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Sionisme - Page 5

  • Créteil : une agression "antisémite" inespérée

     

    Le lobby communautariste bien connu pousse un ouf de soulagement. Enfin une agression à « caractère antisémite ». Il aurait presque pu la commanditer comme ces chefs d’entreprise véreux qui font brûler leur usine pour toucher l’assurance.

    Le lobby ultra dominateur, l’ordonnateur du « dîner » de la soumission de la France, le donneur d’ordres et de leçons, le contrôleur des médias, le centre nerveux de la Finance et de la Pub, le maître de la Toile qui tisse son influence dans toutes les veines du pouvoir, le profiteur ultime au sens propre comme au sens figuré de la Shoah, le Deus qui peut d’un froncement de sourcils faire sauter un journaliste, réveiller l’Élysée, convoquer un ministre ou faire condamner un footballeur pour une quenelle, oui Mesdames et Messieurs, l’hydre de la puissance peut enfin récupérer son rôle, le rôle de sa vie, le rôle que l’Histoire lui a réservé à lui seul, celui de la victime éternelle, victime faible et sans défense, éternellement coupable sans raison, livrée aux crimes antisémites depuis la nuit des temps.

    Et voyez Mesdames et Messieurs ! Le cycle infernal recommence. L’ennemi est tapi jusque dans l’inconscient du peuple. Il est urgent de l’en extirper.

    Il y a eu une agression à Créteil. Une agression comme il s’en passe parfois hélas ! Sauf que les agresseurs de Créteil auraient dit quelque chose comme : « vous êtes juifs donc vous avez de l’argent ». Malheur ! Gross Malheur ! Ils n’auraient pas pu voler et violer comme tous les délinquants ?! Il a fallu que leur cerveau fût embrumé par des considérations déplacées qui ont heurté une sensibilité à fleur de peau. On devrait éduquer les délinquants à faire preuve de civisme primaire, ou au moins à préserver cette catégorie sociale sensible et sans défense.

    Maintenant imaginez Mesdames et Messieurs ! un contrôle musclé au faciès qui vise les bougnoules et les négros, comme par hasard, et la « délicatesse » des flics républicains, et je ne parle même pas des bavures qui conduisent à l’assassinat, tout cela accompagné d’expressions bien senties. Que je sache ! cela n’a jamais suscité une prise de conscience ou un mea culpa. J’ai honte de le rappeler tellement j’ai l’impression d’enfoncer des portes ouvertes.

    En tout cas, le CRIF a réussi son coup ! C’est le retour de l’Antisémitisme en cinémascope couleurs et grand écran. Enfin ! Le CRIF va pouvoir faire oublier ses propres dérives et les crimes de ses patrons à Jérusalem. Car tout est lié voyez-vous ! Voilà où mène l’antisionisme déclaré antisémite par Manuel Valls. Et qu’arrivera-t-il lorsque le mouvement politique Réconciliation Nationale verra le jour ? N’assistera-t-on pas à un déferlement de « haine » ?

    Je rappelle pour les débutants de la dissidence que la haine est ce mauvais sentiment dirigé uniquement contre les juifs. Si leur peau est colorée et/ou si leur religion est l’islam, la répulsion qu’ils suscitent n’est pas de la haine. C’est un ersatz de haine, condamnable mais pas trop.

    À voir l’unanimisme des médias jusqu’aux guignols de l’info et l’intervention des plus hauts responsables de l’État, je me dis soit on n’est pas sortis de l’auberge soit le mouvement sioniste mondial joue ses dernières cartouches.

    Courage ! J’opte pour la seconde hypothèse !

  • les dessous de l’affaire Dieudonné

    Chronique de la déraison d’État : les dessous de l’affaire Dieudonné

    Interdit de rire : ce petit livre écrit par deux avocats de Dieudonné apporte un éclairage inédit sur l’épisode médiatico-politique de l’hiver dernier où l’on a vu un gouvernement entier mobilisé contre un humoriste. Incisif et clair, il apporte des éléments précieux pour comprendre ce qui s’est joué au cours de ces semaines agitées.

    Un point de vue de l’intérieur, évidemment différent des récits donnés par les médias nationaux, mais indispensable pour qui veut saisir les enjeux à la fois juridiques et politiques de ce feuilleton rocambolesque où la liberté d’expression a vécu ses derniers instants. Les enseignements tirés de ce livre alimentent une recherche personnelle dont nous présentons ici quelques résultats.

    Humoriste provocateur et politiquement engagé, Dieudonné est dans le viseur des élites politico-médiatiques et des associations de l’antiracisme institutionnel depuis son sketch de décembre 2003 mettant en scène un colon israélien, et plus encore depuis sa participation à la liste antisioniste des européennes de 2009 aux côtés de l’essayiste Alain Soral, également bête noire des médias et du Parti socialiste. Ses saillies provocatrices contre la politique israélienne et le sionisme en général – qu’il situe pourtant dans le droit fil de son combat authentiquement antiraciste et anticolonialiste des années 1990 –, ses rapprochements sulfureux d’avec Robert Faurisson ou Jean-Marie le Pen, lui avaient déjà valu de nombreuses condamnations pénales dans des procès intentés par les associations de l’antiracisme institutionnel, LICRA, CRIF ou SOS Racisme ou certaines personnalités, ainsi qu’une mise au ban médiatique. Il n’a pas subi moins de 11 condamnations depuis 2000 pour injure, diffamation, provocation ou incitation à la haine raciale pour un total qui dépasse les 125.000 euros d’amende et plusieurs procès l’attendent (au moins 4 à ce jour) dont un pour apologie d’actes de terrorisme.

    En revanche, jusqu’à fin 2013 tous les arrêtés d’interdiction et décisions de résiliation de ses spectacles ont été suspendus ou annulés, à l’exception d’un seul cas dans lequel le recours contre une résiliation de contrat de location a été rejeté, la société productrice ne disposant pas de licence d’entrepreneur de spectacle. Pas moins de 12 décisions du juge administratif antérieures aux ordonnances du juge des référés du Conseil d’État des 9 et 10 janvier 2014, dont dix ordonnances de référé de tribunaux administratifs, une ordonnance de référé du Conseil d’État et un jugement au fond de tribunal administratif avaient suspendu et annulé des arrêtés d’interdiction de spectacles de Dieudonné. La raison de cette clémence : l’arrêt René Benjamin.

    Lire la suite de l’article sur bourgoinblog.wordpress.com

  • Ne pas oublier Gaza

    720 tonnes de munitions sont tombées sur Gaza entre le 8 juillet et le 26 aout 2014 pendant l’opération “Bordure protectrice”, soit deux tonnes par kilomètre carré. La violence de ce dernier assaut devient plus claire encore quand on compare ces chiffres avec ceux de l’opération israélienne précédente. En 2008/2009, c’est 50 tonnes de « Plomb durci » qui s’étaient abattues sur l’enclave palestinienne.

    Il est important de rappeler que ces bombes et obus ne sont pas tombés sur un terrain vague ni au milieu d’un désert mais sur des femmes, des hommes, des enfants. La bande de Gaza est l’un des endroit les plus peuplés au monde. Les conséquences sont donc effrayantes. 2188 Palestiniens ont perdu la vie. 1658 étaient des civils. Plus de 11 231 Palestiniens furent gravement blessés. Plus de 18 000 maisons furent détruites entièrement ou en partie.

    Des chiffres terribles, qui font froid dans le dos.

    Les images, quant à elles, sont choquantes, effroyables et souvent insoutenables. Il faut dire que cette fois-ci, Israel n’a pas réussi à interdire aux journalistes, même à ceux travaillant pour des grandes chaines internationales, de rester sur place.

    Ces images qui ont choquées le monde entier. Ce sont elles qui ont poussée des centaines de milliers de personnes à travers le monde à descendre dans la rue pour manifester leur colère et leur dégoût, non seulement devant les actes commis par l’armée israélienne mais aussi devant la complicité de leurs propres gouvernements.

    Le Tribunal Russell sur la Palestine, qui s’est réuni à 5 reprises entre 2009 et 2013, voyant les réactions incroyables des gouvernements « occidentaux » (qui devant le troisième assaut de l’armée israélienne sur la population de Gaza en 6 ans, le plus violent et le plus long que Gaza ait subi depuis 1967, n’eurent même pas la décence de « condamner » cette attaque ignominieuse ni même d’appeler Israël à la « réserve »), décida qu’il était crucial de se réunir une nouvelle fois. Pour les Palestiniens, mais aussi pour les citoyens du monde entier. Pouvons-nous espérer vivre en paix alors qu’un peuple occupé, encerclé et affamé se fait massacrer dans l’indifférence la plus totale ?

    Une session extraordinaire du tribunal fut donc organisée à Bruxelles les 24 et 25 septembre 2014. Le mandat du tribunal et des membres de son jury (Michael Mansfield, Ken Loach, Vandana Shiva, Ahdaf Soueif, Christiane Hessel, Roger Waters, Ronnie Kasrils, Radhia Nasraoui, Miguel Angel Estrella, Richard Falk, John Dugard et Paul Laverty) était clair : le tribunal, devant la férocité de l’attaque de l’armée israélienne, parlerait, pour la première fois en ce qui concerne Israël, du « crime des crimes » : le crime de Génocide et celui d’incitation au Génocide.

    Pour secouer et réveiller les consciences.

    Il est effectivement crucial de ne pas isoler cette dernière agression israélienne pour en faire un cas à part. L’opération « Bordure protectrice » s’inscrit, comme les précédents assauts, dans une politique de nettoyage ethnique, de colonisation et d’apartheid mise en place depuis la création de l’état d’Israël. Là est aussi le rôle du tribunal : remettre les faits qu’il examine dans un contexte historique global, revenir sur le passé pour mieux comprendre le présent et espérer un futur plus juste. Cet exercice, que les grands médias et les gouvernements, par choix, ne font jamais, est nécessaire pour l’existence même de la civilisation humaine. Comment prétendre comprendre « l’autre » et le respecter si l’on ne tient pas compte de son vécu, de son passé ? Si l’on ignore son histoire, ou l’omet ?

    Durant la journée du 24 septembre, témoins, juristes et spécialistes en armement se succédèrent donc devant plus de 500 personnes venues du monde entier pour écouter, comprendre et agir pour que de telles monstruosités ne se reproduisent plus jamais. 
    John Dugard, juriste de renom, ouvrit la séance en rappelant à tout le monde que la bande de Gaza, malgré le départ des colons et de l’armée en 2005, reste un territoire sous occupation, soumis à un siège qui n’est rien d’autre qu’une punition collective. Israël, en effet, détient les clefs de cette prison à ciel ouvert et en contrôle les entrées, les sorties, les registres de population ainsi que l’espace aérien et maritime.

    Le colonel Desmond Travers, un des membres du rapport Goldstone, évoqua plus particulièrement la doctrine « Dahiyah ». Créée lors de la guerre du Liban en 2006, celle-ci consiste à organiser une attaque d’une magnitude disproportionnée afin de graver dans la mémoire des victimes, ou plutôt des survivants, un souvenir durable du prix à payer lorsque l’on résiste à l’armée israélienne.

    Le journaliste David Sheen a, quant à lui, fait état de la montée du discours d’incitation à la haine et au crime contre les Palestiniens au sein de la société israélienne. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un phénomène récent, D. Sheen a démontré qu’il était aujourd’hui devenu « acceptable » et accepté, qu’il n’était plus nécessaire de se défendre d’avoir des positions ouvertement racistes en Israël, à tel point que certaines figures publiques majeures, même issues des franges les plus « libérales », justifient régulièrement le massacre de civils palestiniens. D. Sheen a, par ailleurs, mis en lumière que ce discours ne se limitait désormais plus à une certaine partie de l’opinion publique, mais qu’on le retrouvait dans tous les secteurs de la société israélienne, des religieux aux responsables politiques en passant par les journalistes et universitaires. Un récent sondage a révélé que 95% de la population israélienne approuvaient les opérations militaires israéliennes de cet été.

    Le journaliste palestinien Mohammed Omer s’est appuyé sur trois situations dont il a été témoin pour illustrer le recours à trois pratiques spécifiques employées par l’armée israélienne : l’usage de palestiniens comme boucliers humains, les exécutions sommaires de civils ainsi que l’interdiction de se déplacer faite aux ambulances et aux services de la Croix-Rouge. Ivan Karakashian de l’organisation « Defense for Children International » a corroboré le témoignage de M. Omer, expliquant que cela était courant de la part des soldats israéliens.

    Les médecins Mads Gilbert et Mohammed Abou Arab, quant à eux, travaillant à Gaza durant l’opération « Bordure protectrice » (ainsi que pendant l’opération « Plomb durci »), ont évoqué la destruction en masse des infrastructures hospitalières et des attaques sur le personnel médical (spécifiant que 17 des 32 hôpitaux de Gaza furent détruits cet été).

    Le jury, parfois abasourdi, se retira le soir du mercredi 24 septembre et délibéra pendant de longues heures.

    C’est unanimement qu’il a conclu que le crime d’incitation au génocide ainsi que des crimes contre l’humanité ont été commis à Gaza et que le discours employé à différents niveaux de la société israélienne pendant l’été 2014 avait parfois atteint le seuil nécessaire pour pourvoir le qualifier d’incitation directe et publique au génocide.

    Le jury a ajouté : « Nous avons sincèrement peur que dans un environnement d’impunité et d’absence de sanctions pour des crimes graves et répétés, les leçons du Rwanda et d’autres atrocités de masse, restent lettre morte ».
     
    Le Tribunal Russell est un tribunal populaire, des peuples, pour le peuple. Nous sommes prévenus. Maintenant, il faut agir et vite.

    Avant qu’il ne soit trop tard.

  • Gaza : le silence tue, la désinformation rend complice - Acrimed | Action Critique Médias

    Quel bilan tirer de l’opération israélienne « Bordure Protectrice », 3 semaines après l’accord d’un cessez-le feu ? C’est avec amertume, indignation, mais aussi avec inquiétude que nous nous interrogeons sur le traitement médiatique de la tragédie qui a frappé la Bande de Gaza. En faisant - consciemment ou non - usage d’expressions communément acquises, la presse s’est rendue coupable de désinformation.

    Nous, citoyens belges et européens, accusons la majorité des médias d’appliquer – délibérément ou non – la politique des « deux poids, deux mesures » lorsqu’il s’agit d’aborder ces événements atroces. Ainsi, parler de « guerre » est-il correct alors que le conflit oppose David à Goliath ? L’histoire atteste que nous sommes face à une répression de type colonial contre une population en résistance face aux occupants. Nous sommes consternés par la représentation d’un « conflit » où oppresseurs et opprimés se valent. Le principe d’« équidistance » a-t-il quelque sens dans un affrontement qui oppose l’armée israélienne - considérée comme la cinquième armée la plus puissante au monde - à des roquettes palestiniennes, pour la plupart artisanales ?

    Il ne s’agit pas ici de reprocher aux médias de parler « des deux camps », mais bien leur représentation systématique, toujours au nom de l’« équidistance », des opérations des uns et des autres. Cette approche crée chez le lecteur, l’auditeur ou le téléspectateur le sentiment d’une égalité entre protagonistes. Ainsi, les roquettes palestiniennes, qui pour près de 87% sont interceptées, en arrivent à être présentées comme l’équivalent des chars, drones, F16, hélicoptères et missiles dernier-cri israéliens. Les 1,7 million de Gazaouis, eux, n’ont pas de Dôme de fer… Ils connaissent par contre une densité démographique supérieure à celle du Bangladesh sur 365 km2 (la moitié de la superficie du littoral belge). Une telle densité permet d’apprécier à sa juste valeur le leitmotiv propagandiste des « boucliers humains » du Hamas et la prétention d’Israël à s’en tenir à des « frappes chirurgicales ».

    Nous dénonçons cette prétendue égalité entre protagonistes, renforcée par un traitement le plus souvent purement événementiel de l’actualité. Il faut rappeler que la Bande de Gaza est occupée depuis 1967 et assiégée depuis l’arrivée au pouvoir du Hamas, il y a 7 ans. Depuis, la population entière en fait les frais : encerclée par mer, terre et air pour avoir « mal choisi », dit-on, ses dirigeants. On l’a souvent dit : « Gaza est une prison à ciel ouvert ». Ce qui explique que l’ONU considère toujours le territoire comme étant sous occupation. Ni sortie de secours, ni lieu sûr. Pas même au sein des hôpitaux ou des écoles. Dans cette atmosphère oppressante, toute tentative de révolte des Palestiniens est présentée comme « activité terroriste » par des journalistes qui se font ainsi les porte-voix de la propagande israélienne. Faut-il rappeler que les résolutions de l’ONU et principalement la résolution 37/43 légitiment la lutte armée contre la domination coloniale ? Trop souvent, nos médias présentent exclusivement le Hamas comme un mouvement « islamiste radical », jamais comme un mouvement de libération nationale, déclenchant ainsi de façon pavlovienne des réflexes de peur et de rejet.

    C’est l’enlèvement de trois jeunes Israéliens retrouvés morts en Cisjordanie occupée qui est systématiquement présenté comme l’élément déclencheur des hostilités entre Israël et Gaza. Le Hamas, accusé sans preuves de ce rapt a vu des centaines de ses militants et cadres locaux arrêtés. Malgré l’humiliation et les privations quotidiennes que subissent les Gazaouis, ce n’est que suite à ces arrestations d’envergure que les premières roquettes ont été tirées depuis la Bande de Gaza. Les premières du Hamas depuis… 2012. C’est aussi l’élimination, le 7 juillet, de sept combattants du Hamas qui a mené celui-ci à considérer que le cessez-le-feu avec Israël, négocié en novembre 2012 et qui engageait chaque partie à ne pas mener d’opérations militaires contre l’autre, était rompu.

    Les finalités de l’opération israélienne « Bordure Protectrice » se voient tout à fait discréditées : mener des attaques de « représailles légitimes » afin d’éradiquer les tirs de roquettes. Or l’on sait que ce sont les opérations militaires israéliennes qui engendrent davantage de tirs de roquettes et font donc des victimes israéliennes. La boucle est bouclée, le cercle vicieux installé. Israël dit vouloir arrêter la violence contre ses citoyens, mais, contribue paradoxalement à la provoquer.

    Nous accusons la plupart des médias de manipuler l’opinion en présentant le Hamas comme « l’organisation qui n’a pas accepté la trêve » ou « qui la viole constamment ». Et qui par conséquent, ne protège pas ses civils. Rappelons que la première proposition de cessez-le-feu a été discutée entre le gouvernement israélien et le gouvernement égyptien dirigé par le maréchal Al-Sissi, fervent opposant au Hamas. Peut-on imaginer la négociation d’une trêve si toutes les parties concernées ne sont pas présentes aux discussions ou si aucune des conditions demandées, par les représentants du peuple palestinien, n’a été évoquée ?

    Des médias comparent les statistiques des morts civils palestiniens à celles des soldats israéliens tombés. Comparaison honteuse. D’autres médias cultivent la peur des « djihadistes » belges ou français partis combattre en Syrie, mais épargnent l’image de ces autres Belges ou français enrôlés dans l’armée d’occupation israélienne.

    Cette approche médiatique, ce constat flagrant de sympathie première envers Israël se révèlent consternants et nous poussent à nous interroger sur les fondements d’une « osmose culturelle » avec cet État, alors que ce dernier piétine de manière constante les principes démocratiques et le droit international.

    « Bordure protectrice » a fait plus de 2.100 victimes palestiniennes dont 500 enfants.

    Nous, lecteurs, auditeurs, et téléspectateurs belges et européens, accusons une partie de la presse, de désinformation lorsqu’il s’agit de traiter des crimes de guerre commis par Israël à Gaza et en Palestine occupée.

    Des gouvernements en passant par la population, toute la société dépend du Quatrième pouvoir, celui des médias, pour se forger son opinion. Jusqu’à présent, le travail indispensable d’investigation journalistique a souvent fait défaut. Sous couvert de neutralité, beaucoup de médias désinforment. Ils se rendent et nous rendent complices de la tragédie de Gaza.

    Comme l’affirmait Desmond Tutu, « rester neutre face à l’injustice, c’est choisir le camp de l’oppresseur ».



    Anissa Amjahad - Docteure en sciences politiques et sociales (ULB) 
    Frank Barat - Militant et auteur 
    Sébastien Boussois - Docteur en sciences politiques 
    François Burgat - Politologue, Aix-en-Provence 
    Paul Delmotte - Professeur retraité de politique internationale à l’Institut des Hautes Études des Communications Sociales 
    Ricardo Gutiérrez - Secrétaire général de la Fédération européenne des Journalistes 
    Imane Nachat - Étudiante en dernière année de Master en Sciences de la communication - VUB 
    Julien Salingue - Chercheur en science politique

     Pour l’analyse d’Acrimed sur le traitement médiatique de la dernière offensive israélienne contre Gaza, voir notre article : « Offensive israélienne contre Gaza : les partis pris du traitement médiatique ».

  • Palestine : Monsieur le Président, vous égarez la France

    Eric Cantona interpelle le Président et l’invite à lire la lettre du directeur de Mediapart.

     

     

    Quant à la lettre en question, la voici :

     

    De l’alignement préalable sur la droite extrême israélienne à l’interdiction de manifestations de solidarité avec le peuple palestinien, sans compter l’assimilation de cette solidarité à de l’antisémitisme maquillé en antisionisme, François Hollande s’est engagé dans une impasse. Politiquement, il n’y gagnera rien, sauf le déshonneur. Mais, à coup sûr, il y perd la France.

    Monsieur le Président, cher François Hollande, je n’aurais jamais pensé que vous puissiez rester, un jour, dans l’histoire du socialisme français, comme un nouveau Guy Mollet. Et, à vrai dire, je n’arrive pas à m’y résoudre tant je vous croyais averti de ce danger d’une rechute socialiste dans l’aveuglement national et l’alignement international, cette prétention de civilisations qui se croient supérieures au point de s’en servir d’alibi pour justifier les injustices qu’elles commettent.

    Vous connaissez bien ce spectre molletiste qui hante toujours votre famille politique. Celui d’un militant dévoué à son parti, la SFIO, d’un dirigeant aux convictions démocratiques et sociales indéniables, qui finit par perdre politiquement son crédit et moralement son âme faute d’avoir compris le nouveau monde qui naissait sous ses yeux. C’était, dans les années 1950 du siècle passé, celui de l’émergence du tiers-monde, du sursaut de peuples asservis secouant les jougs colonisateurs et impériaux, bref le temps de leurs libérations et des indépendances nationales.

    Guy Mollet, et la majorité de gauche qui le soutenait, lui opposèrent, vous le savez, un déni de réalité. Ils s’accrochèrent à un monde d’hier, déjà perdu, ajoutant du malheur par leur entêtement, aggravant l’injustice par leur aveuglement. C’est ainsi qu’ils prétendirent que l’Algérie devait à tout prix rester la France, jusqu’à engager le contingent dans une sale guerre, jusqu’à autoriser l’usage de la torture, jusqu’à violenter les libertés et museler les oppositions. Et c’est avec la même mentalité coloniale qu’ils engagèrent notre pays dans une désastreuse aventure guerrière à Suez contre l’Égypte souveraine, aux côtés du jeune État d’Israël.

    Mollet n’était ni un imbécile ni un incompétent. Il était simplement aveugle au monde et aux autres. Des autres qui, déjà, prenaient figure d’Arabes et de musulmans dans la diversité d’origines, la pluralité de cultures et la plasticité de croyance que ces mots recouvrent. Lesquels s’invitaient de nouveau au banquet de l’Histoire, s’assumant comme tels, revendiquant leurs fiertés, désirant leurs libertés. Et qui, selon le même réflexe de dignité et de fraternité, ne peuvent admettre qu’aujourd’hui encore, l’injustice européenne faite aux Juifs, ce crime contre l’humanité auquel ils n’eurent aucune part, se redouble d’une injustice durable faite à leurs frères palestiniens, par le déni de leur droit à vivre librement dans un État normal, aux frontières sûres et reconnues.

    Vous connaissez si bien la suite, désastreuse pour votre famille politique et, au-delà d’elle, pour toute la gauche de gouvernement, que vous l’aviez diagnostiquée vous-même, en 2006, dans Devoirs de vérité (Stock). « Une faute, disiez-vous, qui a été chèrement payée : vingt-cinq ans d’opposition, ce n’est pas rien ! » Sans compter, auriez-vous pu ajouter, la renaissance à cette occasion de l’extrême droite française éclipsée depuis la chute du nazisme et l’avènement d’institutions d’exception, celles d’un pouvoir personnel, celui du césarisme présidentiel. Vingt-cinq ans de « pénitence », insistiez-vous, parce que la SFIO, l’ancêtre de votre Parti socialiste d’aujourd’hui, « a perdu son âme dans la guerre d’Algérie ».

    Vous en étiez si conscient que vous ajoutiez : « Nous avons encore des excuses à présenter au peuple algérien. Et nous devons faire en sorte que ce qui a été ne se reproduise plus. » « Nous ne sommes jamais sûrs d’avoir raison, de prendre la bonne direction, de choisir la juste orientation, écriviez-vous encore. Mais nous devons, à chaque moment majeur, nous poser ces questions simples : agissons-nous conformément à nos valeurs ? Sommes-nous sûrs de ne pas altérer nos principes ? Restons-nous fidèles à ce que nous sommes ? Ces questions doivent être posées à tout moment, au risque sinon d’oublier la leçon. »

    Eh bien, ces questions, je viens vous les poser parce que, hélas, vous êtes en train d’oublier la leçon et, à votre tour, de devenir aveugle au monde et aux autres. Je vous les pose au vu des fautes stupéfiantes que vous avez accumulées face à cet énième épisode guerrier provoqué par l’entêtement du pouvoir israélien à ne pas reconnaître le fait palestinien. J’en dénombre au moins sept, et ce n’est évidemment pas un jeu, fût-il des sept erreurs, tant elles entraînent la France dans la spirale d’une guerre des mondes, des civilisations et des identités, une guerre sans issue, sinon celle de la mort et de la haine, de la désolation et de l’injustice, de l’inhumanité en somme, ce sombre chemin où l’humanité en vient à se détruire elle-même.

    Les voici donc ces sept fautes où, en même temps qu’à l’extérieur, la guerre ruine la diplomatie, la politique intérieure en vient à se réduire à la police.

    Une faute politique doublée d’une faute intellectuelle

    1. Vous avez d’abord commis une faute politique sidérante. Rompant avec la position traditionnellement équilibrée de la France face au conflit israélo-palestinien, vous avez aligné notre pays sur la ligne d’offensive à outrance et de refus des compromis de la droite israélienne, laquelle gouverne avec une extrême droite explicitement raciste, sans morale ni principe, sinon la stigmatisation des Palestiniens et la haine des Arabes.

    Votre position, celle de votre premier communiqué du 9 juillet, invoque les attaques du Hamas pour justifier une riposte israélienne disproportionnée dont la population civile de Gaza allait, une fois de plus, faire les frais. Purement réactive et en grande part improvisée (lire ici l’article de Lenaïg Bredoux), elle fait fi de toute complexité, notamment celle du duo infernal que jouent Likoud et Hamas, l’un et l’autre se légitimant dans la ruine des efforts de paix (lire là l’article de François Bonnet).

    Surtout, elle est inquiétante pour l’avenir, face à une situation internationale de plus en plus incertaine et confuse. À la lettre, ce feu vert donné à un État dont la force militaire est sans commune mesure avec celle de son adversaire revient à légitimer, rétroactivement, la sur-réaction américaine après les attentats du 11-Septembre, son Patriot Act liberticide et sa guerre d’invasion contre l’Irak. Bref, votre position tourne le dos à ce que la France officielle, sous la présidence de Jacques Chirac, avait su construire et affirmer, dans l’autonomie de sa diplomatie, face à l’aveuglement nord-américain.

    Depuis, vous avez tenté de modérer cet alignement néoconservateur par des communiqués invitant à l’apaisement, à la retenue de la force israélienne et au soulagement des souffrances palestiniennes. Ce faisant, vous ajoutez l’hypocrisie à l’incohérence. Car c’est une fausse compassion que celle fondée sur une fausse symétrie entre les belligérants. Israël et Palestine ne sont pas ici à égalité. Non seulement en rapport de force militaire mais selon le droit international.

    En violation de résolutions des Nations unies, Israël maintient depuis 1967 une situation d’occupation, de domination et de colonisation de territoires conquis lors de la guerre des Six Jours, et jamais rendus à la souveraineté pleine et entière d’un État palestinien en devenir. C’est cette situation d’injustice prolongée qui provoque en retour des refus, résistances et révoltes, et ceci d’autant plus que le pouvoir palestinien issu du Fatah en Cisjordanie n’a pas réussi à faire plier l’intransigeance israélienne, laquelle, du coup, légitime les actions guerrières de son rival, le Hamas, depuis qu’il s’est imposé à Gaza.

    Historiquement, la différence entre progressistes et conservateurs, c’est que les premiers cherchent à réduire l’injustice qui est à l’origine d’un désordre tandis que les seconds sont résolus à l’injustice pour faire cesser le désordre. Hélas, Monsieur le Président, vous avez spontanément choisi le second camp, égarant ainsi votre propre famille politique sur le terrain de ses adversaires.

    2. Vous avez ensuite commis une faute intellectuelle en confondant sciemment antisémitisme et antisionisme. Ce serait s’aveugler de nier qu’en France, la cause palestinienne a ses égarés, antisémites en effet, tout comme la cause israélienne y a ses extrémistes, professant un racisme anti-arabe ou antimusulman. Mais assimiler l’ensemble des manifestations de solidarité avec la Palestine à une résurgence de l’antisémitisme, c’est se faire le relais docile de la propagande d’État israélienne.

    Mouvement nationaliste juif, le sionisme a atteint son but en 1948, avec l’accord des Nations unies, URSS comprise, sous le choc du génocide nazi dont les Juifs européens furent les victimes. Accepter cette légitimité historique de l’État d’Israël, comme a fini par le faire sous l’égide de Yasser Arafat le mouvement national palestinien, n’entraîne pas que la politique de cet État soit hors de la critique et de la contestation. Être antisioniste, en ce sens, c’est refuser la guerre sans fin qu’implique l’affirmation au Proche-Orient d’un État exclusivement juif, non seulement fermé à toute autre composante mais de plus construit sur l’expulsion des Palestiniens de leur terre.

    Confondre antisionisme et antisémitisme, c’est installer un interdit politique au service d’une oppression. C’est instrumentaliser le génocide dont l’Europe fut coupable envers les Juifs au service de discriminations envers les Palestiniens dont, dès lors, nous devenons complices. C’est, de plus, enfermer les Juifs de France dans un soutien obligé à la politique d’un État étranger, quels que soient ses actes, selon la même logique suiviste et binaire qui obligeait les communistes de France à soutenir l’Union soviétique, leur autre patrie, quels que soient ses crimes. Alors qu’évidemment, on peut être juif et antisioniste, juif et résolument diasporique plutôt qu’aveuglément nationaliste, tout comme il y a des citoyens israéliens, hélas trop minoritaires, opposés à la colonisation et solidaires des Palestiniens.

    Brandir cet argument comme l’a fait votre premier ministre aux cérémonies commémoratives de la rafle du Vél’ d’Hiv’, symbole de la collaboration de l’État français au génocide commis par les nazis, est aussi indigne que ridicule. Protester contre les violations répétées du droit international par l’État d’Israël, ce serait donc préparer la voie au crime contre l’humanité ! Exiger que justice soit enfin rendue au peuple palestinien, pour qu’il puisse vivre, habiter, travailler, circuler, etc., normalement, en paix et en sécurité, ce serait en appeler de nouveau au massacre, ici même !

    Une atteinte sécuritaire aux libertés fondamentales

    Que ce propos soit officiellement tenu, alors même que les seuls massacres que nous avons sous les yeux sont ceux qui frappent les civils de Gaza, montre combien cette équivalence entre antisémitisme et antisionisme est brandie pour fabriquer de l’indifférence. Pour nous rendre aveugles et sourds. « L’indifférence, la pire des attitudes », disait Stéphane Hessel dans Indignez-vous !, ce livre qui lui a valu tant de mépris des indifférents de tous bords, notamment parce qu’il y affirmait qu’aujourd’hui, sa « principale indignation concerne la Palestine, la bande de Gaza, la Cisjordanie ».

    Avec Edgar Morin, autre victime de cabales calomnieuses pour sa juste critique de l’aveuglement israélien, Stéphane Hessel incarne cette gauche qui ne cède rien de ses principes et de ses valeurs, qui n’hésite pas à penser contre elle-même et contre les siens et qui, surtout, refuse d’être prise au piège de l’assignation obligée à une origine ou à une appartenance. Cette gauche libre, Monsieur le Président, vous l’aviez conviée à marcher à vos côtés, à vous soutenir et à dialoguer avec vous, pour réussir votre élection de 2012. Maintenant, hélas, vous lui tournez le dos, désertant le chemin d’espérance tracé par Hessel et Morin et, de ce fait, égarant ceux qui vous ont fait confiance.

    3. Vous avez aussi commis une faute démocratique en portant atteinte à une liberté fondamentale, celle de manifester. En démocratie, et ce fut une longue lutte pour l’obtenir, s’exprimer par sa plume, se réunir dans une salle ou défiler dans les rues pour défendre ses opinions est un droit fondamental. Un droit qui ne suppose pas d’autorisation. Un droit qui n’est pas conditionné au bon vouloir de l’État et de sa police. Un droit dont les abus éventuels sont sanctionnés a posteriori, en aucun cas présumés a priori. Un droit qui, évidemment, vaut pour les opinions, partis et colères qui nous déplaisent ou nous dérangent.

    L’histoire des manifestations de rue est encombrée de désordres et de débordements, de violences où se disent des souffrances délaissées et des colères humiliées, des ressentiments parfois amers, dans la contestation d’un monopole étatique de la seule violence légitime. Il y en eut d’ouvrières, de paysannes, d’étudiantes… Il y en eut, ces temps derniers, dans la foulée des manifestations bretonnes des Bonnets rouges, écologistes contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, conservatrices contre le mariage pour tous. Il y eut même une manifestation parisienne aux banderoles et slogans racistes, homophobes, discriminatoires, celle du collectif « Jour de colère » en janvier dernier (lire ici notre reportage).

    S’il existe une spécialité policière dite du maintien de l’ordre, c’est pour nous apprendre à vivre avec cette tension sociale qui, parfois, déborde et où s’expriment soudain, dans la confusion et la violence, ceux qui se sentent d’ordinaire sans voix, oubliés, méprisés ou ignorés – et qui ne sont pas forcément aimables ou honorables. Or voici qu’avec votre premier ministre, vous avez décidé, en visant explicitement la jeunesse des quartiers populaires, qu’un seul sujet justifiait l’interdiction de manifester : la solidarité avec la Palestine, misérablement réduite par la propagande gouvernementale à une libération de l’antisémitisme.

    Cette décision sans précédent, sinon l’atteinte au droit de réunion portée fin 2013 par Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, toujours au seul prétexte de l’antisémitisme (lire ici notre position à l’époque), engage votre pouvoir sur le chemin d’un État d’exception, où la sécurité se dresse contre la liberté. Actuellement en discussion au Parlement, l’énième loi antiterroriste va dans la même direction (lire là l’article de Louise Fessard), en brandissant toujours le même épouvantail pour réduire nos droits fondamentaux : celui d’une menace terroriste dont l’évidente réalité est subrepticement étendue, de façon indistincte, aux idées exprimées et aux engagements choisis par nos compatriotes musulmans, dans leur diversité et leur pluralité, d’origine, de culture ou de religion.

    Accepter la guerre des civilisations à l’extérieur, c’est finir par importer la guerre à l’intérieur. C’est en venir à criminaliser des opinions minoritaires, dissidentes ou dérangeantes. Et c’est ce choix irresponsable qu’a d’emblée fait celui que vous avez, depuis, choisi comme premier ministre, en désignant à la vindicte publique un « ennemi intérieur », une cinquième colonne en quelque sorte peu ou prou identifiée à l’islam. Et voici que hélas, à votre tour, loin d’apaiser la tension, vous vous égarez en cédant à cette facilité sécuritaire, de courte vue et de peu d’effet.

    4. Vous avez également commis une faute républicaine en donnant une dimension religieuse au débat français sur le conflit israélo-palestinien. C’est ainsi qu’après l’avoir réduit à des « querelles trop loin d’ici pour être importées », vous avez symboliquement limité votre geste d’apaisement à une rencontre avec les représentants des cultes. Après avoir réduit la diplomatie à la guerre et la politique à la police, c’était au tour de la confrontation des idées d’être réduite, par vous-même, à un conflit des religions. Au risque de l’exacerber.

    Là où des questions de principe sont en jeu, de justice et de droit, vous faites semblant de ne voir qu’expression d’appartenances et de croyances. La vérité, c’est que vous prolongez l’erreur tragique faite par la gauche de gouvernement depuis que les classes populaires issues de notre passé colonial font valoir leurs droits à l’égalité. Il y a trente ans, la « Marche pour l’égalité et contre le racisme » fut rabattue en « Marche des Beurs », réduite à l’origine supposée des marcheurs, tout comme les grèves des ouvriers de l’automobile furent qualifiées d’islamistes parce qu’ils demandaient, entre autres revendications sociales, le simple droit d’assumer leur religion en faisant leurs prières.

    Cette façon d’essentialiser l’autre, en l’espèce le musulman, en le réduisant à une identité religieuse indistincte désignée comme potentiellement étrangère, voire menaçante, revient à refuser de l’admettre comme tel. Comme un citoyen à part entière, vraiment à égalité c’est-à-dire à la fois semblable et différent. Ayant les mêmes droits et, parmi ceux-ci, celui de faire valoir sa différence. De demander qu’on l’admette et qu’on la respecte. D’obtenir en somme ce que, bien tardivement, sous le poids du crime dont les leurs furent victimes, nos compatriotes juifs ont obtenu : être enfin acceptés comme français et juifs. L’un et l’autre. L’un avec l’autre. L’un pas sans l’autre.

    Un antiracisme oublieux et infidèle

    Si vous pensez spontanément religion quand s’expriment ici même des insatisfactions et des colères en solidarité avec le monde arabe, univers où dominent la culture et la foi musulmanes, c’est paradoxalement parce que vous ne vous êtes pas résolus à cette évidence d’une France multiculturelle. À cette banalité d’une France plurielle, vivant diversement ses appartenances et ses héritages, qu’à l’inverse, votre crispation, où se mêlent la peur et l’ignorance, enferme dans le communautarisme religieux. Pourtant, les musulmans de France font de la politique comme vous et moi, en pensant par eux-mêmes, en inventant par leur présence au monde, à ses injustices et à ses urgences, un chemin de citoyenneté qui est précisément ce que l’on nomme laïcisation.

    C’est ainsi, Monsieur le Président, qu’au lieu d’élever le débat, vous en avez, hélas, attisé les passions. Car cette réduction des musulmans de France à un islam lui-même réduit, par le prisme sécuritaire, au terrorisme et à l’intégrisme est un cadeau fait aux radicalisations religieuses, dans un jeu de miroirs où l’essentialisation xénophobe finit par justifier l’essentialisation identitaire. Une occasion offerte aux égarés en tous genres.

    5. Vous avez surtout commis une faute historique en isolant la lutte contre l’antisémitisme des autres vigilances antiracistes. Comme s’il fallait la mettre à part, la sacraliser et la différencier. Comme s’il y avait une hiérarchie dans le crime contre l’humanité, le crime européen de génocide l’emportant sur d’autres crimes européens, esclavagistes ou coloniaux. Comme si le souvenir de ce seul crime monstrueux devait amoindrir l’indignation, voire simplement la vigilance, vis-à-vis d’autres crimes, de guerre ceux-là, commis aujourd’hui même. Et ceci au nom de l’origine de ceux qui les commettent, brandie à la façon d’une excuse absolutoire alors même, vous le savez bien, que l’origine, la naissance ou l’appartenance, quelles qu’elles soient, ne protègent de rien, et certainement pas des folies humaines.

    Ce faisant, votre premier ministre et vous-même n’avez pas seulement encouragé une détestable concurrence des victimes, au lieu des causes communes qu’il faudrait initier et promouvoir. Vous avez aussi témoigné d’un antiracisme fort oublieux et très infidèle. Car il ne suffit pas de se souvenir du crime commis contre les juifs. Encore faut-il avoir appris et savoir transmettre la leçon léguée par l’engrenage qui y a conduit : cette lente accoutumance à la désignation de boucs émissaires, essentialisés, caricaturés et calomniés dans un brouet idéologique d’ignorance et de défiance qui fit le lit des persécutions.

    Or comment ne pas voir qu’aujourd’hui, dans l’ordinaire de notre société, ce sont d’abord nos compatriotes d’origine, de culture ou de croyance musulmane qui occupent cette place peu enviable ? Et comment ne pas comprendre qu’à trop rester indifférents ou insensibles à leur sort, ce lot quotidien de petites discriminations et de grandes détestations, nous habituons notre société tout entière à des exclusions en chaîne, tant le racisme fonctionne à la manière d’une poupée gigogne, des Arabes aux Roms, des Juifs aux Noirs, et ainsi de suite jusqu’aux homosexuels et autres prétendus déviants ?

    Ne s’attarder qu’à la résurgence de l’antisémitisme, c’est dresser une barrière immensément fragile face au racisme renaissant. Le Front national deviendrait-il soudain fréquentable parce qu’il aurait, selon les mots de son vice-président, fait « sauter le verrou idéologique de l’antisémitisme » afin de « libérer le reste » ? L’ennemi de l’extrême droite, confiait à Mediapart la chercheuse qui a recueilli cette confidence de Louis Aliot, « n’est plus le Juif mais le Français musulman » (lire ici notre entretien avec Valérie Igounet).

    De fait, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), dont vous ne pouvez ignorer les minutieux et rigoureux travaux, constate, de rapport en rapport annuels, une montée constante de l’intolérance antimusulmane et de la polarisation contre l’islam (lire nos articles ici et ). Dans celui de 2013, on pouvait lire ceci, sous la plume des sociologues et politologues qu’elle avait sollicités : « Si on compare notre époque à celle de l’avant-guerre, on pourrait dire qu’aujourd’hui le musulman, suivi de près par le Maghrébin, a remplacé le juif dans les représentations et la construction d’un bouc émissaire. »

    L’antiracisme conséquent est celui qui affronte cette réalité tout en restant vigilant sur l’antisémitisme. Ce n’est certainement pas celui qui, à l’inverse, pour l’ignorer ou la relativiser, brandit à la manière d’un étendard la seule lutte contre l’antisémitisme. Cette faute, hélas, Monsieur le Président, est impardonnable car non seulement elle distille le venin d’une hiérarchie parmi les victimes du racisme, mais de plus elle conforte les moins considérées d’entre elles dans un sentiment d’abandon qui nourrit leur révolte, sinon leur désespoir. Qui, elles aussi, les égare.

    6. Vous avez par-dessus tout commis une faute sociale en transformant la jeunesse des quartiers populaires en classe dangereuse. Votre premier ministre n’a pas hésité à faire cet amalgame grossier lors de son discours du Vél’ d’Hiv’, désignant à la réprobation nationale ces « quartiers populaires » où se répand l’antisémitisme « auprès d’une jeunesse souvent sans repères, sans conscience de l’Histoire et qui cache sa “haine du Juif ” derrière un antisionisme de façade et derrière la haine de l’État d’Israël ».

    Mais qui l’a abandonnée, cette jeunesse, à ces démons ? Qui sinon ceux qui l’ont délaissée ou ignorée, stigmatisée quand elle revendique en public sa religion musulmane, humiliée quand elle voit se poursuivre des contrôles policiers au faciès, discriminée quand elle ne peut progresser professionnellement et socialement en raison de son apparence, de son origine ou de sa croyance ? Qui sinon ceux-là mêmes qui, aujourd’hui, nous gouvernent, vous, Monsieur le Président et, surtout, votre premier ministre qui réinvente cet épouvantail habituel des conservatismes qu’est l’équivalence entre classes populaires et classes dangereuses ?

    Une jeunesse des quartiers populaires stigmatisée

    Cette jeunesse n’a-t-elle pas, elle aussi, des idéaux, des principes et des valeurs ? N’est-elle pas, autant que vous et moi, concernée par le monde, ses drames et ses injustices ? Par exemple, comment pouvez-vous ne pas prendre en compte cette part d’idéal, fût-il ensuite dévoyé, qui pousse un jeune de nos villes à partir combattre en Syrie contre un régime dictatorial et criminel que vous-même, François Hollande, avez imprudemment appelé à « punir » il y a tout juste un an ? Est-ce si compliqué de savoir distinguer ce qui est de l’ordre de l’idéalisme juvénile et ce qui relève de la menace terroriste, au lieu de tout criminaliser en bloc en désignant indistinctement des « djihadistes » ?

    Le pire, c’est qu’à force d’aveuglement, cette politique de la peur que, hélas, votre pouvoir assume à son tour, alimente sa prophétie autoréalisatrice. Inévitablement, elle suscite parmi ses cibles leur propre distance, leurs refus et révoltes, leur résistance en somme, un entre soi de fierté ou de colère pour faire face aux stigmatisations et aux exclusions, les affronter et les surmonter. « On finit par créer un danger, en criant chaque matin qu’il existe. À force de montrer au peuple un épouvantail, on crée le monstre réel » : ces lignes prémonitoires sont d’Émile Zola, en 1896, au seuil de son entrée dans la mêlée dreyfusarde, dans un article du Figaro intitulé « Pour les Juifs ».

    Zola avait cette lumineuse prescience de ceux qui savent se mettre à la place de l’autre et qui, du coup, comprennent les révoltes, désirs de revanche et volonté de résister, que nourrit un trop lourd fardeau d’humiliations avec son cortège de ressentiments. Monsieur le Président, je ne mésestime aucunement les risques et dangers pour notre pays de ce choc en retour. Mais je vous fais reproche de les avoir alimentés plutôt que de savoir les conjurer. De les avoir nourris, hélas, en mettant à distance cette jeunesse des quartiers populaires à laquelle, durant votre campagne électorale, vous aviez tant promis au point d’en faire, disiez-vous, votre priorité. Et, du coup, en prenant le risque de l’abandonner à d’éventuels égarements.

    7. Vous avez, pour finir, commis une faute morale en empruntant le chemin d’une guerre des mondes, à l’extérieur comme à l’intérieur. En cette année 2014, de centenaire du basculement de l’Europe dans la barbarie guerrière, la destruction et la haine, vous devriez pourtant y réfléchir à deux fois. Cet engrenage est fatal qui transforme l’autre, aussi semblable soit-il, en étranger et, finalement, en barbare – et c’est bien ce qui nous est arrivé sur ce continent dans une folie destructrice qui a entraîné le monde entier au bord de l’abîme.

    Jean Jaurès, dont nous allons tous nous souvenir le 31 juillet prochain, au jour anniversaire de son assassinat en 1914, fut vaincu dans l’instant, ses camarades socialistes basculant dans l’Union sacrée alors que son cadavre n’était pas encore froid. Tout comme d’autres socialistes, allemands ceux-là, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, finirent assassinés en 1919 sur ordre de leurs anciens camarades de parti, transformés en nationalistes et militaristes acharnés. Mais aujourd’hui, connaissant la suite de l’histoire, nous savons qu’ils avaient raison, ces justes momentanément vaincus qui refusaient l’aveuglement des identités affolées et apeurées.

    Vous vous souvenez, bien sûr, de la célèbre prophétie de Jaurès, en 1895, à la Chambre des députés : « Cette société violente et chaotique, même quand elle veut la paix, même quand elle est à l’état d’apparent repos, porte en elle la guerre comme la nuée dormante porte l’orage. » Aujourd’hui que les inégalités provoquées par un capitalisme financier avide et rapace ont retrouvé la même intensité qu’à cette époque, ce sont les mêmes orages qu’il vous appartient de repousser, à la place qui est la vôtre.

    Vous n’y arriverez pas en continuant sur la voie funeste que vous avez empruntée ces dernières semaines, après avoir déjà embarqué la France dans plusieurs guerres africaines sans fin puisque sans stratégie politique (lire ici l’article de François Bonnet). Vous ne le ferez pas en ignorant le souci du monde, de ses fragilités et de ses déséquilibres, de ses injustices et de ses humanités, qui anime celles et ceux que le sort fait au peuple palestinien concerne au plus haut point.

    Monsieur le Président, cher François Hollande, vous avez eu raison d’affirmer qu’il ne fallait pas « importer » en France le conflit israélo-palestinien, en ce sens que la France ne doit pas entrer en guerre avec elle-même. Mais, hélas, vous avez vous-même donné le mauvais exemple en important, par vos fautes, l’injustice, l’ignorance et l’indifférence qui en sont le ressort.

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