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France - Page 9

  • En France on persécute

    En France on persécute des Blancs, des Noirs et des Arabes !

     
         

    Des centaines de personnes à travers la France depuis les évènements de Charlie Hebdo sont poursuivies pour « apologie du terrorisme », délit opportunément sorti il y a quelques mois de la loi sur la presse pour intégrer le corpus du droit répressif.

    Nous prétendons que la création d’une infraction spécifique, dite de « terrorisme », est en soi un détournement du droit, que les cas réprimés depuis quelques semaines ne rentrent aucunement dans le cadre de son apologie, enfin qu’une véritable épuration politique est à l’œuvre en France actuellement sous couvert de lutte contre le terrorisme.

     

    Fausse objectivité juridique

    L’autonomisation du délit dit de terrorisme est en soi une manipulation du droit pénal. Toutes les infractions potentiellement constitutives d’un attentat terroriste sont déjà prévues par le code pénal français : meurtre, violences en réunion, attentat contre la sûreté de l’État, utilisation d’explosifs ou de substances dangereuses, etc.

    La création d’une infraction pénale distincte vise à mettre à la disposition du pouvoir une notion « fourre-tout », qui permet d’y faire rentrer quiconque sera désigné politiquement comme un ennemi, au gré des besoins répressifs et sous couvert de l’objectivité de la loi.

    La répression idéologique de l’adversaire via le droit pénal est une tendance à l’œuvre en France depuis plusieurs années. Elle est rendue possible par la criminalisation des mobiles psychologiques, de l’inconscient supposé de l’auteur d’une infraction, indépendamment de la matérialité de cette dernière. C’est le cas des lois Pleven ou Gayssot et plus généralement des lois dites antiracistes ou mémorielles, mais également par exemple du délit d’ « association de malfaiteurs ». Elle permet l’avènement d’une véritable justice de la pensée.

    Indépendamment des considérations qui précèdent, la qualification d’ « apologie du terrorisme » ne s’applique de toute façon aucunement au cas de ceux s’étant déclarés en communion de quelque nature qu’elle soit avec les auteurs récents d’actes délictueux réputés « terroristes ».

    La formule « Je suis Kouachi/Coulibaly/… » relève du registre du militantisme politique. C’est le gouvernement français qui le premier, par une récupération idéologique d’envergure, a fait des événements de janvier un objet politique clivant qui ne pouvait que rencontrer une opposition sur le terrain de la critique. « Je suis Kouachi/Coulibaly… » est la négation dialectique de l’affirmation par le pouvoir d’une certaine lecture de la réalité, dans un sens occidentaliste. Ce n’est en aucun cas un éloge du terrorisme en soi, comme moyen d’action légitime au service d’une cause. Il s’agit de reconnaître comme appartenant à son camp idéologique quelqu’un qui, par ailleurs, a fait usage du terrorisme au service de cette cause.

    Pour pouvoir légitimement condamner un Dieudonné, l’institution devrait interdire officiellement toute critique politique de l’Occident et de ce qui est considéré comme étant ses valeurs. Hors de cela, condamner comme apologie du terrorisme un « Je suis Kouachi/ Coulibaly » publié sur un site ou sur une page Facebook, revient à faire de cet outil juridique une arme pure et simple de répression politique à l’encontre d’opposant à l’idéologie dominante. C’est détourner la loi de son sens à des fins partisanes.

    Peut-on dès lors affirmer « Je suis Germaine Tillon » ou « Je suis Manoukian » ou encore « Je suis Jean Moulin » ? Ou bien ne devrait-on pas le faire parce que, bien que considérant leur cause comme légitime, les moyens employés n’étaient pas les bons ? Cela n’a pas de sens, la cause (politique) finit toujours par emporter les moyens.

     

    Vrai répression politique

    À l’étalage médiatique d’une unanimité toute en hystérie collective de masse et manipulation émotionnelle succède le temps discret de la répression. Grâce au régime expresse de comparution immédiate, tout ceux qui ne sont pas rentrés dans le moule idéologique estampillé, non sans cynisme, « liberté d’expression » par le pouvoir sont châtiés à la volée. Les peines vont jusqu’à plusieurs années de prison ferme.

    Sous la pression politico-médiatique, parquets et rectorats se sont fait les rouages trop bien huilés d’une machine répressive qui montre, malgré les fadaises universitaires sur l’Etat de droit et ses fondements pluriséculaires, qu’elle peut s’emballer en un clin d’œil. Point n’a d’ailleurs été besoin pour cela que des ordres soit donnés. Comme dans les régimes totalitaires, les (hauts) fonctionnaires zélés se sont faits un devoir d’anticiper les desiderata répressifs de leurs chefs. Attendre que tombe un ordre aurait déjà pu être considéré comme un début d’insoumission… Le limogeage du directeur de la rédaction du 12/13 de France 3 (avec la complicité des syndicats jaunes) pour n’en avoir pas assez fait lors de l’édition de la mi-journée du 7 janvier aura certainement servi d’exemple…

    L’Éducation nationale n’est pas en reste. Dans le Val-de-Marne, un professeur est suspendu et menacé de radiation pour ne s’être pas plié à la « minute de silence » du 8 janvier. Il souhaitait simplement « avancer sur le programme » ! Des élèves ont été arrachés à leurs cours et exclus pour avoir fait des « quenelles » il y a plusieurs mois sur des photos de classe « fantaisistes ». À La Roche-sur-Yon, un homme a été menotté, mis en garde à vue et va être jugé pour s’être déclaré en « communauté fraternelle » avec Kouachi et Coulibaly. Soit une attitude toute christique de compassion pour les bourreaux, qui devrait normalement être citée en exemple par ceux qui prétendent lutter contre le fanatisme religieux et barbare !

    Le gouvernement de gauche coloniale actuellement au pouvoir, digne héritier du sinistre Jules Ferry, montre à cette occasion son vrai visage. Si les médias mettent en avant des cas extrêmes (comme cet enfant de 8 ans conduit au commissariat pour répondre d’actes d’apologie du terrorisme !), c’est le jeune arbuste qui cache la forêt de la répression. Et personne n’est à l’abri. Pas mêmes les anciens protégés d’hier : militants de « gauche », jeunesse immigrée hier exaltée comme « chance pour la France », aujourd’hui diabolisée comme islamo-fasciste, profs, humoriste antiraciste et insoumis.

    Face à cela, l’indifférence ? La France est un pays dont l’inconscient collectif est fait d’une Révolution, de la Résistance et de mouvements populaires insurrectionnels, dont l’un des derniers soubresauts fut sans doute les grandes grèves ouvrières du printemps 68. Un peuple avec un tel imaginaire se laissera-t-il réprimer sans bouger par l’occidentalisme et ses valeurs, qui occupent littéralement son pays ? La France sera-t-elle finalement cuisinée à la sauce Hollande, Valls, Fabius : modèle économique de Bruxelles à l’intérieur et géopolitique de Tel Aviv à l’extérieur ? Tel est l’enjeu…

  • De la lutte de classe et de ce que nous mangeons

    <p>Partenaires</p>
    Esther Vivas6 février 2015

    Les riches et les pauvres mangent-ils la même chose ? Est-ce que nos revenus déterminent notre alimentation ? Aujourd’hui, qui est en surpoids ? Bien souvent, et dans certains cercles, l’appel en faveur d’une nourriture saine et bonne pour la santé est considéré avec dédain, comme une mode » « chic », « hippie » ou « flower power ». La réalité est très différente de ce que ces commentaires à courte vue suggèrent. Défendre une alimentation écologique, paysanne et locale est très « révolutionnaire ».

    Si nous y regardons de plus près, nous voyons comment le modèle agricole actuel est déterminé par les intérêts du capital, des grandes entreprises (du secteur agro-industriel et de la grande distribution), qui cherchent à profiter de quelque chose d’aussi essentiel que l’alimentation. Le système capitaliste, dans sa course pour transformer les besoins en marchandises, les droits en privilèges, transforme aussi la cuisine, et en particulier les produits alimentaires de qualité, en un luxe. Tout comme il a rendu le logement accessible uniquement à ceux qui peuvent se le permettre. Le même sort attend nos systèmes de santé et d’éducation.

    Non seulement la logique du capital a des répercussions sur l’alimentation, mais la main invisible du patriarcat pèse aussi lourdement sur les chaînes de ce système. Sinon, comment expliquer que celles qui produisent le plus de nourriture, les femmes, sont aussi les plus affamées ? Il ne faut pas oublier que entre 60% et 80% de la production alimentaire dans le Sud, selon la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), est entre les mains des femmes, mais paradoxalement, ce sont elles qui souffrent le plus de la faim, 60% à l’échelle mondiale.

    Les femmes travaillent la terre, mais elles n’ont souvent pas accès à la propriété foncière, aux moyens de production ni au crédit agricole. Ce n’est pas faire de l’idéologie, mais essayer de faire comprendre à tous ceux qui considèrent que l’idée de « bien manger » est, comme on dit en France, une idée de « bobos », des« bourgeois bohème », alors que c’est loin d’être la réalité.

    Si nous répondons aux questions initiales, les données confirment cela. Les riches et les pauvres mangent-ils la même chose ? Non. Est-ce que notre revenu détermine notre alimentation ? En effet. Une étude de la Plate-forme espagnole des personnes expulsées de leur logement a révélé cela noir sur blanc : 45% des expulséEs ont des difficultés à acheter assez à manger. Le revenu impose des limites sur ce que nous achetons : il diminue la consommation de bœuf et de poisson et, par rapport à la période pré-crise, la consommation de fruits et légumes frais. En revanche, il y a une augmentation d’achats de produits moins nutritifs, transformés industriellement et riches en calories, tels que les sucreries emballées : biscuits, chocolats, pâtisseries et gâteaux. Notre classe sociale, notre éducation et notre pouvoir d’achat détermine ce que nous mangeons.

    Alors, qui est obèse aujourd’hui ? En général, ceux qui ont moins mangent moins bien. Si l’on regarde la carte de la péninsule espagnole, c’est clair : les régions avec les taux les plus élevés de pauvreté, comme l’Andalousie, les Canaries, Castille-La Manche et l’Estrémadure ont le plus haut pourcentage de personnes en surpoids. Aux États-Unis, les taux de surpoids se retrouvent beaucoup plus dans les populations d’origine afro-américaine et sud-américaine. La crise ne fait que renforcer la différence entre l’alimentation pour les riches et l’alimentation des pauvres.

    Questionner le modèle agricole dominant et défendre une alternative qui mise sur les besoins sociaux et le respect de la terre, c’est aller vers le cœur de la lutte de classe. Le Syndicat des travailleurs agricoles d’Andalousie qu’on peut difficilement qualifier de « petit-bourgeois », est très clair à ce sujet. Leur engagement est de défendre une campagne vivante, la terre appartenant aux paysans qui la travaillent, en faveur de l’agriculture biologique et d’un autre modèle de consommation. Ce combat défend les « moins que rien », les oppriméEs.

    Se battre pour une alimentation qui est locale, saine et paysanne est la bataille la plus subversive qui soit.


    Voir en ligne : Publié sur le blog d’Esther Vivas

  • Radars, humour parisien et sécurité routière bidon

    Radars, humour parisien et sécurité routière bidon

    Publié le 28 janvier 2015 dans Édito

    Ô route, ô désespoir, ô vitesse ennemie ! La route continue à nous faire des ennuis. Malgré l’averse de radars et d’amendes salées, on apprend que le nombre de morts sur les routes augmente à nouveau, chose qui ne s’était pas vue depuis douze ans : il semble qu’il faudra compter entre 120 et 140 morts de plus qu’en 2013.

    Certes, l’année 2013 avait été une année notable avec un record à la baisse du nombre de victimes, laissant tout de même à l’année 2014 la deuxième place des années les moins meurtrières en France, depuis que les statistiques existent. Bien évidemment, cette atténuation du constat de base, scandaleuse tentative de faire oublier que les routes françaises sont des mouroirs apocalyptiques, est vivement combattue par Chantal Perrichon, la présidente calme et pondérée de la Ligue Contre La Violence Routière Et Les Gens Qui Roulent En Voiture À Plus de 35 km/h, qui n’y voit, elle, qu’une augmentation due à la scandaleuse propension de la puissance publique à se la jouer pépère puisqu’elle « n’a annoncé aucune nouvelle mesure depuis mars 2013″ (cette bande de fumistes). Elle en profite donc pour demander la mise en place rapide (la vitesse a du bon, parfois) d’une loi interdisant les avertisseurs de radar, le passage de 90 à 80 km/h de la limitation de la vitesse sur le réseau secondaire français ou l’interdiction de toute pratique de téléphone au volant, y compris bluetooth.

    Parce que voyez-vous, la seule mesure qui marche vraiment pour diminuer le nombre de victimes, d’après Perrichon, la Sécurité Routière, le gouvernement et un nombre conséquents de politiciens aux intérêts bien compris, c’est la réduction des vitesses autorisées sur le réseau routier. Ceci explique sans doute les voix insistantes en provenance de la mairie de Paris où l’on se tâtouille pas mal pour savoir si l’on ne va pas encore diminuer la vitesse autorisée sur le périphérique de la capitale, la faisant passer de 70 km/h (anciennement 80 km/h jusqu’en janvier 2014) à 50 km/h, au moins pendant la nuit.

    radars routiers moins laxistes

    Cependant, si on peut faire la constatation physique indéniable qu’avec une vitesse maximale autorisée de zéro, il n’y aurait probablement plus aucun accident, force est de constater que les expériences menées en matière de réduction de la vitesse ne permettent en réalité pas du tout de tirer les conclusions pour le moins hardies de nos politicards et des dirigeants d’associations satellites qui sont toujours là lorsqu’il s’agit d’aller cadenasser le citoyen pour son bien.

    L’exemple du périphérique parisien est d’ailleurs fort intéressant : la baisse récente de limitation n’a pas franchement abouti à l’effet escompté, bien que la presse se soit largement gargarisée du communiqué de presse dithyrambique de la mairie assurant urbi & orbi – comme c’est pratique – que l’effet bénéfique fut spectaculaire. En réalité, outre une baisse inaudible du bruit, une diminution imperceptible de la pollution (et une probable augmentation du benzène de combustion), la mairie occulte habilement qu’on est passé de 4 morts en 2013 à 7 en 2014, ce qui montre de façon assez éclatante que s’il y a eu un effet, il n’est pas très glorieux.

    En revanche, s’il y a bien eu un effet très palpable, c’est sur les infractions constatées dont le nombre a bondi puisqu’elles ont triplé en un an. Ici, on pourrait soit admettre que le parisien moyen est subitement devenu un chauffard entre le 31 décembre 2013 et le premier janvier 2014, soit que l’abaissement drastique de la vitesse maximale autorisée a largement permis de multiplier les contredanses (dont on apprend, au passage, que 40% sera reversée aux collectivités territoriales). Pratique financièrement, mais d’une moralité douteuse.

    Cette douteuse moralité ne serait donc pas franchement au service d’une route moins dangereuse contrairement à ce que tenteraient de nous faire croire les passionarias d’associations de sécurité routière, mais plutôt au service des finances de l’État, éventuellement à leurs corps défendant (mais pas toujours). Cette supposition hardie semble corroborée par la multiplication des radars automatiques en parfaite décorrélation des points noirs du réseau routier français et en forte corrélation avec les lieux d’importants passages à vitesse élevée.

    Du reste, cette affirmation est assez facile à vérifier. Pour cela, j’emprunterai une méthode fort intéressante auparavant décrite par Charles Murray et reprise sur le site Evoweb (dont je recommande la lecture). En substance, si l’introduction des radars doit marquer une amélioration notable de la sécurité routière, cela doit pouvoir se constater facilement.

    Pour cela, voici le graphique du nombre de tués sur la route en France.

    (Cliquez sur les graphiques pour les agrandir au besoin)
    tues sur les routes - muet

    Pour illustrer mon propos, j’ai enlevé la marque des années et celle indiquant le moment où les radars automatiques furent introduits. En toute bonne logique, leur introduction doit se remarquer sur la courbe parl’apparition d’une pente décroissante, ou, mieux encore, par un retournement de tendance (passer d’une hausse à une baisse). Toute autre positionnement prouvera en revanche que l’effet des radars ne peut pas être l’unique facteur d’une hausse ou d’une baisse.

    Pourtant, lorsqu’on rétablit la courbe complète, où apparaissent années et le moment précis d’introduction des premiers radars en France, on constate – c’est dommage – que ces derniers s’inscrivent en plein milieu d’une tendance à la réduction des accidents mortels, déjà largement entamée depuis des années. Si l’on regarde attentivement, on constate même que leur arrivée sur les routes correspond aussi au moment où la baisse du nombre de morts ralentit nettement.

    Autrement dit, non, les radars ne sont en rien une garantie de l’augmentation de la sécurité sur les routes. Les progrès continus de sécurité passive sur les voitures (air-bags, anti-patinage, aide au freinage d’urgence, etc.), l’abaissement des seuils de tolérance pour l’alcool, les changements notoires d’habitudes (ceinture de sécurité, notamment) ont certainement plus fait pour sauver des vies que les automates à contredanses sur les bords des autoroutes.

    tues sur les routes - full

    En outre, faire marcher la fibre émotionnelle et prétendre lutter pour la sécurité en culpabilisant les conducteurs sur le seul critère de la vitesse dispense complètement les autorités d’efforts pour améliorer les infrastructures, ce qui est fort coûteux et souvent pénible électoralement. En tout état de cause, l’augmentation récente des décès montre surtout que ne peut plus tenir l’argument quasi-unique de la répression par l’abaissement des vitesses maximales autorisées. D’ailleurs, d’autres pays, comme le Royaume-Uni qui a retiré près de 60% de ses radars, présentent de bien meilleurs résultats que la France.

    Il faut se résoudre à l’évidence : tant pour le périphérique de la capitale en particulier, qui montre bien tout l’humour de l’équipe municipale parisienne drapée d’hypocrisie écolo-sécuritaire, que pour le réseau routier français en général de plus en plus encombré de boîtiers automatiques, l’actuelle politique de sécurité routière n’a jamais réellement visé à une diminution du nombre de victimes. Les décideurs savaient pertinemment que ce nombre continuerait à décroître régulièrement, indépendamment de leurs « efforts ». Simplement, en feignant de porter une attention soutenue aux hystériques de la répression tous azimuts, ils ont trouvé une excuse solide pour racketter un peu plus, un peu mieux l’automobiliste, véritable vache à lait républicaine.
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    Sur le web

     
     
  • Choisir ses combats

    par Serge Halimi, février 2015

    Août 1914 : l’union sacrée. En France comme en Allemagne, le mouvement ouvrier chancelle ; les dirigeants de la gauche politique et syndicale se rallient à la « défense nationale » ; les combats progressistes sont mis entre parenthèses. Difficile de faire autrement alors que, dès les premiers jours de la mêlée sanglante, les morts se comptent par dizaines de milliers. Qui aurait entendu un discours de paix dans le fracas des armes et des exaltations nationalistes ? En juin, en juillet peut-être, il restait possible de parer le coup.

    Un siècle plus tard, nous en sommes là. Le « choc des civilisations » ne constitue encore qu’une hypothèse parmi d’autres. La bataille qui semble s’engager en Europe, en Grèce puis en Espagne permettra peut-être de la conjurer. Mais les attentats djihadistes favorisent le scénario du désastre ; une stratégie de « guerre contre le terrorisme » et de restriction des libertés publiques aussi. Ils risquent d’exacerber toutes les crises qu’il importe de résoudre. Telle est la menace. Y répondre sera l’enjeu des mois qui viennent.

    Un dessinateur est-il libre de caricaturer le prophète Mohammed ? Une musulmane, de porter la burqa ? Et les juifs français, vont-ils émigrer plus nombreux en Israël ? Bienvenue en 2015... La France se débat dans une crise sociale et démocratique que les choix économiques de ses gouvernements et de l’Union européenne ont aggravée. Les thèmes de l’arraisonnement de la finance, de la répartition des richesses, du mode de production ont enfin pris racine dans la conscience publique. Mais, à intervalles réguliers, les questions relatives à la religion les relèguent au second plan (1). Depuis plus de vingt ans, l’« islam des banlieues », les « insécurités culturelles », le « communautarisme » affolent les médias comme une partie de l’opinion publique. Des démagogues s’en repaissent, impatients de gratter les plaies qui leur permettent d’occuper la scène. Tant qu’ils y parviendront, aucun des problèmes de fond ne sera débattu sérieusement, même si presque tout le reste découle de leur solution.

    L’assassinat de douze personnes, en majorité journalistes et dessinateurs, le 7 janvier dernier dans les locaux de Charlie Hebdo,puis de quatre autres, toutes juives, dans un magasin kasher a suscité un sentiment d’effroi. Bien qu’ils aient été commis en invoquant l’islam, ces crimes spectaculaires n’ont pas, pour le moment, enclenché le cycle de haines et de représailles que leurs inspirateurs escomptaient. Les assassins ont en partie réussi : des mosquées sont attaquées ; des synagogues, gardées par la police ; quelques jeunes musulmans — radicalisés, souvent médiocrement instruits des règles de leur foi, en tout cas peu représentatifs de leurs coreligionnaires (lire « Les chemins de la radicalisation ») — sont tentés par le djihad, le nihilisme, la lutte armée. Mais les assassins ont également échoué : ils ont garanti une vie éternelle à l’hebdomadaire qu’ils voulaient anéantir. Gageons cependant que, dans l’esprit de leurs commanditaires, cette bataille-là était secondaire. L’issue des autres dépendra de la résistance de la société française et de la renaissance en Europe d’une espérance collective.

    Mais soyons modestes. Nos grosses clés n’ouvrent pas toutes les serrures. Nous ne sommes pas toujours en mesure d’analyser l’événement séance tenante. S’arrêter, réfléchir, c’est prendre le risque de comprendre, de surprendre et d’être surpris. Or l’événement nous a surpris. La réaction qu’il a suscitée, aussi. Jusqu’à présent, les Français ont tenu le choc. En manifestant en masse, dans le calme, sans trop céder aux discours guerriers de leur premier ministre Manuel Valls. Sans s’engager non plus dans une régression démocratique comparable à celle que les Etats-Unis ont vécue au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 — même s’il est inepte autant que dangereux de condamner des adolescents à des peines de prison ferme au seul motif de propos provocateurs.

    Nul ne peut imaginer cependant les conséquences éventuelles d’une nouvelle secousse du même ordre, a fortiori de plusieurs. Parviendraient-elles à enraciner une ligne de fracture opposant entre elles des fractions de la population qui se détermineraient politiquement en fonction de leur origine, de leur culture, de leur religion ? C’est le pari des djihadistes et de l’extrême droite, y compris israélienne, le péril immense du « choc des civilisations ». Refouler cette perspective réclame non pas d’imaginer une société miraculeusement apaisée — comment le serait-elle avec ses ghettos, ses fractures territoriales, ses violences sociales ? —, mais de choisir les combats les plus susceptibles de porter remède aux maux qui l’accablent. Cela impose, d’urgence, une nouvelle politique européenne. En Grèce, en Espagne, le combat s’engage...

  • Opinion: Les terroristes en Europe...

    Les terroristes en Europe sont plus voyous qu’islamistes

    Publié le 19 janvier 2015 dans Police et arméesReligionSujets de société

    On accuse des concepts insaisissables, comme l’Islam radical et l’antisémitisme, au lieu de regarder dans notre arrière-cour comment sont nés ces criminels.

    Par Guy Sorman

    frères kouachi attaque de Charlie Hebdo Credit Françoise C (Creative Commons)

    Les attentats à Paris, le 7 janvier, perpétrés au nom de l’Islam, ne peuvent susciter que l’horreur et la réprobation. On ne peut qu’adhérer au mouvement collectif en Occident pour la liberté d’expression et contre l’antisémitisme. Mais, est-il permis dans ce climat d’unanimisme de s’interroger sur la meilleure réponse possible à ces attentats ? Proclamer comme l’a fait le Président François Hollande que« Paris est la capitale du monde », que l’attaque contre une épicerie casher révèle « le retour de l’antisémitisme » ou déclarer comme le Premier ministre Manuel Valls que les démocraties sont « en guerre contre l’Islam radical », autant de slogans, de postures : l’analyse est absente.

    Pire encore, les slogans donnent satisfaction aux terroristes en leur accordant une sorte de grandeur et de légitimité : ces trois petits voyous de banlieue se voient reconnaître, par les plus hautes autorités de l’État et par les foules qui ont défilé dans toute l’Europe, la noblesse idéologique et religieuse qu’ils prétendaient incarner. Certes, on comprend une fois encore que l’on doit manifester indignation et solidarité avec les victimes, mais devrait-on pour autant nier la réalité ? Les « terroristes » n’étaient que des voyous parisiens pour qui l’Islam de pacotille véhiculé par internet fut un costume de scène, une théâtralisation de leur banalité. À se focaliser sur leurs proclamations, on évite de s’interroger sur leur origine et sur leur parcours : on accuse des concepts insaisissables, comme l’Islam radical et l’antisémitisme, au lieu de regarder dans notre arrière-cour comment et de quoi sont nés ces criminels ? Tous trois ont grandi dans le terreau fertile de banlieues françaises, éduqués par des bandes de délinquants plutôt que par l’école, vivant de larcins plutôt que d’exercer un métier,  évoluant dans des quartiers dits de non droit où la police ne pénètre pas, tout en passant par la case prison qui est l’université du crime et de la radicalisation islamiste. Leur séjour en prison, comme il est d’usage en France, fut trop bref pour que ces voyous soient durablement mis à l’écart.

    On ne s’étonnera pas que les trois compères, rejetés par la société française, soient maintenant idéalisés comme des héros dans les quartiers d’où ils sont issus : pareillement après les attentats du 11 septembre, Oussama Ben Laden devint le Robin des Bois de la jeunesse arabe. Antisémitisme et islam radical sont évidemment haïssables, mais les étiquettes ne devraient pas servir à dissimuler les circonstances sociales de la production du crime : un million de jeunes Français d’origine africaine et maghrébine « rouillent » (c’est leur vocabulaire) dans des quartiers sordides, sans écoles, sans lois et sans emplois. Aucun gouvernement, ni de droite ni de gauche, n’a jamais proposé ni appliqué une politique forte et continue pour éliminer ces conditions objectives qui transforment des paumés en voyous et des voyous en terroristes. Et ceci se vérifie malheureusement dans toutes les capitales en Europe. Traiter ces voyous d’antisémites et d’islamistes est au total une manière commode de ne pas s’interroger sur l’écologie sociale de l’antisémitisme et de l’islamisme. Les termes d’antisémitisme et d’islamisme sont-ils même appropriés ?

    L’antisémitisme en France fut, pendant des siècles, la doctrine de l’Église, puis l’idéologie de la bourgeoisie conservatrice, de l’intelligentsia nationale et enfin, la loi dans l’État de Vichy. L’antisémitisme fut beaucoup plus que la haine des Juifs : cet antisémitisme institutionnel en France a disparu. Qualifier une prise d’otages dans une épicerie casher d’acte antisémite me semble ignorer ce que fut l’antisémitisme et confère à un acte criminel isolé, une profondeur historique dont le voyou de la Porte de Vincennes ignore tout.

    Le terme d’Islamisme radical me semble d’un maniement tout aussi périlleux, car il suppose que l’islamisme est un dérivé de l’Islam : ce qui reste à prouver. La quasi-totalité des dignitaires et autorités religieuses dans le monde musulman n’ont cessé de se désolidariser de l’Islam radical, mais on les écoute peu. Il est pourtant constant, évident que les terroristes islamistes du type des trois voyous parisiens, ne sont que des musulmans de pacotille, « convertis » et disciples d’un imam autoproclamé, américain, émigré au Yémen.

    Au lieu d’utiliser un vocabulaire qui renvoie à des catégories connues, donc rassurantes, mieux vaudrait qualifier cette violence nouvelle avec des mots adéquats sauf à se tromper dans l’analyse et dans les solutions. Le philosophe français André Glucksman avait proposé, après le 11 septembre 2001, de qualifier ces attentats de « nihilistes » : c’était bien vu, puisque ces attentats ne servaient à rien. George W. Bush voulut leur donner une signification rationnelle en les inscrivant dans une« guerre contre la terreur » et s’enferrant dans une succession de conflits par suite de son erreur d’analyse. Il conviendrait après les attentats de Paris de ne pas répéter la même erreur : nous sommes confrontés à des criminels nihilistes en quête d’une cause, mais ce n’est pas la cause – antisémitisme et  Islam radical – qui est à l’origine de leur crime. La cause n’est que l’étiquette : regardons plutôt ce qui se trouve au fond du bocal. Ce bocal nauséabond est plein de mauvaises écoles, de policiers désenchantés, d’un marché de l’emploi verrouillé par un excès de règles, de zones de non droit, de prisons écoles du crime, de politiques d’immigration non appliquées. Nettoyer le bocal  en Europe n’éliminerait pas le terrorisme mais limiterait ses capacités de recrutement. Évidemment, il est plus facile et glorieux de marcher contre le terrorisme que de faire le ménage chez soi.