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  • Cybercriminalité : les chiffres 2014 du vol des données

    Publié le 16 février 2015 dans Technologies

    Avec une hausse du vol de données de 78%, le cyberespace a été globalement «moins sûr» en 2014 qu’en 2013.

    Par Thierry Berthier

    Le vol de données est en augmentation de 78%

    Une étude menée par SafeNet, Gemalto, société spécialisée en cybersécurité vient d’être publiée et révèle que plus d’un milliard vingt trois millions de données ont été volées durant l’année 2014. Il s’agit d’un record absolu marqué par une hausse de 78% sur un an en volume. Ce milliard de données volées a été réalisé par l’intermédiaire de 1541 opérations d’intrusion dans les systèmes avec un pic de deux millions huit cent mille données volées en une seule journée ! Les opérations de hacking d’acquisition de données ont augmenté de 49 % en un an. Le vol d’identité arrive en pole position dans le classement des motivations de la cybercriminalité et représente à lui seul 54% des attaques. Les secteurs d’activité les plus touchés sont la vente de détail avec 55% du volume total de données volées, suivi du secteur des services financiers avec 20% des vols. L’étude montre que 76% des opérations de vol de données de 2014 ont eu lieu en Amérique du Nord.

    Les grandes tendances 2014

    La cybercriminalité a adapté ses pratiques aux évolutions des solutions de protection des systèmes et à celles des usagers. La durée fonctionnelle des opérations de hacking d’acquisition augmente nettement avec un scénario typique : vol d’identité puis ouverture de comptes de crédits à partir de ces données. Le tableau ci-dessous fournit le top10 des groupes industriels et administrations les plus impactés par le vol de données en 2014.

    La création de fausses identités donne accès à de nombreux services qui le plus souvent se contentent des informations fournies sans plus de contrôle. L’usurpation d’identité numérique est à la fois très simple à mettre en œuvre et très difficile à contrer. Le risque d’exposition de l’usager à ce type de vol a considérablement augmenté entre 2013 et 2014. Cette augmentation prouve que le cyberespace a été globalement «moins sûr» en 2014 qu’en 2013. Qu’en sera-t-il en 2015 ? Peut-on anticiper et prévenir ?

    Détecter les structures de données fictives avant l’attaque

    Lutter contre le vol de données passe d’abord par une éducation à «l’hygiène numérique» de l’usager, et ceci le plus tôt possible. La prévention et l’enseignement des pratiques minimisant le risque peuvent contribuer à faire baisser les mauvaises statistiques de 2014.

    Au niveau technique, il devient urgent de s’intéresser à une phase du hacking souvent négligée, celle de l’ingénierie sociale précédant l’attaque. Les messages frauduleux du type «mon oncle millionnaire vient de mourir, il me laisse un héritage de plus de dix millions d’euros, pouvez-vous m’aider à récupérer cette somme ? Vous toucherez 10% de l’héritage si vous cliquez sur ce lien»  ne fonctionnent plus aujourd’hui. Ils ne dupent presque plus personne. L’attaquant doit inventer des stratagèmes bien plus sophistiqués pour espérer tromper sa cible. Son objectif premier est d’instaurer la confiance durant un intervalle de temps suffisant puis d’exploiter cette confiance en diffusant sur la cible un malware furtif de collecte d’identifiants et/ou de données. Le coût d’installation de la confiance auprès de la cible augmente régulièrement pour l’attaquant. Il faut dépenser plus (en termes de niveau de ruse et d’énergie) pour espérer obtenir un gain.

    En défense, le fait d’agir le plus tôt possible dans la chronologie de la construction d’une attaque peut donner En déun avantage informationnel décisif. Il faut ainsi s’orienter vers la construction d’infrastructures automatisées permettant de tester en temps réel la véracité d’une donnée et la cohérence globale d’un ensemble de données. Ce défi est un problème algorithmiquement complexe mais, même partiellement résolu, ses sous-solutions peuvent s’avérer rentables en termes d’anticipation de l’attaque. Nous ne devons pas oublier que pour l’attaquant comme pour le défenseur du système, il s’agit d’un duel à la fois temporel et informationnel. Seule l’anticipation donnera l’avantage…
     
  • Qui dit conspirationnistes ?

    Canal+, France 2, et France 5 sont-ils conspirationnistes ?

    15 février, 2015 by Rédaction

     

    On pouvait craindre que certains sujets étaient un peu trop sensibles pour être abordés dans les grands médias, alors qu’il suffisait de faire preuve d’un peu de patience. Espérons que ces médias ne vont pas s’arrêter en si bon chemin, et que d’autres vont les rejoindre !

     


     Canal+ : Extrait du Grand Journal diffusé le 13 février

     

    Le journaliste du Monde Serge Michel évoque un trafiquant israélien qui serait impliqué dans le financement du 11-Septembre. L’information proviendrait des fichiers de la filiale suisse de la banque britannique HSBC (affaire SwissLeaks).

     


    France 2 : Extrait de "FBI : recherche terroristes à tout prix"
    diffusé le 12 février dans le cadre de l’émission Envoyé Spécial

     

    Cela fait plusieurs années que nous vous parlons des méthodes "très controversées" du FBI , elles ont été exposées au grand public l’année dernière grâce à un rapport de l’organisation Human Rights Watch. Cette fois-ci, c’est l’équipe d’Envoyé Spécial qui a mené l’enquête.

     


    France 5 : Extrait de l’émission "C dans l’air"
    consacrée à "
    L’argent sale du terrorisme" diffusé le 13 février

     

    Nous faisions récemment la liste des médias qui ont mentionné les fameuses 28 pages censurées du rapport du congrès sur le 11-Septembre. On peut y ajouter Arrêt sur images20 MinutesRFI, et aujourd’hui l’émission "C dans l’air" de France 5 qui y a consacré un reportage.

     


     

    • Phrygane

      En effet, les choses semblent bien évoluer.

      Mais n’est-ce pas un effet, surtout, de l’échec US en Irak et ailleurs, qui a mis le monde d’aujourd’hui face à une menace terroriste plus inquiétante qu’avant Saddam Hussein, « le tyran le plus laïque du Moyen orient » ?

      Le grand public sent bien que la politique étatsunienne a complètement « foiré » et que les choses vont de mal en pis.

      N’est-ce pas la perte de confiance grandissante envers les initiatives de l’Oncle Sam qui pousse les médias à rejoindre l’inquiétude du grand public et à dire des choses que l’on n’aurait pas jugée « politiquement correctes » dans les années qui ont suivi les attentats ?

      Je doute, cependant, si « Inside-job » il y avait, que cela ait été consigné, quelque part, dans des documents prêts à être déclassifiés.

      Restons curieux de voir où l’on veut nous emmener.

      février 16th, 2015 at 17:31
    • Phrygane

      https://wikileaksactu.wordpress.com/tag/origines-dal-qaida/

      En même temps, si ces 28 pages nous ramenaient, peu ou prou à cela :

      la création de Al Qaeda par la CIA, son financement par l’allié Saoudien, pour bouter les Russes hors d’Afghanistan…

      Pauvre Oncle Sam trahit par ses amis !

      février 16th, 2015 at 17:48
  • Quand le protectionnisme écrase les pauvres

     

    Publié le 10 février 2015 dans Économie générale

    Est-il moralement justifiable pour l’État de prélever de l’argent aux pauvres pour soutenir les entreprises, de sorte que leurs salariés ne perdront pas leur emploi ?

    Par Jasson Urbach et Eustace Davie.

     

     

    Nous n’avons jamais entendu une personne pauvreou tout autre d’ailleurs, se plaindre d’avoir accès à des produits moins chers. Et pourtantbeaucoup de gens en Afrique du Sud (SA) adorent haïr les Chinois juste parce qu’ils nous procurent des vêtements bon marchéParce que les fabricants locaux ne peuvent pas produire des vêtements aussi efficacement et aussi bon marché que les Chinois, le gouvernement SA impose des taxes à l’importation allant jusqu’à 45% du coût de ces vêtements pour protéger l’industrieCela n’empêche pas le vêtement de rester moins cher que ceux fabriqués localement. Il s’agit donc d’une taxe qui est finalement subie, non par les importateursmais par les consommateursmême les plus pauvres.

    Est-il moralement justifiable pour le gouvernement de prélever délibérément de l’argent aux pauvres pour soutenir les entreprises de certains fabricants de vêtements de sorte quecomme les fabricants le prétendentleurs employés ne perdront pas leur emploi ? Surtout quand ces mêmes fabricants insistent pour que leurs concurrents Sud-Africainstels que ceux basés à Newcastle, ferment leur structure sous prétexte qu’avec le consentement de leurs employésils paient en dessous du salaire minimum imposé par le gouvernement et que ça fausse le jeu.

    Ces questions doivent être traitées dans leur contexte. La libéralisation des échanges donne aux consommateurs l’accès aux produits les meilleurs et les moins chers. La vraie question est de savoir si ce sont les consommateurs qui doivent décider quels biens il peuvent acheter et qui doit les produireou si ces décisions doivent être prises en leur nom par leurs gouvernementsInévitablement, les producteurs locaux sont contre la concurrence dite « injuste ». Ce qui conduire à imposer des taxes coûts « injustes » sur les consommateurs.

    Une question similaire se pose concernant les salaires versés aux employés. Qui doit décider de la somme acceptable en salaire décent : les concernés ou le gouvernement ? Cette tactique fait écho à la décision du gouvernement de l’apartheid d’assouplir les lois du travail pour permettre aux travailleurs « noirs » d’intégrer le marché de la main-d’œuvre qualifiée, quand les syndicats « blancs » ont insisté sur « le salaire décent ». En d’autres termes, ils ont plaidé pour un « salaire décent » afin de bloquer la concurrence des nouveaux entrants qui peut-être étaient disposés à travailler pour des salaires inférieurs.

    Le protectionnisme dans le commerce et les marchés du travail engendre des surcoûts payés par les consommateurs, et, dans de nombreux cas, avec peu de bénéfice réel pour les entreprises et travailleurs locaux. La libéralisation du commerce et des marchés du travail permettrait une adaptation plus rapide. Il est impératif que les travailleurs et les propriétaires du capital ne soient pas enfermés dans des environnements économiques non concurrentiels.

    Le textile est peut-être le domaine commercial où est le plus évident que la production de masse chinoise a forcé le changement dans d’autres pays, mais il y en a beaucoup d’autres, comme la fabrication de produits électroniques. Plutôt que de compter sur le gouvernement pour ériger un mur tarifaire derrière lequel se protéger, les fabricants Sud-Africains de textile devraient s’adapter en trouvant des domaines dans lesquels ils possèdent un avantage comparatif, éventuellement dans des modèles uniques de vêtements qui ne se prêtent pas à la production de masse.

    Certains commentateurs se plaignent que la Chine sous-évalue sa monnaie (le yuan) et présentent cela comme une forme subtile de protectionnisme chinois. Ils affirment que, en gardant la valeur de leur monnaie artificiellement basse, les Chinois subventionnent leurs secteurs d’exportation en leur donnant un avantage concurrentiel. On fait valoir que cette forme cachée de protectionnisme nuit à l’Afrique du Sud en détruisant son industrie du vêtement, amplifiant ainsi le problème du chômage. Mais ces critiques blâmant les Chinois, sont-elles pertinentes pour justifier les difficultés rencontrées par nos fabricants de vêtements ?

    Un argument majeur pour la protection des fabricants de vêtements en Afrique du Sud est inextricablement lié à la demande pressante internationale au gouvernement chinois de laisser s’apprécier le yuan face aux autres devises, y compris le rand. Selon ces critiques un yuan à sa « juste » valeur augmenterait le prix des exportations chinoises au point où les fabricants dans d’autres pays seraient en mesure de rivaliser sur un pied d’égalité, mais un examen des faits laisse croire que c’est l’efficacité et non la monnaie sous-évaluée qui rend les produits chinois si compétitifs.

    Jusqu’en 1994, le yuan s’est déprécié de façon constante par rapport au dollar et la Chine a connu une volatilité de ses taux de PIB et d’inflation. Pour résoudre le problème, le gouvernement chinois a apparié le yuan au dollar de 1994 à 2005, ce qui a laissé le taux d’inflation chinois en ligne avec celui des États-Unis (en moyenne 0,75%). Entre 2005 et 2008, le yuan s’est apprécié en moyenne de 7,25% contre le dollar, le taux d’inflation moyen a augmenté pour atteindre 3,49% et la volatilité du PIB a également augmenté. Par rapport au dollar, le taux de change du yuan a augmenté de sorte que l’argument d’un yuan sous-évalué est injustifié. S’il y a quelque chose à blâmer au sujet des querelles constantes sur les taux de change et les menaces de guerres commerciales, c’est qu’il n’y a pas une monnaie universelle « aussi saine que l’or » à utiliser par les pays dans leurs échanges.

    Ce que nos fabricants de vêtements en difficulté ignorent est que les exportations sud-africaines vers la Chine ont énormément augmenté. Introduire les mesures souhaitées pour protéger l’industrie du vêtement pénaliserait non seulement les pauvres en les privant de vêtements bon marché, mais également mettrait d’autres industries et leurs effectifs, en danger.

  • Dieudonné : Le Conseil d’État, juge du fait

     

    Publié le 11 février 2015 dans Droit et justice

    Il y a un an, le spectacle de Dieudonné constituait un tel danger que la censure préalable était justifiée. Aujourd’hui, il relève de la liberté d’expression. Pourquoi un tel revirement du Conseil d’État ?

    Par Roseline Letteron.

    Dieudonné credits Onde Eksyt (CC BY-NC-ND 2.0)

    Dieudonné – credits Onde Eksyt (CC BY-NC-ND 2.0)

     

    Le 6 février 2015, le juge des référés du Conseil d’État a confirmé l’ordonnance rendue par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand. Ce dernier avait, la veille, suspendu l’arrêt du maire de Cournon d’Auvergne interdisant le spectacle de Dieudonné dans sa commune. Le juge des référés du Conseil d’État, en suspendant l’arrêté d’interdiction, permet donc au spectacle de se dérouler normalement.

    La décision du 9 janvier 2014 : la censure

    Qu’on le veuille ou non, la décision est interprétée comme un retour en arrière par rapport à la première ordonnance, celle du 9 janvier 2014. Cette décision avait alors suscité une agitation médiatique sans précédent. Contre toute attente, le Conseil d’État avait, à l’époque, accepté la suspension du spectacle en s’appuyant sur une interprétation particulièrement extensive du concept de dignité employé dans l’arrêt Commune de Morsang-sur-Orge du 27 octobre 1995. Cette interprétation extensive figurait dans la circulaire Valls du 6 janvier 2014 incitant les préfets et les maires à interdire le spectacle de Dieudonné. Dans son ordonnance du 9 janvier 2014, le juge des référés du Conseil d’État avait donc admis la légalité d’une telle mesure, dès lors que le spectacle contient « des propos de caractère antisémite, qui incitent à la haine raciale, et font, en méconnaissance de la dignité de la personne humaine, l’apologie des discriminations, persécutions et exterminations perpétrées au cours de la Seconde Guerre mondiale ».  C’est donc en appréciant le contenu d’un spectacle qui n’a pas encore eu lieu que le juge admettait son interdiction préalable, c’est-à-dire sa censure.

    Un tel raisonnement constituait une remise en cause radicale de la célèbre jurisprudence Benjamin de 1933, celle sur laquelle s’est construit le régime juridique des libertés publiques. Il repose sur un principe simple. Chacun est libre d’exercer sa liberté, sauf à rendre des comptes devant le juge pénal si une infraction pénale est commise. Quant à l’interdiction préalable, elle ne peut être licite qu’exceptionnellement, lorsqu’il n’existe pas d’autre moyen d’assurer l’ordre public. En janvier 2014, le Conseil d’État, ou plutôt le juge unique des référés, avait écarté cette jurisprudence libérale, préférant l’interdiction préventive d’un spectacle, alors même que la menace pour l’ordre public semblait modeste, ou à tout le moins gérable par le recours à des forces de police.

    La décision du 6 février 2015 s’inscrit dans un tout autre contexte, presque un mois après des évènements tragiques qui ont montré que la liberté d’expression, même l’expression la plus  provocatrice, est un élément de l’État de droit. « Je Suis Charlie » n’était pas seulement un slogan mais aussi l’affirmation d’un attachement à la liberté d’expression.

    Le problème du juge était de prendre la décision inverse de celle de janvier 2014, sans pour autant désavouer la première. L’exercice est pour le moins périlleux. Heureusement pour le Conseil d’État, les médias sont cette fois demeurés à l’écart du débat et la décision du 6 février 2015 a pu être rendue à petit bruit.

    Résurrection de la jurisprudence Benjamin

    Sur le fond, l’ordonnance constitue une forme de résurrection de la jurisprudence Benjamin. L’ordonnance affirme ainsi, à propos de la liberté d’expression « que les atteintes portées, pour des exigences d’ordre public, à l’exercice de ces libertés fondamentales doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées« . Pour parvenir à ce résultat, il exerce le contrôle de proportionnalité issu de l’arrêt Benjamin, et estime que l’interdiction pure et simple du spectacle était disproportionnée, l’ordre public pouvant être garanti par d’autres moyens.

    Il est vrai que les motifs invoqués par le maire se présentent comme une liste improbable mélangeant arguments juridiques et discours idéologique. On y trouve ainsi des références aux poursuites pénales dont fait l’objet Dieudonné, mais il reste acquis que le fait d’être poursuivi pénalement n’interdit pas de s’exprimer sauf si un juge d’instruction prend une ordonnance en ce sens. Sont également invoquées pêle-mêle la « cohésion nationale « , les « valeurs républicaines » voire l' »émotion » ressentie par la population après les attentats de janvier, principes sympathiques mais dépourvus de contenu juridique. Enfin, le maire insiste sur le fait que les forces de police ne peuvent être employées pour assurer l’ordre public dans sa commune car elles sont mobilisées par le Plan Vigipirate. Peut-être, mais le maire de Cournon n’a aucun lien juridique avec le dispositif Vigipirate. Il lui appartient seulement de demander des forces de police supplémentaires s’il en a besoin pour assurer l’ordre public sur le territoire de sa commune, ce que, manifestement, il n’a pas fait.

    Disparition de la dignité

    Et la dignité ? Elle est aussi invoquée par le maire qui mentionne que le spectacle « comporte des propos portant atteinte à la dignité humaine ainsi que le geste et le chant dits « de la quenelle« . L’argument est cette fois totalement identique à celui qui avait été déterminant dans la décision du 9 janvier 2014. La lecture de l’arrêt du 6 février 2015 montre que le juge des référés ne l’écarte pas. Il l’ignore purement et simplement. Sur ce point, la décision de 2015 marque bien un revirement par rapport à celle de 2014. La jurisprudence Commune de Morsang-sur-Orge n’est tout simplement pas pertinente pour apprécier la légalité de l’interdiction, alors même que c’est elle qui avait fondé la décision de 2014.

    Le Conseil d’État, comme il sied au Grand Augure, ne se justifie pas. Il se borne à ne pas mentionner la dignité parmi les motifs de la décision. De fait, il n’explique pas par quel raisonnement il parvient à la solution inverse de celle qu’il avait choisie en 2014. L’ordre public en particulier n’était pas davantage menacé en janvier 2014 qu’en février 2015 et il faut bien reconnaître que le spectacle de Dieudonné, et pas davantage son interdiction, n’ont jamais suscité d’émeutes. Quant au contenu du spectacle, il n’a pas changé. C’est seulement l’interprétation du Conseil d’État qui a évolué.

    L’appréciation souveraine du juge

    Le malaise est bien présent, comme en témoigne le communiqué de presse publié le même jour. Il y est mentionné que l’ordonnance de référé de février 2015 est prise « au vu de tous ces éléments, qui caractérisent une situation différente de celle qui avait donné lieu à des interdictions au mois de janvier 2014« . La « situation est différente« , voilà donc l’explication du revirement. Les commentateurs devront se contenter de cette explication.

    Ils se réjouiront certainement que le Conseil d’État ait renoué avec les principes libéraux qui dominaient sa jurisprudence depuis plus de quatre-vingts ans. Les causes du revirement restent cependant obscures. Certains penseront que le juge suit les vents dominants. Il y a un an, le temps était à la censure, imposée au nom d’un ordre public bien proche de l’ordre moral. Aujourd’hui, le temps est au libéralisme avec un « esprit du 11 janvier » qui met l’accent sur la liberté d’expression.

    La décision incite surtout à prendre acte de l’existentialisme du Conseil d’État. Pour reprendre la formule de Léo Hamon en 1932, il est avant tout juge du fait. La Haute Juridiction se comporte souvent davantage comme un administrateur que comme un juge. C’est son appréciation des faits qui conditionne la décision, appréciation souveraine qui peut varier à l’infini. Il y a un an, le spectacle de Dieudonné constituait un tel danger pour la dignité de la personne et l’ordre public que la censure préalable était justifiée. Aujourd’hui, le spectacle de Dieudonné, aussi détestable soit-il, relève de la liberté d’expression et doit donc être autorisé. Nul doute que le Conseil d’État aurait pu faire l’économie de la décision de janvier 2014, mais le revirement d’aujourd’hui est une bonne nouvelle pour l’État de droit. Or c’est précisément l’une des beautés de l’État de droit de bénéficier aussi à Dieudonné.

  • SwissLeaks : qui est immoral ?

    SwissLeaks : qui est immoral ? L’évadé fiscal ou l’État prédateur ?

    Publié le 11 février 2015 dans Fiscalité

    Qui doit être pénalisé ? Le riche qui protège ses intérêts d’une rapine légalisée à son encontre, masquée sous les oripeaux de la démocratie, ou l’État rapace ?

    Par Vincent Bénard.

    Bristol born escape artist Roslyn Walker credits  Paul Townsend (CC BY-ND 2.0)

    Bristol born escape artist Roslyn Walker credits Paul Townsend (CC BY-ND 2.0)

     

    Le déclenchement de l’affaire « SwissLeaks », du nom de la liste des évadés fiscaux ayant bénéficié d’un « abri » au sein de la filiale helvétique de la banque HSBC, nous promet une semaine chargée en diatribes anti « méchante finance », « vilains évadés fiscaux », et « affreuse Suisse », qui privent les États de leurs justes recettes pour lutter contre les effets de la crise, évidemment causée par l’avidité de l’ignoble monde de l’argent sans visage. Le nom d’un acteur à la mode a été jeté en pâture aux médias et à la twittosphère qui le traînent dans la boue parce qu’il a voulu mettre de côté 80 000 euros dans les années 90… Bonjour le niveau.

    Et le pire est qu’une grande masse des Français approuve cette rhétorique et ce clouage au pilori républicain, sans discussion. C’est dire si le lavage de cerveau de nos compatriotes, à base de « consentement à l’impôt » et de « fierté de disposer de services publics », a bien fonctionné.

    Il y aurait beaucoup à dire, techniquement, sur la question (je n’ose dire « le problème ») de l’évasion fiscale, voire de la fraude, et du bénéfice économique qu’il y a à ne pas transférer des sommes d’argent d’agents économiques ayant prouvé qu’ils pouvaient créer beaucoup de valeur vers l’institution la plus inefficace, à savoir le secteur public en général, et l’État en particulier. Mais je vais aujourd’hui m’en tenir à l’aspect « moral ».

    Osons poser la question : le fraudeur fiscal, riche de surcroît, est-il immoral ?

    Regardons ce que paie celui dont le talent (je ne parle pas de l’escroc, du faux chef d’entreprise accro aux subventions, ou du politicien, ici), lui permet de jouir d’un revenu individuel supérieur à  151 000 Euros, barème 2015. Ce qui est appréciable, mais pas non plus extravagant.

    Chaque euro de gain supplémentaire lui sera ponctionné, tout d’abord, du couple CSG CRDS, qui lui prendra environ 8%. Puis de 45% des 92% restants au titre de l’IRPP. Depuis 40 ans, ce taux a fluctué entre 45% (point bas…) et 75% (il y a encore peu…). Voilà donc grosso modo 50% qui partent au fisc.

    Mais si ce niveau de revenu vous a permis, au cours des ans, d’acquérir un capital supérieur au seuil d’imposition à l’ISF, vous allez ajouter à cela un impôt calculé sur votre fortune (moins le seuil), jusqu’à 1,5%. Compte tenu des très faibles rémunérations actuelles du capital, l’ISF en représente donc une grande part, qui se cumule avec l’IRPP. À diverses époques, depuis les débuts de l’ISF, ont parfois existé des mesures de non prélèvement au-delà d’un certain pourcentage de revenu, sans quoi certaines impositions réelles auraient dépassé 100%. Mais en tout état de cause, un taux d’imposition marginal réel supérieur à 75% ou encore pire, n’est pas rare, et ce avant d’avoir payé les taxes locales, et la TVA sur ce que le disponible permet de consommer.

    En contrepartie, près de 50% des ménages ne paient aucun IRPP, et les 10% de foyers les plus aisés (revenu par tête supérieur à 53.000 euros) paient en 2012, 74% de la somme totale collectée au titre de cet impôt (source). Inutile de préciser que concernant le produit de l’ISF, la différence est encore plus flagrante.

    Autrement dit, l’immense majorité de ceux qui paient peu ou ne paient pas l’impôt le plus douloureux, trouvent parfaitement normal que l’on puisse prendre à la minorité dont le talent tire le pays vers le haut, 75% et plus de ce qu’ils gagnent. Ce sont les mêmes qui nous répètent à l’envi que « le consentement à l’impôt est l’indispensable fondation » sur laquelle tient la république. Souvent, ce sont les mêmes qui voudraient diminuer la TVA, « injuste car payée à même proportion par le pauvre et le riche », ou intégrer la CSG « insuffisamment progressive » dans l’assiette de l’IRPP. Bref, il faudrait que la part de fardeau fiscal du riche, déjà élevée, augmente encore et encore, pour satisfaire la demande politique de ceux qui contribuent le moins au festin de l’État.

    Et cet impôt, pour faire quoi ? De nombreux chercheurs  (Comme par exemple le social-démocrate canadien Tim Smith, auteur de La France Injuste, 2006) ont montré que le « modèle social français »  n’était clairement pas redistributif vers les pauvres, ni « universaliste » dans sa conception, mais servait surtout à financer des privilèges de caste : fonctionnaires, petits et gros, et leurs régimes spéciaux de retraite ou d’indemnisation maladie, politiciens, et employés de services publics dont le droit du contrat de travail n’a de privé que le nom. Et aussi, disons-le, certaines clientèles de riches vivant au crochet de l’État : acteurs et artistes subventionnés, gros céréaliers et grands exploitants agricoles (au contraire de nombre de petits producteurs en faillite) et grands patrons d’entreprises vivant grassement de commandes publiques ou subventionnées. En cela, le modèle français se distingue radicalement du modèle suédois, qui prélève autant que le nôtre en impôts, mais qui est bien plus « universel » : le mode de calcul des prestations qu’il délivre est unique, de l’employé au Premier ministre, et les subventions d’aubaine au secteur privé, à défaut d’être inexistantes, sont rarissimes. Aussi même les plus riches sont moins enclins à frauder ce modèle jugé plus équitable (Source : La société de défiance, Algan et Cahuc, 2008). Allez fureter dans le lien fourni en début d’article : vous verrez qu’à population égale, on compte trois fois moins d’évadés fiscaux suédois que français. Je doute qu’une telle différence soit uniquement culturelle ou géographique.

    Alors très franchement, imaginez un entrepreneur français, ayant tout risqué pour accomplir son rêve d’indépendance, de reconnaissance, et d’utilité maximale, ayant échappé au sort funeste attendant la moitié d’entre eux au bout de 5 ans, à savoir la faillite, faisant partie de la minorité qui parvient à s’extraire des tranches basses et moyennes de l’impôt, à force de travail, de talent, et, souvent, d’une part de chance. Ou encore un footballeur professionnel dont la bonne période ne dure que quelques années. Ou un chirurgien qui a triomphé de plus de 10 années d’études hyper sélectives et dont le savoir est perpétuellement remis en cause par le progrès technologique. Trouvez vous anormal que ces gens-là aient envie de conserver, disons, au moins la moitié du fruit de leur travail ? De réussir à se constituer un capital de précaution, si jamais leur bonne étoile les quitte ? Que financer à fonds perdus une bureaucratie perverse et folle leur arrache des larmes de plaisir ?

    Certains peuvent jouer tout à fait légalement des outils de défiscalisation accessibles aux plus internationaux, aux plus mobiles, et réduisent leur facture tout en restant domiciliés en France. D’autres, plus radicaux, s’expatrient, coupant leurs liens avec leur pays d’origine, parfois avec regret. Mais ceux qui ne peuvent partir, parce que leurs gains sont attachés à des clientèles françaises, ou à des activités strictement locales, sont parfois tentés de renverser l’injustice fiscale qui leur est faite en utilisant des moyens que l’État, dans sa quête effrénée du dernier sou, juge illégaux. Car oui, considérer qu’un homme n’est propriétaire que de 25% du fruit de son travail, voire moins, est une injustice considérable, une immoralité sans nom.

    Bien sûr, l’État, au sens large, a besoin d’un certain volume de rentrées fiscales : le fonctionnaire est gourmand, et le subsidié souvent encore plus. Ce qu’il n’arrive pas à prendre aux « riches » et aux « moyens fortunés », il va tenter de le rafler aux classes moyennes qui n’ont pas la surface financière pour se planquer dans les coffres helvètes. Vous me direz donc que le riche qui pratique la dissimulation mérite d’être puni, car il pénalise des gens moins riches que lui. Mais au vu de ce qui précède, qui doit l’être ? Le riche qui protège ses intérêts d’une rapine légalisée à son encontre, masquée sous les oripeaux de la démocratie, ou l’État rapace ?

    L’État a choisi de tenter d’arrondir ses fins de mois en renforçant la répression fiscale. Ne devrait-il pas, pour susciter ce fameux « consentement à l’impôt », d’abord s’imposer une cure de frugalité, chasser les privilèges qu’il a créés, et en finir avec la fiction de « justice fiscale » qui transforme l’impôt progressif en spoliation des fruits du talent ?