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  • LES NOUVEAUX CHIENS DE GARDE

     

     

     

     

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    La critique des médias, pourquoi faire ?

     

    par Henri Maler, fondateur et co-animateur d’Acrimed

    Acrimed | Action Critique Médias

    Depuis une quinzaine d’années, des livres (comme ceux de Pierre Bourdieu et Serge Halimi), des films (comme ceux de Pierre Carles), des journaux (comme PLPL, puis Le Plan B) et l’association Acrimed (son site et désormais, Médiacrique(s), son magazine) contribuent à une critique radicale et intransigeante des médias qui s’était assoupie pendant les décennies précédentes.

    Cette critique s’étend à la contestation en actes fomentée par des médias associatifs et alternatifs et à la résistance pratiquée par les soutiers de l’information avec le soutien des syndicats de journalistes. Elle se diffuse sur des sites indépendants et de nombreux blogs.

    Ses cibles ? L’ordre médiatique existant et ses gardiens. La soumission des capitaineries industrielles et des chefferies éditoriales au capitalisme dans sa version néolibérale, leur contribution à l’anémie du pluralisme politique et, plus généralement, les effets ravageurs de la logique du profit sur l’information, sur la culture et, dans des professions minées par une précarité grandissante, sur les conditions d’activité des journalistes et des créateurs. Sans oublier les menaces qui pèsent sur la neutralité d’Internet et la liberté de ses usagers.

    Ses enjeux ? Rendre sensible la nécessité, voire l’urgence de transformations en profondeur et d’une appropriation démocratique des médias et, dans ce but, faire ou refaire de la question des médias la question démocratique et donc politique qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être. Formuler des projets et leur accorder une place à la mesure du défi que représente la conjugaison de la révolution numérique et de la contre-révolution libérale. Et, par conséquent, rompre avec la politique des rustines et des placebos que résument des propositions minimalistes et intermittentes gagées sur les seules échéances électorales.

    Si un autre monde est possible, d’autres médias le sont aussi. Pour qu’un autre monde soit possible, d’autres médias sont nécessaires.

  • Les nouveaux chiens de garde


    Extraits de Les Nouveaux chiens de garde, Liber-Raisons d’Agir, 1997

    Les nouveaux chiens de garde

     

    Par Serge Halimi

    La construction de « l’intérêt du public »

    L’intérêt que nous éprouvons pour un sujet nous vient-il aussi naturellement que le prétendent les fabricants de programmes et de sommaires ? N’est-il pas plutôt construit par la place qui précédemment lui a été accordée dans la hiérarchie de l’information ? Lorsque la mort de Lady Diana fut annoncée (Le Monde y consacra trois « unes », TF1 un journal exceptionnellement prolongé qui, pendant 1 heure 31 minutes, ne traita que de ce seul sujet), comment quiconque aurait-il pu ne pas être « intéressé » ? Non pas que la nouvelle soit importante (la défunte n’avait aucun pouvoir, hormis celui de doper les ventes de la presse people), mais parce qu’à force d’entendre parler d’elle – de son mariage avec le prince Charles, de la naissance de chacun de ses enfants, de ses amants, des infidélités de son mari, de ses régimes alimentaires, de sa campagne contre les mines antipersonnel – La princesse était, qu’on le veuille ou non, entrée dans nos vies. On en avait appris davantage sur elle que sur bien des membres de notre entourage.

    Alors, forcément, sa mort nous « intéressa ». Peut-être se serait-on intéressé à d’autres sujets si les médias leur avaient consacré autant de temps et de moyens qu’à ce fait divers-là. Car comment peut-on se soucier de ce qui advient en Colombie, au Zimbabwe ou au Timor-Oriental quand on ignore l’existence de ces pays ? Les libéraux insistent sans relâche sur le rôle économique de l’offre. Sitôt qu’il s’agit d’information et de culture, ils prétendent cependant tout expliquer par la demande...

    Une uniformité très naturelle

    L’oubli du monde est idéologie puisqu’il construit un autre monde. Le« fait divers qui fait diversion » est idéologie puisqu’il attire l’attention sur l’anodin, et la détourne du reste. L’audimat aussi est idéologie. Alors président de la Société des journalistes de France 2, Marcel Trillat a expliqué que, grâce à une enquête d’audience minute par minute, la direction de l’information savait ce qui avait marché et ce qu’il fallait éviter.

    Mais, au jeu du spectacle, le résultat est connu d’avance : « Notre public devra se contenter, le plus souvent, de pensée prêt-à-porter, d’“images dramatiques”, de la langue de bois des têtes d’affiche de la politique et de l’économie. De vedettes du show-biz ou du cinéma venues assurer la promotion de leur dernier chef-d’œuvre en direct à 20 heures. Sans parler du record du plus gros chou-fleur de Carpentras ou des vaches envoûtées dans une étable des Hautes-Pyrénées. Au nom de la concurrence, chacun court pour copier l’autre. » Tout est dit. Nulle cabale ou conspiration : l’audimat est niché dans la tête des responsables de rédaction, soucieux de satisfaire les actionnaires et les annonceurs. L’uniformité devient alors chose très naturelle, rythmée par le balancier du marché.

    La résistance par la lucidité

    Parlant des journalistes de son pays, un syndicaliste américain a observé : « Il y a vingt ans, ils déjeunaient avec nous dans des cafés. Aujourd’hui, ils dînent avec des industriels. » En ne rencontrant que des « décideurs », en se dévoyant dans une société de cour et d’argent, en se transformant en machine à propagande de la pensée de marché, le journalisme s’est enfermé dans une classe et dans une caste. Il a perdu des lecteurs et son crédit. Il a précipité l’appauvrissement du débat public. Cette situation est le propre d’un système : les codes de déontologie n’y changeront pas grand-chose. Mais, face à ce que Paul Nizan appelait « les concepts dociles que rangent les caissiers soigneux de la pensée bourgeoise », la lucidité est une forme de résistance.

  • Anonymous,petit historique

    Anonymous, de l’humour potache à l’action politique

    Noir total : le 18 janvier, une myriade de sites Internet, dont l’encyclopédie contributive Wikipédia, baissaient le rideau pour protester contre le Stop Online Piracy Act (SOPA). Sous couvert de lutte contre le partage de fichiers, ce projet de loi américain voulu par le lobby de l’industrie culturelle rendait possible une large censure de la Toile. Il fut ajourné. Le lendemain, le Federal Bureau of Investigation (FBI) fermait le site de téléchargement Megaupload, déclenchant une riposte du collectif Anonymous : les sites de la Maison Blanche et d’Universal Music, notamment, étaient touchés. De New York au Caire en passant par Tunis, des réseaux virtuels à la rue, une nouvelle culture de la contestation a émergé. Ceux qui l’ont forgée découvrent à la fois l’étendue et les limites de leur pouvoir.

    par Felix Stalder, février 2012

    Spectaculaires, les attaques informatiques menées au nom de la liberté d’expression et de la justice sociale sous l’étiquette « Anonymous » se multiplient. Dernières cibles en date : le site d’ArcelorMittal en Belgique, au début de janvier, pour protester contre la fermeture de deux hauts fourneaux ; le site du cabinet de renseignement privé américain Stratfor, sur lequel ont été dérobées des dizaines de milliers de données personnelles ; le ministère de la défense syrien, en août 2011, ou avant cela, en juin, le site de la police espagnole, après l’arrestation de trois membres supposés d’Anonymous dans ce pays.

    Qui se cache derrière ce masque ? Hackers d’élite, ados ignorants, dangereux cyberterroristes, simples trolls (« perturbateurs ») à l’humour potache ? Aucune de ces définitions n’est fausse, car chacune rend compte d’une facette du phénomène. Cependant, toutes passent à côté de l’essentiel : Anonymous n’est pas un, mais multiple ;

    il ne s’agit ni d’un groupe ni d’un réseau, mais d’un collectif ou, plus précisément, de collectifs qui s’appuient les uns sur les autres.

    A sa manière — extrême —, Anonymous est emblématique des mouvements de contestation qui s’étendent depuis 2011 aussi bien dans le monde arabe qu’en Europe et aux Etats-Unis. Le gouffre qui sépare ceux-ci des systèmes politiques qu’ils contestent se manifeste dans des formes d’organisation radicalement opposées. D’un côté, des structures hiérarchisées, avec des dirigeants habilités à parler au nom de tous par des procédures de délégation de pouvoir, mais dont la légitimité a été affaiblie par la corruption, le favoritisme, le détournement des institutions. De l’autre, des collectifs délibérément dépourvus de chefs, qui rejettent le principe de la représentation au profit de la participation directe de chacun à des projets concrets. Leur diversité permet que la prise de décision se fasse par agrégation rapide de participants sur un sujet précis, plutôt qu’en dégageant une majorité officielle. L’establishment politique juge ces formes d’organisation inintelligibles et exprime sa stupeur face à l’absence de revendications concrètes qu’il pourrait relayer.

    Ces collectifs temporaires — qu’on peut aussi décrire comme des « essaims », swarms en anglais (1) — se composent d’individus indépendants utilisant des outils et des règles simples pour s’organiser horizontalement. Comme le sou- ligne le fondateur du Parti pirate suédois, M. Rick Falkvinge, « tout le monde étant volontaire (...), la seule façon de diriger consiste à emporter l’adhésion d’autrui (2) ». Ainsi, la force du collectif vient du nombre de personnes qu’il regroupe et de l’éclairage qu’il jette sur leurs projets divers et indépendants.

    Un collectif naît toujours de la même manière : un appel à la mobilisation avec, en regard, des ressources pour une action immédiate. Spécialiste des médias sociaux, Clay Shirky a identifié trois éléments indispensables à l’apparition de ce type de coopération souple : une promesse, un outil, un accord (3). La promesse réside dans l’appel, qui doit être intéressant pour un nombre critique d’activistes et dont la proposition doit sembler réalisable. Il peut s’agir, par exemple, d’attaquer tel ou tel site gouvernemental en réponse à la censure. Des outils disponibles en ligne, comme le fameux logiciel Low Orbit Ion Cannon (LOIC), ainsi nommé en référence à La Guerre des étoiles,permettent de coordonner les démarches dispersées des volontaires. L’accord porte sur les conditions que tout un chacun accepte en entrant dans l’espace collectif de l’action.

    « Foutage de gueule ultracoordonné »

    Au fil du temps, les trois dimensions peuvent évoluer et le collectif, grandir, changer d’orientation, se désagréger. Afin qu’il ne disparaisse pas aussi vite qu’il est apparu, il faut un quatrième élément, un horizon commun qui « permette aux membres dispersés d’un réseau de se reconnaître mutuellement comme vivant dans le même univers imaginaire de référence », ainsi que l’écrit le critique d’art et essayiste Brian Holmes (4). C’est ici qu’intervient le fameux masque d’Anonymous. Identité ouverte, résumée par quelques slogans assez généraux, des éléments graphiques et des références culturelles partagées : chacun peut s’en revendiquer — mais cela n’a de sens que si l’on partage le même esprit, le même humour, les mêmes convictions antiautoritaires et la même foi dans la liberté d’expression.

    Le président français Nicolas Sarkozy avait beau appeler de ses vœux, lors du e-G8 de Paris, en mai 2011, un « Internet civilisé », les recoins sombres où tout est possible continuent d’exister. Le site 4chan.org, forum créé en 2003, simple d’un point de vue technique et plébiscité par les internautes, est emblématique de la démarche : on peut y poster textes et images sans s’inscrire, les messages étant signés « Anonymous ». Son forum le plus fréquenté, /b/, n’obéit à aucune règle en matière de contenu. Le site ne mémorise pas les billets : les messages qui ne suscitent aucune réponse sont rétrogradés en bas de liste avant d’être effacés, ce qui arrive généralement en l’espace de quelques minutes. Rien n’est archivé. La seule mémoire qui vaille est celle des internautes. Une logique qui a ses avantages et ses inconvénients : tout ce qui est difficile à retenir et qui n’est pas répété disparaît.

    Pour ne pas sombrer dans l’oubli, quantité de ces messages prennent chaque jour la forme d’appels à l’action — par exemple, une invitation à vandaliser telle page de l’encyclopédie en ligne Wikipédia. Si l’idée séduit un nombre suffisant d’internautes, un petit essaim s’abat sur la cible. Pour le simple plaisir. La répétition et l’engagement ont créé une culture où disparaissent les individualités et les origines, une tradition du« foutage de gueule ultracoordonné », selon l’expression d’un hacker interrogé par Gabriella Coleman, anthropologue de la culture geek (5).

    En cinq ans, ces internautes sont devenus des Anonymous, terme générique ou avatar d’une identité collective. Leur habitude de l’outrance induite par l’anonymat va de pair avec une profonde méfiance envers toute forme d’autorité tentant de réguler la parole sur Internet, pour des prétextes jugés parfaitement hypocrites comme la lutte contre la pornographie enfantine.

    Ce n’est donc pas un hasard si, au cours de l’hiver 2008, des internautes ont adopté cette identité pour s’attaquer à l’Eglise de scientologie. La guerre avait été déclarée une dizaine d’années auparavant par les hackers ; ceux-ci révélaient fraudes et manipulations, tandis que l’Eglise de scientologie mobilisait des moyens considérables pour faire disparaître les informations gênantes et détruire la réputation des personnes qui la critiquaient. Les Anonymous s’en mêlèrent quand la secte tenta d’empêcher la circulation d’une vidéo de propagande dans laquelle l’acteur Tom Cruise, haut responsable de l’Eglise, semblait mentalement déséquilibré. En réponse à l’inévitable rafale de procès, une vidéo faussement sérieuse des Anonymous annonça la destruction prochaine de la secte. Il s’ensuivit, sur différents forums de discussion, une période de polémiques virulentes, à l’issue de laquelle s’élabora une combinaison spécifique promesse-outil-accord.

    Au-delà des actions en ligne, une journée mondiale d’action fut organisée. Des manifestations eurent lieu le 18 février 2008 dans quatre-vingt-dix villes d’Amérique du Nord, d’Europe, d’Australie et de Nouvelle-Zélande. Afin d’échapper aux représailles de la secte, bon nombre de manifestants portaient le désormais célèbre masque de Guy Fawkes, rebelle catholique anglais du XVIe siècle, imitant ainsi le héros de V pour Vendetta, la bande dessinée d’Alan Moore et David Lloyd dont l’histoire se déroule dans un monde totalitaire. Pour la première fois, des membres d’Anonymous se rencontrèrent physiquement, établissant la jonction avec des militants plus traditionnels.

    Ces manifestations demeurèrent le principal objectif politique des Anonymous pendant les deux années qui suivirent. Puis, en septembre 2010, un collectif se forma autour de la campagne Operation Payback. Celle-ci débuta par une attaque contre Airplex Software, société indienne missionnée pour s’en prendre au site d’échange de fichiers The Pirate Bay. La campagne s’étendit aux sites de la Motion Picture Association of America (MPAA) et d’organismes prônant, sous prétexte de lutter contre les échanges de fichiers, le contrôle d’Internet. Cri de ralliement : « Ils parlent de piratage, nous parlons de liberté ! »

    Au cours de ces actions, l’identité politique des Anonymous se précisa ; leurs moyens techniques et leurs stratégies se sophistiquèrent. En décembre 2010, quand WikiLeaks fut empêché de recevoir des dons après avoir publié des câbles diplomatiques (6), Operation Payback refit surface et attaqua les sites de MasterCard, Visa, PayPal et Bank of America. En janvier 2011, les Anonymous intervinrent de façon très organisée en Tunisie, où ils attaquèrent des sites gouvernementaux. Les blogueurs tunisiens y gagnèrent le sentiment de pouvoir compter sur la solidarité internationale.

    Un effet galvanisant

    Tout au long de l’année 2011, les collectifs Anonymous se sont multipliés et ont lancé d’innombrables appels. Il s’agissait parfois d’internautes désireux d’attirer l’attention sur eux ou de tirer profit de modes médiatiques. Mais d’autres collectifs ont fédéré un grand nombre de personnes. Le 23 août 2011, les Anonymous ont diffusé une vidéo appelant à occuper Wall Street, reprenant ainsi une idée que défendaient depuis quelques semaines les Canadiens d’Adbusters.

    L’outrance et l’audace des Anonymous leur permettent d’adopter des slogans — « Le piratage, c’est la liberté » — si forts que pas un acteur politique traditionnel n’oserait y recourir sans craindre de perdre sa crédibilité. Avec un effet galvanisant radical sur des énergies latentes que les mobilisations classiques ennuient. Cependant, quelle que soit sa force, la spontanéité à grande échelle ne peut se mesurer aux institutions établies que sur le mode de la destruction. Cette forme d’organisation n’a pas pour objectif de construire des institutions alternatives. Elle collabore à la formation d’un horizon commun de contestation qui facilitera peut-être l’action future. Elle a déjà fissuré des murs qui semblaient indestructibles. D’autres protestataires transformeront ces failles en ouvertures.

    Felix Stalder

    Enseignant à l’Université des arts de Zurich et chercheur à l’Institut des nouvelles technologies culturelles de Vienne.
  • L’HOMME-LOUP DE MERZIG

    L’HOMME-LOUP DE MERZIG

    Cécile Muszynski

    Trait de sparation

    A Merzig, en Allemagne, Werner Freund, éthologue aux méthodes intrigantes, vit, mange et hurle avec les loups.



     

    L
    a neige tombe avec la nuit. Soudain, un hurlement déchire le silence de la forêt. Un loup blanc salue l’obscurité nouvelle. Le cri est repris par la meute à travers les bois. Tête renversée, barbe grisonnante, lèvres retroussées, un homme répond au chant.

    Werner Freund dit « avoir choisi la carrière de loup ». Pour les hommes, il est éthologue, un spécialiste du comportement animal. A 77 ans, il a élevé plus de soixante-dix loups. Il vit avec eux, connaît le caractère de chacun.

    Ce dimanche, comme tous les premiers du mois, il présente ses vingt protégés et répond aux questions des visiteurs du Wolfspark. Une promeneuse s’étonne du chant des loups : « C’est beau, on dirait une symphonie ! ».

    Le « parc aux loups » s’étend sur quatre hectares en lisière de la forêt de Merzig, en Allemagne, près de la frontière française. Les loups y sont répartis par race : canadiens, suédois, sibériens et polaires. Chaque meute vit en semi-liberté dans de vastes enclos grillagés, séparés par des chemins boueux. Une manière d’éviter les guerres de clans entre animaux et d’assurer la sécurité des visiteurs – près de 100.000 par an. Pour passer d’un groupe de loups à l’autre, Werner Freund change de vêtements : « Avoir une odeur vierge permet d’éviter les agressions ».

    L’éthologue vit avec Erika, son épouse à l’entrée de la réserve, dans un chalet en bois. Les murs de la salle à manger sont tapissés de photos. Souvenirs d’enfance, portraits de loups bien sûr, mais aussi du prix Nobel Konrad Lorenz. Avant sa mort, le père de la psychologie animale a qualifié Werner Freund d’« expert ès loups ». « Pour étudier les loups, notait Lorenz, l’observation ne suffit pas. Il faut vivre avec eux dès leur naissance, penser comme un loup ».

    L’Allemand est l’un des rares chercheurs à vivre en permanence au contact des loups, à se conformer à leurs codes. A force de les étudier, il a fini par leur ressembler. Il hurle, chasse, joue et parfois se bat avec eux.

    Cette passion lui vient de l’enfance. « Ma mère a grandi avec un garde forestier, elle m’a transmis le don de comprendre les animaux. » A la sortie du lycée, jardinier dans un zoo à Stuttgart, il remplace le soigneur des ours, blessé. A vingt ans, Werner Freund s’engage dans la police de l’air et des frontières. Devenu parachutiste, il se lance dans des expéditions à travers le globe et adopte un ours comme mascotte.

    Un garde-forestier lui offre en 1972 son premier louveteau, Ivan. Une révélation :« Ivan a été mon professeur. J’ai tout appris en observant son comportement, ses réactions. Il avait deux façons de hurler : une pour moi, une pour les autres loups. Il m’a montré comment faire. Au début, il était le seul à me répondre. »

    Le futur éthologue est alors au bataillon de « para » de Merzig. Connu pour son expérience des animaux, il est approché par le premier adjoint au maire qui souhaite ouvrir une zone de loisirs dans la ville. Freund propose de créer un parc à loups. Le Wolfspark est inauguré en 1977. Les quatre premiers occupants sont les petits d’Ivan.

    Conseillé par Erik Zimen, spécialiste suédois des loups, Werner Freund tente une expérience : au quatorzième jour, il écarte la mère des quatre louveteaux pour prendre sa place. Il dort avec eux dans la paille, les allaite au biberon, puis, à cinq semaines, il leur donne de la viande hachée de bouche à gueule. Mais les loups grandissent et veulent bientôt imposer leur force.

    Un jour, en trouvant un chevreuil écrasé sur une route, Werner Freund a une idée. Il s’enduit de sang, entaille la gorge du cadavre pour faire croire qu’il l’a tué et l’amène dans l’enclos. « Tous les loups se sont précipités sur moi, mais j’ai grogné, mordu dans le chevreuil et repoussé les loups. L’un d’eux a montré les crocs. J’ai dû lui donner un coup de poing pour qu’il se soumette. Depuis ce moment, je suis devenu leur maître. »

    Rester le « maître » est vital pour Werner Freund. « Si les loups ne me reconnaissent plus comme chef, je risque d’être tué à chaque conflit. Provoqué par un loup, je dois réagir comme un autre loup, de manière violente ». L’éthologue en a appris tous les codes : « Lorsque je pénètre dans un enclos, je salue toujours le loup dominant en premier. Ma relation avec la meute dépend de lui. »

    Ces pratiques ne font pas l’unanimité des scientifiques. Mais elles ont abouti à plusieurs découvertes, comme celle du hurlement du louveteau. Certains chercheurs affirmaient qu’un jeune loup ne pouvait hurler qu’à partir de six mois. Freund a démontré que c’était possible bien plus tôt : « J’ai vu un louveteau de treize jours répondre aux loups qui chantaient dehors ».

    http://www.wolfspark-wernerfreund.de

    Werner Freund a écrit plusieurs ouvrages sur les loups. L’un d’eux a été traduit en français : Loup parmi les loups, traduction de Patrick Gabella, Ed. APAE, 2005.

  • ONG's Compagnie

    Ils m’ont énervé...

    Ils sont beaux, ils sont blancs, ils sont investis d’une mission sacrée, ils ont de gros 4/4, ils ont dans le regard cette suffisance du pouvoir, ils maîtrisent leur sujet, ils brassent énormément d’argent, eux seuls comprennent ce qu’il en est réellement, ils sont inattaquables, ils sont toujours propres, j’en n’ai rarement vu de sales, ils connaissent les solutions. Un membre d’une ONG, dont je tairais le nom (FRIENDS INTERNATIONNAL) m’a fait remarquer que les enfants n’étaient pas une attraction photographique pour touristes.

    Je lui ai répondu que ne servant pas à grand-chose, ils ne restaient aux ONG rien à faire sinon à s’accaparer la misère des autres pour en faire leur gagne-pain. Puis, m’ayant passablement énervé, (c’est plutôt rare) j’en ai profité pour leur détailler le train de vie fastueux qu’ils menaient et ce rang d’ambassadeur qu’ils s’octroyaient impunément, culpabilisant à outrance toute autre initiative que la leur. Les ONG ont tendance à croire qu’ils sont le seul remède à des situations catastrophiques. Et en guise de médicaments, ils ne proposent qu’une forme d’assistanat social dont malheureusement nous sommes bien placés pour en constater les effets néfastes. L’assistanat est leur maître-mot et vu que les Cambodgiens sont loin d’être cons ça marche aussi bien que chez nous.

    Le monde des ONG au Cambodge est un monde larmoyant ou il est de bon ton de s’apitoyer sur la misère humaine. Paré de ce relent de sacrifice, ils se croient investi d’une mission quasi divine, une mission qu’eux seuls peuvent mener à bien.

    - « Oui, tu comprends, c’est dur ! Mais, si nous ne faisons rien, qui va aider ces gens ? (Là, il baisse la tête de côté pour vous montrer combien ce n’est pas facile) - « Ah ! Je sais, ça ne résoudra rien, mais si cela peut apporter un peu de réconfort… ! » (là, l’œil se mouille d’une larme venu sûrement de la cavité nasale à moins que ce ne soit le piment !)           – Je n’attends rien, c’est… Tu comprends, je suis sensible, je ne supporte pas cette misère, j’ai besoin d’aider.        (Là, c’est moi qui réponds). – Déjà, tu ne me tutoies pas, face de thon ! Tu pues la charité bon marché, Tu t’enrichis à titre personnel ? Pauvre con, conne ! C’est ça le problème tu t’enrichis toi, mais pas les autres ! (Ils, elles, eux, m’avait énervé. Règle du participe passé employé avec avoir : Le participe passé employé avec avoir s’accorde en genre et en nombre avec le COD si celui-ci est placé avant. Ici, en l’occurrence m’).

    Depuis 30 ans qu’ils arpentent ce pays le résultat est loin d’être probant. Rien n’a changé ! Tout au moins rien n’a évolué grâce à eux.

    Ils vivent grâce aux dons de généreux donateurs qui se font de plus en plus rare et aussi grâce aux subventions de l’UNICEF, organisation elle-même sponsorisé par nombre d’états dont le mien. Au passage, ils savent aussi vous ponctionner de plusieurs milliers d’euros, si par hasard votre premier contact se fait par Internet ; en ça ils ont plutôt appris des cambodgiens, à savoir comment vous vider les poches.

    J’ai par la suite rencontré bon nombre d’ONG ou de soi-disant responsable d’ONG.

    Il en est d’excellentes.

    C’est l’ONG individuelle.

    Celle qui ne demande rien à personne et qui agit le plus souvent en fonctions de maigres moyens et de beaucoup de débrouillardises. Elle est discrète, ne s’affiche pas dans les rues et surtout elle a la dignité de ne pas donner de leçons à personnes. Elle est le fruit d’une réflexion personnelle, d’un stop à la misère universelle.

    Les cambodgiens, n’ont nul besoin qu’on leur apprenne à lire, à compter, à bâtir des maisons, ils savent faire tout ça et depuis plus longtemps que nous. Les Cambodgiens en ont marre qu’on fasse passer leur pays pour une poubelle humaine, ils en ont marre d’accueillir des fumeurs de pétards investis d’une sacro-sainte mission, si les étrangers ont des problèmes de conscience qu’ils nettoient devant leurs portes.  Leur laisser régler leur problème est sûrement la meilleure façon de les aider, mais comme disait ma mémé : - L’argent des pauvres rend riches !

    C’est un putain de monde corrompu, où l’argent brassé est énorme ; ces gens-là s’engraissent impunément tout en se targuant d’être des porteurs d’espoir. Quelle incompréhension du monde asiatique et surtout quelle perversion des valeurs de ces gens qui reposant sur des notions de fierté et de réussite transforment peu à peu ces gens, pauvres, certes, mais dignes, en autant de mendiants d’assistance.

    Tous ces évangéliques à la con, toutes églises confondues qui viennent vendre leur soupe pour expliquer à de pauvres paysans que si ils croyaient en Dieu leur vie serait meilleure, tous ces lobotomiseurs d’idées, expliquant à des enfants que le litre de lait qu’ils ont dans les mains est un lait concentré fabriqué dans l’état de l’Utah par le Dieu des américains et qu’avant de le boire ils doivent apprendre le nôtre père, version étoilée. Toutes ces écoles étrangères venant dispenser le bon enseignement ; lorsque l’on voit le tarif qu’elle pratique, les pauvres ne sont pas prêt d’apprendre à lire. Tous ses scandales, pédophiles arrêtés membre d’une ONG, ONG en guinguette dans le monde des prostituées à cinq dollars, ONG tripotant dans les bars à hôtesses, ONG s’intéressant aux adolescents pubères, remarquez d’un autre côté ils peuvent toujours se justifier en prétendant initier toute une partie de la population à l’usage de la capote.

    Et ils ont pour eux l’aval de quasiment tout le bien-pensant des nations donatrices, quelle fumisterie ! A quoi cela rime-t-il ? Aider n’est pas un métier. C’est l’inné naturel qui doit nous différencier de l’animal ; nul besoin de reconnaissance, l’acte se doit d’être irréfléchi, spontané et non pas géré comme une multinationale.

    Les ONG me font penser aux restos du cœur.

    – Oui, mais c’est bien les restos du cœur !

    Non ce n’est pas bien ! C’est nul ! Tu réfléchis un peu à ce que tu dis avant de l’ouvrir ? Un état qui se respecte ne devrait pas supporte cela ; Les restos du cœur n’auraient dû que durer un an, puis la seule réaction logique aurait été de dire : - J’ai honte, je vais résoudre le problème ! Mais non, maintenant c’est institutionnalisé, on donne à manger à NOS PAUVRES ! Scandaleux ! Ils font partie du paysage, on accepte de vivre avec ça et tout va bien… Allez remets-nous une tournée Lucette, c’est la mienne !

    Conclusion. Lorsque je prends une photo d’un enfant, d’un adulte, pauvre et miséreux ce n’est pas pour faire du sensationnel, ni témoigner, ni imposer quoi que ce soit à l’heure des repas. Ni pour m’entendre dire : - Ah ! Mon Dieu, mais qu’est-ce qu’ils sont pauvres… ou une connerie de ce genre !

    Lorsque je prends une photo, et je ne la prends pas en cachette mais face à face, c’est qu’à un moment donné ce fut le seul moyen que j’ai eu de dire : Excuse-moi ! Je peux rien pour toi, il va falloir que tu te démerdes !

    Alors à tous ces connards à l’auréole néo-colonisatrice, car ils me font penser à ces conquistadors qui importaient et imposaient la foi chrétienne à grands coups d’épées par la tronche : ALLEZ VOUS FAIRE FOUTRE !

    Aujourd’hui je vais vous parler de ma mémé.

    Mémé est née pendant la guerre, le grande ! Pas une de ces guerres minables où le nombre de tués est dérisoire, non une vraie guerre, une mondiale ! Des morts par millions, du sang, des os broyés, des bouts de cervelles tapissant la noble campagne d’incongrus champignons de Paris. Le ton était donné, sa vie sera à l’image de cette guerre, une lutte perpétuelle pour survivre ; (joliment dit)

    Le premier qui en fit les frais, fut le microbe de la grippe espagnole qui lorsqu’il rencontra mémé sut d’emblée que la Madame était loin d’être facile. Le microbe repartit chez lui une paire de castagnettes accrochées à ses roubignoles : à défaut d’avoir contaminé mémé, il se lança dans des cours de danse à Madrid qui eurent un temps un réel succès ;

    Coqueluche, choléra, polio, malaria, peste noire (sous toutes ses formes) tous tentèrent en vain de stopper la croissance de mémé. Mais, élevée avec les poings et une bonne dose de lard, mémé s’avéra indestructible ; elle atteignit l’âge de 9 ans ce qui à cette époque représentait déjà une performance. A 9 ans, mémé fut placé chez des paysans.

    (La femelle du paysan est la paysanne) Elle apprit ainsi le rude contact de la vie à la ferme, ses us, ses coutumes et son droit de cuissage. Elle savait lire… Le A. Elle parlait le patois, s’initiait au Français et de temps en temps au François, et de plus avait quelques rudiments de bovidés et autres animaux hantant les basses-cours de cette époque.

    Elle grandissait et aux dires de ses contemporains c’était une belle femme, en 1939, elle apprit à lire une seconde lettre, le Q, et tomba enceinte. Son fiancée de l’époque se tua quelques temps plus tard en moto. Du coup, on la maria en vitesse avec un boxeur, qui lui en donnait… Des coups.

    Petite parenthèse sur pépé : Plus rouge que Staline, Espagnol, pépé a tué plein de nazis et de collaborateurs dans la joie et la bonne humeur. Puis il est mort avec 12 kilos de balles dans le ventre car faire la guerre entraîne parfois des complications. Depuis le paradis est devenu une MJC, Saint-Pierre à sa carte indestructible au parti et il y a de grandes chances que la vierge Marie ne le soit plus réellement.

    Mémé fut décorée : VEUVE  Elle éleva ses enfants par le biais de personnes interposées. Le premier après de brillantes études de facteur finit alcoolique, clochard et à Sainte-Marie. Le deuxième a voulu faire curé, puis flic. Finalement il devint syndicaliste et comme bon nombre de retraités finit mort un an après. Le troisième s’engagea comme mousse, non pas dans une brasserie mais dans la marine. Mort au champ d’honneur en faisant un footing. La quatrième, ma mère fut malheureuse et se suicida à la Camel filtre.  Le cinquième, lui, né durant ce long veuvage est toujours en vie, comme quoi les bâtards sont souvent plus solides. Et le dernier, c’est RIKIKI, c’est moi, et j’ai rien eu.

    Bref, mémé n’a pas eu une vie facile, elle s’est débattue pour survivre dans sa misère et je ne lui en veux pas, bien au contraire. Elle a fait ce qu’elle a pu et ce n’est pas moi qui oserais émettre un quelconque jugement sur sa vie.  Si elle a retrouvé pépé, ça doit chier là-haut, car le pépé ne doit pas apprécier de porter des cornes.  Mémé elle, sa seule chance fut son derrière, un peu comme au Cambodge. Mais hélas aucune ONG ne s’est penchée sur son cas.

    Quelle fumisterie !

    Bruno Rey