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Societe - Page 16

  • D’étranges défenseurs de la liberté

    D’étranges défenseurs de la liberté de la presse à la manifestation pour « Charlie Hebdo »

    lundi 12 janvier 2015, par Alain Gresh

     

    Ils furent des millions de personnes à travers la France à défiler, samedi 10 et dimanche 11 janvier, après l’attentat contre Charlie Hebdo. Ils exprimaient leur immense émotion devant tous ces morts, mais aussi leur attachement à la liberté de la presse. Or cette célébration a été ternie — c’est le moins que l’on puisse dire — par la présence, en tête du cortège parisien, dimanche, de responsables politiques du monde entier dont le rapport avec la liberté de la presse est pour le moins ambigu. Nous n’évoquerons pas ici le fait que ces dirigeants, notamment occidentaux, ont une responsabilité directe dans la guerre contre le terrorisme lancée depuis une vingtaine d’années et dont le résultat essentiel a signifié plus de terrorisme et plus de chaos pour le monde arabo-musulman.

    Lire « “Guerre contre le terrorisme”, acte III », Le Monde diplomatique, octobre 2014.Nous n’en citerons que quelques-uns, parmi les plus emblématiques. Partons du communiqué de Reporters sans frontières (RSF) qui « s’indigne de la présence à la “marche républicaine” à Paris de dirigeants de pays dans lesquels les journalistes et les blogueurs sont systématiquement brimés, tels l’Egypte, la Russie, la Turquie, l’Algérie et les Emirats arabes unis. Au classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF, ces pays sont respectivement 159e, 148e, 154e, 121e et 118e sur 180 ».

    En Egypte, en plus des trois journalistes de la chaîne de télévision Al-Jazira emprisonnés depuis plus d’un an, des dizaines d’autres restent en détention (Lire Warda Mohammed, « Egypte, guerre ouverte contre le journalisme », Orient XXI, 3 juillet 2014. J’ai reçu moi-même un message de quatre d’entre eux (dont Abdallah Fakhrani) attendant, depuis plus d’un an, dans les geôles du régime, un éventuel procès (sur leur cas, lire ici, en arabe). Ce même jour où le ministre des affaires étrangères égyptien défile place de la République, une cour condamne à trois ans de prison un Egyptien pour athéisme.

    Le site de 20 minutes écrit : « Symbole de l’aberration, le communiqué du ministère des affaires étrangères du Maroc annonçant sa présence à la manifestation, mais précisant “au cas où des caricatures du Prophète — prière et salut sur Lui —, seraient représentées pendant cette marche, le ministre des affaires étrangères et de la coopération ou tout autre officiel marocain ne pourraient y participer”. »

    Quant à la Turquie, elle a, ces derniers mois, intensifié la répression contre la presse [1]. Le président Recep Tayyip Erdogan a ainsi fustigé le bilan 2014 des violences contre les journalistes publié par Reporters sans frontières (RSF). A quoi l’organisation a répondu : « Reporters sans frontières tient à la disposition de M. Erdogan les précisions sur les 117 cas d’agressions et menaces de journalistes recensées cette année en Turquie, relève Christophe Deloire, secrétaire général de l’organisation. Faut-il rappeler que RSF est une organisation indépendante et impartiale, dont les conclusions s’appuient sur une méthodologie précise et des faits dont nous pouvons rendre compte ? (…) Les accusations contre RSF participent de la même hostilité contre le pluralisme que celle dont fait preuve le chef de l’Etat contre des journalistes turcs qui n’ont pas l’heur de lui plaire. »

    Nous n’évoquerons pas ici les autres pays où la liberté de la presse est bafouée mais qui ne sont pas situés dans la zone couverte par ce blog. Un dernier mot concerne la venue de Benyamin Nétanyahou, le premier ministre israélien, criminel de guerre « présumé », et de quelques-uns des ses ministre encore plus à l’extrême droite que lui, si c’est possible. Un texte publié dans Haaretzd’Ido Amin, ce 12 janvier (« In Israel, “Charlie Hebdo” would not have even had the right to exist »), faisait remarquer qu’un journal comme Charlie Hebdo ne pourrait pas exister en Israël. Et les journalistes palestiniens emprisonnés, sans parler de ceux qui ont été tués à Gaza par exemple, témoignent de la liberté de la presse « made in Israel ». Au demeurant, la présence de ces ministres est une insulte à toutes les valeurs dont prétendent se parer les organisateurs de la manifestation, un hold-up qu’il est important de dénoncer.

  • « Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde. »

    « Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde. »
    Bertolt Brecht


    L’attentat contre l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo marquera notre histoire contemporaine. Il reste à savoir dans quel sens et avec quelles conséquences. Dans le contexte actuel de « guerre contre le terrorisme » (guerre extérieure) et de racisme et d’islamophobie d’Etat, les artisans de cet acte ont, consciemment ou non [1] accéléré un processus de stigmatisation et d’isolement de la composante musulmane, réelle ou supposée, des classes populaires.

    Les conséquences politiques de l’attentat sont déjà désastreuses pour les classes populaires et cela va se renforcer si aucune alternative politique à la fameuse « Union Nationale » n’est proposée.

    En effet, la manière dont les médias français et une écrasante majorité de la classe politique réagissent est criminelle. Ce sont ces réactions qui sont dangereuses pour l’avenir et qui portent en elles de nombreux « dégâts collatéraux » et de futurs 7 et 9 janviers toujours plus meurtriers. Comprendre et analyser pour agir est la seule posture qui peut permettre aujourd’hui d’éviter les instrumentalisations et dévoiements d’une émotion, d’une colère et d’une révolte légitime.

    L’occultation totale des causes

    Ne pas prendre en compte les causalités profondes et immédiates, isoler les conséquences du contexte qui les fait émerger et ne pas inscrire un événement aussi violent dans la généalogie des facteurs qui l’ont rendu possible condamne, au mieux, à la tétanie, au pire, à une logique de guerre civile. Aujourd’hui, personne dans les médias n’aborde les causes réelles ou potentielles. Pourquoi est-il possible qu’un tel attentat se produise à Paris aujourd’hui ?

    Comme le souligne Sophie Wahnich, il existe « un usage fasciste des émotions politiques de la foule » dont le seul antidote est le « nouage possible des émotions et de la raison » [2]. Ce que nous vivons aujourd’hui est ce cantonnement des discours médiatiques et politiques dominants à la seule émotion, en occultant totalement l’analyse réelle et concrète. Toute tentative d’analyse réelle de la situation, telle qu’elle est, ou toute analyse tentant de proposer une autre explication que celle fournie par les médias et la classe politique, devient une apologie de l’attentat.

    Regard sur le ventre fécond de la bête immonde

    Regardons donc du côté des causes et d’abord de celles qui relèvent désormais de la longue durée et de la dimension internationale. La France est une des puissances les plus en guerre sur la planète. De l’Irak à la Syrie, en passant par la Libye et l’Afghanistan pour le pétrole, du Mali à la Centrafrique, en passant par le Congo pour les minerais stratégiques, les soldats français contribuent à semer la mort et le désastre aux quatre coins de la planète.

    La fin des équilibres mondiaux issus de la seconde guerre mondiale avec la disparition de l’URSS, couplée à une mondialisation capitaliste centrée sur la baisse des coûts pour maximiser les profits et à la nouvelle concurrence des pays émergents, font de la maîtrise des matières premières la cause principale des ingérences, interventions et guerres contemporaines. Voici comment le sociologue Thierry Brugvin résume la place des guerres dans le monde contemporain :

    « La conclusion de la guerre froide a précipité la fin d’une régulation des conflits au niveau mondial. Entre 1990 et 2001 le nombre de conflits interétatiques a explosé : 57 conflits majeurs sur 45 territoires distincts. […] Officiellement, le départ pour la guerre contre une nation adverse est toujours légitimé par des mobiles vertueux : défense de la liberté, démocratie, justice… Dans les faits, les guerres permettent de contrôler économiquement un pays, mais aussi de faire en sorte que les entrepreneurs privés d’une nation puissent accaparer les matières premières (pétrole, uranium, minerais, etc.) ou les ressources humaines d’un pays. » [3]

    Depuis les attentats du 11 septembre 2001, le discours de légitimation des guerres s’est construit essentiellement sur le « danger islamiste » contribuant au développement d’une islamophobie à grande échelle au sein des principales puissances occidentales, que les rapports officiels eux-mêmes sont contraints de constater. [4] Dans le même temps, ces guerres produisent une solide « haine de l’occident » dans les peuples victimes de ces agressions militaires. [5] Les guerres menées par l’occident sont une des principales matrices de la bête immonde.

    Dans la volonté de contrôle des richesses pétro-gazières, le Proche et le Moyen-Orient sont un enjeu géostratégique central. Les stratégies des puissances occidentales en général et françaises en particulier, se déploient sur deux axes : le renforcement d’Israël comme base et pivot du contrôle de la région, et le soutien aux pétromonarchies réactionnaires du golfe.

    Le soutien indéfectible à l’Etat d’Israël est ainsi une constante de la politique française ne connaissant pas d’alternance, de Sarkozy à Hollande. L’État sioniste peut assassiner en toute impunité sur une grande échelle. Quels que soient l’ampleur et les moyens des massacres, le gérant local des intérêts occidentaux n’est jamais véritablement et durablement inquiété. François Hollande déclare ainsi lors de son voyage officiel en Israël en 2013 : « je resterai toujours un ami d’Israël ». [6]

    Et, là aussi, le discours médiatique et politique de légitimation d’un tel soutien se construit sur la base d’une présentation du Hamas palestinien mais également (à travers des imprécisions verbales récurrentes) de la résistance palestinienne dans son ensemble, de la population palestinienne dans son ensemble et de ses soutiens politiques internationaux, comme porteurs d’un danger « islamiste ». La logique « du deux poids, deux mesures » s’impose une nouvelle fois à partir d’une approche islamophobe portée par les plus hauts sommets de l’État et relayée par la grande majorité des médias et des acteurs politiques.

    Tel est le second profil du ventre de la bête immonde.

    Ces facteurs internationaux se conjuguent à des facteurs internes à la société française. Nous avons déjà souligné, plus haut, l’islamophobie d’État, propulsée par la loi sur le foulard en 2004 et entretenue depuis régulièrement (discours sur les révoltes des quartiers populaires en 2005, loi sur le niqab, « débat » sur l’identité nationale, circulaire Chatel et exclusion des mères voilées des sorties scolaires, harcèlement des lycéennes en jupes longues, interdiction des manifestations de soutien au peuple palestinien, etc.).
    Il faut maintenant souligner que ce climat islamophobe n’a été confronté à aucune réponse par les forces politiques se réclamant des classes populaires. Plus grave, un consensus très large s’est fait jour à plusieurs reprises, au prétexte de défendre la « laïcité » ou de ne pas frayer avec « ceux qui défendent le Hamas ». De l’extrême-droite à une partie importante de l’extrême gauche, les mêmes arguments ont été avancés, les mêmes clivages ont été construits, les mêmes conséquences ont été produites.
    Le résultat n’est rien d’autre que l’enracinement encore plus profond des islamalgames, l’approfondissement d’un clivage au sein des classes populaires, la fragilisation encore plus grande des digues antiracistes déjà fragilisées, et des violences concrètes ou symboliques exercées contre les musulmans et les musulmanes. Ce résultat peut se décrire, comme le propose Raphaël Liogier, comme la diffusion, dans une partie importante de la société, du « mythe de l’islamisation » débouchant sur la tendance à constituer une « obsession collective ». [7]

    La tendance à la production d’une « obsession collective » s’est de surcroît encore approfondie avec le traitement médiatique récent des cas Zemmour et Houellebecq.
    Après lui avoir offert de multiples tribunes, Eric Zemmour est renvoyé d’I-télé pour avoir proposé la « déportation des musulmans français ». Dans le contexte d’obsession collective que nous avons évoquée, cela lui permet de se poser en victime. Quant à l’écrivain, il est défendu par de nombreux journalistes au prétexte de ne pas confondre fiction et réalité.

    Dans les deux cas cependant, il reste un approfondissement de « l’obsession collective » d’une part, et le sentiment d’être insulté en permanence une nouvelle fois, d’autre part.

    Tel est le troisième profil du ventre de la bête immonde.

    Ce facteur interne d’une islamophobie banalisée a des effets décuplés dans le contexte de fragilisation économique, sociale et politique générale des classes populaires aujourd’hui. La paupérisation et la précarisation massive sont devenues insoutenables dans les quartiers populaires. Il en découle des rapports sociaux marqués par une violence grandissante contre soi et contre les proches. A cela, se combinent le déclassement d’une part importante des classes moyennes, ainsi que la peur du déclassement pour ceux chez qui tout va encore bien mais qui ne sont pas « bien nés ». Ceux-là, se sentant en danger, disposent alors d’une cible consensuelle déjà toute désignée médiatiquement et politiquement comme légitime : le musulman ou la musulmane.

    La fragilisation touche encore plus fortement la composante issue de l’immigration des classes populaires, qui est confrontée aux discriminations racistes systémiques (angle absolument mort des discours des organisations politiques se réclamant des classes populaires), celles-ci produisant des trajectoires de marginalisation (dans la formation, dans l’emploi, dans la recherche du logement, dans le rapport à la police et aux contrôles au faciès, etc.). [8]

    L’approfondissement du clivage entre deux composantes des classes populaires dans une logique de « diviser ceux qui devraient être unis (les différentes composantes des classes populaires) et d’unir ceux qui devraient être divisés (les classes sociales aux intérêts divergents) » est le quatrième profil du ventre de la bête immonde.

    De quoi accouche un tel ventre ?

    Une telle matrice est à l’évidence propice à l’émergence de trajectoires nihilistes se traduisant par la tuerie à Charlie Hebdo. Extrêmement minoritaires, ces trajectoires sont une production de notre système social et des inégalités et discriminations massives qui le caractérisent.

    Mais ce qu’ont révélé les réactions à l’attentat est tout autant important et, quantitativement, bien plus répandu que l’option nihiliste (pour le moment ?).
    Sans pouvoir être exhaustifs, rappelons quelques éléments de ces derniers jours. Du côté des discours, nous avons eu Marine Le Pen exigeant un débat national contre le « fondamentalisme islamique », le bloc identitaire déclarant la nécessité de « remettre en cause l’immigration massive et l’islamisation » pour lutter contre le « djihadisme », le journaliste Yvan Rioufol du Figaro sommant Rokhaya Diallo de se désolidariser sur RTL, Jeannette Bougrab accusant « ceux qui ont traité Charlie Hebdo d’islamophobe » d’être les coupables de l’attentat, sans compter toutes les déclarations parlant « de guerre déclarée ».

    A ces propos, se joignent des passages à l’acte de ces derniers jours : une Femen se filme en train de brûler et de piétiner le Coran, des coups de feu sont tirés contre la mosquée d’Albi, des tags racistes sont peints sur les mosquée de Bayonne et Poitiers, des grenades sont lancées contre une autre au Mans, des coups de feu sont tirés contre une salle de prière à Port la Nouvelle, une autre salle de prière est incendiée à Aix les Bains, une tête de sanglier et des viscères sont accrochés devant une salle de prière à Corte en Corse, un restaurant-snack-kebab est l’objet d’une explosion à Villefranche sur Saône, un automobiliste est la cible de coups de feu dans le Vaucluse, un lycéen d’origine maghrébine de 17 ans est molesté lors d’une minute de silence à Bourgoin-Jallieu en Isère, etc. Ces propos et actes montrent l’ampleur des dégâts d’ores et déjà causés par les dernières décennies de banalisation islamophobe. Ils font aussi partie de la bête immonde.

    La bête immonde se trouve également dans l’absence criante d’indignation face aux victimes innombrables des guerres impérialistes de ces dernières décennies. Réagissant à propos du 11 septembre, la philosophe Judith Butler s’interroge sur l’indignation inégale. Elle souligne que l’indignation justifiée pour les victimes du 11 septembre s’accompagne d’une indifférence pour les victimes des guerres menées par les USA : « Comment se fait-il qu’on ne nous donne pas les noms des morts de cette guerre, y compris ceux que les USA ont tués, ceux dont on n’aura jamais une image, un nom, une histoire, jamais le moindre fragment de témoignage sur leur vie, quelque chose à voir, à toucher, à savoir ? ». [9]

    Cette indignation inégale est à la base du processus de production d’un clivage bien réel au sein des classes populaires. Et c’est ce clivage qui est porteur de tous les dangers, notamment en période de construction de « l’union nationale », comme aujourd’hui.
    L’union nationale qu’ils rêvent de construire, c’est « toutes et tous ensemble contre ceux qui ne sont pas des nôtres, contre celles et ceux qui ne montrent pas patte blanche ».

    Une formidable instrumentalisation politique

    Mais le scandale que nous vivons aujourd’hui ne s’arrête pas là. C’est avec un cynisme consommé que des instrumentalisations de la situation, et de la panique qu’elle suscite, se déploient à longueur de journée.

    * Renforcement sécuritaire et atteintes aux libertés démocratiques

    Certains, comme Dupont Aignan, réclament « plus de souplesse aux forces de l’ordre » alors qu’une nouvelle « loi antiterroriste » a déjà été votée l’automne dernier. Et, en écho, Thierry Mariani fait référence au Patriot Act états-unien (dont la conséquence a été de graves atteintes aux libertés individuelles sous prétexte de lutte contre le terrorisme) : « Les Etats-Unis ont su réagir après le 11 Septembre. On a dénoncé le Patriot Act, mais, depuis, ils n’ont pas eu d’attentat à part Boston ». [10]

    Instrumentaliser la peur et l’émotion pour renforcer des lois et mesures liberticides, telle est la première manipulation qui est aujourd’hui testée pour mesurer le champ des possibles en matière de régression démocratique. D’ores et déjà, certaines revendications légitimes et urgentes sont rendues inaudibles par la surenchère sécuritaire qui tente de profiter de la situation : il sera par exemple beaucoup plus difficile de mener le combat contre le contrôle au faciès, et les humiliations quotidiennes qu’il produit continueront à s’exercer dans l’indifférence générale.

    L’unité nationale

    La construction active et déterminée de l’unité nationale est la seconde instrumentalisation majeure en cours. Elle permet de mettre en sourdine l’ensemble des revendications qui entravent le processus de dérégulation généralisé. La ficelle a beau être grosse, elle est efficace dans un climat de peur généralisé, que l’ensemble des médias produisent quotidiennement.

    Dans certaines villes, l’unité nationale est déjà étendue au Front National qui a participé aux rassemblements de soutien à Charlie Hebdo. Dati et Fillon s’indignent déjà de « l’exclusion » de Marine Le Pen de l’unité nationale. C’est cette « unité nationale » qui fait le plus de dégâts politiquement aussi, car elle détruit les rares repères positifs qui pouvaient exister auparavant en termes d’alliances possibles et d’identités politiques.

    L’injonction à se justifier

    Une autre instrumentalisation se trouve dans l’injonction permanente des musulmans réels ou supposés à se justifier pour des actes qu’ils n’ont pas commis, et/ou à se démarquer des auteurs de l’attentat.

    Cette mise en accusation permanente est humiliante. Il n’est venu à l’idée de personne d’exiger de tous les chrétiens réels ou supposés une condamnation lorsque le Norvégien Anders Behring Breivik a assassiné 77 personnes en juillet 2011 en se revendiquant de l’islamophobie et du nationalisme blanc.

    Derrière cette injonction, se trouve la logique posant l’islam comme étant par essence incompatible avec la République. De cette logique découle l’idée de mettre les musulmans, réels ou supposés, sous surveillance non seulement des policiers, mais également des médias, des profs, des voisins, etc.

    Être Charlie ? Qui peut être Charlie ? Qui veut être Charlie ?

    Le slogan « nous sommes tous Charlie » est enfin la dernière instrumentalisation en déploiement ces jours-ci. Si l’attentat contre Charlie Hebdo est condamnable, il est hors de question cependant d’oublier le rôle qu’a joué cet hebdomadaire dans la constitution du climat islamophobe d’aujourd’hui.

    Il est également hors de question d’oublier les odes à Bush que ses pages accueillaient alors que celui-ci impulsait cette fameuse « guerre contre le terrorisme » en Afghanistan puis en Irak. Ces prises de positions écrites ou dessinées ne sont pas des détails ou de simples amusements sans conséquences : elles sont à l’origine de multiples agressions de femmes voilées et de nombreux actes contre des lieux de cultes musulmans.
    Surtout, ce journal a fortement contribué à cliver les classes populaires au moment où elles avaient besoin plus que jamais d’unité et de solidarité. Nous ne sommes PAS PLUS

    Charlie hier qu’aujourd’hui.

    Les temps qui s’annoncent vont être difficiles et coûteux.
    Pour stopper l’escalade, nous devons mettre fin à la violence des dominants : nous devons nous battre pour stopper les guerres impérialistes en cours et abroger les lois racistes.

    Pour stopper l’escalade, nous devons développer tous les cadres et événements de solidarité destinés à empêcher la déferlante des propos ou actes racistes et notamment islamophobes.

    Pour stopper l’escalade, nous devons construire tous les espaces de solidarité économique et sociale possibles dans nos quartiers populaires, en toute autonomie vis-à-vis de tous ceux qui prônent l’union nationale comme perspective.
    Plus que jamais, nous avons besoin de nous organiser, de serrer les rangs, de refuser la logique « divisant ceux qui devraient être unis et unissant ceux qui devraient être divisés ».

    Plus que jamais, nous devons désigner l’ennemi pour nous construire ensemble : l’ennemi c’est tout ce qui nous divise.

    Publié sur Le blog de Saïd Bouamama

  • 10 techniques de manipulation de masse

     

    1/ La stratégie de la distraction

    Élément primordial du contrôle social, la stratégie de la diversion consiste à détourner l’attention du public des problèmes importants et des mutations décidées par les élites politiques et économiques, grâce à un déluge continuel de distractions et d’informations insignifiantes. La stratégie de la diversion est également indispensable pour empêcher le public de s’intéresser aux connaissances essentielles, dans les domaines de la science, de l’économie, de la psychologie, de la neurobiologie, et de la cybernétique. « Garder l’attention du public distraite, loin des véritables problèmes sociaux, captivée par des sujets sans importance réelle. Garder le public occupé, occupé, occupé, sans aucun temps pour penser; de retour à la ferme avec les autres animaux. »
    Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »

     

     

    2/ Créer des problèmes, puis offrir des solutions

    Cette méthode est aussi appelée « problème-réaction-solution ». On crée d’abord un problème, une « situation » prévue pour susciter une certaine réaction du public, afin que celui-ci soit lui-même demandeur des mesures qu’on souhaite lui faire accepter. Par exemple: laisser se développer la violence urbaine, ou organiser des attentats sanglants, afin que le public soit demandeur de lois sécuritaires au détriment de la liberté. Ou encore : créer une crise économique pour faire accepter comme un mal nécessaire le recul des droits sociaux et le démantèlement des services publics.

     

    3/ La stratégie de la dégradation

    Pour faire accepter une mesure inacceptable, il suffit de l’appliquer progressivement, en « dégradé », sur une durée de 10 ans. C’est de cette façon que des conditions socio-économiques radicalement nouvelles (néolibéralisme) ont été imposées durant les années 1980 à 1990. Chômage massif, précarité, flexibilité, délocalisations, salaires n’assurant plus un revenu décent, autant de changements qui auraient provoqué une révolution s’ils avaient été appliqués brutalement.

     

    4/ La stratégie du différé

    Une autre façon de faire accepter une décision impopulaire est de la présenter comme « douloureuse mais nécessaire », en obtenant l’accord du public dans le présent pour une application dans le futur. Il est toujours plus facile d’accepter un sacrifice futur qu’un sacrifice immédiat. D’abord parce que l’effort n’est pas à fournir tout de suite. Ensuite parce que le public a toujours tendance à espérer naïvement que « tout ira mieux demain » et que le sacrifice demandé pourra être évité. Enfin, cela laisse du temps au public pour s’habituer à l’idée du changement et l’accepter avec résignation lorsque le moment sera venu.

     

    5/ S’adresser au public comme à des enfants en bas-âge

    La plupart des publicités destinées au grand-public utilisent un discours, des arguments, des personnages, et un ton particulièrement infantilisants, souvent proche du débilitant, comme si le spectateur était un enfant en bas-age ou un handicapé mental. Plus on cherchera à tromper le spectateur, plus on adoptera un ton infantilisant. Pourquoi ? « Si on s’adresse à une personne comme si elle était âgée de 12 ans, alors, en raison de la suggestibilité, elle aura, avec une certaine probabilité, une réponse ou une réaction aussi dénuée de sens critique que celles d’une personne de 12 ans ». Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »

     

    6/ Faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion

    Faire appel à l’émotionnel est une technique classique pour court-circuiter l’analyse rationnelle, et donc le sens critique des individus. De plus, l’utilisation du registre émotionnel permet d’ouvrir la porte d’accès à l’inconscient pour y implanter des idées, des désirs, des peurs, des pulsions, ou des comportements…

     

    7/ Maintenir le public dans l’ignorance et la bêtise

    Faire en sorte que le public soit incapable de comprendre les technologies et les méthodes utilisées pour son contrôle et son esclavage. « La qualité de l’éducation donnée aux classes inférieures doit être la plus pauvre, de telle sorte que le fossé de l’ignorance qui isole les classes inférieures des classes supérieures soit et demeure incompréhensible par les classes inférieures. Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »

     

    8/ Encourager le public à se complaire dans la médiocrité

    Encourager le public à trouver « cool » le fait d’être bête, vulgaire, et inculte…

     

    9/ Remplacer la révolte par la culpabilité

    Faire croire à l’individu qu’il est seul responsable de son malheur, à cause de l’insuffisance de son intelligence, de ses capacités, ou de ses efforts. Ainsi, au lieu de se révolter contre le système économique, l’individu s’auto-dévalue et culpabilise, ce qui engendre un état dépressif dont l’un des effets est l’inhibition de l’action. Et sans action, pas de révolution!…

     

    10/ Connaître les individus mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes

    Au cours des 50 dernières années, les progrès fulgurants de la science ont creusé un fossé croissant entre les connaissances du public et celles détenues et utilisées par les élites dirigeantes. Grâce à la biologie, la neurobiologie, et la psychologie appliquée, le « système » est parvenu à une connaissance avancée de l’être humain, à la fois physiquement et psychologiquement. Le système en est arrivé à mieux connaître l’individu moyen que celui-ci ne se connaît lui-même. Cela signifie que dans la majorité des cas, le système détient un plus grand contrôle et un plus grand pouvoir sur les individus que les individus eux-mêmes.

    Noam Chomsky

  • « Nique la France »

     
     

    14 janvier 2015

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    Le rappeur Saïdou du groupe Z.E.P (Zone d’expression populaire) et le sociologue et militant Saïd Bouamama sont mis en examen pour « injure publique » et « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence » sur une plainte de l’Agrif, un groupe d’extrême droite nostalgique de l’Algérie française. Comme des millions de gens à travers le globe ces dernières années, les deux auteurs ont attaqué le colonialisme et le système capitaliste et impérialiste. Comme beaucoup d’entre nous, ils dénoncent une idéologie toujours très en vogue : le racisme, sous ses formes les plus courantes mais aussi les plus décomplexées. Comme de nombreux habitants des quartiers populaires, ils ont crié leur colère contre les inégalités, les discriminations et la justice à double vitesse. C’est pour cela qu’ils sont poursuivis en justice. Le procès de Saïdou Zep et de Saïd Bouamama aura lieu le 20 janvier, à 13h30 au TGI de Paris. (4 Boulevard du Palais, 75001 Paris - Métro Cité Ligne 4) Soyons nombreuses et nombreux à nous mobiliser, c'est la liberté d'expression qui y est directement attaquée.

     

    Nous vivons des discriminations racistes massives, systémiques, structurelles et institutionnelles. Celles-ci touchent l’ensemble des sphères de notre existence (scolarité, formation, emploi, logement, rapport à la police, etc.) faisant de nous un groupe social infériorisé, délégitimé, assigné aux places les plus précaires, les plus dégradées, les plus inégales de la société française.

    Nous sommes l’objet de campagnes idéologiques régulières nous construisant comme « barbares », « homophobes », « antisémites », « allergiques à la laïcité », « terroristes », etc.

    L’islamophobie s’impose progressivement comme seule porte d’entrée pour faire de nous des « ennemis de l’intérieur » à mettre sous surveillance, à traquer, à réprimer, etc. Notre intimité est violée par des débats médiatiques et politiques insultants. De la loi sur le foulard à l’école au projet de loi sur la « burqa », en passant par le débat sur les minarets, celui sur ladite « identité nationale » et celui sur la révolte des quartiers populaires en novembre 2005.

    La production systématique d’humiliations à l’endroit de tout un groupe social continue et s’amplifie. Nous sommes enfermés systémiquement dans des frontières qui pour être invisibles n’en sont pas moins réelles. L’ouverture des check points pour quelques uns, largement médiatisés, n’occulte aucunement qu’ils sont infranchissables pour la grande majorité des nôtres.

    Du guichet des préfectures au contrôle de police, en passant par la sélection scolaire et les discriminations à l’emploi, notre quotidien est le rappel permanent de ces frontières. Nous sommes en permanence sommés à l’allégeance. À la soumission. À la justification. À la politesse. À la discrétion. À l’invisibilité. Alors même que la sauvegarde de notre dignité exige de la révolte. De la lutte. De la visibilité. De l’impolitesse.

    De l’irrévérence. De l’insoumission. De l’impatience égalitaire. Nous sommes sommés d’aimer le système qui nous opprime. Nous sommes accusés de « communautarisme » lorsque nous tentons de nous organiser entre dominés de manière autonome. Lorsque nous ne baissons plus la tête et que nous refusons d’être invisibilisés. Ce « communautarisme » diabolisé est pourtant dans le contexte de domination qui est le nôtre, un rempart contre la dépersonnalisation. La décomposition. La « haine de soi ».

    Pourquoi diable aurions-nous honte d’être Arabe, Noir, Musulman… D’être des non-Blancs. Nous sommes accusés de « victimisation » lorsque nous nous contentons de dénoncer les discriminations racistes massives que nous subissons et que nous exigeons d’être traités égalitairement. Nous sommes objectivement des victimes d’un système raciste se traduisant par des discriminations massives et systémiques.

    Quel est donc ce Nous ? Ce nous est à la fois un héritage de la colonisation et une production permanente du système social français actuel. Ce nous est repérable statistiquement dans les multiples travaux de recherches mettant en exergue les catégories touchées par les discriminations et les inégalités. Ce nous est facilement cernable par l’observation des stigmatisations médiatiques et politiques régulières d’une origine, d’un statut juridique, d’une couleur de peau, d’une religion.

    Ce nous est composé des Noirs, des Arabes et des Musulmans de France, quels que soient leur statut juridique et leur nationalité. C’est d’abord et surtout à ce nous que nous nous adressons pour qu’il relève encore plus la tête. Pour qu’il s’organise de manière autonome. Pour qu’il ne se berce plus d’illusions devant les fausses promesses, les discours d’intentions et/ou de compassions et les mythes de la République (égalité des chances, fraternité, pensée des Lumières, etc.) que l’on nous brandit pour nous endormir. Notre avenir dépend d’abord de nous-mêmes. Des luttes que nous serons capables de mener. Des rapports de force que nous serons à même de poser.

    De l’autonomie politique, revendicative, organisationnelle que nous serons en mesure de bâtir. Désormais, nous avons le choix entre la passivité productrice d’une sous-citoyenneté et la lutte productrice de progrès.

    Nous nous adressons ensuite aux « Blancs » qui refusent sans ambiguïté ce système raciste caractérisant la société française, mais qui sont cependant conscients de bénéficier d’un statut de « petits Blancs ». Ils sont produits et construits par un système social raciste qui les met à une place différente de la nôtre par la distribution d’avantages ou de privilèges aux uns, et de désavantages et de traitements inégalitaires aux autres. En construisant une rareté des biens (logement, travail, formation, etc.), ce système social produit une concurrence entre les Blancs et les non-Blancs, poussant les uns à adopter une mentalité de « petits Blancs », comme à l’époque coloniale, et cantonnant les autres à un statut d’indigènes.

    C’est pour cette raison que nous exigeons, aujourd’hui, tout de suite, et dans toutes les sphères de la vie sociale : l’égalité de traitement. Par ailleurs, nous savons aussi que l’histoire coloniale et le système social français actuel ont imprégné et imprègnent profondément toutes les couches et classes sociales de la société française. C’est parce que nous voulons rompre radicalement avec cette imprégnation, qui pour nous prend la forme d’une mentalité du colonisé embrassant la main de son tortionnaire, que nous exigeons la même rupture radicale avec les postures de petits Blancs, les postures paternalistes, civilisatrices, intégrationnistes, etc.

    En 1984, lors d’une de nos marches nationales (Convergence 84 pour l’égalité), nous disions déjà être dans les caves de la société française, mais aussi qu’en tâtonnant dans le noir, nous nous apercevions que des Blancs étaient dans ces caves, juste à l’étage au-dessus. Nous ne nous faisions aucune illusion quant à leur paternalisme. Cependant, nous en appelions à la convergence car nous considérions qu’eux aussi, en tant que pauvres, étaient mis à la marge de la société. Nous ne sommes pas surpris pour autant de constater aujourd’hui, 25 ans après, que nous en sommes à des débats sur la « burqa », l’identité nationale, à des expulsions de sans-papiers dans l’indifférence générale, à la multiplication des crimes racistes et à des discriminations faisant désormais système, qui attestent de l’échec de cette inclusion proposée. La seule conclusion possible, dans ce contexte, est la nécessité de construire une posture de rupture nette, claire, radicale, avec tous les discours mystificateurs produits et diffusés pour légitimer et faire perdurer les inégalités et les injustices de cette société et de cette France qui n’a jamais été décolonisée. Ainsi que l’exigence d’une autonomie inviolable des modes d’énonciation du « soi » et du « nous ».

    C’est pourquoi nous disons calmement et sereinement « Nique la France » coloniale, raciste et inégalitaire. Si cette expression est apparue spontanément dans la bouche de jeunes des quartiers populaires, et ensuite dans des titres et des paroles de chansons, ce n’est ni par une attirance particulière vers la vulgarité ni pour les connotations sexuelles que certains y voient. Cela fait bien longtemps que cette expression signifie le refus de l’insupportable. Le rejet d’une place assignée. La volonté de ne plus être un objet parlé mais de devenir un sujet parlant. Toutes les lois et répressions du monde ne pourront rien contre l’expression du refus d’une vie d’esclave ou d’indigène.

    Siffler la Marseillaise ou dire « Nique França » est un acte politique qui se décline dans une multitude de formes. Il signifie le refus de la place assignée.

    « Nique França » ne dit pas : « Je suis ceci ou cela », mais « Je conteste d’être ceci », « Je refuse d’être cela », « Je m’insurge contre la place à laquelle on veut m’assigner » ;

    « Nique la France » c’est le refus de l’invisibilité et de la discrétion. C’est l’affirmation de notre droit à être ce que nous sommes et à le montrer ostensiblement ;

    « Nique la France » c’est refuser l’injonction de déférence et de politesse envers un fonctionnement social qui nous opprime. Nous exploite. Nous stigmatise. Et nous relègue ;

    « Nique la France » c’est nous affirmer comme seuls porteurs de notre émancipation en refusant une « intégration », une « assimilation », une « civilisation » que l’on a définit pour nous comme si nous n’étions que de la pâte à modeler, façonnable à souhait ;

    Le « Nique la France » perdurera tant que durera l’inégalité. Il ne peut disparaître tant que subsistent l’oppression et les discriminations. Il est engendré en permanence par nos conditions d’existence et les violences physiques, sociales, symboliques qui les caractérisent. Aucune personne ni aucun groupe n’a le moindre pouvoir de le faire disparaître tant que ses causes profondes sont encore en œuvre.

    Nous ne voulons plus être sur la défensive et la justification, car ces postures sont celles de la domination intériorisée. Nous nous situons dans l’exigence d’une égalité immédiate et non dans la plainte ou la négociation.

    Nous n’avons qu’une colère, mais elle est profonde : celle contre les injustices ; nous n’avons qu’une haine, mais elle est profondément enracinée : celle envers l’oppression. Nous n’avons qu’une passion, mais elle est totale : celle de l’égalité.

  • La théorie du genre : menace universelle

     

    La peste idéologique du “gender” gangrène l’Occident et bientôt le monde tout entier

    samedi 8 février 2014

    Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer la gangrène du gender ne touche pas que l’Hexagone. Ce mal atteint touche toute l’Europe. Il vient d’Amérique du Nord, États-Unis et Canada, grandes colonies messianiques judéo-protestantes. Au demeurant il n’est pas destiné à rester confiné dans la sphère occidentaliste. Déjà la Démocrate Hillary Clinton tançait sévèrement les États africains qui se montraient réticents à libéraliser ou à banaliser les comportements sexuellement déviants. En un mot la gangrène du messianisme pansexualiste n’est pas un problème lié à la seul décadence, ou plutôt à la dégénérescence, de l’Occident et particulièrement de l’Europe postchrétienne, elle ronge maintenant la planète tout entière… À l’exception pour l’instant de la Russie et de la Chine, peut-être encore quelque peu immunisées par leur proche passé de glaciation marxiste-léniniste 1.

    Il est essentiel, si l’on veut espérer curer le mal et en extirper les racines, d’en connaître les origines et les finalités. À côté de la foule de ceux qui communient dans la religion du progrès, les esprits forts et les modernistes ne croyant qu’en la raison et la science triomphantes, œuvre l’omnipotent anarcholibéralisme. Celui-ci gouverne la vie des nations, des peuples et des hommes. Il a depuis longtemps rompu les amarre avec l’éthique protestante que Max Weber avait nommé « l’esprit du capitalisme ». Le temps où Guizot lançait son « Enrichissez-vous ! », sous entendu “par le labeur, dans la probité et l’intégrité morale”, est bien révolu. Or ce Moloch hypercapitaliste rêve d’une humanité uniformisée toute asservie à la marchandise, au sexe et à l’argent. Un vil bétail humain soumis à des lois noachiques 2 réinterprétées au service d’un matérialisme athéiste derrière lequel se dissimule un dieu caché. Une hideuse idole punissant de mort - au moins de mort sociale - quiconque ne se soumet pas à ses lois négatrices de la civilisation et du genre humain…

    L’État à travers la Dass ne menace-t-il pas en France de retirer leurs enfants à ceux qui refusent ou refuseraient le formatage idéologique de l’École publique ? À cet effet un projet de loi d’essence totalitaire a été déposé au bureau de l’Assemblée le 18 décembre dernier qui visant à interdire l’enseignement à domicile. La sénatrice socialiste Laurence Rossignol n’a-t-elle pas déclaré en substance que « les enfants n’appartiennent pas aux parents, mais à l’État » [France2/5avril2013] ? Très récemment Mme Najat Belkacem n’annonçait-elle pas de son côté qu’elle s’employait à faire retirer une part fiscale aux familles dont un seul membre travaillerait ? La libération des femmes par le travail – Arbeit mit frei - en quelque sorte ! Ce qui par contrecoup devrait contraindre à la scolarisation précoce des enfants et à les retirer à l’emprise délétère de mères de famille nécessairement arriérées. Allez hop au travail, l’État s’occupe de vos enfants… scientifiquement !

    Qu’est-ce au juste que cette « théorie du genre » ?

    Mais qu’est-ce au juste que cette “théorie du genre” ? Selon Drieu Godefredi 3«  la théorie du genre soutient que la notion de sexe est culturelle de part en part. Que la distinction des sexes est sans ancrage biologique, donc arbitraire et modulable. Qu’en outre, le modèle hétérosexuel exerce une violence littéralement innommable sur les modèles sexuels et les genres alternatifs. Qu’il est donc temps, et légitime, de “défaire le genre”, pour reprendre le titre de l’un des ouvrages de la prêtresse contemporaine du genre, Judith Butler 4 , en éradiquant toute référence au masculin et au féminin, deux genres parmi une sarabande infinie de variations possibles… trans, queer, drag, butch, garou, dyke, fem, and so and » !

    Ça c’est pour la théorie. Dans la pratique, les mouvements LGBT [lesbiennes/gays/bi et transsexuels] ont transcrit le concept – en vérité la pressante l’injonction - d’éradiquer le binôme homme/femme pour le faire éclater en une multitude de possibles, de choix en fonction du caprice de l’instant, de l’humeur ou des circonstances. Le “sexe” masculin et féminin ne serait au fond qu’un vêtement échangeable ou interchangeable. L’idéal du caméléon, du nomade existentiel, bref du détraqué que la société s’efforce de promouvoir et produire en masse dès le plus jeune âge… Ce noble projet a finalement pour but de révéler au genre humain les extensibles potentialité d’une nature qui était jusqu’ici un leurre : l’homme n’était pas ce qu’il croyait être. Grâce au progrès des sciences humaines, aux lobbies LGBT et à MM. Hollande et Ayrault, hérauts de la modernité, nous savons maintenant ce qu’il en est. Merci à eux.

    Bref, les Associations représentant les minorités sexuelles s’étant mises en cheville avec l’Éducation nationale, elles furent chargées de mettre en musique les grands principes républicains d’Égalité de tous et de tout, et pour ce faire d’élaborer et de rédiger les programmes scolaires ad hoc. À partir de là nous retrouvons institutionnalisés les délires les plus scabreux. Ainsi la Ligne Azur « service aux parents, enseignants, éducateurs » citée par Vincent Peillon dans sa lettre du 4 janvier aux recteurs, fournit-elle des outils “pédagogiques”, lesquels doivent guider les enseignants dans leur rude parcours didacticiel ! S’adressant aux préadolescents en les faisant s’interroger par exemple sur leurs “pratiques sexuelles”. Au choix : « masturbation, pénétration buccale, anale, vaginale, autre, aucune ».

    Menace globale

    Au fond, ces gens ne font qu’appliquer les préconisations de l’Organisation mondiale de la Santé [OMS] Bureau régional pour l’Europe, contenues dans un rapport intitulé « Standards pour l’éducation sexuelle en Europe » qui en sa page 38 vante les bienfaits de la masturbation pour les tout petits. On trouvait jusqu’à il y a peu ce document officiel en ligne [fichier pdf] mais il a apparemment été supprimé des serveurs. Reste quelques uns ont pu le consulter et découvrir avec stupeur qu’entre zéro à quatre ans, il est temps d’apprendre la « masturbation enfantine » afin de laisser l’enfant exprimer « ses besoins, ses désirs et ses limites » sexuels. Cela par exemple en « jouant au docteur ». Certes nous disent les experts des Nations Unis « ce programme se confrontera à une résistance fondée sur des peurs et des préjugés » [bvoltaire.fr16déc13]. Ceci confirmant s’il en était besoin que le mal vient de haut et constitue une menace globale. Celle en l’occurrence de cette gouvernance mondiale qui ne dit pas encore son nom, celle qui hier, à l’automne 2010, voulait obliger les Européens à se faire massivement vacciner contre le virus grippal H1N1 avec des produits comportant de sérieux risques pour la santé humaine. Dormez braves gens vous êtes en de bonnes mains.

    Mais quoi d’extraordinaire à tout cela ? Faut-il avoir les yeux couverts d’écailles pour ne pas voir que ce qui nous choque aujourd’hui lorsqu’il s’agit de l’enseignement dumauvais genre à nos progénitures, nous l’avons laissé s’installer tranquillement des années durant… au nom de la tolérance, du “progrès”, de la Liberté individuelle 5érigée en fétiche barbare des temps modernes, de l’Égalité, autre coquecigrue. Le pathologique est ainsi devenu peu à peu la nouvelle normalité. Et ce qui était hier la normalité depuis que le monde est monde, est désormais proscrite. Et cela va très loin. Le train est lancé… pourtant certains virages comportent des risques de déraillement. La colère monte, encore faudra-t-il prendre la mesure des choses et comprendre que le combat à mener n’est ni national, ni européen, mais planétaire.

    Cela a commencé en douceur toujours au nom des Grands principes

    Sans faire de bruit les Association LGBT se sont donc vues, de facto, confier la tâche de mettre en musique – mais sans tapage – leur programme pansexualiste issus de ces « cerveaux malades » que stigmatisaient en mars 2013 le présentateur de France Inter Patrick Cohen [France5/12mars13] sous couvert d’égalité homme/femme et de plus de justice dans les rapports entre les sexes. En fait la théorie du genre – quin’existe pas – est un fil rouge qui coure à travers les grandes dispositions légales prises ces dernières années par les droites et les gauches confondues.

    Cela a commencé en douceur, petit bout par petit bout, pièce à pièce, avec avortement pour convenance personnelle, le pacs [pacte civil de solidarité] puis le mariage inverti, le bannissement de code civil des références père/mère et, en continuité, requalification des classes maternelles qui ne doivent plus renvoyer au rôle spécifique de la femme ; idem en ce qui concerne la désignation asexuée des “parents” pour arriver en fin de parcours à l’endoctrinement à l’interchangeabilité sexuelle… au motif d’éducation des enfants contre la violence de genre. Au passage notons qu’autrefois les enfants et les individus bien élevés n’étaient pas particulièrement enclins à la violence intersexuelle. Mais c’était avant. Avant que l’émancipation – enfin ce qu’on nomme tel - des femmes. Lesquelles n’ont jamais été autant molestées qu’aujourd’hui et dans toutes les strates sociales. C’était aussi avant que la Ligne Azur vantée par M. Peillon, n’enrichissent le vocabulaire des gamins et gamines avec toute la panoplie des pratiques sado-masochistes. 6

    Finalement, le “Jour de Colère” – Dies irae – du 26 janvier dernier et les dizaines voire la centaine de milliers de marcheurs déterminés en dépit de la pluie battante, ont commencés à faire réfléchir les illuminés du gouvernement plus préoccupés de changement “sociétaux” que de redressement économique. La peur venait momentanément de changer de camp. On apprenait coup sur coup que les autorités renonçaient à envisager – pour le moment - la légalisation relative à la procréation médicalement assistée [PMA] et au-delà, à la gestation pour autrui [GPA]. Ce 3 février, c’est la totalité du projet de loi sur la Famille – dénomination par antiphrase – qui était purement et simplement abandonné. Une défaite en rase campagne.

    La gangrène progresse inexorablement et à bas bruit

    Malgré tout ne nous faisons aucune illusion. Ces gens sont tenaces. Il y a quatre décennies, l’intelligentsia cosmo-germanopratine pétitionnait à jet continu en faveur de la dépénalisation de la pédophilie 7. En Belgique l’affaire Dutroux les fit regagner l’ombre dont ils n’auraient jamais dû sortir. Hélas quarante ans après l’on découvre avec effroi que les mêmes sont en passe d’avoir gain de cause. Caché, le fleuve aux eaux putrides n’avait cessé de couler. Pour cela accusons nos élites de trahison. Des usurpateurs qui nous ont mené par le bout du museau avec des paroles engageantes et d’innombrables fausses promesses. Mais la faute véritable en incombe d’abord à ceux qui les ont écouté, qui n’ont rien vu ou voulu voir venir, qui ont tout gobé et qui par veulerie s’en sont remis, pour conduire leur destinée, à une caste de menteurs et de sociopathes.

    Il faut tendre l’oreille pour entendre aujourd’hui le secrétaire général de l’UMP, Jean-François Copé qui ne souffle mot alors que la polémique sur l’enseignement du “genre” fait rage dans les médias serfs. Sur ce thème décernons un oscar à la chaine télévisuelle BFM, exemplaire avec sa journalière séance vespérale d’hystérie. Le même personnage, M. Copé d’origines algérienne et bessarabienne [wiki] avait pourtant soutenu sans réserve en août 2011 les 80 députés qui réclamaient le retrait de manuels scolaires de la théorie du genre, jugeant que ceux-ci « posent de vraies questions » [20minutes.fr31août11]. Le député UMP de la Drôme Hervé Mariton déclarait pour sa part que « la théorie du genre n’a pas sa place dans un manuel scolaire ». Las, le même jour, le ministre UMP de l’Éducation nationale, Luc Chatel envoyait une fin de non recevoir aux 80 députés UMP réclamant le retrait d’un manuel de Sciences de la vie et de la Terre [SVT] dont ils contestaient un chapitre sur l’identité sexuelle c’est-à-dire précisément consacré à la théorie du genre… laquelle n’existe pas ! Depuis les quatre-vingt députés sont rentrés dans leur trou. Il n’y en avait en effet plus guère ce dimanche 2 février 2014 à défiler avec ceusses de la « Manif pour tous ».

    UMP/PS une collusion très objective

    Par sa réponse dilatoire, arguant qu’il n’avait pas à connaître du contenu des dits manuels, le libéral Luc Chatel apportait derechef - une collusion objective - de l’eau au moulin de dame Belkacem. Celle-ci, Secrétaire nationale du Parti socialiste auxquestions de société et porte-parole de Mme Ségolène Royal, avait expliqué aux parlementaires frondeurs, avec toute la sévérité dont est capable sa petite personne, qu’ils sont a priori interdits d’ingérence dans la rédaction des manuels scolaires. Se mêler de ce qui ne les regarde pas étant une attitude « inacceptable sur la forme comme sur le fond ».

    À certaines exceptions près cependant… « parce que les députés n’ont pas à écrire les programmes, sauf s’il s’agit de théories qui touchent aux valeurs de la nation, telles que la condamnation du négationnisme ou a contrario les lois mémorielles » [ibid]. Dont acte ! La sexualité précoce et ses perversions multiples et variées à venir qui lui sont potentiellement associées, ne “touche pas aux valeurs de la nation » ! Et la donzelle d’ajouter, se contredisant sans ciller : « Le politique n’a pas à écrire l’histoire ou à expliquer la science, il doit changer la société ». Sans doute ne se rend-t-elle pas compte de ce qu’elle dit… Au fond certains de ces gens sont persuadés gérer les “vrais problèmes” du temps présent… lesquels n’ont évidemment rien à voir avec le chômage galopant, les usines qui ferment et délocalisent, la fiscalité écrasante, l’absence d’avenir prévisible. Nihil novi sub sole, à la fin du XIXe siècles, républicains, radicaux et socialistes consacraient déjà l’essentiel de leurs forces à détruire l’Église et les congrégations, pendant ce temps le prolétariat soufrait et s’insurgeait 8. À présent c’est au tour de la famille, ultime cellule, dernier bastion de la société organique.

    Le genre, urgence sociétale absolue pour une “société du respect”

    L’urgence sociétale, elle, ne saurait attendre : « le vrai problème de société que nous devons régler aujourd’hui, c’est l’homophobie, et notamment les agressions homophobes qui se développent en milieu scolaire. L’école doit redevenir un sanctuaire, et la prévention de la délinquance homophobe doit commencer dès le plus jeune âge. Un jeune homosexuel sur cinq a déjà été victime d’une agression physique, et près d’un sur deux a déjà été insulté. Il est essentiel d’enseigner aux enfants le respect des différentes formes d’identité sexuelle, afin de bâtir une société du respect » [Najat Benkacem ibidem].

    Une « société du respect », c’est également ce que veulent, sans pourtant oser le dire trop ouvertement, ces UMP qui au départ, à chaque tentative d’imposer le “gender” à l’école, s’étranglaient d’indignation, allant jusqu’à exiger une commission d’enquête parlementaire « afin que toute la lumière soit faite » [Xavier Breton] sur l’influence sur la société française de la cette pseudo théorie. Au final, ce sont les mêmes, lorsqu’ils étaient encore au gouvernement, qui signaient le 11 mai 2011 la Convention d’Istanbul [acte du Conseil de l’Europe] imposant « l’éradication de toute pratique fondée sur un rôle stéréotypé des femmes et des hommes ». Autre faux nez ou vestibule pour les études de genre… Car comment expliquer les violences entre les sexes si ce n’est par cette théorie à prétention “scientifique” en vogue sur le marché des idées ?

    Après le marxisme, le freudisme, l’internationale pansexualiste

    L’Allemagne a autorisé la mention « sexe indéterminé » sur les certificats de naissance dès le 1er novembre 2013 et punit de quarante jours d’incarcération quiconque retire son ou ses enfants de l’école en guise de protestation contre l’enseignement de la pornographie à l’école [french.ruvr.ru22janv14]. M. Peillon ne lésine pas non plus : toute absence indue – ses yeux – sera sanctionnée de 750 € d’amende. Au Népal, depuis le mois de juin, un « troisième genre » doit figurer sur les passeports à l’instar des documents officiels australiens. En Thaïlande, pays où le tourisme sexuel est une quasi industrie, le phénomène se développe à vitesse grand V. Nombre de vedettes locales du showbiz sont en réalité des hommes transformés en femmes. De jeunes garçons qui acquièrent via Internet des hormones féminines à l’âge de la puberté afin d’inhiber leur développement masculin naturel. La Suan Dusit Rajabhat University de Bangkok se serait faite à ce propos une spécialité d’accueillir des étudiants transgenres, les “ladyboys“ autorisés à porter l’uniforme féminin dans l’enceinte universitaire, et cet établissement d’enseignement supérieur organise d’ailleurs, son propre concours de beauté transsexuel. Mais nul n’évoque, oh grand jamais, les opérations manquées, les mutilations qui en résulte, la drogue, la prostitution et pour finir le suicide prévalant au sein de ces populations qui paye au prix fort le triste privilège d’avoir été “reine d’un jour et de quelques nuits” [medias-presse.info9oct13]. Après tout Science Po Paris, du temps du regretté Didier Decoin, organisait du 3 au 6 mai 2010 sa première “Queer week” 9 « entièrement consacrés aux questions de genres, d’identités et de sexualités ». Sexualités au pluriel. Par conséquent, avant de se gausser de ces pauvres Thaï, regardons ce qui se passe près de chez nous [yagg.com30avril10]

    Pour ne pas conclure… le combat continue

    En fait la majorité socialiste, qui se préoccupe bien plus de déconstruire l’humain que de restaurer la bonne santé économique, fait passer la théorie du genre à petits pas, chaque jour que Dieu fait, morceau par morceau, à travers un ensemble de dispositifs juridiques et de lois qui font sens mises bout à bout… cela tout en niant mordicus leur projet, ses objectifs et en accusant ceux qui jettent une lumière crue sur leurs menées détestables d’être des tenants du « négationnisme » ! Mais qui sont les vrais négationnistes ? Qui nie effrontément, avec un cynisme inouï, la réalité de l’enseignement du genre ?

    Il s’agit maintenant de démissionner ces menteurs s’ils ne s’y résolvent pas spontanément. Après Cahuzac, la coupe est pleine. On a vu la virulence de ces gens dans la négation des faits et l’invective, accusant, insultant, menaçant à la Chambre des députés et dans les lucarnes, ne parlant, contre toute évidence, que de « rumeur ». Ce système, leur système est devenu fou et ses acteurs se sont montrés à découvert. Bas les masques. À ce titre le Premier ministre et son gouvernement doivent partir et la chambre doit être dissoute. Exigeons des législatives.

    Léon Camus 3 février 2014