Championne olympique puis escort girl
Championne olympique puis escort girl, Suzy se repend
Suzy est une athlète américaine de haut niveau. Elle fut sept fois championne nationale de demi-fond (les courses de demi-fond sont les distances de 800m et 1’500m aux Jeux olympiques). Elle a participé à trois olympiades. A Sydney en 2000, elle faisait course en tête au 1’500m, avant de s’écrouler à 200 mètres de l’arrivée. Terrible déception pour une athlète de ce niveau.
Aujourd’hui âgée de 44 ans, elle vient de dévoiler la double vie qu’elle menait depuis un an. Elle a pratiqué le métier d’escort girl, soit prostituée, sous le pseudonyme de Kelly Lundy. Femme très belle de visage et de corps elle demandait 600$ de l’heure ou 6’000$ pour la nuit. Un client a eu l’indélicatesse de la dénoncer auprès d’un média à scandale. Etant dénoncée contre son gré elle a assumé publiquement.
Les aveux de Suzy Favor Hamilton sont courageux. La prostitution reste injustement dans la part sombre de l’humanité. Mais, comme disait un homme il y a 2’000 ans, que celui qui est sans tache lui jette la première pierre. Il n’y a pas à juger Suzy, pas plus qu’une autre prostituée. Elle mène sa vie comme elle l’entend.
« Je suis entrée dans ce métier en grande partie parce qu'il me procurait les moyens de traverser une période difficile de mon mariage et de ma vie. Il me fournissait une porte de sortie à la vie qui m'étouffait. C'était une double vie. Mais il avait du sens pour moi à l'époque où je frôlais la dépression.
J'ai réalisé que j'avais pris des décisions hautement irrationnelles et j'en suis pleinement responsable. Je ne suis pas une victime et sais ce que je faisais. »
Quelques réflexions sur ses déclarations. D’abord cette mode déplaisante d’avoir à se repentir publiquement. Je comprends le désir de Madame Hamilton de couper court aux rumeurs. Mais la repentance publique est un joug. Les confessions devraient se passer dans le silence du coeur. Conférer au public une telle autorité sur soi est une forme de soumission.
La question n’est pas d’assumer publiquement, mais de s’en excuser et de s’en être caché en sachant ce que cela pouvait susciter dans le public. A titre de comparaison, Clara Morgane par exemple assume d’avoir fait des films classés X et ne s’en excuse pas. Et personne ne lui jette la pierre.
Suzy elle estime aujourd’hui avoir fait une erreur. Elle dit qu’elle n’est pas victime. C’est à son honneur. Le culte moderne de la victime est détestable. Mais par quel parcours intellectuel en est-elle venue à la prostitution ? Comment a-t-elle considéré que le fait de louer ses charmes était une porte de sortie à une vie qui l’étouffait ? Nous n’en saurons pas plus mais ce fait divers est significatif d’autre chose.
La célébrité est traîtresse, en particulier dans le sport où les carrières sont majoritairement courtes. Les vedettes sont adulées un jour et oubliées le lendemain. Après avoir senti des millions de regards sur elle, après que les médias aient fait d’elle une icône, elle se retrouve seule. Pas entièrement seule : son mari est là, qui la décourage à entrer dans la prostitution. Mais son regard ne suffit peut-être pas. Peut-être a-t-elle encore besoin d’autres yeux sur elle, besoin d’être encore admirée, désirée par des inconnus comme dans le passé. Passer du haut de l’affiche à rien ne doit pas être simple à gérer.
La célébrité est un étrange rapport au monde. Une personne capte sur elle l’attention de milliers d'autres personnes qui vibrent pour elle. Fait-elle un sourire à la télévision ou un geste sur le stade ? Ces milliers d’âmes pensent qu’elle s’adresse à elles personnellement. Toutefois l’affection de la star est virtuelle, et celle du public est versatile. La star ne donne d’elle que dans l’effort, dans le but de gagner. Ses fans fantasment, pensent être récompensés : ils ne sont que vampirisés. Le star système est un détournement affectif. Plus la star attire de regards plus elle gagnera d’argent. La relation entre une vedette et ses fans est une relation sans innocence, pervertie par le gain attendu. Cette relation est si courante, si installée dans la société, qu’on ne la perçoit plus comme détournée.
|
||||||||||
|
||||||||||
|
Y a-t-il un parallèle entre la star qui ne donne d’elle qu’en surface, et la prostituée qui elle non plus ne s’investit pas affectivement mais gagne de l’argent grâce au fantasme qu’elle inspire ? La prostitution était-elle, pour Suzy Favor Hamilton, une manière de renouer avec sa gloire passée et avec ce type de relation d’admiration ?
Tout n’est pas dit dans les aveux de la championne. Peut-être avait-elle aussi envie d’argent facile. Ou de se sentir désirée par de nombreux hommes et de vivre des choses que le couple classique n'admet que difficilement. Son fantasme pourrait être celui de la femelle entourée de mâles chauds, ce qui plaît à certaines femmes qui le vivraient plus souvent, n’était leur image sociale et leurs responsabilités familiales. Il n’y a pas que les hommes pour aimer les cours d’admirateurs. Et si c’était le cas de Suzy, c’est encore son affaire et sa liberté. Dans la mesure bien sûr où elle ne blesse pas délibérément ses proches, en premier lieu son mari.
Suzy Favor Hamilton ajoute :
« J'ai pleinement l'intention de me racheter afin de redevenir une bonne mère, épouse, sœur et amie. »
Veut-elle signifier qu’elle a pratiqué la prostitution comme une arme contre elle-même ou contre la société ? Comme un rejet de la bonne mère, de la bonne épouse, de l’image parfaite qu’elle pensait devoir donner ? Ce serait une démarche intéressante. Mais pourquoi vouloir se racheter ? Peut-être n’assume-t-elle pas vraiment et veut-elle simplement garder l’affection du public en lui faisant soumission : « Je vais redevenir comme vous, une bonne mère et une bonne épouse, vous pourrez m’aimer à nouveau ». Le repentir n’est-il pas une forme dérivée du narcissisme ? Et est-il opportun de donner au public le rôle de juge et, dorénavant, de surveillant de ses actes et de son comportement ?
Une partie de l’explication réside peut-être dans ces propos :
« Suzy Favor Hamilton se décrit comme une perfectionniste qui a, durant toute sa carrière, lutté contre des voix qui lui répétaient qu’elle n’était pas assez bonne, qu’elle ne courrait pas assez vite et qu’elle devait faire mieux.
Toute votre vie, on vous dit combien vous êtes exceptionnelle, que ce soit vos entraîneurs, vos amis ou vos parentsl. Je me devais d’être parfaite. Ce n’était la faute de personne. Je ne reproche rien à personne. C’est juste la société qui est ainsi faite. »
Elle a été encouragée, valorisée, soutenue par son entourage. Qui ne désirerait une telle attention ? Mais une voix en elle disait qu’elle n’était pas assez bonne. Le système n’est pas en cause puisqu’il l’a soutenue. C’est sa propre histoire qu’elle a illustrée dans la prostitution. C’est peut-être la même histoire qu’elle fait durer en voulant redevenir la bonne mère et épouse.
Elle place à nouveau la barre très haut. Reste à savoir comment elle gérera dorénavant sa dualité. Ça, c’est son histoire. La question suivante est : comment nous-mêmes gérons-nous nos contradictions et nos soumissions ?