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GéoPolitik - Page 18

  • Du colonialisme français à l’intervention française au Mali


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    6 mai 2013

    F :  

    « La guerre au Mali a pour but de se débarrasser des islamistes radicaux », nous dit-on. Pourtant, ces mêmes islamistes combattent dans « notre » camp en Libye et en Syrie. Et ils sont financés par « nos amis » : Arabie Saoudite et Qatar. Spécialiste de l'Afrique et auteur chez Investig'Action de « La stratégie du chaos », Mohamed Hassan éclaire les dessous d'une guerre beaucoup trop schématisée par les médias. Troisième et dernier volet de notre série « Causes et conséquences de la guerre au Mali » (IGA).

     

     
     

     

     

    Le conflit au Mali s’inscrit dans un large contexte et il a toute une histoire derrière lui. Il y a les djihadistes qui ont quitté la Libye pour le nord du Mali, armés par le Qatar et l’Arabie saoudite. Et il y a les militaires français, belges et autres, occidentaux et africains, qui sont intervenus au Mali. Pour situer correctement cette intervention française, nous devons faire un retour sur le colonialisme français au Mali.

     

    Quand les colonialistes français ont conquis le Mali, le territoire faisait partie d’une vaste zone économique s’étendant autour du Sahel. Les caravanes partaient d’une ville oasis vers une autre, tout droit à travers le désert. Dans cette économie originelle régnait une bonne intelligence entre les paysans et les nomades. Les paysans avaient besoin des nomades pour pouvoir acheter des marchandises venant d’autres régions et constituaient donc leur clientèle. Toute la population de cette région était musulmane.

     

    Cette zone économique était très prospère à l’époque. L’an dernier, le site Internet celebritynetworth.com a classé un Malien à la première place du classement des vingt-cinq individus les plus riches ayant jamais vécu. Le journal a converti les biens du roi Mansa Moussa Ier qui, de 1312 à 1337, a régné sur un royaume situé à l’intérieur du Mali actuel, en tenant compte de l’actuel prix de l’or et de l’inflation au fil des siècles. L’homme, aujourd’hui, pèserait quelque 400 milliards de dollars. Il y avait également une vie intellectuelle très riche : Tombouctou est connue comme l’un des premiers et principaux centres intellectuels du monde. À son apogée, le royaume malien s’étendait jusqu’à la côte du Sénégal. L’arabe y était la langue véhiculaire.

     

    Le colonialisme français a détruit tout ce système. Pour tuer toute capacité intellectuelle, des milliers de professeurs ont été assassinés. À l’instar de la quasi-totalité des pays africains, le Mali que nous connaissons aujourd’hui a des frontières artificielles. La région faisait partie de ce qu’on appelait le Soudan français. En 1960, elle devint indépendante, d’abord comme une fédération avec le Sénégal, mais, après deux mois à peine, le Sénégal se retira de cette fédération. Le Mali actuel est le quatrième pays d’Afrique par sa superficie. Après le coup d’État contre le premier président nationaliste du Mali, Modibo Keita (1960-1968), le pays est devenu un État néocolonial.

     

    Un tel État ne peut constituer une nation ni ne peut se développer de façon autonome. Le Nord, une région désertique, est abandonné à son sort et les habitants y sont discriminés. Il y a des tensions ethniques entre les Touaregs (nomades) et les autres groupes de population. Le commerce à grande échelle de jadis a complètement décliné. Que reste-t-il pour un grand nombre de nomades qui sillonnent la région avec leurs caravanes ? Contrebande, enlèvements moyennant rançon, trafic d’humains…

     

    Une partie importante de ces Touaregs sont devenus soldats en Libye, dans l’armée de Kadhafi. Après leur retour dans le nord du Mali, ils ont entamé une guerre au Nord-Mali pour l’indépendance de ce qu’ils appellent l’Azawad — une lutte qui, depuis quelques décennies, s’anime brusquement puis se calme à nouveau. Le 24 janvier 2012, ils se sont emparés de la ville d’Aguelhok et y ont tué une centaine de soldats de l’armée malienne. Au cours des mois suivants, ils se sont mis à attaquer d’autres villes dans le nord.

     

    Le massacre d’Aguelhok a suscité un énorme mécontentement dans l’armée et parmi les familles des soldats, car c’est très pauvrement armés qu’il leur a fallu combattre les insurgés bien équipés et entraînés. Le 22 mars, le président malien Amadou Toumani Touré (surnommé « ATT ») a été renversé par un coup d’État de militaires mécontents et d’officiers subalternes sous la direction d’Amadou Sanogo.

     

    Pour les pays voisins du Mali qui, après le renversement du président ivoirien Gbagbo, subissent fortement l’influence de la France, ce fut un prétexte pour annoncer un embargo sur les armes contre l’armée malienne qui, de la sorte, n’avait pas l’ombre d’une chance contre les insurgés accourant en masse. Les mois suivants, le MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) s’empara de tout le nord du pays. Ensuite, le MNLA fut chassé à son tour par trois groupes djihadistes : Ansar Dine, Al Qaeda dans le Maghreb islamique (AQMI) et MUJAO — des groupes qui reçoivent des armes et de l’argent du Qatar et de l’Arabie saoudite — et ainsi la boucle fut bouclée.

     

    Quand il a semblé alors que ces djihadistes allaient se précipiter vers la capitale malienne Bamako, le président par intérim Dioncounda Traoré aurait demandé au président français François Hollande (PS) d’intervenir militairement. Ce qui rendait en fait impossible un plan soigneusement et difficilement élaboré des Nations unies et de l’Union africaine.

     

    Conclusion

     

    Comment la situation devrait-elle évoluer ? Toute solution au conflit du Mali est contrecarrée par trois problèmes importants.

     

    Primo : personne ne permet aux Maliens de résoudre eux-mêmes leurs différends et problèmes mutuels. L’ingérence étrangère rend la chose impossible. La guerre ne fera qu’exacerber les tensions mutuelles dans tout le pays. Si vous avez la peau plus claire et qu’on vous prend donc pour quelqu’un du nord, vous risquez aujourd’hui de ne plus pouvoir traverser à l’aise les rues de Bamako.

     

    Secundo : les États africains sont très faibles, quand on voit qu’un pays comme le Mali ne peut même pas venir à bout d’une rébellion bien organisée de quelque 500 djihadistes. L’Union africaine (UA) elle aussi est faible. Les pays de la SADC (Southern African Development Community) essaient bien de changer le cours des choses et étaient à l’avant-plan de l’opposition de l’UA à la guerre en Libye. Mais il y a encore bien trop de chefs d’État africains qui pensent davantage à leur propre intérêt et aux ordres qu’ils reçoivent de leurs maîtres en Europe et aux États-Unis qu’à l’unité africaine.

     

    Tertio : si, depuis que la crise du capitalisme mondial s’est aggravée en 2008, la France ne veut pas devenir une nouvelle Espagne, Italie ou Grèce, elle va devoir défendre son hégémonie en « Françafrique » et autour de la Méditerranée. Mais les choses ne s’annoncent pas très bien pour la France, car les contradictions avec les États-Unis en Afrique s’accroissent. En Côte d’Ivoire, l’armée française est intervenue pour installer Ouatarra au pouvoir ; or, en fait ce dernier est avant tout un pion des États-Unis. Et les États-Unis ont tiré parti de la guerre au Mali pour installer une base pour leurs drones dans le pays voisin, le Niger. En d’autres termes, nous pouvons nous préparer à une période durant laquelle le Mali et toute la région qui l’entoure vont se retrouver dans un conflit permanent, comme celui qu’a connu la Somalie au cours des années 90.


     

    Extrait de « Causes et conséquences de la guerre au Mali », article paru dans Études marxistes, n°101.

     

    Voir aussi « L'Occident à la conquête de l'Afrique » et « Ces islamistes que soutient l’Occident ».

     

    Mohamed Hassan est spécialiste du Moyen-Orient et de l’Afrique. Il est l’auteur, avec David Pestieau, de L’Irak face à l’occupation (EPO, 2004) et, avec Grégoire Lalieu et Michel Collon, de La stratégie du chaos, Investig’Action/Couleur Livres, 2012.
     

     

     

    Françafrique - Libye - Mali - Touaregs

     


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  • Les attentats de Boston

    travers le prisme des médias américains

     


    Les attentats de Boston vus à travers le prisme des médias américains

    le 6 mai 2013

    Nous publions ci-dessous, avec leur autorisation, un article paru le 17 avril dernier sur le site socialistworker.org [1]. Il est suivi d’un post-scriptum d’Acrimed.

    Les médias ont essayé d’inscrire les explosions dramatiques du marathon de Boston dans le cadre cynique et raciste de la « guerre menée contre le terrorisme », selon Nicole Colson. 

    ***

    Dans la confusion, l’horreur et la désolation qui ont suivi les explosions du marathon de Boston le 15 avril, une seule chose était claire : certains avaient décidé qui étaient les responsables, au mépris des faits.

    Avant même qu’il y ait un bilan précis des victimes, certains dans les médias de droite et parmi les islamophobes patentés se sont mis à suggérer que cet acte ne pouvait bien évidemment être le fait que de terroristes musulmans.

    Dans l’ensemble, dans les heures qui ont suivi les explosions ayant fait 3 morts et 176 blessés, les médias sont restés, pour l’essentiel, assez mesurés, comparés à certains drames précédents. Les présentateurs n’ont fait que répéter la stricte vérité : il était trop tôt pour savoir qui avait perpétré ces attaques et connaître les motivations de leurs auteurs. Furent surtout mises en avant des images de courage et d’espoir – les secouristes et les gens ordinaires qui se sont précipités sur les lieux du carnage pour s’occuper des blessés, mettre les gens à l’abri et offrir un peu de réconfort.

    Mais au fil des heures, et du temps d’antenne à combler, les spéculations d’insipides « experts » médiatiques ont surgi.

    Sur CNN et WABC, on rapporta que la police recherchait un « homme à la peau foncée ou un homme noir » parlant « éventuellement avec un accent étranger ». Le New York Post, qui ne rate jamais une occasion de se vautrer dans le racisme, rapporta à tort que 12 personnes avaient été tuées, que la police croyait un Saoudien responsable de ces actes et que cet homme était sous surveillance dans un hôpital des environs.

    Sous entendu : on assistait à un nouveau 11 septembre.

    Or la police de Boston déclara un peu plus tard qu’il n’y avait pas de suspect en garde à vue, Saoudien ou autre.

    Un Saoudien, étudiant à l’université de Boston fut bien interrogé dans un hôpital des environs. Il figurait parmi les victimes des explosions ayant subi de graves brûlures. Selon Boston.com, un responsable des forces de l’ordre a affirmé que l’homme avait été taclé puis retenu par un passant après avoir été aperçu quittant les lieux précipitamment, à l’instar de centaines d’autres essayant d’échapper aux explosions.

    Malgré la déclaration de la police, Steve Emerson, expert en terrorisme autoproclamé, est allé sur C-SPAN dire ce qu’il pensait de l’étudiant saoudien non identifié, dès le lendemain des explosions. « J’ai eu accès à certaines informations top secrètes », a dit Emerson. « Il semble que c’est un acte terroriste commis pour des raisons politiques… sur la page Facebook de la personne en question, il y avait des messages assez révélateurs hostiles aux États-Unis. Certes il n’a pas été inculpé à l’heure qu’il est, mais les brûlures sur sa peau correspondent aux résidus de la bombe qui a explosé. »

    Sur Fox News, Emerson fut contraint d’admettre que « le suspect saoudien a été mis hors de cause ». Mais il a assuré à la présentatrice de Fox Megan Kelly que les explosions ne pouvaient être que l’œuvre de terroristes islamistes. Pourquoi ? Parce que l’utilisation d’une bombe est « la marque de fabrique » des terroristes islamistes, tandis que, toujours selon lui, les terroristes d’extrême droite « utilisent des armes à feu pour perpétrer leurs attaques ».

    Apparemment, cet « expert » en terrorisme avait oublié que c’est bel et bien une bombe qui explosa devant un bâtiment fédéral à Oklahoma City – attaque terroriste la plus meurtrière sur le sol américain jusqu’au 11 septembre –, déposée par des membres d’une milice suprémaciste blanche.

    Le raccourci raciste consistant à n’envisager la responsabilité que d’un terroriste musulman ne se limita pas aux médias. Les hommes politiques eurent tôt fait d’entrer dans l’arène.

    Interrogée pour savoir si elle connaissait le pourquoi des ces explosions, la sénatrice du Maine Susan Collins (membre du Parti républicain et de la commission chargée du renseignement au Sénat) déclara : « chaque fois qu’une attaque de ce genre se produit, il est difficile de ne pas songer à la responsabilité de l’extrémisme islamiste. » Semblant se rendre compte qu’elle était en train de proférer publiquement des accusations sans fondement, elle s’empressa d’ajouter : « Mais je n’ai aucune preuve qui puisse accréditer cette thèse. »

    Sur CNN, l’ancienne députée démocrate Jane Harman apparut dans l’émission The Lead quelques heures après les explosions dans lesquelles elle crut non seulement déceler la main d’Al-Qaïda, mais où elle annonçait également d’autres attaques à venir : « Je dirais, en m’appuyant sur ce qu’on sait de nos jours d’Al-Qaïda et des organisations liées à Al-Qaïda, que nous devons, si leur responsabilité est confirmée, nous attendre à d’autres attaques lors d’évènements sportifs, dans des villes très exposées ou encore lors de rassemblements de masse les jours fériés. »

    Le député républicain de l’Iowa Steve King profita de l’occasion pour lancer des pistes en matière de réforme de l’immigration. « Si l’on ne peut plus contrôler les antécédents des gens qui viennent d’Arabie saoudite, comment va-t-on contrôler les antécédents des 11 à 20 millions de gens qui vivent ici et qui sont originaires de je-ne-sais-où ?  » s’interrogea-t-il sur la National Review Online.

    Mais tout cela n’était rien comparé aux propos du commentateur de Fow News Erik Rush. Le jour des explosions, Rush a tweeté le message suivant : « Que tout le monde fasse l’autruche en matière de sécurité ! Laissons entrer toujours plus de Saoudiens sans les faire passer par les contrôles ! Allons-y ! » Et lorsque quelqu’un lui demanda si les musulmans dans leur ensemble étaient coupables de ces explosions, Rush répondit : « Oui, ils sont diaboliques. Tuons-les tous. »

    Rush eut recours un peu plus tard à la seule excuse – piteuse – possible : c’était « sarcastique ».

    Mais il ne précisa pas s’il était toujours sarcastique quand il tweeta un peu plus tard : « Qu’il est bon de voir tous ces apologistes de l’islam voler au secours de ceux qui se retourneraient contre eux en un clin d’œil. » Idem pour son article intitulé « Oui, l’islam est l’ennemi à abattre », dans lequel Rush déclarait : « La vérité, la voici : aussi bien la gauche que les islamistes aux États-Unis exploitent le 1er amendement et la nature généreuse des Américains afin de nous conquérir. C’est aussi simple que cela, et si cela doit aboutir à un conflit, je préfère être du côté des vainqueurs, quoi qu’il en coûte. »

    Rush a peut-être le verbe plus haut que les autres, mais ses commentaires reflètent le racisme profond à l’encontre des Arabes et des musulmans qui ne cesse de croître dans la société américaine depuis le 11 septembre.

    Car quand les vedettes médiatiques, les hommes politiques et d’autres attisent l’islamophobie, ce n’est pas sans conséquence. Dans les heures qui ont suivi les explosions de Boston, un torrent d’injures nauséabondes à l’encontre des Arabes et des musulmans s’est répandu dans les médias. Et le lendemain, un vol de la compagnie American Airlines au départ de l’aéroport Logan de Boston et à destination de Chicago fut rappelé à la porte d’embarquement après que des passagers ont fait part de leur inquiétude ayant entendu deux hommes parler arabe à bord. Ceux-ci furent finalement exclus du vol.

    Le délit de « l’Arabe en avion » n’est que trop familier pour de nombreux Arabes et musulmans aux États-Unis depuis le 11 septembre : des passagers sont soupçonnés dès qu’ils prient, qu’ils portent des vêtements islamiques ou, comme à Boston, qu’ils parlent une autre langue, tout simplement.

    Cette montée de la rhétorique anti-musulmans depuis les explosions de Boston accroît considérablement le risque d’attaques racistes. Il nous faut être solidaire de nos amis arabes et musulmans pour éviter qu’un tel retour de flammes ne se produise.

    L’islamophobie est la conséquence directe du jeu malsain de l’establishment politique américain avec la peur du terrorisme afin d’obtenir un plus large soutien à la guerre au terrorisme menée à l’étranger, tout en restreignant les libertés publiques ici, sur le territoire national.

    Comme l’a écrit le chroniqueur du Guardian Glenn Greenwald, « l’histoire de ce type d’attaques depuis 10 ans est claire et cohérente : elles sont menées afin d’accroître le pouvoir du gouvernement, de renforcer la surveillance de la part de l’État et de confisquer les libertés individuelles. »

    De nombreux organes de presse et autres commentateurs conservateurs se sont élevés contre l’absence du mot « terrorisme » dans la première déclaration de Barack Obama sur les explosions de Boston (sans doute parce que, dans la loi américaine, qualifier un acte de « terroriste » a des conséquences juridiques).

    Que les conservateurs de tous poils se rassurent, cependant. Moins d’un jour a suffit à Obama pour déclarer que « chaque fois que des bombes sont utilisées contre des citoyens innocents, c’est un acte de terreur. »

    Comme l’a écrit Greenwald : « Bien sûr, derrière la question "s’agit-il ou non de terrorisme ?", s’en cache une autre : "des musulmans sont-ils responsables ?" » Et pour cause : dans le discours politique américain, le « terrorisme » signifie forcément des violences commises par des musulmans contre l’Occident. La raison pour laquelle il y a eu une telle confusion et un tel flou autour de la notion de terrorisme est qu’il n’existe aucune définition claire et cohérente de ce terme. À l’heure actuelle, ce n’est guère plus que de la propagande visant à émouvoir et à manipuler.

    Parmi les spéculations sur la responsabilité des Arabes ou des musulmans dans les explosions de Boston, personne ou presque dans les médias n’a rappelé la longue série d’actes terroristes sanglants perpétrés par les racistes d’extrême droite.

    De la destruction du bâtiment Alfred P. Murrah à Oklahoma City en 1995 à l’explosion dans Centennial Park lors des Jeux Olympiques d’Atlanta en 1996 en passant par les incendies visant des cliniques où sont pratiquées l’avortement et des mosquées, la liste d’attaques violentes et de complots terroristes issus de la droite est longue.

    Et pourtant, le visage du terrorisme reste associé aux Arabes ou aux musulmans. Le New York Times, par exemple, a affirmé que les explosions de Boston marquaient « la fin de plus d’une décennie au cours de laquelle les États-Unis subirent étonnamment peu d’attaques terroristes, notamment grâce à une stratégie fondée sur un maintien de l’ordre beaucoup plus strict au lendemain des attentats du 11 septembre. »

    De manière assez révélatrice, le journal a omis de parler du meurtre en 2009 de George Tiller, médecin pratiquant des avortements et ayant subi pendant des années menaces et violences avant d’être abattu dans une église par un fanatique anti-avortement. Pas plus que le journal de référence n’a mentionné les six victimes du néonazi Wade Michael Page lors de la fusillade survenue l’an dernier dans un temple sikh du Wisconsin.

    Est-ce parce que les auteurs étaient des hommes blancs que ces gens ne sont pas considérés comme victimes du terrorisme ?

    L’occultation par le New York Times de la violence d’extrême droite va de pair avec l’argument selon lequel la guerre menée contre le terrorisme a accru la sécurité des Américains – notamment sur le territoire américain, se traduisant par un renforcement des mesures de sécurité qui a généré une augmentation sans précédent des lois sécuritaires et une diminution des libertés publiques depuis le 11 septembre.

    « Dans le sillage du 11 septembre, il y a eu une révolution dans la façon dont les autorités ont traité ce problème » estime Gary Lafree, directeur du consortium national sur l’étude du terrorisme, dans les colonnes du New York Times. « Les équipes de police sous la houlette du FBI font beaucoup plus de prévention. Elles stoppent les complots avant même que les terroristes ne sortent de chez eux. »

    Mais dans un grand nombre de cas, le FBI et la police ne « stoppent » pas les complots. Elles les fomentent puis attrapent des individus vulnérables considérés comme responsables avant de les diaboliser.

    La vérité, c’est que la plupart des gens inculpés de terrorisme aux États-Unis au cours des dix dernières années dans cette guerre menée contre le terrorisme n’ont non seulement jamais tué quiconque, mais n’ont même jamais été sur le point de commettre une quelconque attaque sur le sol américain.

    Prenez par exemple le cas de Newburgh : quatre Afro-Américains originaires de Newburgh dans l’État de New York, arrêtés pour terrorisme en 2009 et suspectés d’avoir préparé des attentats dans deux synagogues et de vouloir abattre des avions militaires à l’aide de missiles. Ces hommes n’avaient ni les moyens ni la motivation de commettre de tels actes avant de rencontrer Shahed Hussain, agent provocateur du FBI, qui les a recrutés dans une mosquée locale en leur promettant une rétribution. Devant le tribunal, même les juges ont dit que cette affaire relevait de tout « sauf du terrorisme ».

    Au-delà de ces abus commis sur des individus marginaux comme le quatuor de Newburg, le gouvernement fédéral exploite ces « complots terroristes », aussi invraisemblables soient-ils, pour renforcer la sécurité nationale. Comme l’écrit encore Greenwald : « C’est précisément ce que fait le gouvernement à chaque fois (aidé en cela par l’armée déplorable "d’experts en terrorisme"), à savoir exploiter la peur suscitée afin d’accroître son propre pouvoir et d’affaiblir celui des individus, y compris celui d’avoir une vie privée. »

    Il est néanmoins possible de résister à l’hystérie médiatique, à ceux qui attisent la peur et à la tentation de faire d’un drame horrible un prétexte à un nouveau tour de vis gouvernemental. Les gens ordinaires à Boston ont montré la voie, des milliers de gens ayant pris part à une veillée funèbre pour les victimes en signe de soutien à leurs familles et à leurs amis.

    Les parents de Trayvon Martin – cet adolescent afro-américain assassiné par un milicien raciste l’an dernier en Floride – ont de la même façon marqué les esprits en envoyant un message à la famille de l’une des victimes des explosions, Martin Richard, âgé de huit ans (la sœur et la mère de Martin ont également été grièvement blessées).

    Une photo prise par Martin Richard brandissant lui-même une photo sur laquelle figure un symbole de paix après le meurtre de Trayvon Martin a beaucoup circulé dans les médias. Les parents de Trayvon, Sybrina Fulton et Tracy Martin, ont envoyé un message de solidarité à la famille du petit Martin : « Il semble que le symbole de paix que Martin brandit en photo qui circule actuellement dans les médias fit suite à un cours de son professeur portant sur la mort de notre fils et le problème de la violence en général. Nous vous adressons nos pensées et nos prières les plus sincères et nous souviendrons de votre fils pour toujours. »

    Puisse cet exemple synonyme de solidarité au cœur de l’horreur et de refus de céder à la peur être suivi à l’avenir.

    Traduction de Thibault Roques


    Post-scriptum d’Acrimed

    Ce type de journalisme de précipitation et d’anticipation, qui prétend connaître les coupables avant qu’ils soient identifiés, peut voir, parfois, ses prédictions tomber juste, ce qui ne change rien au fait qu’il se contente de relayer des rumeurs ou les préjugés de ses « sources », et ne se fonde en tout cas sur aucune information consistante et vérifiée…

    Du fait de la course au scoop et de la « nécessité » de tenir l’antenne ou de remplir des pages, la déontologie et les règles habituelles du journalisme semblent comme suspendues dans les heures, voire les jours qui suivent ce type d’évènement dramatique. En mars 2004, par exemple, faisant fi de toute prudence, les médias français, dontLe Monde, comme nous le soulignions ici-même, emboîtaient le pas de leurs confrères espagnols pour accuser à tort l’ETA d’être responsable des attentats qui venaient d’avoir lieu à Madrid.

    Il est ainsi quelque peu cocasse de lire dans Le Monde du 23 avril dernier un article – remarquable au demeurant – tançant CNN pour sa couverture des attentats de Boston… Nous attendons avec intérêt le jour où Le Monde se penchera avec la même lucidité critique sur ses propres turpitudes passées, présentes et à venir, comme sur celles des médias français.

    Notes

    [1] Site américain d’information alternative ancré à gauche.

  • Google réhabilite...

    Google réhabilite l’appellation "Palestine"

     
     

     

     


    Les mots sont lourds de sens, surtout quand ils sont sciemment galvaudés pour ne véhiculer que des sophismes sur la tragédie palestinienne, les territoires occupés étant honteusement qualifiés de « territoires contestés », entre autres énormités mensongères. Aussi ne peut-on que se réjouir lorsque, grâce à un moteur de recherches incontournable du Net, ils recouvrent leur sens premier à travers la réhabilitation de l’appellation "Palestine".

    C’est Google qui a mis un terme à cette injustice sémantique, à l’aune d’une injustice géo-politique grandeur nature et à ciel ouvert, en remplaçant la mention "Territoires palestiniens" par "Palestine" sur sa page palestinienne, et ce au grand dam des autorités israéliennes, ulcérées par cette reconnaissance linguistique inaudible.

    Les médias-mensonges d’Israël, semés aux quatre vents, auront largement infecté le débat public sur l’épineuse question, jusqu’à rendre taboue l’appellation "Palestine" et par là-même la souveraineté qui en découle. L’irritation trahie par Yigal Palmor, le porte-parole israélien du ministère des affaires étrangères, à l’égard de Google, est à ce titre édifiante. Ce dernier s'est en effet interrogé, certainement en s'étranglant, "sur les raisons controversées derrière cette implication surprenante d'une entreprise internet privée dans la politique internationale"...

    L’Etat hébreu pourra toujours fulminer et taper du poing sur la table, après avoir fait trembler toutes les tables rondes, rien ne fera infléchir la décision de Google qui a procédé à cette modification "dans tous nos produits", comme l’a indiqué le porte-parole, Nathan Tyler, en précisant que ce changement respectait en tout point la qualification choisie par l'ONU – la Palestine avait obtenu en novembre le statut d'Etat observateur –, mais aussi par l'Icann (régulateur des noms de domaine sur internet) et "d'autres organisations internationales".

    Pour les autorités palestiniennes, cette revalorisation du terme "Palestine", riche de sens, est un bon présage qui va dans le bon sens. Sabri Saïdam, conseiller du président palestinien Mahmoud Abbas, pour les télécommunications et internet, s’est félicité de ce "pas dans la bonne direction", l'interprétant comme un "résultat du vote des Nations unies". "Nous espérons que Google Maps montrera aussi les terres palestiniennes confisquées par la colonisation israélienne", a-t-il ajouté auprès de l'AFP.

    Confortées par cette nouvelle légitimité, prélude à un droit à l’auto-détermination qui ne serait que justice, les autorités palestiniennes apposent désormais le sceau « Etat de Palestine » dans leurs correspondances diplomatiques, pour lesquelles des timbres, avec le même libellé, ont été émis
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  • Israël-ASL, même combat

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    6 mai 2013

    Un chef rebelle syrien se réjouit de voir son pays bombardé par l'ennemi israélien.

     

    Ce dimanche, un leader de l'opposition "syrienne" dénommé Hassan Rastanaoui est apparu en direct depuis Homs sur la deuxième chaîne israélienne.
     
    Il était l'invité surprise du journaliste israélien Yaari Ehud. 

    Rastanaoui a été présenté sur le site Internet de la chaîne israélienne comme un leader de la rébellion "syrienne".

    Répondant à une question du journaliste relative aux bombardements effectués ces derniers jours par l'aviation israélienne à Damas, Hassan Rastanaoui a exprimé sa joie et sa gratitude.

    D'après lui, les bombardements de l'aviation israélienne visaient des caches d'armes appartenant à l'armée arabe syrienne mais aussi aux milices du Hezbollah et à la Garde républicaine iranienne qu'il qualifie de "plus grands dangers terroristes".

    Cette nouvelle attaque de l'ennemi israélien, dixit Rastanaoui, "emplit le cœur du peuple et des révolutionnaires syriens".

    La complicité entre la rébellion syrienne et l'armée israélienne n'est pas un scoop. 

    L'an dernier, la même chaîne israélienne avait interviewé le cheikh Abdallah Tamimi, un leader salafiste originaire de Homs très Israel-friendly. 

    Usurpant l'identité sunnite et insultant des millions de Syriens sunnites patriotes, Tamimi déclarait que "pour les citoyens syriens sunnites, Israël n'est pas et n'a jamais été leur véritable ennemi (...) Nous (les sunnites) sommes dans le même camp que celui d'Israël".

    D'autre part, de nombreux combattants de l'ASL sont hébergés et se font soigner par l'armée israélienne (AFP, 16 février 2013 et Marc Henry, Le Figaro, 29 mars 2013)

    Ils reçoivent des armes israéliennes, accueillent des journalistes et des agents israéliens dans leurs rangs renseignent les services secrets israéliens sur la localisation des rampes de lancement des missiles balistiques syriens et des dépôts d'armes et promettent que la Syrie "libre" normalisera ses relations avec Israël.

    Malgré l'abondance de preuves sur les collusions entre Israël et les rebelles syriens, dans les médias mainstream mais aussi dans certains milieux soi-disant alternatifs et propalestiniens, on trouve encore quelques conspirationnistes frustrés qui défendent la thèse selon laquelle la Syrie et Israël seraient des pays amis, arguant que depuis la guerre de Tichrine (désigné que par son nom hébreux -Yom Kippour- dans les médias occidentaux), Damas a renforcé sa frontière la séparant d'Israël ainsi que ses lignes de défense dans le Golan.

    Cette théorie est pourtant aussi absurde que de soupçonner une complicité entre les Etats-Unis et Cuba au motif que La Havane n'a toujours pas reconquis la baie de Guantanamo, un territoire cubain sous occupation militaire étasunienne depuis 1898.

    N'en déplaise à certains spécialistes de l'enfumage, l'insoumission du gouvernement de Damas face à Israël et à ses vassaux wahhabites, le soutien politique et militaire qu'il apporte aux résistances libanaise et palestinienne, son alliance stratégique avec l'Iran, telles sont les raisons objectives qui poussent les Etat-Unis, l'Europe et Israël à faire durer la guerre de Syrie autant que faire se peut.

    A la veille de la guerre contre l'Iran, la mission accomplie par les djihadistes syriens arrange Israël tout comme les opérations menées par Israël contre le gouvernement syrien sont du pain béni pour les djihadistes syriens. Et ce, de l'aveu même d'un chef rebelle.
     
     
    Source : Bahar Kimyongür pour Investig'Action.

     

    Israël - Syrie

  • Israël, les Palestiniens

     

    2 mai 2013

    : Si les Palestiniens concentrent leurs effort sur la demande ‘‘une personne, une voix’’, l’argumentaire d’Israël ne tiendra plus. Que pourra-t-il dire ? Que les Palestiniens ne sont pas des êtres humains ?

     

     
    PRETORIA : Il n’y a pas qu’Israël qui devrait tirer les leçons de l’expérience Sud-Africaine. Les Palestiniens aussi. La bataille de la population noire s’est focalisée sur un seul thème : le vote universel. La demande de Nelson Mandela pour ‘‘une personne, une voix’’ était bien plus qu’un slogan, elle était un objectif stratégique. Elle est devenue réalité il y a 19 ans, le 27 Avril, lorsque la première élection multiraciale était organisée. Et depuis cette date, la démocratie a été préservée, les élections ont lieu régulièrement et la nouvelle Constitution soutient et guide cet État, en dépit de ses difficultés et de sa complexité.

    Les Sud-Africains ont démontré que rien n’était impossible ; que le rêve de la majorité et le cauchemar de la minorité pouvaient se rejoindre. Que la haine, les menaces et les peurs pouvaient être remplacées par un espoir bien réel. Mandela, qualifié hier de ‘‘terroriste’’, lui et son ‘‘organisation terroriste’’ le Congrès National Africain (ANC), est parvenu à dissiper les peurs de la population blanche.

    Il s’agissait probablement là de l’étape la plus importante de leur combat, étape franchie avec la conscience intime des limites de leur pouvoir. Ils ont compris que la violence ne les conduirait nulle part, que le régime était plus fort, et que l’usage aveugle de la terreur les conduirait à perdre l’essentiel du soutien international. L’ANC a ainsi limité l’usage de la force. C’est une leçon importante que les Palestiniens devraient prendre en considération.

    Tout aussi importante était l’unité des dissidents. Les Palestiniens, jusque-là, ont échoué sur ce point. Mais le facteur le plus important dans le succès de l’Afrique du Sud était l’accord sur le but supérieur de ‘‘une personne, une voix’’. Il est temps pour les Palestiniens d’opter pour cet objectif. Il est temps pour eux de comprendre que le rêve de deux États devient impossible. Que l’occupation est plus forte qu’eux, que les colonies sont désormais trop importantes, et que l’État palestinien, s’il devait voir le jour, ne serait rien de moins qu’un groupe de bantoustans séparés par des ‘‘blocs de colonies’’ qui ont pris des proportions énormes et ont obtenu l’accord consensuel des Israéliens et de la communauté internationale.

    Il est temps, chers Palestiniens, de changer de stratégie et de ne pas combattre l’occupation ou les colonies. Elles sont vouées à rester. Il est temps de suivre l’exemple Sud-Africain et d’exiger un droit basique : une personne, une voix.

    Cette exigence effraiera les Israéliens, au moins autant qu’elle a effrayé les Sud-Africains blancs. Les Israéliens hurleront, à juste titre, que cela signifiera la fin du Sionisme et de l’État Juif. Mais c’est Israël qui s’est mis dos au mur avec l’occupation, et l’expérience sud-africaine nous a montré que les peurs d’hier peuvent disparaître rapidement ; qu’au moyen d’une Constitution efficace et d’une ligne de conduite sage, les droits et l’identité de tous peuvent être sauvegardés. De toute manière, les États basés sur l’ethnie, composés uniquement d’une seule race ou nationalité, sont en voie d’extinction dans un monde interconnecté. Et ce monde ne peut rester indifférent à l’exigence simple de ‘‘une personne, une voix’’ ; personne ne peut nier à n’importe quel être humain ce droit fondamental.

    Se concentrer sur cette exigence privera Israël de toutes ses excuses. Que pourra-t-il dire ? Que les Palestiniens ne sont pas des êtres humains ? Qu’ils n’ont pas de droits comme c’est le cas pour toute Nation ? Toutes les nations n’ont pas d’État, mais chaque personne a le droit de voter. Les Palestiniens n’ont pas de droit dans l’État qui détermine leur destinée. Leur destinée doit justement être un combat pour ce droit sans violence criminelle, comme la terreur survenue après la seconde Intifada. Un tel combat va engendrer le soutien international des peuples et des gouvernements. Personne, si ce n’est les Israéliens, ne pourra s’y opposer. Les Israéliens seront contraints de revoir leurs valeurs, leurs croyances, ainsi que toutes les vérités sacrées et lignes rouges qu’ils ont inventées. Les Israéliens seront contraints d’admettre qu’ils vivent depuis un certain temps déjà dans un État dont le régime d’apartheid ne fait plus l’ombre d’un doute. Une fois que ce sera le cas, seulement deux possibilités se présenteront ; soit les Palestiniens parviendront, comme l’a fait Mandela, à atténuer la peur de la population, permettant à la solution d’un seul État démocratique (qui constitue le cauchemar pour tout Israélien) de faire son chemin pour un futur plus radieux. Soit les Israéliens reviendront à la raison et se retireront des territoires occupés et permettront, au bout du compte, l’établissement d’un État Palestinien viable. Il n’y a pas d’autres possibilités à la résolution de ce conflit.