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France - Page 16

  • Dix choses que vous ignoriez peut-être sur Jacques Vergès

     

    Sophie Caillat | Journaliste Rue89

    L’avocat Jacques Vergès est mort à 88 ans. De son mariage algérien à ses « grandes vacances », jusqu’au théâtre, voici le roman de sa vie.


    Jacques Vergès à Toulouse, le 30 janvier 2012 (BORDAS/SIPA)

    Mort dans la chambre de Voltaire, l’amoureux de la théâtralité qu’était l’avocatJacques Vergès n’aurait pu rêver plus belle fin.

    A 88 ans, il est décédé jeudi 15 août d’un arrêt cardiaque dans l’appartement du quai Voltaire, à Paris, où l’auteur de « Candide » avait émis son dernier souffle. Une amie l’hébergeait depuis qu’il était affaibli, ces derniers temps.

    Devenu célèbre pour avoir défendu le nazi Klaus Barbie, le dictateur serbe Milosevic, le terroriste Carlos et bien d’autres « causes perdues » (le dirigeant khmer rouge Khieu Samphan, le philosophe négationniste Roger Garaudy, le jardinier Omar Raddad...), Jacques Vergès a eu une vie aussi opaque que lumineuse.

    C’est d’abord son engagement auprès du Front de libération nationale (FLN) algérien et son mariage avec une militante de la décolonisation, Djamila Bouhired, qui en a fait l’archétype de l’avocat de combat.

    Retour sur le roman de la vie de cet homme à qui Bardet Schroeder avait consacré un magnifique documentaire, « L’avocat de la terreur ».

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    Né d’un couple mixte

     

    Nés en 1925 au Siam, dans ce qui est aujourd’hui la Thaïlande, Jacques et Paul sont les enfants d’un couple mixte culturellement et socialement : leur mère est une institutrice vietnamienne (qui mourra lorsqu’ils ont 3 ans) et leur père est Réunionnais, médecin et consul de France.

    Mais comme le rappelle Franck Johannès dans le Monde, le père des « jumeaux » aurait fait un faux, en déclarant la naissance des deux frères le même jour, alors qu’ils avaient un an d’écart, ainsi que l’a découvert l’un de ses biographes, Bernard Violet.

    Jacques Vergès serait-il plutôt né le 20 avril 1924 ? « Je m’en fous royalement », avait répondu l’avocat à Libération.

    Elevés à la Réunion, les deux frères partageront plus tard nombre de combats politiques communs, le communisme et l’anticolonialisme. Elu conseiller général de l’île en 1955, son jumeau Paul Vergès a créé le Parti communiste réunionnais puis exercé de nombreux mandats politiques. Il est aujourd’hui encore sénateur.

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    Admirateur de De Gaulle

     

    Jacques n’a pas 18 ans quand il s’engage auprès des Forces française libres en Angleterre. Admirateur du général de Gaulle, à qui il regrettait de n’avoir jamais pu serrer la main, Vergès a raconté au Point d’où venait cet engagement :

    « Si j’ai rejoint la France libre, c’est que je conservais en moi l’image d’une France idéale, celle que l’école laïque m’a inculquée, mère des arts, des armes et des lois. Je ne pouvais me résigner à ce qu’elle disparût sous la botte allemande. »

    En pleine guerre, il prend contact à Londres avec les représentants du PCF, « en prévision d’une autre guerre qui ne manquerait pas de survenir au lendemain de la victoire et que je livrerais à la France colonialiste », ajoute-t-il. En 1945, il adhère au PCF, qu’il quittera en 1957 lorsqu’il jugera le parti « trop tiède » sur l’Algérie.

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    Avocat parce qu’il faut bien un métier

     

    Il choisi finalement le métier d’avocat parce qu’il faut bien un métier (« agitateur public ne fait pas une vie », dit-il), et prête serment en 1955.

    « Le droit n’était pas ma vocation, j’ai étudié l’histoire et les langues, mais je me suis dit qu’avec ce métier, je serais libre. »

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    L’Algérie : son histoire d’amour

     

    Pendant la guerre d’Algérie, sa fibre anticolonialiste le pousse à rejoindre le FLN et à défendre Djamila Bouhired, poseuse de bombes meurtrières à Alger.

    C’est là qu’il élabore sa stratégie de « défense de rupture » : au lieu de chercher à minimiser les faits et à obtenir l’indulgence des juges, l’avocat prend l’opinion à témoin et accuse le système d’être responsable des tortures infligées aux combattants.

    Sa cliente est d’abord condamnée à mort puis finalement graciée et devient une héroïne nationale en Algérie.

    Jacques Vergès l’épouse, s’installe à Alger après l’indépendance, se convertit à l’islam, prend la nationalité algérienne et se fait appeler « Mansour ». Le couple a deux enfants, mais l’avocat, qui y a été chef de cabinet du ministre des Affaires étrangères et fondé avec son épouse la revue tiers-mondiste, Révolution africaine, part finalement au début des années 70 pour d’autres cieux.

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    Neuf ans de grandes vacances

     

    Le Monde du 26 mai 1970 publie un petit entrefilet, « Me Vergès, dont la famille était sans nouvelles depuis le 17 mars, a fait savoir à son éditeur, M. Jérôme Lindon, qu’il était en bonne santé à l’étranger ».

    On sait qu’il a rencontré Mao en Chine et épousé la cause palestinienne mais, sur ce que fut sa vie entre 1970 et 1978, le mystère reste entier. Un appel à témoins avait même été lancé par ses proches dans la presse.

    Un problème financier pourrait avoir été la cause de sa disparition. Le Mossad, les services secrets israéliens, voulaient le tuer car il défendait la cause palestinienne, a écrit le juge Thierry Jean-Pierre dans un livre.


    Ces « grandes vacances très à l’est de la France » l’auraient amené à travailler en Extrême-Orient pour le compte des services secrets chinois, et se serait également rendu utile à leurs homologues français, croit savoir Le Monde.

    Lors de son interview Point, en mars dernier, il avait à moitié levé le voile :

    « Un soir de mars, ma porte s’est ouverte et le vent m’a soufflé : Pars ! , et je suis parti pour des aventures qui ont duré neuf ans. [...] J’étais un peu partout. Parti vivre de grandes aventures qui se sont soldées en désastre. Nombre de mes amis sont morts, et, pour les survivants, un pacte de silence me lie à eux. »

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    « Je m’aime passionnément »

     

    Vergès a pris goût aux cigares, lorsque « le Che m’a envoyé les meilleurs Havane », se plaisait-il à raconter. Un goût du cigare qui est aussi un goût du luxe. Dans le documentaire Empreintes réalisé sur lui en 2008, il décrivait ses goûts :

    « J’aime les cigares de Cuba et j’achète mes cigares. [...] J’essaie de m’habiller du mieux possible. Bon, je préfère le cachemire au coton, c’est mon goût.

    D’où vient cet argent ? C’est très simple. Quand il m’arrive de défendre des princes, je leur demande des honoraires princiers. Et quand je défends des jardiniers, je ne leur demande rien. »

    Dans la même émission, il déclarait aussi : « Je m’aime passionnément. »

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    « On est toujours le nazi de quelqu’un »

     

    Devenu célèbre en France à partir du procès du nazi Klaus Barbie, en 1987, Jacques Vergès devient un bon client des plateaux télés.

    Thierry Ardisson l’invite régulièrement depuis qu’il a déclaré sur son plateau en 1991 :

    « On est toujours le nazi de quelqu’un. »

    En 2002, il a l’occasion de s’expliquer plus longuement sur les raisons pour lesquelles il défendrait tout le monde. « Plus l’accusation est lourde plus le devoir de défendre est grand, comme un médecin doit soigner tout le monde », dit-il. Il s’est dit prêt à défendre Bush comme il aurait défendu Hitler, mais à condition qu’ils plaident coupables.

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    Anti-droit de l’hommiste

     

    Toujours sur le plateau de Thierry Ardisson, il décrit son aversion pour le droit de l’hommisme.

    Celui qui a dit que « les poseurs de bombes sont des poseurs de questions », se définissait comme un « salaud lumineux ». Il a souvent fustigé la politique étrangère de la France, ce qui l’a a mené par exemple à aller défendre Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire, alors que la France soutenait Alassane Ouattara.


    Jacques Vergès est mort (Chimulus)

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    Acteur de son propre rôle

     

    Sur le tard, cet amateur de littérature était devenu acteur de son propre rôle.

    Dans « un monologue théâtral aux allures d’autoprocès », il avait interprété « Serial plaideur », où il replaçait la théâtralité de la justice à l’échelle de l’humanité, en convoquant Jack l’éventreur, Sophocle ou Jeanne d’Arc.

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    La robe et la plume

     

    Auteur de plus d’une vingtaine de livres, dont le « Dictionnaire amoureux de la justice » (Ed. Plon), « Le Salaud lumineux » (Ed. Le livre de poche, 1992),« Justice pour le peuple serbe » (Ed. L’Age d’homme, 2003), « Beauté du crime » (Ed. Plon), « La Démocratie à visage obscène » (Ed. Table ronde, 2004), « Sarkozy sous BHL » (Ed. Pierre-Guillaume de Roux, 2011)...


    « De Mon Propre Aveu » de Jacques Vergès

    Il aimait se comparer au livre de Bernanos« Journal d’un curé de campagne » et se voyait bien dans le rôle du personnage « qui essaie de comprendre ».

    Interrogé par Sud Ouest à l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage, « De Mon Propre Aveu » (Ed. Pierre-Guillaume de Roux, 2013), il disait :

    « Il est certain qu’il y a entre la justice et la littérature un rapport très grand. La tragédie est le sujet du roman, mais aussi celui du procès. »

     
     
  • Le Fichier des personnes recherchées plus fourre-tout que jamais

    EXPLICATEUR18/08/2013 à 16h00

     

    Camille Polloni | Journaliste Rue89


    Un contrôle routier à Ploeren, dans le Morbihan, le 4 juillet 2013 (GUMEZ/SIPA)

    Lors d’un contrôle routier ou d’un contrôle d’identité de routine, si le gendarme s’éloigne avec vos papiers et reste quelques minutes dans son véhicule, c’est souvent le temps de passer un appel pour consulter le Fichier des personnes recherchées (FPR).

    Quand vous renouvelez votre carte d’identité, votre passeport ou votre titre de séjour, ou parfois lors d’un passage aux frontières, les agents vérifient aussi si vous figurez dans le FPR.

    Désormais, les étrangers interdits de retour en France y seront inscrits. La mesure, mise en place par décret, risque de rajouter de la confusion dans un fichier déjà construit de bric et de broc. Elle autorise aussi davantage de fonctionnaires à le consulter.

    Plusieurs catégories d’étrangers

    Les étrangers concernés sont ceux qui font l’objet d’une interdiction de retour, une mesure administrative d’éloignement créée en 2011. Si l’interdiction est abrogée (par exemple si l’étranger dépose un recours et a gain de cause), le nom devra être rayé du fichier.

    Avant le décret de samedi, d’autres étrangers en situation irrégulière figuraient déjà dans le FPR, s’ils étaient sous le coup :

    • d’une obligation de quitter le territoire français (60 000 en 2011) non exécutée ;
    • d’un arrêté de reconduite à la frontière daté de moins de trois ans ;
    • d’une condamnation judiciaire pour certains crimes et délits, si elle était assortie d’une interdiction judiciaire du territoire français.

    Un fichier ancien et « hétérogène »

    Avec ses 85 millions de consultations en 2012, le FPR est l’un des plus anciens fichiers de police. Il est « utilisé en permanence par les forces de l’ordre », police et gendarmerie, ainsi que les préfectures. Le nom de chaque personne arrêtée, interpellée ou gardée à vue, est « passé au fichier » pour voir s’il ressort. En plus des cas de simple contrôle cités au-dessus.

    Créé en 1969, le FPR a, comme beaucoup de fichiers de police, fonctionné sans aucun cadre légal jusqu’à ce que les autorités décident de le régulariser. Le plus surprenant, c’est la diversité de profils qu’il contient (416 000 fiches au 1er mars 2011, réparties en 21 groupes) :

    • plusieurs catégories d’étrangers décrites plus haut ;
    • les « aliénés » (c’est-à-dire les personnes souffrant de troubles mentaux, évadées d’un établissement spécialisé) ;
    • les mineurs fugueurs ;
    • les interdits de stade (depuis 2007) ;
    • les évadés ;
    • les débiteurs envers le Trésor ;
    • les déserteurs ;
    • Etc.

    Le fichier contient aussi, sur demande des services de renseignement (DCRI notamment) des informations sur les personnes risquant de « porter atteinte à la sûreté de l’Etat ».

    5 000 islamistes radicaux y seraient par exemple enregistrés, à des fins de renseignement uniquement : en cas de contrôle de police, il ne s’agit pas de les arrêter, mais de savoir où ils se trouvent et d’en informer le service de renseignement qui les surveille.

    La Cnil exprime sa préoccupation

    Régulièrement, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) critique le côté fourre-tout de ce fichier. Comme en 2010, lorsqu’il est étendu à de nouvelles catégories d’étrangers et aux fraudeurs au permis de conduire :

    « Les motifs d’enregistrement au FPR sont très divers, tant par leur nature que par leur gravité. [La Cnil] exprime sa préoccupation quant à l’ajout de ces nouveaux motifs qui vont considérablement élargir le champ d’un fichier déjà fort hétérogène. »

    En 2011, les députés Delphine Batho (PS) et Jacques Alain Benisti (UMP) ont rendu un rapport très complet sur les fichiers de police. Ils critiquent largement le FPR, victime « d’obsolescence technique », à cause de sa « technologie dépassée », bien que « particulièrement utile ».

    Au moment de la publication du rapport, le « sous-effectif » du service chargé de mettre à jour le FPR entraînait « un retard de près de 4 500 fiches ». Mais lors de leur travail, les députés ont appris qu’une réflexion était en cours pour « moderniser » le fichier.

    Polices municipales : sous conditions

    Le décret de samedi, prévu depuis 2011, étend aussi les possibilités de consultation du fichier :

    • aux agents du ministère des Affaires étrangères chargés du traitement des titres d’identité et de voyage ;
    • aux personnels de la mission « délivrance sécurisée des titres », dépendant du ministère de l’Intérieur ;
    • aux agents des préfectures et sous-préfectures chargés de la lutte contre la fraude.

    Un point du décret fait davantage débat. Depuis plusieurs années, le nombre etles effectifs des polices municipales augmentent. Régulièrement, la question d’accroître leurs prérogatives, que ce soit en terme d’armement, de pouvoirs d’enquête ou d’accès aux fichiers revient sur la table.

    Le décret ne donne pas la possibilité aux policiers municipaux de consulter directement le Fichier des personnes recherchées, mais permet « à titre exceptionnel » qu’ils soient destinataires d’informations issues du FPR, délivrées par les services de police ou de gendarmerie.

    Dans son avis (consultatif) rendu public à l’occasion du décret, la Cnil se montre très méfiante sur ce point. Elle réclame de très nombreuses garanties au ministère de l’Intérieur, insistant par exemple pour que la transmission aux polices municipales soit chiffrée, confidentielle et sécurisée.

    Le ministère n’a pas tenu compte de ces remarques. L’extension des motifs d’inscription dans le fichier, la croissance du nombre d’information qui s’y trouvent et l’augmentation du nombre de personnes y ayant accès (comme les douaniers depuis 2005) semble, encore une fois, prévaloir sur les vieilles libertés publiques.

  • « Les djihadistes aux yeux bleus » qui inquiètent tant l’Europe


    DÉCRYPTAGE
    03/08/2013 à 11h43

     

    Camille Polloni | Journaliste Rue89


    Le Français Raphaël Gendron, soupçonné d’avoir rejoint Al-Qaeda et tué lors de combats en Syrie (LAURIE DIEFFEMBACQ/AFP)

    Dans des circonstances très particulières, le magazine américain Foreign Policy est parvenu à rencontrer deux djihadistes européens venus combattre le régime de Bachar el-Assad en Syrie, aux côtés d’Al Qaeda.

    L’un est un « Européen de souche » converti à l’islam, l’autre est né musulman (ni d’origine européenne, ni d’origine arabe). Ils dissimulent leur visage dans des foulards pour ne pas être reconnus, et ont posé leurs conditions :

    • Ni leur nom, ni leur pays de résidence ne doivent être cités ;
    • L’entretien se déroulera dans un lieu non précisé, « quelque part dans le nord de la Grande Syrie » (Syrie, Liban, Palestine, Irak, Jordanie).

    Pour des raisons de sécurité, les journalistes ont décidé d’envoyer un Syrien de confiance poser les questions qu’ils avaient préparées. L’entretien (filmé) se déroule en anglais, puisque ces Européens ne parlent pas arabe couramment. Le magazine parle de « djihad aux yeux bleus » (« blue-eyed jihad »).

    « Nous installerons la charia »

    Abu Talal, « un blond aux yeux bleus » cagoulé, pose avec sa Kalachnikov. Il fait partie de l’Etat islamique en Irak et en Syrie, une scission du Front Al Nosra affiliée à Al Qaeda en Irak. C’est la branche jihadiste la plus radicale des rebelles syriens.

    Abu Talal, venu pour des raisons religieuses aider les combattants de l’Armée syrienne libre à renverser le régime, explique :

    « Nous ne tuons pas des innocents, comme le font les troupes de Bachar. Le monde entier pense que la charia est mauvaise, mais ce n’est pas vrai. Nous aidons les gens... Et nous installerons la charia, quoi qu’il en soit. »

    Le deuxième combattant, Abu Salman, se présente comme un franc-tireur spécialiste de l’électronique :

    « Je coopère avec n’importe quel groupe qui a besoin de moi. Je n’en ai pas rejoint un en particulier. Vu la nature de mon travail, tout le monde a besoin de moi. »

    Il préfère tout de même « les meilleurs combattants de l’islam », c’est-à-dire les groupes les plus radicaux. Abu Salman dit être passé illégalement en Syrie par la Turquie. « Tout le monde prend cette route », même si « cela devient plus difficile » pour les étrangers à cause des contrôles accrus.

    Pour lui, même si les membres de l’Armée syrienne libre sont « de bons combattants », les Etats-Unis soutiennent « les pires éléments » en son sein. Ceux qui « ne se battent même pas pour la démocratie, mais qui volent juste de l’argent ».

    Les deux hommes sont convaincus que les Américains finiront par intervenir dans le conflit syrien et utiliseront des drones – comme au Yémen et au Pakistan – contre les djihadistes.

    Et si les groupes proches d’Al Qaeda gagnaient la guerre, « que se passerait-il ensuite pour les minorités chrétiennes, alaouites, chiites ? » demande Foreign Policy. « Ils devraient accepter » le nouvel état des choses « ou partir ».

    « Une potentielle menace terroriste »

    Au-delà de ces témoignages, le magazine s’attarde sur les controverses que suscitent les djihadistes étrangers en Syrie.

    « Certains Syriens reprochent aux djihadistes européens de souiller la pureté de leur révolution, tandis que le régime de Bachar el-Assad les brandit comme la preuve d’une infiltration étrangère de radicaux, et que les services de renseignement occidentaux les voient comme une potentielle menace terroriste. »

    Le risque serait qu’après avoir reçu une formation militaire, ces djihadistes de retour dans leur pays commettent des attentats. C’est la crainte d’une « filière syrienne » qui succéderait à d’autres terrains d’entraînement (Afghanistan, Bosnie, Tchétchénie...).

    D’après les estimations récentes du New York Times, plus de 600 combattants venus d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Australie sont entrés en Syrie depuis 2011.

    14 enquêtes judiciaires en France

    La DCRI et la DGSE parlent « de 180 à 200 Français ». Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, dans une interview à Libération, a détaillé les chiffres en mai :

    « Outre les 50 Français encore sur place et les 40 en transit pour la Syrie, les 30 autres revenus dans l’Hexagone sont sous haute surveillance. »

    Plusieurs interpellations d’individus soupçonnés de préparer leur départ en Syrie – ou d’acheminer d’autres combattants – ont eu lieu récemment en France. Une source judiciaire citée par l’AFP indique :

    « Quatorze enquêtes judiciaires relatives à des infractions terroristes en lien avec la Syrie sont actuellement en cours à Paris et cinq informations judiciaires ont déjà été ouvertes. Au total, ces enquêtes concernent 36 personnes mises en cause. »

    Les autorités s’inquiètent aussi de la présence de quelques Français aux côtés des djihadistes lorsqu’ils occupaient le nord-Mali.

    Jeudi, Manuel Valls et son homologue belge, Joëlle Milquet, ont appelé dans un communiqué conjoint à « mieux lutter au niveau européen contre les départs vers la Syrie et les autres zones de conflit ».

    Pour faire face à « ce phénomène qui prend une dimension inédite en Europe », les deux ministres de l’Intérieur se déclarent favorables à un système de « passenger name record » européen, permettant d’enregistrer les données des voyageurs aériens.

    L’hypothèse avait pourtant été rejetée en avril par la commission Libe (des libertés civiles, justice et affaires intérieures) du Parlement européen. Les ministres de l’Intérieur ou de la Justice de neuf pays (Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni, Suède) ont écrit à la commission pour la faire changer d’avis.

  • Philippe Lioret : « Calais est notre frontière mexicaine »

    Rencontre avec le réalisateur de « Welcome », récemment critiqué par le ministre de l’Immigration pour son film engagé.

     


    L’actuer Vincent Lindon et le réalisateur Philippe Lioret sur le tournage de ’Welcome’ (DR).

    Samedi, le ministre de l’Immigration Eric Besson a violemment attaqué le cinéaste Philippe Lioret, reprochant au réalisateur de « Welcome » (en salles mercredi) d’assimiler dans ses interviews la situation des clandestins à Calais à celle des juifs sous l’occupation. Et si c’était le film que Besson redoutait ? Et si les politiques s’inquiétaient de la puissance polémique du cinéma ? Rencontre avec un cinéaste engagé.


    L’affiche de ’Welcome’ de Philippe Lioret (DR).

    Bonne nouvelle : le cinéma français se bouge. Après Costa Gavras (« Eden à l’ouest ») et en attendant le nouveau Emmanuel Finkiel (« Nulle part terre promise », sortie le 1er avril), un nouveau film sort sur les écrans mercredi et évoque avec une précision glaçante le sort des clandestins à Calais. Un brûlot underground et militant ? Pas vraiment…

    Interprété par Vincent Lindon (dans l’un de ses meilleurs rôles), réalisé par Philippe Lioret, metteur en scène populaire (« Mademoiselle », « Je vais bien ne t’en fais pas »), « Welcome » raconte avec un scrupuleux réalisme quelques aspects du beau pays de France et espère toucher le plus grand nombre.

    Olivier de Bruyn : Comment est né « Welcome » ?

    Philippe Lioret : De ma complicité avec l’écrivain Olivier Adam avec lequel j’ai beaucoup travaillé par le passé. Olivier avait animé des ateliers d’écriture à Calais et il avait un projet de film avec Jean-Pierre Améris sur la situation des clandestins, d’après son livre « A l’abri de rien ». Ce projet n’arrivait pas à se monter financièrement et j’ai envisagé d’en racheter les droits. Mais finalement, ils ont réussi à le tourner, pour la télévision. N’empêche, le désir de filmer là-bas est resté et j’ai décidé de me lancer… 

    Comment avez-vous conçu le scénario ?

    Avec Emmanuel Courcol, mon co-scénariste, on a commencé par se rendre sur place. On a rencontré les bénévoles des associations qui, avec un courage extraordinaire et les moyens du bord, tentent d’aider les clandestins. Ce qu’on a découvert était effrayant. Calais, c’est notre frontière mexicaine à nous. Ça nous a confirmé dans l’idée qu’il était impératif de tourner là-bas. Les dramaturgies, hélas, n’y manquent pas.

    On se pose des questions morales, quand on tourne une fiction sur un tel sujet ? 

    Encore heureux ! Je n’étais pas à l’aise au début. Un film reste une entreprise commerciale. Il s’agit quand même de faire du pognon et évidemment, avec un tel sujet, ça pose des problèmes. Je me suis ouvert de mes doutes aux gens des associations. Ils m’ont tous dit la même chose : « N’aie pas de scrupules. Parle de ce qui se passe ici. Montre aux gens que la réalité n’a rien à voir avec les petits sujets expédiés au journal de 20 heures. » Ça m’a détendu.

    Comment est venue l’idée de ce jeune clandestin qui décide de traverser la Manche à la nage ?

    Des témoignages recueillis sur place. En désespoir de cause, des clandestins utilisent parfois ce moyen pour passer. Avec le courant, certains se retrouvent en Belgique. D’autres ne sont jamais retrouvés. 

    Comment avez-vous lié réalité et fiction ?

    On a bossé comme des dingues sur le scénario, pendant plus d’un an. Quand on écrit un tel script, on est particulièrement motivé. Il ne s’agit pas de militantisme, mais d’engagement. Sur tout ce qui concerne les migrants, il fallait rester scrupuleusement fidèle à la réalité. Et faire la chasse au pathos, au pleurnichage, à la complaisance… Ensuite est venue l’idée de ce personnage : un prof de natation en pleine panade personnelle. Ça nous permettait d’évoquer cet aspect de la loi particulièrement révoltant et qui menace quiconque aide les clandestins de cinq ans de prison et de 30 000 euros d’amende.

    Comment Vincent Lindon est-il arrivé sur le projet ?

    Ça faisait longtemps qu’on se tournait autour. Je l’ai vu, je lui ai raconté le projet. Il m’a dit oui tout de suite et a ajouté qu’il n’avait même pas besoin de lire le scénario. Je ne vais pas sortir le pistolet à miel, mais son investissement a été total.

    « Welcome » a-t-il été facile à produire ? Comment avez-vous convaincu les décideurs ?

    C’est un film cher. Avec onze semaines de tournage, des scènes compliquées… Mais je bénéficie de mes succès antérieurs. « Mademoiselle » et « Je vais bien ne t’en fais pas » ont très bien marché. Les gens des chaînes de télévision se disent « il a le truc, laissons faire… ». J’en profite. Et tant que les spectateurs suivent… Evidemment, ce serait plus simple de tourner des comédies inoffensives. Mais j’en ai marre des films inoffensifs.

     


    Fiarat Ayerdi, dans ’Welcome’ de Philippe Lioret (DR).

    Comment avez-vous recruté vos acteurs ?

    Partout en Europe. Il y a des non professionnels, mais évidemment pas de clandestins. Il ne s’agissait pas de les mettre en danger. Le jeune acteur principal, Firat Ayverdi, est un lycéen. Je me suis aperçu qu’il était très bon nageur et pratiquait même le water-polo. Pour les besoins du film, il a dû désapprendre à nager pour mieux mimer l’initiation.

    Quelles sont les premières réactions aux projections que vous avez organisées sur place ?

    En un sens la plus belle récompense, je l’ai déjà reçue. Le film a été montré dans la région de Calais. Les salles étaient pleines et les gens des associations étaient là. Je n’en menais pas large. Mais ils ont dit que « Welcome » dépeignait fidèlement l’effrayante réalité et qu’il était bon qu’un film grand public s’attaque à ce sujet. Un film sur Louis XVI, personne ne vient vous faire chier sur la crédibilité. Là, évidemment, c’est autre chose. Ça se passe ici et maintenant. Et savoir que vous risquez gros en aidant un clandestin rappelle des périodes sinistres de notre histoire. 

    Vous pensez que le film peut faire bouger les choses ?

    Le film n’est pas un objet militant. Je ne prétends pas bouleverser les rapports nord-sud avec mes petits bras et ma petite caméra. « Welcome » met simplement en accusation un système. Je supporte très mal l’idée que l’on puisse me faire chier si j’emmène un mec qui n’a pas de papiers bouffer une pizza ou dormir chez moi.

    Evidemment, j’entends déjà les reproches. Je vous parle de tout ça dans le salon cossu d’un grand hôtel parisien. Bon, oui, d’accord, soit. Et alors, je ne fais rien ? Je ne pense pas comme ça. Je suis cinéaste. Je pense que le film peut servir à quelque chose. Par exemple à ce que des spectateurs prennent conscience de ce qui se passe à Calais et ailleurs. C’est un premier pas, mais il est fondamental.

    ► Welcome de Philippe Lioret - avec Vincent Lindon, Firat Ayverdi… - Sortie le 11 mars.

    Photos : Fiarat Ayerdi, dans ’Welcome’ de Philippe Lioret (DR). L’acteur Vincent Lindon et le réalisateur Philippe Lioret sur le tournage de ’Welcome’ (DR).


  • La politique d’immigration de Manuel Valls au guéantomètre

    Camille Polloni | Journaliste Rue89

    Si le ministre de l’Intérieur marche sur les pas de son prédécesseur sur le nombre d’expulsions, il diverge sur l’accueil des étudiants. Décryptage en 10 points.

    SUJET SUGGÉRÉ PAR
    UN INTERNAUTE

    La comparaison plane sur son ministère. Pour ceux qui, comme François Delapierre (Front de Gauche) situent Manuel Valls à « l’extrême droite du mouvement socialiste », le ministre de l’Intérieur marcherait dans les traces de son prédécesseur, Claude Guéant.

    Jean-Luc Mélenchon va encore plus loin dans le JDD ce dimanche, en affirmant que Manuel Valls « chasse sur les terres » de Marine Le Pen, qui l’aurait « contaminé ».

    POPULARITÉ RECORD
    Dans un sondage Ifop commandé par le JDD, 61% des personnes interrogées se disent « satisfaites »de l’action de Manuel Valls, loin devant les autres membres du gouvernement. D’autres études d’opinion réalisées depuis 2012 tendent à montrer la popularité record du ministre de l’Intérieur.

    Les commentateurs de Rue89 ne sont pas en reste. Pour certains, Valls ne serait « pas vraiment » de gauche, donnant les mêmes coups de menton que Sarkozy et aussi inflexible que Guéant avec les sans-papiers.

    Pour se faire une idée plus informée des ressemblances et des différences entre leurs politiques d’immigration, petite plongée dans les chiffres disponibles.

    Démarcation sur le droit d’asile ?

    Manuel Valls marche droit dans les traces de Claude Guéant en ce qui concerne le nombre d’expulsions, de régularisations et de naturalisations. Sa politique diverge surtout sur les aides au retour et sur le traitement réservé aux étudiants et jeunes adultes. Le ministre a aussi voulu donner des gages aux associations de défense des étrangers en supprimant le délit de solidarité.

    Plusieurs inflexions récentes – fin de la garde à vue pour les sans-papiers, rétention des mineurs – ne viennent pas d’une volonté politique mais de décisions juridictionnelles qui s’imposent au gouvernement.

    La réforme du droit d’asile pourrait marquer une vraie différence avec le gouvernement précédent. Mais elle n’aura pas lieu avant les municipales, et le statut de réfugié n’a pas été davantage accordé en 2012 que les années précédentes.


    Manuel Valls (à dr.) et Claude Guéant, durant la cérémonie d’investiture, le 17 mai 2012 (Thibault Camus/AP/SIPA)

    1

    Les expulsions

    Plus dur que Guéant ?

     

    Dès le mois d’octobre 2012, Manuel Valls annonce la couleur devant l’Assemblée nationale : la baisse du nombre d’expulsions n’est pas un objectif du gouvernement.

    « Cette politique ne se traduira pas par des évolutions sensibles en termes de chiffres, s’agissant tant des régularisations que des reconduites à la frontière. Telle est la volonté du gouvernement. Personne ne peut en douter : nous serons extrêmement fermes. »

    A d’autres occasions, le ministre laisse entendre que le nombre d’expulsions pourrait augmenter. Pas de surprise donc, quand les chiffres de 2012 tombent : 36 800 personnes ont été expulsées, soit une hausse de 11,9% par rapport à l’année précédente.

    En attendant le bilan 2013

    Comme l’explique Libération, cette augmentation « concentrée sur les six premiers mois » de 2012, est en partie due à deux facteurs :

    • l’anticipation, par la justice, de la fin de la garde à vue des sans-papiers(effective depuis juillet 2012). Celle-ci entraîne une hausse du nombre d’expulsions sur le premier semestre, et une baisse mécanique pour le second ;
    • l’action du gouvernement précédent qui visait les 40 000 reconduites à la frontière alors que Manuel Valls a annoncé la fin des objectifs chiffrés.

    Il faudra donc attendre le bilan de 2013 pour savoir si Manuel Valls s’inscrit vraiment dans la lignée de ses prédécesseurs. En dix ans, le nombre annuel d’expulsions a quadruplé (voir notre graphique ci-dessous).

    2

    Le « délit de solidarité »

    Vraiment supprimé ?

     

    L’article L-622-1 du Code des étrangers existe depuis 1945, mais il a étésurnommé « délit de solidarité » par les associations de soutien aux sans-papiers pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Voici ce qu’il dit :

    « Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 euros. »

    En 2009, les associations (Gisti, Cimade, France Terre d’Asile, Secours catholique, Emmaüs) lancent une campagne, estiment que ce délit « d’aide au séjour irrégulier » menace les activités militantes et les marques individuelles de solidarité dans un contexte de durcissement des politiques d’immigration.

    Une polémique oppose alors le ministre de l’Immigration, Eric Besson, aux soutiens des sans-papiers, sur la réalité des poursuites. Le film « Welcome »,sorti la même année, contribue à alerter l’opinion sur les risques encourus par ceux qui aident les migrants en France.

    Janvier 2012 : Valls réforme le Code des étrangers

    Le 2 janvier dernier, Manuel Valls supprime le « délit de solidarité ». C’est-à-dire qu’il réforme le Code des étrangers pour élargir les exceptions à :

    « Toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s’il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte. »

    Le délit d’aide au séjour irrégulier existe toujours mais serait désormais uniquement dirigé contre les filières d’immigration clandestine, pas contre les bénévoles. La notion de « contrepartie », difficile à cerner selon les associations de défense des sans-papiers, continue toutefois à faire débat.

    Fin août, le procès d’un citoyen français accusé d’avoir fourni une fausse attestation d’hébergement à un étranger en situation irrégulière au Havre,devrait tourner autour de cette question. A l’occasion de cette affaire, plusieurs associations (Syndicat de la magistrature, Syndicat des avocats de France, Ligue des droits de l’homme) se sont inquiétées d’un éventuel « retour du délit de solidarité ».

    3

    Les mineurs en rétention

    Pas fini, mais exceptionnel

     

    C’était une promesse de campagne de François Hollande :

    « Je veux prendre l’engagement, si je suis élu à la présidence de la République, de mettre fin dès mai 2012 à la rétention des enfants et donc des familles avec enfants. »

    Par ces propos, le futur président de la République prend acte d’une décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) datant de janvier 2012.L’arrêt Popov a condamné la France pour avoir enfermé une famille kazakhe dans un centre de rétention inadapté à l’accueil des enfants.

    La CEDH estime :

    « Les autorités doivent mettre en œuvre tous les moyens nécessaires afin de limiter autant que faire se peut la détention de familles accompagnées d’enfants et préserver effectivement le droit à une vie familiale. »

    VOIR LE DOCUMENT

    (Fichier PDF)

    Pour traduire cette décision en actes, Manuel Vallsa envoyé une circulaire aux préfets, en juillet 2012 (lire le document ci-contre). Mais si elle encadre et limite cette pratique, elle n’y met pas fin, contrairement à ce que promettait le candidat Hollande :

    • l’assignation à résidence devient la règle pour les familles en attente d’expulsion. Seules celles qui n’auraient pas respecté leurs obligations devraient être placées en centre de rétention, en dernier recours donc.
    • Mayotte fait exception, et n’est pas compris dans le nouveau dispositif.

    Sept familles placées en centres de rétention

    A plusieurs reprises depuis, les associations (et, sur Rue89, 60 professeurs de droit) ont alerté sur le cas de mineurs enfermés en rétention, en contradiction, selon elles, avec la décision de la CEDH :

    En 2011, d’après un rapport des associations intervenant en rétention, 312 enfants étaient passés par des CRA avec leurs parents.

    Ce nombre a-t-il diminué depuis la circulaire ? Le député socialiste du Val-de-Marne, René Rouquet, voulait poser la question au ministre de l’Intérieur en juin. Manuel Valls étant retenu au Sénat, c’est le ministre de la Ville, François Lamy,qui lui a répondu :

    « Au terme de cette circulaire, il n’y a plus de primo-placement de parents accompagnés d’enfants mineurs. Il en résulte que, depuis sa mise en œuvre, sept familles ont été placées en centre de rétention pour des durées très, très brèves, pour la plupart suite au non respect des obligations de l’assignation à résidence.

    A titre de comparaison, plus de 200 familles avec enfants avaient été placées en rétention sur la même période en 2011-2012. »

    4

    Les aides au retour

    Drastiquement réduites

     

    En décembre 2012, Manuel Valls annonce la fin de « l’aide au retour » humanitaire versée aux ressortissants de l’Union européenne qui acceptent de rentrer dans leur pays d’origine contre une somme d’argent : 300 euros par adulte et 150 euros par enfant mineur.

    Le ministre vise les Roms roumains et bulgares, pour qui le système d’aide au retour humanitaire (ARH) serait « inopérant » voire aurait des « effets pervers ». En clair, les Roms accepteraient cette aide mais reviendraient en France ensuite.

    En réalité, l’arrêté pris en février ne supprime pas l’ARH créée en 2006 pour les « Européens en situation de détresse », mais en diminue fortement le montant, qui passe à 50 euros par adulte et 30 euros par enfant.

    Manuel Valls a d’ores et déjà annoncé que les démantèlements de camps de Roms « se poursuivront ».

    Un autre type d’aide au retour (ARV), concernant les étrangers non européens, a lui aussi subi une baisse drastique, passant de 2 000 euros à 500 euros pour un adulte.

    Le gouvernement précédent avait massivement encouragé le dispositif d’aide au retour pour atteindre les quotas d’expulsions qu’il s’était fixé.

    5

    La garde à vue pour séjour irrégulier

    Remplacée par une « rétention » de seize heures

     

    Depuis un an, la garde à vue d’un sans-papiers pour le seul motif de sa situation irrégulière est illégal.

    Là non plus, la décision ne vient pas de Manuel Valls mais de la Cour de cassation, qui a suivi l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne.

    Sans la garde à vue, les policiers disposent de quatre heures pour contrôler l’identité d’une personne. Insuffisant, expliquent-ils, pour engager une procédure d’expulsion si nécessaire.

    Le ministre de l’Intérieur a donc fait voter un nouveau dispositif, effectif depuis le 1er janvier 2013. Il prévoit une rétention de seize heures. La garde à vue, elle, pouvait durer 24 heures, renouvelables une fois.

    6

    Le statut de réfugié

    Accordé au compte-gouttes

     

    Entre 2007 et 2012, le nombre de demandes d’asile a augmenté de 70%.

    Mais le statut de réfugié, lui, est toujours accordé au compte-gouttes : environ 10 000 personnes en bénéficient chaque année.

    Cette question de l’asile devrait être au cœur de la prochaine loi sur l’immigration. Il s’agit de :

    • réduire les délais de traitement des dossiers, aujourd’hui de seize mois en moyenne (objectif : six à neuf mois) ;
    • réformer l’hébergement, qui ne peut accueillir qu’un tiers des demandeurs d’asile. A Metz, certains ont même décider d’attaquer l’Etat ;
    • mieux répartir les demandes d’asile sur le territoire, car les grandes villes sont engorgées.

    Une concertation sur la réforme du droit d’asile s’est ouverte en juillet, pilotée par la sénatrice centriste Valérie Létard. Mais en intégrant le volet « asile » à une loi plus générale sur l’immigration, Manuel Valls a repoussé l’examen du texte après les municipales de 2014.

    7

    La « circulaire Guéant » sur les étudiants étrangers

    Supprimée

     

    C’était une mesure symbolique. Dès l’arrivée du gouvernement, la circulaire Guéant sur les étudiants étrangers – qui avait entraîné la situation irrégulière de centaines de jeunes diplômés – a été abrogée, un an après son entrée en vigueur.

    Pourtant, a déclaré Manuel Valls à l’Assemblée :

    « Nous avons accueilli en 2012 10% d’étudiants étrangers en moins. [...] Le message négatif envoyé par la circulaire du 31 mai 2011 n’est pas étranger à cette désaffection. »

    Les étudiants étrangers pourraient à l’avenir bénéficier plus facilement d’un titre de séjour pluriannuel, ce qui leur éviterait de refaire des démarches tous les ans. L’enseignement supérieur accueille 300 000 étudiants étrangers chaque année.

    8

    Le nombre de régularisations

    Constant

     

    « Il n’y aura pas de régularisation massive comme en 1981 [131 000 personnes, ndlr] ou 1997 [80 000, ndlr]. »

    Manuel Valls a été clair. Le chiffre annuel de régularisation de sans-papiers restera de l’ordre de 30 000 personnes par an, c’est-à-dire autant que d’expulsions.

    La circulaire du 28 novembre 2012 vise à mieux préciser les critères de régularisation mais ne les élargit pas vraiment. Le ministre de l’Intérieur ne souhaite pas non plus régulariser progressivement les étrangers inexpulsables.

    9

    Les naturalisations

    Des critères assouplis

     

    Le 18 octobre 2012, Manuel Valls signe une circulaire pour faciliter l’acquisition de la nationalité française. Elle prévoit notamment :

    • un assouplissement des critères liés au travail (possibilité de CDD ou d’intérim) ;
    • un examen bienveillant des demandes déposées par des étudiants étrangers et des jeunes de moins de 25 ans ;
    • un retour au délai de cinq ans de séjour régulier sur le territoire (passé à dix ans par Claude Guéant).

    Les deux dernières années du quinquennat de Nicolas Sarkozy, le nombre de naturalisations avait fortement baissé, une tendance qui s’est poursuivie en 2012.

    10

    Portrait de l’immigration

     

    Les derniers chiffres disponibles montrent que si le nombre total de nouveaux admis au séjour est resté stable en 2012, sa composition a varié :

    • l’immigration professionnelle et étudiante a diminué ;
    • l’immigration familiale a augmenté de 6,7%.

    L’admission au séjour par motifs (Ministère de l’Intérieur)