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Azel Guen : Décryptage de l'Actu Autrement - Page 19

  • "Yacoub, 27 ans, Libyen"

     par Caroline Sédrati-Dinet

    19 juillet 2015 | Par La Chapelle en Lutte

    « Depuis 2011, j'ai souffert. Avant je n'avais jamais souffert. Peut-être que je vais continuer à souffrir ? Peut-être que c'est mon chemin de vie ?

    Tout le monde connaît Yacoub, son bonnet rasta, son humeur égale, sa nonchalance active. Il est devenu une « figure » des migrants de La Chapelle, sollicité par tous, toujours disponible pour assurer une traduction de l'arabe vers le français qu'il parle quasi parfaitement, pour aider à la distribution de nourriture, pour répondre aux journalistes... Mais pas grande gueule, la voix très douce. De grands yeux. Et un large sourire quand la fatigue s'éloigne.

    Yacoub est né à Sabah, une grande ville située dans une zone désertique à 650 km au sud de la Libye. C'est un Amazigh – un Amazigh noir alors que cette ethnie est majoritairement blanche. Un peuple discriminé : « Nous, les Amazigh noirs, n'avons jamais été considérés comme des Libyens, nous n'avons aucun droit, il n'y a pas d'école pour nous. Quand il y a un Noir tué en Libye, c'est un Amazigh ».

    Yacoub s'en sort bien. Il n'a jamais été à l'école publique de son pays mais, pendant six ans, sa famille lui paie des cours du soir (30 dinars par mois) pour apprendre l'anglais et le français. Parallèlement, il commence à travailler dans des hôtels de Tripoli. « Il n'y a pas beaucoup de touristes en Libye mais, petit à petit, je suis devenu un guide reconnu, on savait que je faisais tout pour mes clients et on réservait mes services longtemps à l'avance ». En période creuse, il s'occupe d'un magasin de téléphones avec son grand frère qui a ouvert une boutique. « Je fais ma vie, je gagne un bon salaire, entre 6000 et 10 000 dinars par mois [soit 4 à 6000 euros environ au cours actuel, NDLR]. A l'époque, tout le monde a de l'argent en Libye… »

    Début 2011 : la première guerre civile libyenne provoque l'effondrement du pays. Face au soulèvement populaire et à l'intervention occidentale qui se profile, le chef d’État Mouammar Kadhafi multiplie les promesses afin d'obtenir le soutien des diverses tribus du pays : « Aux Amazigh noirs, il promet des papiers. Nos anciens se réunissent. Ils pensent que la guerre ne va pas durer et décident que notre jeunesse doit aider Kadhafi pour acquérir les droits que leurs ancêtres n'ont jamais eus ».

    Réticent, Yacoub, revenu à Sabah du fait de l'instabilité politique dans la capitale, se plie à la décision des aînés et rejoint en bus l'armée du « Guide de la Révolution » à Tripoli. On lui donne une tenue avec des armes. Pas d'entraînement. Sa mission : patrouiller dans la ville en 4*4 pour repérer les nombreux migrants et réfugiés (soudanais, éthiopiens, somaliens…) qui souhaitent traverser la Méditerranée. La Libye est alors le principal pays de transit vers l'Europe pour des dizaines de milliers d'Africains. Les négociations pour aboutir à un accord avec les Européens pour régler la question migratoire ne sont plus d'actualité. Cette fois, ripostant aux menaces d'ingérence de l'Occident, Kadhafi « ouvre les vannes » de l'immigration : il affrète des bateaux gratuits et les volontaires au départ, cinquante dollars en poche, quittent le pays. « J'ai embarqué des milliers de personnes avec la consigne de chanter tout au long du trajet : « Allah Wa Mahama Wa Libya Wabes » (« Dieu et Kadhafi protègent la Libye ») ».

    Fin août 2011, après plusieurs offensives et contre-offensives, la prise de Tripoli par les opposants à Kadhafi entraîne la fuite du chef d’État. « Les rebelles prennent le pouvoir, ils contrôlent tout, ils cherchent les soutiens de Kadhafi. Je me cache dans la ville pilonnée par l'OTAN : la terre tremble, elle s'ouvre, elle balance comme si c'était la mer ». Il y a cette femme, à la fenêtre d'un immeuble, au sixième étage. Il la regarde. Sous le coup des bombes, l'immeuble s'effondre. Le regard de la femme qui tombe…

    « La ville entière est en guerre, les banques sont volées, les magasins pillés, il n'y a plus rien à manger. Plus personne ne connaît personne… On vit une vie, je ne sais comment le dire… On prend des armes pour se défendre. On ne dort jamais, on a peur de mourir bombardés par l'OTAN. Des civils qui n'ont rien à voir avec la guerre sont massacrés, il y a des cadavres dans les maisons, des femmes enceintes sont brûlées vivantes… La Libye est un volcan ».

    La première guerre civile s'achève en octobre 2011. Mais la situation politique reste extrêmement fragile, avec de nombreux combats de rue entre factions rivales. Le grand frère de Yacoub est militaire dans l'armée libyenne depuis 2009 – ce qui lui a permis d'acquérir des papiers dès cette époque. Fin 2014, dans un contexte où la guerre civile a repris entre deux gouvernements rivaux et plusieurs groupes djihadistes, il est accusé de trahison, déserte et entame une vie clandestine avec sa jeune épouse. Yacoub lui apporte à manger secrètement. A son tour, des soldats rebelles le repèrent et découvrent qu'il a lui aussi servi sous les ordres de Kadhafi. Avec ses deux jeunes sœurs de 7 et 9 ans, il rejoint son frère et sa belle-sœur dans leur cachette. « On est là depuis une quinzaine de jours quand on entend du bruit dans la rue, des voitures, des voix qui parlent forts. Mon frère pense que ce sont les voisins, il va voir. J'entends : « On va te tuer ! Dis nous où est ton petit frère ! » »

    Yacoub s'enfuit par une fenêtre avec ses deux sœurs, sa belle-sœur préfère rester sur place. Dans la cour, ils se glissent tous les trois dans des toilettes extérieures – impossible d'aller plus loin, au-delà, c'est la mer. « On entend du bruit, les soldats fouillent. Par la protection de Dieu, ils ne nous voient pas ». Ils restent terrés dans ce réduit, sans nourriture, juste l'eau de la cuvette pour étancher la soif, qu'ils boivent à l'aide du tuyau de la chasse d'eau qui fait office de paille. Trois jours. Et puis « ma petite sœur, elle est malade, elle est morte dans mes bras ». De ce moment, il garde une trace indélébile sur la lèvre inférieure, une dépigmentation qu'il associe à l'eau viciée bue là-bas. Une marque qui le rattache pour toujours à cet instant.

    « Alors il faut qu'on sorte. On sort, il n'y a plus personne. Je pars vers l'hôpital. Je laisse mes deux sœurs, celle qui est morte, celle qui est en vie. Je suis dans un état très grave. Je croise une femme et je lui demande de m'aider, je dois téléphoner. Elle veut me donner 10 dinars pour acheter une carte de téléphone mais je n'ai plus la force de marcher. Elle s'en va. J'ai peur et je me cache plus loin. Elle me retrouve avec une carte mais mon téléphone est déchargé. Finalement quelqu'un me prête son portable et j'appelle un cousin. Il est soulagé d'apprendre que je suis en vie, il m'informe que mon grand frère est en prison, que ma belle-sœur a été violée... »

    Yacoub se réfugie avec trois autres hommes « dans un bâtiment en ruine, tu ne penses même pas qu'il peut y avoir quelqu'un qui vit là tellement il est en ruine ». Un rendez-vous est fixé en pleine nuit, trois jours plus tard, pour embarquer vers l'Europe. « On a peur, on est méfiant, on attend d'être sûr de reconnaître la personne qui vient nous chercher en voiture pour sortir de nos cachettes ».

    Mi-avril. Vers 3 heures du matin, le bateau largue les amarres. 160 personnes à bord. « Le premier jour, je suis vraiment content. Puis la situation devient très tendue : dès le deuxième jour, il n'y a plus rien à manger et bientôt juste l'eau de la mer à boire. Il y a aussi des problèmes de gazoil, de moteur… ». Il y a encore cette femme déchirée qui jette à la mer son nourrisson décédé pour éviter les risques sanitaires sur un bateau surpeuplé.

    Dans ce contexte, des dissensions apparaissent entre les quatre Libyens et les migrants soudanais et érythréens, largement majoritaires et peu enclins à se montrer amènes avec des ressortissants d'un pays qui les a maltraités. « Pour me protéger, je descends dans la soute, c'est très dur, il fait chaud, ça sent l'essence ». Il y rencontre Abdou, un Soudanais, qui lui tend une lame de rasoir – dans ce contexte, un geste salvateur, qui cèlera leur amitié jusqu'en France, car Yacoub peut couper ses longs dreadlocks. Ne plus être reconnu, se fondre dans la foule.

    Le sixième jour, le soir. Des lumières apparaissent au loin. Puis des maisons, des voitures qui circulent. « Et il y a des humains, comme nous. Au bout de la mer, le bateau s'arrête ». Yacoub ne le sait pas mais il est en Italie. Avec les autres migrants, il court, il court sans chaussure – il n'en a plus depuis longtemps –, sans rien dans le ventre depuis cinq jours.

    « Il y a un restaurant, des gens vont à notre rencontre, ils enlèvent leurs chaussures, leur chemise, ils nous donnent leurs vêtements, ils nous nourrissent ». Les Italiens sont prêts à les accueillir. Mais les migrants ont peur de la police, d'être renvoyés en Libye, de revivre tout ça. Dans l'heure qui suit, une soixantaine d'entre eux se rend à la gare toute proche et monte dans le premier train. « Je suis très fatigué, mon corps est comme un cadavre, mais si je meurs autant mourir ici ».

    Encore trois jours d'errance : Yacoub change de train, change et change encore. Ils ne sont plus qu'une petite trentaine de migrants désormais. Et puis c'est la France, « on ne savait même pas qu'on avait passé la frontière ». Sur les indications d'un voyageur, le prochain train sera pour Paris. Une fois arrivé, un Soudanais rencontré à la gare accompagne le groupe jusqu'au campement sous le métro aérien situé à la station La Chapelle. La plupart des compagnons de Yacoub continueront leur route vers l'Angleterre. « Moi je préfère rester ici, je peux enfin me poser un peu ».

    Quelques jours plus tard, le 2 juin, le campement de La Chapelle est évacué. Yacoub est conduit dans un hôtel au Blanc-Mesnil (93). « C'est la première fois depuis longtemps que je peux dormir, vraiment dormir… » Revers de la médaille : il n'y a pas de nourriture. Quelques jours sans manger, ou presque : faute d'une autre solution, le 8 juin, il rejoint avec d'autres la Halle Pajol (Paris 18e), nouveau campement improvisé dans le quartier de La Chapelle, où il espère pouvoir s'alimenter.

    Sandwiches au thon, tomates… : il y a de quoi se sustenter grâce aux dons des habitants du quartier. Mais, à partir de midi, des CRS arrivent en nombre. Vers 16h, les migrants sont expulsés des lieux dans la violence et poussés avec force dans des bus. « Le nôtre tourne un peu dans le quartier, puis nous laisse dans une rue pas loin. On retourne au Blanc-Mesnil où le Secours catholique finit par ravitailler l'hôtel ». Mais déjà les migrants doivent laisser leur place. Un bus est affrété en direction du centre d'accueil et de soins hospitaliers (CASH) de Nanterre (92). « C'est un endroit très sale, j'ai peur de tomber malade ». Les repas sont composés de biscuits – avec du lait à midi.

    11 juin. Yacoub et les autres migrants doivent quitter le centre de Nanterre. Que faire, sinon retourner à La Chapelle ? « Aucun d'entre nous ne connaît le chemin, on s'arrête à chaque station de RER pour voir où on est et ça nous prend la journée ». Leur retour coïncide avec la manifestation qui suit le départ des migrants du Bois-Dormoy (Paris 18e), où ces derniers avaient élu domicile quelques jours, et l'occupation de la caserne des pompiers désaffectée de Château Landon (Paris 10e), là encore réprimée par les CRS.

    Il faut trouver un endroit où dormir. Ce sera la première nuit passée au jardin d'Eole (Paris 18e). En quelques jours, le campement s'organise avec le soutien d'habitants du quartier et de militants. « Enfin, un lieu où on mange bien ». Une scène toute simple ravive le souvenir de sa vie d'avant : le 18 juin, lors de la rupture du jeûne du premier jour du ramadan (qu'il a décidé de ne pas faire cette année compte tenu de sa situation), des migrants assis en cercle par terre partagent un plat de nourriture. « Depuis que je suis né, c'est comme ça que j'ai mangé. Depuis 2011, j'avais perdu cette image, je me sens vraiment ému ».

    Le lendemain, vendredi 19 juin, environ deux cents places d'hébergement à Paris et en banlieue sont « proposées » par l'OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) et des associations du secteur, comme Emmaüs Solidarité. Les migrants sont encerclés par la police. Pas le choix, pas le temps de réfléchir. Yacoub est emmené en bus dans un centre proche de la Place d'Italie. « On est seize par chambre, il n'y a rien à manger avant 20h et je n'ai pris aucune nourriture depuis la veille, je préfère m'enfuir ».

    Retour à la case départ. Après quelques nuits précaires, un campement se forme de nouveau sur la halle Pajol. Yacoub y dort parfois. Mais certains soirs, il est désormais hébergé par un ami soudanais d'Abdou, à quatre stations de métro de La Chapelle. Il préfère cette solution à celles proposées par les pouvoirs publics. Il n'est monté dans aucun bus, le 9 juillet, lors de l'opération – menée sur le modèle de celle du jardin d'Eole quelques semaines plus tôt mais sans menace policière, cette fois – proposant 200 places d'hébergement nouvelles.

    « Je suis le premier de ma famille à avoir mis les pieds en Europe. Est-ce que c'est une bonne chose pour moi ? Ce que je vois, c'est que ma situation est toujours très difficile. Parfois je regrette d'être venu ici. Parfois je regrette de ne pas être mort en Libye. Une chose est sûre : si je rentre dans mon pays, c'est la mort qui m'attend ». Deux jours plus tôt, le 12 juillet, Yacoub a appris celle de son grand frère en prison, sans doute sous la torture.

    Post-scriptum

    Yacoub souhaite solliciter le statut de réfugié en France. Il a fait une demande de domiciliation auprès de France Terre d'Asile, préalable à toute demande d'asile, mais les délais pour obtenir un rendez-vous sont de plusieurs semaines. En attendant, il apprend l'italien avec Annalisa, une bénévole d'origine italienne qui vient presque tous les jours au campement. « La Libye est une ancienne colonie italienne et l'Italie y est encore très présente – par exemple, l'arabe libyen a intégré beaucoup de mots italiens, j'aime cette langue ». Amazigh, arabe, anglais, français et bientôt italien : maîtriser cinq langues, est-c'est suffisant pour un nouveau départ ? « Pour l'instant, c'est trop compliqué pour moi de faire des projets, je n'ai rien décidé de ce que je ferai ensuite ».

    Portraits de Pajol, par Caroline Sédrati-Dinet

  • Révolution numérique… et révolution érotique !

     

    Publié le 23 juin 2015 dans Technologies

    Par Cyrille Bret.

    Robot Love credits FatcatsimageLLC via Flickr ( (CC BY-NC-ND 2.0) )

     

    La révolution numérique est désormais partout, au travail et en vacances, dans les soirées entre amis et dans les familles, pour le shopping et les déclarations d’impôts. Et s’il est un domaine qu’elle a profondément bouleversé, c’est bien celui de notre vie érotique, au sens large : sentiments, pulsions, affections et affinités. Le compagnonnage de l’amour et de la philosophie – amour de la sagesse – exige de questionner le bouleversement des catégories de l’amour.

    Les sites de rencontre ont assurément donné un nouvel élan à nos quêtes amoureuses, à nos recherches matrimoniales et, bien sûr, à nos vagabondages sexuels. Avec leurs batteries de critères et leurs tourbillons de photographies, avec leurs boutons like et leurs outils de géolocalisation, Meetic, Happn, Tinder, Grindr ou encore Gleeden ont ouvert à nos désirs un champ à leur mesure : infini. La dynamique insatiable et nomade du désir, bien mise en évidence par Platon, Saint-Augustin ou encore Pascal, ne trouve-t-elle pas ici un terrain de jeu inépuisable ? Les startupers de l’amour n’ont-ils pas réalisé ce que les philosophes entrevoyaient à peine : le bonheur des sens et la félicité des sentiments ?

    Dans ce domaine, la disruption numérique paraît évidente : le numérique a fait disparaître l’antique métier de la marieuse et a marginalisé la vénérable institution des agences matrimoniales ou des petites annonces. Tout paraît au mieux dans le royaume de l’amour digital : le tragique des amours impossibles est aboli, la misère sexuelle appartient à un âge révolu et la solitude n’est plus jamais subie.

    Toutefois, l’amour au temps du numérique n’est peut-être pas aussi radicalement révolutionnaire et émancipé qu’il y paraît : de vieux démons amoureux et philosophiques réapparaissent en effet sous de nouvelles formes. La liberté et la félicité ne règnent pas nécessairement sur le royaume de l’amour numérique.
    L’humanité entre-t-elle réellement dans un nouvel âge de l’amour, celui du désir libre et de l’amour heureux ?

    La fin des amours tragiques Platon, smartphone en main

    De prime abord, les outils de l’amour numérique semblent supprimer le tragique de nos vies personnelles.
    Les impasses du désir amoureux sont mises en scène par Platon dans Le banquet. Pourquoi le désir est-il si puissant, si universel et souvent si malheureux ? Pour répondre, un des personnages de Platon, Aristophane, propose une allégorie philosophique. Dans les premiers temps, les êtres humains étaient complets. Androgynes, ils étaient dotés de quatre jambes, de quatre bras, de deux têtes et de deux sexes. Ils étaient heureux parce qu’autosuffisants. Leurs désirs étaient assouvis par eux-mêmes. Le vide du désir leur était inconnu. Ivres de leur félicité autarcique, ils défièrent les dieux et en furent punis de la façon la plus cruelle : les Olympiens les découpèrent en deux et les dispersèrent. La nouvelle condition humaine fut régie par les affres du désir : à la recherche éperdue de leur autre moitié, les êtres humains commencèrent à traquer le bonheur d’être complets.

    Ils chercheraient encore sans Internet…

    Mais voilà qu’entrent en scène les sites de rencontre : recrutant la multitude et démultipliant les campagnes de communication, ils offrent à chaque humain incomplet un immense terrain de recherche. La disproportion entre la finitude de la connaissance individuelle et l’infini des désirs amoureux est désormais abolie, par un usage intensif des sites et par une succession d’essais et d’erreurs, l’humain peut trouver son âme sœur et son corps manquant.

    Le tragique de la séparation originelle est désormais en voie de réduction. Ni la souffrance des Androgynes, ni le décalage entre Saint-Preux et Julie dans La nouvelle Héloïse de Rousseau ne sont désormais possibles : la félicité par la libération des désirs est à portée d’écran tactile. La misère sexuelle et la solitude subie sont elles aussi en recul : tout est affaire d’activité sur Internet.

    Armé d’un smartphone et d’une bonne appli, Platon pourrait proclamer les désirs humains à l’abri du malheur.

    L’amour au temps du numérique : le grand retour de la raison ?

    Certains aspects de l’amour au temps du numérique ne laissent pourtant pas d’intriguer le philosophe. Au premier chef le culte du soi et de la rationalité économique. Dans L’amour au temps du choléra, Gabriel Garcia Marquez met en scène l’indéfectible amour de Florentino, poète maudit, pour Fermina. L’ambitieuse jeune fille finit par préférer le riche Juvenal au dévouement inconditionnel de son adorateur. Médecin promis à une belle carrière politique, Juvénal satisfait les aspirations sociales de la belle. L’amour passionné jusqu’au sacrifice est éclipsé par les solides vertus du mariage de raison. Ce thème bien connu fleure le 19ème siècle, ses tabous bourgeois et ses unions planifiées. L’amour passion est éclipsé par le choix de raison, fondé sur des critères bien solides. Après plusieurs décennies de libération sexuelle, d’émancipation sentimentale et d’individualisation des choix, l’amour au temps du numérique ne propulse-t-il pas les choix rationnels et économiques sur le devant de la scène ?

    Choisir, c’est éliminer selon la belle maxime rousseauiste. Si le foisonnement des sites donne le vertige de possibilités infinies, les critères de recherche engagent le sujet désirant dans un processus de hiérarchisation, de sélection et, finalement d’appariement. Le désir est conscientisé, rationalisé et verbalisé. L’inconscient des pulsions est encadré pour que le match soit parfait. L’imprévu et l’inconnu de l’altérité sont réduits. L’amour non planifié (celui de Swann pour Odette dans La recherche de Proust) devient presque impossible.

    L’acteur de ces limitations du désir et le responsable de cette canalisation des souhaits n’est personne d’autre que le sujet désirant lui-même. Il calcule les chances de succès et les probabilités de compatibilité, soupèse les coûts de la recherche et les bénéfices de la conclusion. On peut même s’interroger si, dans le choix de tel ou tel site, dans l’élaboration et dans la réélaboration d’un ensemble de critères, la fermeture à l’autre ne s’exprime pas sous la forme la plus classique qui soit, le narcissisme.

    L’amour propre des moralistes du 17ème siècle réduit autrui à un instrument du culte du moi. Être ami avec telle célébrité, avoir conquis telle beauté ne sont pas des ouvertures à l’autre. Les autres ne sont que des ornements du moi et des tributs à son amour-propre. Additionner les like et varier les critères de recherche reconduit le sujet désirant à lui-même, à ses fantasmes et à la conscience qu’il a de lui-même. Sortir de soi devient bien difficile.
    L’amoureux digital ne serait-il épris que de lui-même ?

    Les nouveaux jeux de l’amour et du hasard

    La révolution numérique est incontestablement disruptive dans le domaine amoureux : les corps et les imaginaires sont libérés des tabous traditionnels ; la recherche de partenaires est affranchie des limites de l’ignorance constitutive de la condition humaine pré-numérique. Mais les limites de la révolution érotique se font elles aussi sentir : le sujet désirant se fait rapidement agent économique ; le moi assoiffé d’amour se transforme aisément en Narcisse confortablement installé dans la multiplication de relations virtuelles.
    Face au retour de la raison contre l’amour passion, contre les risques de déréalisation de l’autre et à rebours du culte du moi, certaines stratégies numériques insèrent de l’incertitude. Masquer les photographies et organiser des blind dates comme le site Smeeters ; organiser du chaos dans les relations en subvertissant les frontières entre réseaux sociaux amicaux, professionnels et érotiques, telles sont les tactiques numériques aujourd’hui à l’œuvre.
    La nouvelle carte du tendre, numérisée et interactive, ne conduit pas nécessairement l’humanité de l’âge de la frustration à l’ère du bonheur. Mais elle démultiplie les champs pour de nouveaux jeux de l’amour et du hasard.

  • Affaire Ulcan

    Privilège communautaire dans l’affaire Ulcan

    Robert Faurisson et Alain Soral ne figurent pas dans la liste officielle des victimes...

     
         

     

    Ulcan est-il de retour ? Denis Sieffert, Pierre Haski et Daniel Schneidermann ont vu débarquer chez eux, entre mardi et jeudi, une armada de policiers alertée par les appels téléphoniques du hacker sioniste. L’affaire, largement relayée et commentée par les médias, fait silence sur les précédentes agressions concernant les familles d’Alain Soral et Robert Faurisson. Une question d’appartenance communautaire ?

    Le Monde, Mediapart, L’Express, Les Échos… autant de rédactions nationales qui, parmi bien d’autres, n’ont cessé de relayer sur la toile les mésaventures des trois dernières victimes de canulars téléphoniques attribués à Ulcan, le cybercriminel sioniste. Dans la nuit de mercredi à jeudi dernier, Denis Sieffert, directeur de la publication de Politis, avait en effet été réveillé par la police et les locaux de son journal avaient été dévastés par l’intervention d’un autre groupe armé de la police. Dans le même temps, Pierre Haski, cofondateur du pure-player Rue 89, avait vu débarquer chez lui le SAMU, les pompiers et la police ; contrôle nocturne instillé par un canular similaire. Une agression groupée puisque la veille, le fondateur d’Arrêt sur images, Daniel Schneidermann, avait lui aussi été victime du même procédé.

    Après avoir offert une tribune aux trois journalistes, les médias semblaient avoir enfin pris le dossier Ulcan à bras le corps en dressant une liste malheureusement non-exhaustive des victimes du hacker franco-israélien. Ont été évoqués tour à tour les noms de Pierre Stambul, membre du bureau national de l’Union juive française pour la paix (UJFP), Stéphane Richard, PDG d’Orange, Jean-Claude Lefort, ex-président de l’association France-Palestine Solidarité, ou encore du journaliste de Rue 89, Benoit Le Corre, première victime réellement médiatisée (dont le père était décédé d’une attaque au cœur suite à un canular d’Ulcan). Pour autant, aucune mention n’a été faite des agressions téléphoniques subies par Hicham Hamza, fondateur du média indépendant Panamza, en février 2015, par Robert Faurisson en août 2014 ou par la famille d’Alain Soral en septembre 2014. Oubli involontaire ? Pas si sûr.

    Et pour cause, les dernières victimes du hacker font partie intégrante du système médiatique français et jouissent du suprême privilège d’être membres de la communauté qui y est la mieux représentée. Dès lors, leurs timides prises de positions pro-palestiniennes n’auront pas entamé l’engouement affiché de la caste médiatique à s’épancher sur les déboires de leurs confrères.

    Nommée « swatting », la technique de harcèlement téléphonique rappelle précisément le mode opératoire du hacker franco-israélien Grégory Chelli, alias « Ulcan », tristement célèbre pour ses agressions verbales malsaines auxquelles il a dédié un site web crée en 2011 (violvocal) et dont se gargarise un petit groupe de fanatiques.

    Réfugié à Ashdod (Israël), Ulcan jouit pour le moment d’une impunité effrayante, malgré les nombreuses plaintes déposées à son encontre. En l’absence de traité d’extradition entre la France et Israël, seule une prise en main virile et concertée du dossier dans les deux pays pourrait inquiéter le hacker. « Il est grand temps que le ministère de l’Intérieur s’exprime sur ces affaires », s’est d’ailleurs insurgé récemment Denis Sieffert dans les colonnes du journal Le Monde. Et le directeur de Politis de pointer du doigt « des complicités qui apparaissent de plus en plus évidentes ». Alors qu’Ulcan, ancien membre de la LDJ condamné en 2009 à quatre mois de prison avec sursis, sévit depuis déjà plusieurs années, le ministre de l’Intérieur a soudainement prêté une oreille attentive à ses dernières victimes. Bernard Cazeneuve recevra dans son bureau les trois journalistes dès mardi prochain. Aux dernières nouvelles, il semblerait que Robert Faurisson et la famille d’Alain Soral n’aient pas été conviés.

  • Maroc : le nouveau visage de l’esclavagisme

     

    Publié le 25 juin 2015 dans Afrique

    Une forme de traite humaine perdurant dans ce pays demeuré très inégalitaire, et qui touche la majorité des pauvres. Comment en est-on arrivés là ? Et comment s’en sortir ?

    Par Hicham El Moussaoui et Siham Mengad.

    Maroc - De dos d'âne - Nwardez (CC BY-NC-SA 2.0)

    Maroc – De dos d’âne – Nwardez (CC BY-NC-SA 2.0)

    Selon le « collectif pour l’éradication du travail des petites bonnes », entre 60 000 et 80 000 fillettes de 8 à 15 ans sont exploitées comme domestiques au MarocUne forme de traite humaine perdurantdans ce pays demeuré très inégalitaire, et qui touche la majorité des pauvres. Comment en est-onarrivés  ? Et comment s’en sortir ?

    Appréhender un tel phénomène n’est pas chose aiséemais l’on peut structurer les principauxdéterminants autour de deux aspects : l’offre et la demande du travail domestique. Du côté de l’offre, le chômage (9,9% en 2014) et son corollaire la pauvreté (15% en 2014), conduisent les parents àdevenir incapables de subvenir aux besoins de base de leurs enfantsce qui les contraint à donnerleurs petites filles à des familles plus aisées afind’une part, de se décharger du fardeau de subvenirà leurs besoins, et d’autre part, avoir un revenu supplémentairequoique modeste, pour être capabled’assumer la charge des autres enfantsDans les familles nombreuses, les parents en position defaiblesse n’ont pas vraiment les moyens de négocier des conditions dignes pour l’accueil de leursfillesce qui explique aussi que les familles d’accueil ont tendance à abuser de leur pouvoirsurtoutdevant le silence des petites fillesCelles-ci deviennent en quelque sorte le bouc émissaire del’incapacité des parents à assumer leurs responsabilités. La rareté des opportunités d’emplois etd’activités génératrices de revenus, rend inéluctable le travail des petites filles dans les villes.L’endettement des parents les pousse à donner leurs filles sans se préoccuper de leurs conditions de travail.

    Par ailleurs, l’analphabétisme des petites filles (53% des analphabètes) résultant de leur exclusion de la scolarisation, limite leur horizon en termes d’opportunités, facilitant ainsi  le travail au foyer des autres. La division sexuelle du travail (hommes à l’extérieur/femmes à l’intérieur), enracinée encore dans la société marocaine, justifie encore pour beaucoup cette situation, la cuisine étant considérée comme le lieu « normal » pour la gente féminine. Et ce n’est pas le chef du gouvernement marocain, M. Benkirane, qui dira le contraire.

    Cette culture résultant de l’ignorance des familles a « normalisé » le travail de la « fille mineure ». Elle a permis même, vu le contexte de rareté, de la considérer  comme une source légitime de revenu complémentaire. Certains parents y voient même une chance pour leurs petites filles car elles vont être sauvées de la misère et cela leur ouvrira d’autres portes, notamment celles du mariage. Le statut inférieur des jeunes filles, dans un pan important de la société marocaine, accentue leur vulnérabilité et les rend sujettes à tous les « débordements » et à tous les handicaps sociaux (déscolarisation, exploitation).

    Du côté de la demande, si aujourd’hui les petites filles de parents pauvres sont sollicitées c’est parce que le mode de vie des Marocains a évolué. Ainsi, le taux d’urbanisation est passé à 60%, ce qui implique un changement dans la division du travail entre les hommes et les femmes. Ces dernières se retrouvent de plus en plus à travailler hors foyer et n’ont plus suffisamment de temps pour assurer certaines tâches ménagères.  La demande de bonnes s’est accrue pour satisfaire le besoin croissant des femmes d’avoir un «substitut» domestique permettant à un plus grand nombre d’entre elles d’accéder au marché du travail, mais aussi de permettre à d’autres filles de poursuivre tranquillement leurs études. Un besoin qui a été amplifié par l’absence d’horaires aménagés pour qu’elles puissent assurer quelques tâches domestiques, mais aussi par la rareté des crèches, le déficit dans des services aussi comme le transport scolaire. Autrement dit, la femme marocaine n’est pas du tout aidée logistiquement parlant, d’autant qu’elle n’a pas toujours les moyens d’acquérir les équipements électroménagers lui permettant de gagner en temps et en énergie.

    Si les facteurs susvisés expliquent les raisons d’être du travail des petites bonnes, c’est le vide juridique qui permet à des familles de les exploiter. L’absence de contrat explicite entre les parents et la famille d’accueil ouvre la porte à tous les abus et fragilise la position des petites filles, qui deviennent soumises au bon vouloir et parfois aux pires sévices de leurs employeur(e)s. Aussi, l’absence de définition de la traite des personnes en droit interne ne peut permettre de sanctionner ces abus et encourage l’impunité. Le manque de protection juridique des petites filles qui subissent cette exploitation les dissuadent de révéler les sévices qu’elles subissent. D’où la nécessité, de mettre en place une loi spécifique définissant la traite des personnes, car le code du travail marocain laisse en dehors de son champ d’application le travail domestique dont les conditions d’emploi et de travail doivent être fixées par une loi spécifique (article 4). Après la publication du code de travail, la loi ad hoc prévue par le code n’a jamais vu le jour, alors que des agences de placement du personnel de maison commencent à  s’installer au Maroc en l’absence de réglementation de la profession. De même, le code ne régit pas le travail informel qui constitue avec le travail à domicile le domaines privilégié du travail des mineurs, notamment les filles pour le travail à domicile et les garçons dans les ateliers. Il est nécessaire qu’une loi interdise le travail des mineurs. Elle doit être accompagnée bien évidemment d’un grand travail de sensibilisation de tous les maillons de la chaine judiciaire et toutes les parties prenantes afin de la rendre effective.

    Parallèlement à cette loi, il est bien évidemment incontournable de traiter les facteurs qui favorisent l’offre et la demande du travail des petites bonnes. La scolarisation des filles est incontournable pour leur offrir des perspectives d’emploi plus intéressantes que les tâches ménagères. La lutte contre la pauvreté dans le monde rural est une nécessité pour permettre aux parents de subvenir aux besoins de leurs enfants. De même, fournir aux femmes qui travaillent la logistique et les prestations sociales leur permettant de concilier leur vie professionnelle avec leur vue personnelle, est une nécessité. Enfin, pour un suivi efficace et un ajustement des mesures à prendre, un observatoire de ce phénomène est incontournable.

    Somme toute, le travail domestique n’est pas à combattre en tant que tel, mais c’est contre le travail domestique assuré par des filles mineures et toutes les formes d’exploitation qu’elles subissent, qu’il faudrait lutter.

    Hicham El Moussaoui

  • Heureusement, en France, le port d’arme est toujours interdit.

     

    Publié le 24 juin 2015 dans Édito

    Jeudi 18 juin, une fusillade éclate dans le quartier du square Abbé-Maillet à Meudon. Les tireurs ont pris la fuite sans faire de blessé, ni être inquiétés, mais la situation est tout de même un peu tendue puisque cela fait plusieurs jours que de telles rixes se déroulent entre Clamart et Meudon. Ces petites entorses au vivre-ensemble encouragent les élus des deux communes à se rencontrer pour en discuter. C’est important, le dialogue.

    apathie - peut-être que si on ne s'occupe pas des citoyens, ils arrêteront de nous emmerder ?

    Vendredi 19 juin, au sud de Toulouse, une fusillade éclate au niveau du péage de Palays, là où les policiers du service régional de la police judiciaire de Montpellier et Toulouse (SRPJ) attendaient un go-fast. Deux hommes ont été interpellés et 90 kilos de pâte à modeler ah non de résine de cannabis ont été saisis. Il n’y a heureusement pas eu de blessés dans la fusillade. Saluons la maréchaussée qui, pour une fois, était sur place avant les échanges de coups de feu et qui aura effectivement interpellé des individus. Manifestement, les excès de vitesse, ça motive plus que les deals en quartiers chauds.

    distributeur de tickets d'attenteDans la nuit du vendredi 19 au samedi 20 juin, un homme de 28 ans a succombé à trois blessures par balles d’un tireur isolé aux Bleuets, une cité bucolique des quartiers nord de Marseille, ces quartiers qu’on dit émotifssensibles. Écartant l’hypothèse hardie d’un différent scientifique pour déterminer qui, de Leibniz ou de Newton, avait inventé le calcul infinitésimal le premier, la police se risque plutôt à imaginer un bête règlement de comptes sur fond de drogue, en attendant d’avoir quelques précisions suite à l’enquête qui a pris un ticket comme les fois précédentes et attend avec les 50 autres en salle de pause en fumant une clope (légale).

    Samedi 20 juin au soir, un jeune homme de 19 ans a été abattu à Grenoble. Deux jours plus tôt, deux autres fusillades avaient éclaté dans le centre de la ville, heureusement sans faire de victime. Là encore, des soupçons tendraient à faire penser que tout ceci serait probablement lié à des histoires de substances qui font rire (les substances, pas les histoires), que les fusillades en question auraient comme qui dirait un rapport avec des règlements de comptes (et toujours aucun lien avec des équivoques philosophiques, c’en est presque dommage).

    Notons tout de même que les habitants des quartiers concernés sont un chouilla remontés contre l’équipe municipale dont tout indique qu’il s’agit d’une fière brochette d’élus compétents et impliqués comme en témoigne l’intéressante vidéo suivante :



    … Intéressante vidéo où l’on découvre donc que tout le monde, à Grenoble, connaît assez bien la situation, les principaux fautifs, et les différentes planques d’armes et de drogue. Où l’on découvre aussi que des pétitions et des lettres ont été envoyées, à plusieurs reprises, aux équipes municipales, qui n’ont jusqu’à présent pas démontré ni s’intéresser au problème, ni avoir tenté de résoudre au moins ce qui était directement et explicitement pointé du doigt. L’existence de ces pétitions et de ces courriers papiers tendrait à faire croire hardiment que la situation dure depuis un certain moment, surtout en factorisant la vitesse légendaire des service postaux français.

    Et dans ce contexte, à force, l’immobilisme et l’incompétence ont cette fâcheuse tendance à rendre les victimes particulièrement agressives lorsqu’elles tiennent un responsable de leur situation sous la main. La réaction du maire à la suite de la violente apostrophe lancée à son encontre, toute en paroles ouatées loin de la réalité et de l’action, en parfait décalage avec ce qui lui est demandé, laisse malheureusement supposer que cette douloureuse situation va perdurer un petit moment encore…

    Décidément, cela ressemble tant à cette autre semaine que je décrivais il y a tout juste deux mois.

    Et il y a deux mois, je me refusais d’être bêtement taquin et de remarquer qu’en quelques jours, on recensait tout de même pas mal de fusillades, de morts et de blessés. Tout comme, il y a deux mois, je n’allais pas non plus jusqu’à relever les poignants articles de la presse fustigeant l’inaction américaine face à son « problème avec les armes », presse qui oublie dans le même temps ces petits débordements français maintenant quasi-quotidiens. Franchement, la taquinerie, ce n’est pas mon genre.

    Je ne terminerais donc pas ce billet en notant, exactement comme il y a deux mois, que la guerre contre la drogue, en France, n’a jamais marché et que l’interdiction de port d’arme ne sert, concrètement, à rien puisqu’elle n’a en rien dissuadé ces innocentes fusillades d’apaisement (ni celles du 7 janvier, au passage).

    Non, tout ça, je ne le dirais pas puisque ça ne sert à rien. Je me contenterais de noter seulement que tout ceci confirme décidément ce petit sentiment d’insécurité qui s’empare des Français, notamment les honnêtes, qui payent taxes et impôts locaux.
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