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GéoPolitik

  • L’empire contre la Corée du Nord

    L’empire contre la Corée du Nord : l’histoire de la poule et de l’œuf ?

    Qui est à l’origine de l’escalade militaire ?

     
     
     

    Après l’essai nucléaire du 6 janvier 2016 - que la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a présenté comme étant pour la première fois celui d’une bombe H – le Conseil de sécurité des Nations unies a envisagé le soir même, à l’unanimité, l’adoption de nouvelles sanctions contre la RPD de Corée – dont l’élaboration pourrait prendre à nouveau plusieurs semaines.

    Par ailleurs, de nombreux commentateurs ont repris l’analyse des armées américaine et sud-coréenne, selon lesquelles il ne s’agissait pas de l’explosion d’une bombe à hydrogène. Mais il y a plus significatif que la réaction, attendue, du Conseil de sécurité des Nations unies, et le débat (pas non plus nouveau s’agissant de l’arsenal balistique et nucléaire de la RPDC) sur la nature de l’essai nord-coréen, qui tend à occulter le fait que le programme nucléaire de la RPDC continue de se développer bien qu’elle soit déjà le pays le plus sanctionné au monde – ce qui, du reste, met en question l’efficacité de cette politique de sanctions. En revanche, ce qui est nouveau est la décision très rapide, dès le lendemain, de Washington et de Séoul de s’engager dans une escalade militaire, faisant ainsi peser de graves risques d’affrontements dans la péninsule coréenne.

     

    A été annoncé le déploiement en Corée de bombardiers américains B52, qui ont largué de nombreuses bombes au napalm pendant la guerre du Vietnam.

     

    Pour justifier la poursuite de son programme nucléaire avec l’essai réalisé le 6 janvier 2016, les autorités nord-coréennes avaient dénoncé la politique hostile des États-Unis et de leurs alliés. Elles invoquent aussi fréquemment le précédent des guerres d’Irak en 2003 et de Libye en 2011, qui les ont convaincues que seule une force de dissuasion crédible les protègera d’une attaque américaine. La réaction de Washington valide manifestement l’absence de volonté américaine de s’engager sur la voie de la paix, du dialogue et du désarmement : sans même attendre l’adoption de sanctions nouvelles par le Conseil de sécurité, les États-Unis ont annoncé unilatéralement le renforcement de leur dispositif militaire dans la péninsule coréenne, en laissant le soin de cette annonce à l’armée sud-coréenne, subordonnée au commandement militaire américain en cas de conflit.

    Selon la Défense sud-coréenne, les moyens supplémentaires déployés par Washington consisteraient en un sous-marin nucléaire, un chasseur F22 et un bombardier B52 - alors que se poursuit par ailleurs la construction de la base navale dans l’île de Jeju, qui pourra accueillir un porte-avions que ne possède pas la Corée du Sud - contrairement à la flotte américaine.

    Enfin, le gouvernement sud-coréen a annoncé qu’il reprendrait ses émissions de propagande par les hauts-parleurs disposés le long du trente-huitième parallèle qui sépare les deux parties divisées de la péninsule. En août 2015, la propagande sud-coréenne par haut-parleur avait entraîné une flamblée de tensions, heureusement conclue par un accord Nord-Sud : Séoul saisit ainsi l’opportunité de l’essai nucléaire nord-coréen pour remettre en cause cet accord, et relancer sa propagande.

    Après avoir condamné une nouvelle fois le programme nucléaire nord-coréen, la Chine a encore appelé l’ensemble des parties à la retenue – tout en sachant pertinemment que la base militaire de Jeju et le renforcement du dispositif américain en Corée la visent directement, au-delà de l’argument du programme nucléaire et balistique nord-coréen. Elle a ainsi réitéré son souhait d’une reprise du dialogue à six (les deux Corée, les États-Unis, le Russie, le Japon et elle-même) sur le dossier nucléaire en Corée, interrompu depuis 2009 – mais comment pourrait-elle être entendue alors que l’armée américaine annonce qu’elle-même déploiera de nouveaux vecteurs nucléaires au large de la Corée ?

    Un des meilleurs connaisseurs américains de la Corée du Nord, l’ancien gouverneur du Nouveau-Mexique Bill Richardson a observé, au lendemain de l’essai nucléaire du 6 janvier 2016, que la RPD de Corée voulait probablement un accord de sécurité avec les États-Unis couvrant les armes nucléaires, comme récemment l’Iran – sa démarche s’inscrivant dans une volonté d’être en position de force à la table des négociations. Une telle prise de position est rationnelle : face à l’échec des politiques de sanctions pour atteindre l’objectif d’une dénucléarisation de la Corée du Nord, il serait temps de prendre sérieusement en considération la voie alternative du dialogue, en tenant compte des attentes de Pyongyang dont les exigences de sécurité sont rationnelles. À l’opposé de la voie de l’escalade où a choisi de s’engager Washington, les négociations apparaissent bien comme la seule option viable pour tous ceux qui souhaitent sincèrement la paix et le désarmement, dans une Asie du Nord-Est qui serait enfin libérée des armes nucléaires.

  • Iran/Arabie Saoudite : le Proche-Orient vers la guerre ?

     
    Publié le dans Moyen Orient

    Par Éric Verhaeghe.

    Iran Teheran city of lights Arash Razzagh Karimi (CC BY-NC-ND 2.0)

     

    La rupture des relations diplomatiques entre l’Arabie Saoudite et l’Iran annonce-t-elle une guerre de religion opposant les sunnites et les chiites ? Il est sans doute trop tôt pour le dire, mais si cette menace devait se réaliser (comportant, en creux, la menace d’un conflit plus ou moins direct entre la Russie et les États-Unis), elle serait lourde de signification pour l’ensemble du monde occidental.

    Les prémisses d’une guerre de religion

    Depuis plusieurs semaines, le Moyen-Orient assiste à une escalade progressive dans l’antagonisme entre le bloc sunnite conduit par l’Arabie Saoudite et la Turquie d’un côté, et l’univers chiite, Syrie comprise. Certains, en France, n’hésitent d’ailleurs pas à accuser Mohammed ben Salman, le ministre de la Défense saoudien et « prince héritier du prince héritier », à jouer aux va-t-en-guerre pour marquer le pouvoir de sa griffe personnelle.

    Cette stratégie dangereuse a connu quelques malheurs. La coalition sunnite conduite par l’Arabie Saoudite au Yémen, pour mater la rébellion chiite, enchaîne les revers militaires. L’Arabie Saoudite a dû renoncer à maintenir les troupes auxiliaires qu’elle soutient en Syrie dans la coalition politique qui devrait compter dans les prochains mois. En outre, l’intervention russe en Syrie contribue à affaiblir ses alliés sur le terrain.

    Dans ce contexte, l’annonce de l’exécution du cheikh al-Nimr, ainsi que de 46 autres chiites en Arabie Saoudite, est apparue comme l’ultime provocation envoyée par un animal blessé. La forte réaction qu’elle a suscitée en Iran était cousue de fil blanc.

    Nul ne sait où la dégradation des relations entre les deux pays peut conduire.

    L’Occident joue-t-il la division de l’Islam ?

    guerre au proche orient rené le honzecForcément, et avec un peu de recul, le soutien accordé par les États-Unis à l’Arabie Saoudite prend une coloration particulière à l’aune des événements des derniers jours.

    D’un point de vue purement cynique, cette stratégie fonctionne : elle permet de neutraliser le monde musulman en suscitant un conflit en interne. Toute l’énergie consacrée à cet affrontement, est de l’énergie en moins consacrée à l’affaiblissement des pays occidentaux. Comme qui disait, il faut diviser pour régner.

    Dans cette perspective, on comprend mieux le récent rapprochement entre la Turquie et Israël, qui achève d’arrimer le bloc sunnite aux intérêts occidentaux, pendant que le monde chiite s’appuie massivement sur la Russie pour défendre ses positions. Les Occidentaux jouent la carte du grand bloc sunnite d’Istanbul à Ryad pour circonvenir les appétits iraniens dans la région, soutenus par Poutine.

    Au final, les Occidentaux comptent donc sur un affrontement direct entre les sunnites et les chiites pour tirer leurs marrons du feu dans la zone.

    Les risques d’une guerre de religion au Moyen-Orient

    Cette stratégie repose toutefois sur un certain nombre de paris qui ne manquent pas d’inquiéter.

    Premier pari : une victoire sunnite se traduirait automatiquement par une subordination accrue de l’Occident aux pays du Golfe. La question salafiste, dont l’origine est saoudienne, constitue pourtant un sujet majeur dans la maîtrise du risque terroriste en Europe notamment. La réalité montre que les sunnites peinent à exister militairement : il faudra donc les soutenir et nourrir le serpent qui un jour nous mordra.

    Deuxième pari : rien n’exclut une dangereuse escalade régionale au Moyen-Orient, qui amènerait tôt ou tard un affrontement plus ou moins direct entre la Russie et les États-Unis. La tension entre l’Arabie Saoudite et l’Iran peut donc rapidement se révéler extrêmement périlleuse pour les équilibres mondiaux. Elle intervient dans un contexte de réarmement russe massif, où il ne se passe pas un jour sans que Poutine roule des mécaniques et sans que l’armée russe n’étale la modernisation de son matériel.

    Quelle stratégie pour l’Europe ?

    L’Europe n’a probablement pas grand-chose à gagner dans cette affaire. Affronter l’Iran, la Syrie, la Russie, ne s’impose pas comme la démonstration immédiate d’une mise en exergue de ses intérêts vitaux. Pire : le choix d’une alliance avec l’Arabie Saoudite se révèle pour l’instant un choix perdant, puisque les Saoudiens sont incapables d’aligner des forces correctes sur le terrain et que, de toutes parts, leur paquebot prend l’eau.

    Rappelons au passage que la France a entamé des pourparlers militaires avec les Russes pour coordonner ses opérations contre l’État Islamique.

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  • Une fabuleuse découverte sur l’islam

    « Lettre ouverte au monde musulman », d’Abdennour Bidar

     

     

    vendredi 27 mars 2015, par Alain Gresh

    Il faut toute l’assurance — certains diront l’arrogance ou la suffisance — d’un philosophe pour se dresser sur ses ergots et lancer, de France, une « lettre ouverte au monde musulman », dans laquelle le tutoiement familier se mêle à des dizaines d’occurrences de « mon cher islam », « mon cher monde musulman » [1], avec une familiarité un peu condescendante.

    Au monde musulman tout entier ? Rien de moins. L’auteur s’adresse à un milliard et quelques centaines de millions d’individus, majoritaires dans une cinquantaine de pays, qui vivent dans les conditions les plus dissemblables et qui sont pourtant amalgamés sous un seul vocable — incluant aussi les musulmans des pays où ils sont minoritaires.

    Ces centaines de millions de mahométans seraient, pour l’immense majorité d’entre eux, atteints d’une grave maladie — seule une petite minorité d’élus y échappant dont, bien sûr, l’auteur du pamphlet, Abdennour Bidar. Car son ton mi-compatissant mi-donneur de leçons ne peut dissimuler le fond du propos, l’essentialisation des musulmans, leur réduction à une abstraction qui s’appelle « islam » et qui permettrait d’expliquer tous les maux dans lesquels il se débattent.

    Que l’Indonésie soit, au même titre que le Brésil, un pays démocratique (et le plus peuplé des pays musulmans), que l’autoritarisme égyptien ait peu à voir avec la religion, que l’Albanie connaisse des problèmes et des conflits qui ne portent pas sur la religion, qu’importe. Que la situation des femmes soit difficile dans beaucoup de pays musulmans, nul le contestera. Mais vivent-elles des conditions plus dures au Pakistan qu’en Inde, un pays laïque ? Peut-on vraiment affirmer que les femmes turques n’ont pas conquis de nombreux droits ces dernières décennies ? Comment expliquer que les jeunes femmes soient majoritaires dans toutes les universités du monde arabe (à l’exception du Yémen) ?

    Preuve de leur maladie, les musulmans seraient, selon l’auteur, convaincus que « l’islam est la religion supérieure à toutes les autres ». Et alors ? N’est-ce pas une conviction qui anime, en général, tous les croyants des trois grandes confessions et leurs institutions ? Ni le Pape, ni aucun grand rabbin ne met, à ma connaissance, sa religion sur le même plan que les autres cultes.

    Un secret soigneusement dissimulé

    Selon Bidar, « les racines du mal » qui a atteint le monde musulman sont à chercher en son sein, dans un secret qui remonterait à la mort du Prophète et qui aurait été soigneusement dissimulé, enfoui, enterré depuis plus de 1 400 ans par tous les docteurs de l’islam, mais que notre philosophe a su mettre au jour. Quel est donc ce mystère ? « Le Coran nous dit que l’homme est appelé à grandir jusqu’à ce qu’il devienne créateur. » Et le texte sacré prône que « tout être humain doit être rendu suffisamment libre, suffisamment maître de sa vie et non plus créature ou l’esclave de quiconque ». Ah bon, le texte sacré dit cela et personne ne l’avait compris avant Bidar ?

    Lire aussi Olivier Roy, « “Bon” islam, “mauvais” islam », Le Monde diplomatique, octobre 2005.Je ne m’engagerai pas sur ce terrain miné. Ce que prône le Coran, comme l’écrit Olivier Roy, c’est ce que les musulmans disent qu’il prône. Et n’étant pas musulman, je me garderai bien d’interpréter un texte aussi beau qu’obscur. Un croyant a tout à fait le droit de s’y essayer, Bidar aussi. Mais l’Histoire nous apprend que le Coran a été compris au cours des siècles de manière très diverse et changeante, les hérésies d’hier devenant le dogme d’aujourd’hui.

    Pourtant, c’est dans la mauvaise interprétation du Coran depuis la mort du Prophète que Bidar voit les raisons de l’émergence de l’Organisation de l’Etat islamique (OEI). « Les racines du mal sont en toi-même » jette-t-il aux millions de ses « chers amis musulmans ». Aussi simple que cela. Bien sûr, l’OEI habille ses crimes d’un langage religieux, mais faut-il la prendre au mot ? Les aventures occidentales en Irak et en Afghanistan n’ont-elles pas été commises au nom de la démocratie et des droits humains ? On peut trouver des causes bien plus sérieuses et bien plus « terrestres » à la naissance du califat que la bonne ou mauvaise exégèse d’une sourate du Coran. En 2002, Al-Qaida n’existait pas en Irak. Il a fallu l’invasion américaine de 2003, la dissolution de l’armée irakienne par les Etats-Unis, la confessionnalisation du pays organisée par Washington, pour voir l’organisation d’Oussama Ben Laden prendre son essor, avant de muter en Etat islamique. Soyons donc clairs ! Si les Etats-Unis n’avaient pas envahi l’Irak en 2003, jamais Al-Qaida ne se serait développée dans ce pays, jamais elle ne se serait transformée en OEI, même si des milliers de musulmans avaient interprété le Coran de telle ou telle manière [2].

    D’autre part, si, dès la mort du Prophète, les croyants ont mal compris son message, s’ils n’ont pas déterré le secret que Bidar seul a découvert, comment diable (si l’on peut dire) ont-ils été capables de fonder des empires aussi brillants — sur tous les plans, y compris intellectuel et scientifique — que l’Empire omeyyade, l’Empire abasside, l’Empire moghol ou l’Empire ottoman ?

    Une première solution

    Mais Bidar a déjà une première solution pour changer les choses. « Laisse-moi être, demande-t-il à son “cher monde musulman”, de ceux qui parlent un peu en ton nom au lieu de continuer à faire s’exprimer pour toi n’importe quel savant ignorant… (…) Je suis frappé de voir, ici en France et partout ailleurs, à quel point on fait parler des “maîtres de religion” au nom de l’Islam. (…) [Je suis] étonné de l’obstination avec laquelle les pays occidentaux s’imaginent que pour parler au nom de la culture musulmane, on donne ici des tribunes et une fonction de représentation des musulmans à des imams parfois sympathiques mais souvent bornés, et à toute une clique de “clercs éclairés” qui sont à la fois heureusement assez ouverts d’esprit mais malheureusement formatés par le système de la religion. »

    Si l’on comprend bien, il faudrait donner la parole, pour parler de culture musulmane, à des gens qui ne sont pas formatés par le système de la religion ! Mais n’est-ce pas ce qu’on fait déjà, y compris par les nombreuses tribunes auxquelles a droit Bidar dans notre presse (lire « Bidar, ces musulmans que nous aimons tant », Nouvelles d’Orient, 25 mars 2012). Ce sont ces intellectuels vivant en Occident et qui ont la chance ou la malchance de se prénommer Abdennour ou Mohammed, très étrangers aux pratiques majoritaires des musulmans, qui devraient être les seuls à parler de la culture musulmane ?

    Même si on peut être d’accord avec Bidar que promener à la télévision l’imam Chaghoumi — qui ne représente que lui-même, et surtout l’Etat français et parfois aussi Israël — n’est pas très positif. Mais faut-il vraiment choisir entre des imams de cour manipulés par des capitales étrangères et ces musulmans que nous aimons tant, qui disent exactement ce que l’Occident attend d’eux et dont l’influence parmi les musulmans, en France ou à l’étranger, est inversement proportionnelle au nombre de tribunes dont ils disposent dans les médias ?

    Lire aussi Nabil Mouline, « Surenchères traditionalistes en terre d’islam », Le Monde diplomatique, mars 2015.Comme tout réformateur musulman adoubé par l’Occident, Abdennour Bidar nous offre un remède à la maladie de l’islam, le soufisme, dont la vision est souvent hagiographique. Pourtant, faut-il rappeler que Hassan Al-Banna, fondateur des Frères musulmans, se rattachait à la tradition soufie, comme le cheikh marocain Abdessalam Yassin, qui fut pendant de longues années le dirigeant d’Al-Adl wal Ihsan, un mouvement avec lequel notre philosophe ne s’identifie probablement pas ?

    Mais cela nécessiterait de sortir des simplifications abusives dont nous abreuvent les médias, notamment en calquant leurs analyses sur celles de Bidar ou, hier, sur celles d’Abdelwahhab Meddeb et que nos responsables politiques reprennent de manière opportuniste en espérant gagner quelques voix, alors même qu’ils font le lit du Front national et de l’islamophobie.

    Notes

    [1] Abdennour Bidar, Lettre ouverte au monde musulman, Editions Les Liens qui libèrent, Paris, 2015. Lire également le texte éponyme publié par l’auteur dans Marianne en octobre dernier.

    [2] Lire aussi « Funeste rivalité entre Al-Qaida et l’Organisation de l’Etat islamique », par Julien Théron, Le Monde diplomatique, février 2015.

  • Vos guerres nos morts

    Lis moi avec webReader
     

    LR  le 14 novembre 2015

    Nos morts sont insupportables, nous n’aurions pas du supporter vos guerres !

    Le choc des barbaries mis en oeuvre partout dans le monde par des politiciens cyniques, n’épargne donc pas la France car elle y contribue ostensiblement.

    Ces tragiques événements ne surviennent pas dans un ciel serein. Ils étaient parfaitement prévisibles et prévus. Les mises en garde ont été nombreuses mais elles n’ont pas été écoutées.

    Ces attentats qui ont provoqué la mort et les blessures de tant d’innocents en France sont abominables, nous condamnons sans réserve tous les meurtres d’innocents, comme nous les condamnons partout où ils se produisent dans le monde, quelque soit la couleur de la peau ou la religion des victimes.

    Les centaines des milliers de morts innocents en raison des guerres de tout type organisées par la France et ses alliés occidentaux, depuis des décennies ont des conséquences tout aussi dramatiques et insupportables.

    Avec tous les hommes de bonne volonté, nous nos affligeons devant tant d’horreurs, nous les dénonçons mais sans en camoufler les causes comme le font les puissants et leur presse qui cherchent à occulter l’analyse et la compréhension des faits sous un flot d’émotions feintes.

    Le terrorisme n’est pas tombé du ciel, il a été sciemment construit et nul n’ignore qui le met en scène, qui le manipule au gré de son intérêt et surtout qui le finance, hormis les ignorants volontaires.

    Il n’y a jamais de paix sans justice.

    Comme après « Charlie » nous allons assister à un déferlement de passions parmi lesquelles se feront entendre encore plus, le nationalisme, le racisme et l’islamophobie. Désigner, un ennemi commun, un bouc émissaire pour faire diversion est le projet de toute oligarchie qui veut faire corps autour d’elle en période de crise. Les fascistes de Daech sont le miroir des impérialistes et de leurs forces spéciales encore bien plus meurtrières.

    Nous ne ferons pas de comptabilité macabre, nous n’exprimerons pas de compassion sélective avec les fauteurs de guerres. Les guerres sont toujours menées par des tyrans pour leurs intérêts de tyrans sur les dos des peuples.

    Toutes sortes de méthodes sont mises en oeuvre, pour cacher aux peuples qui sont leurs véritables ennemis, elles ont fait la preuve de leurs efficacités dans un passé sinistre. Pourtant bien des apprentis-sorciers nous ressortent les vieilles rengaines de l’ennemi à combattre tous ensemble, le peuple uni derrière les multinationales et les politiciens qui les servent.

    Les faux combats contre la violence par ceux qui veulent en ignorer la source tout en l’alimentant sont l’oeuvre de sinistres pompiers incendiaires. Ils sont les responsables de touTEs ces mortEs et blesséEs. Leurs mines défaites et leurs mains sur le cœur devant les caméras sont insupportables à voir, comme sont insupportables les nouvelles menaces de terroriser les terroristes, aussi inutiles lors de l’attentat de Charlie hebdo du 7 janvier, qu’elles le sont aujourd’hui. Elles sont tout juste utiles pour s’attaquer aux libertés et renforcer encore un état policier dans un tout autre but.

    Ils n’empêcheront pas les attentats de demain si la même politique de chaos est poursuivie à l’identique que celle voulue et mise en place depuis des décennies par les impérialismes dont le français. Grand pourvoyeur en armes des dictateurs, il prend toute sa place dans ce dispositif des fauteurs de guerres.

    Le peuple français, encore une fois, est victime d’un gouvernement impérialiste qui sème la misère et la terreur pour défendre le capital international sous les oripeaux d’un « socialisme » mille fois trahi. Et c’est la France qui est bien entendu une nouvelle fois frappée, en raison de ses interventions militaires directes ou indirectes qui suscitent des réactions de haine partout où elles sont menées.

    la France paie cher les rodomontades guerrières du « socialiste » Hollande qui a voulu jouer au chef de guerre, tout comme son prédécesseur, tout aussi grotesque dans ses postures martiales.

    Fauteur de guerres ailleurs, meurtrier d’innocents et responsable de la mort de nouveaux innocents ici, chez nous,  français ou immigrés de toutes générations. Et tout ça pour remonter dans les sondages … Hollande et toute sa clique, dégagez !

    Sans doute, nous aurons des camarades, des amiEs, des proches parmi les victimes, même inconnuEs, elles et ils sont nos mortEs, nous les regretterons, nous les pleureront mais nous savons que c’est à cause de vos guerres et que vous êtes responsables de leur mort et de leurs blessures.

    NOS MORTS VOS GUERRES #vosguerresnosmorts

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    « Dès demain, fermeture de tous les équipements de la Ville: écoles, musées, bibliothèques, gymnases, piscines, marchés alimentaires » … Mais pas les grands magasins ni les supermarchés, car les « terroristes » n’auront sans doute pas la mauvaise idée de s’y rendre ! Les sempiternels moulinets inutiles des pompiers incendiaires …

    #vosguerresnosmorts

  • « Nous payons les inconséquences de la politique française au Moyen-Orient »

     

    LE MONDE | • Mis à jour le

     

    image: http://s2.lemde.fr/image/2015/11/17/534x0/4811387_6_555d_laurent-fabius-et-le-ministre-du-petrole_53804d5e590fff94c999eb8101ee0f2c.jpg

    Laurent Fabius et le ministre du pétrole saoudien  Ali al-Naimi  le 8 novembre à Paris.

    Soyons réalistes, demandons l’impossible, clamaient dans les rues de Paris les utopistes de mai 1968. Etre réaliste aujourd’hui, c’est réclamer à ceux qui gouvernent d’aller aux racines de ce mal qui, le 13 novembre, a tué au moins 129 personnes dans la capitale française. Elles sont multiples, et il n’est pas question d’en faire ici l’inventaire. Nous n’évoquerons ni l’abandon des banlieues, ni l’école, ni la reproduction endogamique d’élites hexagonales incapables de lire la complexité du monde. Nous mesurons la multiplicité des causes de l’expansion de l’islamisme radical.

    Comme nous savons à quel point l’étroitesse des rapports entretenus dans tout le monde arabe entre les sphères politique et religieuse a pu faciliter son émergence, nous n’avons aucune intention simplificatrice. Mais, aujourd’hui, c’est la politiqueinternationale d’une France blessée, et de l’ensemble du monde occidental, que nous voulons interroger.

    Sur l’islamisme d’abord. Depuis le début de sa montée en puissance, dans les années 1970, les dirigeants occidentaux se sont convaincus qu’il devenait la force politique dominante du monde arabo-musulman. Addiction au pétrole aidant, ils ont renforcé le pacte faustien les liant aux Etats qui en sont la matrice idéologique, qui l’ont propagé, financé, armé. Ils ont, pour ce faire, inventé l’oxymore d’un « islamisme modéré » avec lequel ils pouvaient faire alliance.

    LE DJIHADISME EST AVANT TOUT L’ENFANT DES SAOUD ET AUTRES ÉMIRS AUXQUELS ELLE SE FÉLICITE DE VENDREÀ TOUR DE BRAS SESARMEMENTS SOPHISTIQUÉS. ON NE VEUT PAS VOIR QUE LA MÊME IDÉOLOGIE LES ANIME

    Le soutien apporté ces derniers mois au régime turc de M. Erdogan dont on connaît les accointances avec le djihadisme, et qui n’a pas peu contribué à sa réélection, en est une des preuves les plus récentes. La France, ces dernières années, a resserré à l’extrême ses liens avec le Qatar et l’Arabie saoudite, fermant les yeux sur leur responsabilité dans la mondialisation de l’extrémisme islamiste.

    Le djihadisme est avant tout l’enfant des Saoud et autres émirs auxquels elle se félicite de vendre à tour de bras ses armements sophistiqués, faisant fi des « valeurs » qu’elle convoque un peu vite en d’autres occasions. Jamais les dirigeants français ne se sont posé la question de savoir ce qui différencie la barbarie de Daesh de celle du royaume saoudien. On ne veut pas voir que la même idéologie les anime.

    Cécité volontaire

    Les morts du 13 novembre sont aussi les victimes de cette cécité volontaire. Ce constat s’ajoute à la longue liste des soutiens aux autres sanglants dictateurs moyen-orientaux – qualifiés de laïques quand cela convenait – de Saddam Hussein à la dynastie Assad ou à Khadafi – et courtisés jusqu’à ce qu’ils ne servent plus. La lourde facture de ces tragiques inconséquences est aujourd’hui payée par les citoyens innocents du cynisme à la fois naïf et intéressé de leurs gouvernants.

    L’autre matrice du délire rationnel des tueurs djihadistes est la question israélo-palestinienne. Depuis des décennies, les mêmes dirigeants occidentaux, tétanisés par la mémoire du judéocide perpétré il y a soixante-dix ans au cœur de l’Europe, se refusent à faire appliquer les résolutions de l’ONU susceptibles de résoudre le problème et se soumettent aux diktats de l’extrême droite israélienne aujourd’hui au pouvoir, qui a fait de la tragédie juive du XXe siècle un fonds de commerce.

    On ne dira jamais assez à quel point le double standard érigé en principe politique au Moyen-Orient a nourri le ressentiment, instrumentalisé en haine par les entrepreneurs identitaires de tous bords. Alors oui, soyons réalistes, demandons l’impossible. Exigeons que la France mette un terme à ses relations privilégiées avec l’Arabie saoudite et le Qatar, les deux monarchies où l’islam wahhabite est la religion officielle, tant qu’elles n’auront pas coupé tout lien avec leurs épigones djihadistes, tant que leurs lois et leurs pratiques iront à l’encontre d’un minimum décent d’humanité.

    Exigeons aussi de ce qu’on appelle « la communauté internationale » qu’elle fasse immédiatement appliquer les résolutions des Nations unies concernant l’occupation israélienne et qu’elle entérine sans délai la création trop longtemps différée de l’Etat palestinien par le retour d’Israël dans ses frontières du 4 juin 1967.

    Ces deux mesures, dont riront les tenants d’une realpolitik dont on ne compte plus les conséquences catastrophiques, n’élimineront pas en un instant la menace djihadiste, aujourd’hui partout enracinée. Mais elles auront l’immense mérite d’en assécherpartiellement le terreau. Alors, et alors seulement, les mesures antiterroristes prises aujourd’hui en l’absence de toute vision politique pourraient commencer à devenir efficaces.

    Sophie Bessis et Mohamed Harbi (Historiens)

    Sophie Bessis est l’auteur de La Double Impasse. L’Universel à l’épreuve des fondamentalismes religieux et marchand (La Découverte, 2014) ; Mohamed Harbi est ancien membre puis historien du Front de libération nationale algérien (FLN).

     
     


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