Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Azel Guen : Décryptage de l'Actu Autrement - Page 139

  • Mafia et finance...

    Mafia et finance : la crise favorise les liaisons dangereuses

     

    La crise financière a donné l'occasion aux réseaux mafieux de s'infiltrer davantage dans l'écomomie mondiale, en investissant du liquide dans les banques européennes et américaines. C'est ce que démontre Roberto Saviano, l'auteur italien de Gomorra, dans une longue enquête qui suscite de nombreuses réactions.

    30.08.2012 | Lucie Geffroy | Courrier international



    Dessin de Boligán paru dans El Universal, Mexique.

    Dessin de Boligán paru dans El Universal, Mexique.

    A qui profite la crise ? Aux mafias du monde entier, répond Roberto Saviano. Dans deux articles publiés le même jour (lundi 27 août) dans La Repubblica et le New York Times,  le journaliste et écrivain italien montre à quel point la crise financière a fait l'objet d'un business planétaire pour les réseaux mafieux.Retwitté le jour même par l'économiste Nouriel Roubinitraduit en grec et publié dans I Kathimerini, l'article de Saviano a suscité depuis de nombreuses réactions. 

    Que dit l'auteur de Gomorra ? En substance, que les intérêts mutuels des banques et des organisations mafieuses n'ont fait que progresser depuis l'éclatement de la crise financière. 

    La démonstration est limpide. Reprenant une idée développée dès 2009 par Antonio Maria Costa, alors directeur de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime, il explique qu'au plus fort de la crise, les "gains des organisations criminelles ont constitué le seul capital d'investissement liquide dont disposaient certaines banques". Comme l'ont montré les études du FMI, entre janvier 2007 et septembre 2008, les banques européennes et américaines ont perdu plus d'un milliard de dollars en titres toxiques et crédits non exigibles. 

    "Il est donc possible de déterminer le moment précis où les organisations criminelles italiennes, russes, balkaniques, japonaises, africaines, indiennes, sont devenues déterminantes pour l'économie mondiale. A savoir : au second semestre de l'année 2008, quand le manque de liquidités est devenu le principal problème du système bancaire, écrit Saviano dans La Repubblica.

    HSBC et les cartels mexicains

    De récents scandales, souligne Saviano dans l'article du New York Times, ont confirmé les relations incestueuses entre "bankers" et "gangsters". Depuis le mois dernier, la justice américaine enquête en effet sur le rôle de la banque britannique HSBC dans une affaire de blanchiment d'argent sale issu des cartels de la drogue mexicains. S'appuyant sur un rapport accablant du Sénat américain, le New York Times a révélé que la filiale mexicaine de HSBC avait transféré 7 milliards de dollars d'argent sale des cartels vers HBUS, la filiale américaine de HSBC. La banque aurait aussi contourné les lois américaines pour transférer de l'argent en direction de régimes soumis à des sanctions américaines, l'Iran, le Soudan et la Corée du nord. Mais HSBC n'est pas la seule. ABN Amro, Barclays, Credit Suisse, Lloyd's ou encore ING ont admis avoir effectué des transactions avec Cuba, la Libye, le Soudan, etc. 

    Dépendantes des liquidités des organisations criminelles, les banques occidentales ont donc massivement et sans complexe blanchi l'argent de la drogue. La City de Londres et Wall Street sont ainsi devenues, selon le journaliste italien, "les deux plus grandes blanchisseuses d'argent sale du monde", bien devant les îles Caïmans, l'île de Man et les autres paradis fiscaux. 

    Ce poids des organisations criminelles sur le système économique en temps de crise nous oblige à renforcer les mécanismes de contrôle sur le secteur bancaire et à approfondir la lutte contre le blanchiment, martèle Saviano. Un appel que les acteurs de la lutte antimafia, notamment en Italie, ont aussi relayé. Cité par La Repubblica, le procureur national antimafia italien Piero Grasso estime que le gouvernement italien doit impérativement réformer ses mécanismes législatifs et que l'Europe doit se doter au plus vite d'un "code pénal antimafia unique". 

    Confirmant l'analyse du journaliste, Piero Grasso précise que les premières auditions des nouvelles commissions antimafia européennes [mises en place en avril dernier] évoquent largement ce processus de blanchiment d'argent sale. "La N'Drangheta [mafia calabraise] a récemment blanchi 28 millions d'euros en quelques heures en acquérant un quartier entier en Belgique", a déclaré il y a peu Sonia Alfano, à la tête de la nouvelle commission anti-mafia du Parlement européen. 

    L'Europe du sud gangrénée

    La Grèce et l'Espagne comptent parmi les pays européens les plus touchés par la crise et ils sont aussi littéralement gangrénés par la corruption et le crime organisé. C'est pourquoi ils constituent deux exemples révélateurs des liens qui se nouent entre mafia, finance et crise, estime Saviano, qui consacre une large partie de son enquête aux deux pays. 

    Au même niveau que la Colombie dans le classement de l'ONG Trasparency international sur l'indice de corruption, la Grèce est une "terre d'investissement mafieux", où une soixantaine de familles mafieuses russes prospère depuis plusieurs années. Or en Grêce comme ailleurs, la crise n'a fait que renforcer la mainmise des réseaux mafieux sur le système bancaire. "A cause de la crise, les Grecs ont dû puiser dans leur épargne : environ 50 milliards d'euros ont ainsi été prélevés dans les banques grecques entre 2009 et 2011. Les possibilités légales de souscrire un prêt venant à manquer, de plus en plus de gens ont recours à des emprunts illégaux", écrit Roberto Saviano. 

    Le journaliste évoque ainsi un gigantesque marché noir de prêts illégaux en Grèce, dont le chiffre d'affaires s'élèverait à 5 milliards d'euros par an. Chiffre qui aurait quadruplé depuis le début de la crise en 2009. En janvier dernier, une organisation criminelle active depuis plus de quinze ans et composée d'une cinquantaine d'"usuriers" a été démantelée à Thessalonique (deuxième ville du pays). Elle prêtait à des taux d'intérêt compris entre 5 et 15 % par semaine et "punissait" les mauvais payeurs. 1 500 à 2 000 personnes auraient été victimes de ce réseau, dirigé par le propriétaire d'un restaurant et deux frères impliqués dans des trafics de drogue. D'après le ministère des Finances grec, la plupart des opérations usurières de ce type sont liées à l'activité de bandes criminelles originaires des Balkans et d'Europe de l'Est. 

    L'autre grand marché noir qui empoisonne les finances de l'Etat grec est celui du pétrole. On estime qu'environ 20 % de l'essence vendue en Grèce provient du marché illégal : il s'agirait d'une essence composée d'un mélange de carburant acheté légalement et de carburant acquis sur le marché noir. Un moyen pour les revendeurs de se faire une marge importante et d'éviter les taxes - une manne financière importante qui échappe à l'Etat.

    L'Espagne, elle aussi, est "colonisée par des groupes mafieux autochtones (les Galiciens, les Basques et les Andalous) et par des organisations étrangères (italiennes, russes, colombiennes et mexicaines), affirme Roberto Saviano. "Historiquement, l'Espagne a toujours été un refuge pour les parrains italiens en cavale. (…) Même si la lutte antimafia espagnole a progressé, le pays offre toujours de grandes opportunités de blanchiment, maximisées par la crise en Europe. Le boom immobilier qu'a connu l'Espagne entre 1997 et 2007 a constitué une manne pour ces organisations, qui ont investi leurs gains dans la pierre ibérique". De plus, selon le journaliste italien, la Grèce et l'Espagne sont les "portes d'entrée des routes de la cocaïne en Europe". Les trafiquants, essentiellement issus des rangs de la Camorra [mafia napolitaine], ont fait de l'Espagne une plaque tournante de leur trafic en direction des pays européens.

    Le "Vegas" espagnol, future plaque tournante ?


    "Dans ce contexte, le projet Eurovegas du magnat américain Sheldon Adelson de construire en Catalogne, en investissant 35 milliards de dollars, un complexe de casinos, d'attractions et de structures touristiques sur le modèle de Las Vegas, risque de transformer ces lieux en un des principaux centre de blanchiment d'argent sale de l'Occident", affirme l'auteur de Gomorra

    Etant donné les intérêts colossaux en jeux, quel est la capacité d'action du pouvoir politique ? Difficile de réduire les Etats à un simple rôle de victime et de spectateur passif. En Afrique, en Amérique latine, dans les Balkans et en Europe de l'est, les entreprises criminelles agissent à une telle échelle qu'il est impossible que les gouvernements ne soient pas partie prenante, estime l'écrivain et chroniqueur d'origine vénézuélienne Moisés Naim dans une tribune de La Repubblica.

    "Roberto Saviano a bien fait de soulever le problème, écrit Moisés Naim,(…) mais je serais un peu moins pessimiste [que lui] sur l'Europe, Espagne et Grèce comprises. La corruption y est très importante, certes, mais on ne peut pas parler d'"Etats mafieux" pour autant. (…). Dans un Etat mafieux, au départ, les criminels s'infiltrent dans le gouvernement, ils s'enrichissent et enrichissent leurs collaborateurs, leurs amis et les membres de leur famille, et exploitent leur influence politique et les liens qu'ils peuvent avoir avec le crime organisé pour cimenter et étendre leur pouvoir".
     
     
  • La nouvelle BD érotique et porno, bandante et stylée

    Une bande d’auteurs s’empare de la BD cul et réinvente le genre. Autobiographique, décalée, plus seulement masturbatoire : Rue89 espère vous donner envie.

    La BD pour adultes a perdu une de ses vocations premières : la masturbation. Autobiographique ou décalée, elle fait travailler le fantasme et enterre une bonne fois pour toutes les soubrettes et les parties de cul en costume qui la ringardisaient. Les BD érotiques et porno ne se planquent plus au fond des librairies et exhibent désormais des univers graphiques et des scénarios élaborés.

    Cette rentrée littéraire s’érotise gentiment sous les plumes et pinceaux de Chester Brown et de ses splendides « 23 prostituées » (Ed. Cornélius).

    Préfacée par ce vieil obsédé de Robert Crumb, la BD raconte comment, après une rupture et trois ans d’abstinence, Chester Brown décide de ne plus faire l’amour qu’avec des prostituées. Ici, les corps nus servent l’autobiographie et les réflexions incessantes du héros sur chacune des 23 filles auprès desquelles il cherche du réconfort.

    Au final, la BD décrit le métier sans lyrisme et devient un plaidoyer pour la libéralisation de la prostitution.


    Extrait de « 23 prostituées » de Chester Brown (p 119) (Chester Brown/Cornelius)

    Chester Brown n’est pas un auteur de BD érotique à proprement parler, mais il incarne bien une des évolutions autobiographiques du genre et un érotisme ultracérébral où s’illustrent aussi Loïc Néhou et Frédéric Poincelet dans « Essai de sentimentalisme » (Ego comme X).

    Du cul « Kitsch et décalé »

    Diamétralement opposé « avec des mises en page très visuelles et très provocantes », Joan Sfar sort un nouvel album, « Tokyo », dans lequel il « essaye de revenir aux choses les plus imbéciles et les plus puissantes qu’on a en bande dessinée, c’est-à-dire le sexe et la violence ».

    La BD mêle photos et dessins. Sans avoir rien de pornographique, c’est sans doute l’œuvre la plus sexy de Sfar. Elle mélange histoires de fesses, scénario pompier et gaudrioles en tout genre, et campe des filles en mini-short, des flingues et des crocodiles sur fond de tournage de film porno.

    JOANN SFAR ÉVOQUE SA DERNIER BANDE DESSINÉE « TOKYO » (DARGAUD)

    Beaucoup plus chaude, la nouvelle collection « BD cul » des Requins Marteaux mise sur des signatures inattendues comme Aude Picault ou Bastien Vivès, très en vogue en ce moment.

    Avec une pointe de nostalgie, les albums remettent au goût du jour les petits formats, ces bandes dessinées bon marché imprimées à partir des années 50.

    « On trouve aujourd’hui de la BD érotique bien faite et excitante mais c’est difficile de se branler dessus. C’est de la BD qui n’est pas faite pour ça », observe Bastien Vivès, auteur du récent « Melons de la colère ».

    C’est le « ton kitsch et décalé » de la collection qui a séduit ce dessinateur né en 1984. Passé l’exercice de style, « le challenge était de ne pas se rater. Il n’y a rien de pire que de produire une BD érotique chiante, pas excitante ».


    Extrait des « Melons de la colère » de Bastien Vives (Requins Marteaux)

    D’autant qu’« il y a de fortes chances pour que l’adepte de BD érotique et porno satisfasse déjà quelques fantasmes sur Internet ou en consommant des photos, des vidéos ».

    Parmi les auteurs actuels, c’est Morgan Navarro (né en 1975) qui conjugue sans doute avec le plus de singularité excitation sexuelle, drôlerie et travail d’auteur.

    Son « Teddy beat » pulvérise tous les codes d’un « genre tracé ». Ici, on a affaire à un univers graphique un peu surréaliste, avec des femmes à tête d’ampoule et des personnages animalisés.


    Extrait de « Teddy Beat », de Morgan Navarro (Navarro/Requins Marteaux)

    L’auteur a reçu le prix de l’audace des mains d’un Art Spiegelman conquis, au dernier festival d’Angoulême.

    « On a beau parler d’érotisme, j’ai beaucoup joué avec les codes du porno, il y a des gros plans. Je tenais à faire un truc excitant, bandant.

    Teddy beat, c’est pas le gros porc de service qu’on voit dans les films de cul. Mais c’est un bouquin pour lequel je ne me suis pas posé beaucoup de questions.

    Le scénario, je me le suis fait dans ma tête depuis des annnées. Ce sont des scénarios de branlette. Pour le reste, j’ai joué pas mal avec le porno moderne pas trop crade, un peu gentil, avec des jolies filles. »

    La BD érotique se féminise


    Couverture de « Giovanna ! Si ! » (Cassotto/La Musardine)

    Morgan Navarro revendique peu de références en matière de BD érotique, mais cite volontiers Giovanna Cassoto(née en 1962), à qui l’on doit « Giovanna ! Si ! » et « Pornostar ».

    Avec Aurélia Aurita (« Fraise et chocolat »), Mélinda Gebbie mais aussiNine Antico ou Aude Picault, Giovanna Cassotto fait partie des auteures qui féminisent un genre qui compte encore une écrasante majorité d’hommes.

    Selon Vincent Bernière, directeur de la collection Erotix, chez Delcourt et auteur d’une belle « Anthologie de la bande dessinée érotique » (à paraitre le 5 septembre, Beaux Arts éditions), les BD érotiques ou porno des dessinatrices sont souvent « plus cérébrales » ou « à vocation moins masturbatoire que celles des mecs ».

    « La BD érotique d’aujourd’hui est un délire cérébral, tu te racontes des histoires et le désir monte. On pourrait croire que la BD érotique débande mais le dessin agit comme du Viagra... Alors non, bien sûr qu’elle bande encore. »


    Extrait de « Comtesse », d’Aude Picault (Picault/ Requins Marteaux)

    Le manga, dernier bastion de la BD masturbatoire

    Finalement, le manga reste aujourd’hui le dernier bastion du porno trash, avec ses codifications et ses sous-genres : du hentai qui prolifère en version animée sur des sites porno comme Redtube ou Youporn au ecchi, plus gentil.

    Une flopée de mangas hardcores, ouverts à toutes les pratiques sexuelles circurlent sur Internet.

    Bastien Vivès estime qu’« aujourd’hui, du côté du manga, on trouve tout ce qu’on veut ».

    « Et c’est hyperciblé, avec des scénarios hyperprécis Si on aime les corps amputés ou je ne sais quoi, on trouve. Moi j’étais à fond sur les gros seins, j’ai trouvé mon bonheur. »

    « Il y a souvent la fascination des petites filles qui ne passe pas en France », ajoute Vincent Bernière.

    « Au Japon, le dessin permet beaucoup de choses parce que le lecteur fait la différence. »

    Assez envoûtante, la série « Step Up Love Story » propose une initiation sexuelle dans un style plutôt soft (mais interdit aux moins de 15 ans). Comme souvent, les corps sont dépourvus de poils pubiens, le dessin d’un sexe en érection se fait volontiers métaphorique (une banane épluchée, une floraison).

    En tout, 19 millions d’exemplaires de la série ont déjà été écoulés au Japon et le volume 39 est sorti en France en juillet, aux éditions Pika.


    Extrait de « Step up love story » de Katsu Aki (Katsu Aki/Pika)


    Extrait de « Step up love story » de Katsu Aki (Katsu Aki/Pika)

    En France, la frilosité des éditeurs endigue la majeure partie des productions érotiques et porno de manga.

    « Au niveau de la censure, ce sont toujours les éditeurs les plus inquiets », souligne Vincent Bernière. Même si en France, « il y a une liberté totale dont les auteurs ne s’emparent pas tout à fait ».

    Les pères du genre sont réédités


    Couverture « Le déclic », intégralement rééditée (Manara/Drugstore)

    Joann Sfar renvoie aux vieux albums de Métal Hurlant et à RanXerox, héros deTanino Liberatore. Idem pour Morgan Navarro, qui cite aussi Georges Pichard, et sa série « Paulette ».L’écrasante majorité des dessinateurs actuels s’inspirent des pères de la BD érotique.

     

    Le fait que de nombreux auteurs des années 70 et 80 connaissent actuellement une seconde jeunesse n’y est sans doute pas étranger. Car la BD adulte – son marché notamment – résiste aussi grâce à un précieux travail de réédition.

    Sur leur label Drugstore, les éditions Glénat rééditent un des maîtres de la BD érotique des années 80, Milo Manara (« Le Déclic », « Les Aventures de Guiseppe Bergman »).

    Depuis 2009, chez Delcourt, « la collection Erotix réédite des classiques qu’on ne trouvait plus », insiste son directeur Vincent Bernière : des BD qui ont marqué l’histoire du genre, comme celles de Guido Crépax (« Emmanuelle », « Justine » et « Histoire d’O ») ou Magnus (« Les 110 pilules »).


    Extrait de « 110 pilules » (Magnus/Delcourt)

    Dans un style ouvertement pornographique, on redécouvre aussi un ovni comme« Filles perdues », signé par l’auteur de « Watchmen », Alan Moore et son épouse Melinda Gebbie. Ce trésor de perversion est – après moult déboires d’édition – traduit seulement depuis 2008.


    Extrait de « Filles perdues » d’A. Moore et M. Gebbie (p. 44) (Moore-Gebbie/Delcourt)


    Extrait de « Filles perdues » d’A. Moore et M. Gebbie (p. 119) (Moore-Gebbie/Delcourt)

    En marge de ces rééditions, signalons aussi le travail du label Dynamite, à la Musardine, qui publie des auteurs comme Bruce Morgan ou Ardem ou encore celui des éditions Tabou qui continuent d’élargir leur catalogue.

    Internet, découvertes et archives

    De manière plus informelle, le Web est aussi devenu une mine d’or en matière de BD adulte.

    L’excellente plateforme Grandpapier publie des récits en ligne et des BD sous différents formats numériques. De nombreux auteurs passant sous le radar des éditeurs y présentent leurs créations et chez certains d’entre eux se montrent plutôt inspirés en matière d’érotisme, comme Grisfx ou Big Ben.


    Extrait de « Gourmandise », de Grisfx (Grisfx)

    Outre les tonnes de manga qui circulent, c’est aussi sur Internet que les nostalgiques célèbrent un des âges d’or de la BD érotique avec les Tijuana Bibles des années 30 .


    Extrait d’une « Tijuana Bible » anonyme(DR)

    On les appelle aussi « Dirty Comics » ou « Eight pagers », en raison du format des fascicules bon marché, qui circulaient sous le manteau.

    Les sites d’amateurs comme Tijuana-Bible ou les blogs de collectionneurssont très riches et archivent cette iconographie vintage géniale, souvent anonyme et satirique, qui détourne notamment les icônes populaires de l’entre-deux-guerres.

    Entre créations, rééditions et transmission sur le web, la bande dessinée adulte a donc non seulement de beaux restes, mais aussi de beaux jours devant elle.

     

     

    Aurélie Champagne

  • SI LE MANGA M’ÉTAIT CONTÉ

    27 août 2012

    SI LE MANGA M’ÉTAIT CONTÉ

    Trait de sparation

    Le mangaka Yoshihiro Tatsumi raconte dans une fresque autobiographique la construction du manga moderne et les évolutions culturelles du Japon d’après-guerre



    Dans les librairies de prêt des villes japonaises d’après guerre, les mangas sont bien minces. Pourtant, malgré la pénurie généralisée, les magazines publiant ces petites bandes dessinées de quatre cases fleurissent. Pour cinq yens les trois tomes -à lire sur place- nombreuses sont les têtes brunes à se plonger en silence dans la lecture, à même le sol de leur bouquiniste favori. Yoshihiro Tatsumi est de ceux-là. Ces petits ouvrages de papier recyclé tombent dans les mains de ce garçon d’Osaka et déclenchent une passion qui ne le quittera plus. Du haut de ses 10 ans, il exerce sa plume sans relâche, espérant voir son travail publié un jour.


    C’est le début d’une carrière de mangaka, retracée dans une somme autobiographique en deux tomes, aujourd’hui publiée en France : Une vie dans les marges raconte la naissance du manga moderne ; c’est aussi, en creux, l’incroyable épopée d’un pays en ruine devenu en un demi-siècle la deuxième puissance mondiale et un foyer culturel majeur.

    JPEG - 181.6 ko
    NB : la lecture se fait de droite à gauche.


    Jeune auteur, Yoshihiro Tatsumi aspire déjà à dépasser les marges classiques du manga traditionnel : caractérisé par un format court, un registre comique, un dessin exagéré et résumé aux traits principaux, ce manga se destine surtout aux enfants. Tandis que la société nippone s’ouvre à la culture occidentale, il parcourt les bibliothèques, s’imprègne des romans de Jules Verne, des pièces de Shakespeare, des aventures sombres d’Arsène Lupin et des récits du genre Hard Boiled, un style américain de polar particulièrement sombre et cru. Le cinéma, nouveau loisir des Japonais dans les années 50, alimente lui aussi son imaginaire ; westerns américains etfilms d’action l’impressionnent et l’inspirent.


    Tatsumi expérimente de nouvelles formes et des thèmes jusque là jamais scénarisés dans un manga- monstre envahissant la ville, à l’image de Godzilla ; meurtres et enquêtes ; catastrophes sociales…


    « Faire un manga qui ne serait pas un manga », devient son objectif, bientôt partagé par le petit groupe d’auteurs dans lequel il s’insère. Ses acolytes s’appellent Matsumoto, Isojima, Saito… aujourd’hui des grands noms de l’histoire du manga. Tous publient au sein d’Hinomaru Bunko, maison d’édition basée à Osaka et noyau expérimental très prometteur. Ensemble, ils fondent la revue policière Kage, dont Tatsumi sera un temps rédacteur en chef. Malgré les dissensions et les désaccords qui marquent leur cercle, les jeunes mangakas cherchent une nouvelle appellation à leur genre. Tatsumi en est l’inventeur : le gekiga – littéralement, « images dramatiques »- désigne un manga réaliste, détaillant la psychologie des personnages, proposant un dessin travaillé, et un contenu axé sur des thématiques sombres et destinées aux adultes.


    Les 800 pages d’Une vie dans les marges révèlent un milieu éditorial et artistique en pleine ébullition. De fréquents apartés historiques éclairent les mutations progressives de la société japonaise : premières victoires sportives, émergence de groupes de musiques, feuilletons radiophoniques à la mode, dernières innovations technologiques, tissent une trame de fond sur laquelle le lectorat comme le milieu des mangakas évoluent. Au fil de ces transformations, le gekiga a été critiqué par certains dessinateurs de mangas. Le genre a même été taxé d’incitation au crime au Japon. Yoshihiro Tatsumi, lui, aura passé sa vie à le défendre.


    Victoria Scoffier

  • Ethylotests obligatoires

    A propos des éthylotests obligatoires dans quelques jours…

    Voilà un scandale qui, s'il était connu d'un grand nombre de Français ferait sans doute une onde de choc à travers tout le pays...

    Voilà un scandale qui, s'il était connu d'un grand nombre de Français ferait sans doute une onde de choc à travers tout le pays...  Vous savez sans doute que le gouvernement a récemment publié un décret qui oblige chaque automobiliste à détenir dans sa voiture un éthylotest – enfin deux, l'un pour se tester en cas de doute, et l'autre à présenter aux gendarmes en cas de contrôle. Officiellement, le but est de lutter contre l'alcoolisme au volant. Tout le monde aimerait voir moins de drames sur la route liés à l'alcool,  c'est incontestable. Mais je vais vous montrer qu'il s'agit de bien autre chose ici...  L'affaire est tellement scandaleuse qu'il fallait absolument que je vous envoie un mail pour vous informer ! 

    Alors, voilà ce qui se passe : En juillet, une association, "I-Test" se crée pour militer en faveur d'éthylotests obligatoires dans toutes les voitures. Ils interpellent le Ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, et hop quelques mois plus tard le décret sort. La nouvelle infraction est créée, avec une amende de 17 euros à la clef.  Quand on sait qu'il faut des années d'habitude pour obtenir quoi que ce soit quand on est une association, nous avons été saisis par cette rapidité !  Vous le savez, ici à la Ligue de Défense des Conducteurs, nous enquêtons depuis plus de trois ans sur la répression routière – il ne nous a pas fallu longtemps pour découvrir le pot aux roses !  Qui sont les membres de cette "association" ? S'agit-il, comme on aurait pu le croire, d'un collectif de familles qui ont perdu un proche sur la route à cause d'un chauffard qui avait trop bu ?  Pas du tout : ce sont tout simplement... des fabricants d'ethylotests ! 

    Le Président de "l'association" est chargé de mission chez Contralco, le plus grand fabricant d'éthylotests chimiques (les fameux "ballons"). 

    Et là, il vient de réussir un coup de maître : assurer à sa boîte un marché 100 % garanti sur 38 millions de voitures ! 

    Le calcul est vite fait : 38 millions de voitures x 2 éthylotests à 1€ pièce = 76 millions d'euros garantis dès l'application du décret en juillet prochain. 

    Mieux : le décret comporte une obligation de norme NF pour les éthylotests... norme que cette entreprise est la seule à avoir ! 

    Voilà : un marché juteux, 100 % garanti, qui va rapporter des millions à une grosse entreprise...Et nous, on vient nous dire que c'est pour notre sécurité ? Et que si l'éthylotest venait à manquer dans notre boîte à gants, ce serait tellement grave qu'on devrait payer une amende ? Franchement, de qui se moque-t-on ? 

    M'aider à faire connaître ce scandale au plus grand nombre de Français possible, en transférant ce message à tous vos amis, vos proches, ou vos collègues. Ne les laissez pas tomber dans le piège de la propagande des pouvoirs publics qui utilisent la sécurité routière comme un alibi pour engraisser un business juteux.

    Je vous remercie. 

    Bien cordialement,

    Christiane Bayard 

    Secrétaire Générale LIGUE DE DEFENSE DES CONDUCTEURS

    116, rue de Charenton 75012 PARIS 

     

    Quand on sait que les éthylotests ont une date d'utilisation d'environ 6 mois, on voit le bénéfice pour cette société ...... De plus, en regardant de plus près, on s'aperçoit que les éthylotests doivent être conservés entre 10 et 40 degré maxi ......

     Quand on connaît la température qu'il fait dans un véhicule en pleine chaleur ...... autant dire que l'on nous fait jeter notre argent par les fenêtres pour engraisser les copains de Monsieur GUEANT !!!!!!!! 

     Pour ma part je refuse de m'y plier et je vous invite à en faire autant et de diffuser ces infos à l'ensemble de vos amis pour qu'un vent de contestation contre cette mesure se lève !!!!!!

     

  • LES NOUVEAUX CHIENS DE GARDE

     

     

     

     

    GIF - 25.8 ko

    La critique des médias, pourquoi faire ?

     

    par Henri Maler, fondateur et co-animateur d’Acrimed

    Acrimed | Action Critique Médias

    Depuis une quinzaine d’années, des livres (comme ceux de Pierre Bourdieu et Serge Halimi), des films (comme ceux de Pierre Carles), des journaux (comme PLPL, puis Le Plan B) et l’association Acrimed (son site et désormais, Médiacrique(s), son magazine) contribuent à une critique radicale et intransigeante des médias qui s’était assoupie pendant les décennies précédentes.

    Cette critique s’étend à la contestation en actes fomentée par des médias associatifs et alternatifs et à la résistance pratiquée par les soutiers de l’information avec le soutien des syndicats de journalistes. Elle se diffuse sur des sites indépendants et de nombreux blogs.

    Ses cibles ? L’ordre médiatique existant et ses gardiens. La soumission des capitaineries industrielles et des chefferies éditoriales au capitalisme dans sa version néolibérale, leur contribution à l’anémie du pluralisme politique et, plus généralement, les effets ravageurs de la logique du profit sur l’information, sur la culture et, dans des professions minées par une précarité grandissante, sur les conditions d’activité des journalistes et des créateurs. Sans oublier les menaces qui pèsent sur la neutralité d’Internet et la liberté de ses usagers.

    Ses enjeux ? Rendre sensible la nécessité, voire l’urgence de transformations en profondeur et d’une appropriation démocratique des médias et, dans ce but, faire ou refaire de la question des médias la question démocratique et donc politique qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être. Formuler des projets et leur accorder une place à la mesure du défi que représente la conjugaison de la révolution numérique et de la contre-révolution libérale. Et, par conséquent, rompre avec la politique des rustines et des placebos que résument des propositions minimalistes et intermittentes gagées sur les seules échéances électorales.

    Si un autre monde est possible, d’autres médias le sont aussi. Pour qu’un autre monde soit possible, d’autres médias sont nécessaires.