ANIMAUX • Inde, la femme qui aimait les chats
Une scientifique indienne consacre sa vie à étudier les félins et en particulier les plus petits comme le chat pêcheur ou le chat léopard. Bien que l'Inde soit riche en félins sauvages, certaines espèces sont menacées de disparition.
- Livemint |
- Pavitra Jayaraman |
- 27 novembre 2012
Dans le cadre de son mémoire pour le Wildlife Institute of India (WII) de Dehradun, l'étudiante observait un chat viverrin - ou chat pêcheur - trois mètres plus loin, sur l'autre rive. "Il a passé presque cinq heures à batifoler et à épier la surface de l'eau, puis tout d'un coup il a plongé et disparu pour ressurgir de mon côté avec un gros poisson entre les mâchoires. Il ne m'a même pas regardée", se souvient-elle.
Les oreilles du chat pêcheur sont dotées de valves qui lui permettent d'empêcher l'eau d'entrer, précise-t-elle pour les non-initiés.
L'animal qu'observait Mukherjee est environ deux fois plus gros qu'un chat domestique et fait désormais partie des espèces menacées selon l'IUCN (Union internationale pour la conservation de la nature). Vingt-trois ans plus tard, Mukherjee est toujours enchantée à la vue d'un félin.
"Pour moi, tous les félins se valent, les tigres comme les chats domestiques", affirme Mukherjee, que les défenseurs de l'environnement ont surnommée "la femme chat".
Le monde des petits félins
“Malheureusement, au cours de mes échanges avec les habitants, j'ai découvert que les gens considèrent le tigre comme un ennemi“.
D'un point de vue physiologique ou comportemental, explique-t-elle, tous les félidés se ressemblent. Il suffit de regarder un tigre – le plus grand des félins – et on comprend qu'il appartient à la même famille que les chats. "L'Inde est le pays qui compte le plus de félins. Il en existe quinze espèces en tout, seize s'il y avait toujours des guépards. Ces animaux m'obsèdent. Mon père adorait les chats et nous en avons toujours eu dans notre maison à Bombay", explique Mukherjee qui a eu jusqu'à quatre chats chez elle.
La jeune fille a d'abord pensé devenir vétérinaire. Puis, elle a fait la connaissance de Yadvendradev Jhala, spécialiste des loups, qui lui a enseigné
la physiologie alors qu'elle passait son bac, à Bombay. "Il m'a initiée au monde de l'écologie. Ça a été un tournant dans ma vie", se souvient-elle.
En 1988, elle entre au WII où elle passe les dix plus belles années de sa vie, voyageant à travers tout le pays pour étudier les félins dans différents types de forêts.
Des chats-léopards de l'Himachal Pradesh au nord-ouest de l'Inde aux chats rubigineux [ou chats rougeâtres] de la réserve de tigres de Sariska dans le Rajasthan, elle les a tous vus et a établi une cartographie de leurs habitants. Elle étudie aussi l'ADN des chats-léopards dans plusieurs régions et découvre qu'ils sont différents. “Par conséquent, en examinant les peaux de chats-léopards que vendent les braconniers, nous pouvons savoir de quelle zone elles proviennent", explique Mukherjee qui s'apprête à étendre ses études à d'autres félins.
Dans un pays obsédé par les grands félins, Mukherjee se démarque pourtant par son amour pour leurs cousins plus petits. En 2010, elle obtient une bourse pour étudier les chats pêcheurs et revient à Bharatpur. Elle apprend qu'on n'a pas vu ces animaux depuis plus de deux ans.
"J'ai commencé à collecter des déjections de divers félins et un échantillon s'est révélé appartenir à un chat pêcheur", explique Mukherjee.
C'était la preuve que l'espèce était toujours présente dans la région, peut-être seulement en nombre plus réduit après deux années particulièrement sèches.
Mukherjee s'intéresse avant tout au comportement de ses protégés. "Ils restent dans les mêmes zones. Comme les chats domestiques, ils ont leurs habitudes". Tous les félins ont aussi leur spécialité dans l'art de la chasse. Ils apprennent une certaine technique et presque tous arrivent à se souvenir des bons terrains de chasse. Elle a observé deux tigres de Ranthambore qui se servaient des traces des véhicules de touristes pour suivre leurs proies. L'Inde a beau abriter la plus grande diversité de petits félins dans le monde, il n'est pas facile d'en apercevoir. "Ce sont des prédateurs craintifs qui aiment chasser la nuit", explique-t-elle. Le chat rougeâtre - plus petit félin du monde - est présent dans la plupart des forêts indiennes. C'est lors d'un safari nocturne à Sariska que Mukherjee en a vu un pour la première fois. Comme pour les plus grands félins, ces rencontres sont généralement une question de chance. "Une fois repérés, ils disparaissent presque tout de suite pour se mettre à l'abri", explique la femme-chat. Malheureusement, tout ne va pas pour le mieux dans le monde des petits félins. Ils sont chassés pour leur peau ou parce que ce sont des prédateurs. "Ils se nourrissent de rongeurs et les gens ne comprennent pas que leur présence est, au contraire, bénéfique pour les paysans", déplore-t-elle.