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Societe - Page 8

  • Affaire Ulcan

    Privilège communautaire dans l’affaire Ulcan

    Robert Faurisson et Alain Soral ne figurent pas dans la liste officielle des victimes...

     
         

     

    Ulcan est-il de retour ? Denis Sieffert, Pierre Haski et Daniel Schneidermann ont vu débarquer chez eux, entre mardi et jeudi, une armada de policiers alertée par les appels téléphoniques du hacker sioniste. L’affaire, largement relayée et commentée par les médias, fait silence sur les précédentes agressions concernant les familles d’Alain Soral et Robert Faurisson. Une question d’appartenance communautaire ?

    Le Monde, Mediapart, L’Express, Les Échos… autant de rédactions nationales qui, parmi bien d’autres, n’ont cessé de relayer sur la toile les mésaventures des trois dernières victimes de canulars téléphoniques attribués à Ulcan, le cybercriminel sioniste. Dans la nuit de mercredi à jeudi dernier, Denis Sieffert, directeur de la publication de Politis, avait en effet été réveillé par la police et les locaux de son journal avaient été dévastés par l’intervention d’un autre groupe armé de la police. Dans le même temps, Pierre Haski, cofondateur du pure-player Rue 89, avait vu débarquer chez lui le SAMU, les pompiers et la police ; contrôle nocturne instillé par un canular similaire. Une agression groupée puisque la veille, le fondateur d’Arrêt sur images, Daniel Schneidermann, avait lui aussi été victime du même procédé.

    Après avoir offert une tribune aux trois journalistes, les médias semblaient avoir enfin pris le dossier Ulcan à bras le corps en dressant une liste malheureusement non-exhaustive des victimes du hacker franco-israélien. Ont été évoqués tour à tour les noms de Pierre Stambul, membre du bureau national de l’Union juive française pour la paix (UJFP), Stéphane Richard, PDG d’Orange, Jean-Claude Lefort, ex-président de l’association France-Palestine Solidarité, ou encore du journaliste de Rue 89, Benoit Le Corre, première victime réellement médiatisée (dont le père était décédé d’une attaque au cœur suite à un canular d’Ulcan). Pour autant, aucune mention n’a été faite des agressions téléphoniques subies par Hicham Hamza, fondateur du média indépendant Panamza, en février 2015, par Robert Faurisson en août 2014 ou par la famille d’Alain Soral en septembre 2014. Oubli involontaire ? Pas si sûr.

    Et pour cause, les dernières victimes du hacker font partie intégrante du système médiatique français et jouissent du suprême privilège d’être membres de la communauté qui y est la mieux représentée. Dès lors, leurs timides prises de positions pro-palestiniennes n’auront pas entamé l’engouement affiché de la caste médiatique à s’épancher sur les déboires de leurs confrères.

    Nommée « swatting », la technique de harcèlement téléphonique rappelle précisément le mode opératoire du hacker franco-israélien Grégory Chelli, alias « Ulcan », tristement célèbre pour ses agressions verbales malsaines auxquelles il a dédié un site web crée en 2011 (violvocal) et dont se gargarise un petit groupe de fanatiques.

    Réfugié à Ashdod (Israël), Ulcan jouit pour le moment d’une impunité effrayante, malgré les nombreuses plaintes déposées à son encontre. En l’absence de traité d’extradition entre la France et Israël, seule une prise en main virile et concertée du dossier dans les deux pays pourrait inquiéter le hacker. « Il est grand temps que le ministère de l’Intérieur s’exprime sur ces affaires », s’est d’ailleurs insurgé récemment Denis Sieffert dans les colonnes du journal Le Monde. Et le directeur de Politis de pointer du doigt « des complicités qui apparaissent de plus en plus évidentes ». Alors qu’Ulcan, ancien membre de la LDJ condamné en 2009 à quatre mois de prison avec sursis, sévit depuis déjà plusieurs années, le ministre de l’Intérieur a soudainement prêté une oreille attentive à ses dernières victimes. Bernard Cazeneuve recevra dans son bureau les trois journalistes dès mardi prochain. Aux dernières nouvelles, il semblerait que Robert Faurisson et la famille d’Alain Soral n’aient pas été conviés.

  • Maroc : le nouveau visage de l’esclavagisme

     

    Publié le 25 juin 2015 dans Afrique

    Une forme de traite humaine perdurant dans ce pays demeuré très inégalitaire, et qui touche la majorité des pauvres. Comment en est-on arrivés là ? Et comment s’en sortir ?

    Par Hicham El Moussaoui et Siham Mengad.

    Maroc - De dos d'âne - Nwardez (CC BY-NC-SA 2.0)

    Maroc – De dos d’âne – Nwardez (CC BY-NC-SA 2.0)

    Selon le « collectif pour l’éradication du travail des petites bonnes », entre 60 000 et 80 000 fillettes de 8 à 15 ans sont exploitées comme domestiques au MarocUne forme de traite humaine perdurantdans ce pays demeuré très inégalitaire, et qui touche la majorité des pauvres. Comment en est-onarrivés  ? Et comment s’en sortir ?

    Appréhender un tel phénomène n’est pas chose aiséemais l’on peut structurer les principauxdéterminants autour de deux aspects : l’offre et la demande du travail domestique. Du côté de l’offre, le chômage (9,9% en 2014) et son corollaire la pauvreté (15% en 2014), conduisent les parents àdevenir incapables de subvenir aux besoins de base de leurs enfantsce qui les contraint à donnerleurs petites filles à des familles plus aisées afind’une part, de se décharger du fardeau de subvenirà leurs besoins, et d’autre part, avoir un revenu supplémentairequoique modeste, pour être capabled’assumer la charge des autres enfantsDans les familles nombreuses, les parents en position defaiblesse n’ont pas vraiment les moyens de négocier des conditions dignes pour l’accueil de leursfillesce qui explique aussi que les familles d’accueil ont tendance à abuser de leur pouvoirsurtoutdevant le silence des petites fillesCelles-ci deviennent en quelque sorte le bouc émissaire del’incapacité des parents à assumer leurs responsabilités. La rareté des opportunités d’emplois etd’activités génératrices de revenus, rend inéluctable le travail des petites filles dans les villes.L’endettement des parents les pousse à donner leurs filles sans se préoccuper de leurs conditions de travail.

    Par ailleurs, l’analphabétisme des petites filles (53% des analphabètes) résultant de leur exclusion de la scolarisation, limite leur horizon en termes d’opportunités, facilitant ainsi  le travail au foyer des autres. La division sexuelle du travail (hommes à l’extérieur/femmes à l’intérieur), enracinée encore dans la société marocaine, justifie encore pour beaucoup cette situation, la cuisine étant considérée comme le lieu « normal » pour la gente féminine. Et ce n’est pas le chef du gouvernement marocain, M. Benkirane, qui dira le contraire.

    Cette culture résultant de l’ignorance des familles a « normalisé » le travail de la « fille mineure ». Elle a permis même, vu le contexte de rareté, de la considérer  comme une source légitime de revenu complémentaire. Certains parents y voient même une chance pour leurs petites filles car elles vont être sauvées de la misère et cela leur ouvrira d’autres portes, notamment celles du mariage. Le statut inférieur des jeunes filles, dans un pan important de la société marocaine, accentue leur vulnérabilité et les rend sujettes à tous les « débordements » et à tous les handicaps sociaux (déscolarisation, exploitation).

    Du côté de la demande, si aujourd’hui les petites filles de parents pauvres sont sollicitées c’est parce que le mode de vie des Marocains a évolué. Ainsi, le taux d’urbanisation est passé à 60%, ce qui implique un changement dans la division du travail entre les hommes et les femmes. Ces dernières se retrouvent de plus en plus à travailler hors foyer et n’ont plus suffisamment de temps pour assurer certaines tâches ménagères.  La demande de bonnes s’est accrue pour satisfaire le besoin croissant des femmes d’avoir un «substitut» domestique permettant à un plus grand nombre d’entre elles d’accéder au marché du travail, mais aussi de permettre à d’autres filles de poursuivre tranquillement leurs études. Un besoin qui a été amplifié par l’absence d’horaires aménagés pour qu’elles puissent assurer quelques tâches domestiques, mais aussi par la rareté des crèches, le déficit dans des services aussi comme le transport scolaire. Autrement dit, la femme marocaine n’est pas du tout aidée logistiquement parlant, d’autant qu’elle n’a pas toujours les moyens d’acquérir les équipements électroménagers lui permettant de gagner en temps et en énergie.

    Si les facteurs susvisés expliquent les raisons d’être du travail des petites bonnes, c’est le vide juridique qui permet à des familles de les exploiter. L’absence de contrat explicite entre les parents et la famille d’accueil ouvre la porte à tous les abus et fragilise la position des petites filles, qui deviennent soumises au bon vouloir et parfois aux pires sévices de leurs employeur(e)s. Aussi, l’absence de définition de la traite des personnes en droit interne ne peut permettre de sanctionner ces abus et encourage l’impunité. Le manque de protection juridique des petites filles qui subissent cette exploitation les dissuadent de révéler les sévices qu’elles subissent. D’où la nécessité, de mettre en place une loi spécifique définissant la traite des personnes, car le code du travail marocain laisse en dehors de son champ d’application le travail domestique dont les conditions d’emploi et de travail doivent être fixées par une loi spécifique (article 4). Après la publication du code de travail, la loi ad hoc prévue par le code n’a jamais vu le jour, alors que des agences de placement du personnel de maison commencent à  s’installer au Maroc en l’absence de réglementation de la profession. De même, le code ne régit pas le travail informel qui constitue avec le travail à domicile le domaines privilégié du travail des mineurs, notamment les filles pour le travail à domicile et les garçons dans les ateliers. Il est nécessaire qu’une loi interdise le travail des mineurs. Elle doit être accompagnée bien évidemment d’un grand travail de sensibilisation de tous les maillons de la chaine judiciaire et toutes les parties prenantes afin de la rendre effective.

    Parallèlement à cette loi, il est bien évidemment incontournable de traiter les facteurs qui favorisent l’offre et la demande du travail des petites bonnes. La scolarisation des filles est incontournable pour leur offrir des perspectives d’emploi plus intéressantes que les tâches ménagères. La lutte contre la pauvreté dans le monde rural est une nécessité pour permettre aux parents de subvenir aux besoins de leurs enfants. De même, fournir aux femmes qui travaillent la logistique et les prestations sociales leur permettant de concilier leur vie professionnelle avec leur vue personnelle, est une nécessité. Enfin, pour un suivi efficace et un ajustement des mesures à prendre, un observatoire de ce phénomène est incontournable.

    Somme toute, le travail domestique n’est pas à combattre en tant que tel, mais c’est contre le travail domestique assuré par des filles mineures et toutes les formes d’exploitation qu’elles subissent, qu’il faudrait lutter.

    Hicham El Moussaoui

  • Heureusement, en France, le port d’arme est toujours interdit.

     

    Publié le 24 juin 2015 dans Édito

    Jeudi 18 juin, une fusillade éclate dans le quartier du square Abbé-Maillet à Meudon. Les tireurs ont pris la fuite sans faire de blessé, ni être inquiétés, mais la situation est tout de même un peu tendue puisque cela fait plusieurs jours que de telles rixes se déroulent entre Clamart et Meudon. Ces petites entorses au vivre-ensemble encouragent les élus des deux communes à se rencontrer pour en discuter. C’est important, le dialogue.

    apathie - peut-être que si on ne s'occupe pas des citoyens, ils arrêteront de nous emmerder ?

    Vendredi 19 juin, au sud de Toulouse, une fusillade éclate au niveau du péage de Palays, là où les policiers du service régional de la police judiciaire de Montpellier et Toulouse (SRPJ) attendaient un go-fast. Deux hommes ont été interpellés et 90 kilos de pâte à modeler ah non de résine de cannabis ont été saisis. Il n’y a heureusement pas eu de blessés dans la fusillade. Saluons la maréchaussée qui, pour une fois, était sur place avant les échanges de coups de feu et qui aura effectivement interpellé des individus. Manifestement, les excès de vitesse, ça motive plus que les deals en quartiers chauds.

    distributeur de tickets d'attenteDans la nuit du vendredi 19 au samedi 20 juin, un homme de 28 ans a succombé à trois blessures par balles d’un tireur isolé aux Bleuets, une cité bucolique des quartiers nord de Marseille, ces quartiers qu’on dit émotifssensibles. Écartant l’hypothèse hardie d’un différent scientifique pour déterminer qui, de Leibniz ou de Newton, avait inventé le calcul infinitésimal le premier, la police se risque plutôt à imaginer un bête règlement de comptes sur fond de drogue, en attendant d’avoir quelques précisions suite à l’enquête qui a pris un ticket comme les fois précédentes et attend avec les 50 autres en salle de pause en fumant une clope (légale).

    Samedi 20 juin au soir, un jeune homme de 19 ans a été abattu à Grenoble. Deux jours plus tôt, deux autres fusillades avaient éclaté dans le centre de la ville, heureusement sans faire de victime. Là encore, des soupçons tendraient à faire penser que tout ceci serait probablement lié à des histoires de substances qui font rire (les substances, pas les histoires), que les fusillades en question auraient comme qui dirait un rapport avec des règlements de comptes (et toujours aucun lien avec des équivoques philosophiques, c’en est presque dommage).

    Notons tout de même que les habitants des quartiers concernés sont un chouilla remontés contre l’équipe municipale dont tout indique qu’il s’agit d’une fière brochette d’élus compétents et impliqués comme en témoigne l’intéressante vidéo suivante :



    … Intéressante vidéo où l’on découvre donc que tout le monde, à Grenoble, connaît assez bien la situation, les principaux fautifs, et les différentes planques d’armes et de drogue. Où l’on découvre aussi que des pétitions et des lettres ont été envoyées, à plusieurs reprises, aux équipes municipales, qui n’ont jusqu’à présent pas démontré ni s’intéresser au problème, ni avoir tenté de résoudre au moins ce qui était directement et explicitement pointé du doigt. L’existence de ces pétitions et de ces courriers papiers tendrait à faire croire hardiment que la situation dure depuis un certain moment, surtout en factorisant la vitesse légendaire des service postaux français.

    Et dans ce contexte, à force, l’immobilisme et l’incompétence ont cette fâcheuse tendance à rendre les victimes particulièrement agressives lorsqu’elles tiennent un responsable de leur situation sous la main. La réaction du maire à la suite de la violente apostrophe lancée à son encontre, toute en paroles ouatées loin de la réalité et de l’action, en parfait décalage avec ce qui lui est demandé, laisse malheureusement supposer que cette douloureuse situation va perdurer un petit moment encore…

    Décidément, cela ressemble tant à cette autre semaine que je décrivais il y a tout juste deux mois.

    Et il y a deux mois, je me refusais d’être bêtement taquin et de remarquer qu’en quelques jours, on recensait tout de même pas mal de fusillades, de morts et de blessés. Tout comme, il y a deux mois, je n’allais pas non plus jusqu’à relever les poignants articles de la presse fustigeant l’inaction américaine face à son « problème avec les armes », presse qui oublie dans le même temps ces petits débordements français maintenant quasi-quotidiens. Franchement, la taquinerie, ce n’est pas mon genre.

    Je ne terminerais donc pas ce billet en notant, exactement comme il y a deux mois, que la guerre contre la drogue, en France, n’a jamais marché et que l’interdiction de port d’arme ne sert, concrètement, à rien puisqu’elle n’a en rien dissuadé ces innocentes fusillades d’apaisement (ni celles du 7 janvier, au passage).

    Non, tout ça, je ne le dirais pas puisque ça ne sert à rien. Je me contenterais de noter seulement que tout ceci confirme décidément ce petit sentiment d’insécurité qui s’empare des Français, notamment les honnêtes, qui payent taxes et impôts locaux.
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  • Limitation de vitesse à 80 km/h

    Manifestation contre la limitation de vitesse à 80 km/h

     

    La Ligue de Défense des Conducteurs organise un rassemblement aujourd’hui devant la préfecture de Vesoul, avec le soutien des élus locaux, contre l’expérimentation de l’abaissement de la vitesse à 80 km/h sur la RN57.

    Par Christiane Bayard.
    Un communiqué de la « Ligue de Défense des Conducteurs ».

    Limitations de vitesse (Crédits : cris.ie, licence CC-BY-NC-ND 2.0), via Flickr.

     

    La Ligue de Défense des Conducteurs organise un rassemblement samedi 27 juin 2015 à 15h, devant la préfecture de Vesoul, avec le soutien des élus locaux, pour protester contre l’expérimentation de l’abaissement de la vitesse à 80 km/h sur la RN57 en Haute-Saône, première étape d’une baisse généralisée de la vitesse sur le réseau secondaire.

    Alors que l’expérimentation gouvernementale de la baisse de la limitation de vitesse à 80 km/h sur quatre tronçons de routes secondaires en France, dont la RN57 en Haute-Saône entre Vesoul et Rioz, débutera le mercredi 1er juillet pour deux ans, la Ligue de Défense des Conducteurs appelle à un grand rassemblement de tous les conducteurs opposés à cette mesure à Vesoul, le samedi 27 juin à 15h devant la préfecture.

    « L’objectif de ce rassemblement est de montrer aux pouvoirs publics que les conducteurs ne sont pas dupes de ce projet « d’expérimentation », qui n’est qu’une manière détournée d’arriver à une généralisation de l’abaissement de la limitation de vitesse à 80 km/h à tout le réseau secondaire », explique Christiane Bayard secrétaire générale de la Ligue de Défense des Conducteurs.

    « Plutôt que d’abaisser la vitesse, pénalisant une fois de plus injustement les conducteurs, les pouvoirs publics feraient mieux d’entretenir et d’aménager un réseau d’infrastructures routières vieillissant, et de plus en plus délaissé » ajoute-t-elle. « La sécurisation de la RN57 nécessite des aménagements notamment en deux fois deux voies. Les élus de la Haute-Saône le réclament d’ailleurs depuis plus de vingt ans, sans être entendus. Y réduire la vitesse pour toute panacée devient criminel, c’est scandaleux ».

    Ce rassemblement de conducteurs responsables bénéficie d’ailleurs du soutien d’élus locaux, eux aussi opposés à cette expérimentation. A commencer par le député-maire de Vesoul Alain Chrétien, accompagné de plusieurs maires, qui se joindront au rassemblement devant la préfecture. Une délégation sera ensuite reçue en préfecture.

    Tous comme les élus, les Français restent majoritairement opposés à ce projet inutile et injuste de généralisation du 80 km/h, qui aura pour seul effet de faire exploser le nombre de PV, les pertes de points et les retraits de permis.  L’an dernier, ils ont notamment été plus d’1,5 million à signer la pétition de la Ligue de Défense des Conducteurs « Non à la baisse des limitations de vitesse ».

     
  • Une civilisation veut naître

     

    18 juin 2015 | Par Edgar Morin

     

    Nous vivons dans une civilisation où la domination de l’intérêt (personnel et/ou matériel) du calcul (dont les chiffres ignorent le bonheur et le malheur) du quantitatif (PIB, croissance, statistiques, sondages) de l’économique, est devenu hégémonique. Certes, il existe de très nombreux oasis de vie aimante, familiale, fraternelle, amicale, ludique qui témoignent de la résistance du vouloir bien vivre ; la civilisation de l’intérêt et du calcul ne pourront jamais les résorber. Mais ces oasis sont dispersés et s’ignorent les uns les autres. Toutefois, des symptômes d’une civilisation qui voudrait naitre, civilisation du bien vivre, bien qu’encore dispersés, se manifestent de plus en plus.

    Notons, sur le plan économique, l’économie sociale et solidaire où renait l’élan des mutuelles et coopératives, les banques à micro-crédit, l’économie participative, l’économie circulaire, le télé travail, l’économie écologisée dans la production d’énergie, la dépollution des villes, l’agro-écologie prônée par Pierre Rabbi et Philippe Desbrosses, qui nous indiquent la voie d’un refoulement progressif d’une économie vouée au seul profit.

    Ainsi seraient progressivement refoulées, sur le plan vital de l’alimentation, l’agriculture industrialisée (immenses monocultures qui stérilisent les sols et toute vie animale, porteuses de pesticides et fournisseuses de céréales, légumes, fruits standardisés privés de saveur) l’élevage industrialisés en camps de concentrations pour bovins, ovins, volailles nourris de déchets, engraissés artificiellement et surchargés d’antibiotiques) Ce qui serait en même temps la progression d’une agriculture et d’un élevage fermiers ou bios, qui, avec le concours des connaissances scientifiques actuelles, revitaliserait et repeuplerait les campagnes et fournirait aux villes une nutrition saine.

    Le développement des circuits courts, notamment pour l’alimentation, via marchés, Amaps, Internet, favorisera nos santés en même temps que la régression de l’hégémonie des grandes surfaces, de la conserve non artisanale, du surgelé.

    Sur le plan social et humain, la nouvelle civilisation tendrait à restaurer des solidarités locales ou instaurer de nouvelles solidarités (comme la création de maisons de la solidarité dans les petites villes et les quartiers de grande ville).

    Elle stimulerait la convivialité, besoin humain premier qu’inhibe la vie rationalisée, chronométrée, vouée à l’efficacité. Ivan Ilitch avait annoncé dès 1970 ce besoin de nouvelle civilisation et le mouvement convivialiste, animé par Alain Caillé répand le message en France et au-delà de nos frontières.

    Il s’agit d’un élément majeur pour une réforme existentielle. Nous devons reconquérir un temps à nos rythmes propres, et n’obéissant plus que partiellement à la pression chronométrique. Le slow food, mouvement de fond lancé par Pertini pour réduire la fast food, et restaurer les plaisirs gastronomiques, s’accompagne d’une réforme de vie qui alternerait les périodes de vitesse (qui ont des vertus enivrantes) et les périodes de lenteur (qui ont des vertus sérénisantes). Nous obéirions successivement aux deux injonctions qu’exprime excellemment la langue turque : Ayde (allons, pressons), Yawash (doucement, mollo).

    La multiplication actuelle des festivités et festivals nous indique clairement nos aspirations à une vie poétisée par la fête et par la communion dans les arts, théâtre, cinéma, danse. Les maisons de la culture trouvent de plus en plus une vie nouvelle.

    Nos besoins personnels ne sont pas seulement concrètement liés à notre sphère de vie. Par les informations de presse, radio, télévision nous tenons, parfois inconsciemment, à participer au monde. Ce qui devrait accéder à la conscience, c’est notre appartenance à l’humanité, aujourd’hui interdépendante et liée dans une communauté de destin planétaire. Le cinéma, qui a cessé d’être un produit d’Occident seul, nous permet de voir des films iraniens, coréens, chinois, philippins, marocains, africains et, dans la participation psychique à ces films, de ressentir en nous l’unité et la diversité humaine.

    La réforme de la consommation serait capitale dans la nouvelle civilisation. Elle permettrait une sélection éclairée des produits selon leurs vertus réelles et non les vertus imaginaires des publicités (notamment pour la beauté, l’hygiène, la séduction, le standing) qui opérerait la régression des intoxications consuméristes (dont l’intoxication automobile). Le gout, la saveur, l’esthétique guideraient la consommation, laquelle en se développant, ferait régresser l’agriculture industrialisée, la consommation insipide et malsaine, et par là la domination du profit capitaliste.

    Alors que les producteurs que sont les travailleurs ont perdu leur pouvoir de pression sur la vie de la société, les consommateurs, c’est-à-dire l’ensemble des citoyens, ont acquis un pouvoir qui faute de reliance collective, leur est invisible, mais qui pourrait une fois éclairé et éclairant, déterminer une nouvelle orientation non seulement de l’économie (industrie, agriculture, distribution) mais de nos vies de plus en plus conviviales

    Pa ailleurs, la standardisation industrielle a créé en réaction un besoin d’artisanat. La résistance aux produits à obsolescence programmée (automobiles, réfrigérateurs, ordinateurs, téléphones portables, bas, chaussettes, etc) favoriserait un néo-artisanat. Parallèlement l’encouragement aux commerces de proximité rehumaniserait considérablement nos villes. Tout cela provoquerait du même coup une régression de cette formidable force techno-économique qui pousse à l’anonymat, à l’absence de relatons cordiales avec autrui, souvent dans un même immeuble.

    Enfin une réforme des conditions du travail serait nécessaire au nom même de cette rentabilité qui aujourd’hui produit mécanisation des comportements, voire robotisation, burn out, chômage qui ont diminué en fait la rentabilité promue.

    En fait la rentabilité peut être obtenue, non par la robotisation des comportements mais par le plein emploi de la personnalité et de la responsabilité des salariés. La réforme de l’Etat peut être obtenue, non par réduction ou augmentation des effectifs, mais par débureaucratisation, c’est à dire communications entre les compartimentés, initiatives, et relations constantes en feed back entre les niveaux de direction et ceux d’exécution.

    Enfin, la nouvelle civilisation demande une éducation où serait enseignée la connaissance complexe, qui percevant les aspects multiples, parfois contradictoires d’un même phénomène ou même individu, permet une meilleure compréhension d’autrui et du monde. La Compréhension d’autrui serait elle même enseignée, de façon à réduire cette peste psychique qu’est l’incompréhension, présente en une même famille, un même atelier, un même bureau. Y seraient enseignées les difficultés de la connaissance, qui comporte risque permanent d’erreur et d’illusion, y serait enseignée la compléxité humaine. Bref une réforme radicale à tous niveaux de l’éducation permettrait à celle ci d’enseigner à vivre autonome, responsable, solidaire, amical.

    Comme les pièces dispersées au hasard d’un puzzle, les ferments premiers de la nouvelle civilisation travaillent ici et là, font ici et là lever la pâte nouvelle. Les besoins inconscients d’une autre vie commencent alors à passer à la conscience. Des oasis de convivialité, de vie nouvelle se sont créés, parfois c’est une municipalité animée d’un nouvel esprit, comme à Grenoble qui anime le mouvement. En vérité la civilisation du bien vivre aspire à naitre, sous des formes différentes, déjà sous ce label en Equateur où existe un ministère du bien vivre.

    Ce sont des petits printemps qui bourgeonnent, et qui risquent la glaciation ou le cataclysme. Avant la guerre, c’était sur le plan des idées qu’une nouvelle civilisation se cherchait sous des noms divers, avec les écrits d’Emmanuel Mounier, Robert Aron, Armand Dandieu, Simone Weil et autres, elle cherchait à sortir d’une impuissance qui n’avait pas évité la crise économique, de la double menace du fascisme et du communisme stalinien, et cherchait la troisième voie. La troisième voie fut écrasée dans l’œuf par la guerre.

    Aujourd’hui, il s’agit de changer de voie, d’élaborer une nouvelle voie et cela dans et par le développement de la nouvelle civilisation, qu’incarnent déjà tant de bonnes volontés de tous âges de femmes d’hommes, et qui dessine des nouvelles formes dans les oasis de vie. Mais les forces obscures et obscurantistes énormes de la barbarie froide et glacée du profit illimité qui dominent la civilisation actuelle progressent encore plus vite que les forces de salut, et nous ne savons pas encore si celles ci pourrons accélérer et amplifier leur développement. Socialisme ou barbarie disait-on autrefois ; aujourd’hui il faut comprendre l’alternative : nouvelle civilisation ou barbarie.