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Gouvernement français:décryptage - Page 2

  • Pilleurs d'Etat

    Pilleurs d'Etat : pourquoi nos élus en arrivent à se prendre pour des surhommes (et s'en mettent plein les poches)

    Philippe Pascot a côtoyé les élus de tout bord pendant près de 25 ans. Il recense dans cet ouvrage les abus légaux dans lesquels tombe la classe politique française : salaire exorbitant, exonération d’impôts, retraite douillette, cumuls, emplois fictifs, déclarations d’intérêts et d’activités bidons et tant d’autres petits arrangements entre amis... Extrait de "Pilleurs d'Etat", publié aux éditions Max Milo (2/2).

    Bonnes feuilles

    Publié le 15 Mai 2015

    Certains de nos élus en arrivent à se prendre pour des surhommes, au-dessus des lois. Crédit Reuters

    C’est l’ancienne ministre Michèle Delaunay, députée de Gironde, qui a très bien décrit le phénomène sur son blog en septembre 201430. Elle y décrit le parcours carriériste de nombre de ses collègues qui suivent tous à peu près le même chemin, certains allant juste plus vite que d’autres. Elle constate aussi que les élus (de plus en plus nombreux) et les parlementaires ne savent rien de la vraie vie, celle des fins de mois difficiles, des courses à faire pour la semaine, des repas à préparer pour les enfants, de la voiture qui tombe en panne au mauvais moment, des transports en commun bondés et toujours en retard.

    De tous ces petits détails, qui empoisonnent la vie quotidienne de tout un chacun, ils n’ont jamais connu l’ombre d’une miette. De la vie, ils ne connaissent que celle qu’ils se sont bâtie en consacrant l’essentiel de leur temps à atteindre le seul objectif qu’ils se sont fixé : être élu. Et comme le dit très justement Mme Delaunay, le virus sympathique du départ, cette envie de transformer le monde, d’aider son prochain, se mue en maladie incurable de celui qui sait tout, dont la parole devient d’évangile, la volonté de puissance remplace celle de bien faire : le surhomme vient au monde. Celui qui, parce que le système le veut, perd toute spontanéité et se met à calculer ce que veut voir l’électeur et non ce qu’il faut faire en réalité pour l’intérêt général.

    Car à ce stade de la carrière naissante de l’élu, celui-ci prend goût au pouvoir et à tout ce qu’il représente. Du jour au lendemain, son statut change, il cesse de faire partie du commun des mortels, il devient un personnage, un notable, quelqu’un de respectable et de respecté.

    Je l’ai moi-même vécu après mon élection en tant que conseiller régional d’Île-de-France, puis de président de la commission de la formation professionnelle et de l’apprentissage de la Région Île-de- France. D’un coup d’un seul, je suis devenu quelqu’un d’autre. On aurait pu croire qu’une fée s’était penchée soudainement sur mon berceau d’élu et, d’un coup de baguette magique, m’avait rendu immédiatement beau et intelligent… Du jour au lendemain, un certain nombre de courtisans administratifs, souvent des chefs de service qui hument la possibilité d’une promotion, venaient me voir, l’échine courbée, me serinant de façon obséquieuse du « Le président veut-il… » ou du « Si le président pense… » à chaque phrase requérant mon attention.

    À l’époque, ce tumulte soudain m’avait tellement perturbé que j’ai mis une bonne journée à comprendre que le président dont parlaient sans arrêt ces gens, et qui paraissait si important à leurs yeux, eh bien c’était moi ! Et non Jean-Paul Huchon, le président de Région, comme je l’ai cru toute la journée.

    Cela crée un choc et vous propulse vite, si on n’y prend pas garde, sur un nuage où on se laisse vite bercer..

    Le pouvoir que l’on vous octroie procure les avantages qui en sont l’accessoire (téléphone, Internet, frais de représentation, invitations diverses et variées…), eux-mêmes doublés d’un soupçon de privilèges et d’un zeste de passe-droits qui font que très vite, de tout là-haut sur le petit nuage, les vraies gens deviennent tout petits, voire insignifiants. Vous venez de toucher le gros lot et plus rien ne compte vraiment que la contemplation de ce que vous êtes devenu.

    Une fois bien installé, l’élu, prenant goût à la fonction, commence à réfléchir et se demande comment faire pour que de locataire de son mandat, il en devienne propriétaire. Sans s’en rendre compte ou par calcul (pour toujours davantage d’élus), l’élu fait ce qu’on appelle « un plan de carrière ». Il commence alors à cumuler : un mandat pour la soif, un autre au cas où, une viceprésidence par-ci, un petit mandat local comme base de repli par-là, un territoire à garder pour avoir sa base arrière…

    Le formatage des élus : un frein à la diversité, la créativité et la prise de risques

    On entre maintenant en politique, toutes tendances confondues, avec un plan de carrière préétabli. On va essayer dans un premier temps de gagner sa place au soleil, puis de la garder et d’agrandir à mesure son terrain de jeu. Le tout entre gens du même monde, de la même corporation, qui se serrent les coudes quand on essaye de toucher à leurs prérogatives. Certes, de temps en temps, ces gens se donnent quelques coups de griffes, mais en général ce sont plutôt des coups de pattes, comme le ferait une portée de chatons joueurs entre eux, juste pour désigner celui qui sera le dominant de la tribu.

    Comme de plus en plus d’élus à responsabilités multiples ont quasiment le même parcours pour arriver au pouvoir, qu’ils sont tous issus à peu près des mêmes couches sociales (à quelques rares exceptions près), qu’ils ne travaillent, vivent, respirent quasiment qu’en vase clos, il tombe sous le sens que la compréhension de la vie au quotidien leur échappe. Dans le même moule de fonctionnement, ne vivant que pour et par leur carrière emportée de haute lutte, entourés d’une foule d’assistants courtisans qui les conseillent tout en montant autour d’eux un cordon sanitaire infranchissable pour celui qui n’est pas coopté par le « sérail », ces élus parlementaires aux mandats multiples ne peuvent plus comprendre et sentir les besoins d’une population dont ils ne font plus partie car ils n’en partagent plus rien (si ce n’est les petits fours lors des inaugurations, des comices agricoles et pince-fesses nombreux).

    Ils décident, peaufinent, détaillent, inventent des règles et des lois qui sont à 100 000 lieues des préoccupations quotidiennes de la population. Comment des parlementaires peuvent-ils comprendre qu’il est difficile de vivre avec un revenu de 500 euros par mois alors que tous sont plus que largement à l’abri du besoin ? En 2012, il ne restait au sein du Palais-Bourbon qu’un seul député ouvrier. Depuis cette date, légère amélioration, il y a 11 députés ouvriers et employés, soit environ 3 % de l’ensemble de l’Assemblée31.

    Si on ne doit pas tomber dans les clichés simplistes et stériles, on est quand même obligé de constater que nos parlementaires ne sont plus à l’image de leurs mandants. La fracture entre ceux « d’en haut » et ceux « d’en bas » s’agrandit d’année en année.

    Dans un rapport du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof ) de 201232, on constate qu’il n’y a quasiment plus aucun parlementaire qui le devient au titre d’un premier mandat. Quasiment tous ont déjà une longue carrière politique ou d’appareil derrière eux. La plupart ayant commencé leur parcours avant 25 ans dans des instances politiques soit comme assistants parlementaires, soit comme conseillers municipaux ou régionaux.

    La politique n’est plus vue comme un sacerdoce dans lequel on s’engage pour défendre la veuve et l’orphelin mais comme une carrière au long cours. Il faut la gérer avec prudence au sein d’un groupe qui vous protégera, et sa continuité passera, pour beaucoup, par une soumission profonde sous des dehors de liberté apparente.

    Sans soutien, sans appui, sans argent, il est quasiment impossible aujourd’hui de gagner une élection parlementaire. Le trublion qui vient déranger la machine bien huilée du parcours obligatoire du candidat programmé ne passe plus que très rarement la barre du premier tour. Il faut être du « sérail ».

    Tous ces élus forment un conglomérat bien tassé dont les couleurs politiques se distinguent de moins en moins, tant le fonctionnement interne de ce bloc uniformisé procède d’un immobilisme prudent nécessaire pour conforter un parcours politique qu’ils veulent sans risque.

    Les parlementaires se gardent bien de s’aventurer dans des réformes profondes de la société en évolution ou sur des terrains trop voyants qui les exposeraient à la critique ou pire, à la vindicte populaire.

    La prise de risque altruiste s’amoindrit pour faire place à une prise de risque calculée qui n’entachera pas leur plan de carrière.

    Extrait de "Pilleurs d'Etat", de Philippe Pascot, publié aux éditions Max Milo, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

  • « Nous payons les inconséquences de la politique française au Moyen-Orient »

     

    LE MONDE | • Mis à jour le

     

    image: http://s2.lemde.fr/image/2015/11/17/534x0/4811387_6_555d_laurent-fabius-et-le-ministre-du-petrole_53804d5e590fff94c999eb8101ee0f2c.jpg

    Laurent Fabius et le ministre du pétrole saoudien  Ali al-Naimi  le 8 novembre à Paris.

    Soyons réalistes, demandons l’impossible, clamaient dans les rues de Paris les utopistes de mai 1968. Etre réaliste aujourd’hui, c’est réclamer à ceux qui gouvernent d’aller aux racines de ce mal qui, le 13 novembre, a tué au moins 129 personnes dans la capitale française. Elles sont multiples, et il n’est pas question d’en faire ici l’inventaire. Nous n’évoquerons ni l’abandon des banlieues, ni l’école, ni la reproduction endogamique d’élites hexagonales incapables de lire la complexité du monde. Nous mesurons la multiplicité des causes de l’expansion de l’islamisme radical.

    Comme nous savons à quel point l’étroitesse des rapports entretenus dans tout le monde arabe entre les sphères politique et religieuse a pu faciliter son émergence, nous n’avons aucune intention simplificatrice. Mais, aujourd’hui, c’est la politiqueinternationale d’une France blessée, et de l’ensemble du monde occidental, que nous voulons interroger.

    Sur l’islamisme d’abord. Depuis le début de sa montée en puissance, dans les années 1970, les dirigeants occidentaux se sont convaincus qu’il devenait la force politique dominante du monde arabo-musulman. Addiction au pétrole aidant, ils ont renforcé le pacte faustien les liant aux Etats qui en sont la matrice idéologique, qui l’ont propagé, financé, armé. Ils ont, pour ce faire, inventé l’oxymore d’un « islamisme modéré » avec lequel ils pouvaient faire alliance.

    LE DJIHADISME EST AVANT TOUT L’ENFANT DES SAOUD ET AUTRES ÉMIRS AUXQUELS ELLE SE FÉLICITE DE VENDREÀ TOUR DE BRAS SESARMEMENTS SOPHISTIQUÉS. ON NE VEUT PAS VOIR QUE LA MÊME IDÉOLOGIE LES ANIME

    Le soutien apporté ces derniers mois au régime turc de M. Erdogan dont on connaît les accointances avec le djihadisme, et qui n’a pas peu contribué à sa réélection, en est une des preuves les plus récentes. La France, ces dernières années, a resserré à l’extrême ses liens avec le Qatar et l’Arabie saoudite, fermant les yeux sur leur responsabilité dans la mondialisation de l’extrémisme islamiste.

    Le djihadisme est avant tout l’enfant des Saoud et autres émirs auxquels elle se félicite de vendre à tour de bras ses armements sophistiqués, faisant fi des « valeurs » qu’elle convoque un peu vite en d’autres occasions. Jamais les dirigeants français ne se sont posé la question de savoir ce qui différencie la barbarie de Daesh de celle du royaume saoudien. On ne veut pas voir que la même idéologie les anime.

    Cécité volontaire

    Les morts du 13 novembre sont aussi les victimes de cette cécité volontaire. Ce constat s’ajoute à la longue liste des soutiens aux autres sanglants dictateurs moyen-orientaux – qualifiés de laïques quand cela convenait – de Saddam Hussein à la dynastie Assad ou à Khadafi – et courtisés jusqu’à ce qu’ils ne servent plus. La lourde facture de ces tragiques inconséquences est aujourd’hui payée par les citoyens innocents du cynisme à la fois naïf et intéressé de leurs gouvernants.

    L’autre matrice du délire rationnel des tueurs djihadistes est la question israélo-palestinienne. Depuis des décennies, les mêmes dirigeants occidentaux, tétanisés par la mémoire du judéocide perpétré il y a soixante-dix ans au cœur de l’Europe, se refusent à faire appliquer les résolutions de l’ONU susceptibles de résoudre le problème et se soumettent aux diktats de l’extrême droite israélienne aujourd’hui au pouvoir, qui a fait de la tragédie juive du XXe siècle un fonds de commerce.

    On ne dira jamais assez à quel point le double standard érigé en principe politique au Moyen-Orient a nourri le ressentiment, instrumentalisé en haine par les entrepreneurs identitaires de tous bords. Alors oui, soyons réalistes, demandons l’impossible. Exigeons que la France mette un terme à ses relations privilégiées avec l’Arabie saoudite et le Qatar, les deux monarchies où l’islam wahhabite est la religion officielle, tant qu’elles n’auront pas coupé tout lien avec leurs épigones djihadistes, tant que leurs lois et leurs pratiques iront à l’encontre d’un minimum décent d’humanité.

    Exigeons aussi de ce qu’on appelle « la communauté internationale » qu’elle fasse immédiatement appliquer les résolutions des Nations unies concernant l’occupation israélienne et qu’elle entérine sans délai la création trop longtemps différée de l’Etat palestinien par le retour d’Israël dans ses frontières du 4 juin 1967.

    Ces deux mesures, dont riront les tenants d’une realpolitik dont on ne compte plus les conséquences catastrophiques, n’élimineront pas en un instant la menace djihadiste, aujourd’hui partout enracinée. Mais elles auront l’immense mérite d’en assécherpartiellement le terreau. Alors, et alors seulement, les mesures antiterroristes prises aujourd’hui en l’absence de toute vision politique pourraient commencer à devenir efficaces.

    Sophie Bessis et Mohamed Harbi (Historiens)

    Sophie Bessis est l’auteur de La Double Impasse. L’Universel à l’épreuve des fondamentalismes religieux et marchand (La Découverte, 2014) ; Mohamed Harbi est ancien membre puis historien du Front de libération nationale algérien (FLN).

     
     


    En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/11/17/nous-payons-les-inconsequences-de-la-politique-francaise-au-moyen-orient_4811388_3232.html#GqoG1SXyoJ452DuK.99

  • L'ARABIE SAOUDITE, SPONSOR DE L'ETAT ISLAMIQUE ? OUI, JUSQU'EN 2014

     

    Argent, influence religieuse et militaire : ce que l'on sait


     
     

    Hypocrite, la diplomatie française ? Trois jours après les attaques qui ont fait 129 morts et 352 blessés à Paris et à Saint-Denis, plusieurs spécialistes - dont l'ancien juge antiterroriste Marc Trévidic et l'universitaire Jean-François Bayart - estiment que Paris s'est montrée trop complaisante avec l'Arabie saoudite. Mais que reproche-t-on au juste aux autorités saoudiennes ? Quel rôle a tenu le royaume islamique dans l'émergence de l'organisation Etat islamique (EI), qui a revendiqué les attentats du 13 novembre ?

    La saillie n'est pas venue de n'importe qui. C'est l'ancien juge antiterroriste Marc Trévidic, probablement l'un des experts les plus sollicités ces derniers jours pour analyser les attaques de Paris et Saint-Denis, qui l'affirme : "Il faut lutter contre l'idéologie salafiste. (...) Et c'est notre ambiguïté : on est copains avec des gens qui ont des idéologies très proches". Les "gens" en question : l'Arabie Saoudite. "Le wahhabisme [la doctrine religieuse officielle saoudienne] a diffusé cette idéologie sur la planète depuis le conflit en Afghanistan, pour simplifier, depuis 1979. Est-ce qu'on est copains avec eux parce que c'est un partenaire économique? (...) On est dans un paradoxe total."

    La France aurait commis une erreur en nouant une alliance avec l'Arabie saoudite : l'idée est également développée par le politiste Jean-François Bayart dans une tribune publiée par Libération, "Le retour du boomerang". "L’alliance stratégique que la France a nouée avec les pétromonarchies conservatrices du Golfe, notamment pour des raisons mercantiles, a compromis la crédibilité de son attachement à la démocratie", écrit notamment Bayart, qui a été consultant auprès du Centre d’analyse et de prévision du ministère des Affaires étrangères français.

    C'est enfin sous la plume des historiens Sophie Bessis et Mohamed Harbi que l'idée a été développée ce 17 novembre : "La France, ces dernières années, a resserré à l’extrême ses liens avec le Qatar et l’Arabie saoudite, fermant les yeux sur leur responsabilité dans la mondialisation de l’extrémisme islamiste".

    Le Monde - 17 novembre 2015

    La tribune de Sophie Bessis et Mohamed Harbi dans Le Monde

    L'Arabie saoudite est un encombrant partenaire, qui a sa part de responsabilité dans l'extrémisme islamiste : l'argument est souvent avancé, mais pas toujours détaillé. Que sait-on, au juste, de la position de l'Arabie saoudite vis-à-vis des groupes djihadistes, et en particulier de son rôle dans la montée en puissance de l'EI ? Pour le comprendre, il faut distinguer deux aspects : le rôle proprement matériel de l'Arabie saoudite, et son influence idéologique (par définition, plus difficile à mesurer). Si l'aide financière en provenance d'Arabie saoudite à destination de groupes djihadistes (et en particulier de l'Etat islamique) semble se tarir depuis 2014, des spécialistes assurent que la contribution la plus nette du royaume à la propagation du djihadisme salafiste s'est jouée sur le terrain des idées.

    L'ORGANISATION ETAT ISLAMIQUE BRIÈVEMENT FINANCÉE EN 2013, COMME L'ENSEMBLE DES FORCES ANTI-ASSAD

    Y'a-t-il eu, oui ou non, un soutien financier de l'EI par l'Arabie saoudite ? Le pays tire une partie de sa réputation de "promoteur du djihadisme" du soutien apporté aux talibans afghans dans les années 1980 puis 1990 (soutien également apporté, à l'époque, par les Etats-Unis et le Pakistan, qui espéraient que l'islam rigoriste du mouvement taliban permettrait de "stabiliser" le pays). Les talibans deviendront des partenaires privilégiés de l'une des plus puissantes organisations salafistes djihadistes : Al-Qaida.

    Mais le soutien de Riyad à des groupes djihadistes ne semble pas s'être arrêté là. En 2014, un ex-officier des services de renseignement, Alain Chouet, évoquait des financements beaucoup plus récents : "Il est clair que l’Arabie saoudite puis le Qatar ont financé [l'Etat islamique]". En janvier 2015, l'ancien diplomate Alexis Varende l'assurait encore : l'Arabie saoudite "finance ceux des djihadistes qui développent leurs activités à l’extérieur du royaume". Selon ces spécialistes, le royaumeauquel la France vend tant d'armes aurait financé le groupe armé qui a revendiqué les attaques de Paris (mais aussi de Beyrouth).

    Orient XXI

    L'article d'Alexis Varende pour Orient XXI

    Quand et comment le royaume a-t-il fourni son appui à l'organisation dirigée par Abou Bakr al-Baghdadi ? Les analyses sont globalement d'accord sur la période, mais pas sur les modalités. La période : celle des débuts de la rébellion en Syrie. Des fonds saoudiens auraient alors transité vers l'Etat islamique (qui s'appelait encore à l'époque EIIL - Etat islamique en Irak et au levant), ainsi que vers l'ensemble des forces anti-Assad. L'EIIL aurait bénéficié des efforts saoudiens pour renverser Bachar el-Assad et ainsi affaiblir "l'axe chiite" au Moyen-Orient. La thèse est notamment défendue par un ex-officier des renseignements français, Alain Rodier.

    Ce soutien aurait pris fin lorsque les différents groupes de la rébellion syrienne se seraient déchirés, et en particulier à la fin de l'année 2013, lorsque l'EIIL est entrée en guerre ouverte contre l'Armée syrienne libre (ASL). Cela signifie également que le soutien se serait tari avant l'expansion territoriale du groupe en Irak - où l'EI a conquis d'importantes positions à partir de juin 2014 : "S’il est certain que l’Arabie saoudite a aidé et soutenu des groupes et des factions djihadistes en Syrie, on ne peut pas en conclure que Riyad est aujourd’hui le commanditaire de l’expansion territoriale de l’EIIL des deux côtés de la frontière",soulignait à l'époque le journaliste spécialiste des mouvements djihadistes Wassim Nasr.

    FONDS PUBLICS OU PRIVÉS ?

    Qui, exactement, en Arabie saoudite, débloquait ces fonds ? Les analyses divergent. Car si l'article de La Croix qui cite Alain Chouet n'hésite pas à évoquer des "financements étatiques" (qui passeraient par des "montages financiers complexes"), d'autres analystes estiment qu'il n'existe pas de preuves d'une implication étatique directe. L'ancien patron du MI6 britannique, Richard Dearlove, préfère ainsi parler de "donateurs privés" saoudiens : "[Dearlove] ne doute pas que des financements substantiels et prolongés de la part de donateurs privés en Arabie saoudite et au Qatar, sur lesquels les autorités ont peut-être fermé les yeux, ont joué un rôle central dans la poussée de l'EI dans les zones sunnites d'Irak", rapporte ainsi The Independenten juillet 2014.

    En 2009 déjà, alors que l'EI n'existait pas encore, les services secrets américains jugeaient que Riyad ne faisait pas assez pour contrôler les donateurs privés finançant des groupes classés comme terroristes. Dans un câble diplomatiques révélé par Wikileaks, l'ambassade américaine dans la capitale saoudienne jugeait que "les donateurs [privés] en Arabie saoudite demeur[ai]ent la principale source mondiale de financement de groupes terroristes sunnites" :


    > Cliquez sur l'image pour un gros plan <

    Le télégramme diplomatique envoyé depuis Riyad le 30 décembre 2009

    Les membres des services secrets européens et américains ne sont pas les seuls à penser que les autorités saoudiennes ont pu fermer les yeux sur ces soutiens émanant de particuliers. Nabil Mouline, chercheur au CNRS et à Stanford, spécialiste de l'Arabie saoudite, partage ce constat : "L'État saoudien ainsi que l'establishment religieux n'ont jamais ouvertement financé l'État islamique qui représente pour eux une menace directe et indirecte à plus d'un titre. En revanche, il a pu exister un certain laisser-aller au sommet de l'État, dont ont profité tout à la fois des acteurs privés, des réseaux souterrains informels et des personnalités politiques pour financer les djihadistes".

    "LUTTER CONTRE LE NAZISME EN INVITANT HITLER" (TRÉVIDIC)

    La position saoudienne est aujourd'hui plus clairement anti-EI : depuis septembre 2014, Riyad est membre de la coalition "anti-Etat islamique". Le pays a versé 100 millions de dollars à un fonds des Nations unies contre le terrorisme, et le grand mufti d'Arabie saoudite, Abdel Aziz Al-Cheikh, a qualifié l'EI "d'ennemi numéro un de l'islam". Désormais visé sur son propre sol par les djihadistes, l'Etat de la péninsule arabique a annoncé en juillet 2015 avoir arrêté 431 membres présumés de l'EI.

    Cela n'empêche pas des journalistes, éditorialistes et historiens de pointer un autre type de responsabilité des autorités saoudiennes : leur influence idéologique sur ces groupes armés. C'est la thèse de Marc Trévidic : "la France n’est pas crédible dans ses relations avec l’Arabie saoudite", estime le magistrat, car "ce pays du Golfe a versé le poison dans le verre par la diffusion du wahhabisme. Les attentats de Paris en sont l’un des résultats. Proclamer qu’on lutte contre l’islam radical tout en serrant la main au roi d’Arabie saoudite revient à dire que nous luttons contre le nazisme tout en invitant Hitler à notre table".

    Le wahhabisme, doctrine religieuse officielle du royaume saoudien, aurait favorisé l'expansion du djihadisme : là encore, l'argument est souvent avancé mais rarement explicité. Comme dans Marianne, qui écrit que "la montée en puissance de l'EI doit beaucoup à l'Arabie saoudite et à sa volonté de répandre le wahhabisme dans le monde musulman".

    RIYAD "NORMALISE" LA DÉCAPITATION

    L'une des voix qui s'élève le plus régulièrement dans les médias américains pour pointer le rôle du wahhabisme saoudien dans l'expansion de groupes djhadistes est celle d'Ed Husain. Cet ancien militant de Hizb ut-Tahrir (parti politique islamiste partisan de l'établissement d'un califat) - devenu chercheur pour des think-tanks américains et britanniques - a notamment développé ses arguments dans cette tribune publiée par le New York Times. Il estime que Riyad est coupable d'encourager certaines atteintes aux droits humains : "Nous sommes indignés - avec raison - de la décapitation de James Foley et des autres atrocités commises par l'EI, mais nous fermons les yeux sur les exécutions publiques par décapitation permises par l'Arabie saoudite. En autorisant une telle barbarie, le royaume normalise et encourage indirectement la pratique de tels châtiments ailleurs."

    New York Times - Ed Husain

    La tribune d'Ed Husain dans le New York Times

    Autre exemple "d'influence" supposée du royaume sur le comportement des djihadistes : celui de la destruction de patrimoine culturel. "Si l'EI fait exploser des lieux saints, il a appris à le faire à partir du précédent posé en 1925 par la maison des Saoud, avec la démolition - inspirée par la doctrine wahhabite - de tombes âgées de 1400 ans dans le cimetière de Jannat Al Baqi, à Médine", argue encore Ed Husain.

    À la différence du soutien matériel, l'influence idéologique et doctrinale réelle du royaume sur les groupes djihadistes est difficile à évaluer. Les combattants de l'EI originaires d'Arabie saoudite eux-mêmes renient leur nationalité saoudienne,rappelle Wassim Nasr. L’organisation d'Abou Bakr al-Baghdadi ne reconnaît pas la légitimité des autorités saoudiennes, ajoutede son côté le chercheur Nabil Mouline. Une chose est certaine, cependant : au contraire de celles de l'EI, les pratiques militaires et judiciaires des autorités saoudiennes ne sont pas encore sorties de leur trou noir médiatique.

     
  • Informer sur le Proche-Orient

    Informer sur le Proche-Orient : « La tentation est de se rabattre sur ce qui apparaît comme un "juste milieu" »

    lundi 19 octobre 2015

    Nous remettons à la « une », trois ans après sa première publication, une interview de Benjamin Barthe, journaliste au Monde, consacrée au traitement médiatique du conflit opposant Israël aux Palestiniens. Les événements de ces derniers jours, et leur couverture par les « grands médias », confirment en effet malheureusement la plupart des constats opérés dans cette interview (Acrimed, 19 octobre 2015).

    Avant de devenir journaliste au Monde (desk Proche-Orient), Benjamin Barthe a été pigiste à Ramallah durant neuf ans, de 2002 à 2011. Il a reçu le prix Albert Londres en 2008 pour ses reportages sur Gaza. Il est l’auteur de Ramallah Dream, voyage au cœur du mirage palestinien [1]. En octobre 2010, il participait à un « Jeudi d’Acrimed » dont la vidéo est visible ici-même. Pour le n° 3 de Médiacritique(s) (avril 2012), il nous a accordé l’entretien reproduit ci-dessous.



    Dans quelles conditions travaille-t-on lorsque l’on est journaliste dans les territoires palestiniens ?

    Le terrain est assez singulier. Il n’est pas accessible à tous les journalistes, il y a une forme de filtrage effectué par les autorités israéliennes, avec notamment la nécessaire obtention d’une carte de presse. Si l’on travaille pour une publication installée, renommée, cela s’obtient sans trop de problèmes. Dans le cas contraire, on ne l’obtient pas toujours. Or, par exemple, il est impossible de se rendre à Gaza sans carte de presse. Un second filtrage est effectué par Israël : c’est la censure militaire. Les journalistes à qui une carte est attribuée doivent s’engager à respecter la censure et à ne pas porter atteinte à la sécurité de l’État d’Israël. Enfin, la fragmentation géographique des territoires palestiniens est, de facto, un filtrage. Toutes les zones ne sont pas toujours accessibles. C’est ainsi que, lors des bombardements israéliens sur Gaza, à l’hiver 2008-2009, l’accès était fermé aux journalistes.

    Le territoire palestinien est exigu, ce qui crée en réalité des conditions favorables au travail de journaliste. On peut se rendre dans un lieu donné, mener son enquête, rentrer le soir même et rédiger son article. Par ailleurs, cela permet de faire des micro-enquêtes, des micro-reportages, de s’intéresser de manière précise au quotidien des Palestiniens. Parfois j’ai eu l’impression de faire des articles de type presse quotidienne régionale, à ceci près que le moindre de ces micro-reportages met toujours en jeu des questions politiques. Si l’on a envie de bien faire son travail, on peut donc proposer aux lecteurs des sujets originaux, variés, qui peuvent rendre palpable l’expérience quotidienne des Palestiniens et expliquer, beaucoup mieux que bien des sujets sur les épisodes diplomatiques tellement répétitifs et stériles, les enjeux de la situation.



    Comment manier les différentes sources sans être victime de la propagande ?

    On est confronté à une surabondance de sources, en réalité. Il y a bien sûr la presse, notamment la presse israélienne, avec des journalistes qui font très bien leur travail, par exemple au quotidien Haaretz. Il y a aussi une abondance d’interlocuteurs, notamment du côté palestinien, avec une réelle disponibilité. Ils veulent parler de leur situation, la faire connaître. Ils estiment que c’est dans leur intérêt de parler aux médias. Par exemple, il est relativement facile de parler, à Gaza, à un ministre du Hamas. Il y a aussi les sources venues de la société civile, avec les nombreuses ONG, tant du côté palestinien que du côté israélien, ou des différentes agences de l’ONU, très présentes sur le territoire. Ces ONG et ces agences produisent en permanence des rapports, des enquêtes, qui représentent une matière première considérable.

    L’important, c’est la gestion de ces sources. Le fait qu’il y ait surabondance peut en effet s’avérer être un piège. Premièrement, ces sources ne sont pas toutes désintéressées, elles peuvent avoir un agenda politique, il faut donc en être conscient et les utiliser à bon escient. Mais il y a un autre danger : on constate une tendance, dans la communauté des journalistes, à considérer que les sources israéliennes et les sources palestiniennes sont par définition partisanes. La tentation est donc de se rabattre sur ce qui apparaît comme un « juste milieu » : les sources venues de la communauté internationale, notamment les rapports de l’ONU, de la Banque mondiale, du FMI, etc. Ce n’est pas mauvais en soi, certains de ces rapports sont très fournis, très documentés, mais il y a tout de même des précautions à prendre. En effet, ces sources internationales restent prisonnières d’une certaine vision du conflit : la plupart d’entre elles sont arrivées dans la région après les accords d’Oslo et leur lecture du conflit est imprégnée de la logique et de la philosophie d’Oslo.

    Un exemple : la Banque mondiale a sorti récemment un rapport sur la corruption dans l’Autorité palestinienne. Les conclusions du rapport étaient en forme d’encouragement à la nouvelle administration palestinienne et au Premier ministre, Salam Fayyad, pour son travail de transparence, de modernisation des infrastructures et des institutions palestiniennes. Ce qui est assez choquant ici, c’est que la Banque mondiale est partie prenante de ce travail de réforme, elle verse de l’argent, elle participe aux programmes de développement qui sont mis en place dans les territoires palestiniens, etc. Que la Banque mondiale s’érige donc en arbitre des élégances palestiniennes, qu’elle distribue les bons et les mauvais points sur la corruption, est assez déplacé, puisque ce sont des politiques dans lesquelles elle est pleinement investie qu’elle prétend juger.

    J’ai rencontré la personne qui a enquêté et fait ce rapport, et il s’avère qu’elle a démissionné. En effet, son rapport a été en partie réécrit. C’est la philosophie même de son rapport qui a été remaniée, puisqu’elle y expliquait qu’en réalité c’était la structure même d’Oslo qui expliquait la corruption : un régime censé gérer une situation d’occupation pour le compte d’un occupant, en l’aidant par exemple à y faire la police, est par nature, par essence, générateur de corruption, qu’elle soit morale, politique ou économique. Or la Banque Mondiale n’a pas voulu que cette question soit abordée, y compris par sa principale enquêtrice : cela en dit long sur la situation, de plus en plus bancale, de plus en plus problématique, dans laquelle se trouvent ces organismes internationaux. Ils demeurent prisonniers d’un paradigme qui date de plus de vingt ans, et qui a largement failli. Il faut donc manier ces sources avec prudence.



    Certains insistent particulièrement sur le poids des mots, et notamment sur la portée symbolique de certains termes : mur/barrière, colonies/implantations, etc. Qu’en penses-tu ?

    Le débat au sujet de la clôture construite par Israël (faut-il parler d’un mur ? D’une barrière ? D’une clôture ?) est pour moi assez vain. Par endroit il s’agit effectivement d’une clôture électronique, avec des barbelés, à d’autres endroits il s’agit bien d’un mur... Donc le débat sur le nom m’intéresse assez peu. Pour moi, ce qui est essentiel, c’est de montrer les processus à l’œuvre derrière les mots, de montrer les réalités.

    On peut tout à fait dire qu’Israël construit un mur, mais si l’on oublie de préciser que ce mur est construit dans les territoires palestiniens et non pas entre Israël et la Cisjordanie, on passe à côté de la réalité de ce mur. Si on oublie de préciser, à propos des portes qui ont été aménagées par Israël dans le mur en expliquant qu’il ne s’agissait donc pas d’une annexion car les agriculteurs dont les champs se situent de l’autre côté du mur pourraient le franchir, qu’en réalité ces portes demeurent, la plupart du temps, fermées, ou que les soldats censés les ouvrir arrivent régulièrement en retard, de nouveau on rate la réalité.

    Il y a bien des mots qui sont piégés, mais pas nécessairement ceux auxquels on pense. Ainsi en va-t-il de Gilad Shalit, que presque tout le monde a présenté comme un « otage » qui avait été « kidnappé ». J’ai pour ma part toujours fait attention, dans mes écrits, à le qualifier de « prisonnier ». En effet, pour moi il ne fait aucun doute qu’il s’agissait bien d’un prisonnier de guerre, au même titre qu’un grand nombre de détenus palestiniens dans les prisons israéliennes. Et Gilad Shalit n’avait pas été « kidnappé », mais bien capturé par les Palestiniens.

    Autre exemple, et autre catégorie de mots piégée : c’est toute la nomenclature qui a été mise en place avec le processus d’Oslo. On parle de « processus de paix », de « président palestinien », de « gouvernement palestinien », etc. Le terme de « président » ne figurait pas, au départ, dans les accords d’Oslo. C’est la vanité de Yasser Arafat, et l’intelligence politique de Shimon Pérès, notamment, qui a vite compris l’intérêt qu’il avait à utiliser lui aussi ce terme. L’idée qu’il y avait un « président palestinien » entretenait l’idée qu’il se passait quelque chose d’historique : les Palestiniens avaient désormais un « président », ils n’étaient donc pas loin d’avoir un État... Or il est intéressant de questionner ce vocabulaire, cette sémantique : quels sont exactement les pouvoirs de ce « président » ? En réalité, il n’a pas beaucoup plus de pouvoir et d’attributions qu’un préfet (sécurité, aménagement du territoire), si ce n’est le fait qu’il peut se déplacer à l’étranger en prenant un avion prêté pour l’occasion par un pays arabe. Ses « pouvoirs » ne s’exercent en outre que sur une partie de la Cisjordanie, 40 % si l’on est optimiste, 18 % si l’on est plus réaliste et que l’on ne prend en compte que ce que l’on nomme les « zones autonomes » palestiniennes. Voilà qui donne une idée un peu plus précise de ce qu’est le « président » palestinien.

    Il en va de même avec le « processus de paix ». Ce terme entretient l’idée que même si parfois il y a des incidents, des moments un peu compliqués, globalement il y a un processus, une dynamique. Or force est de constater que, s’il y a peut-être eu au départ une dynamique, le « processus de paix » est très rapidement devenu un processus de chantage, un bras de fer totalement déséquilibré entre le géant israélien et le lilliputien palestinien, duquel Israël n’avait rien à craindre. C’est ainsi qu’avec sa mainmise sécuritaire Israël a pu continuer à acculer les Palestiniens, à construire les colonies, etc. Je pense donc que c’est bien du devoir des journalistes d’interroger ces termes, ces mots, et de leur redonner leur véritable sens.

    Je voudrais finir en ajoutant que ce qui est valable pour les mots est également valable dans un autre domaine : les cartes. Il existe en effet une production cartographique « classique » qui structure l’imaginaire, y compris l’imaginaire médiatique. On serait face à une région que l’on peut diviser en deux : à l’ouest, Israël, et à l’est, la Cisjordanie. Cela entretient l’idée que l’on va vers la création de deux États, qu’il suffirait d’opérer un découpage le long de la « ligne verte » qui séparerait Israël de la Cisjordanie. Or la réalité est bien différente : il y a, partout d’est en ouest, l’État d’Israël, avec en son sein quelques enclaves palestiniennes. Et lorsque l’on déplace le curseur géographique, comme lorsque l’on interroge le vocabulaire, on questionne vraiment les schémas classiques et les paradigmes sur la base desquels est trop souvent construite l’information.

     
  • En France on peut manifester contre tout, sauf contre Israël

     

     

    On savait déjà, avec l’affaire Dieudonné qu’en France on peut se moquer de tout, sauf des sionistes. On sait maintenant avec l’affaire BDS qu’en France on peut manifester contre tout, sauf contre Israël.

     

    [...] L’absurdité d’une France s’auto-congratulant pour sa liberté d’expression fut vraiment visible cette semaine dans le verdict rendu par la plus haute cour du pays, un verdict qui est une attaque frontale contre la liberté d’expression. La Cour de cassation a maintenu l’accusation criminelle contre douze activistes politiques pour ce seul crime : promouvoir un boycott et demander des sanctions contre Israël dans le but de mettre fin à l’occupation militaire de la Palestine qui dure depuis des dizaines d’années. Qu’ont donc fait ces criminels français ?

    Ceci :

    Ces individus sont arrivés au supermarché en portant des chemises peintes avec les mots Longue vie à la Palestine, Boycott d’Israël. Ils ont aussi distribué des prospectus ou il était écrit qu’acheter des produits israéliens revient à légitimer les crimes contre Gaza.

    En France – pays qui se prétend la terre de la liberté d’expression – faire cela fait de vous un criminel. Comme le rapporta le Forward, « le tribunal invoqua les lois républicaines françaises sur la liberté de la presse, qui prescrivent des peines d’emprisonnement ou une amende pouvant atteindre 50 000$ pour les parties qui provoquent la discrimination, la haine ou la violence envers une personne ou un groupe de personnes basée sur le fait qu’elles appartiennent, ou pas, à un groupe ethnique, une nation, une race ou une religion ». Parce que BDS [Acronyme pour Boycott, Désinvestissement et Sanctions, mouvement prônant le boycott des produits fabriqués dans les colonies israélienne implantées en Palestine, NdT] est discriminatoire par essence, a jugé le tribunal, c’est un crime que d’en faire la promotion. [Vous remarquerez que le boycott imposé à la Russie par des sanctions illégales ne fait pas partie de cette catégorie, NdT]

    Ce verdict d’un tribunal français n’est que le reflet d’une tendance mondiale. Comme de plus en plus de gens à travers le monde prennent conscience de la nature brutale et criminelle du gouvernement israélien, ses partisans essayent de plus en plus de criminaliser l’activisme contre l’occupation israélienne. Ainsi, des activistes pro israéliens ont célébré cette semaine cette attaque contre ce droit basique qu’est celui de la liberté d’expression.

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