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Politique de l'Empire - Page 6

  • Chomsky sur les négociations...

    Chomsky sur les négociations israélo-palestiniennes et la Syrie

    12 septembre 2013

    Pour la première du Mur a des oreilles, Frank Barat a interviewé Noam Chomsky sur la supercherie des négociations israélo-palestiniennes. Le linguiste qui n'a pas la langue dans sa poche donne également son avis sur la situation en Syrie. (IGA)

    Entretien avec Noam Chomsky qui évoque les négociations Israélo-palestiniennes et la situation en Syrie.
    (le 06/09/2013)
    LMaDO (Frank Barat) : Quelle est la définition de « négociations » dans le dictionnaire israélo-américain ? Et pourquoi l'Autorité Palestinienne joue-t-elle le jeu ?
    NC : Du point de vue des États-Unis, les négociations sont un moyen pour Israël de continuer d'appliquer ses politiques systématiques de confiscation de tout ce qu'il veut en Cisjordanie, de maintien du siège de Gaza, de séparation de Gaza d'avec la Cisjordanie et, bien sûr, d'occupation du plateau du Golan Syrien. Tout ça avec le soutien total des États-Unis. Comme depuis plus de vingt ans ans et l'expérience d'Oslo, le cadre posé par les négociations offre simplement une couverture pour cela.
    LMaDO : Pourquoi l'Autorité Palestinienne joue-t-elle le jeu et continue-t-elle de retourner à la table des négociations ?
    NC : Probablement, en partie, en désespoir de cause. On peut se demander si c'est le bon choix mais ils n'ont pas beaucoup d'alternatives.
    LMaDO : Selon vous c'est donc plus ou moins pour survivre qu'ils acceptent le cadre des négociations ?
    NC : S'ils refusaient de se joindre à ces négociations, menées par les États-Unis, leur base de soutien s'effondrerait. Ils survivent principalement sur des dons. Israël s'est assuré qu'ils ne développent pas une économie productive. Ils sont une sorte de « Société Schnorrer », comme on dirait en Yiddish : vous pouvez juste emprunter et vous vivez avec ce qu'on vous accorde.
    Ont-ils une alternative à cela ? Ce n'est pas très clair. Mais s'ils refusaient l'injonction des États-Unis à venir négocier, même sur des bases totalement inacceptables, ils perdraient du soutien financier. Et ils ont du soutien, de l'extérieur. Suffisamment pour permettre à l'élite palestinienne de vivre une vie plutôt décente – souvent fastueuse même – pendant que leur société s'effondre autour d'eux. 
    LMaDO : La chute, la disparition de l'Autorité Palestinienne serait-elle une mauvaise chose après tout ?
    NC : Cela dépend de ce qui la remplacerait. Si, par exemple, Marwan Barghouti était autorisé à participer à la société civile à nouveau, comme l'a finalement été Nelson Mandela à son époque, cela pourrait redynamiser l'organisation d'une société palestinienne capable de faire pression, avec de réelles exigences. Mais n'oublions pas qu'ils n'ont que très peu d'options.
    En fait, revenons vingt ans en arrière, au début des accords d'Oslo. Des négociations étaient en cours, les négociations de Madrid, pour lesquelles la Palestine était représentée par Haider Abdel-Shafi – homme de la Gauche Nationaliste, très respecté en Palestine. Il avait refusé les termes de négociations posés par Israël et les États-Unis, qui exigeaient que l'expansion des colonies se poursuive. Son refus a entrainé le blocage complet des négociations, qui n'ont donc abouti à rien. 
    Pendant ce temps, les Palestiniens de l'étranger, menés par Arafat, empruntaient une route secondaire via Oslo et prenait le contrôle des négociations. Haider Abdel-Shafi était tellement opposé à cela qu'il n'a même pas assisté à la mascarade de cérémonie où Clinton rayonnait pendant qu'Arafat et Rabin se serraient la main. Il n'est pas venu parce qu'il avait compris que c'était une véritable trahison. Lui avait agit selon ses convictions et n'avait donc rien obtenu.
    Et nous n'obtiendrons rien sans un soutien important de l'Union Européenne, des pays du Golfe et, en fin de compte, des États-Unis. 
    LMaDO : D'après vous quels sont les réels enjeux des évènements actuels en Syrie ? Et quel peut en être l'impact sur la région ?
    NC : La Syrie va au suicide. C'est une histoire horrible qui empire de jour en jour. Il n'y a aucune lueur d'espoir à l'horizon. Ce qui va se passer, si cela continue, c'est que la Syrie va finir par être divisée, probablement en trois régions : une région Kurde, qui est déjà en train de se former et qui pourrait se joindre d'une certaine manière au Kurdistan Irakien semi-autonome, peut-être par le biais d'une sorte d'accord avec la Turquie.
    Le reste du pays sera divisé entre une région dominée par le régime de Assad – un régime horriblement violent, et une autre zone dominée par les différentes milices, qui vont des milices extrêmement malveillantes à d'autres plus laïques et démocratiques. 
    Pendant ce temps, Israël observe et apprécie le spectacle. Le New York Times de ce matin citait un dirigeant israélien exprimant son plaisir à voir les arabes se massacrer entre eux.
    C'est également très bien pour les États-Unis, qui ne souhaitent pas non plus de solution à ce conflit. Si les États-Unis et Israël voulaient vraiment aider les rebelles – ce qu'ils ne font pas – il leur serait facile de le faire, sans intervention militaire. Par exemple, si Israël déployait des troupes sur le plateau du Golan (bien sûr il s'agit du plateau du Golan Syrien mais, de nos jours, le monde tolère plus ou moins, accepte même, l'occupation israélienne dans cette zone) ; s'il faisait juste ça, cela obligerait Assad à déplacer des forces vers le sud ce qui soulagerait un petit peu les rebelles. Mais rien ne laisse penser que cela va se passer. Ils ne donnent pas non plus d'aide humanitaire aux nombreux réfugiés qui souffrent. Ils ne font aucune des choses très simples qu'ils pourraient faire. 
    Tout cela laisse supposer qu'Israël et les États-Unis préfèrent que les choses se passent exactement comme elles sont en train de se passer, comme le relayait le New York Times de ce matin. Pendant ce temps, Israël peut célébrer son statut d' « Oasis au milieu du Désert » (« Villa in the Jungle », ndt) comme ils aiment s'appeler.
    Un article intéressant d'Aluf Benn a paru dans Hareetz. On pouvait y lire que les israéliens s'amusent, vont à la plage et s'auto-congratulent d'être ce petit village paisible pendant que le reste de la région se déchire et s'entretue. Et, bien évidemment, Israël ne fait que se défendre. Ils aiment cette image et elle semble ne pas déplaire non plus aux américains.
    Le reste n'est que fanfaronnades.
    LMaDO : Que pensez-vous des discussions à propos de frappes américaines ? Cela va-t-il arriver ?
    NC : Un bombardement ?
    LMaDO : Oui.
    NC : Eh bien, il y a un débat intéressant aux États-Unis à ce propos. L'extrême droite, qui est un peu en marge du panel international, s'y oppose – pas pour des raisons que j'approuve. Ils s'y opposent parce qu'ils disent : « Pourquoi devrions-nous résoudre les problèmes des autres et gaspiller nos ressources ? »
    Ils demandent, littéralement : « Qui viendra nous défendre lorsque que nous serons attaqués puisque nous passons notre temps à aider les pays étrangers ? »
    Ça, c'est l'extrême droite.
    Pour savoir ce que pense la droite « modérée », nous pouvons lire des gens comme David Brooks du New York Times par exemple, considéré comme un analyste intellectuel de droite.
    Pour lui, l'effort américain de se retirer de la région n'a pas un « effet modérateur ». Au contraire, il dit que la présence des forces américaines dans la région a un effet bénéfique. Cela améliore la situation, comme vous pouvez le voir en Irak par exemple. Mais si nous nous retirons, nous ne sommes plus capables de gérer et améliorer la situation.
    Ceci est l'opinion la plus répandue des intellectuels de droite jusqu'aux les libéraux-démocrates, etc...
    Alors il y a de grands débats pour savoir si « Nous devrions exercer notre Responsabilité de protéger ? »
    Eh bien, jetez juste un oeil au bilan de la Responsabilité de protégeraméricaine. Le fait même que ces mots puissent être prononcés en dit long sur la culture morale et intellectuelle des États-Unis, et de l'Occident en général.
    Sans parler du fait que c'est une grossière violation de la loi internationale.
    La dernière trouvaille d'Obama est de dire que ce n'est pas lui qui a fixé la « ligne rouge » mais le monde, par le biais de ses conventions sur la guerre chimique. Eh bien, en effet, le monde a un traité à ce sujet, traité qu'Israël n'a pas signé et que les États-Unis ont totalement négligé, par exemple quand ils ont soutenu l'utilisation d'armes chimiques par Saddam Hussein. Aujourd'hui, cet épisode est utilisé pour dénoncer Saddam Hussein, et on oublie qu'il n'était pas seulement toléré mais clairement soutenu par le gouvernement Reagan. Évidemment, la convention sur la guerre chimique ne dispose d'aucun pouvoir coercitif. 
    La Responsabilité de protéger, ça n'existe pas. C'est une fraude. Une invention de l'Occident. Il existe deux notions de ce concept : la première a été votée par l'Assemblée Générale des Nations Unies, qui parle de « Responsabilité de protéger » mais ne donne aucune autorisation d'intervenir, sous quelque forme que ce soit, sauf sous les conditions de la Charte des Nations Unies. Il en existe une seconde version, adoptée seulement par l'Occident, les États-Unis et ses alliés, qui est unilatérale et dit que la Responsabilité de protéger permet « l'intervention militaire par des organisations régionales, dans la région qu'elles contrôlent, sans autorisation du Conseil de Sécurité. »
    Si on le traduit en anglais, cela veut dire que les États-Unis et l'OTAN sont autorisés à utiliser la violence quand ils le décident et sans autorisation du Conseil de Sécurité. Voilà ce qu'est la Responsabilité de protégerdans le langage occidental. Si ce n'était pas si tragique, ce serait risible.
    LMaDO : Merci professeur Chomsky, ce fut un plaisir de discuter avec vous.
    Traduction : Ounsi et R.K-B
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    Israël-Palestine Negociations Syrie

  • Le grand tabou US

     
     

    24 septembre 2013

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    « Quand on s’engage à servir son pays et qu’on prête serment, on s’y tient. Ce n’est pas une option. » Steven Bussi de la Fondation Néoconservatrice Heritage, à propos de Chelsea Manning, (anciennement connu sous le nom de Bradley). Vraiment ? Peu importe ce que l’on demande à un individu qui s’est engagé ? Peu importe ce qu’il voit ou ce qu’il sait, il doit ignorer sa conscience et obéir aux ordres ? Mais Steven, mon ami, vous n’êtes pas sans savoir qu’après la Seconde Guerre Mondiale de nombreux Allemands utilisèrent, bien évidemment, l’excuse d’avoir obéi aux ordres. Les alliés victorieux exécutèrent pourtant beaucoup d’entre eux.

     

     

    Les condamnations à mort furent prononcées par le Tribunal Militaire International de Nuremberg, en Allemagne, qui déclara que les individus ont des devoirs internationaux qui surpassent les obligations nationales d’obéissance. C’est pour cela que les citoyens, en tant qu’individus, ont le devoir d’enfreindre les lois nationales pour empêcher que des crimes contre la paix et contre l’humanité n’aient lieu.

     

    En outre, le Principe IV de Nuremberg stipule : le fait qu’une personne agisse selon les ordres de son Gouvernement ou d’un supérieur ne l’exonère pas de sa responsabilité au regard des lois internationales, pour peu qu’on parvienne à démontrer qu’il avait la possibilité d’agir autrement.

     

    Manning, mais aussi Edward Snowden, avaient des alternatives d’ordre moral et ils les ont saisies.

     

    Il convient de dire que Barack Obama a refusé de présenter à la justice ceux qui, sous l’ère Bush, étaient impliqués dans les actes de torture car, affirme-t-il, ils ne faisaient qu’obéir aux ordres. Cet homme instruit, n’a-t-il jamais entendu parler du Tribunal de Nuremberg ? Pourquoi n’est-il pas gêné de répéter encore et toujours le même argument ?

     

    Durant les trois dernières années d’incarcération, de torture et d’humiliation que Manning a vécues et qui ont augmenté considérablement ses difficultés personnelles déjà existantes, j’imagine que l’idée du suicide lui a traversé l’esprit à bien des reprises. Cela aurait été le cas si j’avais été à sa place. Au cours des milliers de jours et de longues nuits d’incarcération à venir, ces pensées habiteront peut-être Manning. Si les pensées se transforment en désir et si le désir devient insupportable, j’espère que cette jeune femme courageuse trouvera le moyen de le réaliser. Toute personne possède ce droit, même les héros.

     

    Les Etats-Unis et leurs petits caniches européens sont peut-être allés trop loin, pour leur propre bien, dans leurs tentatives de contrôler toute communication dissidente en exigeant toutes les données de la part des sociétés impliquées dans la messagerie codée, en mettant la pression pour fermer plusieurs d’entre elles, en obligeant l’avion du président bolivien à atterrir, en détruisant les ordinateurs d’un journal important, en arrêtant la conjoint d’un journaliste pendant plus de neuf heures dans un aéroport, en s’appropriant les conversations téléphoniques de journalistes de l’Associated Press, en menaçant d’emprisonnement un journaliste du New York Times s’il ne révélait pas sa source lors d’une opération d’infiltration, en mentant de manière éhontée au plus haut niveau, en dissimulant des micros au sein du Parlement Européen et des Nations Unies, en organisant des surveillances sans limites. Où tout cela s’arrêtera-t-il ? A quel moment cela sera-t-il contreproductif et permettra aux Etats-Unis de revenir à un niveau de surveillance normal ? Le 24 Juillet, une loi limitant le pouvoir de la NSA a été retoquée par seulement 217 votes contre 205 à la Chambre des Représentants.

    Et combien de temps encore Amnistie Internationale continuera-t-elle à salir son image en niant l’évidence ? A savoir que Manning rentre dans la catégorie des Prisonniers d’Opinion. Quiconque visite le site d’Amnistie Internationale à la recherche de Prisonniers d’Opinion en trouvera un grand nombre, dont plusieurs cubains. Existe-il un lien entre l’oubli de Manning et le fait que la Directrice Exécutive d’Amnistie Internationale, Suzanne Nossel, ait pris ses fonctions actuelles tout de suite après son départ du Département d’Etat Américain, où elle occupait le poste de Vice-Secrétaire Adjointe en charge des Organisations Internationales ?

     

    Un coup de fil au siège d’Amnistie Internationale à New York ne m’a pas permis d’obtenir une quelconque explication sur l’oubli de Manning. Je suggère que les lecteurs essaient de l’obtenir en contactant le bureau d’Amnistie Internationale de leur pays.

     

     

     

    En attendant, l’autre grande organisation internationale de défense des droits de l’homme, HRW, a vu le Directeur du bureau de Washington, Tom Malinowski, être nommé par Obama, Secrétaire d’Etat Adjoint en charge de la Démocratie, des Droits de l’Homme et du Droit du Travail. Est-il vraiment exagéré d’attendre d’un haut fonctionnaire à la tête d’une organisation de défense des Droits de l’Homme qu’il refuse de travailler pour un gouvernement qui a le plus enfreint les Droits de l’Homme au cours des cinquante dernières années ? Et si cette nomination vous semble écœurante, il vous faut considérer la torture comme le meilleur exemple de la cruauté humaine. Qui d’autre que les Etats-Unis a été le plus impliqué dans cette horreur ? Allant même jusqu’à l’enseigner, fournissant manuels et équipements, créant des centres de torture un peu partout dans le monde, séquestrant des personnes pour les conduire vers ces lieux, incarcération, alimentation forcée, Guantanamo, Abu Ghraib, Bagram, Chili, brésil, Argentine, Chicago…

     

     

    Que Dieu nous pardonne !

     

     

    Auteur de Killing Hope : U.S. Military and CIA Interventions Since World War II, Rogue State : a guide to the World s Only Super Power.

    Son dernier ouvrage s’intitule America s Deadliest Export : Democracy.

    Contact : BBlum6@aol.com <mailto:BBlum6@aol.com>

    Source originale : Counterpunch

     

    Traduction : Collectif Investig'Action

  • « Les djihadistes aux yeux bleus » qui inquiètent tant l’Europe


    DÉCRYPTAGE
    03/08/2013 à 11h43

     

    Camille Polloni | Journaliste Rue89


    Le Français Raphaël Gendron, soupçonné d’avoir rejoint Al-Qaeda et tué lors de combats en Syrie (LAURIE DIEFFEMBACQ/AFP)

    Dans des circonstances très particulières, le magazine américain Foreign Policy est parvenu à rencontrer deux djihadistes européens venus combattre le régime de Bachar el-Assad en Syrie, aux côtés d’Al Qaeda.

    L’un est un « Européen de souche » converti à l’islam, l’autre est né musulman (ni d’origine européenne, ni d’origine arabe). Ils dissimulent leur visage dans des foulards pour ne pas être reconnus, et ont posé leurs conditions :

    • Ni leur nom, ni leur pays de résidence ne doivent être cités ;
    • L’entretien se déroulera dans un lieu non précisé, « quelque part dans le nord de la Grande Syrie » (Syrie, Liban, Palestine, Irak, Jordanie).

    Pour des raisons de sécurité, les journalistes ont décidé d’envoyer un Syrien de confiance poser les questions qu’ils avaient préparées. L’entretien (filmé) se déroule en anglais, puisque ces Européens ne parlent pas arabe couramment. Le magazine parle de « djihad aux yeux bleus » (« blue-eyed jihad »).

    « Nous installerons la charia »

    Abu Talal, « un blond aux yeux bleus » cagoulé, pose avec sa Kalachnikov. Il fait partie de l’Etat islamique en Irak et en Syrie, une scission du Front Al Nosra affiliée à Al Qaeda en Irak. C’est la branche jihadiste la plus radicale des rebelles syriens.

    Abu Talal, venu pour des raisons religieuses aider les combattants de l’Armée syrienne libre à renverser le régime, explique :

    « Nous ne tuons pas des innocents, comme le font les troupes de Bachar. Le monde entier pense que la charia est mauvaise, mais ce n’est pas vrai. Nous aidons les gens... Et nous installerons la charia, quoi qu’il en soit. »

    Le deuxième combattant, Abu Salman, se présente comme un franc-tireur spécialiste de l’électronique :

    « Je coopère avec n’importe quel groupe qui a besoin de moi. Je n’en ai pas rejoint un en particulier. Vu la nature de mon travail, tout le monde a besoin de moi. »

    Il préfère tout de même « les meilleurs combattants de l’islam », c’est-à-dire les groupes les plus radicaux. Abu Salman dit être passé illégalement en Syrie par la Turquie. « Tout le monde prend cette route », même si « cela devient plus difficile » pour les étrangers à cause des contrôles accrus.

    Pour lui, même si les membres de l’Armée syrienne libre sont « de bons combattants », les Etats-Unis soutiennent « les pires éléments » en son sein. Ceux qui « ne se battent même pas pour la démocratie, mais qui volent juste de l’argent ».

    Les deux hommes sont convaincus que les Américains finiront par intervenir dans le conflit syrien et utiliseront des drones – comme au Yémen et au Pakistan – contre les djihadistes.

    Et si les groupes proches d’Al Qaeda gagnaient la guerre, « que se passerait-il ensuite pour les minorités chrétiennes, alaouites, chiites ? » demande Foreign Policy. « Ils devraient accepter » le nouvel état des choses « ou partir ».

    « Une potentielle menace terroriste »

    Au-delà de ces témoignages, le magazine s’attarde sur les controverses que suscitent les djihadistes étrangers en Syrie.

    « Certains Syriens reprochent aux djihadistes européens de souiller la pureté de leur révolution, tandis que le régime de Bachar el-Assad les brandit comme la preuve d’une infiltration étrangère de radicaux, et que les services de renseignement occidentaux les voient comme une potentielle menace terroriste. »

    Le risque serait qu’après avoir reçu une formation militaire, ces djihadistes de retour dans leur pays commettent des attentats. C’est la crainte d’une « filière syrienne » qui succéderait à d’autres terrains d’entraînement (Afghanistan, Bosnie, Tchétchénie...).

    D’après les estimations récentes du New York Times, plus de 600 combattants venus d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Australie sont entrés en Syrie depuis 2011.

    14 enquêtes judiciaires en France

    La DCRI et la DGSE parlent « de 180 à 200 Français ». Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, dans une interview à Libération, a détaillé les chiffres en mai :

    « Outre les 50 Français encore sur place et les 40 en transit pour la Syrie, les 30 autres revenus dans l’Hexagone sont sous haute surveillance. »

    Plusieurs interpellations d’individus soupçonnés de préparer leur départ en Syrie – ou d’acheminer d’autres combattants – ont eu lieu récemment en France. Une source judiciaire citée par l’AFP indique :

    « Quatorze enquêtes judiciaires relatives à des infractions terroristes en lien avec la Syrie sont actuellement en cours à Paris et cinq informations judiciaires ont déjà été ouvertes. Au total, ces enquêtes concernent 36 personnes mises en cause. »

    Les autorités s’inquiètent aussi de la présence de quelques Français aux côtés des djihadistes lorsqu’ils occupaient le nord-Mali.

    Jeudi, Manuel Valls et son homologue belge, Joëlle Milquet, ont appelé dans un communiqué conjoint à « mieux lutter au niveau européen contre les départs vers la Syrie et les autres zones de conflit ».

    Pour faire face à « ce phénomène qui prend une dimension inédite en Europe », les deux ministres de l’Intérieur se déclarent favorables à un système de « passenger name record » européen, permettant d’enregistrer les données des voyageurs aériens.

    L’hypothèse avait pourtant été rejetée en avril par la commission Libe (des libertés civiles, justice et affaires intérieures) du Parlement européen. Les ministres de l’Intérieur ou de la Justice de neuf pays (Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni, Suède) ont écrit à la commission pour la faire changer d’avis.

  • La politique d’immigration de Manuel Valls au guéantomètre

    Camille Polloni | Journaliste Rue89

    Si le ministre de l’Intérieur marche sur les pas de son prédécesseur sur le nombre d’expulsions, il diverge sur l’accueil des étudiants. Décryptage en 10 points.

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    La comparaison plane sur son ministère. Pour ceux qui, comme François Delapierre (Front de Gauche) situent Manuel Valls à « l’extrême droite du mouvement socialiste », le ministre de l’Intérieur marcherait dans les traces de son prédécesseur, Claude Guéant.

    Jean-Luc Mélenchon va encore plus loin dans le JDD ce dimanche, en affirmant que Manuel Valls « chasse sur les terres » de Marine Le Pen, qui l’aurait « contaminé ».

    POPULARITÉ RECORD
    Dans un sondage Ifop commandé par le JDD, 61% des personnes interrogées se disent « satisfaites »de l’action de Manuel Valls, loin devant les autres membres du gouvernement. D’autres études d’opinion réalisées depuis 2012 tendent à montrer la popularité record du ministre de l’Intérieur.

    Les commentateurs de Rue89 ne sont pas en reste. Pour certains, Valls ne serait « pas vraiment » de gauche, donnant les mêmes coups de menton que Sarkozy et aussi inflexible que Guéant avec les sans-papiers.

    Pour se faire une idée plus informée des ressemblances et des différences entre leurs politiques d’immigration, petite plongée dans les chiffres disponibles.

    Démarcation sur le droit d’asile ?

    Manuel Valls marche droit dans les traces de Claude Guéant en ce qui concerne le nombre d’expulsions, de régularisations et de naturalisations. Sa politique diverge surtout sur les aides au retour et sur le traitement réservé aux étudiants et jeunes adultes. Le ministre a aussi voulu donner des gages aux associations de défense des étrangers en supprimant le délit de solidarité.

    Plusieurs inflexions récentes – fin de la garde à vue pour les sans-papiers, rétention des mineurs – ne viennent pas d’une volonté politique mais de décisions juridictionnelles qui s’imposent au gouvernement.

    La réforme du droit d’asile pourrait marquer une vraie différence avec le gouvernement précédent. Mais elle n’aura pas lieu avant les municipales, et le statut de réfugié n’a pas été davantage accordé en 2012 que les années précédentes.


    Manuel Valls (à dr.) et Claude Guéant, durant la cérémonie d’investiture, le 17 mai 2012 (Thibault Camus/AP/SIPA)

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    Les expulsions

    Plus dur que Guéant ?

     

    Dès le mois d’octobre 2012, Manuel Valls annonce la couleur devant l’Assemblée nationale : la baisse du nombre d’expulsions n’est pas un objectif du gouvernement.

    « Cette politique ne se traduira pas par des évolutions sensibles en termes de chiffres, s’agissant tant des régularisations que des reconduites à la frontière. Telle est la volonté du gouvernement. Personne ne peut en douter : nous serons extrêmement fermes. »

    A d’autres occasions, le ministre laisse entendre que le nombre d’expulsions pourrait augmenter. Pas de surprise donc, quand les chiffres de 2012 tombent : 36 800 personnes ont été expulsées, soit une hausse de 11,9% par rapport à l’année précédente.

    En attendant le bilan 2013

    Comme l’explique Libération, cette augmentation « concentrée sur les six premiers mois » de 2012, est en partie due à deux facteurs :

    • l’anticipation, par la justice, de la fin de la garde à vue des sans-papiers(effective depuis juillet 2012). Celle-ci entraîne une hausse du nombre d’expulsions sur le premier semestre, et une baisse mécanique pour le second ;
    • l’action du gouvernement précédent qui visait les 40 000 reconduites à la frontière alors que Manuel Valls a annoncé la fin des objectifs chiffrés.

    Il faudra donc attendre le bilan de 2013 pour savoir si Manuel Valls s’inscrit vraiment dans la lignée de ses prédécesseurs. En dix ans, le nombre annuel d’expulsions a quadruplé (voir notre graphique ci-dessous).

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    Le « délit de solidarité »

    Vraiment supprimé ?

     

    L’article L-622-1 du Code des étrangers existe depuis 1945, mais il a étésurnommé « délit de solidarité » par les associations de soutien aux sans-papiers pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Voici ce qu’il dit :

    « Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 euros. »

    En 2009, les associations (Gisti, Cimade, France Terre d’Asile, Secours catholique, Emmaüs) lancent une campagne, estiment que ce délit « d’aide au séjour irrégulier » menace les activités militantes et les marques individuelles de solidarité dans un contexte de durcissement des politiques d’immigration.

    Une polémique oppose alors le ministre de l’Immigration, Eric Besson, aux soutiens des sans-papiers, sur la réalité des poursuites. Le film « Welcome »,sorti la même année, contribue à alerter l’opinion sur les risques encourus par ceux qui aident les migrants en France.

    Janvier 2012 : Valls réforme le Code des étrangers

    Le 2 janvier dernier, Manuel Valls supprime le « délit de solidarité ». C’est-à-dire qu’il réforme le Code des étrangers pour élargir les exceptions à :

    « Toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s’il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte. »

    Le délit d’aide au séjour irrégulier existe toujours mais serait désormais uniquement dirigé contre les filières d’immigration clandestine, pas contre les bénévoles. La notion de « contrepartie », difficile à cerner selon les associations de défense des sans-papiers, continue toutefois à faire débat.

    Fin août, le procès d’un citoyen français accusé d’avoir fourni une fausse attestation d’hébergement à un étranger en situation irrégulière au Havre,devrait tourner autour de cette question. A l’occasion de cette affaire, plusieurs associations (Syndicat de la magistrature, Syndicat des avocats de France, Ligue des droits de l’homme) se sont inquiétées d’un éventuel « retour du délit de solidarité ».

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    Les mineurs en rétention

    Pas fini, mais exceptionnel

     

    C’était une promesse de campagne de François Hollande :

    « Je veux prendre l’engagement, si je suis élu à la présidence de la République, de mettre fin dès mai 2012 à la rétention des enfants et donc des familles avec enfants. »

    Par ces propos, le futur président de la République prend acte d’une décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) datant de janvier 2012.L’arrêt Popov a condamné la France pour avoir enfermé une famille kazakhe dans un centre de rétention inadapté à l’accueil des enfants.

    La CEDH estime :

    « Les autorités doivent mettre en œuvre tous les moyens nécessaires afin de limiter autant que faire se peut la détention de familles accompagnées d’enfants et préserver effectivement le droit à une vie familiale. »

    VOIR LE DOCUMENT

    (Fichier PDF)

    Pour traduire cette décision en actes, Manuel Vallsa envoyé une circulaire aux préfets, en juillet 2012 (lire le document ci-contre). Mais si elle encadre et limite cette pratique, elle n’y met pas fin, contrairement à ce que promettait le candidat Hollande :

    • l’assignation à résidence devient la règle pour les familles en attente d’expulsion. Seules celles qui n’auraient pas respecté leurs obligations devraient être placées en centre de rétention, en dernier recours donc.
    • Mayotte fait exception, et n’est pas compris dans le nouveau dispositif.

    Sept familles placées en centres de rétention

    A plusieurs reprises depuis, les associations (et, sur Rue89, 60 professeurs de droit) ont alerté sur le cas de mineurs enfermés en rétention, en contradiction, selon elles, avec la décision de la CEDH :

    En 2011, d’après un rapport des associations intervenant en rétention, 312 enfants étaient passés par des CRA avec leurs parents.

    Ce nombre a-t-il diminué depuis la circulaire ? Le député socialiste du Val-de-Marne, René Rouquet, voulait poser la question au ministre de l’Intérieur en juin. Manuel Valls étant retenu au Sénat, c’est le ministre de la Ville, François Lamy,qui lui a répondu :

    « Au terme de cette circulaire, il n’y a plus de primo-placement de parents accompagnés d’enfants mineurs. Il en résulte que, depuis sa mise en œuvre, sept familles ont été placées en centre de rétention pour des durées très, très brèves, pour la plupart suite au non respect des obligations de l’assignation à résidence.

    A titre de comparaison, plus de 200 familles avec enfants avaient été placées en rétention sur la même période en 2011-2012. »

    4

    Les aides au retour

    Drastiquement réduites

     

    En décembre 2012, Manuel Valls annonce la fin de « l’aide au retour » humanitaire versée aux ressortissants de l’Union européenne qui acceptent de rentrer dans leur pays d’origine contre une somme d’argent : 300 euros par adulte et 150 euros par enfant mineur.

    Le ministre vise les Roms roumains et bulgares, pour qui le système d’aide au retour humanitaire (ARH) serait « inopérant » voire aurait des « effets pervers ». En clair, les Roms accepteraient cette aide mais reviendraient en France ensuite.

    En réalité, l’arrêté pris en février ne supprime pas l’ARH créée en 2006 pour les « Européens en situation de détresse », mais en diminue fortement le montant, qui passe à 50 euros par adulte et 30 euros par enfant.

    Manuel Valls a d’ores et déjà annoncé que les démantèlements de camps de Roms « se poursuivront ».

    Un autre type d’aide au retour (ARV), concernant les étrangers non européens, a lui aussi subi une baisse drastique, passant de 2 000 euros à 500 euros pour un adulte.

    Le gouvernement précédent avait massivement encouragé le dispositif d’aide au retour pour atteindre les quotas d’expulsions qu’il s’était fixé.

    5

    La garde à vue pour séjour irrégulier

    Remplacée par une « rétention » de seize heures

     

    Depuis un an, la garde à vue d’un sans-papiers pour le seul motif de sa situation irrégulière est illégal.

    Là non plus, la décision ne vient pas de Manuel Valls mais de la Cour de cassation, qui a suivi l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne.

    Sans la garde à vue, les policiers disposent de quatre heures pour contrôler l’identité d’une personne. Insuffisant, expliquent-ils, pour engager une procédure d’expulsion si nécessaire.

    Le ministre de l’Intérieur a donc fait voter un nouveau dispositif, effectif depuis le 1er janvier 2013. Il prévoit une rétention de seize heures. La garde à vue, elle, pouvait durer 24 heures, renouvelables une fois.

    6

    Le statut de réfugié

    Accordé au compte-gouttes

     

    Entre 2007 et 2012, le nombre de demandes d’asile a augmenté de 70%.

    Mais le statut de réfugié, lui, est toujours accordé au compte-gouttes : environ 10 000 personnes en bénéficient chaque année.

    Cette question de l’asile devrait être au cœur de la prochaine loi sur l’immigration. Il s’agit de :

    • réduire les délais de traitement des dossiers, aujourd’hui de seize mois en moyenne (objectif : six à neuf mois) ;
    • réformer l’hébergement, qui ne peut accueillir qu’un tiers des demandeurs d’asile. A Metz, certains ont même décider d’attaquer l’Etat ;
    • mieux répartir les demandes d’asile sur le territoire, car les grandes villes sont engorgées.

    Une concertation sur la réforme du droit d’asile s’est ouverte en juillet, pilotée par la sénatrice centriste Valérie Létard. Mais en intégrant le volet « asile » à une loi plus générale sur l’immigration, Manuel Valls a repoussé l’examen du texte après les municipales de 2014.

    7

    La « circulaire Guéant » sur les étudiants étrangers

    Supprimée

     

    C’était une mesure symbolique. Dès l’arrivée du gouvernement, la circulaire Guéant sur les étudiants étrangers – qui avait entraîné la situation irrégulière de centaines de jeunes diplômés – a été abrogée, un an après son entrée en vigueur.

    Pourtant, a déclaré Manuel Valls à l’Assemblée :

    « Nous avons accueilli en 2012 10% d’étudiants étrangers en moins. [...] Le message négatif envoyé par la circulaire du 31 mai 2011 n’est pas étranger à cette désaffection. »

    Les étudiants étrangers pourraient à l’avenir bénéficier plus facilement d’un titre de séjour pluriannuel, ce qui leur éviterait de refaire des démarches tous les ans. L’enseignement supérieur accueille 300 000 étudiants étrangers chaque année.

    8

    Le nombre de régularisations

    Constant

     

    « Il n’y aura pas de régularisation massive comme en 1981 [131 000 personnes, ndlr] ou 1997 [80 000, ndlr]. »

    Manuel Valls a été clair. Le chiffre annuel de régularisation de sans-papiers restera de l’ordre de 30 000 personnes par an, c’est-à-dire autant que d’expulsions.

    La circulaire du 28 novembre 2012 vise à mieux préciser les critères de régularisation mais ne les élargit pas vraiment. Le ministre de l’Intérieur ne souhaite pas non plus régulariser progressivement les étrangers inexpulsables.

    9

    Les naturalisations

    Des critères assouplis

     

    Le 18 octobre 2012, Manuel Valls signe une circulaire pour faciliter l’acquisition de la nationalité française. Elle prévoit notamment :

    • un assouplissement des critères liés au travail (possibilité de CDD ou d’intérim) ;
    • un examen bienveillant des demandes déposées par des étudiants étrangers et des jeunes de moins de 25 ans ;
    • un retour au délai de cinq ans de séjour régulier sur le territoire (passé à dix ans par Claude Guéant).

    Les deux dernières années du quinquennat de Nicolas Sarkozy, le nombre de naturalisations avait fortement baissé, une tendance qui s’est poursuivie en 2012.

    10

    Portrait de l’immigration

     

    Les derniers chiffres disponibles montrent que si le nombre total de nouveaux admis au séjour est resté stable en 2012, sa composition a varié :

    • l’immigration professionnelle et étudiante a diminué ;
    • l’immigration familiale a augmenté de 6,7%.

    L’admission au séjour par motifs (Ministère de l’Intérieur)

  • RUSSIE/USA

    VU DE RUSSIESommet annulé : "Nous n'avons pas besoin des Etats-Unis"

    La seule chose qui intéresse les Américains dans les relations avec la Russie est de la désarmer, et de la rayer de la carte des grandes puissances... - Indigné, ce journaliste russe fustige l'annulation de la visite de Barack Obama.



    Dessin de CajasDessin de Cajas
    Ça y est, Barack Hussein Obama a annulé sa visite à Moscou. Les principales chaines de télévision russes, penaudes, enfouissent la nouvelle dans les dernières minutes de leurs flash d'information et, plutôt que d'employer clairement le terme de "visite d'Etat", articulent timidement le mot "sommet" qui, bien qu'il soit officiellement admis dans le jargon diplomatique et employé dans les décrets présidentiels n'en est pas moins étranger au vocabulaire des Russes, à l'exception des politologues.

    N'oublions pas qu'une visite d'État, c'est la plus prestigieuse forme de rencontre pour un chef d'État étranger en Russie. Du point de vue du protocole, du cérémonial et du nombre de personnalités officielles impliquées, c'est le plus important événement diplomatique qui soit.

    Tandis que le déplacement d'Obama à Saint-Pétersbourg en septembre, ça ne vaut rien en termes de relations bilatérales, parce que c'est un sommet du G20. Dans ce genre de forums les rencontres bilatérales ont certes cours, mais comme on dit, elles se déroulent "en marge". Vous savez, comme dans les cahiers d'écoliers, dans les livres et les programmes de théâtre. Il y a des "marges" ... eh bien, les sommets internationaux eux aussi ont des "marges". Sauf qu'il se pourrait bien qu'à Saint-Pétersbourg il n'y ait même pas de "marges" russo-américaines.

    Pleins de gestes de soumission

    Est-ce que nos américanistes du ministère des Affaires étrangères, de l'Institut d'études sur les États-Unis et le Canada (ISKRAN) et de l'administration du président vont enfin ouvrir les yeux après un tel affront ? Il y a eu la trahison de Mikhaïl Gorbatchev [Secrétaire général du Parti communiste soviétique, puis le premier et dernier président de l'Union soviétique, initiateur de la perestroïka en 1985], la perte de la souveraineté durant ces foutues années 1990, dans les années 2000 nous leur avons fait tant de cadeaux, mais sans la réciproque, pleins de gestes de soumission, comme par exemple l'abandon des bases militaires deLourdes à Cuba et Cam Ranh au Vietnam, des bases pourtant hautement stratégiques.

    Nous avons aussi contribué à l'implantation de bases militaires américaines en Asie centrale post-soviétique [comme la base aérienne de Manas au Kirghizistan, base-clé de l'opération de la coalition internationale en Afghanistan]. Enfin, leur transit militaire [provisoire pour le stockage, l'expédition et la réception de frets non militaires transportés par des avions civils, pour le compte de la Force internationale d'assistance et de sécurité (ISAF) en Afghanistan] passe [depuis août 2012] par notre territoire [via la ville d'Oulianovsk, à 900 km de Moscou].

    Cela fait peut-être assez de cadeaux de nous autres si riches à ces nécessiteux ? Est-ce qu'ils nous ont offert quoi que ce soit en retour ? Ah mais oui, c'est vrai, il y a eu la "liste Magnitski" [liste noire de responsables russes pour leur rôle présumé dans la mort en prison en 2009 du juriste fiscaliste Serguéï Magnitski, inculpé de fraude fiscale] ... et le déploiement militaire de l'OTAN à nos frontières, on l'aurait déjà oublié ? Le retrait des Etats-Unis du Traité sur les armements de défense antimissile [traité ABM dont les USA se sont retirés en 2002] ne nous a pas plus marqué ; sans parler des sanctions infligées à nos entreprises ou le cas de ressortissants russes kidnappés dans des pays tiers et détenus dans les prisons américaines : motus et bouche cousue ...

    "Ils ont bien vu et tapé dans le mille"

    La Maison-Blanche, la vraie, a délibérément laissé planer le doute sur une possible visite d'Obama à Moscou, espérant que nous lui livrerions [Edward] Snowden [ancien agent des services secrets américains qui, après avoir dénoncé les programmes de surveillance globale de Washington, a obtenu l'asile d'un an en Russie]. L'interview accordée récemment à l'agence Bloomberg par James F. Collins, ancien ambassadeur américain à Moscou, donne un aperçu assez clair de l'état d'esprit de l'administration Obama. Collins a déclaré : "Je pense sans le moindre doute que Poutine a très envie de cette rencontre." (Sous-entendu : "Vous en avez plus besoin que nous.")