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Ne pas oublier Gaza

720 tonnes de munitions sont tombées sur Gaza entre le 8 juillet et le 26 aout 2014 pendant l’opération “Bordure protectrice”, soit deux tonnes par kilomètre carré. La violence de ce dernier assaut devient plus claire encore quand on compare ces chiffres avec ceux de l’opération israélienne précédente. En 2008/2009, c’est 50 tonnes de « Plomb durci » qui s’étaient abattues sur l’enclave palestinienne.

Il est important de rappeler que ces bombes et obus ne sont pas tombés sur un terrain vague ni au milieu d’un désert mais sur des femmes, des hommes, des enfants. La bande de Gaza est l’un des endroit les plus peuplés au monde. Les conséquences sont donc effrayantes. 2188 Palestiniens ont perdu la vie. 1658 étaient des civils. Plus de 11 231 Palestiniens furent gravement blessés. Plus de 18 000 maisons furent détruites entièrement ou en partie.

Des chiffres terribles, qui font froid dans le dos.

Les images, quant à elles, sont choquantes, effroyables et souvent insoutenables. Il faut dire que cette fois-ci, Israel n’a pas réussi à interdire aux journalistes, même à ceux travaillant pour des grandes chaines internationales, de rester sur place.

Ces images qui ont choquées le monde entier. Ce sont elles qui ont poussée des centaines de milliers de personnes à travers le monde à descendre dans la rue pour manifester leur colère et leur dégoût, non seulement devant les actes commis par l’armée israélienne mais aussi devant la complicité de leurs propres gouvernements.

Le Tribunal Russell sur la Palestine, qui s’est réuni à 5 reprises entre 2009 et 2013, voyant les réactions incroyables des gouvernements « occidentaux » (qui devant le troisième assaut de l’armée israélienne sur la population de Gaza en 6 ans, le plus violent et le plus long que Gaza ait subi depuis 1967, n’eurent même pas la décence de « condamner » cette attaque ignominieuse ni même d’appeler Israël à la « réserve »), décida qu’il était crucial de se réunir une nouvelle fois. Pour les Palestiniens, mais aussi pour les citoyens du monde entier. Pouvons-nous espérer vivre en paix alors qu’un peuple occupé, encerclé et affamé se fait massacrer dans l’indifférence la plus totale ?

Une session extraordinaire du tribunal fut donc organisée à Bruxelles les 24 et 25 septembre 2014. Le mandat du tribunal et des membres de son jury (Michael Mansfield, Ken Loach, Vandana Shiva, Ahdaf Soueif, Christiane Hessel, Roger Waters, Ronnie Kasrils, Radhia Nasraoui, Miguel Angel Estrella, Richard Falk, John Dugard et Paul Laverty) était clair : le tribunal, devant la férocité de l’attaque de l’armée israélienne, parlerait, pour la première fois en ce qui concerne Israël, du « crime des crimes » : le crime de Génocide et celui d’incitation au Génocide.

Pour secouer et réveiller les consciences.

Il est effectivement crucial de ne pas isoler cette dernière agression israélienne pour en faire un cas à part. L’opération « Bordure protectrice » s’inscrit, comme les précédents assauts, dans une politique de nettoyage ethnique, de colonisation et d’apartheid mise en place depuis la création de l’état d’Israël. Là est aussi le rôle du tribunal : remettre les faits qu’il examine dans un contexte historique global, revenir sur le passé pour mieux comprendre le présent et espérer un futur plus juste. Cet exercice, que les grands médias et les gouvernements, par choix, ne font jamais, est nécessaire pour l’existence même de la civilisation humaine. Comment prétendre comprendre « l’autre » et le respecter si l’on ne tient pas compte de son vécu, de son passé ? Si l’on ignore son histoire, ou l’omet ?

Durant la journée du 24 septembre, témoins, juristes et spécialistes en armement se succédèrent donc devant plus de 500 personnes venues du monde entier pour écouter, comprendre et agir pour que de telles monstruosités ne se reproduisent plus jamais. 
John Dugard, juriste de renom, ouvrit la séance en rappelant à tout le monde que la bande de Gaza, malgré le départ des colons et de l’armée en 2005, reste un territoire sous occupation, soumis à un siège qui n’est rien d’autre qu’une punition collective. Israël, en effet, détient les clefs de cette prison à ciel ouvert et en contrôle les entrées, les sorties, les registres de population ainsi que l’espace aérien et maritime.

Le colonel Desmond Travers, un des membres du rapport Goldstone, évoqua plus particulièrement la doctrine « Dahiyah ». Créée lors de la guerre du Liban en 2006, celle-ci consiste à organiser une attaque d’une magnitude disproportionnée afin de graver dans la mémoire des victimes, ou plutôt des survivants, un souvenir durable du prix à payer lorsque l’on résiste à l’armée israélienne.

Le journaliste David Sheen a, quant à lui, fait état de la montée du discours d’incitation à la haine et au crime contre les Palestiniens au sein de la société israélienne. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un phénomène récent, D. Sheen a démontré qu’il était aujourd’hui devenu « acceptable » et accepté, qu’il n’était plus nécessaire de se défendre d’avoir des positions ouvertement racistes en Israël, à tel point que certaines figures publiques majeures, même issues des franges les plus « libérales », justifient régulièrement le massacre de civils palestiniens. D. Sheen a, par ailleurs, mis en lumière que ce discours ne se limitait désormais plus à une certaine partie de l’opinion publique, mais qu’on le retrouvait dans tous les secteurs de la société israélienne, des religieux aux responsables politiques en passant par les journalistes et universitaires. Un récent sondage a révélé que 95% de la population israélienne approuvaient les opérations militaires israéliennes de cet été.

Le journaliste palestinien Mohammed Omer s’est appuyé sur trois situations dont il a été témoin pour illustrer le recours à trois pratiques spécifiques employées par l’armée israélienne : l’usage de palestiniens comme boucliers humains, les exécutions sommaires de civils ainsi que l’interdiction de se déplacer faite aux ambulances et aux services de la Croix-Rouge. Ivan Karakashian de l’organisation « Defense for Children International » a corroboré le témoignage de M. Omer, expliquant que cela était courant de la part des soldats israéliens.

Les médecins Mads Gilbert et Mohammed Abou Arab, quant à eux, travaillant à Gaza durant l’opération « Bordure protectrice » (ainsi que pendant l’opération « Plomb durci »), ont évoqué la destruction en masse des infrastructures hospitalières et des attaques sur le personnel médical (spécifiant que 17 des 32 hôpitaux de Gaza furent détruits cet été).

Le jury, parfois abasourdi, se retira le soir du mercredi 24 septembre et délibéra pendant de longues heures.

C’est unanimement qu’il a conclu que le crime d’incitation au génocide ainsi que des crimes contre l’humanité ont été commis à Gaza et que le discours employé à différents niveaux de la société israélienne pendant l’été 2014 avait parfois atteint le seuil nécessaire pour pourvoir le qualifier d’incitation directe et publique au génocide.

Le jury a ajouté : « Nous avons sincèrement peur que dans un environnement d’impunité et d’absence de sanctions pour des crimes graves et répétés, les leçons du Rwanda et d’autres atrocités de masse, restent lettre morte ».
 
Le Tribunal Russell est un tribunal populaire, des peuples, pour le peuple. Nous sommes prévenus. Maintenant, il faut agir et vite.

Avant qu’il ne soit trop tard.

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