Maroc: Sale temps pour les immigrés
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La carte publiée par Citizen Lab
- Bradley Manning est escorté devant le tribunal militaire de Fort Meade dans le Maryland, le 18 juillet 2013. REUTERS/Jose Luis Magana -
Le gouvernement veut-il vraiment gratter la moindre livre de chair disponible sur le dos du première classe Bradley Manning pour le punir d'avoir fourni à WikiLeaks un énorme paquet d'informations? La réponse, lamentable, est oui.
Jeudi, le juge militaire chargé du procès de Manning a décidé de ne pas abandonner le chef d'accusation le plus grave –et le moins supportable– pesant sur sa personne, la «collusion avec l'ennemi». Une charge qui, au départ, n'aurait même pas dû être avancée par le gouvernement.
Qu'importe votre avis sur Manning, cela crée un terrible précédent pour les «whistleblowers», les lanceurs d'alerte. Et son seul intérêt est la possibilité d'une peine de prison à perpétuité pour un jeune homme de 25 ans ayant d'ores et déjà plaidé coupable pour des chefs d'accusation susceptibles de l'envoyer vingt ans derrière les barreaux. On est devant une affaire de vengeance, pas de justice.
La fuite dont est responsable Manning est, bien sûr, gigantesque. En 2009, il a donné à WikiLeaks des rames entières de câbles diplomatiques, des carnets de guerre sur les conflits en Irak et en Afghanistan, des dossiers sur Guantánamo, des notes internes des services secrets américains et la vidéo du raid d'un hélicoptère Apache en Irak, responsable de la mort «collatérale» d'un photographe de Reuters et de son chauffeur.
Manning a reconnu être à l'origine des fuites, en plaidant coupable pour dix des chefs d'accusation pesant sur lui. Mais il affirme ne pas être coupable de collusion avec l'ennemi, car son intention n'était pas de voir la publication des documents secrets aider des organisations terroristes comme Al-Qaïda.
Voici ce que dit la loi: la charge concerne «quiconque aide ou tente d'aider l'ennemi avec des armes, des munitions, du matériel, de l'argent et autres ressources; ou qui, sans en avoir l'autorisation idoine, dissimule, protège, renseigne, communique ou correspond avec ou encore établit un lien quelconque avec l'ennemi, sciemment et de manière directe comme indirecte».
Le chef d'accusation est large – le juge ne l'a pas inventé de toutes pièces. Mais dans d'autres affaires, les tribunaux ont requis que l'accusé ait spécifiquement et volontairement aidé l'ennemi. La charge a jusqu'à présent été réservée à des traîtres murmurant aux oreilles de nos adversaires.
Comme le faisait remarquer en mars Yochai Benkler, un des experts de la défense dépêché au procès Manning, dans les colonnes de la New Republic, la collusion avec l'ennemi a auparavant été utilisée dans des«affaires stratégiques où quelqu'un avait remis des informations sur des mouvements de troupes directement à un individu que le collaborateur estimait être 'l'ennemi', où des prisonniers de guerre américains avaient collaboré avec leurs geôliers nord-coréens, ou encore dans le cas d'un citoyen germano-américain ayant participé à une opération de sabotage pour le compte des Allemands pendant la Seconde Guerre Mondiale».
Une jurisprudence qui ne correspond à aucun des faits de l'affaire Manning. Pour le gouvernement et l'armée, les fuites relèvent du sabotage et de la folie. Mais selon Manning, son geste visait à provoquer un débat public. Il avait de plus en plus de doutes sur la guerre et voulait révéler les exactions de l'armée américaine pour que l'opinion sache. Ou pour citer la déposition de Manning devant la cour, plus tôt cette année:
«Mon sentiment, c'était que nous prenions trop de risques pour des gens peu disposés à coopérer avec nous, ce qui générait de la frustration et de l'amertume des deux côtés. La situation, dans laquelle nous nous embourbions davantage année après année, s'est mise à me déprimer. (…) J'ai aussi cru que l’analyse détaillée des données sur le long terme et réalisée par différents secteurs de la société pouvait permettre à celle-ci de réévaluer le besoin, voire l'envie, de s’engager dans des opérations de lutte contre le terrorisme ou contre l’insurrection, ignorant les dynamiques complexes des populations vivant au quotidien dans les régions concernées». Pour lire sa déclaration complète, c'est ici.
Pour justifier leur décision, les procureurs ont fait valoir que «les preuves montreront que l'accusé a sciemment donné des renseignements à l'ennemi». Les preuves, c'est que certains des documents révélés par Manning, une fois sur Internet, ont atteint Ben Laden et ont été retrouvés sur son ordinateur.
En d'autres termes, en donnant des informations à WikiLeaks, Manning les donnaient aux terroristes. Il s'agit d'une interprétation scandaleusement trop large d'une loi rédigée à l'emporte-pièce. Elle compromet toutes sortes d'individus publiant des choses susceptibles de contrarier les intérêts américains en ternissant l’image des Etats-Unis à l'étranger.
Ce que font tous les jours des journalistes, ce que font tous les jours des tas de gens sur les réseaux sociaux. On appelle cela la liberté d'expression. La plupart des critiques de l'Amérique n'ont pas accès au genre de données nuisibles que Manning avait en sa possession. Mais désormais, quand ils l'auront, ils devront craindre que leur publication soit l'équivalent juridique d'un cadeau aux terroristes.
Comme le souligne Benkler, qu'importe que la plate-forme de publication soit WikiLeaks, le New York Times ou Twitter. Et cette théorie de collusion avec l'ennemi est «inédite dans l'histoire américaine contemporaine». Il nous faut remonter à la Guerre de Sécession et à une affaire où un officier de l'Union avait donné à un journal de Virginie une liste de camarades soldats pour trouver l'équivalent du cas Manning.
Si Manning passe le restant de ses jours en prison pour un geste de défiance commis au début de sa vingtaine, cela sera du même acabit que ses conditions de détention préventive que, dans un énorme euphémisme, le juge estimait «excessives».
Pendant neuf mois, dans une prison militaire, Manning était à l'isolement pendant 23 heures par jour. Il devait dormir nu, sans draps ni oreillers. Il n'avait aucun moyen de faire du sport. La version officielle, c'est qu'il présentait un risque suicidaire élevé, mais, encore une fois, cela ressemble bien davantage à de la vengeance.
Aujourd'hui, pas même Manning n'en appelle à sa libération. Son affaire ne relève pas de la culpabilité ou de l'innocence, mais de la proportionnalité. En choisissant la démesure, le gouvernement et le tribunal risquent d'aller trop loin et vers un endroit trop sombre. La voie juridique est bien assez large pour punir Manning sans avoir à effectuer ce genre d'embardée. Et les raisons de s'en passer sont, aussi, bien plus que suffisantes.
Emily Bazelon
- Un manifestant antimondialisation lance un seau de déjections humaines sur des policiers à Cancun, au Mexique, pendant une rencontre de l'OMC le 13 septembre 2003. REUTERS/Daniel Aguilar -
Mark Cavendish a été victime lors de la 11e étape du Tour de France d’un jet d’urine venant de supporters mécontents du supposé coup d’épaule que le sprinteur britannique aurait donné la veille au Néerlandais Tom Veelers, qui avait chuté dans le sprint final. L’épisode n’est pas sans rappeler un autre incident survenu quelques jours plus tôt dans des circonstances bien différentes, quand la présentatrice de TF1 Claire Chazal s’est fait renverser un seau d’excréments dessus alors qu’elle conduisait sa voiture avec la vitre ouverte, sans que l’on connaisse pour le moment les motivations de son agresseur.
Depuis quand lance-t-on des déjections corporelles sur des gens, et pourquoi?
Personne ne connaît la période exacte à laquelle le lancer d’excrément est apparu, mais il s’agit d’une pratique répandue qui ne se limite pas à un espace géographique en particulier, le plus souvent en signe de protestation ou pour humilier quelqu’un.
Dans l'Antiquité déjà, les selles représentaient l’une des choses les plus sales et humiliantes qu’il soit. Dans l’Ancien Testament, Dieu ordonne au prophète Ezéchiel de faire manger aux Israélites des gâteaux d’orge cuits avec des excréments humains, tandis que le Talmud parle de faire bouillir dans des excréments l’esprit de ceux qui veulent du mal à Israël pour les humilier. Dans la Divine Comédie de Dante, les flatteurs se retrouvent en enfer dans une fosse remplie d’excréments.
Aujourd’hui, les excréments et l’urine sont utilisés dans certainesméthodes de torture. L’une des photos de la tristement célèbre prison d’Abou Ghraib, où des soldats américains ont multiplié les actes de torture et d’humiliation pendant la guerre en Irak, montre un prisonnier enduit de fèces.
Le lancer d’excréments est parfois utilisé comme un geste de protestation politique. Dans quasiment toutes les sociétés humaines, la saleté est une offense contre l'ordre social. Lancer des selles prend alors toute sa signification contestataire. En 2008, lors de la Convention nationale du Parti démocrate à Denver, les autorités avaient voté une loi interdisant les manifestants à porter des seaux remplis de fèces pour prévenir d’éventuels lancers de selles.
Plus récemment, un membre du mouvement Occupy Wall Street a été photographié à New York en train de déféquer sur une voiture de police, tandis que la ville de Chicago a équipé en 2012 ses policiers anti-émeute de visières pour se protéger des éventuels jets d’urine et de matière fécale des manifestants contre le sommet du G8 qui s’est tenu dans la ville.
La manifestation scatologique n’est pas l’apanage des Américains. En juin, plusieurs personnes ont été arrêtées en possession de sacs d’excréments en marge d’une manifestation contre le manque d’installations sanitaires dans la ville sud-africaine de Cape Town, ce qui n’avait pas empêché plusieurs sacs de fèces d’être déversés dans des bureaux d’élus locaux.
La présidente de la province du Cap-Occidental avait été aspergée de la même matière une semaine plus tôt lors d’une visite dans les quartiers pauvres de la ville. Les habitants des townships protestaient ainsi contre les toilettes collectives en extérieur insalubres dont beaucoup doivent se contenter.
Du côté de l’Asie, un Sud-Coréen a été interpellé l’année dernière après avoir lancé des excréments humains sur l'ambassade du Japonpour protester contre la revendication territoriale de Tokyo sur des îlots sud-coréens dans la mer de l'Est.
Dans d’autres cas, les lancers de défécations ou d’urine n’ont absolument aucun but politique, et semblent plutôt répondre des pulsions irrépressibles. En 2011, trois supporters du FC Cologne ont été interdits de stade dans toute l’Allemagne pour trois ans, la peine maximale dans leur cas, pour avoir lancé des gobelets remplis de fèces et d’urine dans les tribunes. Au Japon, un ouvrier qui s’était rendu de lui-même à la police parce qu’il avait jeté ses selles sur des passantes en circulant à moto a expliqué son geste par le fait que son travail le stressait trop.
Si l’origine de la pratique chez l’homme n’est pas claire, nous partageons cette tendance à jeter nos excréments sur nos semblables avec le chimpanzé, qui est un véritable habitué du lancer de fèces. Des scientifiques sont même arrivés à la conclusion qu’il s’agissait d’unsigne d’intelligence chez notre cousin éloigné.