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Media-info - Page 6

  • Dieudonné : Le Conseil d’État, juge du fait

     

    Publié le 11 février 2015 dans Droit et justice

    Il y a un an, le spectacle de Dieudonné constituait un tel danger que la censure préalable était justifiée. Aujourd’hui, il relève de la liberté d’expression. Pourquoi un tel revirement du Conseil d’État ?

    Par Roseline Letteron.

    Dieudonné credits Onde Eksyt (CC BY-NC-ND 2.0)

    Dieudonné – credits Onde Eksyt (CC BY-NC-ND 2.0)

     

    Le 6 février 2015, le juge des référés du Conseil d’État a confirmé l’ordonnance rendue par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand. Ce dernier avait, la veille, suspendu l’arrêt du maire de Cournon d’Auvergne interdisant le spectacle de Dieudonné dans sa commune. Le juge des référés du Conseil d’État, en suspendant l’arrêté d’interdiction, permet donc au spectacle de se dérouler normalement.

    La décision du 9 janvier 2014 : la censure

    Qu’on le veuille ou non, la décision est interprétée comme un retour en arrière par rapport à la première ordonnance, celle du 9 janvier 2014. Cette décision avait alors suscité une agitation médiatique sans précédent. Contre toute attente, le Conseil d’État avait, à l’époque, accepté la suspension du spectacle en s’appuyant sur une interprétation particulièrement extensive du concept de dignité employé dans l’arrêt Commune de Morsang-sur-Orge du 27 octobre 1995. Cette interprétation extensive figurait dans la circulaire Valls du 6 janvier 2014 incitant les préfets et les maires à interdire le spectacle de Dieudonné. Dans son ordonnance du 9 janvier 2014, le juge des référés du Conseil d’État avait donc admis la légalité d’une telle mesure, dès lors que le spectacle contient « des propos de caractère antisémite, qui incitent à la haine raciale, et font, en méconnaissance de la dignité de la personne humaine, l’apologie des discriminations, persécutions et exterminations perpétrées au cours de la Seconde Guerre mondiale ».  C’est donc en appréciant le contenu d’un spectacle qui n’a pas encore eu lieu que le juge admettait son interdiction préalable, c’est-à-dire sa censure.

    Un tel raisonnement constituait une remise en cause radicale de la célèbre jurisprudence Benjamin de 1933, celle sur laquelle s’est construit le régime juridique des libertés publiques. Il repose sur un principe simple. Chacun est libre d’exercer sa liberté, sauf à rendre des comptes devant le juge pénal si une infraction pénale est commise. Quant à l’interdiction préalable, elle ne peut être licite qu’exceptionnellement, lorsqu’il n’existe pas d’autre moyen d’assurer l’ordre public. En janvier 2014, le Conseil d’État, ou plutôt le juge unique des référés, avait écarté cette jurisprudence libérale, préférant l’interdiction préventive d’un spectacle, alors même que la menace pour l’ordre public semblait modeste, ou à tout le moins gérable par le recours à des forces de police.

    La décision du 6 février 2015 s’inscrit dans un tout autre contexte, presque un mois après des évènements tragiques qui ont montré que la liberté d’expression, même l’expression la plus  provocatrice, est un élément de l’État de droit. « Je Suis Charlie » n’était pas seulement un slogan mais aussi l’affirmation d’un attachement à la liberté d’expression.

    Le problème du juge était de prendre la décision inverse de celle de janvier 2014, sans pour autant désavouer la première. L’exercice est pour le moins périlleux. Heureusement pour le Conseil d’État, les médias sont cette fois demeurés à l’écart du débat et la décision du 6 février 2015 a pu être rendue à petit bruit.

    Résurrection de la jurisprudence Benjamin

    Sur le fond, l’ordonnance constitue une forme de résurrection de la jurisprudence Benjamin. L’ordonnance affirme ainsi, à propos de la liberté d’expression « que les atteintes portées, pour des exigences d’ordre public, à l’exercice de ces libertés fondamentales doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées« . Pour parvenir à ce résultat, il exerce le contrôle de proportionnalité issu de l’arrêt Benjamin, et estime que l’interdiction pure et simple du spectacle était disproportionnée, l’ordre public pouvant être garanti par d’autres moyens.

    Il est vrai que les motifs invoqués par le maire se présentent comme une liste improbable mélangeant arguments juridiques et discours idéologique. On y trouve ainsi des références aux poursuites pénales dont fait l’objet Dieudonné, mais il reste acquis que le fait d’être poursuivi pénalement n’interdit pas de s’exprimer sauf si un juge d’instruction prend une ordonnance en ce sens. Sont également invoquées pêle-mêle la « cohésion nationale « , les « valeurs républicaines » voire l' »émotion » ressentie par la population après les attentats de janvier, principes sympathiques mais dépourvus de contenu juridique. Enfin, le maire insiste sur le fait que les forces de police ne peuvent être employées pour assurer l’ordre public dans sa commune car elles sont mobilisées par le Plan Vigipirate. Peut-être, mais le maire de Cournon n’a aucun lien juridique avec le dispositif Vigipirate. Il lui appartient seulement de demander des forces de police supplémentaires s’il en a besoin pour assurer l’ordre public sur le territoire de sa commune, ce que, manifestement, il n’a pas fait.

    Disparition de la dignité

    Et la dignité ? Elle est aussi invoquée par le maire qui mentionne que le spectacle « comporte des propos portant atteinte à la dignité humaine ainsi que le geste et le chant dits « de la quenelle« . L’argument est cette fois totalement identique à celui qui avait été déterminant dans la décision du 9 janvier 2014. La lecture de l’arrêt du 6 février 2015 montre que le juge des référés ne l’écarte pas. Il l’ignore purement et simplement. Sur ce point, la décision de 2015 marque bien un revirement par rapport à celle de 2014. La jurisprudence Commune de Morsang-sur-Orge n’est tout simplement pas pertinente pour apprécier la légalité de l’interdiction, alors même que c’est elle qui avait fondé la décision de 2014.

    Le Conseil d’État, comme il sied au Grand Augure, ne se justifie pas. Il se borne à ne pas mentionner la dignité parmi les motifs de la décision. De fait, il n’explique pas par quel raisonnement il parvient à la solution inverse de celle qu’il avait choisie en 2014. L’ordre public en particulier n’était pas davantage menacé en janvier 2014 qu’en février 2015 et il faut bien reconnaître que le spectacle de Dieudonné, et pas davantage son interdiction, n’ont jamais suscité d’émeutes. Quant au contenu du spectacle, il n’a pas changé. C’est seulement l’interprétation du Conseil d’État qui a évolué.

    L’appréciation souveraine du juge

    Le malaise est bien présent, comme en témoigne le communiqué de presse publié le même jour. Il y est mentionné que l’ordonnance de référé de février 2015 est prise « au vu de tous ces éléments, qui caractérisent une situation différente de celle qui avait donné lieu à des interdictions au mois de janvier 2014« . La « situation est différente« , voilà donc l’explication du revirement. Les commentateurs devront se contenter de cette explication.

    Ils se réjouiront certainement que le Conseil d’État ait renoué avec les principes libéraux qui dominaient sa jurisprudence depuis plus de quatre-vingts ans. Les causes du revirement restent cependant obscures. Certains penseront que le juge suit les vents dominants. Il y a un an, le temps était à la censure, imposée au nom d’un ordre public bien proche de l’ordre moral. Aujourd’hui, le temps est au libéralisme avec un « esprit du 11 janvier » qui met l’accent sur la liberté d’expression.

    La décision incite surtout à prendre acte de l’existentialisme du Conseil d’État. Pour reprendre la formule de Léo Hamon en 1932, il est avant tout juge du fait. La Haute Juridiction se comporte souvent davantage comme un administrateur que comme un juge. C’est son appréciation des faits qui conditionne la décision, appréciation souveraine qui peut varier à l’infini. Il y a un an, le spectacle de Dieudonné constituait un tel danger pour la dignité de la personne et l’ordre public que la censure préalable était justifiée. Aujourd’hui, le spectacle de Dieudonné, aussi détestable soit-il, relève de la liberté d’expression et doit donc être autorisé. Nul doute que le Conseil d’État aurait pu faire l’économie de la décision de janvier 2014, mais le revirement d’aujourd’hui est une bonne nouvelle pour l’État de droit. Or c’est précisément l’une des beautés de l’État de droit de bénéficier aussi à Dieudonné.

  • Philippe Tesson se lave les mains

    Philippe Tesson se lave les mains, France Inter et Le Monde fournissent le savon

    par Henri Malerle 24 janvier 2015

    Bienheureux Philippe Tesson !

    (1) Après s’être livré sur Europe 1, le 13 janvier 2015, à une violente charge contre les musulmans de France (dont nous avions relevé avec quelle complaisance elle avait été fréquemment accueillie), Philippe Tesson a bénéficié du témoignage de moralité de son propre fils, Sylvain Tesson : Europe 1 (encore !), le 20 janvier, a donné à ce dernier l’occasion de défendre son père dont les déclarations auraient, selon lui, dépassé la pensée. Complaisamment, Le FigaroL’Express et le Huffington Post ont relayé la défense du fiston.

    (2) Ce n’était pas assez. Le preux défenseur de la laïcité contre les musulmans qui « amènent la merde en France » était reçu sur France Inter, lors du 7-9 du 22 janvier 2015, en qualité d’invité de Léa Salamé. Une invitation confraternelle en quelque sorte, destinée à permettre à Philippe Tesson de se justifier (et que l’on peut consulter notamment sur le site du Monde).

    Pour sa défense, le cher confrère distingue la forme et le fond alors qu’en l’occurrence la forme est indissociable du fond : une distinction que Léa Salamé, pourtant insistante, lui concède. Ce qui permet à Tesson de se dédouaner sur la forme… en modifiant le fond. Inutile de reproduire la totalité de son indécent et confus bavardage. Il suffit relever ces deux points :

    - D’abord, il se croit obligé de corriger Léa Salamé quand elle le cite de façon inexacte. Non il n’a pas dit que les musulmans « foutent la merde », mais précise-t-il, qu’ils « amènent la merde ». Nuance ! Mais d‘où l’amènent-il ? Léa Salamé n’a pas relevé cette stupéfiante rectification.

    - Ensuite, il prétend se répéter sur le fond en déclarant (ce qui est déjà une généralisation antimusulmane) ceci : « je crois que je n’ai pas complètement tort, tout le monde en convient, s’il y a un problème avec la laïcité, ce ne sont pas les chrétiens qui le posent pour l’instant […], ce sont les musulmans ». Or il avait déclaré : « Ce qui a créé le problème, ça n’est quand même pas… c’est pas les Français. […] D’où vient le problème ? D’où vient le problème de l’atteinte à la laïcité sinon des musulmans ? ». Des pas-français ou des pas-vraiment français : on comprend pourquoi, aux yeux de Tesson, ils « amènent la merde » puisqu’ils viennent d’ailleurs. Léa Salamé, pas plus que ses confrères, n’a relevé le propos initial : elle n’a donc pas relevé la correction qui ne le corrige pas !

    (3) Défenseur lui aussi de la veuve, de l’orphelin et du Philippe Tesson, Le Monde (mais aussi Sud Ouest) résuma le contenu des propos tenus sur France Inter. Les chers confrères ayant déjà parlé d’un simple « dérapage », le titre de l’article du Monde le concède d’emblée : « Philippe Tesson admet un "dérapage" sur les musulmans, mais se défend "sur le fond" » [1].

    Pour évoquer le prétendu « dérapage », le scrupuleux quotidien ne retient que cette phrase : « D’où vient le problème ? D’où vient le problème de l’atteinte à la laïcité, sinon des musulmans ? On le dit, ça ?! Moi je le dis ! ». Et il oublie la phrase qui précède et qu’il nous faut répéter : « Ce qui a créé le problème, ça n’est quand même pas… c’est pas les Français. »

    Un jour viendra, soyons en certains, même s’il faudra sans doute un certain temps, où les « grands » journalistes prêteront attention à ce que disent leurs confrères mis en cause, sans atténuer leurs propos les plus indignes, au moment même où ils entendent s’en démarquer.

    Henri Maler

    Notes

    [1] Titre également choisi par Sud Ouest.

  • 10 techniques de manipulation de masse

     

    1/ La stratégie de la distraction

    Élément primordial du contrôle social, la stratégie de la diversion consiste à détourner l’attention du public des problèmes importants et des mutations décidées par les élites politiques et économiques, grâce à un déluge continuel de distractions et d’informations insignifiantes. La stratégie de la diversion est également indispensable pour empêcher le public de s’intéresser aux connaissances essentielles, dans les domaines de la science, de l’économie, de la psychologie, de la neurobiologie, et de la cybernétique. « Garder l’attention du public distraite, loin des véritables problèmes sociaux, captivée par des sujets sans importance réelle. Garder le public occupé, occupé, occupé, sans aucun temps pour penser; de retour à la ferme avec les autres animaux. »
    Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »

     

     

    2/ Créer des problèmes, puis offrir des solutions

    Cette méthode est aussi appelée « problème-réaction-solution ». On crée d’abord un problème, une « situation » prévue pour susciter une certaine réaction du public, afin que celui-ci soit lui-même demandeur des mesures qu’on souhaite lui faire accepter. Par exemple: laisser se développer la violence urbaine, ou organiser des attentats sanglants, afin que le public soit demandeur de lois sécuritaires au détriment de la liberté. Ou encore : créer une crise économique pour faire accepter comme un mal nécessaire le recul des droits sociaux et le démantèlement des services publics.

     

    3/ La stratégie de la dégradation

    Pour faire accepter une mesure inacceptable, il suffit de l’appliquer progressivement, en « dégradé », sur une durée de 10 ans. C’est de cette façon que des conditions socio-économiques radicalement nouvelles (néolibéralisme) ont été imposées durant les années 1980 à 1990. Chômage massif, précarité, flexibilité, délocalisations, salaires n’assurant plus un revenu décent, autant de changements qui auraient provoqué une révolution s’ils avaient été appliqués brutalement.

     

    4/ La stratégie du différé

    Une autre façon de faire accepter une décision impopulaire est de la présenter comme « douloureuse mais nécessaire », en obtenant l’accord du public dans le présent pour une application dans le futur. Il est toujours plus facile d’accepter un sacrifice futur qu’un sacrifice immédiat. D’abord parce que l’effort n’est pas à fournir tout de suite. Ensuite parce que le public a toujours tendance à espérer naïvement que « tout ira mieux demain » et que le sacrifice demandé pourra être évité. Enfin, cela laisse du temps au public pour s’habituer à l’idée du changement et l’accepter avec résignation lorsque le moment sera venu.

     

    5/ S’adresser au public comme à des enfants en bas-âge

    La plupart des publicités destinées au grand-public utilisent un discours, des arguments, des personnages, et un ton particulièrement infantilisants, souvent proche du débilitant, comme si le spectateur était un enfant en bas-age ou un handicapé mental. Plus on cherchera à tromper le spectateur, plus on adoptera un ton infantilisant. Pourquoi ? « Si on s’adresse à une personne comme si elle était âgée de 12 ans, alors, en raison de la suggestibilité, elle aura, avec une certaine probabilité, une réponse ou une réaction aussi dénuée de sens critique que celles d’une personne de 12 ans ». Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »

     

    6/ Faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion

    Faire appel à l’émotionnel est une technique classique pour court-circuiter l’analyse rationnelle, et donc le sens critique des individus. De plus, l’utilisation du registre émotionnel permet d’ouvrir la porte d’accès à l’inconscient pour y implanter des idées, des désirs, des peurs, des pulsions, ou des comportements…

     

    7/ Maintenir le public dans l’ignorance et la bêtise

    Faire en sorte que le public soit incapable de comprendre les technologies et les méthodes utilisées pour son contrôle et son esclavage. « La qualité de l’éducation donnée aux classes inférieures doit être la plus pauvre, de telle sorte que le fossé de l’ignorance qui isole les classes inférieures des classes supérieures soit et demeure incompréhensible par les classes inférieures. Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »

     

    8/ Encourager le public à se complaire dans la médiocrité

    Encourager le public à trouver « cool » le fait d’être bête, vulgaire, et inculte…

     

    9/ Remplacer la révolte par la culpabilité

    Faire croire à l’individu qu’il est seul responsable de son malheur, à cause de l’insuffisance de son intelligence, de ses capacités, ou de ses efforts. Ainsi, au lieu de se révolter contre le système économique, l’individu s’auto-dévalue et culpabilise, ce qui engendre un état dépressif dont l’un des effets est l’inhibition de l’action. Et sans action, pas de révolution!…

     

    10/ Connaître les individus mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes

    Au cours des 50 dernières années, les progrès fulgurants de la science ont creusé un fossé croissant entre les connaissances du public et celles détenues et utilisées par les élites dirigeantes. Grâce à la biologie, la neurobiologie, et la psychologie appliquée, le « système » est parvenu à une connaissance avancée de l’être humain, à la fois physiquement et psychologiquement. Le système en est arrivé à mieux connaître l’individu moyen que celui-ci ne se connaît lui-même. Cela signifie que dans la majorité des cas, le système détient un plus grand contrôle et un plus grand pouvoir sur les individus que les individus eux-mêmes.

    Noam Chomsky

  • Les médias français frileux sur Gaza

     

    Décryptage
    CAROLINE CONSTANT ET 
JUSTINE REIX
    VENDREDI, 8 AOÛT, 2014
    L'HUMANITÉ
    Il aura fallu presque un mois de conflit pour que les télévisions et les radios prennent conscience 
du massacre perpétré à Gaza par l’armée israélienne. Et encore…
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    Après un mois de conflit à Gaza, un constat s’impose : les radios et les télévisions françaises n’arrivent pas à le rapporter. Nul autre conflit sur la planète n’a le droit à cette volonté d’équilibrer à tout prix l’information sur les deux camps. Du 8 juillet au 6 août, les journaux de TF1, France 2 ou BFMTV et les matinales de France Inter et d’Europe 1 ont été scrutés à la loupe.

    1 Égalité de traitement entre l’agresseur et l’agressé ?

    D’emblée, ce qui choque le plus est sans doute la volonté de tracer un signe d’égalité entre la cinquième armée du monde et une population empêchée de fuir puisque enclavée, qui subit un déluge de bombes. Cette volonté de parité joue à la fois sur le temps consacré à chacune des parties, et aussi sur la volonté de mettre en avant les dommages causés par la guerre des deux côtés de l’enclave palestinienne. Idem pour les reportages diffusés : à la détresse de Gazaouis, qui ont perdu leur famille et leur maison, répondent des images frôlant parfois le mauvais goût. Comme mardi dernier, sur France 2, où le journal s’ouvre sur des images embarquées avec les soldats et deux civils israéliens qui font part de leur ressenti sur la trêve. Le second témoin civil, du fond de son jardin, dit alors, sans être recadré : « On aurait dû frapper encore plus fort, les anéantir. » Soit un appel au génocide, sur une chaîne publique, à 20 heures, même pas souligné par le présentateur, Julian Bugier, ni le reporter. Sous couvert d’une sacro-sainte « neutralité », les chaînes accordent la même importance à une terrasse désertée et à un quartier rasé.

    2 Le champ lexical utilisé 
n’est pas anodin.

    Il est fréquent que le terme employé pour nommer l’armée israélienne soit « tsahal ». Or, cette désignation est utilisée par les Israéliens avec une connotation « familière et affective », relève le journaliste Akrad Belkaïd. La manier sans recul n’est donc pas anodin. Il n’est jamais non plus, ou presque, fait mention de « territoires occupés », et encore moins, évidemment, de « résistance palestinienne ». Mais de « tunnels » dans Gaza et de « terrorisme du Hamas ». Qui finissent du coup par englober la population civile. De la même façon, toutes chaînes et radios confondues ont repris en chœur, au moment de la disparition d’un soldat israélien, le 1er août, les termes d’« otage » ou d’« enlèvement ». Alors que ledit soldat est par définition un prisonnier de guerre. La disproportion des chiffres est ainsi éludée, aussi, en mettant en avant un cas individuel, face aux 1 800 morts de Gaza. Au mieux, quand le terme « colonisation » est évoqué, comme par une élue marseillaise, le 30 juillet, sur Europe 1, il est tout de suite repris et atténué par une deuxième personne (un autre élu, en l’occurrence). Cela posé, les médias ont été forcés d’évoluer au fur et à mesure qu’arrivaient des images de Gaza : la vidéo des enfants palestiniens tués sur la plage, diffusée pour la première fois sur TF1 le 16 juillet, a ainsi agi en déclencheur. À noter que, pour le coup, le champ lexical pour qualifier les manifestants pro-Palestiniens a évolué à ce moment. Même si l’agresseur reste dans un statut d’agressé, lorsque radios et télévisions reprennent en chœur les communiqués officiels d’Israël.



    3La loi du mort/kilomètre 
est la plus forte.

    L’été rime souvent avec faits divers et sujets bidon dans les journaux télévisés, et ce mois de juillet n’a pas dérogé à la règle : les sujets d’été sur le parfum des glaces, les chassés-croisés de vacanciers sur les routes ou encore… la pluie font florès. Le phénomène de « la loi du mort/kilomètre », qui veut qu’un mort proche de chez soi émeuve autant que mille aux Antipodes, se ressent encore plus lorsque le public a les pieds en éventail. Les sujets de ce type ont disputé l’ouverture des journaux à Gaza. Avec une prime au week-end dernier, où les bouchons sur les routes de France ont régalé les rédactions de TF1 et France 2. Pire : le mauvais goût. TF1 a ainsi procédé à une incroyable transition mi-juillet : après avoir décompté les morts et des destructions, côté palestinien, le présentateur a enchaîné avec un reportage vantant les mérites de vacances en Israël…

    4 Les experts ne se bousculent pas aux micros.

    La télévision est friande d’analystes en tout genre. Pour le coup, sur le conflit en cours, elle a été d’une totale discrétion. Jusqu’à jeudi matin, aucune chaîne de radio ou de télévision n’a invité de véritable commentateur, hors Charles Enderlain, sur France 2, qui est journaliste. Au-delà, les intervenants traditionnels sur le conflit ont aussi été boudés. Leïla Chahid intervient bien sur RFI le 21 juillet, mais pas ailleurs. Pour autant, quand elles se décident à sortir de ce mutisme, radios et télévisions font sens : ainsi sur France 24, le 22 juillet, Majed Bamya, diplomate palestinien au ministère des Affaires étrangères, démonte point par point l’argumentaire de l’autre invité, Yaron Gamburg, porte-parole de l’ambassade d’Israël en France. Et raconte surtout la réalité de Gaza

  • Le lobby juif : Attaque contre la liberté d’expression (26ème partie

     

    par Frank BRUNNER


    En date du 7 octobre 2014, la Cour de Justice de Genève a rendu, à mon encontre, un jugement me condamnant à 5 mois de prison ferme dans le litige qui m’oppose, depuis fin janvier 2009, à la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (CICAD), une organisation du lobby juif opérant depuis Genève.


    Suisse

    Ce qui est frappant, quand on lit cet arrêt long de 51 pages, c’est que l’argumentation repose sur des fragments de mes articles et commentaires systématiquement présentés comme étant mensongers. Il en a été de même tout au long de cette procédure judiciaire. Pourtant, deux gros classeurs de preuves ont été remis à la Cour afin d’attester de la véracité de mes critiques. Encore ne s’agissait-il que d’échantillons de toutes les preuves qu’on aurait pu produire dans chaque cas. A aucun moment il n’est tenu compte de ces preuves. Aucune de ces preuves n’est jamais citée, alors même que la Cour soutient que je mentirais, voire que je calomnierais.

    S’agissant du révisionnisme, la Cour de Justice refuse explicitement d’entrer en matière sur les preuves. Elle se retranche derrière un arrêt du Tribunal fédéral suisse selon lequel le génocide des juifs est un fait notoire dont la véracité n’a pas à être prouvée. C’est-à-dire que, quelles que soient les preuves qu’ils puissent produire à l’appui de leurs thèses, les révisionnistes n’ont aucune justice à attendre des tribunaux. Quant à ceux qui traitent les révisionnistes de « faussaires de l’histoire », ils n’ont jamais à prouver que leurs allégations sont fondées. Ils peuvent affirmer que 6 millions, 60 millions ou 600 millions de juifs ont été exterminés ici ou là-bas, jamais aucune preuve ne sera exigée d’eux. On est vraiment aux antipodes de la justice telle que la conçoit le sens commun.

    Par ailleurs, en lisant l’arrêt de la Cour de Justice, on relève un certain nombre d’allégations totalement infondées. Ainsi, par exemple, page 22, chiffre e, : « De son avis [Frank Brunner], la CICAD avait pris le contrôle du gouvernement[genevois] et écartait quiconque voulait critiquer l’Etat d’Israël et les juifs ».

    Je n’ai jamais rien écrit de tel et j’ignore sur quoi repose cette allégation.

    Page 36, la Cour cite une série de mes critiques à l’égard des juifs ou du lobby juif et conclut : « Pour toutes ces raisons, il[Frank Brunner] considère que l’extermination des juifs serait un bienfait pour l’humanité et que ces derniers devraient être expulsés des administrations et gouvernements ».

    En réalité, si je préconise l’expulsion des juifs des administrations et des gouvernements, c’est en raison du comportement des sayanim -les juifs collaborant sur demande avec le Mossad-, dont la Cour affecte d’ignorer l’existence, en sorte que mon propos apparaisse comme une volonté de discrimination dénuée de fondement. Or, à mon sens, ce n’est pas plus discriminatoire que le fait de refuser d’embaucher dans la police une personne titulaire d’un casier judiciaire. On considère a priori qu’une personne titulaire d’un casier judiciaire ne serait pas un policier fiable. Dans le cas des juifs, le risque d’espionnage est manifestement très élevé. La plupart de leurs organisations et ceux qui sont censés représenter leur communauté font ostentation de leur allégeance à Israël.

    Quant à mon texte de 2009 sur les causes de l’antisémitisme, il énumère toute une série de faits (manifestations de soutien à Israël dans le monde entier, tentatives de réduire au silence les pro-Palestiniens, calomnies, agressions à leur encontre, etc...), ayant suscité d’abord mon indignation, puis mon aversion, et enfin un sentiment de haine à l’encontre des juifs dans le contexte de la guerre de Gaza à l’époque. Il est vraisemblable que mes sentiments, tels que je les décrits, ont été largement partagés au sein de la population. Les comportements que je dénonçais alors ont à nouveau été constatés à l’occasion du dernier carnage dans la bande de Gaza. Or, la Cour présente un sentiment suscité par des circonstances particulières et effectivement révoltantes comme s’il s’agissait d’un état d’esprit permanent. C’est comme si on affirmait qu’une personne qui, dans un contexte de massacre, a critiqué « les Boches » au cours de la seconde guerre mondiale, éprouve encore actuellement de la haine à l’égard des Allemands.

    Toujours à la page 36, la Cour m’accuse de propager une idéologie pour le motif que j’ai écrit que l’antisémitisme est suscité par le racisme juif. Le fait que le Talmud soit effectivement un torchon raciste et qu’on ne compte plus les déclarations racistes -y compris et surtout de rabbins- et les manifestations racistes de juifs, est complètement passé sous silence par la Cour. A l’en croire, le fait que les non-juifs soient assimilés à des animaux à l’égard desquels le Talmud autorise même le meurtre n’est pas censé expliquer l’aversion que les juifs ont suscitée depuis que le judaïsme existe. Selon la Cour, ma prétendue idéologie serait prouvée par une volonté de « rabaisser et dénigrer systématiquement les personnes de confession juive », alors même que je publie continuellement des articles dont les auteurs sont juifs et que je prends la défense des juifs persécutés par leurs coreligionnaires.

    Toujours à la page 36, la Cour m’accuse de développer « la thèse de la conspiration juive contre l’Occident », alors que je n’ai jamais usé de cette formule. J’ai écrit que le lobby juif constitue une menace pour la démocratie, parce qu’il s’efforce systématiquement de corrompre les élus de tous bords afin d’imposer partout une politique pro-israélienne. Les preuves abondent et des juifs antisionistes dénoncent eux-mêmes continuellement cette politique. Au demeurant, la Cour semble confondre mes écrits avec ceux d’une autre personne évoquée dans un arrêt du Tribunal fédéral où il est question d’« Occident chrétien ». Elle mentionne cet arrêt à la page 33.

    A la page 37, avant-dernier paragraphe, la Cour affirme que j’aurais reconnu, devant le Tribunal de police, « être motivé par des mobiles de haine et de discrimination raciale », alors que je n’ai jamais rien dit de tel. Il semble, là encore, qu’on fasse une extrapolation à partir de mon article sur les causes de l’antisémitisme pour présenter les sentiments décrits en 2009 comme un état d’esprit permanent.

    A la page 39, la Cour mentionne certaines de mes critiques relatives à la CICAD et à ses dirigeants, en présentant ces critiques comme des calomnies, alors que les preuves de leur véracité ont été produites, ce que la Cour s’abstient évidemment de mentionner. Ces preuves figurent dans un mémoire de 12 pages qui énumère des calomnies avérées des dirigeants de la CICAD, soit dans leurs plaintes pénales, soit dans leurs déclarations aux magistrats. Encore ce mémoire ne couvre-t-il qu’une partie de la procédure.

    En résumé, l’arrêt de la Cour de Justice genevoise est un cas d’école en matière d’appréciation arbitraire des preuves. De toute évidence, les juges ne veulent pas savoir et ferment délibérément les yeux sur tout ce qui contredit les allégations de l’accusation. Le fait que je produise les preuves de la véracité de mes écrits est retenu comme une circonstance aggravante. En effet, à la page 46, on peut lire : « Il [Frank Brunner] ne cesse de s’ériger en victime et refuse de remettre ses agissements en question, s’entêtant à vouloir prouver la véracité de ses propos ».

    Frank BRUNNER

    AUTEURS