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Societe - Page 19

  • Ce qu’Albert Jacquard nous apprend

     

    Généticien, statisticien, philosophe, humaniste, Albert Jacquard était un grand homme. Son parcours de vie quelque peu atypique apporte de l’espoir. Polytechnicien, il a évolué dans le monde de l’entreprise, s’est orienté vers une carrière scientifique par la suite, pour finalement opérer un revirement à 180 degrés et s’investir sans relâche dans l’engagement citoyen. Les traces laissées par Albert Jacquard sont une invitation à une réflexion profonde sur les déséquilibres au sein de notre société, sur l’importance de l’éducation et les défis qui sont à relever. Son objectif disait-il « ce n’est pas de construire la société de demain, c’est de montrer qu’elle ne doit pas ressembler à celle d’aujourd’hui. » (IGA)

     

     

     

    « C’en est fini de toutes ces guerres ridicules ! »
     

     

    Albert Jacquard nous explique qu’il est important de chercher les causes de toutes les guerres et que la cause première n’est autre que l’acceptation par nos cultures d’avoir pris comme moteur la concurrence et la compétition. Il est de l’intérêt de chacun de faire que la planète soit pacifiée et c’est à travers l’éducation des enfants que le changement peut s’opérer.

     
     
    Différent ne veut pas dire meilleur que l’autre
     
    Les avancements de la science aujourd’hui nous prouvent que la définition des races de l’espèce humaine est pratiquement impossible : chacun d’entre nous est unique. C’est une sottise de croire que si nous sommes différents, nous sommes meilleur que l’autre. 
     
    De la coopération, pas de compétition !

    La coopération est nécessaire, pas la compétition. Dans la nature humaine, le désir de l’emporter sur l’autre est à l’origine du dopage, des excès, de l’argent. Essayer d’être meilleur que soi-même, c’est cela le challenge. [

    Comment fait-on pour changer le monde ?
     
    bert Jacquard a consacré l’essentiel de son activité à la diffusion d’un discours humaniste destiné à favoriser l’évolution de la conscience collective. Réfléchir sur ses paroles, c’est porter un regard différent sur grand nombre de thèmes qui sont au cœur de la société d’aujourd’hui. 

    Alternatives Paloises - Pourquoi refusez-vous la compétition dans le monde actuel ?
    Albert JACQUARD - La compétition, telle qu’elle est entendue par notre société, c’est la lutte avec un gagnant et un perdant. Un heureux et un malheureux. Cela fait la moitié de l’humanité qui perd, et même beaucoup plus de la moitié actuellement, ce qui n’est pas quelque chose de rationnel. Cela pourrait être différent. Pourquoi est-ce que face à l’autre j’aurais vraiment besoin de l’emporter ? Il n’y a aucune raison.

     

    Regardez l’histoire de l’humanité : nos arrière-grands-parents, il y a 20 000 ans, étaient des gens qui partaient à la chasse pour les plus forts et les autres, les gringalets, restaient dans les grottes pour les peindre. J’ai plaisir à penser que mon arrière-grand-père, d’il y a 20 000 ans, faisait partie des gringalets qui peignaient des roches plutôt que de ceux qui courraient bêtement après le bison.

    Autrement dit, la compétition des uns contre les autres est une idée récente. Un peu stupide. Elle ne correspond à aucune réalité contrairement à la coopération qui est toute évidente.
    Je ne comprends pas qu’on puisse se lancer dans la compétition. Lorsque l’on chasse le bison, il vaut mieux s’y mettre à plusieurs. La coopération est de loin la réponse à la difficulté d’être.

    Alternatives Paloises - Vous semblez garder foi en l’Homme, n’avez-vous jamais eu peur de sombrer dans le cynisme ?
    Albert JACQUARD - Pourquoi ne pas être cynique ? Ce qu’il faut c’est être véridique, être lucide.Si vraiment j’ai démontré que l’humanité était une catastrophe pour la planète, je le dirais avec cynisme.
    Il ne faut pas avoir peur du cynisme, ce qu’il faut c’est avoir peur de l’erreur. Ce que j’aimerais, c’est diffuser de la lucidité, cynique ou pas.

    Alternatives Paloises - Vous parlez souvent de l’importance de créer du lien, que pensez-vous des réseaux sociaux du type Facebook qui ont par exemple aidé au soulèvement de la population en Tunisie et en Egypte ?
    Albert JACQUARD - Alors c’est peut-être une question d’âge, mais je n’ai aucune confiance en Facebook. Je crois en la nécessité de la rencontre. Est-ce que vraiment, par internet je rencontre quelqu’un ? Cela peut arriver mais c’est très rare.


    Pour moi Facebook est plus une façon d’échapper à la nécessité de rencontrer. Pour rencontrer, il faut véritablement un plaisir de s’exprimer, faire des allers-retours. Cela ne se fait pas aussi vite. Par conséquent, j’ai peur que tout ce ne soit qu’un leurre. Je pense qu’au travers d’internet on fait un tri, et nous ne sommes jamais sincères. Être sincère c’est très long, l’ajustement des mots n’est pas une chose rapide.


    J’ai envie de vous faire comprendre qui je suis, quel est vraiment mon motif etc. Je ne vais pas faire cela en 5 minutes. Il ne faut pas oublier l’amour dans tout ça. L’amitié aussi est magnifique. Elle a la capacité de dire à quelqu’un autre chose que ce que l’on dit aux autres, non pas pour le cacher, mais pour tourner autour de la réalité.


    Je suis en train d’écrire mon prochain livre et pour être sincère justement, cela m’oblige à relire Proust. Proust est un bel exemple de quelqu’un qui tourne autour d’une idée sans arriver à bien la définir, parce qu’il est sincère...il arrive peu à peu à pénétrer dans sa propre pensée, mais c’est long. Avec internet, Proust écrit tout ça en 5 minutes et ainsi on ne sait rien de lui...


    L’important, ce sont les rencontres, mais les vraies. Celles où nous aurons ensemble certains réflexes, certaines réactions.

    Alternatives Paloises - Et que pensez-vous du site internet WikiLeaks ayant fait polémique par le fait qu’il diffuse des documents diplomatiques ?
    Albert JACQUARD - Cela m’a fait sourire, même si je ne l’aurais pas fait à la place de ces gens. Cela au moins a permis à des gens d’être sincères sans le savoir.

    Alternatives Paloises - Comment concevez-vous la croissance économique ?
    Albert JACQUARD - C’est une stupidité. Quand j’entends un homme politique de gauche ou de droite me dire « heureusement l‘année prochaine il y aura 3% de croissance » je me dis que soit il est idiot, soit il est menteur.
    Il aurait dû apprendre ce que l’on enseignait au certificat d’études, à la fin de l’école primaire où on nous parlait des « intérêts composés ». On nous expliquait la chose suivante : Tu mets 1 franc à la caisse d’épargne, et l’année suivante tu auras 1,03 puis 1,06 etc. et cela va se multiplier de telle façon que lorsque tu auras 1000 années d’économies, tu auras une fortune fabuleuse. Ce sont les intérêts composés, la croissance exponentielle. Avant, c’était avant un simple exercice de mathématiques. Désormais nous disons aux enfants que grâce à cette croissance, tout ira bien.

    Mais lorsque monsieur Fillon ou madame Aubry nous promettent 3% de croissance pendant un siècle, cela revient à nous promettre de multiplier par 20 nos capacités de consommation, ce qui est absurde. Heureusement pour la planète.


    La croissance n’a de contenu que si elle ne concerne, non pas des biens que l’on consomme et qu’on détruit, mais des biens qui peuvent être développés à l’infini comme l’amitié, la compréhension, le rapprochement entre les gens etc.

    Alternatives Paloises - C’est en ce sens que vous avez abordé à plusieurs reprises la notion de décroissance soutenable ?
    Albert JACQUARD -En effet, il faut très vite décroître, ceux qui sont au sommet en tous cas. Pour nous, les occidentaux, il s’agit d’avoir très vite une décroissance de 1 à 3%.Evidemment on ne peut demander cela aux peuples du Bengladesh, mais de notre côté, une croissance de 3% serait insoutenable.Malgré cela nous continuons les incantations à la croissance.

    Il faut que les jeunes en aient conscience, qu’ils sachent qu’en étant bon en marketing, en sachant créer des besoins, on ne leur donnera pas la légion d’honneur car ils sont un danger public.
    Dans l’immédiat ils font le bénéfice de l’entreprise, de l’Etat, mais globalement ils nous entraînent vers une catastrophe.

    Alternatives Paloises - Aujourd’hui on se tourne de moins en moins vers les hommes politiques, alors selon vous, vers qui pouvons-nous nous tourner ?
    Albert JACQUARD - Je vais vous répondre très clairement : vers ceux dont le métier est d’être lucide. Je parle évidemment des scientifiques. Ce sont des gens qui ont appris à raisonner, et même si la plupart d’entre eux l’oublie, leur vrai rôle est d’apporter de la lucidité.
    



    Alternatives Paloises - Pour terminer, une question pratique : Comment fait-on pour changer le Monde ?
    Albert JACQUARD - Alors tout d’abord il faut faire attention aux mots que l’on emploie : ce n’est pas le Monde qu’il faut changer, c’est l’humanité. Le Monde, on ne peut pas le définir. Par contre, si je veux changer l’humanité, cela dépend de moi. Et, je suis en train de la changer, chaque fois que je fais un discours. Tout le monde peut le faire autour de soi.


    Par conséquent ce qu’il faut, c’est essayer d’imaginer une humanité meilleure, et commencer à la réaliser. Voilà une possibilité.
    On s’est donné des moyens d’efficacité extraordinaires pour communiquer avec le monde entier de manière instantanée, profitons-en de manière raisonnable. Je vous parlais du marketing qui est une incohérence. Débusquer les incohérences est une chose nécessaire.

    - propos recueillis par Clémence LEGRAND et Nicolas PONCATO
    élèves à l’ESC Pau

     Source : Alternatives-paloises.com

     

    Des mots simples, intemporels pour une réflexion actuelle

     
    Albert Jacquard laisse derrière lui de nombreux ouvrages. Les mots du philosophe résonnent comme l’écho d’une certaine vérité qui tente de nous tenir éveillés.

    [Citations]

    « Idéalement, tout comportement devrait résulter d'une décision personnelle prise après une analyse lucide. Suivre un exemple, c'est se défausser d'une responsabilité sur un autre. Donner l'exemple en proposant à l'autre de suivre cet exemple, c'est l'encourager à une irresponsabilité. Mieux vaudrait lui demander de mener à son terme sa propre réflexion. »
    (Albert Jacquard, Petite philosophie à l'usage des non-philosophes, p. 58, Éd. Québec-Livres)
     
    « Ceux qui prétendent détenir la vérité sont ceux qui ont abandonné la poursuite du chemin vers elle. La vérité ne se possède pas, elle se cherche. »
    (Albert Jacquard, Petite philosophie à l'usage des non-philosophes,p.205, Éd. Québec-Livres)
     
     « Exprimer une idée est une activité difficile à laquelle il faut s'exercer ; la télé supprime cet exercice ; nous risquons de devenir un peuple de muets, frustrés de leur parole, et qui se défouleront par la violence. »
    (Albert Jacquard, Petite philosophie à l'usage des non-philosophes, p. 18, Éd. Québec-Livres)

    « Plus nous sentons le besoin d'agir, plus nous devons nous efforcer à la réflexion. Plus nous sommes tentés par le confort de la méditation, plus nous devons nous lancer dans l'action. »
    (Albert Jacquard, Petite philosophie à l'usage des non-philosophes, p. 167, Éd. Québec-Livres)

    « Présenter la télévision comme un prolongement des moyens d'information d'autrefois est lui faire beaucoup trop d'honneur. Elle ne succède nullement aux journaux ou aux revues qui décrivaient les faits et proposaient une réflexion à leur propos. Elle a plutôt pris la place des bonimenteurs qui jadis, sur les boulevards, vendaient des poudres miraculeuses, et celle des camelots qui distribuaient des chansons illustrées paraphrasant l'actualité. » 
    (Mon utopie, p.100, Stock, 2006) 

     

     

  • Valls: Sa politique d’immigration

    EN 10 POINTS18/08/2013 à 17h46

    La politique d’immigration de Manuel Valls au guéantomètre

    Camille Polloni | Journaliste Rue89

    Si le ministre de l’Intérieur marche sur les pas de son prédécesseur sur le nombre d’expulsions, il diverge sur l’accueil des étudiants. Décryptage en 10 points.

    SUJET SUGGÉRÉ PAR
    UN INTERNAUTE

    La comparaison plane sur son ministère. Pour ceux qui, comme François Delapierre (Front de Gauche) situent Manuel Valls à « l’extrême droite du mouvement socialiste », le ministre de l’Intérieur marcherait dans les traces de son prédécesseur, Claude Guéant.

    Jean-Luc Mélenchon va encore plus loin dans le JDD ce dimanche, en affirmant que Manuel Valls « chasse sur les terres » de Marine Le Pen, qui l’aurait « contaminé ».

    POPULARITÉ RECORD
    Dans un sondage Ifop commandé par le JDD, 61% des personnes interrogées se disent « satisfaites » de l’action de Manuel Valls, loin devant les autres membres du gouvernement. D’autres études d’opinion réalisées depuis 2012 tendent à montrer la popularité record du ministre de l’Intérieur.

    Les commentateurs de Rue89 ne sont pas en reste. Pour certains, Valls ne serait « pas vraiment » de gauche, donnant les mêmes coups de menton que Sarkozy et aussi inflexible que Guéant avec les sans-papiers.

    Pour se faire une idée plus informée des ressemblances et des différences entre leurs politiques d’immigration, petite plongée dans les chiffres disponibles.

    Démarcation sur le droit d’asile ?

    Manuel Valls marche droit dans les traces de Claude Guéant en ce qui concerne le nombre d’expulsions, de régularisations et de naturalisations. Sa politique diverge surtout sur les aides au retour et sur le traitement réservé aux étudiants et jeunes adultes. Le ministre a aussi voulu donner des gages aux associations de défense des étrangers en supprimant le délit de solidarité.

    Plusieurs inflexions récentes – fin de la garde à vue pour les sans-papiers, rétention des mineurs – ne viennent pas d’une volonté politique mais de décisions juridictionnelles qui s’imposent au gouvernement.

    La réforme du droit d’asile pourrait marquer une vraie différence avec le gouvernement précédent. Mais elle n’aura pas lieu avant les municipales, et le statut de réfugié n’a pas été davantage accordé en 2012 que les années précédentes.


    Manuel Valls (à dr.) et Claude Guéant, durant la cérémonie d’investiture, le 17 mai 2012 (Thibault Camus/AP/SIPA)

    1

    Les expulsions

    Plus dur que Guéant ?

     

    Dès le mois d’octobre 2012, Manuel Valls annonce la couleur devant l’Assemblée nationale : la baisse du nombre d’expulsions n’est pas un objectif du gouvernement.

    « Cette politique ne se traduira pas par des évolutions sensibles en termes de chiffres, s’agissant tant des régularisations que des reconduites à la frontière. Telle est la volonté du gouvernement. Personne ne peut en douter : nous serons extrêmement fermes. »

    A d’autres occasions, le ministre laisse entendre que le nombre d’expulsions pourrait augmenter. Pas de surprise donc, quand les chiffres de 2012 tombent : 36 800 personnes ont été expulsées, soit une hausse de 11,9% par rapport à l’année précédente.

    En attendant le bilan 2013

    Comme l’explique Libération, cette augmentation « concentrée sur les six premiers mois » de 2012, est en partie due à deux facteurs :

    • l’anticipation, par la justice, de la fin de la garde à vue des sans-papiers (effective depuis juillet 2012). Celle-ci entraîne une hausse du nombre d’expulsions sur le premier semestre, et une baisse mécanique pour le second ;
    • l’action du gouvernement précédent qui visait les 40 000 reconduites à la frontière alors que Manuel Valls a annoncé la fin des objectifs chiffrés.

    Il faudra donc attendre le bilan de 2013 pour savoir si Manuel Valls s’inscrit vraiment dans la lignée de ses prédécesseurs. En dix ans, le nombre annuel d’expulsions a quadruplé (voir notre graphique ci-dessous).

    Nombre de reconduites à la frontière depuis 2001

    Created with Raphaël 2.1.0
    8604
    2001
    10067
    2002
    11692
    2003
    15560
    2004
    19848
    2005
    23831
    2006
    23196
    2007
    29799
    2008
    29288
    2009
    28026
    2010
    32912
    2011
    36800
    2012
    Created with Datawrapper
    Source: Ministère de l'Intérieur , Récupérez les données
    2

    Le « délit de solidarité »

    Vraiment supprimé ?

     

    L’article L-622-1 du Code des étrangers existe depuis 1945, mais il a été surnommé « délit de solidarité » par les associations de soutien aux sans-papiers pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Voici ce qu’il dit :

    « Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 euros. »

    En 2009, les associations (Gisti, Cimade, France Terre d’Asile, Secours catholique, Emmaüs) lancent une campagne, estiment que ce délit « d’aide au séjour irrégulier » menace les activités militantes et les marques individuelles de solidarité dans un contexte de durcissement des politiques d’immigration.

    Une polémique oppose alors le ministre de l’Immigration, Eric Besson, aux soutiens des sans-papiers, sur la réalité des poursuites. Le film « Welcome », sorti la même année, contribue à alerter l’opinion sur les risques encourus par ceux qui aident les migrants en France.

    Janvier 2012 : Valls réforme le Code des étrangers

    Le 2 janvier dernier, Manuel Valls supprime le « délit de solidarité ». C’est-à-dire qu’il réforme le Code des étrangers pour élargir les exceptions à :

    « Toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s’il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte. »

    Le délit d’aide au séjour irrégulier existe toujours mais serait désormais uniquement dirigé contre les filières d’immigration clandestine, pas contre les bénévoles. La notion de « contrepartie », difficile à cerner selon les associations de défense des sans-papiers, continue toutefois à faire débat.

    Fin août, le procès d’un citoyen français accusé d’avoir fourni une fausse attestation d’hébergement à un étranger en situation irrégulière au Havre, devrait tourner autour de cette question. A l’occasion de cette affaire, plusieurs associations (Syndicat de la magistrature, Syndicat des avocats de France, Ligue des droits de l’homme) se sont inquiétées d’un éventuel « retour du délit de solidarité ».

    3

    Les mineurs en rétention

    Pas fini, mais exceptionnel

     

    C’était une promesse de campagne de François Hollande :

    « Je veux prendre l’engagement, si je suis élu à la présidence de la République, de mettre fin dès mai 2012 à la rétention des enfants et donc des familles avec enfants. »

    Par ces propos, le futur président de la République prend acte d’une décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) datant de janvier 2012. L’arrêt Popov a condamné la France pour avoir enfermé une famille kazakhe dans un centre de rétention inadapté à l’accueil des enfants.

    La CEDH estime :

    « Les autorités doivent mettre en œuvre tous les moyens nécessaires afin de limiter autant que faire se peut la détention de familles accompagnées d’enfants et préserver effectivement le droit à une vie familiale. »

    VOIR LE DOCUMENT

    (Fichier PDF)

    Pour traduire cette décision en actes, Manuel Valls a envoyé une circulaire aux préfets, en juillet 2012 (lire le document ci-contre). Mais si elle encadre et limite cette pratique, elle n’y met pas fin, contrairement à ce que promettait le candidat Hollande :

    • l’assignation à résidence devient la règle pour les familles en attente d’expulsion. Seules celles qui n’auraient pas respecté leurs obligations devraient être placées en centre de rétention, en dernier recours donc.
    • Mayotte fait exception, et n’est pas compris dans le nouveau dispositif.

    Sept familles placées en centres de rétention

    A plusieurs reprises depuis, les associations (et, sur Rue89, 60 professeurs de droit) ont alerté sur le cas de mineurs enfermés en rétention, en contradiction, selon elles, avec la décision de la CEDH :

    En 2011, d’après un rapport des associations intervenant en rétention, 312 enfants étaient passés par des CRA avec leurs parents.

    Ce nombre a-t-il diminué depuis la circulaire ? Le député socialiste du Val-de-Marne, René Rouquet, voulait poser la question au ministre de l’Intérieur en juin. Manuel Valls étant retenu au Sénat, c’est le ministre de la Ville, François Lamy, qui lui a répondu :

    « Au terme de cette circulaire, il n’y a plus de primo-placement de parents accompagnés d’enfants mineurs. Il en résulte que, depuis sa mise en œuvre, sept familles ont été placées en centre de rétention pour des durées très, très brèves, pour la plupart suite au non respect des obligations de l’assignation à résidence.

    A titre de comparaison, plus de 200 familles avec enfants avaient été placées en rétention sur la même période en 2011-2012. »

    4

    Les aides au retour

    Drastiquement réduites

     

    En décembre 2012, Manuel Valls annonce la fin de « l’aide au retour » humanitaire versée aux ressortissants de l’Union européenne qui acceptent de rentrer dans leur pays d’origine contre une somme d’argent : 300 euros par adulte et 150 euros par enfant mineur.

    Le ministre vise les Roms roumains et bulgares, pour qui le système d’aide au retour humanitaire (ARH) serait « inopérant » voire aurait des « effets pervers ». En clair, les Roms accepteraient cette aide mais reviendraient en France ensuite.

    En réalité, l’arrêté pris en février ne supprime pas l’ARH créée en 2006 pour les « Européens en situation de détresse », mais en diminue fortement le montant, qui passe à 50 euros par adulte et 30 euros par enfant.

    Manuel Valls a d’ores et déjà annoncé que les démantèlements de camps de Roms « se poursuivront ».

    Un autre type d’aide au retour (ARV), concernant les étrangers non européens, a lui aussi subi une baisse drastique, passant de 2 000 euros à 500 euros pour un adulte.

    Le gouvernement précédent avait massivement encouragé le dispositif d’aide au retour pour atteindre les quotas d’expulsions qu’il s’était fixé.

    5

    La garde à vue pour séjour irrégulier

    Remplacée par une « rétention » de seize heures

     

    Depuis un an, la garde à vue d’un sans-papiers pour le seul motif de sa situation irrégulière est illégal.

    Là non plus, la décision ne vient pas de Manuel Valls mais de la Cour de cassation, qui a suivi l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne.

    Sans la garde à vue, les policiers disposent de quatre heures pour contrôler l’identité d’une personne. Insuffisant, expliquent-ils, pour engager une procédure d’expulsion si nécessaire.

    Le ministre de l’Intérieur a donc fait voter un nouveau dispositif, effectif depuis le 1er janvier 2013. Il prévoit une rétention de seize heures. La garde à vue, elle, pouvait durer 24 heures, renouvelables une fois.

    6

    Le statut de réfugié

    Accordé au compte-gouttes

     

    Entre 2007 et 2012, le nombre de demandes d’asile a augmenté de 70%.

    Mais le statut de réfugié, lui, est toujours accordé au compte-gouttes : environ 10 000 personnes en bénéficient chaque année.

    Demandes d'asile, 2007-2012

    Created with Raphaël 2.1.0
    8815
    20000
    40000
    61468
    2007
    ’08
    ’09
    ’10
    ’11
    2012
     
    Demandes d'asile
     
    Asiles accordés

    Cette question de l’asile devrait être au cœur de la prochaine loi sur l’immigration. Il s’agit de :

    • réduire les délais de traitement des dossiers, aujourd’hui de seize mois en moyenne (objectif : six à neuf mois) ;
    • réformer l’hébergement, qui ne peut accueillir qu’un tiers des demandeurs d’asile. A Metz, certains ont même décider d’attaquer l’Etat ;
    • mieux répartir les demandes d’asile sur le territoire, car les grandes villes sont engorgées.

    Une concertation sur la réforme du droit d’asile s’est ouverte en juillet, pilotée par la sénatrice centriste Valérie Létard. Mais en intégrant le volet « asile » à une loi plus générale sur l’immigration, Manuel Valls a repoussé l’examen du texte après les municipales de 2014.

    7

    La « circulaire Guéant » sur les étudiants étrangers

    Supprimée

     

    C’était une mesure symbolique. Dès l’arrivée du gouvernement, la circulaire Guéant sur les étudiants étrangers – qui avait entraîné la situation irrégulière de centaines de jeunes diplômés – a été abrogée, un an après son entrée en vigueur.

    Pourtant, a déclaré Manuel Valls à l’Assemblée :

    « Nous avons accueilli en 2012 10% d’étudiants étrangers en moins. [...] Le message négatif envoyé par la circulaire du 31 mai 2011 n’est pas étranger à cette désaffection. »

    Les étudiants étrangers pourraient à l’avenir bénéficier plus facilement d’un titre de séjour pluriannuel, ce qui leur éviterait de refaire des démarches tous les ans. L’enseignement supérieur accueille 300 000 étudiants étrangers chaque année.

    8

    Le nombre de régularisations

    Constant

     

    « Il n’y aura pas de régularisation massive comme en 1981 [131 000 personnes, ndlr] ou 1997 [80 000, ndlr]. »

    Manuel Valls a été clair. Le chiffre annuel de régularisation de sans-papiers restera de l’ordre de 30 000 personnes par an, c’est-à-dire autant que d’expulsions.

    La circulaire du 28 novembre 2012 vise à mieux préciser les critères de régularisation mais ne les élargit pas vraiment. Le ministre de l’Intérieur ne souhaite pas non plusrégulariser progressivement les étrangers inexpulsables.

    9

    Les naturalisations

    Des critères assouplis

     

    Le 18 octobre 2012, Manuel Valls signe une circulaire pour faciliter l’acquisition de la nationalité française. Elle prévoit notamment :

    • un assouplissement des critères liés au travail (possibilité de CDD ou d’intérim) ;
    • un examen bienveillant des demandes déposées par des étudiants étrangers et des jeunes de moins de 25 ans ;
    • un retour au délai de cinq ans de séjour régulier sur le territoire (passé à dix ans par Claude Guéant).

    Les deux dernières années du quinquennat de Nicolas Sarkozy, le nombre de naturalisations avait fortement baissé, une tendance qui s’est poursuivie en 2012.

    Acquisitions de la nationalité française

    Created with Raphaël 2.1.0
    92410
    1995
    109823
    1996
    116194
    1997
    123761
    1998
    147522
    1999
    150025
    2000
    127548
    2001
    128092
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    2003
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    147868
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    2010
    114584
    2011
    96088
    2012
    10

    Portrait de l’immigration

     

    Les derniers chiffres disponibles montrent que si le nombre total de nouveaux admis au séjour est resté stable en 2012, sa composition a varié :

    • l’immigration professionnelle et étudiante a diminué ;
    • l’immigration familiale a augmenté de 6,7%.

    L’admission au séjour par motifs (Ministère de l’Intérieur)

  • Calais est notre frontière mexicaine

    Philippe Lioret : « Calais est notre frontière mexicaine »

    Olivier De Bruyn | Journaliste

    Rencontre avec le réalisateur de « Welcome », récemment critiqué par le ministre de l’Immigration pour son film engagé.

     


    L’actuer Vincent Lindon et le réalisateur Philippe Lioret sur le tournage de ’Welcome’ (DR).

    Samedi, le ministre de l’Immigration Eric Besson a violemment attaqué le cinéaste Philippe Lioret, reprochant au réalisateur de « Welcome » (en salles mercredi) d’assimiler dans ses interviews la situation des clandestins à Calais à celle des juifs sous l’occupation. Et si c’était le film que Besson redoutait ? Et si les politiques s’inquiétaient de la puissance polémique du cinéma ? Rencontre avec un cinéaste engagé.


    L’affiche de ’Welcome’ de Philippe Lioret (DR).

    Bonne nouvelle : le cinéma français se bouge. Après Costa Gavras (« Eden à l’ouest ») et en attendant le nouveau Emmanuel Finkiel (« Nulle part terre promise », sortie le 1er avril), un nouveau film sort sur les écrans mercredi et évoque avec une précision glaçante le sort des clandestins à Calais. Un brûlot underground et militant ? Pas vraiment…

    Interprété par Vincent Lindon (dans l’un de ses meilleurs rôles), réalisé par Philippe Lioret, metteur en scène populaire (« Mademoiselle », « Je vais bien ne t’en fais pas »), « Welcome » raconte avec un scrupuleux réalisme quelques aspects du beau pays de France et espère toucher le plus grand nombre.

    Olivier de Bruyn : Comment est né « Welcome » ?

    Philippe Lioret : De ma complicité avec l’écrivain Olivier Adam avec lequel j’ai beaucoup travaillé par le passé. Olivier avait animé des ateliers d’écriture à Calais et il avait un projet de film avec Jean-Pierre Améris sur la situation des clandestins, d’après son livre « A l’abri de rien ». Ce projet n’arrivait pas à se monter financièrement et j’ai envisagé d’en racheter les droits. Mais finalement, ils ont réussi à le tourner, pour la télévision. N’empêche, le désir de filmer là-bas est resté et j’ai décidé de me lancer… 

    Comment avez-vous conçu le scénario ?

    Avec Emmanuel Courcol, mon co-scénariste, on a commencé par se rendre sur place. On a rencontré les bénévoles des associations qui, avec un courage extraordinaire et les moyens du bord, tentent d’aider les clandestins. Ce qu’on a découvert était effrayant. Calais, c’est notre frontière mexicaine à nous. Ça nous a confirmé dans l’idée qu’il était impératif de tourner là-bas. Les dramaturgies, hélas, n’y manquent pas.

    On se pose des questions morales, quand on tourne une fiction sur un tel sujet ? 

    Encore heureux ! Je n’étais pas à l’aise au début. Un film reste une entreprise commerciale. Il s’agit quand même de faire du pognon et évidemment, avec un tel sujet, ça pose des problèmes. Je me suis ouvert de mes doutes aux gens des associations. Ils m’ont tous dit la même chose : « N’aie pas de scrupules. Parle de ce qui se passe ici. Montre aux gens que la réalité n’a rien à voir avec les petits sujets expédiés au journal de 20 heures. » Ça m’a détendu.

    Comment est venue l’idée de ce jeune clandestin qui décide de traverser la Manche à la nage ?

    Des témoignages recueillis sur place. En désespoir de cause, des clandestins utilisent parfois ce moyen pour passer. Avec le courant, certains se retrouvent en Belgique. D’autres ne sont jamais retrouvés. 

    Comment avez-vous lié réalité et fiction ?

    On a bossé comme des dingues sur le scénario, pendant plus d’un an. Quand on écrit un tel script, on est particulièrement motivé. Il ne s’agit pas de militantisme, mais d’engagement. Sur tout ce qui concerne les migrants, il fallait rester scrupuleusement fidèle à la réalité. Et faire la chasse au pathos, au pleurnichage, à la complaisance… Ensuite est venue l’idée de ce personnage : un prof de natation en pleine panade personnelle. Ça nous permettait d’évoquer cet aspect de la loi particulièrement révoltant et qui menace quiconque aide les clandestins de cinq ans de prison et de 30 000 euros d’amende.

    Comment Vincent Lindon est-il arrivé sur le projet ?

    Ça faisait longtemps qu’on se tournait autour. Je l’ai vu, je lui ai raconté le projet. Il m’a dit oui tout de suite et a ajouté qu’il n’avait même pas besoin de lire le scénario. Je ne vais pas sortir le pistolet à miel, mais son investissement a été total.

    « Welcome » a-t-il été facile à produire ? Comment avez-vous convaincu les décideurs ?

    C’est un film cher. Avec onze semaines de tournage, des scènes compliquées… Mais je bénéficie de mes succès antérieurs. « Mademoiselle » et « Je vais bien ne t’en fais pas » ont très bien marché. Les gens des chaînes de télévision se disent « il a le truc, laissons faire… ». J’en profite. Et tant que les spectateurs suivent… Evidemment, ce serait plus simple de tourner des comédies inoffensives. Mais j’en ai marre des films inoffensifs.

     


    Fiarat Ayerdi, dans ’Welcome’ de Philippe Lioret (DR).

    Comment avez-vous recruté vos acteurs ?

    Partout en Europe. Il y a des non professionnels, mais évidemment pas de clandestins. Il ne s’agissait pas de les mettre en danger. Le jeune acteur principal, Firat Ayverdi, est un lycéen. Je me suis aperçu qu’il était très bon nageur et pratiquait même le water-polo. Pour les besoins du film, il a dû désapprendre à nager pour mieux mimer l’initiation.

    Quelles sont les premières réactions aux projections que vous avez organisées sur place ?

    En un sens la plus belle récompense, je l’ai déjà reçue. Le film a été montré dans la région de Calais. Les salles étaient pleines et les gens des associations étaient là. Je n’en menais pas large. Mais ils ont dit que « Welcome » dépeignait fidèlement l’effrayante réalité et qu’il était bon qu’un film grand public s’attaque à ce sujet. Un film sur Louis XVI, personne ne vient vous faire chier sur la crédibilité. Là, évidemment, c’est autre chose. Ça se passe ici et maintenant. Et savoir que vous risquez gros en aidant un clandestin rappelle des périodes sinistres de notre histoire. 

    Vous pensez que le film peut faire bouger les choses ?

    Le film n’est pas un objet militant. Je ne prétends pas bouleverser les rapports nord-sud avec mes petits bras et ma petite caméra. « Welcome » met simplement en accusation un système. Je supporte très mal l’idée que l’on puisse me faire chier si j’emmène un mec qui n’a pas de papiers bouffer une pizza ou dormir chez moi.

    Evidemment, j’entends déjà les reproches. Je vous parle de tout ça dans le salon cossu d’un grand hôtel parisien. Bon, oui, d’accord, soit. Et alors, je ne fais rien ? Je ne pense pas comme ça. Je suis cinéaste. Je pense que le film peut servir à quelque chose. Par exemple à ce que des spectateurs prennent conscience de ce qui se passe à Calais et ailleurs. C’est un premier pas, mais il est fondamental.

    ► Welcome de Philippe Lioret - avec Vincent Lindon, Firat Ayverdi… - Sortie le 11 mars.

    Photos : Fiarat Ayerdi, dans ’Welcome’ de Philippe Lioret (DR). L’acteur Vincent Lindon et le réalisateur Philippe Lioret sur le tournage de ’Welcome’ (DR).



    Eric Besson dans « Welcome » de Lioret (Hervé Fell)

  • Jeunes MRE: Les raisons de leur échec

     

    Jeunes MRE: Les raisons de leur échec

    ETUDE Le mythe du MRE riche qui revient au pays à bord de bolides d’enfer s’étiole. Le Marocain d’ici ouvre désormais ses yeux sur des phénomènes, autrefois insoupçonnés, touchant le Marocain d’ailleurs. La crise n’explique pas tout, comme le montre cette étude de Rabia Hajila.

    Rabia Hajila, Docteur en sciences économiques, option économétrie, a décortiqué les raisons de l’échec scolaire chez des jeunes Marocains vivant en France. C’est là un sujet qui doit intéresser le département en charge des expatriés marocains qui a tendance à s’intéresser aux MRE adultes en oubliant les enfants et les jeunes parmi eux, qui sont les MRE de demain. « Au cours de l’été 1995, j’ai rencontré des élèves immigrés marocains qui sont venus passer leurs vacances au Maroc et qui ont tous abandonné l’école française. Chacun a argumenté son échec à sa façon, chose qui m’a provoqué et m’a poussé à mener une enquête sur le terrain pour déceler les vraies causes de cet abandon.» confie Rabia Hajila à L’Observateur du Maroc. Sa curiosité scientifique l’a amenée à des conclusions qui méritent d’être prises en compte par les responsables concernés.

    Menée à Paris et dans le département des Yvelines (Poissy, Mantes La Jolie, Les Mureaux, Chanteloup, Achères, …), son enquête a consisté en un travail de terrain de longue haleine et le dépouillement de pas moins de 600 questionnaires. Synthèse. Selon les résultats de l’enquête, la répartition des élèves ayant abandonné l’école montre la prééminence du sexe masculin qui représente 61,5% contre seulement 38,5% pour le sexe féminin. Sur l’ensemble des élèves qui ont abandonné leurs études 40% ont un âge de 22 ans, suivi de ceux qui ont un âge compris entre 20 et 21 ans avec des taux respectifs de 23,1% et 23,8%. 50% des élèves ayant abandonné leurs études ont commencé leur scolarisation à l’âge de 6 ans. Les enfants nés en 8e rang sont plus exposés à l’abandon scolaire avec un taux de 25% suivi des enfants nés en 7e rang avec un taux de 12,5%. Les résultats de l’enquête ont montré qu’il existe plus d’abandons lorsque l’âge du père se situe entre 45 et 59 ans et celui de la mère entre 40 et 49 ans. La baisse du niveau d’instruction des parents est une cause principale de l’augmentation du nombre d’abandons des élèves.

    La baisse du niveau d’instruction des parents est une cause principale de l’augmentation du nombre d’abandons des élèves.

    96,2% des pères et 88,2% des mères des élèves qui abandonnent leurs études ont un niveau d’instruction inférieur au secondaire. La répartition des élèves ayant abandonné leurs études montre la prééminence de ceux qui ne sont pas aidés par leurs parents dans le choix de l’option. La famille peut alors jouer un rôle dans la définition du projet scolaire et social de leurs enfants. Le changement de lieu de résidence favorise l’échec scolaire : 80,8% des élèves ayant abandonné leur scolarité ont changé leur lieu de résidence au moins une fois. Certaines variables de comportement telles que la consommation de cigarettes et/ou de drogue et d’alcool peuvent avoir un impact négatif sur les résultats scolaires. En effet, le pourcentage des élèves ayant abandonné leurs études est, par exemple, 7 fois supérieur chez les élèves consommateurs de drogue. Parmi les différentes raisons de l’abandon scolaire avancées par les élèves qui ont quitté l’école : 42,3% préfèrent travailler, 30,8% sont lassés des études, 1,5% veulent se marier pour faciliter l’établissement d’un cousin en France, 7,7% n’ont pas le niveau et ont peur de l’échec, 3,9% à cause des professeurs et 3,8% à cause de la délinquance.

    Parmi les nombreuses autres variables intervenant dans les défections, la plus importante est celle des rapports entre l’adolescent et sa famille. Le risque de le voir quitter prématurément l’école augmente parallèlement au nombre de circonstances défavorables qui jouent en sa défaveur, à l’opposé de bonnes relations familiales devraient lui permettre de surmonter presque toutes les difficultés. En règle générale, l’élève qui risque d’abandonner ses études a des notes médiocres, est peu motivé, n’aspire pas à poursuivre des études supérieures, en étant également issu de parents de conditions socio-économiques inférieures qui ne le prédisposent guère à faire preuve d’autonomie. Ce dernier facteur joue un rôle décisif. Les adolescents à qui le père laisse une autonomie et une part de responsabilité raisonnable ont plus de chance d’acquérir l’attitude constructive, l’assurance et le sens de l’effort si importants pour la réussite scolaire.

  • Viol et mariage des mineurs

    Viol et mariage des mineurs: Quelle suite ?

     

    VIOL ET MARIAGE DES MINEURS Quelle suite ?

    FLÉAU Le mariage des mineurs est un véritable phénomène de société au Maroc, autant que le viol. Les cas se multiplient et les lois tardent à changer.

    Le 10 mars 2012, le suicide d’Amina Filali, 16 ans, secoue le Maroc. Forcée de se marier avec son violeur, la jeune fille préfère mettre fin à ses jours en prenant de la mort aux rats. Une mort tragique qui soulèvera une vague de protestations contre l’article 475 du code pénal. Coupable d’offrir une issue aux violeurs, cette loi est alors accusée par les militants féministes de permettre aux violeurs d’échapper à la prison aux dépends des victimes. Qualifiée d’aberration totale par les défenseurs des droits des femmes, la suppression de la clause donnant au violeur le choix d’épouser sa victime est au centre d’un grand débat national. Un article parmi tant d’autres qui sont considérés comme décalés et incompatibles avec l’esprit d’une législation se voulant plus protectrice des droits des enfants et des femmes.

    Un an après cette triste affaire et au bout de nombreuses manifestations et d’un important débat national mené par la société civile sur l’article 475, Mostafa Ramid, ministre de la Justice, annonce, le 22 janvier 2013, l’amendement de cette loi. D’après le ministre, les amendements introduits à cet article controversé sont de nature à garantir la protection nécessaire des mineurs contre toutes les agressions sexuelles. Trois alinéas seront ajoutés à l’article 475 du Code pénal pour protéger davantage les enfants victimes d’atteinte sexuelle après un enlèvement ou un viol. Les amendements proposés par le département viendront également durcir les sanctions à l’encontre des criminels. « Si une relation sexuelle, même consentie, est suivie par un enlèvement ou un viol, la peine pourrait atteindre dix ans, et en cas d’attentat à la pudeur, elle atteindrait vingt ans ; en cas de viol, le coupable pourrait être puni d’une réclusion de trente ans », explique-t-on au ministère de la Justice.

    Chiffres
    ● Pas de chiffres officiels sur le
    nombre de viols au Maroc. Certaines
    sources associatives estiment
    qu’elles sont des dizaines
    de milliers à en être victimes
    ● 40.000 mariages de mineures
    en 2011
    ● Un chiffre qui représente 12%
    du total des unions au Maroc.
    ● 93% concernent les filles
    entre 16 et 18 ans
    ● 6% des mariées ont moins
    de 16 ans.

    « Ce sont les droits des mineurs qui seront protégés davantage grâce à la suppression de ce second paragraphe. La législation pénale marocaine doit s’adapter à l’évolution de la société et aux valeurs universelles des droits de l’Homme », commente Najat Anouar, présidente de l’association «Touche pas à mon enfant ». Si pour de nombreux observateurs, la suppression de cette clause est une victoire de la société civile qui a tant milité pour la protection juridique des femmes et des enfants, ces deux catégories n’en sont pas moins menacées. Car pour de nombreuses ONG féministes, le combat n’est pas encore fini. L’amendement de la loi 475 étant toujours en gestation à la chambre des représentants, un autre débat se lève cette fois par rapport aux propositions d’amendements de l’article 20 du Code de la famille pour stabiliser l’âge de mariage à 16 ans.

    Cet article autorise en effet aux juges de donner des dérogations pour le mariage des mineurs (moins de 18 ans). Une proposition qui a suscité la colère des féministes qui réclament la suppression immédiate des articles 20, 21 et 22 autorisant toute dérogation. Un grand recul, c’est ainsi que les activistes féministes évaluent ce projet d’amendement proposé par le même Ramid qui veut amender l’article 475. « Un pas en avant, deux en arrière », crient les protestataires. seraitce le cas ? Pour en savoir plus, attendons la rentrée qui s’annonce déjà chaude et animée par les feux de débats cruciaux pour les droits des femmes, mais également des enfants.