la racine du mal. Car de très nombreux intérêts sont en jeu, et une approche en profondeur est en opposition avec le cours actuel de la politique en Europe occidentale.

    Dans cet article nous irons d’abord à la recherche des causes plus profondes des attentats terroristes. Ensuite nous examinerons pourquoi l’approche actuelle est contreproductive. Enfin nous avancerons quelques propositions sur une approche en profondeur.

    1. Le terreau nourricier

    On ne combat pas une maladie en s’attaquant aux symptômes, mais bien en éliminant les causes ou le substrat. On a déjà beaucoup écrit sur ce terreau de culture. Il nous faut rechercher les causes des attentats terroristes passés tant à l’étranger que dans le pays. Si on combine la stratégie de la radicalisation djihadiste avec la haine vis-à-vis de la communauté musulmane et avec l’islamophobie, on obtient un cocktail explosif. Réexaminons les différents éléments.

    A. Radicalisation (1) made in USA

    L’invasion de l’Irak en 2003 a conduit à la faillite de l’état. Washington a opté pour la stratégie « diviser pour régner ». Les forces laïques ont été délibérément éliminées et les chiites ont été montés contre les sunnites. Le terrorisme contre la population sunnite a formé un terreau idéal pour les djihadistes. L’Arabie saoudite et le Qatar n’ont pas manqué d’offrir leurs services. C’est de cet ensemble de djihadistes extrémistes qu’est issu l’État islamique.

    La profession de foi extrémiste de l’EI, de al-Qaeda et d’autres groupes terroristes islamistes n’est pas simplement tombée du ciel. Ils sont le produit d’une diffusion systématique sur une longue durée du wahabisme par l’Arabie saoudite. Le wahabisme est un courant ultraconservateur qui diffère peu du califat en matière de credo et de pratiques. Dans le passé l’Arabie saoudite a formé environ 45.000 cadres religieux à l’étranger.

    Le pays finance des dizaines de chaînes satellitaires et des centaines de sites internet. Les Saoudiens ont investi à ce jour 87 milliards de dollars pour diffuser le wahabisme dans le monde entier, pour construire des mosquées et rémunérer des imams. Cela s’est fait et cela continue de se faire non seulement dans nos contrées mais aussi en Asie, en Afrique et bien sûr au Moyen-Orient (2). Il n’est pas exagéré de parler d’une wahabisation de l’islam. 

    Revenons au théâtre des opérations. En Syrie tout comme en Irak la carte confessionnelle a été tracée. L’Occident voulait depuis longtemps être quitte d’Assad. Dès 2006 divers groupes dissidents ont été financés par les Etats-Unis (3).

    En 2009, deux ans avant le printemps arabe, il existait des plans britanniques pour une invasion de « rebelles » (4). Les USA ont soutenu non seulement des groupes modérés, mais ils ont aussi financé des djihadistes radicaux, qui allaient ultérieurement passer à des organisations terroristes comme al-Nusra et l’EI (5). En 2011 les manifestations non violentes ont rapidement dégénéré en guerre civile. Du côté des rebelles les djihadistes l’ont emporté grâce au soutien massif des Etats du Golfe, de la Turquie et de la Jordanie. Cet appui allait à des organisations terroristes comme al-Nusra et al-Qaeda (6).

    En 2012 les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne organisèrent conjointement avec la Turquie et la Jordanie un camp d’entraînement pour les rebelles syriens en Jordanie. Une partie de ces rebelles se sont ralliés par après au califat. Une gaffe similaire a encore été reproduite en 2015.

    En 2012 les autorités à Washington connaissaient déjà la création plausible d’un état islamique dans certaines parties de l’Irak et de Syrie. C’était en effet ce que souhaitaient les pays islamiques soutenant l’opposition anti-Assad. Un tel état affaiblirait fortement Assad et porterait un coup à la coalition entre la Syrie, l’Irak et l’Iran (7). Le gouvernement étatsunien savait parfaitement ce qu’il faisait. La suite de l’histoire, nous la connaissons.

    B. Qui sème la haine et l’humiliation récoltera la radicalisation

    Les musulmans sont de plus en plus les boucs émissaires de notre société. Ce groupe est systématiquement relégué, sur tous les plans possibles. Chômage, retard en matière d’enseignement et pauvreté les touchent disproportionnellement. Ils sont systématiquement discriminés dans la recherche d’un emploi ou d’un logement. Depuis le 11 septembre l’intolérance à l’égard de l’islam connaît une courbe montante, avec l’interdiction du voile comme combat d’avant-garde. L’agression publique augmente en parallèle avec les messages de haine sur Facebook, insultes crachées aux enfants, apostrophes en rue …

    La police les contrôle avec une fréquence excessive et ils sont davantage criminalisés et internés que d’autres groupes (8). Ils se sentent de moins en moins les bienvenus (9) et sont de plus en plus confrontés à des partis politiques et à des médias qui attisent la haine à leur encontre. En outre cette haine est dirigée contre leur identité la plus profonde, à savoir leur religion.

    Surtout chez les musulmans jeunes cela peut entraîner des problèmes existentiels. Ils n’ont quasi aucune perspective et ils vivent leur crise d’identité différemment de leurs parents. Oui, ils sont nés ici mais ils ne se sentent pas les bienvenus, même en faisant de leur mieux. Pour réussir à s’affirmer et à revendiquer leur place dans notre société, beaucoup se rabattent, logiquement, sur la culture et la foi. Elles au moins leur offrent un ancrage. Mais en retour cela renforce l’islamophobie ambiante et c’est ainsi que se crée une polarisation auto-renforcée.

    Depuis 2008 les USA ou leurs alliés ont envahi ou bombardé huit pays : l’Afghanistan, le Pakistan, le Yémen, la Somalie, la Libye, le Mali, l’Irak en la Syrie. Comme par hasard, tous des pays musulmans. Et n’oublions pas Gaza, qui, depuis 2008, a déjà été dévasté trois fois par des bombardements à grande échelle. Il ne faut pas énormément d’empathie pour imaginer combien tout cela interpelle une population déjà frustrée.

    Il faut y ajouter un autre élément important, à savoir la wahabisation déjà évoquée de l’islam. Dans les pays occidentaux, jusqu’à présent, la foi musulmane n’a jamais obtenu une place à part entière. En Flandre par exemple, seule une mosquée sur dix est reconnue officiellement, et la communauté musulmane obtient des moyens financiers absolument insuffisants. Donc, pas étonnant que si peu d’imams parlent néerlandais. Pour vous donner une idée, le montant que l’Arabie saoudite investit dans le monde pour diffuser le wahabisme est 100.000 fois plus important que le subside public de la région flamande aux mosquées l’année dernière.

    Dans le reste de l’Europe occidentale la situation n’est guère meilleure. L’Arabie saoudite en a profité pour faire la promotion de sa version de l’islam. Pas besoin de chercher bien loin pour découvrir la raison pour laquelle l’Arabie saoudite a les coudées si franches : la Belgique est le principal fournisseur de munitions et le deuxième fournisseur d’armes légères à l’Arabie saoudite. De 2008 à 2011 les pays de l’UE ont autorisé l’exportation d’armes en Arabie saoudite à concurrence de 17,3 milliards (dont 1,7 milliard pour la Belgique) d’euros. Le port d’Anvers prévoit un investissement de plusieurs milliards d’une firme saoudienne, dont un responsable a des liens avec al-Qaeda.

    La conséquence de tout cela c’est que l’islam en Europe et en Belgique a un courant intégriste (10) puissant qui se diffuse via des chaînes satellitaires, des sites web, des livres, des organisations et un certain nombre de mosquées. C’est à partir de ce courant que des jeunes sont recrutés pour aller rejoindre l’EI.

    2. Effet inversé

    L’approche musclée des gouvernements français et belge vis-à-vis des attentats plaît sans doute à l’opinion publique, mais elle dénote une vision à court terme et elle ne fera qu’aggraver la situation sur le long terme. Nous distinguerons une fois encore la situation dans le pays et à l’étranger.

    A. L’huile sur le feu

    Après les attentats, la France a promptement expédié des bombardiers sur Raqqa, capitale de l’Etat islamique. « Nous sommes en guerre » a déclaré le président Hollande. Bizarre qu’il le remarque seulement aujourd’hui, car ces cinq dernières années les Français ont fait la guerre en Côte d’Ivoire, en Libye, en République Centrafricaine, en Irak et en Syrie. Quoi qu’il en soit, la question est de savoir si les bombardements présents et futurs en Irak et en Syrie sont une option avisée.

    L’an dernier les bombardements contre l’État islamique n’ont pratiquement pas produit de résultats. En tout cas les seules attaques aériennes ne réussiront jamais. Une invasion (de troupes au sol) paraît du reste exclue et ferait d’ailleurs entièrement dégénérer la situation (11).

    Les aventures passées en Afghanistan, Irak et Libye ont produit une débâcle absolue. Il est possible d’affaiblir le califat au moyen de drones et de bombes, mais du point de vue de la propagande on ferait exactement le jeu de l’état islamique. Les bombardement renforceront la conviction que l’Occident est le véritable ennemi du monde arabe.

    Plus que jamais le califat pourra se targuer d’être le défenseur de l’islam contre les agresseurs étrangers et il renforcera ainsi son attractivité pour les musulmans fanatiques du monde entier. Sur le terrain et plus précisément en Irak, les sunnites seront encore plus nombreux à se joindre à l’État islamique. Bref, à terme les bombardements ne feront que profiter à l’Etat islamique.

    B. Cercles vicieux et cadeaux du ciel

    Dans un climat d’intégration ratée et d’islamophobie latente, des attentats comme ceux de Paris entraînent une recrudescence de la haine des musulmans dans de larges couches de la population. Les messages de haine à l’encontre des étrangers, et en particulier des musulmans, avaient déjà frôlé de nouveaux sommets au cours du récent afflux de réfugiés. Les événements du 13 novembre en rajoutent une fameuse louche. Si en plus les autorités envoient des signaux qui renforcent les réactions viscérales, comme passer au crible tous les imams ou contrôler l’enseignement à domicile de musulmans, alors on va perdre toute modération.

    Et comme après Charlie Hebdo, la violence ne restera pas seulement verbale. On peut s’attendre à une violence physique accrue contre les symboles de l’islam et les musulmans. La population musulmane sera visée plus que jamais et devra s’endurcir encore pour s’affirmer. Le courant intégriste utilisera habilement ce contexte pour renforcer son influence et son impact, ce qui en retour favorisera la radicalisation et accroîtra encore l’islamophobie. Et la boucle sera bouclée.



    Il y a un second cercle vicieux (en vue). Les attentats terroristes sont un don du ciel pour l’extrême-droite. La droite prospère au mieux dans un climat d’angoisse et de terreur. Un renforcement de la droite signifie le détricotage de l’État-providence allant de pair avec l’établissement d’un état policier – le second point étant une condition du premier. Aussi les récents attentats et l’appel à plus de mesures de sécurité profitent-ils beaucoup à l’actuel gouvernement de droite. Mais un dépérissement aggravé de l’État-providence touchera surtout les plus faibles de notre société et donc aussi les musulmans. Cela veut dire que leurs conditions de vie non seulement existentielles mais aussi matérielles seront encore davantage mises sous pression. La perspective d’une vie décente pour les jeunes musulmans sera encore plus réduite qu’auparavant, ce qui va enrichir le terreau de la radicalisation. Ici aussi, la boucle est bouclée.



    Il y a une deuxième raison pour laquelle les attentats de Paris sont un cadeau du ciel à la droite : ils attisent le racisme. Le racisme détourne l’attention de la lutte socio-économique. L’ennemi, ce n’est plus le 1 % de richards qui accumulent des fortunes sur le dos de la population laborieuse, non, l’ennemi, ce sont les gens qui ont une couleur de peau, une culture ou une foi différente. Le racisme monte des segments de population les uns contre les autres et divise la population active. On tape sur ceux d’en bas plutôt que sur ceux d’en haut. C’est bien commode pour l’élite capitaliste. Ainsi elle reste hors d’atteinte et voit s’affaiblir le mouvement ouvrier.

    La stratégie « diviser pour régner » a fait ses preuves. En Allemagne dans les années ’30 la population laborieuse a été enivrée par de fortes doses d’antisémitisme, et une fois qu’elle a été suffisamment étourdie, les syndicats ont été éliminés. Pour le mouvement ouvrier d’aujourd’hui, le piège est de se laisser entraîner par la hargne anti-musulmane. Pour les musulmans, c’est le repli sur soi et le risque de se retrouver isolés. Plus que jamais, l’unité est nécessaire.

    3. Une approche anti-terroriste draconienne

    Une approche anti-terroriste draconienne est indispensable. Elle doit aller en profondeur, c’est-à-dire atteindre les causes. Et comme les causes sont multiples, cette approche doit également être multiple. Nous en donnons ici quelques ébauches, en différenciant à nouveau le national et l’étranger.

    A. Etranger

    1*. Le califat et autres groupes djihadistes en Syrie et en Irak doivent immédiatement être asséchés financièrement. La première conséquence est que les pays d’où affluent les fonds destinés aux groupes terroristes seront également mis à sec : Arabie saoudite, Qatar, Koweit … Les sanctions des dix dernières années contre l’Iran indiquent que cela peut fonctionner. En second lieu, les livraisons d’armes à ces pays doivent cesser.

    2*. Il faut miser au maximum sur une solution négociée, tant en Syrie qu’en Irak. Cela doit se faire sous les auspices de l’ONU. Des forces de maintien de la paix onusiennes devront superviser l’application et le respect des accords.

    3*. L’intervention militaire occidentale doit cesser.

    4*. Il faut enfin travailler sérieusement à résoudre la question palestinienne (12). Il faut prendre des sanctions économiques contre Israël jusqu’à ce qu’il ait respecté les résolutions onusiennes du passé.

    B. Intérieur

    1*. Tous les djihadistes potentiels et leur recruteurs doivent être immédiatement appréhendés. Dans un passé récent, les autorités fédérales ont empêché toute intervention contre certains individus radicalisés voire dangereux. C’est inconcevable.

    2*. Les performances des services de renseignement doivent s’améliorer. Il faut parvenir à une meilleure collaboration entre ces différents services nationaux et à un contrôle plus ciblé des malfaiteurs potentiels, tout en garantissant le plus possible la vie privée et les droits de l’homme. Il ne s’agit pas d’un simple exercice d’équilibre : ce doit faire l’objet d’un débat sociétal approfondi.

    3*. Tous les acteurs concernés doivent participer à la prévention de la radicalisation des jeunes : famille, maisons des jeunes, éducateurs de rue, enseignants et mosquées.

    4*. Il faut créer des programmes de dé-radicalisation et de réintégration des personnes radicalisées. Actuellement, dans le cas de combattants revenus de Syrie, ces personnes sont soit internées (sans accompagnement psycho-social), ce qui augmente encore le risque de radicalisation, soit elles sont abandonnées à leur sort. . Un exemple de cette approche est le centre bruxellois « De Weg naar ».

    5*. Le financement du wahabisme et d’autres courants religieux extrémistes doit être empêché par la contrainte. Inversement, il faut soutenir les projets innovateurs de musulmans jeunes ou moins jeunes qui étudient l’islam avec un esprit ouvert.

    6*. Il faut une reconnaissance à part entière de l’islam, y compris par des moyens financiers suffisants. Une telle reconnaissance permettra aussi d’établir des normes qui devront être respectées.

    7*. Il faut mettre en place une gestion de l’intégration qui soit sérieuse et digne de ce nom, ainsi qu’une gestion cohérente de la lutte contre la discrimination.

    8*. Il faut établir un Plan Marshall pour éliminer l’exclusion sociale et la pauvreté. Cela implique notamment la création d’emplois, des investissements sérieux dans le logement social, la réduction de la fracture dans l’enseignement … Pour un pays aussi riche que la Belgique, réduire la norme de pauvreté ou du chômage à moins de 3 % (13) ne peut constituer un problème.

    Voilà les premières ébauches visant à aborder les causes du problème. L’actuelle approche de style robocop des gouvernements belge et français ne fait que combattre les symptômes. A nous de contribuer à obtenir une approche plus approfondie.

    Notes :

    1. Le terme “radicalisation” est devenu usuel mais c’est une dénomination erronée. Etre radical signifie littéralement revenir aux racines et se comporter en conséquence. Pas de problème en soi. Ainsi “radical” est un terme qu’affectionne la responsable NVA Homans pour se définir. La NVA est un parti populiste de droite. “Radical n’est pas synonyme d’asocial” https://www.n-va.be/nieuws/radicaal... ; ou encore : https://www.n-va.be/persbericht/vla.... Le terme “fanatisme” convient mieux. Il connote davantage la foi aveugle et irrationnelle ainsi que l’intolérance à ceux qui pensent autrement. Mais le verbe “fanatiser” est moins utilisé que radicaliser.

    2. cf Ali T., The Clash of Fundamentalisms. Crusades, Jihads and Modernity, Londres 2003, p. 323ss ; Bokhari K. & Senzai F., Political Islam in the Age of Democratization, New York 2013, p. 90ss ; Rashid A., Jihad. De opkomst van het moslimfundamentalisme in Centraal-Azië, Amsterdam 2002, p. 228ss.

    3. . Bensaada A., Arabesque$. Enquête sur le rôle des États-Unis dans les révoltes arabes, Bruxelles 2015, p. 148ss ; ‘U.S. secretly backed Syrian opposition groups, cables released by WikiLeaks show’,https://www.washingtonpost.com/worl....

    4. C’est ce qu’a révélé l’ex-Ministre des Afaires étrangères Roland Dumas.https://www.youtube.com/watch?v=HI2..., à partir de 27’35”.

    5. Cela ressort notamment d’une interview d’Al Jazeera avec Michael Flynn, ancien directeur de l’U.S. Defense Intelligence Agency (DIA), http://www.aljazeera.com/programmes.... Voir également : http://www.dewereldmorgen.be/artike....

    6. Joe Biden, vice-président des Etats-Unis déclarait à ce sujet : “Our allies in the region were our largest problem in Syria. The Turks were great friends, and I have a great relationship with Erdogan, [who] I just spent a lot of time with, [and] the Saudis, the Emirates, etcetera. What were they doing ? They were so determined to take down Assad, and essentially have a proxy Sunni-Shia war, what did they do ? They poured hundreds of millions of dollars and tens of tons of weapons into anyone who would fight against Assad – except that the people who were being supplied, [they] were al-Nusra, and al-Qaeda, and the extremist elements of jihadis who were coming from other parts of the world.” https://www.washingtonpost.com/news.... Voir aussihttp://www.dewereldmorgen.be/artike....

    7. Dans un memo on peut lire ce qui suit : “If the situation unravels there is the possibility of establishing a declared or undeclared Salafist principality in eastern Syria (Hadaka and Der Zor), and this is exactly what the supporting powers to the opposition want, in order to isolate the Syrian regime, which is considered the strategic depth of the Shia expansion (Iraq and Iran). … Isi could also declare an Islamic state through its union with other terrorist organizations in Iraq and Syria, which will create grave danger in regards to unifying Iraq and the protection of its territory.”http://www.judicialwatch.org/docume....

    8. 60 % des détenus français sont musulmans alors que ce groupe ne constitue que 7% de la société. http://www.economist.com/news/brief....

    9. 74 % des Français estiment ‘l’islam non conciliable’ avec la société française. Un même pourcentage d’Allemands a une attitude négative à l’égard de l’islam. Et 62% des Britanniques pensent que leur pays perdra son identité si davantage de musulmans y viennent.http://www.loonwatch.com/2013/01/eu... ; http://www.economist.com/news/brief....

    10. Intégrisme signifie extrémisme religieux. La notion était initialement utilisée pour les courants réactionnaires au sein du catholicisme. Elle existe dans pratiquement toutes les religions.

    11. En cas d’invasion par des troupes au sol on risque une confrontation directe entre l’Occident et ses alliés d’un côté, et la Russie, la Syrie et l’Iran de l’autre. Sans parler du Hezbollah et des rebelles kurdes. Une invasion commune des deux camps paraît exclue parce que les objectifs des différents acteurs divergent et sont parfois directement opposés. Les Etats du Golfe veulent d’une part éliminer Assad et affaiblir l’Iran et d’autre part renforcer al-Nusra et al-Qaeda. La Turquie le souhaite également, mais en plus elle veut en finir avec les rebelles kurdes en Syrie. L’Occident vise avant tout Assad et souhaite ne pas trop renforcer les milices islamistes. La Russie veut éradiquer tous les djihadistes et maintenir un régime pro-russe en Syrie. L’Iran et le Hezbollah veulent renforcer Assad et éliminer les djihadistes (sunnites).

    12. Tant lors de l’attentat du 11 septembre qu’à Charlie Hebdo il est apparu que la question palestinienne est un motif important de radicalisation. Voir par exemple : ‘The way for Americans to take on the Islamic state is to end support for Jewish nationalism,http://mondoweiss.net/2015/11/ameri....

    13. Cfr. Le critère de Maastricht relatif au déficit public.

    Traduction du néerlandais : Anne Meert pour Investig’Action.