Le Prix Nobel de la Paix a été attribué à l'Union européenne, au moment même où, de l'Afghanistan à la Libye, et de l'Irak à la Syrie, l'Union européenne apparaît désormais clairement comme le simple paravent politique d'une alliance militaire euro-atlantiste voulant imposer la loi du plus fort à la planète entière.
Cette attribution n'est donc pas seulement choquante du point de vue politique : tout le monde a compris que son objet est de tenter - bien inutilement d'ailleurs - de redonner un peu de prestige à une construction européenne dont les conséquences apparaissent désormais de façon criante comme désastreuses dans tous les domaines sans exception : économique, social, financier, monétaire, politique, social, industriel, scientifique, commercial, culturel, diplomatique et militaire.
Une décision orwellienne
Cette attribution est également choquante du point de vue de la morale et de l'éthique, En procédant à une inversion totale des valeurs qu'elle sous-tend, l'attribution du Prix Nobel de la Paix à l'UE/OTAN revêt un caractère "orwellien", en rappelant cet infernal univers décrit dans le roman 1984 : "De son poste d’observation, Winston pouvait encore déchiffrer sur la façade l’inscription artistique des trois slogans du Parti :
« LA GUERRE C’EST LA PAIX - LA LIBERTÉ C’EST L’ESCLAVAGE - L’IGNORANCE C’EST LA FORCE »
Du reste, le caractère orwellien de cette décision se retrouve également dans le fait - insuffisamment souligné - que le Prix Nobel de la Paix a été officiellement attribué à l'Union européenne, non seulement pour avoir prétendument fait œuvre de paix mais aussi « pour avoir contribué pendant plus de six décennies à promouvoir la démocratie et les droits de l'homme en Europe ».
Passons outre le caractère ubuesque qu'il y a à attribuer un prix pour de prétendus mérites s'étalant sur « plus de six décennies » à l'Union européenne qui n'existe que depuis 20 ans.
C'est en effet le traité de Maastricht de 1992 qui a créé l'Union européenne, avec sa monnaie, sa politique étrangère et de sécurité commune, son caractère fédéral, etc., et qui est à l'origine de la Bérézina tous azimuts que je rappelais précédemment.
Mais ne passons pas outre au fait qu'en matière de démocratie et de droits de l'homme :
- l'Union européenne se développe selon le principe du « despotisme éclairé », de l'aveu même de certains de ses plus éminents responsables (http://rhone.u-p-r.fr/articles-thematiques/articles-qui-a-ose-le-dire/qua-ose-dire-tommaso-padoa-schioppa)
- l'Union européenne considère comme nuls et non avenus tous les référendums populaires qui ne se plient pas à sa volonté (comme ceux du 29 mai 2005 en France, du 1er juin 2005 aux Pays Bas, du 12 juin 2008 en Irlande, etc),
- l'Union européenne viole ouvertement ses propres traités (comme l'article 125 du TFUE qui interdit le renflouement financier d'un Etat par un autre,
- l'Union européenne accepte les commémorations officielles d'anciens Waffen-SS dans les pays baltes et fait même front commun avec eux sur cette question à l'ONU (cf. vote à l'Assemblée générale des Nations Unies du 22 décembre 2010 : http://fr.rian.ru/world/20101222/188193064.html),
- l'Union européenne impose d'authentiques "dictateurs" pour diriger les États récalcitrants, c'est-à-dire des dirigeants cooptés par la Commission européenne et par Goldman Sachs, mais qui ne se sont jamais soumis au suffrage universel (comme MM. Papademos en Grèce et Mario Monti en Italie),
- l'Union européenne vide de sens ce qui restait des démocraties, notamment avec le TSCG qui retire aux parlements leurs prérogatives essentielles en matière budgétaire,
- etc.
Mais il faut aller au-delà de ce cynisme révoltant. Il faut examiner de près cette affirmation, véhiculée par l'attribution de ce Prix, selon laquelle la construction européenne aurait installé la paix sur le continent européen. Cette affirmation doit être étudiée avec beaucoup de précision car il s’agit de l’un des arguments les plus efficaces de la propagande européiste.
Non, la paix en Europe ne doit rien à l'Union européenne
Tirant parti de ce qu’il n’y a pas eu de conflit armé, en effet, entre la France et l’Allemagne depuis 1945, la propagande européiste nous assure que cette situation heureuse découle indubitablement de la construction européenne et que celle-ci ne saurait donc être remise en question, sauf par de dangereux va-t-en guerre.
Pour beaucoup de Français, cet argument selon lequel « l’Europe, c’est la Paix » est d’autant plus intimidant qu’il semble incontestable. Il joue même un rôle décisif pour les Français qui ont personnellement des souvenirs d’enfance de la Seconde Guerre mondiale. Comme l’ont révélé les sondages post-électoraux effectués par tranche d’âge après le référendum de 2005, l’argument de la paix explique principalement pourquoi ce sont les électeurs de plus de 60 ans – et davantage encore ceux âgés de plus de 70 ans – qui ont été les seuls à voter majoritairement en faveur de la Constitution européenne.
Pourtant, cet argument selon lequel « l’Europe, c’est la Paix » est à la fois faux et très dangereux. Et l’UPR tient non seulement à ne pas le passer sous silence mais elle tient par-dessus tout à en expliquer la fausseté. Car, comme bien souvent dans l’histoire des hommes, une construction politique prétendument porteuse de paix est en train de nous conduire à la guerre.
Examinons pourquoi.
La construction européenne n’a été pour rien dans le maintien de la paix en Europe depuis 1945
Contrairement à ce qu’assène la propagande, la construction européenne n’a été pour rien dans le maintien de la paix sur le continent européen depuis 1945 (plus exactement dans sa partie occidentale, car le continent a connu plusieurs conflits très meurtriers dans l’ancienne Yougoslavie).
Qu’est-ce qui permet de l’affirmer ?
Tout d’abord la simple chronologie des faits.
En effet, si la fameuse Déclaration Schuman date du 9 mai 1950, le Traité de Rome n’a été signé quant à lui que le 25 mars 1957 et les institutions communautaires ne se sont mises en place que très progressivement ensuite. Ce simple rappel des dates a une conséquence logique immédiate : si la paix a prévalu entre 1945 et, disons, le début des années 1960, il est tout simplement impossible d’en attribuer le bénéfice à quelque chose qui n’existait pas.
Ainsi, ce n’est pas grâce à la CECA balbutiante ou au Traité de Rome, puisqu’il n’existait pas, que le blocus de Berlin de 1953 ou que l’insurrection hongroise de 1956 n’ont pas dégénéré en conflit mondial. Si la France et l’Allemagne ne sont pas entrées en guerre l’une contre l’autre pendant les années 50, c’est parce que ce n’était tout simplement pas le sujet du moment, loin s’en faut. La guerre qui menaçait d’ensanglanter l’Europe ne risquait pas d’opposer les deux rives du Rhin mais le camp occidental sous influence américaine et le camp socialiste sous influence soviétique.
Or, ce qui a préservé la paix porte un nom : l’équilibre de la terreur. C’est-à-dire la perspective d’une « destruction mutuelle assurée » – c’était le nom même du concept stratégique (« MAD » pour « Mutual Assured Destruction » en anglais) entre les troupes de l’OTAN et celles du Pacte de Varsovie -, à l’issue d’une apocalypse nucléaire qui aurait anéanti le continent et sans doute même la planète entière.
Ainsi donc, et l’on se sent presque gêné de devoir le rappeler tant la propagande européiste a occulté la réalité des faits, si la paix a prévalu entre 1945 et la chute du Mur de Berlin en 1991, c’est parce que l’Europe était, de part et d’autre du rideau de fer, armée jusqu’aux dents. C’est une triste réalité mais elle est indéniable : ce sont les bombes thermonucléaires, les sous-marins lanceurs d’engins, les forces aériennes stratégiques et les missiles balistiques ou de croisière, qui ont assuré la paix en Europe. Ce ne sont pas les montagnes de paperasses des technocrates de la Commission de Bruxelles visant à harmoniser l’éclairage des voitures ou le pourcentage de matières grasses dans le beurre de cacao…
D’accord. Mais maintenant ? Eh bien maintenant, il faut regarder le monde tel qu’il est en 2012 et non pas le monde tel qu’il était il y a cinquante ou cent ans.
- Exercice "FIESOLE 2009" de l'EUROFOR en Italie. Des militaires de 5 pays membres de l'UE, réunis dans l'EUROFOR, s'entraînent à d'éventuelles « opérations de stabilisation » de l'Alliance Atlantique : il s'agit en fait d'opération de déstabilisation ou de guerres d'agressions prédatrices -
Les trois évolutions majeures de l’Occident depuis 1945
Trois évolutions structurelles extrêmement puissantes se sont imposées en Europe occidentale depuis la fin du second conflit mondial.
1. – Première évolution majeure : la fin des guerres classiques entre pays développés
La première de ces évolutions concerne la fin des guerres classiques entre pays développés.
L’histoire européenne a été marquée, depuis la Renaissance, et surtout depuis la Guerre de Trente Ans et le Traité de Westphalie de 1648, jusqu’en 1945, par la guerre classique, c’est-à-dire des conflits opposant les armées d’État à État (armées de mercenaires d’abord, régulières ensuite).
Or ce type de conflits classiques tend désormais à disparaître, sinon de toute la surface de la planète, du moins de tous les pays très développés.
Pourquoi ? Pas du tout sous l’effet des institutions communautaires. D’ailleurs, les Français envisagent-ils davantage de faire la guerre à la Norvège qu’à la Finlande parce que la première n’est pas dans l’Union alors que la seconde l’est ? Évidemment non.
Autre exemple : un coup de chasse-mouche du dey d’Alger contre l’envoyé de Charles X avait été un motif jugé suffisant pour que la France intervienne militairement en Algérie en 1830. Mais, un siècle et demi après, le gouvernement français n’a jamais même simplement envisagé d’envoyer des soldats français en Algérie pour empêcher qu’un nombre significatif de nos compatriotes s’y fassent assassiner pendant les années 1980 et 1990. L’Algérie n’étant pas dans l’Union européenne, ce refus français d’entrer en guerre, si exactement contraire à ce que fut l’attitude française en 1830, tient donc à des causes qui n’ont rien à voir avec la construction européenne.
Quelles sont ces causes ?
Si la guerre classique d’État à État tend à s’éteindre dans l’ensemble des pays développés, c’est essentiellement sous le double effet :
– d’une part d’un profond changement des mœurs, découlant de la hausse des niveaux de vie et de la généralisation de l’éducation,
– d’autre part de la généralisation des moyens de communication visuels et instantanés : la télévision, puissamment relayée désormais par Internet.
Les États-Unis ont perdu la Guerre du Vietnam en 1975, d’abord et avant tout parce que le peuple américain ne supportait plus de voir les appelés du contingent mourir en direct sur le petit écran jour après jour, et que la conscience universelle n’aurait pas toléré que Washington usât de l’arme nucléaire dans ce cas.
C’est l’instantanéité et l’omniprésence de l’information qui rend la guerre classique de plus en plus inacceptable aux yeux des opinions publiques des pays développés, et nullement les institutions bureaucratiques de Bruxelles.
Cet état de fait entraîne deux conséquences majeures :
a) l’apparition de guerres nouvelles et d’un type inconnu entre les pays développés
La première conséquence, c’est que les États développés ne peuvent plus réellement se faire de guerre classique entre eux. Cela ne signifie hélas pas qu’ils ne se font plus la guerre du tout ! Cela signifie seulement que les guerres qu’ils se livrent sont d’une toute autre nature que les guerres classiques.
Désormais, les guerres entre pays développés sont beaucoup plus sournoises. Elles se font de façon invisible pour l’homme de la rue : il n’y a plus de déclarations de guerre, les armements classiques n’apparaissent plus, les destructions matérielles et humaines sont devenues très faibles.
Les guerres du XXIe siècle usent d’autres moyens, beaucoup plus perfides et sophistiqués :
- leurs armes sont les médias, les campagnes de propagande, les opérations de désinformation, les manipulations psychologiques, les actes terroristes à la paternité douteuse ;
- leurs cibles sont les cerveaux de chaque individu, leur mise en conditionnement pour accepter des évolutions et des prises de contrôle souvent bien plus totales que ce à quoi parvenaient les guerres classiques d’autrefois.
C’est en pensant à ce nouveau type de « guerre inconnue », de guerre du XXIe siècle, que François Mitterranda livré, dans le testament politique qu’il a confié au journaliste George Marc Benamou quelques semaines avant sa mort, ces terribles phrases que j’évoque dans certaines de mes conférences :
« La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort…apparemment. Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde… C’est une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort ! »
(Source : Le dernier Mitterrand de Georges-Marc Benamou – Date de publication : 27/1/1997 – Editeur : Plon – Omnibus).
b) – la relégation des guerres classiques dans des zones périphériques et hors du champ des médias
La seconde conséquence, c’est que lorsque les pays très développés ont encore recours à des interventions militaires, ils ne le font désormais que dans des zones périphériques du monde, éloignées et difficiles d’accès pour les médias, et sous des contraintes très fortes : en n’utilisant plus de conscrits mais une armée de métier, en ayant pour objectif le « zéro mort » pour leurs propres soldats, donc en privilégiant les bombardements aériens aux opérations terrestres, en visant à ce que le conflit soit le plus bref possible, et enfin en verrouillant le plus possible la couverture de presse.
C’est ce type de guerre qui se déroule dans plusieurs régions du monde, et notamment en Afghanistan, en Irak, ou en Libye, où les armées des pays membres de l’Union européenne ont été ou sont d’ailleurs très largement engagées, sous couvert d’opérations de l’OTAN.
2. – Deuxième évolution majeure : le déclin du taux de natalité dans les pays d’Europe
La deuxième évolution structurelle concerne le déclin du taux de natalité dans les pays d’Europe, qui entraîne depuis des années un vieillissement accéléré des populations.
Cette évolution est tout spécialement spectaculaire en Allemagne puisque l’un des scénarios démographiques probables envisage que l’Allemagne perde 13,7 millions d’habitants d’ici à 2050, et cela malgré l’immigration annuelle massive de 100 000 personnes. En 2050, les personnes de plus de 60 ans représenteraient plus de 40 % de la population allemande et seraient presque trois fois plus nombreuses que les moins de 20 ans. (source : article « Démographie de l’Allemagne » dans Wikipédia).
Ces données démographiques sont capitales car tous les historiens savent que les guerres naissent très généralement entre des zones pauvres enregistrant une forte croissance de leur population et des zones riches de faible pression démographique. De ce point de vue, quel historien ou spécialiste des conflits peut sérieusement croire que la guerre est plausible entre les pays de l’ouest européen, alors que ceux-ci sont menacés de dénatalité et que les personnes âgées y sont d’année en année plus nombreuses ?
3. – Troisième évolution majeure : la démographie des pays du sud de la Méditerranée (Maghreb et Afrique)
Enfin, la troisième évolution structurelle concerne justement la démographie des pays du sud de la Méditerranée (Maghreb et Afrique), ainsi que, de façon plus éloignée géographiquement, celle du sous-continent indien.
Pour les raisons que l’on vient de rappeler, tout spécialiste sérieux ne peut pas ignorer que la disparité des situations démographiques et économiques entre les deux rives de la Méditerranée constitue le principal risque de guerre pour l’Europe dans les décennies qui viennent.
Or, et c’est là la tragique ruse de l’Histoire, le principe même de la construction européenne consiste précisément à repousser les pays du Maghreb et d’Afrique à l’extérieur du périmètre européen (la candidature du Maroc à l’entrée dans l’Union européenne ayant d’ailleurs été officiellement rejetée).
Les européistes peuvent évidemment rétorquer que les pays du Maghreb ou d’Afrique n’ont pas leur place dans une « construction européenne ».
Mais cette réponse fait comme si la définition purement conventionnelle de ce que sont des continents devait primer sur une réflexion sage sur ce qu’il convient de faire pour préserver la paix des futures générations des deux côtés de la Méditerranée.
CONCLUSION : Par son principe même, l'Union européenne nous conduit tout droit à la théorie du "Choc des Civilisations"
En réalité, ce raisonnement cynique et dur des européistes prouve en quoi l’Europe, loin de nous assurer la paix, est au contraire en train de nous amener la guerre.
Si les européistes croyaient sincèrement que ce sont les dizaines de milliers de pages de directives d’harmonisation émanant de la Commission de Bruxelles qui ont empêché une nouvelle guerre en Europe depuis un demi-siècle, alors ils devraient logiquement proposer d’intégrer au plus vite les pays du sud dans cette construction politique censée garantir la paix.
En rejetant au contraire ces pays, ils font la preuve de leur terrible inconséquence et ils révèlent à leur corps défendant que la construction européenne n’est bien qu’une opération conçue depuis des années à Washington pour faire de l’Europe un glacis géostratégique américain. Une opération qui présente toutes les allures d'un apartheid au niveau planétaire, distinguant les pays en deux catégories : les serviettes euro-atlantistes d'un côté, et les torchons de l'autre côté.
Cet asservissement politique nous conduit donc tout droit au Choc des Civilisations, théorisé précisément par Washington.
En accordant le Prix Nobel de la Paix à l'Union européenne, qui n'est que la face civile d'une médaille dont la face militaire s'appelle OTAN, M. Jagland et ses commanditaires viennent d'accorder le Prix Nobel de la Paix à la pensée et à la stratégie les plus inquiétantes et les plus dangereuses pour la paix du monde.
François ASSELINEAU