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Politique française - Page 6

  • ILS PARLENT DE NOUS


    Gaza divise la France

    Pour Abdou Semmar, rédacteur en chef d'Algérie-Focus, les tensions suscitées en France par le conflit israélo-palestinien s'expliquent par l'instrumentalisation de la question palestinienne par le gouvernement, les politiques et la communauté arabo-musulmane.
    A Sarcelles, le 20 juillet 2014, une manifestation pro-palestinienne a dégénéré en affrontements avec les forces de l'ordre.- AFP/PIERRE ANDRIEUA Sarcelles, le 20 juillet 2014, une manifestation pro-palestinienne a dégénéré en affrontements avec les forces de l'ordre.- AFP/PIERRE ANDRIEU
    COURRIER INTERNATIONAL Pourquoi le conflit israélo-palestinien suscite-t-il tant de passions en France ? 
    ABDOU SEMMAR La question palestinienne est une question fondamentale de la conscience collective arabo-musulmane depuis les années 1970. Ce qu’on appelle la "minorité visible", l’immigration maghrébine, greffe sur la question palestinienne ses propres questions sociales et politiques. La communauté musulmane ici en France instrumentalise le conflit israélo-palestinien et transmet ainsi un message politique au reste du pays. La question est également instrumentalisée par les politiques. Le Front de gauche et le NPA [Nouveau Parti anticapitaliste]  espèrent ainsi récupérer l’électorat arabo-musulman, qui n’est pas assez écouté et qui a son mot à dire. 

    Les manifestations ont été dans un premier temps interdites. Qu’avez-vous pensé de cette décision ? 
    Cette mesure n’aurait pas choqué si elle avait été prise à Alger ou en Corée du Nord. Elle a rappelé que la France, le pays des droits de l’homme, n’est peut-être pas le modèle démocratique qu’elle prétend être. Par ailleurs, plusieurs personnes présentes à la manifestation de Barbès ont dénoncé les méthodes de la police française, proches de celles de la police algérienne. Les manifestants auraient été contenus à Barbès, le quartier de Paris où l’on compte le plus grand nombre de Maghrébins. Certains manifestants ont eu le sentiment qu’on avait tenté de discréditer leur protestation. 

    Pourquoi les manifestations ont-elles dégénéré ?
    De nombreux Français ne connaissent rien aux conditions de vie de leurs concitoyens musulmans. Il y a une ségrégation sociale qui se développe d’une façon très choquante. II y a deux France : celle des policiers et des bobos d'un côté, celle des cités de l'autre. Et quand ces deux France se rencontrent, c’est l’incompréhension et la bagarre.

  • la propagande néoconservatrice déguisée en gauche progressiste

     
     
    Ils vous feront détester l'Islam et aimer la guerre
    Machine de propagande capable d'infiltrer des médias historiquement ancrés à gauche, les néoconservateurs déguisés en progressistes obtiennent votre consentement aux guerres contemporaines, ou tout au moins, l’assurance de votre laisser-faire. Leurs armes ? Le détournement d’un discours moral, des choix éditoriaux incitant plus ou moins subtilement à la haine raciale, et une situation oligopolistique des médias
     
    Cette étude vise à aller au delà de formule simpliste « les médias appartiennent aux marchands de canons », pour mettre à jour la mécanique de propagande de guerre et de haine ressassée en continu par les mass-médias sous le joug du lobbyisme néoconservateur. Pour ce faire, nous reviendrons sur le tournant de 2005 où être progressiste autorisait bizarrement à promouvoir la haine des musulmans. Puis nous découvrirons MEMRI, un des rouleaux-compresseurs propageant l’idée d’un choc des civilisations qui légitimerait le pire. Enfin, nous nous pencherons sur ces nombreux faux experts qui appartiennent à des groupuscules néo-cons et développent leur propagande dans tout l'espace médiatique.
     
    I. Comment le fait d'insulter les musulmans est devenu un attribut antifasciste
    La lutte contre l’islamisme est l'un des fers de lance du néoconservatisme. Les « caricatures de Mahomet » parues dans le journal danois Jylland-Posten ont été l’occasion, pour les néoconservateurs déguisés en progressistes, de favoriser l’émergence d’une islamophobie "de gauche" sous couvert de liberté d’expression. Pour appréhender toute la force de cet épisode qui a saboté pour longtemps le vivre ensemble, il est impératif d’en connaître le scénario.
     
    A - De « l’humour » issu d’une commande raciste ?
    Le magazine de gauche Counterpunch attribue au néoconservateur et extrémiste Daniel Pipes une partie de la responsabilité de la commande des caricatures de Mahomet. Toujours est-il que ces dessins ont été retrouvés sur le site du think tank Middle East Forum présidé par Pipes. Pour s’assurer de cette continuité idéologique et ne pas sombrer dans l’amalgame (méthode si chère aux néoconservateurs), il faut rappeler que le Middle East Forum a financé la défense de Geert Wilders, leader de l’extrême droite néerlandaise, poursuivi pour incitation à la haine raciale. Geert comparait le Coran à Mein Kampf et appelait les musulmans à se conformer à la « culture dominante » ou à s’en aller. Il sera relaxé en 2011.
     
    Les liens entre l'extrême-droite et les nécons sont très étroits comme le montre notre organigramme :
     
     
     B - Des dessins illustrant davantage les théories racistes que la liberté de la presse. 
    Le contexte géopolitique dans lequel interviennent les caricatures est imprégné de nouvelles idéologies racistes. Elles émergent dans le sillage de la réélection de George W. Bush :
       L’historien Daniel Pipes signe en 2002 « L’Islam militant atteint l’Amérique ».
    ·  En 2003, Robert Spencer fonde et dirige Jihad Watch. Ce blog a pour objectif de propager l’idée que l’Islam serait « intrinsèquement terroriste ».
       En 2005, le concept « Eurabia » est théorisé par Bat Ye’or. Il s’agit d’une thèse géopolitique servant d’argumentaire à des mouvements d’extrême-droite et selon laquelle l’Europe occidentale est en voie d’absorption par « le monde arabe ».
       En 2007, le néoconservateur historique Norman Podhoretz édite "La quatrième guerre mondiale : la longue lutte contre l’islamo-fascisme".
     
    C - ENAR : le lanceur d’alerte isolé
    Bien que les théories néoconservatrices aient atteint la population dans ses strates les plus à gauche sous couvert de défense de la liberté de la presse, l’European Network Against Racism tente d’alerter. Ce réseau d’ONG de lutte contre les discriminations rend en 2005 un rapport au contenu éloquent : « […] le plus grand journal danois […] a commandé […] 12 dessins très dérangeants et insultants, qui montrent le prophète Mohamed en terroriste et esclavagiste de femmes […] Cet appel involontaire à la provocation a empoisonné l’atmosphère et créé un conflit entre le Danemark et le monde islamique allant jusqu'à interférer avec les Nations Unies […] Dans une interview TV, le journal affirma que ses caricatures visaient à aider les musulmans progressistes par opposition à ceux qui sont plus religieux […] C’est un argument étrange parce que, si Jylland Posten avait vraiment voulu aider les musulmans modérés, alors insulter la religion de l’Islam et son prophète, c’était vraiment la dernière chose à faire […] ». L’ONG ENAR n’a d’ailleurs pas manqué de se demander « pourquoi les médias danois en général, et Jylland Posten en particulier, ont choisi l’islam. Tout le monde sait que les médias danois n’oseraient jamais s’en prendre aux autres religions […] ».
     
    D - Ces théories racistes appliquées aux médias déguisés en antifascistes français
     
    1 - La méthode Charlie Hebdo
    Après France Soir, Charlie Hebdo emboîte le pas du Posten en février 2006 et publie les fameuses caricatures. Les arguments du journal alors dirigé par Philippe Val ? La lutte contre l’intégrisme et la défense de la liberté d’expression.
     Sans vergogne, Charlie Hebdo enfonce le clou en 2006. Faisant appel à la mémoire des « 12 de 1940 » qui refondèrent le syndicalisme français face au régime de Vichy, le journal publie son « manifeste des douze » sous-titré « ensemble contre le nouveau totalitarisme ». Le texte vient soutenir l’idéologie d’une invasion barbare de source islamiste qu’il est impératif de combattre, puisqu'il est introduit ainsi : « Après avoir vaincu le fascisme, le nazisme, et le stalinisme, le monde fait face à une nouvelle menace globale de type totalitaire : l’islamisme ».
    2 - Le point Godwin, ou comment reconnaître un néocon déguisé en rebelle progressiste
    De manière plus générale, les thèses racistes de source néoconservatrice sont abondamment présentes dans des médias de masse se réclamant de gauche comme dans des groupuscules, issus de luttes antifascistes mais dévoyés depuis. Leur utilisation systématique du point Godwin permet de les identifier aisément. La méthode classique consiste à amalgamer Islam et nazisme, méthode qu’illustre à merveille la théorie de l’islamo-fascisme développée plus haut.
    Le prix Nobel Paul Krugman s’insurge contre ces thèses en 2007 dans le New York Times : « Arrêtez-vous, ne serait-ce qu'un instant, sur les implications du fait que Rudolph Giuliani se fasse conseiller par Norman Podhoretz, celui qui veut que nous bombardions l'Iran "dès que la logistique le permettra".
    M. Podhoretz, rédacteur en chef de Commentary et membre fondateur du néo-conservatisme, nous dit que l'Iran est "le principal foyer de l'idéologie islamo-fasciste contre laquelle nous nous battons depuis le 11 septembre ». Les "islamo-fascistes", nous dit-il, sont en passe de créer un monde "conçu à leur manière et taillé à leur mesure." Et même "Quelques observateurs nous mettent dès à présent en garde que d'ici la fin du XXIème siècle, la totalité de l'Europe sera transformée en un espace auquel ils donnent le nom d'Eurabia."
    Est-ce vraiment nécessaire de faire remarquer que rien de tout cela n'a de sens ? Pour une bonne et simple raison, c'est que cet "islamo-fascisme" est un produit de l'imagination des néoconservateurs. Une véritable prophétie tentant vainement de devenir auto-réalisatrice, pour des multiples intérêts géostratégiques. Le terme n'est devenu à la mode que parce que c'était un moyen pour les faucons de la guerre d'Irak de passer sous silence l'enchaînement étrange entre la poursuite d'Oussama Ben Laden, qui avait attaqué l'Amérique, et l'invasion de l'Irak, qui n'y était pour rien. Tout comme l'Iran n'avait rien à voir avec les attentats du 11 septembre 2001. De fait, le régime iranien coopéra avec les Etats-Unis lorsqu'ils partirent en guerre contre al-Qaïda et ses alliés Taliban en Afghanistan. » Fear Itself Craignant - New York Times.
     
    E - Catalogue sémantique de quelques lobbyistes du néo conservatisme français déguisés en acteurs antiracistes
     
    1 - Caroline Fourest en guerre contre « l’Arabia »
    Dans une tribune intitulée « War on Arabia » - « en guerre contre l’Arabia » - publiée en 2005 dans le Wall Street JournalCaroline Fourest estimait que les immigrants arabes, incapables de s’intégrer, représentaient une menace pour la démocratie car ce manque d’intégration pouvait les conduire à rejoindre des cellules terroristes islamistes. Que Caroline Fourest ignore que les peuples arabes sont minoritaires en Islam et peu source de terrorisme serait navrant mais anecdotique.
    Ce qui est à retenir est son adhésion au concept d’ « Eurabia », terme symptomatique des promoteurs du choc des civilisations de source néoconservatrice. Soit à l'exact opposé de la gauche engagée dont Fourest se réclame, les néoconservateurs sont depuis leur création sur l'extrême droite de l’échiquier politique. (Se rapporter à notre organigramme et les sites comme Dreuz.info et les déclarations de W. Kristol et N. Podhoretz.) En utilisant sciemment un terme d'extrême-droite, Fourest dévoile ses motivations profondes et ses accointances avec les milieux nauséabonds qu'elle dénonce pour partie lorsqu'il ne s'agit pas de ses amis...
     
    2 - Bernard-Henri Lévy et le « fascislamisme »
    Bernard-Henri Lévy, quant à lui, prétend sauver les musulmans du « fascislamisme » et se joint à Robert Misrahi en 2002 dans sa chronique sur Charlie Hebdo pour soutenir Oriana Fallaci. La journaliste affirmait entre autres que « Les hommes arabes, qui dégoûtent les femmes de bon goût » ou encore que « les mosquées grouillent jusqu'à la nausée de terroristes ou aspirants terroristes » et pour finir, épousant la théorie raciste et complotiste de l'Eurabia, elle déclare que les Arabes sous couvert de migrations envahissent l'Europe pour propager l'Islam et elle conclut en affirmant que les musulmans « se multiplient comme des rats » . BHL a les amis qu’il mérite...

    3 - Mohammed Sifaoui, le champion toutes catégories du Point Godwin et du confusionnisme
    Prompt à qualifier son adversaire politique du jour de « confusionniste », on comprend rapidement pourquoi Mohammed Sifaoui connaît bien cet adjectif. Pour ne pas se contenter de répondre « c’est celui qui le dit qui l’est », observons son déguisement de progressiste, dont la veste semble avoir plusieurs revers.
    Opportuniste, comme bon nombre de ses amis, Sifaoui a la faculté de se débiner quand l'affaire dans laquelle il est engagé tourne à son désavantage. Ainsi, en 2011, il reprend un billet d'SOS racisme : En raison de ses discours xénophobes, SOS Racisme appelle à faire barrage à Nicolas Sarkozy.
    Et pourtant, dans un entretien accordé en 2008 au Middle East Quarterly, dirigé par Daniel Pipes, Sifaoui estimait que « près de 20% des musulmans de la planète doivent être totalement rééduqués mais aussi combattus politiquement, idéologiquement et militairement ». L’islamisme serait selon lui comparable au fascisme et au nazisme, mais cela serait réductible aussi à l’Islam en général, en adéquation avec les théories néoconservatrices développées autour de 2005.
    La même année, il publie sur son blog « Fitna et Obsession », film du député d'extrême droite néerlandais Geert Wilders qui juxtapose des images d'attaques terroristes avec des versets du Coran. Cette production délibérément raciste fût initialement présentée par Sifaoui avec la mention « à voir et à revoir » comme le prouve cette archive du site. A présent le ton est différent"Obsession". Vos avis ?
    Contributeur hyperactif pour Charlie Hebdo et la revue Prochoix de Caroline Fourest, Sifaoui a participé à la revue néoconservatrice Le meilleur des mondes. Ce magazine est le porte-voix du Cercle de l’Oratoire, groupe de réflexion néoconservateur français proche du PNAC (Project for a New American Century), le think tank néoconservateur américain dont étaient issus les principaux membres de l’administration Bush. Sifaoui a également fait la promotion de l'Institut de recherche des médias du Moyen-Orient, MEMRI, qui le lui rend bien.
    En effet, le lien entre des médias français qui se disent de gauche et des officines néoconservatrices dites « d’information » qui diffusent ces théories est mis en évidence par le MEMRI, ses thèses, ses fondateurs et financeurs, et ses relais dans les médias français.
     
    II - L'Institut de recherche des médias du Moyen-Orient, plus connu par son acronyme anglais MEMRI
     
    A - Une source redondante des médias néoconservateurs déguisés en progressistes
     
    En premier lieu, nous observons que le MEMRI se fait l'écho de Charlie Hebdo dans l’affaire des caricatures. Mais c’est surtout en tant que source de ces médias, que le MEMRI sait s’illustrer : version électronique de Prochoix, la revue de Caroline Fourest, Conspiracy Watch, le site de Rudy Reichstadt, et La Règle du Jeu, la revue fondée par Bernard-Henri Lévy. BHL pousse même le zèle en attribuant une section spéciale MEMRI sur son site !
     
    B - Une usine à fabriquer la peur envers l’islam
     
    Dans un rapport intitulé « L’usine à fabriquer des peurs : les racines de l' islamophobie », le Center for American Progress, groupe de réflexion américain proche du parti démocrate US, établit que le MEMRI « promeut la propagande islamophobe aux Etats-Unis au travers de choix de traduction sélectifs qui ont pour but de faire valoir que l'Islam est intrinsèquement violent et favorise l'extrémisme ».
    Parmi les nombreux points abordés, retenons que Robert Spencer et Daniel Pipes comptent sur le MEMRI pour leur propagande et que le terroriste norvégien Anders Breivik a cité le MEMRI seize fois dans son manifeste. Plus troublant encore, les traductions du documentaire enflammé antimusulman « Obsession : radical islam's war against the West » ont été fournies par le MEMRI. Le site du film fait aussi figurer le MEMRI comme source pour la vidéo « Radical Islam and Terrorism Today ».
     
    C - Une vitrine qui n’affiche pas son néo conservatisme
     
    Siégeant à Washington, le MEMRI a été cofondé en 1998 par Yigal Carmon, un ancien colonel, membre du renseignement militaire israélien de 1968 à 1988, et la politologue américaine d'origine israélienne, Meyrav Wurmser, le femme de David Wurmser, ancien conseiller pour le Moyen-Orient du vice-président américain Dick Cheney.
     
    Officiellement, le MEMRI se présente comme « chargé d’apporter des informations au débat sur la politique américaine au Proche-Orient. Il a des bureaux à Berlin, Londres et Jérusalem. Il fournit des traductions en anglais, allemand, espagnol, français, hébreu, italien, russe et turc, de textes écrits en arabe, persan, turc, ourdou, pachtou et dari ».
    Le MEMRI TV Monitor Project se donnant pour mission de surveiller les principales chaînes de télévision arabes et iraniennes. Sous couvert de renseignement, cette officine de surveillance est manifestement au service d’intérêts américains et israéliens tournés contre les musulmans.
     
    D - Un financement par les leaders du néo conservatisme
     
    Voici les sources de financement du MEMRI : 
    ·   La Fondation Randolph qui finance également le Council on Foreign Relations
    ·   Bradley Foundation qui fut le pourvoyeur de fonds pour le Projet pour un Nouveau Siècle Américain (PNAC), le cercle de réflexion néoconservateur réunissait en son sein Dick Cheney, Donald Rumsfeld, Richard Perle, Paul Wolfowitz.
    ·   Le Département d'État des États-Unis qui a accordé en août 2011 une subvention de 200 000 dollars auMEMRI.
     
    E - Des acteurs décisionnels de la gouvernance W.Bush
     
       Donald Rumsfeld, le secrétaire à la défense de George W. Bush (Plainte pour "torture" déposée contre Donald Rumsfeld)
       Oliver "Buck" Revell, Président du groupe Revell, ancien directeur adjoint du FBI
       Elliott Abrams : conseiller du président George WBush
       Steve Emerson : journaliste, auteur de « Les terroristes parmi nous : Jihad en Amérique » directeur du Projet d’Investigation sur le Terrorisme (IPT)
       John Ashcroft, ancien procureur général américain lors du 1er mandat du président George W. Bush
       Jeffrey Kaufman : avocat spécialisé en propriété intellectuelle 
       Robert Reilly : ancien conseiller principal au Département de la Défense
     
    F - Des conseillers tout aussi néoconservateurs
           
       Bernard Lewis, conseiller de Benyamin Netanyahou alors ambassadeur d'Israël à l'ONU (1984-88)
       Michael V. Hayden, général, ancien directeur de la National Security Agency et directeur de la Central Intelligence Agency
       Jose Maria Aznar, ancien Premier ministre espagnol
       Stephen J. Trachtenberg, président de l'Université George Washington, choisi par George WBush pour l'accompagner à Jérusalem pour la célébration du 60e anniversaire de l'Etat d'Israël en mai 2008
       James Woolsey, ancien directeur de la CIA et sous-secrétaire de la Marine.
       John Bolton, ancien ambassadeur américain aux Nations Unies, signataire du projet néoconservateur Project for the New American Century
       Jeffrey Kaufman : avocat spécialisé en propriété intellectuelle
       Ehud Barak, ancien Premier ministre d'Israël
       Irwin Cotler, ancien ministre de la Justice et procureur général du Canada
       Mort Zuckerman, président et rédacteur en chef, US Nouvelles & World Report et magnat de la presse
       Chin Ho Lee, ancien agent spécial du FBI
       Michael Mukasey, ancien procureur général dans le gouvernement de Georges Walker Bush
       Norman Podhoretz, Ancien rédacteur en chef de Commentary Magazine, une revue néoconservatrice historique
       William Bennett, ancien secrétaire de l’éducation, membre du PNAC
       Christopher DeMuth, un ex de l’administration Reagan
       Paul Bremer, nommé le 6 mai 2003 directeur de la reconstruction et de l'assistance humanitaire en Irak, après l'invasion de ce pays par les États-Unis
       Peter Hoekstra, politicien américain du parti républicain et ancien membre 9 terme de la Chambre des représentants du Michigan
       Jack Kemp, un démocrate qui apporta son soutien au candidat George W. Bush
       Jeane Kirkpatrick, membre d'abord du Parti démocrate puis du Parti républicain sous Reagan en 2001 elle a rejoint le courant néoconservateur
       Irving Kristol, ancien rédacteur en chef du magazine CommentaryKristol et l'un des fondateurs du néo-conservatisme américain
       Elie Wiesel, qui fut déporté avec sa famille par les nazis à Auschwitz-Birkenau, puis Buchenwald. Cependant Norman Finkelstein, dans son ouvrage The Holocaust Industry, considère que Wiesel instrumentalise la Shoah dans le but de soutenir la politique israélienne (Finkelstein est fils de juifs survivants du ghetto de Varsovie). Maccarthysme au sein de l’université américaine (Le Monde diplomatique)
     
    G - Une ligne éditoriale édifiante
     
    A la vue d’un tel casting, on comprend le rédacteur en chef du Guardian pour le Moyen-Orient, Brian Whitaker, quand il affirme que le MEMRI est une « officine de propagande néoconservatrice et ultra-sioniste », ou encore Ibrahim Hooper, le directeur du Conseil des relations américano-islamiques, quand il déclare dans le Washington Times que « l'intention du MEMRI est de trouver les pires citations du monde musulman et de les diffuser aussi largement que possible ». 
     
    Vincent Cannistraro, un ancien de la CIA, accuse le MEMRI d'être sélectif et de diffuser une propagande au service du Likoud. Le MEMRI fait œuvre d’une « distorsion pure et simple » pour Ken Livingstone, l'ancien maire travailliste de Londres. William Rugh, qui fut l'ambassadeur des États-Unis au Yémen et aux Émirats arabes unis, retient que le MEMRI ne présente pas le point de vue arabe, que les propriétaires du MEMRI sont des pro-israéliens et anti-arabes qui veulent montrer que les arabes haïssent les juifs et l'Occident, qu'ils incitent à la violence et refusent toute solution pacifiste au problème palestinien.
     
    Quant à Lalila Lalami, journaliste à The Nation, elle écrit que le MEMRI « sélectionne de façon constante les déchets les plus violents et les plus haineux qu'il peut trouver, les traduit et les distribue aux medias et aux parlementaires U.S. dans sa newsletter. ». En 2012, le quotidien israélien Haaretz écrivait que les agences de renseignement israéliennes avaient réduit leur surveillance des médias palestiniens grâce au MEMRI et à Palestinian Media Watch, une autre machine de désinformation très à droite créée par un colon israélien, Itamar Marcus, qui fut épinglée par CounterPunch
     
    Dès lors, les liens étroits entre les néoconservateurs français que sont Caroline Fourest, Rudy Reichstadt, ou encore Bernard-Henri Lévy et MEMRI, cette officine extrémiste, doivent être rappelé à tous afin que l'on sache quelle idéologie gouverne ces histrions qui s'érigent en policiers de la pensée. Gargouilles grimaçantes cramponnées aux médias, ils ne manquent pas une occasion pour diffuser leur haine de l'islam tout en claironnant qu'ils veulent protéger les musulmans.
     
     
    III - Du retournement des valeurs à l’acceptation de la guerre totale
     
    Au moyen d'une propagande qui altère nos idées et nos jugements, ce bourrage de crâne est devenu le domaine privilégié d'un nouveau genre d'experts, « les désinformateurs ». Leur nombre est en constante augmentation ces dernières années. Omniprésents dans tous les médias, ces va-t-en guerre sont les agents incontournables d'un dispositif qui a pris pour habitude de déguiser la véhémence de ses objectifs par un discours faussement moral.
    Aux nombres de ces soi-disant experts, on trouve étrangement un lot conséquent de néo-cons qui font ouvertement parti de groupuscules défendant l'invasion de l'Irak, la torture, et autre joyeusetés digne des inquisiteurs du moyen-âge. 
    Ainsi, par leurs efforts répétés et conjugués, la peur du musulman s’insinue inexorablement dans les consciences et conduit à l’acceptation de guerres néo-coloniales.
    Après les embargos, les guerres d’Afghanistan, d’Irak, le blocus iranien, la Libye, qui font des millions de morts parmi les musulmans, les ténors de la "gauche" française appellent à la guerre en Syrie et en fustigent les opposants au prétexte qu’ils seraient des sympathisants de Bachar al Assad. Malgré tout,près des deux tiers des Français sont opposés à une intervention contre la Syrie.
    Alors qu'apparait au grand jour les plans de conquête du moyen-orient par les néoconservateurs, les agents infiltrés se revendiquant de la gauche politique française sont de véritables stakhanovistes de la propagande de guerre, montant au créneau médiatique parfois plus de 40 fois par semaine (BHL pour la guerre en Lybie) pour tenter de déclencher l'invasion d'un pays.
    Ainsi BHL vendant son "aventure" en Libye sur grand écran (2900 spectateurs malgré une campagne de promotion digne d'une superproduction hollywoodienne). On l'y voit tout smoking dehors, poseur mondain foulant les victimes civiles d'un pas décidé pour jouer au petit soldat et prier vainement le dieu des néo-cons afin de rentrer dans l'histoire.

    Le plus grave dans ces manigances, c'est que les néoconservateurs sont les plus ardents instigateurs de l'islamisme radical. Que ce soit la coopération plus qu'étroite entre les USA et l’Arabie Saoudite, ou encore les financements et armements d’al-Qaïda en Libye et Syrie par le Qatar, quasi-systématiquement lorsque les fanatiques islamiques montent en puissance ils sont attisés par ces néoconservateurs va-t-en-guerre. Il faut voir BHL tenter de convaincre l'opinion publique française de soutenir al-Qaïda en Syrie pour comprendre que la schizophrénie aiguë et le sophisme le plus pervers hante ces imprécateurs de la haine.

    On ne retiendra de lui que cette pitoyable prestation où Sarkozy l'exclu de la tribune Libyenne. Et on observera une minute de silence pour rappeler que cette mission humanitaire a coûté la vie à plus de 60 000 personnes.
    Ainsi, à la question fondamentale "BHL, Philippe Val, Fourest et compagnie, œuvrent-ils pour le bien commun ou pour leurs intérêts corporatistes et belliqueux ?", nous avons répondu par la mise en évidence des liens consanguins entre cette fausse gauche et les officines les plus extrémistes et intolérantes.
    On pourra donc en conclure que ces tartuffes s'autoproclament de gauche progressiste pour mieux appliquer leur idéologie néoconservatrice très proche de l’extrême-droite.
     
    Source : agoravox.fr
     
     
     

  • Totalitarisme, idéologie suprême de la technostructure

     

    Je pense à ce député-maire « centriste », et je suggère qu’on lui inflige le supplice destiné au loubard de l’orange mécanique : lui garder les paupières grandes ouvertes et lui projeter des heures et des heures de documents sur les camps d’extermination et autres barbaries nazies. Sans grand espoir, tant la politique aujourd’hui n’est plus qu’un magma d’idées reçues, de postures, de petites phrases assassines, bref, des brèves de comptoir à la Wolinski, avec un responsable politique jouant le rôle de la grande gueule éthylisée et des « militants » jouant celui du béni-oui-oui « je ne vous le fais pas dire ». Comment une société peut-elle encore penser, se penser et avancer quand l’ensemble de ce qui y est sensé produire de l’entendement se complaît dans la caricature, s’enrobe d’un charabia répulsif pour dire la complexité ? Quand le monde, selon elle, n’est plus qu’une invasion de bougnouls, de bicots, d’albanais et de roms ; Quand l’autre, qu’il soit ici, en Chine, au Mali ou ailleurs, est forcement à la genèse de tous les problèmes qui apparaissent. Quand la parole, dévaluée jusqu’à l’écœurement, fustige ce que lapraxis soutient (les banques) et cajole ce qu’elle détruit (les peuples), dans une exhibition de cynisme jamais égalée.

     
     

    Endormir est le maître mot. En simplifiant à l’extrême, en fixant le doigt censé montrer la lune, en s’attaquant avec moult détails prouvant leur authenticité à des moulins à vent imaginaires, en tuant, jour après jour, l’eumétrie, la mesure, le lien - fondateur et ciment de la société réelle - au profit d’une autre, imaginaire, mythique où les citoyens s’entredéchirent, se maudissent, s’excluent les uns les autres.

    Tout cela en connaissance de cause, volontairement, car personne ne peut croire que les énarques qui nous gouvernent, à quelques exceptions près, sont des ignares, des analphabètes, des crétins patentés. A la limite, on aurait espéré qu’ils le soient, que nos élites n’y connaissent rien de leurs classiques, que pour eux l’Hubris n’est qu’un mot barbare non identifié. Que Voltaire était un vieillard aigri et Prométhée un artificier maladroit. On aurait espéré que Mme Lagarde n’ait jamais entendu Sophocle dire aux athéniens « lorsque nous croyons avoir raison, nous pouvons aussi avoir tort  ». Hélas, ils connaissent leurs classiques. Mais ils préfèrent faire semblant de les oublier, les garder pour eux, tout comme leurs fortunes et leur patrimoine. En y jetant dans l’arène pour passionner les foules des certitudes barbares et des poncifs explosifs afin de pouvoir vivre entre eux en paix.

     Et quand les rares résistants à cette déferlante de basses passions choisissent de les attaquer, comme Mediapart, en mettant à nu le désormais généralisé fais ce que je dis mais pas ce que je fais, ils les condamnent au silence et à l’abrogation judiciaire de leur mémoire.

     

    Parodie de la pensée politique

    Si Prométhée a rendu l’âme, et ses cendres dispersées le long des centaines de kilomètres de friche des jadis glorieux conglomérats industriels des républiques soviétiques, son frère Epiméthée est bien vivant et arpente en sifflotant la rue Hermès, se demandant, avec sa naïveté bien connue, pourquoi tant de magasins ont baissé définitivement leurs stores dans cette rue commerciale d’Athènes. Il symbolise au mieux notre époque mais surtout nos élites dirigeantes. L’insouciance et le manque d’anticipation ayant définitivement remplacé la démesure, cette maladie de la techné qui a si profondément marqué le XXe siècles et ses horreurs. Désormais, nos banquiers soixante-huitards jouissent de l’instant et de leurs milliards, lançant de temps en temps, comme les précieuses ridicules, leur oups, on s’est trompé, signe annonciateur d’une nouvelle ponction chez les citoyens contribuables par le biais de nos dirigeants - et ce, quelle que soit leur couleur politique -. Car ces derniers, loin de tout esprit volontariste et ne croyant plus à rien, ne font que gérer l’instant, quitte à béatement ouvrir, chaque jour un peu plus, la boite de Pandore. Jadis on gouvernait selon des convictions (plus ou moins) partagées par une portion de l’électorat un moment (plus ou moins) majoritaire. Aujourd’hui on mène une politique apolitique, dite (c’est le mot à la mode) « sérieuse » et qui consiste à tout faire pour continuer à emprunter aux moindres frais (fait-on semblant de croire). En conséquence, on ne gouverne plus, on gère. Ils nous gèrent donc, comme des parents prisonniers de produits psychotropes (en substance argent et pouvoir) tout en espérant qu’interdire, sanctionner et circonscrire des enfants turbulents (les citoyens en occurrence) leur laissera pleinement le temps de voguer dans le nirvana de leurs illusions de toute puissance. Ils titubent, essayant désespérément d’apparaître sérieux et irréprochables, pris inlassablement la main dans le sac ou dans l’erreur. Oups, je me suis trompée dit-elle en souriant Mme Lagarde en 2011 et on la nomme illico à la présidence du FMI.Oups, on s’est trompés murmurent les Goldman et Sachs. Et on imprime chaque mois aux Etats-Unis autant de papier dollars que durant l’ensemble de la période du plan Marshall. Oups, on s’est trompés déclare Monsieur Mario Draghi, et les millions de chômeurs grecs espagnols ou portugais semblent soulagés. A tort. Car il faut continuer dans l’erreur, sinon s’en est fini de notre sérieux et des taux bas pour emprunter. Mais à quoi ca sert d’emprunter, puisque, malgré les chômeurs, les boutiques qui ferment, les exportations qui s’effondrent, les écoles et les hôpitaux qui disparaissent la dette augmente ? Rétorque EUROSTAT. Ca sert, répond Mario fort de son expérience à Goldman Sachs, à pouvoir encore et toujours emprunter malgré l’augmentation de la dette, preuve incontestable de notre sérieux. Et puis, si ça foire on pourra toujours dire, une fois n’est pas coutume, oups, on s’est trompé…

     

    Le dédale des techniques

    Imaginer - et affirmer désirer - un futur radieux, le déconnectant des actions (généralement erronées) quotidiennes que l’on surnomme, pour mieux les déguiser, « réformes », « moyens » ou « mesures », c’est ne rien comprendre a la puissance entropique de la techné. De l’art de gouverner, la technostructure au pouvoir n’a retenu que le pire : le but, continue-t-elle a croire, justifie les moyens. Les cohortes de chômeurs se justifient par une sortie du tunnel, dont, précurseur, Giscard d’Estaing « entrevoyait » déjà la sortie. Les technocrates qui nous gouvernent ne s’aperçoivent nullement que comme le dit si justement Bruno Latour, si l’on ne s’aperçoit pas combien l’usage de la technique déplace, traduit, modifie, infléchit, l’intention initiale, c’est tout simplement parce que l’on a changé de but et que, par un glissement de la volonté, on s’est mis à vouloir autre chose que ce qu’on avait désiré au départ.

    Tout projet politique cesse de l’être, se transformant en une combinaison de décisions techniques, complètement déconnectées des notions du bien et du mal, au nom d’un but idéal phantasmatique qui, bien entendu, ne surviendra jamais. Tout au plus le technocrate au pouvoir, qu’il soit de droite de gauche ou d’ailleurs déclarera, tel le premier ministre grec que pour faire une omelette il faut casser des œufs (sic). C’est en cela que la notion même de sérieux devient apocalyptique (dans les deux sens du terme). L’inquisition dans son temps (ou les fondamentalistes aujourd’hui) n’agissait pas autrement. La seule différence résidant au fait que leurs techniques ambitionnaient un au-delà paradisiaque, tandis que pour les gouvernants contemporains elles se justifient par un futur d’ici.

    Le terme de sérieux devenant ainsi synonyme de totalitaire puisque les moyens cruels utilisés aujourd’hui contre les citoyens sont employés pour leur bien de demain. Ainsi, la technostructure se pourvoit d’une idéologie, c’est à dire d’une vision du monde hermétiquement coupée de la réalité, et incapable de juger son action, puisque celle-ci se dilue dans une série de moyens pensés comme passagers. Cela, en outre, permet d’affirmer que le but réside à se débarrasser de la finance mais que les moyens consistent à ruiner les peuples et les Etats pour continuer, avec sérieux, à emprunter au marché. 

    Ainsi, cette incapacité d’anticiper, embourbée dans une diarrhée de mesures dites techniques ne se met ainsi jamais en cause et se croit insanctionnable comme jadis on se croyait infaillible, voire immortel. 

  • Euro Espoirs de football en Israël

    Euro Espoirs de football en Israël, les droits des Palestiniens piétinés

    Israël accueille du 5 au 18 juin 2013 le championnat d’Europe de football des moins de 21 ans. De nombreuses voix s’élèvent contre l’impunité dont jouit le pays sur la scène internationale et appellent à boycotter l’événement.

    par Olivier Pironetmercredi 15 mai 2013

    « Nous les avons acceptés en Europe et leur avons garanti les conditions d’adhésion (1), ils doivent respecter le message des lois et réglementations sportives internationales, faute de quoi leur présence en Europe n’aura pas lieu d’être. Je vais peser de tout mon poids pour mettre un terme à la souffrance du joueur palestinien, notamment au football. (…) Israël n’a qu’un seul choix : laisser le sport palestinien se développer ou il doit assumer tout seul les conséquences de son attitude » (2).

    Ainsi s’exprimait M. Michel Platini, le président de l’Union européenne des associations de football (UEFA), au sortir d’un entretien avec M. Jibril Rajoub, son homologue de la fédération palestinienne (PFA), le 22 septembre 2010, au siège de l’UEFA, en Suisse. L’ancien footballeur français semblait alors résolu à prendre à bras-le-corps le problème des restrictions sur la liberté de mouvement imposées par les autorités israéliennes aux joueurs palestiniens et celui du blocage par Tel-Aviv des fonds et des équipements sportifs offerts à la Palestine par les donateurs internationaux ou l’UEFA elle-même.

    Pourtant, moins de six mois plus tard, le 27 janvier 2011, Israël se voyait confier par le bureau exécutif — dirigé par le même Platini — de l’instance européenne du ballon rond l’organisation de la phase finale du championnat d’Europe des moins de 21 ans (Euro Espoirs 2013), qui verra s’affronter huit pays du 5 au 18 juin. A l’été 2011, une quarantaine de clubs de football palestiniens signaient une déclaration commune pour faire part de leur consternation de voir Israël « récompensé pour son oppression de [leur] peuple, en toute impunité, par le privilège d’accueillir » la compétition, et demandaient à M. Platini de revenir sur sa décision. Ils entendaient lui rappeler qu’Israël, qui « pratique un mélange, unique au monde, d’occupation, de colonisation et d’apartheid dirigé contre la population indigène, c’est-à-dire les Palestiniens », n’est pas « un pays comme les autres » (3). L’initiative n’a pas permis de faire fléchir M. Platini.

    Le 14 juin 2012, ce fut au tour de Jibril Rajoub de manifester son incompréhension dans une lettre ouverte au président de l’UEFA diffusée par les médias et accueillie froidement par l’intéressé. Le patron de la PFA y évoquait notamment le sort du jeune footballeur gazaoui Mahmoud Sarsak, arrêté par l’armée israélienne au cours de l’été 2009, torturé et incarcéré sans procès ni jugement (lire « Mahmoud Sarsak, une jeunesse brisée »), comme beaucoup des milliers de Palestiniens détenus en Israël (4). Quatre jours plus tard, M. Platini confirmait auprès du président de l’Association israélienne de football (IFA), M. Avraham Luzon, le maintien de l’épreuve dans son pays et se disait certain « que ce sera une belle fête du football, qui, une fois de plus, rassemblera les gens ».

    Le 29 novembre 2012, au lendemain du tirage au sort de la phase finale de l’Euro (qui détermine les poules), il rencontrait le chef de l’Etat israélien, M. Shimon Peres, dans sa résidence de Jérusalem. Trois semaines plus tôt — les 8 et 11 novembre, soit quelques jours avant le début de l’opération militaire « Pilier de défense » contre la bande de Gaza (14-21 novembre 2012, plus de 180 morts du côté palestinien, en grande majorité des civils, dont une cinquantaine d’enfants) —, quatre adolescents étaient tués par des bombardements israéliens alors qu’ils jouaient au ballon rond à Gaza, sans que cela ne suscite aucune réaction de sa part. S’il suit l’actualité, M. Platini aura peut-être été interpellé par la récente décision de l’astrophysicien Stephen Hawking — qui provoque des remous en Israël — de ne plus participer à la conférence internationale placée sous l’égide de M. Peres, « Faire face à demain 2013 », organisée à Jérusalem du 18 au 20 juin, alors qu’il avait dans un premier temps accepté l’invitation lancée par le président israélien. Le célèbre scientifique britannique, qui entend par là protester contre la situation des Palestiniens et l’occupation de leurs terres, a également rejoint le boycott universitaire et culturel d’Israël (5).

    Ironie du sort, la compétition se déroulera, entre autres, dans l’enceinte du stade Bloomfield (ex-Basa), qui fut autrefois celui du club palestinien Shabab Al-Arab de Jaffa, expulsé en janvier 1949 au profit du club israélien de l’Hapoël Tel-Aviv, et dans celle du stade Teddy de Jérusalem, situé tout près du village arabe d’Al-Maliha, vidé de ses habitants en juillet 1948 par les troupes israéliennes et presque entièrement rasé (6). Le stade Teddy est l’antre du club du Beitar Jérusalem, proche du Likoud (droite nationaliste). Ses supporters, ouvertement racistes et violents — deux de leurs slogans favoris sont « Mort aux Arabes » et « Beitar pur pour toujours » —, ont récemment créé la polémique en protestant contre l’arrivée dans l’équipe de deux joueurs tchétchènes de confession musulmane, allant jusqu’à mettre le feu au siège administratif du club, le 8 février dernier — les deux nouvelles recrues du Beitar, qui ne comptait jusqu’alors dans ses rangs que des joueurs juifs, sont systématiquement huées et insultées lorsqu’elles touchent la balle. Pour autant, le cas du Beitar Jérusalem est loin d’être isolé. Le football israélien est fortement touché par le racisme anti-arabe, des « ratonnades » se déroulant même régulièrement en marge des matchs de championnat (7).

    Une coalition européenne d’organisations de défense des droits humains multiplie les actions pour tenter d’attirer l’attention de l’opinion publique et des dirigeants politiques (8). Elles ont mis sur pied la campagne Carton rouge pour l’apartheid israélien afin d’obtenir l’annulation de l’épreuve, sous peine de « renforce[r] le sentiment d’impunité » prévalant en Israël, et ce malgré les violations répétées des droits humains et les crimes commis par son armée à Gaza et en Cisjordanie, qui lui ôtent « toute légitimité à accueillir des événements sportifs internationaux ». La campagne est adossée au mouvement mondial Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS), créé en 2005 sur le modèle de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, qui avait notamment abouti à l’exclusion du pays de toute compétition sportive. Elle a reçu le soutien de nombreuses personnalités, dont l’intellectuel américain Noam Chomsky, le musicien britannique Roger Waters (ex-Pink Floyd), l’ancienne star française du ballon rond Eric Cantona, ou encore le cinéaste Ken Loach.

    De leur côté, des footballeurs professionnels se sont également mobilisés sous la houlette du Malien Frédéric Kanouté. Celui-ci est à l’origine d’un appel à boycotter l’Euro Espoirs, adressé à l’UEFA le 29 novembre dernier et signé par une soixantaine de joueurs internationaux. Ils y témoignaient notamment de « leur solidarité avec le peuple de Gaza qui vit depuis trop longtemps en état de siège, et dont on refuse les droits humains les plus fondamentaux : la dignité et la liberté. » — certains d’entre eux, parmi lesquels des joueurs de l’équipe de France et l’Ivoirien Didier Drogba, se sont depuis rétractés ou ont démenti faire partie des signataires, à la suite, selon M. Kanouté, de pressions exercées sur eux et sur leurs clubs respectifs (9).

    Rares sont les politiques à s’être saisis de la question, à l’exception notable de Mme Marie-George Buffet. Il y a peu, la députée communiste de Seine-Saint-Denis et ancienne ministre des sports (1997-2002) a adressé un courrier à M. Platini pour dénoncer la tenue du tournoi dans un pays dont les « pratiques » sont « incompatibles avec les valeurs du sport » (10). A notre connaissance, elle n’a obtenu aucune réponse officielle.

    Le 25 janvier dernier, une délégation de militants venus de plusieurs pays (France, Royaume-Uni, Suisse, etc.) se sont rendus au siège de l’UEFA pour réclamer des explications à M. Platini. Ils se sont vus rétorquer que « le sport ne peut se mêler de politique, c’est pourquoi l’UEFA n’envisage pas de prendre des sanctions contre Israël » (11). Michel Platini feint-il d’ignorer que l’Afrique du Sud, pendant le régime d’apartheid (avec lequel collabora Israël, au mépris des sanctions internationales), fut suspendue de toutes les compétitions de football dès 1964, puis exclue des Jeux olympiques à partir de 1970, et n’a pu les réintégrer qu’après l’abolition du système ségrégationniste ? A l’époque, il est vrai, l’Europe avait pris part au boycott économique, académique et sportif du régime de Pretoria, tandis qu’elle fait preuve aujourd’hui d’une grande complaisance à l’égard d’Israël, dont les liens avec l’Union européenne n’ont cessé de se renforcer ces dernières années, malgré la poursuite de l’occupation militaire et de la colonisation en Palestine (12).

    Emboîtant le pas de l’Union européenne, l’UEFA se serait-elle à son tour rangée au principe du « deux poids, deux mesures » ?

    Voir aussi : « Mahmoud Sarsak, une jeunesse brisée ».

    (1) Israël participe aux compétitions de football en Europe depuis 1989, après avoir quitté la Confédération asiatique (AFC) en 1974. Il est devenu membre à part entière de la fédération européenne (UEFA) en 1994.

    (2) Cité dans la brochure On ne peut pas s’en foot  !, CAPJPO - EuroPalestine, Paris, 2012.

    (3) «  Appel des sportifs palestiniens à l’UEFA  », 22 juin 2011.

    (4) Près de 4 900 Palestiniens, dont 236 enfants, sont emprisonnés en Israël, parmi lesquels plusieurs ont cessé de s’alimenter. Certains ont récemment péri en détention, comme Maysara Abou Hamdiya (65 ans), mort d’un cancer le 2 avril dernier, faute de traitement, ou Arafat Jardat (30 ans), décédé le 23 février 2013, après un interrogatoire. Sur la situation des prisonniers palestiniens en Israël, voir les données et informations fournies par l’organisation Addameer.

    (5) «  Stephen Hawking joins academic boycott of Israel  », The Guardian, 8 mai 2013.

    (6) Comble du cynisme, la communauté palestinienne de Jérusalem-Est, victime de la politique discriminatoire menée par Israël, dénoncée en particulier par les Nations unies, a été mise à contribution à hauteur de 100 millions de shekels (60 millions d’euros) pour financer les travaux de rénovation du stade Teddy.

    (7Cf. Todd Warning, «  Israel’s Arab-Free Soccer Team  », Tablet, 14 mai 2012. Lire également Robert Kissous, «  UEFA 2013 – lettre à Michel Platini  », Association France Palestine Solidarité (AFPS), 26 avril 2012.

    (8) Un rassemblement de protestation est notamment prévu à Londres le 24 mai prochain, à l’occasion du congrès annuel de l’UEFA organisé dans la capitale britannique.

    (11) «  Coupe de foot junior en Israël : l’UEFA sommée de s’expliquer  », CAPJPO - EuroPalestine, 26 janvier 2013.

    (12) Lire à ce sujet «  Comment l’Union européenne renforce les colonies israéliennes  », par Alain Gresh, Nouvelles d’Orient (Les blogs du Diplo), 30 octobre 2012.

  • LE "POPULISME", C'EST QUOI ?

    chronique le 18/04/2013 par Judith Bernard

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    Alors que le terme «populiste» circule dans la parole publique comme une invective dont le sens serait admis par tous, il n’est pas inutile de se demander d’où nous tenons ce sens prétendument évident: la une du Monde de dimanche dernier sert de point de départ à une petite enquête lexicale qui fait apparaître que l’usage public de la notion s’est établi, depuis une décennie, dans un horizon sémantique éminemment discutable, que Le Monde, dans ses colonnes, se garde bien de discuter.

    Voilà que les «populistes!» sont partout… Mélenchon était abonné depuis un moment à ce procès-là, et avec lui tous les contestataires de l’ordre politique en place, mais voici que le reproche grimpe jusqu’à toucher le sommet du pouvoir : le président Hollande, avec sa nouvelle lubie de la transparence imposée à ses ministres, se retrouve souillé de la même infamie, sa stratégie pointée du même doigt accusateur : «populisme?».

     

     Le point d’interrogation que Le Monde a la charité de laisser traîner ne fait guère illusion – ce mot lâché fait boule puante, avec ou sans ponctuation suspensive il salit son objet d’une odeur persistante, et voici le président himself tout empoissé de l’opprobre «années 30»

    Car les deux qualifications vont ensemble – dire l’une c’est suggérer l’autre, l’attelage n’a pas besoin d’être explicite pour être opérant, c’est toute une petite charrette qui va son chemin dans l’imaginaire, dans des zones un peu sombres où elle s’aventure d’autant plus loin que personne ne sait exactement comment la décrire, de quoi elle est faite et ce qu’on veut dire par là au juste.


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    POUR UNE DÉFINITION ACADÉMIQUE – OU QUAND MON BON VIEUX ROBERT SÈCHE.

    Ce qu’on veut dire par là? Le "vieux" dictionnaire ne m’est pas ici d’un grand secours : mon fidèle Robert de 1996 ne reconnaît à l’item "populisme" que la définition d’un mouvement littéraire (qui «cherche, dans les romans, à dépeindre avec réalisme la vie des gens du peuple»).

    La chose est à peine croyable et vous pouvez pourtant la vérifier par vous-mêmes, en 1996, le sens politique de la notion, si massivement en usage aujourd’hui, n’est pas seulement mentionné dans un dictionnaire qui fait pourtant référence. Cela veut donc dire qu’alors, il ne circule pas dans la parole publique, que nous n’en avons pas l’usage commun...

    RESSOURCES INTUITIVES ET WIKIPÉDIENNES

    Ce sens politique, nous "l’intuitons" donc – nous ne l’avons pas appris à l’école, nous en avons peu à peu édifié empiriquement la définition en fonction de sa construction étymologique (le "populo" fait la cible, le "–isme" une tendance exclusive, et nous sentons qu’il y a là une forme particulièrement dangereuse de démagogie), intuition étayée par les usages que nous en avons entendu faire dans la parole publique.

    On peut considérer que vers 2006 (date où la notice wikipédia du "populisme" est discutée comme "insuffisamment objective" et "ne citant pas suffisamment ses sources"), il circule avec le sens que nous lui donnons aujourd’hui : "Le populisme, nous explique Wikipedia, désigne un type de discours et de courants politiques, prenant pour cible de ses critiques "les élites" et prônant le recours au "peuple" (d’où son nom), s’incarnant dans une figure charismatique et soutenu par un parti acquis à ce corpus idéologique».

    Sa dimension péjorative semble établie, si l’on en juge par le corps de l’article, même si elle est moins aiguë que dans les usages qui en sont faits : «Le populisme met en accusation les élites ou des petits groupes d'intérêt particulier de la société. Parce qu'ils détiennent un pouvoir, le populisme leur attribue la responsabilité des maux de la société: ces groupes chercheraient la satisfaction de leurs intérêts propres et trahiraient les intérêts de la plus grande partie de la population. Les populistes proposent donc de retirer l'appareil d'État des mains de ces élites égoïstes, voire criminelles, pour le «mettre au service du peuple». Afin de remédier à cette situation, le dirigeant populiste propose des solutions qui appellent au bon sens populaire et à la simplicité. Ces solutions sont présentées comme applicables immédiatement et émanant d'une opinion publique présentée comme monolithique. Les populistes critiquent généralement les milieux d'argent ou une minorité quelconque (ethnique, politique, administrative, etc.), censés avoir accaparé le pouvoir; ils leur opposent une majorité, qu'ils représenteraient.»

    Il faudrait ici tout un cours d’histoire pour examiner les mouvements politiques cités ensuite en exemples français du populisme – "boulangisme" de la fin du XIXème siècle, "poujadisme" des années 50 – ce qui n’est pas l’objet de cette chronique, déjà largement débordée par l’ampleur inattendue de son objet.

    LA DOXA DES "DÉMOPHOBES"

    Ce qui frappe surtout, à mesure qu’on explore la notion, c’est que ses définitions ne se laissent pas réduire à un énoncé simple ; c’est donc un concept politique complexe, dont on s’étonne qu’il ait si facilement, et en si peu de temps, inondé l’espace de la parole publique : ici encore, Wikipédia apporte des éléments d’analyse éclairants, s’appuyant sur des travaux universitaires :

    "Annie Collovald met en parallèle le succès du vocable avec la disparition progressive des classes populaires dans les appareils et dans les discours des partis politiques et interprète l'usage croissant du mot populisme ou populiste comme l'expression d'une méfiance grandissante à l'égard des classes populaires et d'un penchant nouveau pour la démocratie capacitaire voire censitaire." (d'aprèsAnnie Collovald,Le «Populisme du FN»: un dangereux contresens, Éditions du Croquant, 2004).

    Le "populisme" serait ainsi peut-être l’arme lexicale de ceux qu’on pourrait appeler des "démophobes" (craignant démos, le peuple), redoutant une montée des revendications du peuple à recouvrer une souveraineté dont il s’estime dépossédé ? On s’amusera alors à constater que la discussion wikipédiesque sur le terme commence à se développer en 2006, soit dans ce grand moment démocratique qui sépare la victoire du Non au référendum sur le Traité Constitutionnel Européen (2005) et l’imposition de force de ce même texte par le Traité de Lisbonne (2007)… N’insistons pas trop, on nous reprocherait d’être… populiste. Et ce serait infamant.

    MAIS POURQUOI DONC C’EST SI MAL?

    Mobilisé depuis quelques années par les partis dominants, pour dénoncer les "extrêmes" sur leurs bords, et repris par les médias institutionnels sans la moindre nuance, le "populisme" s’est imposé dans nos têtes comme une forme du mal en politique : on sent que c’est toxique, que c’est une tentation à laquelle il ne faut pas céder - c’est trop facile, trop simple, et ça peut être hyper grave.

    En relisant la définition admise par Wikipédia, on peut faire l’hypothèse que le grand mal prêté au populisme consiste dans la désignation, par le grand nombre, d’un petit nombre jugé coupable : appelons le petit nombre "minorité", comme le fait la notice, et l’on sent le danger, où la foule va persécuter, lyncher, voire exterminer le petit groupe ; ajoutons que la minorité peut être "ethnique", comme le précise aussi la notice, et le pire pointe son nez, qu’on appelle génocide.

    Ce n’est dit nulle part mais je fais le pari que ce non-dit est le socle implicite sur quoi se constitue l’effet repoussoir de la notion, sur lequel jouent les orateurs qui s’en servent comme d’une arme supposée fatale à l’adversaire : ce n’est pas seulement comme erreur de jugement (cette manière de croire que le "peuple" aurait raison contre "les élites") que le populisme est tenu pour négatif, c’est pour la violence potentielle qu’il est susceptible de libérer, si l’accusation se mue en acte punitif.

    UN USAGE DOMINANT AU SERVICE DE LA DOMINATION

    Nos cerveaux, embarqués dans le grand trafic médiatique des notions, ne prennent guère le temps de fouiller ainsi dans les problèmes de dénotation et de connotation que je tente d’explorer : percevant qu’un usage lexical est dominant, établi et indiscutable, ils se conforment à cet usage, s’en contentent, voire s’en emparent à leur tour - car dans la langue, l’usage fait loi et se répand comme une maladie contagieuse. Et nous voici tous croyant à la redoutable toxicité de ce "populisme" qui nous rappelle qu’il est très dangereux "pour la démocratie" de juger coupable une "minorité" - fût-ce la minorité numériquedes tenants du pouvoir, et quel que soit l’usage qu’ils font en effet du pouvoir.

    Si bien que sentant monter en soi et partout autour cette colère contre des puissants si peu capables de servir le bien commun, si manifestement incompétents ou financièrement intéressés, on se retient au dernier moment de dénoncer leur inaptitude grotesque ou leur crapulisme sans vergogne. On se retient de vomir, on s’installe dans la nausée, on n’ose plus se soulager, on se dit "non, non, pas vomir, pas crier, pas dénoncer : ce serait du populisme" - on n’est pas tout à fait sûrs, pourtant : c’est le problème avec cette notion qui s’est imposée par la doxa, sans préalable définitionnel ; on n’est pas sûr, on sent que c’est une maladie de la démocratie mais on n’a pas bien compris les symptômes, alors on demande un diagnostic : "Docteur, c’est ça, le populisme?".

    ALLÔ, NON MAIS ALLÔ, QUOI : DOCTEUR?

    Et voici que le docteur (en sociologie) nous parle. Dans les colonnes du Monde (daté dimanche-lundi : celui dont la une figure en haut), Pierre Birnbaum est annoncé comme un "spécialiste des populismes", et l’on se jette sur l’entretien qu’il offre au journal, qui permettra enfin d’y voir clair. Las, au lieu d'une définition, avec critères précis et discriminants, ce qu’offre l’universitaire est une réalisation parfaite de ce que Frédéric Lordon appelle, dans sa dernière livraison au Monde Diplomatique, une «leçon de maintien démocratique », par laquelle l’élite (ici intellectuelle: Birnbaum est professeur émérite de sociologie politique à l’université Paris I, ce qui en jette un maximum) rappelle à l’agité qui est en chacun de nous l’art de bien se tenir, c’est-à-dire d’abord de tenir sa langue.


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    Tenir sa langue, c’est s’abstenir en toute circonstance de dénoncer le pouvoir excessif de l’argent dans notre démocratie, parce que cela rappelle les années 30 : "J’ai écouté attentivement ce qu’a dit François Hollande, confie l’émérite: ‘nécessité d’une lutte implacable contre les dérives de l’argent, de la cupidité et de la finance occulte’: comment ne pas penser aux années 1920-1930, à la dénonciation du ‘mur d’argent’, des ‘ploutocrates’ et des ‘200 familles’ ?"

    ENCORE DE L’HISTOIRE

    Nous sommes donc passés aux années 20-30, nouvelle matrice de la définition du populisme, ce qui n’est pas très aidant pour qui a essayé de s’en faire une idée à partir des modèles historiques proposés précédemment (boulangisme et poujadisme). Ces "200 familles" auxquelles nous sommes supposés "ne pas pouvoir ne pas penser" avaient été désignées par Daladier en 1934 comme ayant la main sur l’ensemble de l’économie et de la politique française :

     

    «Deux cents familles sont maîtresses de l'économie française et, en fait, de la politique française. Ce sont des forces qu'un État démocratique ne devrait pas tolérer, que Richelieu n'eût pas tolérées dans le royaume de France. L'influence des deux cents familles pèse sur le système fiscal, sur les transports, sur le crédit. Les deux cents familles placent au pouvoir leurs délégués. Elles interviennent sur l'opinion publique, car elles contrôlent la presse».(Discours prononcé lors du Congrès radical de Nantes, 1934).

     

    Daladier visait les 200 plus gros actionnaires de la Banque de France, et sa formule a connu un succès redoutable, reprise par tous les bords politiques, de l’extrême gauche à l’extrême droite.

    Qu’on connaisse ou pas cette histoire des "200 familles", l’efficacité dissuasive de l’analyse de Birnbaum tient évidemment dans la mention des années 20-30 : ce contexte de la montée des fascismes, associé à la désignation de boucs émissaires - ici, des "familles" - laisse imaginer le pire sans qu’il soit besoin de le formuler. C’est d’ailleurs un amalgame particulièrement paumatoire : les 200 familles en question n’étaient évidemment pas toutes juives, et Daladier ne les désignait pas à la haine publique pour précipiter leur élimination pure et simple. Mais peu importe la nuance : au bout du raisonnement qui désigne une "minorité" jugée "coupable" et démesurément puissante, il y a le pire cauchemar de notre histoire : la Shoah. Ce spectre n’a pas besoin d’être nommé pour poser sa grande ombre sur notre imaginaire, immédiatement censuré dans les tentations qu’il pouvait éprouver de se révolter contre les puissances de l’argent.

    LE TABOU DE L’ARGENT

    En repliant ainsi la dénonciation de l’élite financière contemporaine sur l’époque préfasciste, où une telle dénonciation a pu servir de tremplin à l’essor de l’antisémitisme, l’universitaire bannit toute possibilité de dénoncer l’excessif pouvoir politique qui échoit aux agents économiques les mieux dotés. "Populiste" est ce discours qui dénonce le pouvoir de l’argent. Et "populisme" est le début du fascisme.

    Tout l’argumentaire de Birnbaum pour constituer cette séquence de la "transparence" imposée aux ministres en épisode populiste tient dans un inventaire de citations de politiques visant l’argent, comme si en dénoncer le pouvoir démesuré relevait nécessairement d’un noir projet politique : "On se souvient de Vincent Peillon dénonçant le ‘mur de l’argent’, de Benoît Hamon critiquant les ‘cadeaux faits aux plus riches’, d’Arnaud Montebourg évoquant le ‘système financier mondialisé’. Les trois sont aujourd’hui au gouvernement. Comme Mitterrand qui dénonçait ‘l’argent qui corrompt et pourrit jusqu’à la conscience des hommes’. François Hollande sait très bien, quand il le faut, reprendre ce vocabulaire qui parle évidemment à une certaine gauche mais la dépasse largement : la haine des riches, de l’argent et des banques appartient aussi à l’imaginaire d’une droite antilibérale qui est très puissante en France».

    Et hop, voici venir la "haine des riches", glissée dans la phrase comme une évidence. Dénoncer le pouvoir excessif de l’argent dans notre modèle politique, ce serait "haïr les riches". On tombe de sa chaise, de voir ainsi toute analyse économique contestataire rabattue au niveau d’une pulsion basse prenant des personnes - les riches - pour objet.

     

    Certes, Hollande a ouvert la brèche à cet amalgame odieux, avec sa funeste ânerie du"je n’aime pas les riches"(2006, sur le plateau d’A vous de juger). Sans doute croyait-il s'attirer les suffrages du "peuple" à qui les élites prêtent cet instinct nauséabond, mais le fait est qu’il n’a pas persisté dans ce discours, constatant probablement l’absence totale d’efficacité d’une posture politique aussi bas de gamme.

     

    CONTESTER LES STRUCTURES N’EST PAS HAÏR LES PERSONNES

    Peut-être faudrait-il expliquer, à Hollande comme à Birnbaum, que lorsque le corps social conteste le pouvoir démesuré qui échoit aux agents économiques les mieux dotés, ce n’est pas parce qu’il "n’aime pas les riches". Simplement, le corps social ne se satisfait pas de ce que le pouvoir soit réservé à une caste – la publication des patrimoines permet au moins de faire apparaître que notre démocratie tend bien, en effet, vers la ploutocratie, puisque la plupart des ministres font état d’un patrimoine très au dessus dupatrimoine médian; que cette richesse soit la cause ou la conséquence de leur position de pouvoir pose dans tous les cas un sérieux problème à la démocratie, et c'est notamment cette structure de causalité qui est interrogée. Plus profondément, le corps social ne se satisfait pas de ce que les structures qui l’organisent permettent aux seuls riches - même (et surtout) loin des postes politiques officiels - d’infléchir la vie politique, économique, médiatique ; parce que le corps social est un corps qui veut tout entier être considéré, il veut la démocratie, et la démocratie, normalement, ce n’est pas le pouvoir des riches pour les riches.

    Ce sont donc les structures qu’il conteste, pas les personnes qui en bénéficient. Mais cette nuance ne semble pas accessible aux partis politiques dominants, non plus qu’aux élites qui les soutiennent, les uns et les autres particulièrement prompts aux amalgames dont ils accusent précisément leurs adversaires. Amalgame consistant systématiquement à confondre leurs deux bords extérieurs sous le très utile et très insidieux vocable des "extrêmes", et Birnbaum y va évidemment lui aussi de ce raccourci indispensable à sa thèse : "ces références (à l’argent) constituent le vieux fond sémantique de l’extrême gauche et de l’extrême droite" - et l’on renifle la puanteur de ce "vieux" fond de sauce, sédimenté par l’Histoire, où goulag et camp d’extermination forment la masse compacte de nos terreurs post-modernes.

    LES «ÉLITES» PARLENT AUX «ÉLITES»: DE L’ART DE NOUS FAIRE TAIRE.

    Ne comptons pas sur le journaliste qui lui tend le micro de cet entretien pour l’inviter à plus de subtilité dans l’analyse politique : il est si parfaitement acquis à David Revault d’Allones, auteur de cet entretien, que les thèses du Front de Gauche relèvent de ce "populisme" si haïssable aux yeux du professeur (et pourtant si complexe dans sa définition, comme on l’a vu) que l’adjectif "populiste" ne fait même pas l’objet de la question :

    "Face à la montée des discours populistes, notamment à gauche avec Jean-Luc Mélenchon, M. Hollande pouvait-il tenir d’autres propos?"

    Et le professeur émérite d’emboîter le pas du journaliste du Monde, relevant dans la «radicalisation incontestable» du discours de Mélenchon des traces de Chavisme, mais aussi de poujadisme (le «Du balai» vient de là, apparemment), et revenant bien sûr, soi disant pour l'invalider, mais la légitimant tout de même, sur l’accusation d’antisémitisme :

    "si nul ne peut accuser Mélenchon de préjugés antisémites, une telle phrase appartient toutefois à un registre qui ne peut que les évoquer".

    "...Qui ne peut que les évoquer" ; la même tournure à vocation exclusive que la question du début – "comment ne pas penser (aux années 20-30)?" : la même manière de dessiner un chemin de pensée obligatoire, pas d’échappatoire possible – on ne peut pas ne pas - la même manière de dicter à nos cerveaux les synapses qu’ils doivent produire : si tu entends "argent" dans la bouche d’un politique, pense "populisme" ; si tu entends "populisme", pense fascisme, nazisme, Shoah. Et tais-toi, surtout : tais-toi.