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France - Page 15

  • La promesse des biens communs

    Pendant que les politiques restent immuables, engoncées qu’elles sont dans la défense des intérêts d’une classe de privilégiés, le monde change. Il change d’abord sous l’influence de la logique propre au capitalisme aujourd’hui mondialisé et conduit par des puissances financières qui ont porté l’exigence de rentabilité du capital jusqu’à un point inégalé. Restructuration permanente du capital financier et renforcement de l’exploitation de la force de travail sont alors les deux faces d’une même réalité : celle qui structure l’organisation du travail, le mode de production des richesses et leur répartition. Le monde change aussi parce que le foisonnement de nouvelles techniques laisse entrevoir la possibilité de manipulations biologiques et génétiques susceptibles de faire franchir une marche de plus à la fuite en avant productiviste et scientiste, malgré les dangers déjà avérés d’un mode de développement économique fondé sur l’utilisation massive de ressources rares, dont les limites apparaissent aujourd’hui. Peu à peu, se dévoile l’illusion que l’humanité aurait du temps pour s’adapter aux bouleversements provoqués par le réchauffement climatique : celui-ci risque de se produire beaucoup plus vite que prévu, dans un emballement de réactions en chaîne. Dans le même temps, des promesses fortes de l’idéologie capitaliste, comme l’épanouissement personnel et la démocratie, révèlent de manière de plus en plus patente leurs contradictions avec la logique généralisée du profit. Ainsi, le déploiement mondial du capital contribue à produire de plus en plus des subjectivités frustrées et blessées, tandis que les bien relatifs acquis démocratiques reculent là où des luttes sociales et politiques les avaient inscrits hier. Le monde se transforme enfin parce que les rapports de force géopolitiques se modifient rapidement, et cela d’autant plus que la crise du système exacerbe les tensions inhérentes à un marché livré au jeu de la concurrence prétendument non faussée.

    Cette crise, qui vient de bien plus loin que de l’entourloupe des subprime américains, est la marque d’un modèle qui arrive à la fin de son cycle et donc de sa capacité à « enchanter » le monde. Fin de cycle car le mythe de l’accumulation infinie est en train de s’évanouir en même temps que se raréfie ou se dégrade la base matérielle de la croissance économique. Fin de cycle aussi, car les programmes d’ajustement structurel au Sud et les politiques d’austérité au Nord, notamment en Europe, ne peuvent qu’intensifier les causes mêmes qui ont mené à la crise.

    La voie capitaliste à la crise capitaliste est une voie sans issue, qu’elle se nomme croissance verte qui ferait cohabiter une moitié d’activités destructrices et une autre moitié d’activités réparatrices, ou économie de la connaissance qui ferait de cette dernière un nouveau « capital », ou économie pseudo-dématérialisée qui cantonnerait la fabrication des marchandises dans le pôle le plus pauvre du monde, dont les classes dirigeantes sont peu regardantes sur les conditions de mise en œuvre.

    Il faut donc chercher ailleurs l’issue, si l’on entend poursuivre cahin-caha l’aventure humaine. Et si cette issue n’est encore qu’en filigrane, elle n’en est pas moins possible. Les résistances des peuples et des individus l’attestent, de mouvements sociaux en résistances subjectives moins visibles. Les expériences alternatives en dessinent la trame. Résistances à l’oppression des dictatures, résistances aux atteintes aux droits sociaux, résistances aux licenciements, résistances à l’accaparement des terres ou des ressources, résistances au pouvoir des banques, etc. Expériences de gestion directe d’entreprises ou de quartiers, expériences de pratiques agricoles biologiques et relocalisées, expériences monétaires locales, et même expériences de régulation monétaire étatique hors de portée de la finance mondiale. Et aussi combats pour l’égalité entre les femmes et les hommes, combats pour les mêmes droits indépendamment de la couleur de la peau, de la religion ou de l’orientation sexuelle.

    Comment penser la pratique du changement social ? La profondeur des bouleversements évoqués appelle à réexaminer la question de l’émancipation humaine. Celle-ci n’est pas le fruit d’un déterminisme quelconque, elle n’est pas non plus seulement le résultat de l’action de minorités agissantes, sans impliquer la grande majorité des opprimés. L’histoire du XXe siècle le démontre. Celle du XXIe est donc à inventer. Par la pratique et par la pensée de cette pratique. C’est la raison pour laquelle le Conseil scientifique d’Attac se lance dans une mini-aventure – mini au regard de celle des changements à opérer – en créant une revue théorique ouverte à toutes les personnes intéressées par cette démarche. L’objectif est de créer un espace de débat théorique et de confrontations de pratiques, capable d’imaginer des stratégies de transformation sociale et de contribuer ainsi à l’initiation d’une transition véritablement sociale et écologique, vers plus de justice, d’égalité et de démocratie.

    À l’heure des dérégulations collectives tous azimuts qui ont fait le lit de la crise, de l’échec patent de la construction européenne libérale qui vise à faire du continent le paradis du marché, du délaissement progressif des préoccupations sociales non compensé par la prise en compte nécessaire de questions dites sociétales, et de la difficulté des organisations issues de l’histoire du mouvement ouvrier ou appartenant à la constellation altermondialiste à construire un rapport de force plus favorable, il faut sans doute définir un nouveau cap. C’est d’autant plus impérieux que le travail coopératif de reformulation intellectuelle des repères de la critique sociale et de l’émancipation sur le moyen terme a souvent pâti de la nécessité d’apporter des réponses immédiates à des urgences concrètes. Il s’agit d’une reformulation intellectuelle articulant les effets de structures et les constructions personnelles, les solidarités et les individualités, aussi éloignée d’un quelconque déterminisme structurel que d’un regain d’individualisme méthodologique dans les sciences sociales.

    L’objectif est ambitieux et il ne pourra être atteint qu’au moyen de l’ouverture la plus large auprès des acteurs sociaux inscrits dans une double démarche d’engagement social et de réflexion : syndicalistes, associatifs, politiques, chercheurs, avant tout citoyens.

    Concrètement, nous créons une revue à support électronique, de grande diffusion et gratuite, dont la périodicité sera trimestrielle. Elle sera animée par un comité éditorial pluraliste, en charge de définir les projets de contenu, de solliciter les auteurs, d’organiser l’examen des propositions d’articles.

    Cette initiative aura besoin des concours provenant de nombreux horizons disciplinaires, car il n’est pas si simple de poursuivre la critique méthodologique et épistémologique de la vision qui présente le monde social comme mû par des lois universelles et intemporelles, auxquelles il serait vain de s’attaquer. Le monde social est toujours construit, son fondement est donc anthropologique et non pas naturel. Et, là se trouve notre fil d’Ariane qui n’est paradoxal qu’en apparence, le monde social est construit dans la biosphère terrestre, la dénommée nature. Contradiction capital/travail et contradiction capital/nature, mais aussi contradiction capital/démocratie et contradiction capital/individualité, participent au caractère systémique de la crise. Le dépassement des unes n’ira pas sans dépassement des autres. Les potentialités de transformation sociale sont inscrites dans ces zones de fragilité du capitalisme et dans leurs interactions avec les contradictions propres aux autres modes d’oppression (domination masculine, discriminations racistes, etc.). Notre revue cherchera à les mettre en lumière pour aider à créer des situations nouvelles, à faire que les potentialités deviennent réalité, comme une sorte de poïétique [1].

    On trouvera dans ce premier numéro la base de l’architecture de la revue, susceptible d’être améliorée au fil du temps :

    • Un dossier thématique consacré ici à la protection sociale. On trouvera onze articles, mêlant des analyses historiques sur la protection sociale, des examens critiques de politiques sociales mises en œuvre en France (RSA), en Europe ou définies dans le monde par les institutions internationales, des propositions de renouvellement de la nature de la protection sociale, et des mises en perspective théorique.
    • Une deuxième partie de débats, qui portent ici sur la publication de deux ouvrages, l’un plutôt historique et politique, l’autre plutôt théorique, concernant le capital et les concepts de richesse et de valeur. Cet espace de débats est appelé à s’étoffer et notamment à recevoir des articles poursuivant les discussions amorcées dans les dossiers précédents.
    • Une troisième partie proposant une revue des revues à vocation internationale, qui, dans ce numéro, est centrée sur des articles liés à la problématique de la protection sociale, sur quelques rapports des institutions internationales concernant le développement, les indicateurs de celui-ci, et la richesse accumulée dans le monde par une minorité, sur la lutte des femmes travailleuses chez LATelec en Tunisie, et enfin sur la crise en Syrie.

    On découvrira dans cette livraison, commençant par la protection sociale, qu’une même problématique traverse l’ensemble des pièces qui la composent : la sauvegarde et le développement des « communs sociaux », inséparables désormais pour l’humanité des « communs naturels ». Notre revue Les Possiblestravaillera à tenir la promesse des communs.

    Cela nous engage vers beaucoup de passerelles à construire, de passages à aménager, de gués à franchir, pour s’affranchir des multiples tutelles et dominations sociales, pour se défaire aussi de l’embrigadement intellectuel et culturel qui menace l’existence même de la démocratie.

    Jean-Marie Harribey

    15 octobre 2013

    N.B. Nous adressons tous nos remerciements à l’équipe technique qui a dû improviser avec brio pour concevoir la maquette électronique de ce premier numéro de la revue.

  • Ce qu’Albert Jacquard nous apprend

     

    Généticien, statisticien, philosophe, humaniste, Albert Jacquard était un grand homme. Son parcours de vie quelque peu atypique apporte de l’espoir. Polytechnicien, il a évolué dans le monde de l’entreprise, s’est orienté vers une carrière scientifique par la suite, pour finalement opérer un revirement à 180 degrés et s’investir sans relâche dans l’engagement citoyen. Les traces laissées par Albert Jacquard sont une invitation à une réflexion profonde sur les déséquilibres au sein de notre société, sur l’importance de l’éducation et les défis qui sont à relever. Son objectif disait-il « ce n’est pas de construire la société de demain, c’est de montrer qu’elle ne doit pas ressembler à celle d’aujourd’hui. » (IGA)

     

     

     

    « C’en est fini de toutes ces guerres ridicules ! »
     

     

    Albert Jacquard nous explique qu’il est important de chercher les causes de toutes les guerres et que la cause première n’est autre que l’acceptation par nos cultures d’avoir pris comme moteur la concurrence et la compétition. Il est de l’intérêt de chacun de faire que la planète soit pacifiée et c’est à travers l’éducation des enfants que le changement peut s’opérer.

     
     
    Différent ne veut pas dire meilleur que l’autre
     
    Les avancements de la science aujourd’hui nous prouvent que la définition des races de l’espèce humaine est pratiquement impossible : chacun d’entre nous est unique. C’est une sottise de croire que si nous sommes différents, nous sommes meilleur que l’autre. 
     
    De la coopération, pas de compétition !

    La coopération est nécessaire, pas la compétition. Dans la nature humaine, le désir de l’emporter sur l’autre est à l’origine du dopage, des excès, de l’argent. Essayer d’être meilleur que soi-même, c’est cela le challenge. [

    Comment fait-on pour changer le monde ?
     
    bert Jacquard a consacré l’essentiel de son activité à la diffusion d’un discours humaniste destiné à favoriser l’évolution de la conscience collective. Réfléchir sur ses paroles, c’est porter un regard différent sur grand nombre de thèmes qui sont au cœur de la société d’aujourd’hui. 

    Alternatives Paloises - Pourquoi refusez-vous la compétition dans le monde actuel ?
    Albert JACQUARD - La compétition, telle qu’elle est entendue par notre société, c’est la lutte avec un gagnant et un perdant. Un heureux et un malheureux. Cela fait la moitié de l’humanité qui perd, et même beaucoup plus de la moitié actuellement, ce qui n’est pas quelque chose de rationnel. Cela pourrait être différent. Pourquoi est-ce que face à l’autre j’aurais vraiment besoin de l’emporter ? Il n’y a aucune raison.

     

    Regardez l’histoire de l’humanité : nos arrière-grands-parents, il y a 20 000 ans, étaient des gens qui partaient à la chasse pour les plus forts et les autres, les gringalets, restaient dans les grottes pour les peindre. J’ai plaisir à penser que mon arrière-grand-père, d’il y a 20 000 ans, faisait partie des gringalets qui peignaient des roches plutôt que de ceux qui courraient bêtement après le bison.

    Autrement dit, la compétition des uns contre les autres est une idée récente. Un peu stupide. Elle ne correspond à aucune réalité contrairement à la coopération qui est toute évidente.
    Je ne comprends pas qu’on puisse se lancer dans la compétition. Lorsque l’on chasse le bison, il vaut mieux s’y mettre à plusieurs. La coopération est de loin la réponse à la difficulté d’être.

    Alternatives Paloises - Vous semblez garder foi en l’Homme, n’avez-vous jamais eu peur de sombrer dans le cynisme ?
    Albert JACQUARD - Pourquoi ne pas être cynique ? Ce qu’il faut c’est être véridique, être lucide.Si vraiment j’ai démontré que l’humanité était une catastrophe pour la planète, je le dirais avec cynisme.
    Il ne faut pas avoir peur du cynisme, ce qu’il faut c’est avoir peur de l’erreur. Ce que j’aimerais, c’est diffuser de la lucidité, cynique ou pas.

    Alternatives Paloises - Vous parlez souvent de l’importance de créer du lien, que pensez-vous des réseaux sociaux du type Facebook qui ont par exemple aidé au soulèvement de la population en Tunisie et en Egypte ?
    Albert JACQUARD - Alors c’est peut-être une question d’âge, mais je n’ai aucune confiance en Facebook. Je crois en la nécessité de la rencontre. Est-ce que vraiment, par internet je rencontre quelqu’un ? Cela peut arriver mais c’est très rare.


    Pour moi Facebook est plus une façon d’échapper à la nécessité de rencontrer. Pour rencontrer, il faut véritablement un plaisir de s’exprimer, faire des allers-retours. Cela ne se fait pas aussi vite. Par conséquent, j’ai peur que tout ce ne soit qu’un leurre. Je pense qu’au travers d’internet on fait un tri, et nous ne sommes jamais sincères. Être sincère c’est très long, l’ajustement des mots n’est pas une chose rapide.


    J’ai envie de vous faire comprendre qui je suis, quel est vraiment mon motif etc. Je ne vais pas faire cela en 5 minutes. Il ne faut pas oublier l’amour dans tout ça. L’amitié aussi est magnifique. Elle a la capacité de dire à quelqu’un autre chose que ce que l’on dit aux autres, non pas pour le cacher, mais pour tourner autour de la réalité.


    Je suis en train d’écrire mon prochain livre et pour être sincère justement, cela m’oblige à relire Proust. Proust est un bel exemple de quelqu’un qui tourne autour d’une idée sans arriver à bien la définir, parce qu’il est sincère...il arrive peu à peu à pénétrer dans sa propre pensée, mais c’est long. Avec internet, Proust écrit tout ça en 5 minutes et ainsi on ne sait rien de lui...


    L’important, ce sont les rencontres, mais les vraies. Celles où nous aurons ensemble certains réflexes, certaines réactions.

    Alternatives Paloises - Et que pensez-vous du site internet WikiLeaks ayant fait polémique par le fait qu’il diffuse des documents diplomatiques ?
    Albert JACQUARD - Cela m’a fait sourire, même si je ne l’aurais pas fait à la place de ces gens. Cela au moins a permis à des gens d’être sincères sans le savoir.

    Alternatives Paloises - Comment concevez-vous la croissance économique ?
    Albert JACQUARD - C’est une stupidité. Quand j’entends un homme politique de gauche ou de droite me dire « heureusement l‘année prochaine il y aura 3% de croissance » je me dis que soit il est idiot, soit il est menteur.
    Il aurait dû apprendre ce que l’on enseignait au certificat d’études, à la fin de l’école primaire où on nous parlait des « intérêts composés ». On nous expliquait la chose suivante : Tu mets 1 franc à la caisse d’épargne, et l’année suivante tu auras 1,03 puis 1,06 etc. et cela va se multiplier de telle façon que lorsque tu auras 1000 années d’économies, tu auras une fortune fabuleuse. Ce sont les intérêts composés, la croissance exponentielle. Avant, c’était avant un simple exercice de mathématiques. Désormais nous disons aux enfants que grâce à cette croissance, tout ira bien.

    Mais lorsque monsieur Fillon ou madame Aubry nous promettent 3% de croissance pendant un siècle, cela revient à nous promettre de multiplier par 20 nos capacités de consommation, ce qui est absurde. Heureusement pour la planète.


    La croissance n’a de contenu que si elle ne concerne, non pas des biens que l’on consomme et qu’on détruit, mais des biens qui peuvent être développés à l’infini comme l’amitié, la compréhension, le rapprochement entre les gens etc.

    Alternatives Paloises - C’est en ce sens que vous avez abordé à plusieurs reprises la notion de décroissance soutenable ?
    Albert JACQUARD -En effet, il faut très vite décroître, ceux qui sont au sommet en tous cas. Pour nous, les occidentaux, il s’agit d’avoir très vite une décroissance de 1 à 3%.Evidemment on ne peut demander cela aux peuples du Bengladesh, mais de notre côté, une croissance de 3% serait insoutenable.Malgré cela nous continuons les incantations à la croissance.

    Il faut que les jeunes en aient conscience, qu’ils sachent qu’en étant bon en marketing, en sachant créer des besoins, on ne leur donnera pas la légion d’honneur car ils sont un danger public.
    Dans l’immédiat ils font le bénéfice de l’entreprise, de l’Etat, mais globalement ils nous entraînent vers une catastrophe.

    Alternatives Paloises - Aujourd’hui on se tourne de moins en moins vers les hommes politiques, alors selon vous, vers qui pouvons-nous nous tourner ?
    Albert JACQUARD - Je vais vous répondre très clairement : vers ceux dont le métier est d’être lucide. Je parle évidemment des scientifiques. Ce sont des gens qui ont appris à raisonner, et même si la plupart d’entre eux l’oublie, leur vrai rôle est d’apporter de la lucidité.
    



    Alternatives Paloises - Pour terminer, une question pratique : Comment fait-on pour changer le Monde ?
    Albert JACQUARD - Alors tout d’abord il faut faire attention aux mots que l’on emploie : ce n’est pas le Monde qu’il faut changer, c’est l’humanité. Le Monde, on ne peut pas le définir. Par contre, si je veux changer l’humanité, cela dépend de moi. Et, je suis en train de la changer, chaque fois que je fais un discours. Tout le monde peut le faire autour de soi.


    Par conséquent ce qu’il faut, c’est essayer d’imaginer une humanité meilleure, et commencer à la réaliser. Voilà une possibilité.
    On s’est donné des moyens d’efficacité extraordinaires pour communiquer avec le monde entier de manière instantanée, profitons-en de manière raisonnable. Je vous parlais du marketing qui est une incohérence. Débusquer les incohérences est une chose nécessaire.

    - propos recueillis par Clémence LEGRAND et Nicolas PONCATO
    élèves à l’ESC Pau

     Source : Alternatives-paloises.com

     

    Des mots simples, intemporels pour une réflexion actuelle

     
    Albert Jacquard laisse derrière lui de nombreux ouvrages. Les mots du philosophe résonnent comme l’écho d’une certaine vérité qui tente de nous tenir éveillés.

    [Citations]

    « Idéalement, tout comportement devrait résulter d'une décision personnelle prise après une analyse lucide. Suivre un exemple, c'est se défausser d'une responsabilité sur un autre. Donner l'exemple en proposant à l'autre de suivre cet exemple, c'est l'encourager à une irresponsabilité. Mieux vaudrait lui demander de mener à son terme sa propre réflexion. »
    (Albert Jacquard, Petite philosophie à l'usage des non-philosophes, p. 58, Éd. Québec-Livres)
     
    « Ceux qui prétendent détenir la vérité sont ceux qui ont abandonné la poursuite du chemin vers elle. La vérité ne se possède pas, elle se cherche. »
    (Albert Jacquard, Petite philosophie à l'usage des non-philosophes,p.205, Éd. Québec-Livres)
     
     « Exprimer une idée est une activité difficile à laquelle il faut s'exercer ; la télé supprime cet exercice ; nous risquons de devenir un peuple de muets, frustrés de leur parole, et qui se défouleront par la violence. »
    (Albert Jacquard, Petite philosophie à l'usage des non-philosophes, p. 18, Éd. Québec-Livres)

    « Plus nous sentons le besoin d'agir, plus nous devons nous efforcer à la réflexion. Plus nous sommes tentés par le confort de la méditation, plus nous devons nous lancer dans l'action. »
    (Albert Jacquard, Petite philosophie à l'usage des non-philosophes, p. 167, Éd. Québec-Livres)

    « Présenter la télévision comme un prolongement des moyens d'information d'autrefois est lui faire beaucoup trop d'honneur. Elle ne succède nullement aux journaux ou aux revues qui décrivaient les faits et proposaient une réflexion à leur propos. Elle a plutôt pris la place des bonimenteurs qui jadis, sur les boulevards, vendaient des poudres miraculeuses, et celle des camelots qui distribuaient des chansons illustrées paraphrasant l'actualité. » 
    (Mon utopie, p.100, Stock, 2006) 

     

     

  • Valls: Sa politique d’immigration

    EN 10 POINTS18/08/2013 à 17h46

    La politique d’immigration de Manuel Valls au guéantomètre

    Camille Polloni | Journaliste Rue89

    Si le ministre de l’Intérieur marche sur les pas de son prédécesseur sur le nombre d’expulsions, il diverge sur l’accueil des étudiants. Décryptage en 10 points.

    SUJET SUGGÉRÉ PAR
    UN INTERNAUTE

    La comparaison plane sur son ministère. Pour ceux qui, comme François Delapierre (Front de Gauche) situent Manuel Valls à « l’extrême droite du mouvement socialiste », le ministre de l’Intérieur marcherait dans les traces de son prédécesseur, Claude Guéant.

    Jean-Luc Mélenchon va encore plus loin dans le JDD ce dimanche, en affirmant que Manuel Valls « chasse sur les terres » de Marine Le Pen, qui l’aurait « contaminé ».

    POPULARITÉ RECORD
    Dans un sondage Ifop commandé par le JDD, 61% des personnes interrogées se disent « satisfaites » de l’action de Manuel Valls, loin devant les autres membres du gouvernement. D’autres études d’opinion réalisées depuis 2012 tendent à montrer la popularité record du ministre de l’Intérieur.

    Les commentateurs de Rue89 ne sont pas en reste. Pour certains, Valls ne serait « pas vraiment » de gauche, donnant les mêmes coups de menton que Sarkozy et aussi inflexible que Guéant avec les sans-papiers.

    Pour se faire une idée plus informée des ressemblances et des différences entre leurs politiques d’immigration, petite plongée dans les chiffres disponibles.

    Démarcation sur le droit d’asile ?

    Manuel Valls marche droit dans les traces de Claude Guéant en ce qui concerne le nombre d’expulsions, de régularisations et de naturalisations. Sa politique diverge surtout sur les aides au retour et sur le traitement réservé aux étudiants et jeunes adultes. Le ministre a aussi voulu donner des gages aux associations de défense des étrangers en supprimant le délit de solidarité.

    Plusieurs inflexions récentes – fin de la garde à vue pour les sans-papiers, rétention des mineurs – ne viennent pas d’une volonté politique mais de décisions juridictionnelles qui s’imposent au gouvernement.

    La réforme du droit d’asile pourrait marquer une vraie différence avec le gouvernement précédent. Mais elle n’aura pas lieu avant les municipales, et le statut de réfugié n’a pas été davantage accordé en 2012 que les années précédentes.


    Manuel Valls (à dr.) et Claude Guéant, durant la cérémonie d’investiture, le 17 mai 2012 (Thibault Camus/AP/SIPA)

    1

    Les expulsions

    Plus dur que Guéant ?

     

    Dès le mois d’octobre 2012, Manuel Valls annonce la couleur devant l’Assemblée nationale : la baisse du nombre d’expulsions n’est pas un objectif du gouvernement.

    « Cette politique ne se traduira pas par des évolutions sensibles en termes de chiffres, s’agissant tant des régularisations que des reconduites à la frontière. Telle est la volonté du gouvernement. Personne ne peut en douter : nous serons extrêmement fermes. »

    A d’autres occasions, le ministre laisse entendre que le nombre d’expulsions pourrait augmenter. Pas de surprise donc, quand les chiffres de 2012 tombent : 36 800 personnes ont été expulsées, soit une hausse de 11,9% par rapport à l’année précédente.

    En attendant le bilan 2013

    Comme l’explique Libération, cette augmentation « concentrée sur les six premiers mois » de 2012, est en partie due à deux facteurs :

    • l’anticipation, par la justice, de la fin de la garde à vue des sans-papiers (effective depuis juillet 2012). Celle-ci entraîne une hausse du nombre d’expulsions sur le premier semestre, et une baisse mécanique pour le second ;
    • l’action du gouvernement précédent qui visait les 40 000 reconduites à la frontière alors que Manuel Valls a annoncé la fin des objectifs chiffrés.

    Il faudra donc attendre le bilan de 2013 pour savoir si Manuel Valls s’inscrit vraiment dans la lignée de ses prédécesseurs. En dix ans, le nombre annuel d’expulsions a quadruplé (voir notre graphique ci-dessous).

    Nombre de reconduites à la frontière depuis 2001

    Created with Raphaël 2.1.0
    8604
    2001
    10067
    2002
    11692
    2003
    15560
    2004
    19848
    2005
    23831
    2006
    23196
    2007
    29799
    2008
    29288
    2009
    28026
    2010
    32912
    2011
    36800
    2012
    Created with Datawrapper
    Source: Ministère de l'Intérieur , Récupérez les données
    2

    Le « délit de solidarité »

    Vraiment supprimé ?

     

    L’article L-622-1 du Code des étrangers existe depuis 1945, mais il a été surnommé « délit de solidarité » par les associations de soutien aux sans-papiers pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Voici ce qu’il dit :

    « Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 euros. »

    En 2009, les associations (Gisti, Cimade, France Terre d’Asile, Secours catholique, Emmaüs) lancent une campagne, estiment que ce délit « d’aide au séjour irrégulier » menace les activités militantes et les marques individuelles de solidarité dans un contexte de durcissement des politiques d’immigration.

    Une polémique oppose alors le ministre de l’Immigration, Eric Besson, aux soutiens des sans-papiers, sur la réalité des poursuites. Le film « Welcome », sorti la même année, contribue à alerter l’opinion sur les risques encourus par ceux qui aident les migrants en France.

    Janvier 2012 : Valls réforme le Code des étrangers

    Le 2 janvier dernier, Manuel Valls supprime le « délit de solidarité ». C’est-à-dire qu’il réforme le Code des étrangers pour élargir les exceptions à :

    « Toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s’il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte. »

    Le délit d’aide au séjour irrégulier existe toujours mais serait désormais uniquement dirigé contre les filières d’immigration clandestine, pas contre les bénévoles. La notion de « contrepartie », difficile à cerner selon les associations de défense des sans-papiers, continue toutefois à faire débat.

    Fin août, le procès d’un citoyen français accusé d’avoir fourni une fausse attestation d’hébergement à un étranger en situation irrégulière au Havre, devrait tourner autour de cette question. A l’occasion de cette affaire, plusieurs associations (Syndicat de la magistrature, Syndicat des avocats de France, Ligue des droits de l’homme) se sont inquiétées d’un éventuel « retour du délit de solidarité ».

    3

    Les mineurs en rétention

    Pas fini, mais exceptionnel

     

    C’était une promesse de campagne de François Hollande :

    « Je veux prendre l’engagement, si je suis élu à la présidence de la République, de mettre fin dès mai 2012 à la rétention des enfants et donc des familles avec enfants. »

    Par ces propos, le futur président de la République prend acte d’une décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) datant de janvier 2012. L’arrêt Popov a condamné la France pour avoir enfermé une famille kazakhe dans un centre de rétention inadapté à l’accueil des enfants.

    La CEDH estime :

    « Les autorités doivent mettre en œuvre tous les moyens nécessaires afin de limiter autant que faire se peut la détention de familles accompagnées d’enfants et préserver effectivement le droit à une vie familiale. »

    VOIR LE DOCUMENT

    (Fichier PDF)

    Pour traduire cette décision en actes, Manuel Valls a envoyé une circulaire aux préfets, en juillet 2012 (lire le document ci-contre). Mais si elle encadre et limite cette pratique, elle n’y met pas fin, contrairement à ce que promettait le candidat Hollande :

    • l’assignation à résidence devient la règle pour les familles en attente d’expulsion. Seules celles qui n’auraient pas respecté leurs obligations devraient être placées en centre de rétention, en dernier recours donc.
    • Mayotte fait exception, et n’est pas compris dans le nouveau dispositif.

    Sept familles placées en centres de rétention

    A plusieurs reprises depuis, les associations (et, sur Rue89, 60 professeurs de droit) ont alerté sur le cas de mineurs enfermés en rétention, en contradiction, selon elles, avec la décision de la CEDH :

    En 2011, d’après un rapport des associations intervenant en rétention, 312 enfants étaient passés par des CRA avec leurs parents.

    Ce nombre a-t-il diminué depuis la circulaire ? Le député socialiste du Val-de-Marne, René Rouquet, voulait poser la question au ministre de l’Intérieur en juin. Manuel Valls étant retenu au Sénat, c’est le ministre de la Ville, François Lamy, qui lui a répondu :

    « Au terme de cette circulaire, il n’y a plus de primo-placement de parents accompagnés d’enfants mineurs. Il en résulte que, depuis sa mise en œuvre, sept familles ont été placées en centre de rétention pour des durées très, très brèves, pour la plupart suite au non respect des obligations de l’assignation à résidence.

    A titre de comparaison, plus de 200 familles avec enfants avaient été placées en rétention sur la même période en 2011-2012. »

    4

    Les aides au retour

    Drastiquement réduites

     

    En décembre 2012, Manuel Valls annonce la fin de « l’aide au retour » humanitaire versée aux ressortissants de l’Union européenne qui acceptent de rentrer dans leur pays d’origine contre une somme d’argent : 300 euros par adulte et 150 euros par enfant mineur.

    Le ministre vise les Roms roumains et bulgares, pour qui le système d’aide au retour humanitaire (ARH) serait « inopérant » voire aurait des « effets pervers ». En clair, les Roms accepteraient cette aide mais reviendraient en France ensuite.

    En réalité, l’arrêté pris en février ne supprime pas l’ARH créée en 2006 pour les « Européens en situation de détresse », mais en diminue fortement le montant, qui passe à 50 euros par adulte et 30 euros par enfant.

    Manuel Valls a d’ores et déjà annoncé que les démantèlements de camps de Roms « se poursuivront ».

    Un autre type d’aide au retour (ARV), concernant les étrangers non européens, a lui aussi subi une baisse drastique, passant de 2 000 euros à 500 euros pour un adulte.

    Le gouvernement précédent avait massivement encouragé le dispositif d’aide au retour pour atteindre les quotas d’expulsions qu’il s’était fixé.

    5

    La garde à vue pour séjour irrégulier

    Remplacée par une « rétention » de seize heures

     

    Depuis un an, la garde à vue d’un sans-papiers pour le seul motif de sa situation irrégulière est illégal.

    Là non plus, la décision ne vient pas de Manuel Valls mais de la Cour de cassation, qui a suivi l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne.

    Sans la garde à vue, les policiers disposent de quatre heures pour contrôler l’identité d’une personne. Insuffisant, expliquent-ils, pour engager une procédure d’expulsion si nécessaire.

    Le ministre de l’Intérieur a donc fait voter un nouveau dispositif, effectif depuis le 1er janvier 2013. Il prévoit une rétention de seize heures. La garde à vue, elle, pouvait durer 24 heures, renouvelables une fois.

    6

    Le statut de réfugié

    Accordé au compte-gouttes

     

    Entre 2007 et 2012, le nombre de demandes d’asile a augmenté de 70%.

    Mais le statut de réfugié, lui, est toujours accordé au compte-gouttes : environ 10 000 personnes en bénéficient chaque année.

    Demandes d'asile, 2007-2012

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    8815
    20000
    40000
    61468
    2007
    ’08
    ’09
    ’10
    ’11
    2012
     
    Demandes d'asile
     
    Asiles accordés

    Cette question de l’asile devrait être au cœur de la prochaine loi sur l’immigration. Il s’agit de :

    • réduire les délais de traitement des dossiers, aujourd’hui de seize mois en moyenne (objectif : six à neuf mois) ;
    • réformer l’hébergement, qui ne peut accueillir qu’un tiers des demandeurs d’asile. A Metz, certains ont même décider d’attaquer l’Etat ;
    • mieux répartir les demandes d’asile sur le territoire, car les grandes villes sont engorgées.

    Une concertation sur la réforme du droit d’asile s’est ouverte en juillet, pilotée par la sénatrice centriste Valérie Létard. Mais en intégrant le volet « asile » à une loi plus générale sur l’immigration, Manuel Valls a repoussé l’examen du texte après les municipales de 2014.

    7

    La « circulaire Guéant » sur les étudiants étrangers

    Supprimée

     

    C’était une mesure symbolique. Dès l’arrivée du gouvernement, la circulaire Guéant sur les étudiants étrangers – qui avait entraîné la situation irrégulière de centaines de jeunes diplômés – a été abrogée, un an après son entrée en vigueur.

    Pourtant, a déclaré Manuel Valls à l’Assemblée :

    « Nous avons accueilli en 2012 10% d’étudiants étrangers en moins. [...] Le message négatif envoyé par la circulaire du 31 mai 2011 n’est pas étranger à cette désaffection. »

    Les étudiants étrangers pourraient à l’avenir bénéficier plus facilement d’un titre de séjour pluriannuel, ce qui leur éviterait de refaire des démarches tous les ans. L’enseignement supérieur accueille 300 000 étudiants étrangers chaque année.

    8

    Le nombre de régularisations

    Constant

     

    « Il n’y aura pas de régularisation massive comme en 1981 [131 000 personnes, ndlr] ou 1997 [80 000, ndlr]. »

    Manuel Valls a été clair. Le chiffre annuel de régularisation de sans-papiers restera de l’ordre de 30 000 personnes par an, c’est-à-dire autant que d’expulsions.

    La circulaire du 28 novembre 2012 vise à mieux préciser les critères de régularisation mais ne les élargit pas vraiment. Le ministre de l’Intérieur ne souhaite pas non plusrégulariser progressivement les étrangers inexpulsables.

    9

    Les naturalisations

    Des critères assouplis

     

    Le 18 octobre 2012, Manuel Valls signe une circulaire pour faciliter l’acquisition de la nationalité française. Elle prévoit notamment :

    • un assouplissement des critères liés au travail (possibilité de CDD ou d’intérim) ;
    • un examen bienveillant des demandes déposées par des étudiants étrangers et des jeunes de moins de 25 ans ;
    • un retour au délai de cinq ans de séjour régulier sur le territoire (passé à dix ans par Claude Guéant).

    Les deux dernières années du quinquennat de Nicolas Sarkozy, le nombre de naturalisations avait fortement baissé, une tendance qui s’est poursuivie en 2012.

    Acquisitions de la nationalité française

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    92410
    1995
    109823
    1996
    116194
    1997
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    1998
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    1999
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    2000
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    2001
    128092
    2002
    144640
    2003
    168826
    2004
    154827
    2005
    147868
    2006
    132002
    2007
    137452
    2008
    135842
    2009
    143275
    2010
    114584
    2011
    96088
    2012
    10

    Portrait de l’immigration

     

    Les derniers chiffres disponibles montrent que si le nombre total de nouveaux admis au séjour est resté stable en 2012, sa composition a varié :

    • l’immigration professionnelle et étudiante a diminué ;
    • l’immigration familiale a augmenté de 6,7%.

    L’admission au séjour par motifs (Ministère de l’Intérieur)

  • Contribuables français, vous payez pour les procès du lobby d’Israël ! D’accord ?

     

    RECETTE POUR DETOURNER LA LOI FRANÇAISE AU SERVICE D’ISRAEL

    I. INGREDIENTS

    Prenez un gouvernement et un ministre de la justice malléables à souhait (pour le moment, choisir la France qui est le seul Etat qui cède aux pressions israéliennes en cherchant à criminaliser le boycott d’Israël)
    Obtenir de ce même gouvernement français qu’il envoie une circulaire à tous les procureurs de France, ordonnant à ces derniers de poursuivre les personnes qui appellent au boycott d’Israël, et seulement à celui-là, et de faire tout ce qu’ils peuvent pour que les juges condamnent les militants. L’appel au boycott de tous les autres pays ne pose aucun problème.
     
    II. FAIRE MONTER LA SAUCE

    La recette est simple : il ne reste plus aux officines sionistes qu’à déposer des plaintes simples (sans constitution de partie civile) et de demander au gouvernement d’engager des poursuites.

    Ces plaintes n’ont même pas besoin d’être correctement rédigées sur le plan juridique. Elles se contentent souvent d’un « signalement », c’est à dire des lettres de dénonciation sur la base desquelles l’Etat accepte d’engager des poursuites. Il suffit de crier à l’antisémitisme, l’incitation à la haine, au « palestinisme » (sic !)
    Sammy Ghozlan (Bureau National de Vigilance contre l’Antisémitisme - BNVCA), membre du lobby israélien en France, se charge de ce petit boulot. Il en est à une centaine de plaintes déposées, dont une contre feu Stéphane Hessel, pour avoir, lui aussi, appelé au boycott d’Israël.

    Ensuite, sur injonction du gouvernement, un parquet ouvre une enquête, et fait convoquer par la police des personnes « pour les besoins de l’enquête ». A ce stade, une poursuite représente déjà des dizaines et des dizaines d’heures de procédure policière et judiciaire. Multipliez par le nombre de poursuites engagées à ce jour contre une quarantaine de militants BDS, et vous aurez un début d’idée de la consommation des ressources de l’Etat au profit du lobby israélien.

    Il fait également approcher les responsables des grandes surfaces où se sont déroulées les actions d’appel au boycott et de dénonciation de la présence de produits illicites (parce que provenant très souvent des colonies installées illégalement dans les territoires palestiniens occupés), afin de les inciter à porter plainte.

    Mais, ces directeurs de magasin n’ayant subi aucun préjudice matériel au cours de ces actions non violentes, et étant eux-mêmes conscients de vendre des produits dont il ne peuvent mentionner l’origine exacte, contrairement à la réglementation, ont chaque fois refusé de porter plainte contre les militants.

    Certains ont même tenu à faire noter par les policiers que les échanges avec les militants avaient été « très courtois ».

    Qu’à cela ne tienne : le parquet ayant quand même décidé de renvoyer les militants BDS devant le tribunal correctionnel, le jour de l’audience, on voit invariablement débarquer une brochette d’officines sionistes, qui se constituent alors parties civiles, et se « joignent » à l’action gouvernementale.
    III. SERVIR SUR UN PLATEAU

    Pas un sou déboursé de leur part, c’est l’Etat qui régale, paye les policiers, les juges, les greffiers – rappelons que l’Etat c’est nous tous—et qui s’est tapé le boulot. Pas même la moindre somme déposée comme il se doit, en guise de « consignation » pour se constituer partie civile.

    Les BNVCA, France-Israël, Amis d’Israël, Amis des Villes Sinistrées d’Israël (ça ne s’invente pas !), Chambre de Commerce France-Israël, « Avocats sans frontières » de l’inénarrable William Goldnadel, se pointent à l’audience, le jour J, les mains dans les poches... et réclament des dommages et intérêts, et frais de justice, s’élevant à plus de 10.000 euros par prévenu pour chacune de leurs associations !

    Et comme ils n’ont pas grand chose à apporter dans la corbeille de mariage, c’est au gouvernement d’espérer que les magistrats vont être dociles, et déclarer le boycott d’Israël (et seulement d’Israël) illégal.

    Aucun tribunal de France n’a à ce jour osé un tel attentat contre la liberté d’expression, qui reste, qu’ils le veuillent ou non, une liberté garantie par la Constitution.

    Mais le lobby ne renonce pas, et use de tous ses charmes pour que le gouvernement fasse appel et, le cas échéant, aille en cassation.

    IV. LÀ OÙ ÇA SE COMPLIQUE

    Mais sur quel fondement le gouvernement engage-t-il ces poursuites ? En vertu de quelle loi ?

    Le gouvernement n’ayant rien trouvé dans la législation française qui interdise le boycott d’un Etat pour des raisons politiques, il invoque l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881, qui condamne « toute discrimination à l’encontre d’une personne ou d’un groupe de personnes A RAISON de son appartenance ou de sa non-appartenance à une religion, une race, une ethnie, une nation ».

    Ah, ah ! Vous vous en prenez à la « nation israélienne » ! Donc vous discriminez, vous incitez à la haine et à la violence...
    Mais les oranges, les poivrons, les avocats ou les lingettes ne sont pas des personnes, ni des groupes de personnes ! Et nous n’appelons pas à les boycotter A RAISON de leur nationalité, mais en raison de la politique criminelle de l’Etat d’Israël...
    Oui, mais derrière ces produits, il y a des producteurs et donc des personnes. Et d’ailleurs ce que vous faites est stupide car ce sont les Palestiniens qui en sont les premières victimes vu que vous leur retirez leur gagne-pain...
    Alors vous dites vous-mêmes que, même en tirant la loi par les cheveux et en transformant les pamplemousses en personnes, ces producteurs ne sont pas tous israéliens, mais aussi palestiniens, et peut-être travailleurs immigrés thaïlandais ? Alors, quel rapport avec l’antisémitisme ou encore la nationalité ?
    Et puis, de quelle nation parlez-vous, puisque vous refusez d’indiquer d’où viennent ces produits, car c’est souvent des colonies illégales, dans les territoires palestiniens occupés...

    Le terme de colonies est très abusif, Madame la Présidente (ou Mr le Président). Car les frontières d’Israël ne sont pas définitivement fixées. Il faudrait plutôt parler de territoires « disputés » ou « discutés »...
    Ce n’est pas ce que dit le droit international, ni même la France à ce sujet !
    Le ou la Président(e) du tribunal : Stop ! On n’est pas ici pour faire de la politique !
    Rires dans la salle
    Taisez-vous ou je fais évacuer la salle !
    Président(e) : Bon je note en tout cas que nul propos antisémite n’a été tenu, et qu’il n’y a eu aucune dégradation ni violence...
    Madame la Présidente, nous ne disons pas que les prévenus sont antisémites, mais vous comprenez, le palestinisme mène tout droit à l’affaire Merah...
    La salle : Ooh !
    Silence !
    (Changement de registre) : Madame la Présidente, quelles que soient leurs motivations, ils ne peuvent pas nier que pendant les 12 minutes 30 qu’a duré cette action dans ce supermarché, les clients qui ont voulu acheter des produits israéliens ont été gênés pour le faire. Il s’agit donc d’une entrave économique !
    Ne riez pas : le tribunal d’Alençon a condamné 7 personnes, le 19 septembre dernier, pour « entrave à l’exercice normal d’une activité économique ». (Ces derniers font appel, bien entendu).
    Et ceci alors que :

    1) le magasin Carrefour d’Alençon n’avait pas estimé qu’il y avait d’entrave, et n’avait pas porté plainte

    2) cette activité n’avait rien de « normal », puisque bon nombre des produits « made in Israël » proposés à la vente provenaient des colonies et étaient donc illicites.

    3) Le même tribunal avait classé « sans suite » une plainte déposée par les militants à ce sujet, en indiquant qu’il n’avait « pas réussi à déterminer la provenance de ces produits » !!!

    Bien heureusement, la plupart des juges tiennent à leur indépendance. Ils refusent de tordre, comme une serpillère, une loi destinée à prévenir les discriminations raciales, pour en faire un bouclier protégeant un Etat, dont la spécialité est l’apartheid et les discriminations.

    Plusieurs procureurs courageux ont même refusé d’obéir à leur hiérarchie et n’ont requis aucune condamnation.

    La grande majorité des militants inculpés à ce jour ont donc été relaxés. Et contre les autres, ont été retenus des prétextes fallacieux tels « l’entrave économique ».

    Aucun tribunal n’a jugé à ce jour que le boycott d’Israël est illégal, malgré ce qu’essaie de faire croire le CRIF et ses dépendances !

    INDIGNEZ-VOUS !

    Mais, savez-vous que même lorsque les inculpés gagnent leurs procès, ils ne peuvent pas réclamer le moindre centime de dédommagement à qui que ce soit ?

    En effet, dans la grande démocratie française, quand c’est l’Etat qui engage des poursuites, on ne peut rien lui réclamer, pas même le remboursement des frais de justice !

    Donc les contribuables paient des sommes colossales sans le savoir, et les militants déboursent des frais de justice importants.

    Ne serait-il pas temps de dire à Madame Chistiane Taubira, ex-militante du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et actuelle ministre de la Justice, que nous en avons assez d’être pris pour des imbéciles ?
    Si l’Etat ne sait vraiment pas quoi faire de notre argent, nous pouvons faire quelques suggestions qu’il s’agisse de la santé, de l’éducation ou des retraites ?

    Et il serait bon de lui rappeler que les femmes et les hommes de conscience utilisent le seul moyen non violent à leur disposition, réclamé par la société palestinienne, pour sanctionner l’occupation israélienne, parce que notre gouvernement ne le fait pas.

    Si la France respectait ses engagements concernant les résolutions de l’ONU, les Conventions de Genève, mais aussi la torture et la protection des droits de l’enfant, nous n’aurions pas besoin de boycotter Israël.
     
    Si notre gouvernement, au lieu de fermer les yeux sur les enfants palestiniens quotidiennement kidnappés, détenus et torturés par Israël, poursuivait, comme il en a l’obligation les responsables de ces tortures quand ils viennent en France, au lieu de leur dérouler le tapis rouge, nous pourrions nous occuper d’autres questions.
     
    Si la France cessait de collaborer à la construction des drones qui larguent des bombes sur la population de Gaza,
     
    Si elle cessait d’encourager la colonisation et le blocus de Gaza,
     
    Si elle prenait des sanctions contre les constantes violations du droit international et des droits de l’Homme par Israël, nous n’en serions pas là aujourd’hui.
     
    La France, qui entretient des relations très privilégiées avec l’occupant Israélien dans tous les domaines, a des moyens de pression évidents sur ce dernier.

    A commencer par l’application des directives européennes, clairement énoncées en juillet 2013, et exigeant que tout contrat passé avec Israël spécifie par écrit que ni Gaza, ni la Cisjordanie, ni Jérusalem Est ne font partie d’Israël.
    Ce n’est pas très compliqué de se plier aux directives européennes, quand on a l’Europe plein la bouche en permanence ?

    Pour ce qu’il en est de la campagne BDS, elle se porte bien merci. Elle ne cesse de progresser dans le monde entier, et y compris en France, et même en Israël, ou les opposants de « Boycott from Within » nous appellent à les rejoindre.

    Et tous ces procès en sorcellerie, n’y changeront rien. Au contraire. Ils ne font que populariser le boycott, ce moyen de résistance pacifique, qui a gagné ses lettres de noblesse depuis longtemps. En Inde du temps de Ghandi, comme aux Etats-Unis pour la bataille des droits civiques des Noirs américains, ou encore lors de l’Afrique du Sud de l’Apartheid.

    Et ceux qui auraient un autre moyen d’action efficace à nous proposer pour mettre fin à l’occupation et à la colonisation israélienne, qui perdurent depuis des décennies, sans que les votes du parlement européen, les résolutions de l’ONU, les décisions de la Cour de Justice Internationale, les « pourparler de paix », les manifestations....aient eu le moindre impact, ils sont les bienvenus.
  • LE DOPAGE, SUJET À INTENSITÉ VARIABLE SELON LES SPORTS

    enquête Le 10/08/2013 Par la rédaction

    Grosses enquêtes dans le cyclisme, chauvinisme et silence en natation


    Il y a du dopage dans tous les sports”. Cette phrase, plutôt limpide, est signée Jean-Jacques Lozach, rapporteur de la commission d’enquête sénatoriale sur l’efficacité de la lutte contre le dopage, qui a rendu le 24 juillet un rapport sur le sujet. Si les médias se sont déchaînés sur le cyclisme et ses performances “surréalistes”, la natation, où la France a récolté 9 médailles, a plutôt eu bonne presse. Une différence de traitement étonnante alors que le rapport de la commission sénatoriale semblait prétendre le contraire. Pourquoi les performances des nageurs ont-elles été moins scrutées ? Enquête.

    Plusieurs événements, ces derniers mois, ont fait remonter le dopage à la surface des médias. D'abord, le 10 octobre 2012, le rapport USADA (l'agence américaine de lutte contre le dopage) reconnaissant que l'US Postal (l'équipe du coureur cycliste Lance Armstrong) "était à la tête du plus sophistiqué, du plus efficace et du plus professionnel système de dopage que le sport a jamais connu". Le 18 janvier, chez Oprah Winfrey, devant des millions de téléspectateurs (nous vous le racontions ici) Armstrong avouait enfin: "Oui, je me suis dopé". Une commission d'enquête sénatoriale, présidée par Jean-François Humbert (UMP), se réunit alors et rend, cinq mois plus tard, le 24 juillet, un rapport de 238 pages. "C'est un peu tard mais c'est quand même une bonne chose", note Pierre Ballester, ancien journaliste à l’Équipe, licencié après avoir voulu mettre au jour les pratiques douteuses de certains de ses confrères dans le livre "De mon plein gré", écrit par Jérôme Chiotti. "Ca faisait quand même treize ans en France, depuis la loi Buffet, que les politiques ne s'étaient plus intéressés à ce problème. Là, avec Armstrong, ils se sont peut-être dit que bon, fallait faire quelque chose". Stéphane Mandard, directeur du service sports au Monde, préfère nuancer: "Dire que tous les sports sont touchés par le dopage, c'est faux. Quand un athlète est contrôlé positif au cannabis, comme c'est parfois le cas, ce n'est pas du dopage".

    Le 25 juin, quelques jours avant le départ du centième Tour de France, un autre scandale éclate : Laurent Jalabert, consultant pour France Télévisions et chroniqueur dans l'Equipe, a été contrôlé positif en... 1998. C'est le journal L'Equipe, via son site Internet, qui sort l'info en premier. Jalabert refuse d'avouer mais décide de cesser immédiatement ses activités de consultant. Cédric Vasseur, dont le nom apparaît pourtant dans l'affaire Cofidis en 2004, le remplace au pied levé. C'est dans ce contexte que le centième Tour de France s'élance et qu'un Britannique de l'équipe Sky, pour la seconde année consécutive, survole l'épreuve. Son nom est Christopher Froome. A la télévision, le doute a fait un immense bond en avant cette année sur le service public qui n'hésite plus à s'interroger sur la "proprété" des performances des coureurs en général et de Froome en particulier. Nous vous le racontions ici. Dans la presse, le soupçon est aussi de mise. Si Libération et Le Monde dénoncent encore et toujours une farce généralisé...

    (la une de Libération du 18 juillet, ci-contre, en est une illustration)picto

    l’Équipe (détenu par le groupe Amaury qui via sa société ASO est l'organisateur du Tour de France) met Froome en Une le 18 juillet. Le titre est intrigant: "Froome, le dossier". A l'intérieur, Fred Grappe, docteur en sciences et entraîneur de l'équipe FDJ.fr, analyse les données livrées par l'équipe Sky au quotidien et en tire la conclusion suivante: "Ses performances sont cohérentes".

    Froome Libé

     

    FroomeLequipe

     

     

     

    Problème: en 2001, dans une étude précise et en insistant sur le souci exacerbé du professionnalisme de l'Américain, Fred Grappe avait déjà tenté de justifier les performances de Lance Armstrong. Autre souci: en une de cette édition du 18 juillet figure une publicité Sky, l'équipe de Froome et le slogan suivant: "We salute you" ("L'équipe Sky vous salue", en français). Fabrice Jouhaud, directeur des rédactions du journal, le reconnaît. "Oui, c'était maladroit". Pierre Ballester ne veut, lui, pas croire au complot : "C'est une cohabitation malheureuse. Les gens du marketing ne connaissaient certainement pas le dossier évoqué. C'est un apparentement malheureux, il ne faut pas y voir plus".

    Malgré tout, même l'Equipe se met donc à ausculter les performances et mieux, sur France Télévisions, Thierry Adam et Cédric Vasseur hurlent au dopage. Une question surgit : les journalistes sportifs seraient-ils soudainement devenus impertinents ? Les championnats du monde de natation de Barcelone, qui ont commencé une semaine après la fin du Tour de France, étaient une belle occasion de vérifier ou non cette théorie. En matière de dopage, après tout, la natation a aussi son mot à dire. Sur ce blog collectif, animé par plusieurs journalistes du Monde,Erwan Le Duc a pris soin de recenser les principaux cas de dopage en natation ces dernières années. Frédérik Bousquet, médaillé de bronze sur 50 mètres papillon et César Cielo, vainqueur du 50 mètres nage libre à Barcelone, en font partie. Or, de ces contrôles ou de ces suspensions, il n’en a jamais été question sur France Télévisions pendant les championnats du monde.

    "CE N'EST PAS NOTRE RÔLE DE TRAQUER LES GENS" (BILALIAN)

     

    Le doute, qui est resté collé à la roue de Froome durant toute la durée du Tour de France (contrairement à la plupart de ses adversaires) s’est littéralement noyé dans la piscine municipale de Montjuïc, choisie pour accueillir les mondiaux de natation. Les commentaires oscillaient plutôt entre un brin de chauvinisme et une différence fondamentale de traitement de la performance dans les deux disciplines sur la même chaîne.

    Le doute pour le cyclisme. La joie pour la natation picto

     

    Joint par @si, Daniel Bilalian, directeur des sports de France Télévisions, est d’abord surpris par la question. “Le dopage on en parle, il n’y a pas d’interdit. Mais quand il y a une affaire. Et pour l’instant, il n’y a pas d’affaire de dopage en natation”. On le relance alors sur le sort réservé aux deux disciplines, où le doute de Adam laisse en moins d’une semaine la place à l’enthousiasme d’Alexandre Boyon, le spécialiste natation. “Quand il n’y a rien, il n’y a rien ! Si demain dans la natation, des enquêtes sérieuses sont faites, on en parlera”. Et Bilalian de reconnaître que des enquêtes sérieuses ont été faites en cyclisme, "mais pas dans les autres sports".

    Dans l'Equipe, en revanche, lorsque Cielo et Bousquet sont médaillés, "la première chose que je fais dans mon article, c'est rappeler leurs contrôles positifs", détaille Céline Nony, envoyée spéciale du journal à Barcelone. En effet, dans les éditions du 31 juillet et du 4 août, les contrôles positifs des deux athlètes sont mis en avant dès les premières lignes de l'article. "On se pose des questions", détaille Nony. On a même des relations compliquées avec les nageurs de Marseille, après avoir mis en doute, dans le journal, les performances de Florent Manaudou et Camille Lacourt (tous les deux médaillés à Barcelone)". D'autres doutes, par ailleurs, avaient été émis dansl'Equipe sur le parcours relativement atypique d'Alain Bernard, médaillé d'or aux Jeux Olympiques de Pékin en 2008 sur 100 mètres nage libre. "On se sent obligés de poser des questions. Les nageurs aussi se posent des questions sur d'autres nageurs et nous le disent. En 2012, à Londres, le monde entier s'est posé des questions sur Ye Shiwen (la nageuse chinoise qui, sur le dernier 50 mètres de son 400 mètres 4 nages, est allée plus vite que Ryan Lochte, l'une des plus grandes stars de la natation masculine américaine). Des questions donc, mais peu de réponses.

    Pour les réponses, la volonté doit venir de plus haut, juge Bilalian. “Ce sont les fédérations qui peuvent avoir une réelle influence là-dessus. Ce sont elles qui détiennent les véritables leviers”. Le dopage, toujours selon lui, ne représente d’ailleurs pas la principale menace pour le sport : “La corruption et les paris truqués me semblent une menace bien supérieure. C’est encore pire”. Et le rôle des journalistes dans tout ça ? “Leur rôle est de se faire l’écho de l’information. On ne peut pas toujours enquêter, ce n’est pas notre rôle de traquer les gens”.

    "LES PLUS MAUVAIS JOURNALISTES SONT AUX SPORTS" (VAYER) 

    On ne peut pas toujours enquêter, la phrase résonne étrangement. Est-il plus facile d'enquêter sur des sports où la France ne fait pas aussi bonne figure qu'en natation ? Le journaliste sportif : journaliste ou supporter ?, sempiternelle question. "Déjà, je ne suis pas journaliste sportif, je suis journaliste tout court", précise immédiatement Mandard, duMonde. Jouhaud, à l'Equipe, a une vision différente du métier : "Les gens deviennent journalistes sportifs parce qu'ils s'intéressent au sport, parce qu'ils aiment ça, ils n'ont pas franchement d'appétit pour l'investigation". Vayer, dans son style bien particulier, tranche dans le vif: "Les plus mauvais sont aux sports. La plupart des journalistes s'en foutent complètement (du dopage). C'est une question de volonté et ils ne l'ont pas, pour la plupart d'entre eux. Ils sont dans un bocal, les champions sont adulés, ils voyagent, ils sont bien, ils font la promotion du sport". Ballester, aujourd'hui auteur de plusieurs livres sur le dopage, pense que les journalistes n'ont aucun intérêt à franchir la ligne rouge :"Ça ne leur attirera que des emmerdes. Pendant des années d'ailleurs, j'ai été le récipiendaire de journalistes qui ne voulaient pas s'en occuper et me refilaient le sujet". Ce rôle est aujourd'hui celui de Damien Ressiot, journaliste d'investigation à l’Equipe, entièrement tourné vers le dopage, dans toutes les disciplines.

    "LES ACCUSATIONS SANS PREUVES CONTRE FROOME SONT DE L'ASTROLOGIE JOURNALISTIQUE" (JOUHAUD, L'EQUIPE)

    Pour Jouhaud, cela n'est pas vraiment un problème. Selon lui, le traitement médiatique du cyclisme dans les autres journaux, comme Le Monde ou Libération, est le symbole même de ce qu'il ne faut pas faire. "Les accusations des médias contre Froome s'apparentent à de l'astrologie journalistique! Nous, quand on a des infos, on les sort. Armstrong (en 2005, le quotidien révèle que le septuple vainqueur sur la Grande Boucle a été contrôlé positif à l’EPO lors du Tour 1999) et Jalabert, pour ne prendre que les plus connus, c'est nous ! Et quand on sort ça, on nous traite de salauds ! Faudrait savoir ! C'est très hypocrite de leur part en fait: on couvre l’événement, on profite de la caisse de résonance incroyable qu'offre le Tour de France mais on n'a aucune information, on publie une enquête à partir d'une intuition. Essayez d'appliquer le même raisonnement à un scandale politique. Imaginez un journaliste s'attaquer à un ministre sans aucune preuve, sur la base d'une intuition. Vous imaginez le scandale?".Invité à réagir, Mandard ne se fait pas prier: "Ces critiques-là, je les ai déjà entendues il y a dix ans avec le cas Armstrong. Ce sont exactement les mêmes. Ces gens-là n'ont pas retenu la leçon, c'est toujours le même aveuglement qui règne".

    Reste toutefois une interrogation : le dopage sera-t-il un jour traité par les médias comme peut parfois l’être la corruption en politique ? “On ne peut pas spéculer sur le succès de ces investigations, on ne peut pas non plus anticiper la réaction du public. Le dopage a été dénoncé dans le cyclisme mais les gens sont toujours aussi nombreux au bord des routes et devant leur poste de télévision. Le problème le plus fondamental, c’est qu’en dénonçant le dopage, les gens risquent de nous accuser d’être des briseurs de mythes!", analyse BallesterPour Mandard, le problème est bien plus vaste : "J'ai essayé de le faire pendant quelques années (nous vous en parlions déjà icimais c'est encore plus compliqué qu'en politique. En France, les juges ne sont pas intéressés par les affaires de dopage. A l'époque de l'affaire Cofidis, en 2004, je l'avais déjà entendu: "Le parquet s'en fout un peu". Le cyclisme, mine de rien, c'est un petit sport. Si vous essayez par exemple de vous attaquer au football, vous ne vous attaquez pas seulement à une institution : vous touchez aussi et surtout des intérêts économiques, politiques qui sont immenses. Lors de l'affaire Puerto (large programme de dopage imaginé par le Docteur Fuentes en Espagne et mis à jour au printemps 2006) la droite et la gauche en Espagne se sont unis et le monde politique est directement intervenu pour que le scandale n'éclabousse pas le monde du foot ou du tennis. Ce n'est ni plus ni moins qu'une affaire d'Etat". Imagine-t-on en effet, le commentateur de Canal+ demander à Lionel Messi ou à Zlatan Ibrahimovic, à la fin d'une rencontre : "les yeux dans les yeux, êtes-vous dopés ?" comme l'a fait Gérard Holtz cette année sur le Tour de France face à Froome ? Pas certain...

    Par Robin Andraca

    MAJ dimanche 11 août 10h25 modification de la citation de Fabrice Jouhaud sur Froome, Le Monde et Libération

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