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  • CANNABIS NOCIF ? PLUTÔT OUI, MAIS...

     

    Tentative de synthèse des études scientifiques

    Le débat est relancé: faut-il dépénaliser le cannabis? Comme le rappelle Le Monde, cette question enflamme régulièrement les politiques. Après Cécile Duflot en juin dernier, c’est Vincent Peillon, ministre de l’Education nationale qui se prononce en faveur d’une dépénalisation sur France Inter. Il est vite recadré par le chef du gouvernement. Mais dans ce débat souvent politisé voire idéologisé par les politiques et les médias (les partisans de la dépénalisation ayant tendance à minimiser les risques pour la santé, tandis que leurs adversaires les exagèrent), où en est-on des connaissances scientifiques sur la dangerosité ou non du cannabis? Schizophrénie, risque d'escalade, de cancer, de baisse de QI, dangerosité comparée par rapport à l'alcool: tentative de tour d’horizon des recherches.

    Se plonger dans le maquis des études scientifiques sur le sujet du cannabis n'est pas chose facile. Il existe nombre de rapports et d'études, chacune sur des points bien précis et quelques rapports, parfois datés. Tentative de synthèse.

    - SCHIZOPHRÉNIE, DÉLIRES, ANXIÉTÉ ?

    Risque réel. Une étude publiée en 2011 à Londres par le British Medical Journal et relayée ici par l'AFP, précise que les adolescents et les jeunes adultes consommateurs de cannabis ont davantage de risques de souffrir de troubles psychotiques que ceux qui n'en consomment pas. Des experts allemands et néerlandais ainsi que ceux de l'Institut de psychiatrie de Londres ont suivi 1900 personnes âgées de 14 à 24 ans pendant huit ans. L'étude a montré que ceux qui avaient commencé à consommer du cannabis après le début de l'étude et ceux qui en avaient consommé avant et après avaient davantage de risques de souffrir de troubles psychotiques que ceux qui n'en avaient jamais consommé. "La consommation de cannabis constitue un facteur de risque de développement de symptômes psychotiques", conclut l'étude. cannabis

    Une précédente étude publiée en 2007 dans la revue scientifique The Lancet faisait état d'une augmentation du risque de schizophrénie d'environ 40 % chez les consommateurs de cannabis. Selon les chercheurs, ce risque augmenterait avec l'intensité et la durée de la consommation - de 50 % à 200 % pour les gros utilisateurs. Toutefois, les auteurs de ce travail n'ont pas pu démontrer de relation directe de "causalité entre la consommation de cannabis et les affections psychotiques", précise Le Monde, qui relaye l'article. Ils soulignent aussi que s'ils observent bien une augmentation du risque, la fréquence de ces affections, notamment sous forme chronique comme pour la schizophrénie, demeure relativement faible chez les consommateurs réguliers. Michel Reynaud, addictologue (CHU Paul-Brousse) précise au Monde que la fréquence de la schizophrénie dans la population reste constante, alors que la proportion de fumeurs de cannabis ne cesse de grimperélément qui relativise cette étude.

    Un rapport réalisé pour l'Obervatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) en 2006 fait état aussi de risques de schizophrénie. Hélène Verdoux, chercheuse à l'Inserm, cite des études conduites dans plusieurs pays européens qui ont montré que l'usage de cannabis augmente le risque de schizophrénie, d'autant plus important '"si l'usage de cannabis débute à l'adolescence'". Pendant longtemps, on a constaté que l'usage de cannabis était plus fréquent chez les personnes atteinte de schizophrénie, en l'expliquant par une automédicamentation des patients, qui soulageait leur mal-être avec du cannabis, explique-t-elle. Mais maintenant, il est avéré que le cannabis a pu être à l'origine de leurs troubles schizophréniques.

    - PASSAGE VERS D'AUTRES DROGUES ?

    Non prouvé. Aucune étude n'a encore prouvé que la consommation de cannabis entraîne la consommation de d'autres drogues, plus "dures". C'est la "thèse de l’escalade", défendue notamment par le professeur Jean Costentin,pharmacologue, membre de l'Académie de médecinePour lui, c'est sûr, il y a un phénomène d'escalade, même de"polytoxicomanie". "Tous les consommateurs d'héroine ont été des consommateurs de cannabis", explique-t-il à @si. L'inverse est-il vrai ? Si tous les consommateurs de cannabis ne se tournent pas vers l'héroine, c'est qu'ils n'ont jamais eu l'occasion d'en consommer, sinon ils seraient devenus eux aussi accro, assure-t-il. Il détaille une étude, publiée dans la revue "Sciences" qui selon lui le prouve : "sur des souris qui ont subit une manipulation génétique qui fait disparaitre les récepteurs de leur cerveau sensibles au cannabis, alors ces souris ne sont pas du tout dépendantes à l'héroïne", preuve selon lui du lien de dépendance entre cannabis et héroine. Mais cette étude est critiqué ici, ou encore ici dans Libé, qui dénonce une interprétation "fumeuse". Selon Jean-Pol Tassin, neurobiologiste au Collège de France interviewé par Libé, les conditions de l'expérience sur les souris sont fortement discutables, et Costentin "est le seul à défendre cette théorie de l'escalade qui n'a jamais été démontrée, même expérimentalement", souligne-t-il.

    Cette théorie de l'escalade est mise en doute aussi par l'Inserm (dans une mise à jour en 2004 du rapport de l'expertise cité précédemment). "A ce jour, en France, aucune donnée disponible ne montre d'augmentation de la consommation d'héroine, néanmoins, les experts estiment que cette question mérite une attention particulière", soulignait le rapport. Des expériences ont eu lieu sur les animaux, et ont pu montrer des liens entre administration de cannabis et sensibilisation à une autre drogue. Pour autant, l'étude précise que ce que l'on constate sur les animaux n'est pas forcément transférable aux êtres humains. "Les modèles animaux utilisés pour ces études ne rendent pas compte de la variété des facteurs psychologiques, sociaux et culturels qui interviennent dans le comportement humain. Seules des études prospectives épidémiologiques ou cliniques chez l'homme pourront étudier la chronologie d'apparition des dépendances selon la séquence tabac-alcool-cannabis/ cocaïne/opioïdes."

    - RISQUES DE CANCER ?

    Le risque est réel, surtout si l'on consomme du cannabis à haute dose. Dans le rapport destiné à l'OFDT de 2006, la chercheuse de l'Inserm Annie Sasco explique que le THC présent dans le cannabis n'est pas un agent cancérogène en lui-même, mais c'est "la concentration de goudron et de composés cancérogènes dans la fumée d'une cigarette de canabis" qui est plus élevée que celle d'une cigarette de tabac."Toutes les études cas-témoins disponibles à ce jour (...) trouvent que l'usage du cannabis multiplie environ par 3 les risques de survenue d'un cancer du poumon", affirme-t-elle. Et ce après avoir éliminé les autres facteurs pouvant influer, type consommation de tabac.

    Selon Costentinle cannabis génèrerait même cinq à sept fois plus de goudrons cancérigènes que le tabac. La consommation de cannabis accroit donc "la fréquence des cancers broncho-pulmonaires et O.R.L. et rendra leur apparition plus précoce", conclut-il.

    Une étude de l'Institut de recherche médicale de Nouvelle-Zélande, publiée en 2007 et relayée ici par Reuters estime que fumer un joint de cannabis serait aussi nocif que de fumer 2,5 à 5 cigarettes. "La consommation de cannabis est associée à une dégradation du fonctionnement des bronches, avec obstruction respiratoire, ce qui sollicite davantage les poumons. Les fumeurs de joint souffrent de respiration sifflante, de toux, d'oppression de la poitrine, d'expectorations", précise la dépêche. Cette étude été réalisée sur 339 patients adultes répartis en quatre groupes : les fumeurs de cannabis, les fumeurs de tabac, les fumeurs de tabac et de cannabis, et les non-fumeurs. Chaque participant a été soumis à des examens de tomodensitométrie des poumons (scanner à rayons X assisté par ordinateur) et à des tests respiratoires.

    cannabis

     

    Une autre étude plus étonnante estime même que fumer du cannabis augmenterait le risque de cancer des testicules. C'est le cas si le patient fume "au moins une fois par semaine, ou régulièrement depuis son adolescence", il double alors "les risques de développer la forme la plus agressive d'un cancer des testicules", estime une étude américaine relatée par le quotidien britannique Guardian.

     

    Les chercheurs ont lancé leur enquête après s'être rendu compte que les testicules "sont un des rares organes munis de récepteurs pour la substance active du cannabis, le tétrahydrocannabinol (THC)". Depuis les années 1950, le nombre de cas de cancer des testicules a augmenté de 3 à 6 % par an aux Etats-Unis, au Canada, en Europe, en Australie et en Nouvelle-Zélande expliquent-il. Or, durant la même période, l'usage du cannabis a augmenté dans les mêmes proportions. Ce sont ces chiffres qui au départ ont conduit les chercheurs à explorer l'hypothèse d'un lien entre cette drogue et le cancer des testicules.

    Pour vérifier leur hypothèse, ils ont procédé à une étude épidémiologique : les chercheurs ont interviewé 369 hommes atteint d'un cancer des testicules, âgés de 18 à 44 ans, sur leur consommation de cannabis. Ils ont également interrogé sur le même sujet 979 hommes en bonne santé. Après avoir pris en compte les facteurs liés aux antécédents familiaux de cancer et les facteurs de style de vie, comme le tabagisme et la consommation d'alcool, l'étude conclut que l'usage de cannabis apparaît comme un important facteur de risque pour la maladie.

    - BAISSE DU QI ?

    Oui, en cas de prise précoce. Une étude neo-zélandaise publiée en août dernier a montré des conséquences sur les capacités intellectuelles du cerveau en cas de prise précoce de cannabis : jusqu'à 8 points de quotient intellectuel en moins à l'âge adulte. Pour cette recherche, les chercheurs ont suivi un millier d'individus pendant vingt ans. Les volontaires ont été interrogés, de façon confidentielle, sur leur consommation et leur dépendance, à cinq reprises : à 18, 21, 26, 32 et 38 ans. Des tests neuropsychologiques ont été pratiqués à l'âge de 13 ans et 38 ans. Un déclin marqué du quotient intellectuel (jusqu'à 8 points entre les deux mesures) a donc été retrouvé chez ceux qui ont commencé leur expérimentation dans l'adolescence, et qui sont ensuite devenus des fumeurs réguliers - au moins quatre fois par semaine -, pendant une longue période. Un arrêt de la consommation ne permet pas de récupérer entièrement ses facultés intellectuelles, précise l'étude.

    Des chercheurs précisent toutefois que ce risque est similaire à la prise d'alcool. Interviewé par France 24 sur cette enquête, le docteur Alain Rigaud, psychiatre et président de l’association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA), explique : "Toutes les conclusions de cette étude peuvent être appliquées à la consommation excessive d’alcoolLe débit de boisson dès l’âge de 13 ans – à raison de plus d’un verre par jour – pendant 30 ans "conduira de la même façon à perturber considérablement le cerveau, à provoquer des troubles cognitifs graves et à abaisser le quotient intellectuel. Et d'ajouter : "contrairement à l’enquête qui affirme que les personnes commençant à fumer du cannabis à l’âge adulte ne souffrent d’aucun écart intellectuel, la consommation excessive d'alcool même à partir de 40 ans "expose à de sévères dommages physiques et intellectuels en vieillissant."

    - EFFETS RÉVERSIBLES ?

    En 2001, l’Inserm a réalisé un rapport d’expertise à la demande du gouvernement, une synthèse des recherches effectuées jusqu'à cette date dans le monde entier. Le rapport s'avérait peu alarmiste. Il estimait que la "prise de cannabis altère les performances psychomotrices et cognitives", mais de "manière réversible". Il mentionnait aussi des "troubles de la mémoire à court terme", "des difficultés à se rappeler des mots, des images, des histoires". Il mentionnait enfin des "attaques de panique", "des angoisses de dépersonnalisation", une "psychose cannabique" qui se manifeste par des signes proches de ceux des bouffées délirantes aigues, avec une plus grande fréquence des hallucinations". Mais leur fréquence est faible: elle est estimée à 0,1% dans une étude suédoise, précise le rapport.

    LE CANNABIS MOINS DANGEREUX QUE L'ALCOOL ?

    Mises bout à bout, ces études - même si chacune d'entre elle peut être nuancée, critiquée par d'autres chercheurs - semblent bien alarmistes. Pour autant, ce n'est pas ce que retiennent les partisans d'une dépénalisation. Marc Valleur, médecin chef du centre médical Marmottan à Paris, spécialisé dans la toxicomanie, assure à @si : "ces études, on les connait, on sait que le cannabis n'est pas un produit anodin". Mais ce ne serait pas le produit le plus dangereux."le cannabis est beaucoup moins dangereux que l'alcool" affirme-t-il. Qui lui n'est pas illégal. Par exemple, chaque année, environ 200 personnes sont hospitalisés pour une addiction à l'alcool dans son hôpital. A peine 2 personnes pour le cannabis.

    Dans la classification de la dangerosité des drogues, le cannabis se situe après l'alcool, l'héroine et la cocaine selon Valleur. Cette classification se retrouve dans le rapport Roque (un résumé ici), en 1998, auquel a participé le médecin. Un rapport plus récent, de David Nutt, (un résumé ici), président du Conseil gouvernemental britannique sur l'abus des drogues (ACMD), a conservé la même classification, souligne-t-il. Nutt avait d'ailleurs dû démissionner de son poste après ce rapport. De son côté, Costentin est vent debout contre cette classification. Le cannabis est plus dangereux que l'alcool, assure-t-il. Pour lui, mentionner la dangerosité de l'alcool pour faire accepter le cannabis est une "manipulation". "Il faut faire baisser le taux de consommation de l'alcool, mais il ne faut surtout pas en rajouter avec l'autorisation du cannabis". Le rapport Roque aurait tout simplement été "commandité par le gouvernement Jospin, qui voulait se targuer auprès de la jeunesse de légaliser le cannabis". "On réunit les experts que l'on veut bien réunir", lance-t-il. "Je n'ai pas été convié".

    Dépénaliser, donc ? Partisan de la dépénalisation, Valleur a lancé une charte pour appeler à une "autre politique des addictions". "Pour lui, dépénaliser les usages ne veut pas dire supprimer l’interdit sur les drogues : cet interdit, comme le niveau requis de régulation, devrait être réexaminé, produit par produit, objet d’addiction par objet d’addiction." Lui prône par exemple l'interdiction de la consommation de cannabis pour les moins de 18 ans. La nocivité du cannabis, et sa dépénalisation, sont deux débats nécessaires et légitimes. Encore faut-il bien les distinguer.

    Mise à jour, mercredi, à 19h30 : ajout de l'interview de Jean Costentin. Mise à jour, vendredi, à 19 heures : précisions concernant l'étude sur "l'escalade", publiée dans la revue Sciences.

     
  • A propos de l’affaire Balme

    A propos de l’affaire Balme, du Front de Gauche et de « qui est pris qui croyait prendre »
    Jean Bricmont

    juillet 2012

     

    Pendant des décennies, la gauche, particulièrement la « gauche radicale », a utilisé la « lutte contre le fascisme et l’antisémitisme » (ou la « lutte contre le fascisme, le racisme et l’antisémitisme », pour être plus politiquement correct) comme arme contre l’extrême-droite et, parfois même contre la droite, en faisant fi du fait que, d’une part, cette lutte avait pour fonction essentielle de faire taire les critiques « excessives » de la politique israélienne ou de ceux qui la soutiennent en France, et, d’autre part, violait souvent des principes fondamentaux en ce qui concerne la liberté d’expression [1]

     

    Mais lorsque la même arme a été utilisée par Rue 89 contre René Balme, militant du Parti de gauche, maire de Grigny et candidat du front de gauche aux élections législatives, son parti l’a simplement abandonné, ce qui a entraîné sa démission et un communiqué particulièrement affligeant du Parti de gauche.

     

    Que reproche-t-on à René Balme ? D’avoir été l’animateur d’un site (oulala.net, aujourd’hui fermé) ou l’on trouve des articles ou des liens avec des anti-sionistes « obsessionnels » (Israël Shamir, Gilad Atzmon), avec des « complotistes » (Thierry Meyssan) ou avec Dieudonné et Soral.

     

    Personne n’a donné le moindre argument montrant que René Balme lui-même a en quoi que ce soit des opinions racistes ou antisémites. Ce que l’on fait, c’est éplucher soigneusement un site, contenant des milliers d’articles, pour en exhiber certains qui sont qualifiés de « suspects », dont on se dispense d’ailleurs d’en faire une critique détaillée.

     

    Dans le réquisitoire de Rue 89, on trouve, par exemple, des perles comme : « René Balme s’est inspiré de la télévision vénézuélienne Vive TV pour créer Vivé (pour « vidéo-vérité »), « école internationale de vidéo et de TV participative » après un voyage en 2006 au pays d’Hugo Chavez. » C’est vrai, quand on a déjà TF1, pourquoi créer d’autres médias ? Et n’est-il pas « suspect » de voyager « au pays d’Hugo Chavez » ? Par ailleurs, tout le monde sait que la TV participative est un dangereux pas vers le fascisme.

     

    La même méthode, de culpabilité par association, est d’ailleurs utilisée contre des sites comme Le Grand Soir ou celui de Michel Collon. Eh bien, jouons à ce jeu, mais différemment. Le parti travailliste israélien a participé à la colonisation des territoires occupés, à l’offensive contre Gaza, et à plusieurs guerres israéliennes. Or ce parti est dans l’Internationale Socialiste. Et, hop, culpabilité par association : tous les partis socialistes sont « liés » à la colonisation, aux guerres etc. Le tour est joué. Pire : Mélenchon, qui a appelé à voter pour les candidats socialistes aux élections présidentielle et législative, est aussi « lié à » tout cela. Ou prenons les dirigeants américains : ils ont tous des liens avec les principaux partis français et ont presque tous attaqué des pays qui ne les menaçaient pas, bombardé des civils, violé le droit international, assassiné sans jugement (au moyen de drones par exemple).

     

    Peut-on m’expliquer pourquoi être « lié » à cela est moralement plus acceptable qu’être « lié » à un film de Dieudonné ou à un livre de Meyssan ou de Soral ? La différence étant que, dans un cas, on parle de morts (par centaines de milliers), dans l’autre, de mots ou d’images. Et, dans les deux cas, on a tout autant affaire à des choix délibérés (sans doute bien plus dans le cas des partis, puisqu’on peut difficilement s’attendre à ce que René Balme, maire de Grigny, vérifie soigneusement le contenu de chaque article de son site).

     

    Je ne connais pas bien René Balme, mais pour autant que je puisse voir, il est une sorte d’écologiste radical, partisan d’une démocratie participative qui, par ailleurs, prend fait et cause pour le peuple palestinien. Le type même du « fasciste » (dans la triste France d’aujourd’hui).

     

    En réalité, à moins de vivre totalement coupé du monde, chacun a des contacts avec toutes sortes de gens, par nécessité, par hasard, par intérêt... La culpabilité par association, c’est comme la censure-elle n’est utilisée que par les forts contre les faibles et, si elle était appliquée de façon impartiale, elle mènerait vite à une condamnation universelle.

     

    Cette culpabilité par association, tout comme la censure, la diffamation, les accusations sans preuves, ne devraient pas faire partie de l’arsenal d’une gauche véritable ; pour utiliser le langage de la gauche morale, toutes ces tactiques devraient être « contraires à ses valeurs ». Mais quand il s’agit de « combattre le fascisme et l’antisémitisme », on a décidé que « tous les moyens étaient bons ». C’est la racine du problème et, ce que l’affaire Balme montre, c’est que ces moyens finissent par se retourner contre la véritable gauche elle-même. Des armes telles que censure, amalgame, diffamation, légitiment l’arbitraire et sont toujours, en fin de compte, les armes du pouvoir.

     

    Par ailleurs, quand on voit les obstacles rencontrés par les révolutions française, russe, chinoise, vietnamienne, algérienne, cubaine, iranienne, ou par des réformateurs comme Allende, Chavez et Lumumba, on peut difficilement prendre au sérieux un parti qui prétend « combattre le capitalisme » et qui capitule à la première salve du canon de la « lutte contre le fascisme et l’antisémitisme ».

     

    Jean Bricmont

     

    Note :

    [1] Voir http://www.dailymotion.com/video/xrw0zl_jean-bricmont-resister-au-sionisme-defendre-la-liberte-d-expression_news pour une discussion plus détaillée des problèmes posés par la censure, en ce qui concerne la solidarité avec la Palestine.

    Anti-fascisme - Antisémitisme - Coupable par association

     

  • Israël ne cédera jamais les territoires occupés

    EN MÉMOIRE DE NOTRE ESTIMÉ CONFRÈRE GIORGIO S. FRANKEL 

    Notre confrère Giorgio S. Frankel(*) était un journaliste d’une rare honnêteté. Il a inlassablement dénoncé la politique poursuivie par les gouvernements successifs de l’Etat juif d’Israël. Un Etat qui s’est installé par la force sur une terre volée aux Palestiniens. Très peinée par sa disparition, le 20 septembre 2012, nous tenons à lui rendre hommage en republiant le long et fascinant entretien qu’il nous avait accordé en mai 2011 alors qu’il était très atteint par la maladie. Il nous avait parlé de la complicité lâche des journalistes alignés sur Israël qui mentent et couvrent les crimes les plus odieux. Nous gardons un souvenir émouvant de cet homme élégant dont le regard bleu intense et bon continue de nous habiter. - Silvia Cattori


    1ER OCTOBRE 2012 | THÈMES (S.CATTORI) : SIONISME RÔLE DES MÉDIAS

    Giorgio S. Frankel

    Israël ne cédera jamais les territoires occupés 
    (Entretien avec Giorgio S. Frankel publié en Italie le 25.05.2011)

    Les dirigeants israéliens affirment être « prêts à faire la paix » avec les Palestiniens. En réalité les gouvernements qui se sont succédé n’ont jamais eu la moindre intention de faire la paix. Ils se sont au contraire servis du dit « processus de paix » pour continuer leur politique de destruction et de déshumanisation, non seulement de la Palestine mais aussi d’autres pays et peuples du Proche et Moyen Orient. Ils ont pu continuer de massacrer et d’expulser le peuple palestinien hors de sa terre sans jamais subir de sanctions. L’écrivain Giorgio S. Frankel, met en relief dans cet entretien la complicité de ces journalistes partisans - et gouvernements occidentaux - dans l’expansion de l’État juif et dans la prolongation des souffrances du peuple palestinien.


    Silvia Cattori : Comme vous le savez quand il s’agit des crimes commis par l’armée israélienne contre les Arabes, la presse n’est pas du tout neutre. N’êtes-vous pas vous-même un de ces journalistes qui, dans le passé, a contribué à peindre une image idyllique d’Israël ?

    Giorgio S. Frankel [1] : Oui, dans le passé, j’ai participé à cette propagande sioniste parce que j’ai grandi dans un contexte favorable à Israël. Donc j’avais absorbé cette culture. Dans un certain sens la presse et les médias occidentaux contribuent activement à perpétuer l’image et l’idéologie d’Israël. Il y aurait ici un long discours à faire sur le pouvoir des forces pro-israéliennes dans la presse et les médias.

    N’oublions pas que pratiquement tous les correspondants des journaux étasuniens en Israël sont des Juifs pro-israéliens. Nombre d’entre eux ont servi volontairement dans les forces armées israéliennes. Donc ce phénomène existe. Un des piliers de la puissance israélienne dans le monde est cette capacité à perpétuer la narration israélienne et à continuellement modifier l’histoire pour la réécrire de façon favorable à Israël. Par exemple plus de 40 années sont maintenant passées depuis la guerre de juin 1967. Plus personne quasiment ne se souvient de la façon dont elle a commencé. La littérature pro-israélienne écrit avec désinvolture que ça a été une guerre dans laquelle Israël a dû se défendre d’une agression arabe. Cette agression n’a jamais existé. C’est Israël qui en juin 1967, à la fin d’une longue crise politique avec la Syrie, a attaqué l’Égypte par surprise. On écrit aujourd’hui qu’Israël a dû mener une guerre de défense après une agression arabe. C’est un exemple.

    Silvia Cattori : Le fait que les correspondants états-uniens envoyés en Israël soient, comme vous le soulignez, « quasiment tous des Juifs pro-israéliens » est certainement un problème. Mais, à votre avis, ne voyons-nous pas le même phénomène dans les pays européens ?

    Giorgio S. Frankel : L’Europe a eu une attitude partagée jusqu’à il y a quelques années. Dans un passé pas très lointain, l’Europe tendait davantage à sympathiser avec les Palestiniens. Dans les années 70 et 80, l’Italie était manifestement plus pro-arabe que pro-israélienne. L’attitude européenne a changé après l’attaque du 11 septembre 2001, quand s’est déchaînée dans le monde cette politique anti-arabe. L’attaque a été identifiée comme une offensive arabe contre le monde occidental. Après ce virage une hostilité croissante envers l’Islam s’est diffusée dans le monde occidental.

    L’islamophobie en Europe a été transmise par les États-Unis. Aujourd’hui, l’Europe -la politique des pays européens alignés après le 11 septembre sur les positions états-uniennes et la guerre d’Irak- poursuit une politique anti-arabe. Cette islamophobie croissante est en grande partie alimentée, partagée, soutenue par Israël. Il faut savoir que les Européens les plus racistes, comme le Hollandais Gert Wilders, et d’autres racistes nordiques, sont aujourd’hui considérés comme des héros en Israël. Gert Wilders est régulièrement invité à tenir des conférences même dans les universités israéliennes.

    On a cette attitude aussi dans les médias européens ; un peu moins dans les médias britanniques. Mais, en effet, pour de nombreuses raisons, Israël est arrivé à imposer son langage, son récit des épisodes proches et moyen orientaux. Les Israéliens ont un grand pouvoir, ils ont une grande capacité de propagande. Les Palestiniens ne disposent pas de cette force. Les Arabes n’ont pas cette capacité. Israël a pris le contrôle petit à petit. Il y a employé beaucoup de temps. Il a maintenant pratiquement le contrôle des communautés juives en Europe et aux États-Unis. Autrefois ce n’était pas comme ça. Autrefois les communautés juives critiquaient la politique d’Israël. Ainsi, si nous pensons à la propagande en faveur d’Israël, celle-ci n’est pas faite par des émigrés : elle est faite par des Juifs états-uniens qui en partagent la culture, le langage. Ce ne sont pas des étrangers. Les Juifs états-uniens sont pleinement intégrés, membres du Congrès, journalistes. La propagande pro-israélienne est renforcée de ce fait.

    Silvia Cattori : Quand ce contrôle politique d’Israël sur le monde juif a-t-il pris ce virage ?

    Giorgio S. Frankel : Il faut rappeler qu’à l’origine le sionisme était seulement hébergé dans le monde juif, surtout chez les Juifs états-uniens. Il a fallu beaucoup de temps pour que les sionistes arrivent à s’affirmer. Ceci, entre autres, est une des origines historiques de l’arrogance notoire, de la propension à la violence du sionisme. Le sionisme est devenu arrogant et politiquement violent justement à cause de son expérience aux États-Unis, quand il devait s’affirmer dans le judaïsme états-unien. Surtout après la deuxième guerre mondiale. Les Juifs du monde entier ont toujours eu une attitude très favorable et très sentimentale à l’égard d’Israël. Si l’on doit parler de virage, c’est après la guerre de juin 1967 qu’il y a eu un virage important. Cette guerre est très importante dans l’histoire d’Israël. Elle a créé dans la mentalité israélienne un sentiment de sécurité et de puissance. Ainsi il y a toujours eu une dialectique entre Israël et le judaïsme, quant à celui qui devait dominer l’autre. Mais après la guerre de 1967, les gouvernements israéliens ont décidé que c’était à eux qu’il revenait de dominer le monde juif. Cela s’est fait petit à petit.

    Silvia Cattori : Donc, à votre avis, la propagande des autorités israéliennes, qui a toujours consisté à dénigrer et déshumaniser les Arabes et les musulmans, sert, entre autres, à impliquer et à obtenir l’adhésion totale des Juifs au projet sioniste de domination et de destruction du peuple palestinien ?

    Giorgio S. Frankel : La peur des peuples musulmans a grandi après le 11 septembre. Cet événement a permis aux forces israéliennes de désigner le monde musulman comme un ennemi historique du monde occidental, ennemi avec lequel on ne peut pas faire la paix. En Europe, pour des raisons historiques, qui remontent aux Croisades, il y a cette peur ancestrale des musulmans. Après le 11 septembre il a été facile de relancer cette peur.

    Silvia Cattori : Cette propagande israélienne contre le monde arabe et musulman a réussi jusqu’à présent, avec l’aide de nos journalistes et gouvernements, à masquer de graves crimes comme l’épuration ethnique, l’annexion de Jérusalem, les massacres qui se répètent. Il est difficile de comprendre que des crimes aussi graves et massifs ne posent pas un problème moral aux Juifs qui soutiennent l’État qui les commet en leur nom. Nous voyons même des journalistes progressistes, des militants de groupes « Juifs pour la paix » tenir un discours qui « épargne » et dans un certain sens « légitime » le projet raciste de l’État exclusivement juif. Seuls quelques petits groupes marginaux ont toujours soutenu clairement le droit au retour des Palestiniens [2]. Ceci n’a-t-il pas toujours été une manière de légitimer la politique d’un État dont le projet raciste, dont l’idéologie violente, a vidé la Palestine de ses habitants ?

    Giorgio S. Frankel : C’est extrêmement compliqué. Si l’on s’en tient à des phases de la négociation israélo-palestinienne, les négociateurs palestiniens eux-mêmes disent implicitement que si l’on faisait un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza, le retour des réfugiés serait compris dans l’État palestinien ; qu’ils se contenteraient d’une déclaration de la part d’Israël d’une assomption de responsabilité historique du drame des Palestiniens chassés en 1948 ; qu’Israël pourrait ne laisser entrer que quelques dizaines de milliers de Palestiniens. Dans le plan de paix proposé par le roi d’Arabie saoudite en 2002, confirmé en 2007, n’est pas mentionné explicitement le droit au retour, mais une solution négociée entre Israël et les Palestiniens.

    Dans l’hypothèse d’une solution « deux États » le problème est de savoir si cette solution « deux États » est possible, avec Israël à l’intérieur des frontières de 67, et un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza. Pendant ces dix dernières années, on a continué à parler de « deux États pour deux peuples ». Ce qu’on a vu, peut-être définitivement en 2010, c’est que maintenant cette solution n’est absolument pas possible, parce qu’Israël a pris la moitié des terres confisquées en 1967 pour construire des colonies.

    Israël ne cédera jamais ces territoires palestiniens. Ce qui est apparu c’est qu’Israël n’est pas pressé : qu’Israël veut arriver, avec le temps, à la domination de tout le territoire. La domination totale de la Cisjordanie et de Gaza. Ce qui implique de fait, par conséquent, l’expulsion des Palestiniens qui y vivent.

    Silvia Cattori : L’Autorité de Ramallah, et les dirigeants de l’OLP -compromis dans des « processus de paix » qui ont permis à Israël de continuer à coloniser la Cisjordanie - ont renoncé aux droits légitimes de leur peuple, en pensant obtenir en échange leur « État » palestinien. Arriveront-ils à avoir cet État ?

    Giorgio S. Frankel : Oui, en effet. Même le président Yasser Arafat était sur cette position : si nous faisons un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza, nous ne prétendons plus au droit au retour. Dans les négociations avec Israël le droit au retour a été utilisé comme une carte négociable. Ce qui était important pour les dirigeants palestiniens était d’avoir leur État en Cisjordanie et à Gaza. Cet État désormais n’existera jamais plus. Il est possible que ces dirigeants palestiniens soient aujourd’hui en collusion avec Israël. Qu’ils soient donc pratiquement des fantoches d’Israël. Après toutes ces négociations ils n’ont absolument rien obtenu. Les conditions de vie des Palestiniens ont empiré.

    N’oublions pas que depuis qu’en 1993 a eu lieu la rencontre entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, la fameuse poignée de main à la Maison Blanche, les Israéliens ont continué à exproprier des terres en Cisjordanie, à chasser les Palestiniens de leurs maisons pour développer leurs colonies. En ces 17 années on a amplement démontré qu’Israël n’a pas la moindre intention de faire une paix qui porterait à la création d’un État palestinien en Cisjordanie et Gaza.

    Quand les dirigeants israéliens parlent d’un État palestinien ils ne disent jamais où il devrait naître. Pour eux, l’État palestinien est la Jordanie. Leur objectif est de renverser la monarchie jordanienne et d’envoyer là-bas tous les Palestiniens. Voilà la doctrine : la Jordanie est la Palestine pour les Israéliens. Tout leur discours se trouve là. Les Israéliens n’ont jamais été disposés à restituer les territoires conquis en 1967. Jamais. Donc la question du droit au retour pour Israël ne se pose pas comme un objectif réaliste. Le problème est celui-ci : la formule des deux États n’est plus possible. Alors y aura-t-il un État qui comprend Israël, l’actuelle Cisjordanie et Gaza ? Il faut voir si cet État sera un État unique (binational), comme dit Ilan Pappé. Ou bien si ce sera un État dominé par les Israéliens dans lequel les Palestiniens ne seront jamais démographiquement en majorité mais seront soumis à la « domination juive ». Ils pourraient même en être chassés…

    Silvia Cattori : Cette éventualité, selon vous, est-elle probable ?

    Giorgio S. Frankel : Je pense qu’Israël - même si c’est une grande puissance mondiale, une puissance militaire, nucléaire et technologique - est en réalité en train d’aller au désastre. Vers un collapsus intérieur. Les indices en sont cette folie croissante de la classe dirigeante israélienne. On a vu cette dernière année justement l’escalade de racisme en Israël. Racisme envers les Arabes citoyens d’Israël. Il y a en Israël des manifestations de racisme contre les Arabes, de xénophobie envers les travailleurs étrangers, de xénophobie envers la composante russe. Il y a des fractures croissantes dans le monde juif entre ashkénazes et séfarades, entre blancs et noirs falashas. Toute la société israélienne est en train de se fragmenter, de couler et de se dégrader en un complexe de haine raciale envers tout le monde. Israël a une attitude de plus en plus hostile envers le reste du monde. Un rien suffit pour créer des incidents diplomatiques.

    Alors que des générations de jeunes juifs états-uniens sont de plus en plus désenchantées vis-à-vis d’Israël. Ce qui signifie qu’Israël risque le collapsus, si des choses extérieures n’interviennent pas. La classe dirigeante israélienne est d’un niveau de plus en plus bas. L’intelligentsia israélienne est de plus en plus basse. Israël ne produit pas de culture, ne produit pas d’idées, ne produit pas de projets. Il produit des armes, des installations électroniques ; mais il ne produit pas de culture. Sa classe politique est de plus en plus corrompue économiquement, culturellement et dans ses coutumes. Un ex-chef de l’État israélien a été condamné pour violence sexuelle. Ceci est exemplaire de la corruption israélienne actuelle.

    Israël est voué au déclin. Ce déclin peut être accéléré par le fait qu’Israël est complètement lié aux États-Unis. Aujourd’hui sa politique se révèle très dangereuse parce que la situation intérieure états-unienne est de plus en plus grave. L’avenir d’Israël est plein de doutes.

    Silvia Cattori : Et pourtant Israël n’apparaît pas comme étant dans une position de faiblesse mais de domination. Il ne souffre pas de crise économique. Sa monnaie est forte et stable. Il continue à tenir tête au monde ; à ne pas céder de terrain et à poursuivre, sans être perturbé, sa politique de purification ethnique des Palestiniens. Il est même en mesure de revendiquer des concessions de plus en plus humiliantes, pour rendre impossible toute solution aux problèmes créés à ses voisins arabes. Malgré la gravité des crimes commis depuis plus de 60 ans, Israël non seulement n’est pas sanctionné mais est courtisé par nos gouvernements. Si Israël peut se comporter de façon aussi arrogante et violente, défier les grandes puissances, il doit y avoir une raison secrète qui a permis à tous les gouvernements israéliens de défier quiconque. Comment interprétez-vous cette arrogance croissante, sans précédent en politique internationale ?

    Giorgio S. Frankel : C’est vrai. Les fondements de cette arrogance sont multiples. Un de ces fondements est la puissance atomique israélienne. Israël est peut-être la quatrième puissance atomique dans le monde. Dès les années 70, c’est-à-dire il y a presque 40 ans, on disait qu’Israël était capable d’exercer une menace nucléaire contre l’Union soviétique. Ceci expliquait pourquoi l’Union soviétique avait toujours été très prudente vis-à-vis d’Israël. Il y a quelques années seulement, un historien militaire israélien d’origine hollandaise, Martin Van Cleveld, chercheur renommé et auteur d’études militaires, déclara dans une interview qu’Israël avait des armes atomiques pointées contre toutes les capitales du monde occidental. On parle beaucoup de cette doctrine Samson [3]. L’idée est celle-ci : si Israël se trouvait dans une situation telle qu’il lui semble être sur le point de succomber, alors il entraînerait le monde avec lui. Avant de succomber il lancerait des bombes atomiques sur l’Europe, sur le monde arabe et sur les États-Unis. Des scientifiques israéliens ont plusieurs fois affirmé que les Israéliens peuvent frapper n’importe quel point du globe.

    Connaissant l’histoire et la mentalité israéliennes cette attitude peut apparaître rationnelle dans le sens d’une argumentation destinée à forcer les autres pays à respecter la volonté d’Israël. Après tout, un pays européen peut se demander pourquoi soutenir la cause des Palestiniens, si on risque d’être attaqué et bombardé.

    Le fait qu’Israël puisse exercer un chantage atomique, direct ou indirect, qu’il puisse menacer de faire une guerre aux pays arabes ou à l’Iran en utilisant des bombes atomiques, déchaînerait une crise mondiale. Les possibilités d’utiliser directement un chantage atomique sont très nombreuses. Ceci est un fait, je dirais, fondamental.

    Puis, le lien stratégique avec les États-Unis, qui a débuté après la guerre de juin 1967, a conféré à Israël un pouvoir international notable et une sorte d’immunité. Quoi que fasse Israël, les États-Unis le protègent. S’il y a une résolution en cours au Conseil de sécurité contre Israël, elle ne peut pas passer parce que les États-Unis, en tant que membre permanent, peuvent opposer leur veto.

    Tout cela a donné à Israël un pouvoir notable, un degré d’impunité très élevé. Ensuite s’est créé dans le monde, je ne sais pas si c’est un mythe - mais étant donné que quasiment toutes les chancelleries le prennent au sérieux…- l’idée que, si des pays et des forces politiques veulent avoir de bons rapports avec les États-Unis, ils doivent avoir de bons rapports avec Israël. Il y a une propension dans nombre de pays du Tiers-monde à établir de bons rapports avec Israël de façon à ce qu’ensuite le lobby pro-israélien aux États-Unis soutienne ce pays. La Turquie l’a fait dans les années précédant le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan. Nombre d’autres pays l’ont fait. On a vu que ces pays qui ont eu de bons rapports avec Israël ont été gratifiés par les États-Unis.

    Les raisons pour lesquelles Israël est aussi puissant aux États-Unis sont dues au fait qu’Israël a établi un contrôle sur le Congrès. Israël domine le Congrès aux États-Unis ; il le domine vraiment. Depuis des décennies, les Israéliens ont créé aux USA une série de structures, d’institutions appelées lobby israélien. Ce lobby est formé de diverses organisations spécialisées : il y a le lobby au Congrès, celui qui fait pression sur la Maison Blanche, celui qui s’occupe des sommets militaires, etc.

    En tenant compte qu’il y a aux États-Unis 6 millions de Juifs aisés, ces organisations qui sont financées par le monde juif disposent de fonds énormes. L’une des plus importantes, l’AIPAC, a 100.000 adhérents. Elle a un pouvoir énorme. Ses membres envoient des fax, des e-mails aux députés, aux sénateurs, recueillent des fonds.

    Une chose très importante dont les journaux européens ont peu parlé, mais les journaux israéliens oui, ainsi que certains journaux juifs, est le fait que, au début de l’année 2010, les rapports entre Obama et Israël étaient très mauvais. Obama était prêt à avoir une politique de pression de plus en plus dure à l’encontre d’Israël. C’est ce qu’il semblait. En mai, Obama a complètement changé et a cédé peu à peu à toutes les requêtes des Israéliens. Les journaux israéliens ont révélé que les principaux financeurs juifs du parti démocrate avaient coupé les financements. Les milliardaires juifs, en mars 2010, ont fait savoir qu’ils ne donneraient pas un dollar si Obama ne changeait pas de politique. Obama s’est retrouvé à la veille des élections de mi-mandat en difficulté politique avec son propre parti, qui avait perdu ses financements juifs. C’est donc une source de pouvoir.

    Ajoutons aussi un autre facteur de pouvoir provisoire. Dans l’ère de la globalisation économique, Israël est devenu un élément structurel de ce super-pouvoir global qui s’est développé à partir des années 80 et 90. Dans l’élite mondiale qui a le pouvoir économique, etc.…, Israël est une partie intégrante de cette structure de pouvoir. Ce pouvoir économique, plus le pouvoir stratégique militaire, dans la mesure où les États-Unis visent la domination du Moyen-Orient, renforcent le pouvoir militaire et stratégique d’Israël.

    En 2003, quand les États-Unis ont attaqué l’Irak, les journalistes états-uniens et l’élite pro-israélienne disaient ouvertement que l’attaque contre l’Irak n’était que le début d’une stratégie vouée à démanteler le Moyen-Orient. Qu’après l’Irak, ce serait le tour de l’Égypte, puis de l’Arabie saoudite, etc. C’était la vision de l’époque. Ensuite la guerre contre l’Irak a mal tourné pour eux. Ce qui montre que le pouvoir militaire n’est valable que jusqu’à un certain point. Les États-Unis, malgré leur super-puissance militaire et technologique, perdent toutes les guerres. En voyant l’expérience des États-Unis nous pouvons garder à l’esprit que même pour la super-puissance israélienne les jours pourraient être comptés. Pour le moment Israël est une partie du super-pouvoir mondial. Mais ce pouvoir perd du terrain avec l’expansion du pouvoir asiatique.

    Silvia Cattori : Vous avez étudié ce sujet. Vous connaissez la réalité de près. Mais pour les gens en général il est très difficile de comprendre que ce ne sont pas les Arabes et les musulmans le problème mais la politique conflictuelle israélienne. La pression continue exercée par Israël contre le programme nucléaire civil iranien en fait partie. Croyez-vous en une attaque possible de l’armée israélienne ou d’autres, contre des sites iraniens ?

    Giorgio S. Frankel : Je n’y crois pas parce qu’Israël a commencé à menacer d’attaquer l’Iran au début des années 90 ; ça fait 20 ans que les autorités israéliennes répètent qu’elles vont attaquer l’Iran, que l’Iran est en train de fabriquer la bombe atomique, que l’Iran est une menace. Mais quand, dans l’histoire, un pays menace de faire la guerre et ne la fait pas pendant vingt ans, il ne la fera jamais.

    Cette menace contre l’Iran sert à Israël pour maintenir un climat de tension au Proche et au Moyen-Orient. En menaçant plusieurs fois par an de faire la guerre à l’Iran, il crée une situation de péril aux États-Unis et en Europe. La probabilité qu’Israël attaque l’Iran est très faible. Mais si Israël attaque vraiment l’Iran, les conséquences mondiales seraient tellement catastrophiques que, même si tout le monde pense que la menace du gouvernement israélien tient du bluff, personne ne va vérifier si c’est vraiment du bluff.

    Israël n’est pas en mesure d’attaquer l’Iran, il suffit de regarder une carte géographique. Il doit passer à travers d’autres pays. Il y a deux ans, les États-Unis firent un cadeau empoisonné aux Israéliens. Comme Israël parlait du danger iranien, les États-Unis envoyèrent en Israël un grand appareil radar qui contrôle le ciel autour du pays sur des centaines de kilomètres. Cette station est gérée par des militaires états-uniens. Elle fut présentée comme un geste de solidarité envers Israël ; en réalité les Israéliens ne sont pas très contents. Parce que les États-Unis savent exactement ce que font les avions israéliens. Les États-Unis ont affirmé de façon récurrente qu’ils ne veulent pas une guerre contre l’Iran, parce que ce serait une catastrophe.

    Ce sont des périodes cycliques. De temps en temps les Israéliens sortent cette carte iranienne. On en parle pendant quelques semaines et puis ça s’arrête. Le général Moshe Yalon, vice-premier ministre et ministre pour les menaces stratégiques, a déclaré : le programme nucléaire iranien est en retard ; donc nous avons deux ou trois ans pour prendre une décision. Ceci est un message pour indiquer qu’en ce moment il n’y a pas de danger iranien. Ce danger sert aux Israéliens pour entretenir un climat de tension et contraindre les États-Unis et les Européens à faire certaines politiques. Les Israéliens espéraient créer un climat de tension suffisant pour provoquer un affrontement entre l’Iran et les pays arabes. Cette stratégie aussi a échoué.

    Combien de temps a-t-il fallu aux autres puissances nucléaires pour fabriquer la bombe atomique ? Les États-Unis dans les années 40, quand on ne savait même pas à coup sûr qu’on pouvait faire la bombe atomique, y ont employé trois années. Israël a mis dix ans. Maintenant on dit depuis plus de vingt ans que l’Iran construit la bombe. C’est la bombe atomique la plus lente de l’histoire ! L’agence nucléaire qui doit contrôler la bombe atomique continue à dire qu’il n’existe pas d’indices de programme militaire.

    La bombe iranienne sert à Israël pour créer des problèmes stratégiques dans la région. La grande peur d’Israël est qu’un dialogue politique ne s’ouvre entre les États-Unis et l’Iran. Après quoi l’Iran serait reconnu comme puissance régionale avec laquelle on doit parler et discuter.

    L’autre puissance régionale qui est en train de s’affirmer est la Turquie. À présent Israël a des problèmes avec la Turquie parce qu’elle pourrait devenir la principale interlocutrice des États-Unis, du monde arabe et du monde musulman.

    L’autre grande arme d’Israël est l’accusation d’antisémitisme. C’est une arme à laquelle les Israéliens ont un grand et immédiat recours. Toute forme de critique d’Israël est dénoncée comme acte d’antisémitisme. Au début cela faisait un grand effet ; aujourd’hui un peu moins ; tôt ou tard, elle perdra son importance. Quand on abuse de ces armes elles perdent leur valeur. Israël accuse tout le monde d’antisémitisme. Si un Juif critique Israël, on dit que c’est un Juif qui a la haine de lui-même.

    A la fin, ça aussi ça s’écroulera. Parce que l’antisémitisme est une chose ; la critique d’Israël en est une autre. D’antisémitisme, il y en a peu actuellement, dans le monde. S’il resurgit c’est parce que cette façon qu’ont les Israéliens d’établir une identité entre judaïsme et « israélisme » est vraiment dégoûtante : c’est là un terrain très glissant.

    Silvia Cattori : Pendant ces années d’offensive militaires par Tel Aviv, on a assisté, en France par exemple, à une intensification des accusations d’antisémitisme même de la part de militants de groupes de « juifs pour la paix ». Des accusations d’antisémitisme et de négationnisme, se sont mises à pleuvoir sur des journalistes ou des militants qui mettent en évidence l’idéologie qui a amené l’État juif à conduire des politiques inacceptables depuis le début [4]. Si comme vous le soulignez, critiquer la politique israélienne n’a rien à voir avec le racisme, que cherchent alors, en vérité, ceux qui accusent les gens d’antisémitisme ?

    Giorgio S. Frankel : La grande erreur est celle commise par les communautés juives dans le monde en tant que, comme communautés juives, elles pensent avoir le droit de parler au nom d’Israël. De nombreux Juifs non Israéliens pensent pouvoir, en tant que Juifs, avoir le droit de soutenir Israël. C’est leur droit. Mais cela comporte que, tôt ou tard, on imputera aux Juifs non israéliens ce que font les gouvernements israéliens. D’autre part, quand Israël proclame qu’il veut être reconnu non seulement comme État juif, mais comme État national du peuple juif, cela veut dire qu’il demande, au niveau international, que lui soit reconnue une sorte de primauté aussi à l’égard des Juifs qui sont dans les autres pays. Cela devient très dangereux.

     

    Silvia Cattori : Pourquoi dangereux ?

    Giorgio S. Frankel : Parce qu’à la fin il est possible que, dans l’avenir, Israël veuille interférer dans la politique intérieure d’autres pays sous prétexte que ce pays a une politique hostile aux Juifs. Chirac refusa de participer à la guerre contre l’Irak. Peu de temps après le premier ministre israélien Ariel Sharon déchaîna une politique hostile à la France en avertissant les Juifs français : faites vos valises, quittez la France, venez en Israël. A l’avenir les Israéliens pourraient se comporter comme si c’était à eux qu’il revenait de définir le destin des Juifs italiens ou français.

    Silvia Cattori : Cette arme de l’antisémitisme a toujours permis à Israël de mettre les gouvernements qui ne suivent pas la ligne politique de Tel Aviv sous pression. Cela fait donc vingt ans qu’Israël essaie d’inciter le reste du monde à intensifier la pression contre l’Iran pour l’isoler, le sanctionner, en empêchant son développement normal. D’après vous, y arrivera-t-il ?

    Giorgio S. Frankel : Je n’en sui pas convaincu, parce que l’Iran jusqu’ici est protégé par la Chine et en partie par la Russie. Il a de bons rapports avec ses voisins : Turquie, Irak et avec des pays comme l’Azerbaïdjan et la Géorgie. Il a de bons rapports avec le Pakistan, avec l’Inde, avec les pays arabes du Golfe, en particulier avec le Qatar. Il est en train d’étendre sa présence diplomatique en Amérique latine. L’Europe suit la ligne dure : mais d’autres pays ne la suivent pas.

    Les Israéliens mènent cette déstabilisation intérieure de l’Iran par le biais d’attentats, de massacres, etc. ; c’est ce qu’ils sont probablement en train de faire. Il faut voir s’ils vont y arriver.

    Silvia Cattori : Israël seulement et pas les États-Unis [5] ?

    Giorgio S. Frankel : Tous les deux. Mais surtout les Israéliens.

    Silvia Cattori : Pourquoi « surtout les Israéliens » ? Ont-ils des moyens particuliers de pénétration et de manipulation des minorités ethniques ?

    Giorgio S. Frankel : Le problème de la stabilité de l’Iran est très complexe. On peut entrer clandestinement dans plusieurs zones. Il y a des populations hostiles au gouvernement central. Le Kurdistan est la région la plus importante pour le pétrole. Une minorité sunnite y vit. Il suffit de leur fournir des financements pour l’entraînement et de leur fournir des armes. Ce genre d’opérations s’appelle « la guerre de l’ombre ». Les possibilités d’intervention sont nombreuses.

    Silvia Cattori : Nous vous remercions.


    (*) Diana Carminati e Alfredo Tradardi : In memoria di Giorgio S. Frankel (22.09.2012 
    http://www.silviacattori.net/article3711.html

    Silvia Cattori

    Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio (24.06.2011)

    Texte original en italien (25.05.2011) : 
    http://www.silviacattori.net/article1639.html

     


     

    [1] Giorgio S. Frankel, analyste de questions internationales et journaliste indépendant, travaille sur le Moyen-Orient et le Golfe persique depuis le début des années 70. Il est l’auteur de : « L’Iran et la bombe », DeriveApprodi, Roma, 2010.

    [2] Le droit au retour est permis par la loi : mais nos gouvernements et partis politiques, de même que les défenseurs d’une « juste paix » l’ont toujours ignoré, parce que reconnaître aux réfugiés palestiniens le droit au retour obligerait Israël à reconnaître les expulsions de 1948, 1967, 2000 et à admettre que sa « guerre d’indépendance » est en réalité un crime.

    [3] « Option Samson » (ainsi appelée par des dirigeants israéliens d’après la figure biblique de Samson, qui abattit un temple philistin entraînant sa mort et celle de centaines de Philistins) suppose que face à une menace existentielle le projet nucléaire israélien comprend une attaque nucléaire contre les nations qui le menacent.

    [4] Voir : “1001 bugie su Gilad Atzmon” (“1001 mensonges sur Gilad Atzmon”), de Gilad Atzmon, comedonchisciotte.net , 2 novembre 2006.

    [5] Le journaliste Bob Wedford affirme que les services de la Cia, du Mossad et du MI-6 collaborent pour conduire des actions de sabotage contre l’Iran. En 2009 et 2010, l’Iran a arrêté plusieurs espions d’origine états-unienne entrés illégalement, parmi lesquels une femme qui possédait des « hidden spying equipment ». La France mène une diplomatie agressive contre l’Iran depuis que, en 2007, le président français Sarkozy a parlé de la possibilité de bombarder l’Iran. On se souviendra de l’appel de Bernard Kouchner aux nations, pour « se préparer au pire », à la « guerre » contre l’Iran.

     
  • LES ÉTATS-UNIS ET AL-QAÏDA


    Pourquoi les États-Unis arment-ils Al-Qaïda en Syrie ?
    Cette vidéo en anglais sous titrée en français est très éclairante et nous interpelle sur le fait que les gouvernements occidentaux, France et Etats-Unis en tête, s’appuient sur des groupes terroristes liés à Al-Qaida pour déstabiliser le gouvernement de Bachar el-Assad et détruire la Syrie.
    1ER OCTOBRE 2012 | THÈMES (S.CATTORI) : SYRIE
  • Les paradoxes de la « démocratie » : exemple de l’affaire Charlie Hebdo


    Je ne tiens plus, j'ai pourtant essayé de prendre des distances concernant ces sujets, mais après la pelleté d'immondices encore une fois jetée au visage des musulmans il m'a fallu réagir en écrivant un article.

    Ce que je ne saisis pas bien dans cette affaire ce n'est pas en soit les caricatures de Charlie Hebdo car en tant que farouche partisan de la démocratie, je pense que ces caricatures doivent pouvoir être publiée même si le but pour moi était simplement de choquer une communauté déjà largement stigmatisée et non pas de plaisanter, mais après tout cela est subjectif. Ensuite, je vois le gouvernement et les divers gardiens de la bonne morale (je pense à des gens comme Zemmour, BHL mais aussi la très grande majorité des médias de masse, et toute la secte laïque et bien pensante...) invoquer la formule de « liberté d'expression ». Admettons, jusqu'ici je dirais : « tout va bien ». Nous pourrions alors nous mettre d'accord sur le fait que la liberté d'expression doit être accordée à tous les niveaux, quand bien même l'avis défendu (du moment qu'il est défendu de façon pacifique et en accord avec le respect des droits de l'Homme) est totalement contraire à notre position. Pour ma part je m'oppose farouchement aux avis contre lesquels je suis, cela dit je serais prêt à me battre pour que ces idées puissent tout de même avoir fenêtre sur cour car c'est pour moi un fondement immuable des démocraties modernes (qui est rarement respecté), c'est certainement ce qui va se passer à travers les réactions et les commentaires de cet article, et mêmes si vos interventions sont un peu musclées, me mettent dans tous mes états, me semblent incroyablement abusives, je ne suis personne pour imposer un monopole de la bonne parole.

    « Si l'on ne croit pas à la liberté d'expression pour les gens qu'on méprise, on n'y croit pas du tout » (Noam Chomsky).

    Alors pourquoi cette liberté d'expression si fortement clamée ne s'applique pas au droit des musulmans à manifester contre ces caricatures ? Je parle de façon pacifique, je n'appelle pas à brûler des ambassades. Le fait est que les réactions d’extrémistes musulmans à travers le monde entier ne reflètent absolument pas l'islam français et qu'on prend à chaud un débat en accusant les musulmans de ne pas prendre cela sur le ton de l'humour. Tout d'abord c'est un droit de ne pas en rire, ensuite pourquoi dîtes vous cela à une communauté qui n'est absolument pas responsable des réactions encore une fois largement extrapolées par la presse ? Dans la vitesse et certainement une forme de pression idéologique, les médias diffusent des images de violence sans prendre le temps d'expliquer le contexte et surtout de marginaliser ce genre de procédé qui ne reflète absolument pas l'islam dans son ensemble. On montre des images choc, on laisse s'exprimer (très rapidement) les plus extrêmistes, ou des gens qui parlent mal le français ensuite l'amalgame est facilement faisable. On passe toutefois beaucoup plus de temps à parler de l'Iphone 5 et de son mode d'emploi. Triste constat intellectuel, mais je ne serais pas le premier à pleurer de honte devant un Journal télévisé de grande écoute.

    Les médias créent et s'emparent d'un faux débat, personne ne prend le temps de démêler le vrai du faux et on sert cette soupe amère à tout le monde. Franchement un tel film et de telles caricatures auraient mieux fait d'être ignorés car sincèrement, ne paniquez pas, l'islam n'est pas un problème, du moins pas en France, même si de sublimes processus de désinformations tentent de nous vendre ce mythe. « L'islam nous est présenté comme une menace interne, par l'exagération systématique du problème de l'immigration, et externe, par une politique étrangère hostile à la Turquie, plus encore à l'Iran, et par l'envoi de troupes "civilisatrices" en Afghanistan. » (Emmanuel Todd).

    Ensuite soyons cohérent, les états et les lobbyings financiers pressent le monde depuis trop longtemps, la nouvelle application de la règle d'or va bientôt être appliquée en Europe, après un premier référendum négatif, ils ont fini par nous faire passer le traité de Lisbonne en catimini et se préparent à refaire la même chose sans même nous consulter alors que 72% des français souhaiteraient voter par référendum concernant l’application d'une nouvelle loi d’austérité (sources Lemonde.fr). Et pourquoi ces mêmes médias bien pensants, ce même gouvernement qui ne fait que poursuivre les réformes entamées par Sarkozy, pourquoi ces gens là ne crient pas au scandale et au droit à la liberté d'expression ? Lorsqu'une injustice flagrante va dans le sens de la pensée dominante, personne ne s'émeut, les réformes passent et le reste suit son cours.

    Mes amis je vous le dis, ces affaires de caricature sont encore une fois un chiffon rouge agité pour nous distraire des vrais enjeux. On divise pour mieux régner, on pointe une ennemi du doigt, on joue avec les tentions communautaires, on se pose les mauvaises questions mais au final nous serons tous dans le même bateau (et nous le sommes déjà) d'un monde dérégulé par les empires financiers et les états à leur service. Ne tombons pas dans ce vulgaire piège, n'accusons pas les mauvaises victimes et surtout analysons finement ces concepts de liberté d'expression qui ne prévalent que pour certaines personnes et quand cela les arrange. On voudrait nous amener vers le consensus mais le consensus se fabrique.

    « Les islamistes radicaux, ou extrémistes, souvent appelés « fondamentalistes », ont été choyés par les États-Unis dans les années 1980, parce qu'ils étaient les meilleurs tueurs au monde. Dans ces années-là, l'ennemi principal des États-Unis était l'Église catholique, qui avait commis, en Amérique latine, le grave péché de prendre « le parti des pauvres » et qui a cruellement souffert de ce crime. L’occident est parfaitement œcuménique dans le choix de ses ennemis. Ses critères sont la soumission et les services rendus au pouvoir, et non la religion » (Noam Chomsky).