Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

GéoPolitik - Page 2

  • L'ARABIE SAOUDITE, SPONSOR DE L'ETAT ISLAMIQUE ? OUI, JUSQU'EN 2014

     

    Argent, influence religieuse et militaire : ce que l'on sait


     
     

    Hypocrite, la diplomatie française ? Trois jours après les attaques qui ont fait 129 morts et 352 blessés à Paris et à Saint-Denis, plusieurs spécialistes - dont l'ancien juge antiterroriste Marc Trévidic et l'universitaire Jean-François Bayart - estiment que Paris s'est montrée trop complaisante avec l'Arabie saoudite. Mais que reproche-t-on au juste aux autorités saoudiennes ? Quel rôle a tenu le royaume islamique dans l'émergence de l'organisation Etat islamique (EI), qui a revendiqué les attentats du 13 novembre ?

    La saillie n'est pas venue de n'importe qui. C'est l'ancien juge antiterroriste Marc Trévidic, probablement l'un des experts les plus sollicités ces derniers jours pour analyser les attaques de Paris et Saint-Denis, qui l'affirme : "Il faut lutter contre l'idéologie salafiste. (...) Et c'est notre ambiguïté : on est copains avec des gens qui ont des idéologies très proches". Les "gens" en question : l'Arabie Saoudite. "Le wahhabisme [la doctrine religieuse officielle saoudienne] a diffusé cette idéologie sur la planète depuis le conflit en Afghanistan, pour simplifier, depuis 1979. Est-ce qu'on est copains avec eux parce que c'est un partenaire économique? (...) On est dans un paradoxe total."

    La France aurait commis une erreur en nouant une alliance avec l'Arabie saoudite : l'idée est également développée par le politiste Jean-François Bayart dans une tribune publiée par Libération, "Le retour du boomerang". "L’alliance stratégique que la France a nouée avec les pétromonarchies conservatrices du Golfe, notamment pour des raisons mercantiles, a compromis la crédibilité de son attachement à la démocratie", écrit notamment Bayart, qui a été consultant auprès du Centre d’analyse et de prévision du ministère des Affaires étrangères français.

    C'est enfin sous la plume des historiens Sophie Bessis et Mohamed Harbi que l'idée a été développée ce 17 novembre : "La France, ces dernières années, a resserré à l’extrême ses liens avec le Qatar et l’Arabie saoudite, fermant les yeux sur leur responsabilité dans la mondialisation de l’extrémisme islamiste".

    Le Monde - 17 novembre 2015

    La tribune de Sophie Bessis et Mohamed Harbi dans Le Monde

    L'Arabie saoudite est un encombrant partenaire, qui a sa part de responsabilité dans l'extrémisme islamiste : l'argument est souvent avancé, mais pas toujours détaillé. Que sait-on, au juste, de la position de l'Arabie saoudite vis-à-vis des groupes djihadistes, et en particulier de son rôle dans la montée en puissance de l'EI ? Pour le comprendre, il faut distinguer deux aspects : le rôle proprement matériel de l'Arabie saoudite, et son influence idéologique (par définition, plus difficile à mesurer). Si l'aide financière en provenance d'Arabie saoudite à destination de groupes djihadistes (et en particulier de l'Etat islamique) semble se tarir depuis 2014, des spécialistes assurent que la contribution la plus nette du royaume à la propagation du djihadisme salafiste s'est jouée sur le terrain des idées.

    L'ORGANISATION ETAT ISLAMIQUE BRIÈVEMENT FINANCÉE EN 2013, COMME L'ENSEMBLE DES FORCES ANTI-ASSAD

    Y'a-t-il eu, oui ou non, un soutien financier de l'EI par l'Arabie saoudite ? Le pays tire une partie de sa réputation de "promoteur du djihadisme" du soutien apporté aux talibans afghans dans les années 1980 puis 1990 (soutien également apporté, à l'époque, par les Etats-Unis et le Pakistan, qui espéraient que l'islam rigoriste du mouvement taliban permettrait de "stabiliser" le pays). Les talibans deviendront des partenaires privilégiés de l'une des plus puissantes organisations salafistes djihadistes : Al-Qaida.

    Mais le soutien de Riyad à des groupes djihadistes ne semble pas s'être arrêté là. En 2014, un ex-officier des services de renseignement, Alain Chouet, évoquait des financements beaucoup plus récents : "Il est clair que l’Arabie saoudite puis le Qatar ont financé [l'Etat islamique]". En janvier 2015, l'ancien diplomate Alexis Varende l'assurait encore : l'Arabie saoudite "finance ceux des djihadistes qui développent leurs activités à l’extérieur du royaume". Selon ces spécialistes, le royaumeauquel la France vend tant d'armes aurait financé le groupe armé qui a revendiqué les attaques de Paris (mais aussi de Beyrouth).

    Orient XXI

    L'article d'Alexis Varende pour Orient XXI

    Quand et comment le royaume a-t-il fourni son appui à l'organisation dirigée par Abou Bakr al-Baghdadi ? Les analyses sont globalement d'accord sur la période, mais pas sur les modalités. La période : celle des débuts de la rébellion en Syrie. Des fonds saoudiens auraient alors transité vers l'Etat islamique (qui s'appelait encore à l'époque EIIL - Etat islamique en Irak et au levant), ainsi que vers l'ensemble des forces anti-Assad. L'EIIL aurait bénéficié des efforts saoudiens pour renverser Bachar el-Assad et ainsi affaiblir "l'axe chiite" au Moyen-Orient. La thèse est notamment défendue par un ex-officier des renseignements français, Alain Rodier.

    Ce soutien aurait pris fin lorsque les différents groupes de la rébellion syrienne se seraient déchirés, et en particulier à la fin de l'année 2013, lorsque l'EIIL est entrée en guerre ouverte contre l'Armée syrienne libre (ASL). Cela signifie également que le soutien se serait tari avant l'expansion territoriale du groupe en Irak - où l'EI a conquis d'importantes positions à partir de juin 2014 : "S’il est certain que l’Arabie saoudite a aidé et soutenu des groupes et des factions djihadistes en Syrie, on ne peut pas en conclure que Riyad est aujourd’hui le commanditaire de l’expansion territoriale de l’EIIL des deux côtés de la frontière",soulignait à l'époque le journaliste spécialiste des mouvements djihadistes Wassim Nasr.

    FONDS PUBLICS OU PRIVÉS ?

    Qui, exactement, en Arabie saoudite, débloquait ces fonds ? Les analyses divergent. Car si l'article de La Croix qui cite Alain Chouet n'hésite pas à évoquer des "financements étatiques" (qui passeraient par des "montages financiers complexes"), d'autres analystes estiment qu'il n'existe pas de preuves d'une implication étatique directe. L'ancien patron du MI6 britannique, Richard Dearlove, préfère ainsi parler de "donateurs privés" saoudiens : "[Dearlove] ne doute pas que des financements substantiels et prolongés de la part de donateurs privés en Arabie saoudite et au Qatar, sur lesquels les autorités ont peut-être fermé les yeux, ont joué un rôle central dans la poussée de l'EI dans les zones sunnites d'Irak", rapporte ainsi The Independenten juillet 2014.

    En 2009 déjà, alors que l'EI n'existait pas encore, les services secrets américains jugeaient que Riyad ne faisait pas assez pour contrôler les donateurs privés finançant des groupes classés comme terroristes. Dans un câble diplomatiques révélé par Wikileaks, l'ambassade américaine dans la capitale saoudienne jugeait que "les donateurs [privés] en Arabie saoudite demeur[ai]ent la principale source mondiale de financement de groupes terroristes sunnites" :


    > Cliquez sur l'image pour un gros plan <

    Le télégramme diplomatique envoyé depuis Riyad le 30 décembre 2009

    Les membres des services secrets européens et américains ne sont pas les seuls à penser que les autorités saoudiennes ont pu fermer les yeux sur ces soutiens émanant de particuliers. Nabil Mouline, chercheur au CNRS et à Stanford, spécialiste de l'Arabie saoudite, partage ce constat : "L'État saoudien ainsi que l'establishment religieux n'ont jamais ouvertement financé l'État islamique qui représente pour eux une menace directe et indirecte à plus d'un titre. En revanche, il a pu exister un certain laisser-aller au sommet de l'État, dont ont profité tout à la fois des acteurs privés, des réseaux souterrains informels et des personnalités politiques pour financer les djihadistes".

    "LUTTER CONTRE LE NAZISME EN INVITANT HITLER" (TRÉVIDIC)

    La position saoudienne est aujourd'hui plus clairement anti-EI : depuis septembre 2014, Riyad est membre de la coalition "anti-Etat islamique". Le pays a versé 100 millions de dollars à un fonds des Nations unies contre le terrorisme, et le grand mufti d'Arabie saoudite, Abdel Aziz Al-Cheikh, a qualifié l'EI "d'ennemi numéro un de l'islam". Désormais visé sur son propre sol par les djihadistes, l'Etat de la péninsule arabique a annoncé en juillet 2015 avoir arrêté 431 membres présumés de l'EI.

    Cela n'empêche pas des journalistes, éditorialistes et historiens de pointer un autre type de responsabilité des autorités saoudiennes : leur influence idéologique sur ces groupes armés. C'est la thèse de Marc Trévidic : "la France n’est pas crédible dans ses relations avec l’Arabie saoudite", estime le magistrat, car "ce pays du Golfe a versé le poison dans le verre par la diffusion du wahhabisme. Les attentats de Paris en sont l’un des résultats. Proclamer qu’on lutte contre l’islam radical tout en serrant la main au roi d’Arabie saoudite revient à dire que nous luttons contre le nazisme tout en invitant Hitler à notre table".

    Le wahhabisme, doctrine religieuse officielle du royaume saoudien, aurait favorisé l'expansion du djihadisme : là encore, l'argument est souvent avancé mais rarement explicité. Comme dans Marianne, qui écrit que "la montée en puissance de l'EI doit beaucoup à l'Arabie saoudite et à sa volonté de répandre le wahhabisme dans le monde musulman".

    RIYAD "NORMALISE" LA DÉCAPITATION

    L'une des voix qui s'élève le plus régulièrement dans les médias américains pour pointer le rôle du wahhabisme saoudien dans l'expansion de groupes djhadistes est celle d'Ed Husain. Cet ancien militant de Hizb ut-Tahrir (parti politique islamiste partisan de l'établissement d'un califat) - devenu chercheur pour des think-tanks américains et britanniques - a notamment développé ses arguments dans cette tribune publiée par le New York Times. Il estime que Riyad est coupable d'encourager certaines atteintes aux droits humains : "Nous sommes indignés - avec raison - de la décapitation de James Foley et des autres atrocités commises par l'EI, mais nous fermons les yeux sur les exécutions publiques par décapitation permises par l'Arabie saoudite. En autorisant une telle barbarie, le royaume normalise et encourage indirectement la pratique de tels châtiments ailleurs."

    New York Times - Ed Husain

    La tribune d'Ed Husain dans le New York Times

    Autre exemple "d'influence" supposée du royaume sur le comportement des djihadistes : celui de la destruction de patrimoine culturel. "Si l'EI fait exploser des lieux saints, il a appris à le faire à partir du précédent posé en 1925 par la maison des Saoud, avec la démolition - inspirée par la doctrine wahhabite - de tombes âgées de 1400 ans dans le cimetière de Jannat Al Baqi, à Médine", argue encore Ed Husain.

    À la différence du soutien matériel, l'influence idéologique et doctrinale réelle du royaume sur les groupes djihadistes est difficile à évaluer. Les combattants de l'EI originaires d'Arabie saoudite eux-mêmes renient leur nationalité saoudienne,rappelle Wassim Nasr. L’organisation d'Abou Bakr al-Baghdadi ne reconnaît pas la légitimité des autorités saoudiennes, ajoutede son côté le chercheur Nabil Mouline. Une chose est certaine, cependant : au contraire de celles de l'EI, les pratiques militaires et judiciaires des autorités saoudiennes ne sont pas encore sorties de leur trou noir médiatique.

     
  • LA RÉMISSION PAR LE SANG DE CIVILS INNOCENTS

    peaceforparis-jeanjullien
     

    La stratégie apocalyptique mise en œuvre par Da’ech, particulièrement à l’égard d’un des alliés majeurs des djihadistes de surcroît le pays occidental le plus en pointe dans sa guerre psychologique incitative à l’encontre du président syrien Bachar Al Assad, leur ennemi commun, parait devoir mettre un bémol à la frénésie anti syrienne de la classe politico-médiatique française, sauf à précipiter la France dans une sarabande mortifère, avec, à terme, sa relégation à l’échelle des puissances.

    S’il a quelque peu libéré la France d’une alliance encombrante et déshonorante au regard de ses valeurs et de son histoire, ce terrible tribut de sang – le carnage de Charlie Hebdo le 5 Janvier 2015 et la tuerie du Bataclan le 13 Novembre 2015 – a, par contrecoup, mis en relief la dérive pathologique en même temps que la persistance des présupposés idéologiques post coloniales du pouvoir décisionnel français dans sa double version néo-gaulliste : Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, les initiateurs de la guerre de Libye et de Syrie et socialo-atlantiste François Hollande et Laurent Fabius, les zélés soutiens des djihadistes et portant les amplificateurs de leurs thèses nauséabondes.

    Si le bain de sang dont le territoire français a été le théâtre en 2015 a suscité une empathie internationale à l’égard de la France, il n’en occulte pas pour autant la responsabilité – lourde et directe – de la «Patrie des Droits de l’Homme» tant dans la gangrène djihadiste du Moyen-Orient que dans la destruction des états à structure républicaine, au bénéfice d’un syndicat pétro-monarchique le plus obscurantiste et le plus répressif de la planète.

    Comparaison n’est pas raison ;

    Certes Bachar Al Assad et Mouammar Kadhafi sont à classer parmi les dictateurs, mais au même degré que Mobutu (Zaïre), le tueur de Patrice Lumumba, Hissène Habré (Tchad), le geôlier de François Claustre, Blaise Compaoré, le tueur de Thomas Sankara, le Roi Hassan II du Maroc, le tueur de Mehdi Ben Barka. Mais contrairement aux grands amis de la France, qui ont décapité avec un bel enthousiasme les figures de proue du tiers monde en lutte pour son indépendance et sa dignité, le syrien n’est pas pourvoyeur des djembés et mallettes à une fraction vénale de la classe politico-médiatique.

    C’est là l’un des motifs de la furie anti syrienne. Le second est que l’ultime récalcitrant à une reddition arabe à l’impérium israélo-américain se veut et se vit comme le pivot de la contestation à l’axe atlantiste. Deux péchés mortels au regard d’une classe politique française philo-sioniste, gagnée par la pensée néo-conservatrice américaine.

    La France, en Libye et en Syrie, a commis un crime contre l’intelligence. Elle en a payé le prix dans la chair de ses citoyens, d’une manière répétitive tout au long de 2015. En toute impunité pour ses dirigeants.

    Si la responsabilité première incombe, sans la moindre contestation possible, aux néo-conservateurs américains, sous l’autorité du trio de sinistre mémoire George Bush jr, Dick Cheney et Donald Rumsfeld et leurs alliés wahhabites représentés par le Prince Bandar Ben Sultan, l’orchestrateur en chef du chaos destructeur de ce «désordre constructeur», la responsabilité seconde incombe au pouvoir français socialo-gaulliste dans sa nouvelle version néo-conservatrice et atlantiste.

    Non seulement en Libye et en Syrie, mais aussi par son silence mortel sur le Yémen, son alliance privilégiée avec le royaume saoudien, l’incubateur absolu du djihadisme erratique dégénératif et son appendice du Qatar, la Mecque de la confrérie des Frères Musulmans, la matrice de toutes les organisations radicales djihadistes d’Al Qaida et Jabhat An Nosra. Enfin, dernier et non le moindre, de la Turquie le volant régulateur es djihadistes sur le plan militaire, en même temps que le principal pourvoyeur du flux migratoire à destination de l’Union européenne en crise systémique de son économie.

    Le sommet G20 d’Antalya qui a regroupé le 14 Novembre 2015, au lendemain de la tuerie du Bataclan les 20 puissances économiques mondiales, en présence du turc Reccep Tayyeb Erdogan, du saoudien Salmane et de Laurent Fabius, – l’homme qui aurait mieux fait de brider les pulsions casinotières de son fils plutôt que de proférer des monstruosités du genre «Jabhat An Nosra fait du bon travail en Syrie», apparaît, rétrospectivement comme une farce tragique. D’un goût saumâtre.

    A Charlie Hebdo, au Bataclan, comme auparavant en Isère lors de la décapitation d’un patron, le 26 juin 2015, le pouvoir décisionnaire français dans sa version sarko hollandaise paie le prix de son dévoiement et de sa démagogie, de la morgue de ses élites intellectuelles, particulièrement de ses universitaires islamophilistes et de la servilité de sa classe politico-médiatique.

    Qu’un président confie la conduite de sa politique étrangère au plus célèbre ronfleur de la diplomatie internationale contemporaine donne la mesure de l’érosion de la déontologie du commandement.

    Qu’un socialiste soit le meilleur allié du turc, massacreur des Kurdes, auparavant des arméniens et des assyriens, des wahhabites, les plus gros corrupteurs de la vie politique arabe et les plus grands destructeurs du Moyen Orient, laisse rêveur quant à la signification du socialisme au XXI me siècle. Un fait qui explique, pour une large part, la désaffection politique de la jeunesse parisienne fauchée par la mitraille djihadiste.

    POUR ALLER PLUS LOIN
    ILLUSTRATION :

    Peace for Paris @jeanjullien. https://instagram.com/jean_jullien/

  • Les médias dominants et l’Ours russe

    Je suis professeur d’histoire et je donne des cours, parmi d’autres sujets, sur la Russie et l’URSS. J’essaie d’expliquer à mes étudiants comment les Russes se voient eux-mêmes et voient leur histoire, et comment les médias dominants occidentaux (Mainstream Media – MSM dans l’acronyme internet) présentent la Russie à leurs lecteurs. Bien sûr, la cible principale des MSM est le président russe, Vladimir Poutine, mais la Russie en est aussi une.

    Comment est-ce possible ? Après l’effondrement de l’URSS en 1991, la Russie était à genoux, son économie était détruite par des Russes aspirant à devenir des Occidentaux, dits libéraux, qui lui appliquaient des traitements de choc. L’idée était de désintoxiquer rapidement les Russes du socialisme, mais les libéraux ne sont parvenus qu’à ruiner l’épargne personnelle des Russes ordinaires qui ont perdu leurs économies deux fois au cours des années 1990. Peu importe, c’est le prix à payer, ont conseillé les MSM, si vous voulez être comme nous à l’Ouest. Et qui ne voudrait pas nous ressembler ?

    Le président Boris Eltsine, qui est arrivé au pouvoir en démembrant l’URSS, était présenté en Occident comme un héros. En fait, il jouait le fou du roi du président Bill Clinton. « Ce bon vieux Boris », a dit Clinton lorsque Eltsine a lancé des chars contre le Parlement russe en 1993 et a truqué les élections en 1996 avec l’aide de l’ambassade des États-Unis à Moscou. Vous faites ce que vous avez à faire, auraient commenté des responsables du gouvernement états-unien. Eltsine a conservé son pouvoir, pour autant qu’il en ait eu un, manifestant sa gratitude envers les États-Unis en se comportant comme le pote de Clinton lorsqu’il s’est rendu à Washington. C’était de l’excellent matériel pour les MSM, mais pas si excellent vu de Moscou. Vous vous souvenez du premier film de la série des Star Wars, lorsque la princesse Leia est capturée par la méchante limace géante, Jabba le Hutt, qui la tient en laisse ? Eltsine n’était certainement pas la superbe princesse Leia, mais la laisse était bien réelle.

    Être dépendant des États-Unis n’a jamais rien rapporté à Eltsine au-delà de sa survie personnelle. Pendant ce temps, un allié de longue date de l’Union soviétique (et allié de l’Occident aussi), la Yougoslavie, a été détruit par l’Otan. Vous vous souvenez de l’Otan, n’est-ce pas, censément organisée comme défense contre l’URSS, mais qui s’est tournée ensuite vers l’agression au nom d’une « responsabilité de protéger » bidon. Il n’y a eu aucune gratitude —je fais le commentaire en passant— pour le rôle de la Serbie pendant la Première Guerre mondiale et celui de la Yougoslavie pendant la Seconde Guerre mondiale, ou pour la déclaration d’indépendance du maréchal Josip Broz Tito à l’égard de Staline. C’est sûr, la gratitude n’est pas une valeur dans les relations entre États.

    Le gouvernement US a dû être incertain quant à sa capacité de tenir la Russie avec la laisse de Jabba parce que l’Otan s’est vue confier la nouvelle tâche d’encercler la Russie, en s’étendant vers l’Est, contrairement aux engagements de ne pas le faire pris envers le dirigeant soviétique Mikhail Gorbachev, un autre favori des médias dominants. Ce devait être un nouveau cordon sanitaire, bien que personne ne l’appelle comme ça.

    Enfin, Eltsine a démissionné à la fin de 1999. Vladimir Poutine a été élu à la présidence l’année suivante, et il s’est appliqué à intégrer la Russie, politiquement et économiquement, dans l’Europe. En dépit de tous les efforts de Poutine auprès du président des États-Unis George W. Bush, les relations de la Russie avec l’Occident n’ont pas abouti. Comme l’un de mes étudiants l’a découvert en réalisant un mémoire de Master sur les MSM et Poutine, le président russe était caractérisé dès le début comme un ancien officier du KGB, qui voulait faire renaître l’URSS, l’idée la plus éloignée de l’esprit de Poutine. Des caricatures politiques le montraient avec des marteaux et des faucilles dans les yeux, ou se transformant en Staline. Un autre le montrait apportant un petit déjeuner au mausolée de Lénine, et disant : « Réveille-toi, putain, réveille-toi, Vladimir Ilitch ».

    Comment l’Occident (lire les États-Unis) a-t-il pu représenter Poutine de manière aussi fausse, et pourquoi ? Pour une chose, Poutine ne voulait pas se coucher aux pieds de Jabba le Hutt. Il s’est employé à restaurer la force économique, politique et militaire de la Russie. L’Europe occidentale a rarement été à l’aise avec une Russie forte. La russophobie occidentale date en fait depuis au moins le début du XIXe siècle. Un dirigeant assuré et d’esprit indépendant à Moscou est le dernier Russe que les MSM voudraient embrasser. Poutine est l’éléphant, ou plutôt l’ours dans le magasin de porcelaine. L’homme de pouvoir occidental craint et hait les autres soumis qui sortent des rôles de serviteurs courbés qui leur ont été assignés.

    La Russie veut la guerre. Regardez comme elle a mis ses frontières à côté de nos bases militaires

    Poutine a commencé à parler trop franchement d’agression lorsque les États-Unis ont envahi l’Irak en 2003 sous un prétexte bidon et ont financé les révolutions de couleur en Géorgie et en Ukraine en 2003 et 2004. Poutine n’a pas non plus aimé lorsque le président Bush est sorti du traité ABM à la fin de 2001, alors même que Poutine essayait de lier des amitiés.

    Nous devons nous prémunir contre l’Iran, disait Bush. Il n’y a aucune menace de la part de l’Iran, insistait Poutine, il n’y en a jamais eu. Les Russes soupçonnaient que l’Iran était seulement une couverture pour renforcer l’encerclement de la Russie par l’Otan (lire les États-Unis). Il y a maintenant un accord avec l’Iran sur les questions nucléaires, mais le développement et le déploiement des missiles antibalistiques continue allègrement. Les soupçons de la Russie à l’égard des États-Unis semblaient fondés.

    Poutine a aussi osé défier l’élément principal de l’idéologie politique US, l’exceptionnalisme états-unien. Les États-Unis sont « la Nation exceptionnelle », c’est l’idée, la cité qui brille au haut de la colline, destinée à imposer ses valeurs et ses intérêts aux autres peuples et nations, pour leur propre bien, qu’ils le veuillent ou non.

    Une chose qu’on peut dire à propos des MSM, c’est qu’ils n’aiment pas voir critiquer leurs mythes. « Nous sommes un Empire maintenant, a dit Karl Rove, l’un des néocons de Bush junior, et lorsque nous agissons, nous créons notre propre réalité ». Les MSM, aurait-il pu ajouter, servent de porte-voix de l’Empire, renforçant les nouvelles réalités, exactement comme c’est dépeint dans le roman 1984 d’Orwell. Le problème était, et est encore, que ces réalités ne sont pas la réalité pour la plupart des autres peuples vivant hors des États-Unis et de leurs États vassaux. Qui se soucie de ce qu’ils pensent, a commenté en effet Rove, nous allons créer de nouvelles réalités, « et à vous, vous tous [là-bas], il ne restera qu’à étudier ce que nous faisons ».

    C’est de l’autodéfense

    Regardons la brève confrontation entre la Russie et la Géorgie en 2008. Le président géorgien, Mikhaïl Saakachvili, une marionnette couarde des États-Unis, a envoyé ses soldats en Ossétie du Sud, pensant qu’il pourrait l’occuper avant que la Russie ne réagisse. Il s’était trompé et l’armée géorgienne a été écrasée. Les médias dominants ont traité la riposte comme un acte d’agression russe. Le proverbial ours russe est devenu l’image favorite des caricaturistes états-uniens. L’un d’eux a représenté l’ours rongeant un os appelé Géorgie en surveillant un minuscule Bush Jr., comme s’il disait : vous ne pouvez pas faire en Géorgie ce que vous avez fait en Irak. Un autre ours tient la Géorgie dans sa gueule comme s’il allait l’avaler. C’est une image omniprésente en Occident. Les caricaturistes états-uniens semblent vouloir inciter leurs dirigeants à la bagarre en dessinant un grand ours russe grognant contre le tout petit Bush Jr. ou le minuscule Barack Obama. « Qu’allez-vous faire avec ça ? » demande le méchant ours.

    Bien sûr, l’agresseur en Ossétie du Sud était Saakachvili, encouragé par ses nounous US. Vous pouvez le faire si vous agissez assez rapidement, semble avoir été l’idée des États-uniens. Pour être honnête, tous les caricaturistes occidentaux n’avaient pas emboité le pas à propos de la Géorgie, mais ce n’a pas été long avant que la plupart d’entre eux rentrent dans le rang. Si vous avez le moindre doute, faites seulement une recherche sur internet.

    L’Occident n’a pas aimé les critiques de Poutine à l’égard de l’agression de l’Otan contre la Libye en 2011 —y a-t-il un autre mot pour ça ?— et le lynchage de son dirigeant Mouammar el-Kadhafi. Dans une scène grotesque, la secrétaire d’État Hillary Clinton, semblable à un vampire assoiffé, jubilait sur les images de son cadavre ensanglanté. Poutine a traité l’attaque de l’Otan de « démocratie des frappes aériennes ». C’était une métaphore saisissante pour l’hypocrisie occidentale. Il n’y a pas de démocratie dans la Libye autrefois prospère, seulement ruines, chaos et groupes déchaînés de djihadistes salafistes violents. Merci à l’Otan, elle s’est frayé un chemin en Syrie et en Irak. Les MSM critiquent par ailleurs la Russie pour son soutien à la résistance de la Syrie contre les monstres de Frankenstein occidentaux, si souvent employés, depuis la guerre soviétique en Afghanistan jusqu’à aujourd’hui, pour renverser des gouvernements laïques indépendants au Proche-Orient ou en Asie. Si seulement les djihadistes étaient restés en Syrie et n’étaient pas arrivés en Irak pour créer un État islamique (ÉI). En envoyant des unités de l’armée de l’air russe en Syrie, Poutine a démasqué les États-Unis et leurs vassaux soutiens des membres « modérés » d’ÉI. Il n’y a pas de djihadistes modérés, bien sûr ; ils sont une invention états-unienne. Poutine a parlé de bluff occidental et invité en effet les États-Unis à se tourner contre leurs propres alliés djihadistes. Ce ne sera pas un virage facile à prendre à Washington. Les vieilles habitudes ont la vie dure.

    Là où la Russie défend le processus démocratique

    Le seul développement qui a vraiment déclenché la fureur des médias dominants contre Poutine et la Russie est la crise en Ukraine. Pour l’Occident, c’est la faute de la Russie, l’agression de la Russie, en particulier la réunification avec la Crimée, oubliant que les États-Unis et leurs satellites de l’Union européenne ont déclenché la crise actuelle en soutenant un coup d’ État fasciste violent à Kiev. Faites une recherche sur Internet : l’image du dangereux ours russe est omniprésente. Il a menacé les Criméens pour qu’ils votent en faveur de la réunification avec la Russie. Jusqu’où pouvez-vous aller dans l’absurde et loin de la réalité ? Comme si les Criméens voulaient embrasser la junte fasciste de Kiev.

    L’ours russe est aussi montré en train de manger un poisson nommé Ukraine. « Je me sentais menacé », grogne l’ours, coiffé d’une chapka décorée du marteau et de la faucille.

    Pourtant un autre ours, montrant ses dents acérées, offre des chocolats Valentine à une babouchka nommée Ukraine de l’Est. « Sois à moi… sinon », dit la légende. Le message est si scandaleux qu’on se met à rire. Mais après réflexion, cette image n’est pas drôle du tout car elle montre jusqu’où les médias dominants ont inversé la réalité.

    Ensuite il y a un Time récent, qui pourrait être encore plus MSM que le Time magazine, qui déplore « la dangereuse montée des faucons du Kremlin », ceux qu’on appelle les siloviki, des fonctionnaires puissants, comme s’il n’y avait pas de types de ce genre dans les gouvernements occidentaux. Si l’hôpital se moquait de la charité, ça donnerait ça. Ces nouveaux méchants de Moscou « dominent la vie politique en Russie », selon le Time, « [et]… contribuent […] à une atmosphère paranoïaque et agressive ». Time nous offre un véritable dictionnaire de clichés occidentaux grotesques sur la Russie. Le mégaphone de l’agresseur que sont les médias dominants accuse l’autre de l’agression, c’est un vieux truc d’ailleurs souvent utilisé par les États-Unis. Quant à la paranoïa, regardez une carte. Qui tente d’encercler qui ? Qui menace qui ? Qui dépense presque autant en armements que tous les autres États réunis ? Ce n’est pas la Russie.

    La novlangue orwellienne est maintenant la norme en Occident et tout particulièrement aux États-Unis. Lisez seulement les discours d’Obama. La Russie et la Chine sont des autres mécréants. Cette chosification des adversaires des États-Unis est-elle une préparation à la guerre ? En écoutant Obama, vous ne saurez jamais que les États-Unis ont déclenché un coup État fasciste à Kiev, commis des actes d’agression flagrants contre l’Iran et la Libye, dans d’autres pays, ou qu’ils arment les djihadistes salafistes en Syrie. Les dissidents qui révèlent les mensonges sont ignorés, ridiculisés, noircis. Les lanceurs d’alerte sont emprisonnés. Et Poutine, homme remarquable s’il y en eut, est maudit encore plus que les autres pour oser, comme l’enfant dans le conte de Hans Christian Andersen, révéler que l’empereur est nu. « Est-ce que vous réalisez ce que vous avez fait ? », a demandé Poutine récemment à l’ONU. Niet, Gospodin Prezident, ils ne réalisent pas. Il était d’usage de dire que la vérité a ses droits, mais je ne suis pas sûr qu’elle les aura, du moins assez tôt pour être quelque chose de plus qu’un sujet de débat entre historiens, comme Karl Rove l’a suggéré, trop tard.

    Traduction
    Diane
    site : Le Saker Francophone

    Source
    Strategic Culture Foundation (Russie)

  • LE PENTAGONE PRÉPARE UNE GUERRE MONDIALE !

     

    Par Sylvia Bourdon – 13/07/2015

    Le Pentagone a sorti en juin 2015, sa « Stratégie Militaire Nationale des Etats Unis d’Amérique 2015 » Lien ci-dessous. Le document annonce un changement dans ses objectifs ; du terrorisme au « acteurs d’États », qui « défieraient les normes internationales ».

    Il est important de savoir ce que ces mots signifient. Les gouvernements qui défient les normes internationales sont des pays souverains, qui appliquent des politiques indépendantes de Washington. Ces « États révisionnistes » sont des dangers. Non parce qu’ils projettent d’attaquer les US, ce qu’admet le Pentagone. Ni la Russie, ni la Chine n’ont ces intentions. Mais juste, parce qu’ils sont indépendants. En d’autres termes, « la norme », est la dépendance de Washington.

    Saisissez bien la question : Le danger est l’existence d’États souverains, dont les actions indépendantes, font d’eux les « États révisionnistes. » En d’autres mots, leur indépendance est hors des clous, selon la doctrine unipolaire néoconservatrice, qui déclare que le droit à l’indépendance revient seul à Washington. L’histoire de l’hégémonie de Washington écarte le fait, que tout autre pays peut être indépendant de ses actes. Le rapport du Pentagone définit avant tout comme « États révisionnistes », la Russie, la Chine, la Corée du Nord et l’Iran. L’objectif nr. 1 étant la Russie.

    Washington espère récupérer la Chine, afin qu’elle reste un marché de consommation américaine. Cela, malgré les « tensions dans la région Asie-Pacifique », qui est la sphère d’influence chinoise, laquelle serait « en contradiction avec les lois internationales ». Venant de Washington, le plus grand violeur des lois internationales, c’est plutôt fort de tabac.

    Il n’est pas sur que l’Iran échappe au destin que Washington a imposé à l’Irak, l’Afghanistan, la Lybie, la Syrie, la Somalie, le Yemen, le Pakistan, l’Ukraine et par complicité, la Palestine.

    Le rapport du Pentagone est suffisamment audacieux dans son hypocrisie, comme le sont toutes les déclarations de Washington, pour déclarer que, Washington et ses vassaux « soutiennent les institutions établies et les processus destinés à la prévention des conflits, qui respectent la souveraineté et les droits de l’homme ». Tout ceci, venant de l’armée d’un gouvernement qui a envahit, bombardé et renversé 11 gouvernements depuis le régime Clinton et qui projette de renverser les gouvernements d’Arménie, du Kyrgystan, de l’Equateur, du Vénezuela, de la Bolivie, du Brésil et de l’Argentine.

    Dans le document du Pentagone, la Russie est dans l’œil du cyclone, pour ne pas se conformer « aux normes internationales ». Ce qui signifie, que la Russie ne suit pas le leadership de Washington.

    En d’autres mots, ce rapport est de l’enfumage, rédigé par des néocons, dans le but de fomenter une guerre avec la Russie. Rien d’autre ne peut être dit sur ce rapport qui signifie la guerre, toujours la guerre. Sans guerres et conquêtes, les américains ne se sentent pas en sécurité. Les vues de Washington sur la Russie sont les mêmes que celles de Caton l’ancien sur Carthage. Il terminait chacun de ses discours au sénat romain en clamant : « Carthage doit être détruit. »

    Ce rapport nous dit, qu’une guerre avec la Russie sera notre futur, à moins que la Russie n’accepte de devenir un État vassal, comme l’Europe, le Canada, l’Australie, l’Ukraine et le Japon. Autrement, les néocons ont décidé qu’il serait impossible pour les américains, de tolérer un pays qui prend ses décisions indépendamment de Washington.

    Si les US ne peuvent être le pouvoir unique qui dicte ses normes au monde, mieux vaut tous crever.

     Sylvia Bourdon

    source Dr. Paul Craig Roberts

    Document: 2015 U.S. National Military Strategy – USNI News

    The following is the 2015 National Military Strategy of the United States of America that was released by the Department of Defense on July 1, 2015. Related

  • Espionnage américain : molle indignation

    Tout homme politique et entrepreneur sait que les affaires sérieuses ne se traitent qu’en tête-à-tête.

    Par Guy Sorman.

    Vidéosurveillance (Crédits Paweł Zdziarski, licence CC-BY 2.5)

    Vidéosurveillance (Crédits Paweł Zdziarski, licence CC-BY 2.5)

    François Hollande a mollement protesté auprès de Barack Obama : le service minimum. Car l’espionnage est aussi ancien que les États eux-mêmes ; seuls les moyens se perfectionnent. On se contentait naguère d’ouvrir les correspondances diplomatiques. Aujourd’hui, les gouvernements écoutent et observent à tout-va, les étrangers et leurs propres citoyens. On rappellera que François Mitterrand avait créé à l’Élysée une cellule secrète pour écouter les conversations téléphoniques de ses adversaires présumés : c’était illégal. Pour nous protéger du terrorisme, les services français pourront maintenant écouter toutes les conversations et ce sera légal. Les Américains, de leur côté, ont toujours espionné les dirigeants français, à commencer par le Général de Gaulle, dont ils se méfiaient énormément. Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy savaient qu’ils étaient écoutés et ne traitaient jamais de la moindre affaire confidentielle sur des téléphones non sécurisés.

    Il ressort de Wikileaks que les Américains n’ont jamais appris, par les écoutes, la moindre information significative. Tout homme politique et entrepreneur sait que les affaires sérieuses ne se traitent qu’en tête-à-tête. Du côté français, on espionne les Américains depuis fort longtemps, mais moins les politiques que les entreprises : la spécialité française est l’espionnage industriel, à l’initiative de l’État ou des entreprises. Ce qui valut à la France par le passé quelques expulsions de diplomates chassés des États-Unis. Si l’espionnage politique ne sert à rien – c’est du voyeurisme – l’espionnage industriel est-il plus efficace ? Il n’aura pas comblé le retard français sur les Américains dans l’innovation de pointe.

    La morale de cette querelle transatlantique est qu’il n’y a plus vraiment de secrets : tout se sait ou tout peut se savoir, en particulier ce qui transite par le téléphone et internet. Si l’on ne veut pas être espionné, chuchotons et n’écrivons plus. On se demande aussi ce que les agences d’espionnage, NSA aux États-Unis, DGSE en France, font des millions d’informations inutiles qu’ils recueillent : Wikileaks révèle qu’elles sont inexploitables et très banales.

    Envisageons que l’espionnage relève du voyeurisme autant que de la sécurité et qu’il remplace bien inutilement, l’intelligence des faits.

    Guy Sorman