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Politique de l'Empire - Page 7

  • Affaire Snowden

    Affaire Snowden : Obama, roi des hypocrites

    Obama vient d'annuler son prochain sommet avec Poutine qui refusait d'extrader Edward

    Snowden. En réalité, ce jeune homme mérite non pas la prison, mais une statue. Non pas la

    torture, mais notre solidarité.

    Pour avoir défendu nos libertés en démontrant au monde entier que les Etats-Unis violent la vie privée de l'humanité entière. Cet Etat qui donne sans cesse des leçons de démocratie et de morale se comporte en réalité comme le Big Brother le plus totalitaire. Ces délinquants au-dessus de toute justice espionnent leurs propres citoyens, les Etats indépendants, leurs concurrents commerciaux et même leurs « alliés ». Téléphones, mails, ordinateurs, rien n'est respecté.

     Pour quoi ?

     Pour augmenter les profits de ces multinationales qui volent le monde entier. Aujourd'hui, les 300

    personnes les plus riches de la Terre possèdent plus que les trois milliards les plus pauvres, et cela est possible seulement grâce au pillage des ressources naturelles, à la surexploitation du travail, à la criminalité économique et à des guerres jamais humanitaires. C'est pour briser nos résistances à ces multinationales voleuses que les voyous de la NSA nous espionnent, et qu'Obama les protège.

     En plus, c'est le roi des hypocrites ! Il se fâche parce que la Russie (qui n'a pas de traité d'extradition avec les USA) a refusé de livrer Snowden. Lui épargnant ainsi la torture et la prison à vie, infligées à cet autre héros Bradley Manning qui révéla des milliers de mensonges des dirigeants US.

     Or, les Etats-Unis ont toujours refusé d'extrader les criminels qui leur avaient été utiles ! Même quand il y avait un traité. En 2003 et en 2007, ils ont refusé d'extrader les agents de la CIA coupables de kidnappings politiques en Italie. En 2010, ils ont refusé d'extrader leur protégé Luis Posada Carriles qui avait placé une bombe dans un avion cubain, tuant 73 personnes. En 2010, ils ont refusé de livrer l'ancien président bolivien Gonzalo Sanchez de Lozada, qui avait massacré les Indiens Aymara, mais était protégé par la CIA et avait engagé des lobbyistes du parti démocrate. Et on peut multiplier les exemples. Jamais, les Etats-Unis ne livrent à la Justice leurs complices, même pour les crimes les plus horribles.

     Joliment hypocrites aussi, tous nos gouvernements européens. Faisant semblant de découvrir un espionnage auquel ils ont collaboré et qu'eux-même pratiquent depuis longtemps. Protestant deux minutes du bout des lèvres pour ne pas offusquer le parrain US dont ils sont le paillasson. Accordant l'asile politique à une Femen anti-Poutine et le refusant aux défenseurs de nos libertés Snowden et Assange. Contradiction passée sous silence par les grands médias.

     Et qui donc a sauvé l'honneur de la démocratie en offrant l'asile définitif à Snowden ? Le Nicaragua, la Bolivie, le Venezuela. Tandis que l'Equateur protège Assange. A méditer.

    Article 12 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme (ONU, 1948)

     « Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. »

     

     Sources :On Obama's cancellation of summit with Putin and extradition, Glenn Greenwald – the guardian.com

     <http://www.nytimes.com/2007/02/28/w...

    [http://www.nytimes.com/2007/02/28/world/americas/28iht-detain.4753522.html?_r=0]> <

    http://articles.washingtonpost.com/...

    Auteur(s) : Michel Collon Page 2/3Affaire Snowden : Obama, roi des hypocrites

    [http://articles.washingtonpost.com/2013-07-19/world/40669150_1_abu-omar-robert-seldon-lady-hassan-mustafa-osa

    ma-nasr]> <http://www.theguardian.com/commenti...

    [http://www.theguardian.com/commentisfree/2012/sep/09/america-refusal-extradite-bolivia]> : <

    http://www.elpasotimes.com/news/ci_... [http://www.elpasotimes.com/news/ci_16970097]> :

     Source : Investig'Action &ndash; michelcollon.info

     

    Auteur(s) : Michel Collon Page 3/3

  • NSA

    Ce que nous apprennent les dernières révélations sur la NSA

    10/08/2013 | 10h06
    Des gens portent des masquent d'Edward Snowden pendant le témoignage de Glenn Greenwald, au Brésil, le 6 août 2013 (Ueslei Marcelino/Reuters)

    Si nul ne doutait des capacités américaines à se doter de tels mécanismes de surveillance, les révélations sur les pratiques de la NSA pointent les failles d’un système américain « schizophrène » : entre surveillance à outrance et promotion de la liberté.

    Impasse. Les Etats-Unis semblaient avoir atteint une sorte de point de non-retour après l’affaire Snowden. En réalité, il se pourrait que ce ne soit qu’un début. Un ancien haut responsable de la NSA – sous couvert de l’anonymat – a confirmé ce jeudi au New York Times l’étendue du filtrage numérique de l’agence de sécurité américaine. Quelques jours plus tôt, le journaliste collaborateur du Guardian au Brésil, Glenn Greenwald, a également prévenu que l’espionnage américain ne se limitait pas à la lutte contre le terrorisme. Il serait également industriel et commercial. On se souvient du programme ECHELON (1999), utilisé pendant de nombreuses années aux Etats-Unis, au Canada, au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande pour intercepter via des satellites les télécommunications commerciales à l’échelle mondiale.

    Glenn Greenwald aurait en sa possession près de 20 000 documents secrets reçus des mains d’Edward Snowden et pourrait les rendre public“d’ici une dizaine de jours”. C’est ce qu’il a déclaré, auditionné par la Commission des relations extérieures du Sénat brésilien sur les révélations de l’ancien consultant de la NSA actuellement en Russie. Mais si Snowden fait office de “détonateur”, il est loin d’être le seul administrateur de systèmes a avoir eu accès à ce types de données. Quatre millions d’Américains sont en effet dotés de la “top secret security clearance”. Autrement dit, 1 Américain sur 50 peut actuellement se procurer les informations confidentielles des renseignements américains. Parmi eux, on dénombre 500 000 entreprises privées comme celle pour laquelle a travaillé l’ancien consultant de la NSA.

    “Avant même d’arriver au grand public, on peut imaginer que de nouvelles fuites pourraient arriver dans les oreilles de puissances étrangères, d’entreprises du renseignement étranger ou d’autres services d’Etat”, estime Jérémie Zimmermann, porte-parole de la Quadrature du Net.

    Pour l’hacktiviste Nicolas Diaz, l’enjeu est de taille : “Les Etats-Unis risquent de perdre la confiance de leurs citoyens et des autres pays avec leur arrogance technologique”. La conséquence d’une “schizophrénie latente entre promotion des libertés fondamentales et surveillance à outrance”, selon lui

    >> A lire aussi : Plainte contre X de la FIDH dans l’affaire Snowden: “La France s’est couchée devant les autorités américaines”

    Du point de vue américain, cet espionnage acharné est “légitimé” depuis le 11 Septembre et le début de la guerre contre le terrorisme mondial initiée par Georges W. Bush. “Près de 300 terroristes ont été arrêtés”grâce à XKeyscore, affiche fièrement le diaporama de formation de la NSA. Et pour les défenseurs de l’agence de sécurité américaine, les récentes menaces d’attentats justifiant la fermeture d’ambassades américaines au Moyen-Orient et en Afrique démontrent plus que jamais la valeur de tels programmes. Sans contester leur utilité dans le démantèlement de réseaux terroristes, Nicolas Diaz déplore tout de même la position de l’administration Obama :

    “Les Etats-Unis sont encore sous la chape de plomb de la famille Bush fondée sur la terreur d’un Etat Policier. Obama continue la politique rampante créée avec le Patriot Act et c’est désemparant…”

    Ce texte législatif voté le 26 octobre 2001 autorise la surveillance de toutes les télécommunications sans aucune autorisation préalable au nom de la défense des intérêts américains contre la menace terroriste. Il vient amender une autre loi, le Foreign Intelligence Surveillance Act (Fisa) qui autorise les agents du renseignement américain à collecter “statutairement [des] informations des renseignements étrangers (…) à partir des fournisseurs de services électronique sous supervision judiciaire”. Malgré quelques modifications en 2007, Fisa rend légal la surveillance de citoyens américains pouvant être en relation avec des cibles terroristes étrangères. Ce que Jérémie Zimmermann considère comme un “emballement du système juridique américain post-11 Septembre qui donne de plus en plus de pouvoirs à la NSA”.

    Ces mêmes prérogatives dont l’ampleur a été mise à nue par les deux derniers programmes espions en date de la NSA : Prism, dévoilé par leGuardian et le Washington Post fin juillet, puis XKeyscore décrypté par le Guardian début août. Ce dernier permettrait à ses analystes de recueillir en temps réel à les métadonnées d’un internaute lambda à l’aide d’un simple formulaire et sans autorisation préalable. Emails, tchats, sites visités, tout pourrait être collecté grâce à 700 serveurs disposés dans le monde entier.

    “Grâce à ces révélations, on a appris que les Etats-Unis sont effectivement postés au niveau de ces ‘backbones’ ou ‘nœuds névralgiques’ numériques, qui fonctionnent comme des péages”, explique Nicolas Diaz.

    En étant présent au niveau de ces passages numériques obligés, les Etats-Unis interceptent ainsi tous les flux d’information qu’ils souhaitent à l’étranger comme sur leur territoire et font ensuite leur tri grâce à la puissance de calcul de Xkeyscore.

    Une surveillance “massive et généralisée”

    Pour ce faire, les agents de la NSA remplissent un formulaire, précisent la période pendant laquelle les informations doivent être stockées (la période de stockage varie selon le poids et l’importance des données concernées, quelques jours tout au plus) en justifiant plus ou moins précisément les motifs de sa recherche. Ils ont ainsi accès à l’ensemble des contenus et les “contenants”, plus connus dans le jargon sous le nom de métadonnées (nom d’utilisateur, adresse, langue…à des messages réceptionnés. Pour Jérémie Zimmermann ces révélations sont bien “la preuve irréfutable du caractère massif et généralisé de cette surveillance” :

    “Jusque là, on n’avait que de très fortes suspicions et on se faisait taxer de complotistes, de paranoïaques. On a aujourd’hui l’assurance que c’est une réalité”, ajoute le porte-parole de la Quadrature du Net.

    Tout internaute est donc susceptible d’être contrôlé. Si de son côté la NSA affirme ne surveiller que des “cibles étrangères”, le fameux témoignage d’un de ses anciens employés au New York Times tue une nouvelle fois dans l’œuf les prétentions de l’agence de sécurité américaine. Selon lui, en effet, la NSA stockerait non seulement les communications d’Américains en contact direct avec des étrangers sous surveillance mais elle filtrerait également tout contenu mentionnant des informations relatives à ces cibles, avant de les “copier” puis de les stocker pendant un laps de temps plus ou moins long, selon l’importance et la taille de telles données. Chargée de réagir à ces nouvelles déclaration, la porte-parole de la NSA, Judith A. Emmel, ressort le même discours :

    “Les renseignements recueillis ne visent pas les Américains mais ‘les puissances étrangères et leurs agents, les organismes étrangers et les terroristes internationaux’.”

    L’agence de sécurité précise que ses opérateurs doivent être sûrs à 51 % que l’individu ciblé soit étranger pour lancer leur traque numérique, dans le cadre notamment de l’autre programme d’espionnage Prism. Un“habillage cosmétique pour dire qu’ils accèdent aux données de tout le monde, tout le temps”, d’après Jéremy Zimmermann : “Quand tu es sûr à 50% de quelque chose, c’est pile ou face +1, tu n’es sûr de rien du tout”,ironise-t-il.

    La collaboration effective des géants d’Internet

    Les révélations successives relatives aux manœuvres de la NSA ont aussi cela d’inédit qu’elles dévoilent la collaboration effective des géants de la recherche sur Internet avec la NSA dans da traque globale des Etats-Unis. Le programme Prism permettrait aux renseignements américains d’utiliser les données issues des plus grands fournisseurs d’accès internet grand public : Google, Yahoo!, AOL, Youtube… Pour autant, un “accès direct” à leur données a très vite été démenti par les principaux concernés.

    “Nous n’avons pas de preuve qu’un contrat imposerait à Google et consorts de laisser les renseignements américains avoir directement accès à leurs serveurs”, confirme Nicolas Diaz.

    Les fournisseurs d’accès semblent jouer sur les mots, alors que la présentation du programme Prism mis en ligne par le Washington Postliste les compagnies concernées.

    “Ces firmes nient avoir un accès direct, mais des accès indirects suffisent… leur démenti est par là-même une arnaque complète”, continue le porte-parole de la Quadrature du Net.

    En France, ces soupçons de collusion ont également été réaffirmés par la FIDH à travers une plainte contre X déposée conjointement avec la LDH devant le procureur de la République française le 12 juillet dernier. Interrogé par les Inrocks, le président d’honneur de la Fédération, Patrick Beaudoin, a lui aussi émis des doutes certains sur cette collusion :

    “L’objet d’une potentielle enquête pourra apprécier si ces multinationales ont été complices ou victimes de ce système comme elles le laissent entendre. Mais je n’imagine pas qu’elles n’aient pu avoir connaissance d’une intrusion des renseignements dans leur logistique.”

    L’accusation peut inquiéter ces prestataires numériques qui se targuent d’une transparence absolue de leurs méthodes et du droit à la liberté numérique de leurs utilisateurs : “Votre vie privée est notre priorité”,rappelait Microsoft dans sa dernière campagne de pub, en mai dernier.

    Alors que son administration a été récemment sommée de s’expliquerdevant le Sénat, Barack Obama viendrait tout juste de recevoir à la Maison Blanche plusieurs représentants de sociétés high-tech, dont Tim Cook (PDG d’Apple) et Vint Cert (vice-président de Google) pour échanger sur les pratiques de surveillance de son gouvernement.

     
  • Procès Bradley Manning

    Procès Bradley Manning: c'est de la vengeance, pas de la justice

    Permettre au gouvernement de juger celui qui a fourni à WikiLeaks des rames entières de données pour «collusion avec l'ennemi» est un dangereux précédent.

    Bradley Manning est escorté devant le tribunal militaire de Fort Meade dans le Maryland, le 18 juillet 2013. REUTERS/Jose Luis Magana

    - Bradley Manning est escorté devant le tribunal militaire de Fort Meade dans le Maryland, le 18 juillet 2013. REUTERS/Jose Luis Magana -

    Le gouvernement veut-il vraiment gratter la moindre livre de chair disponible sur le dos du première classe Bradley Manning pour le punir d'avoir fourni à WikiLeaks un énorme paquet d'informations? La réponse, lamentable, est oui.

    Jeudi, le juge militaire chargé du procès de Manning a décidé de ne pas abandonner le chef d'accusation le plus grave –et le moins supportable– pesant sur sa personne, la «collusion avec l'ennemi». Une charge qui, au départ, n'aurait même pas dû être avancée par le gouvernement.

     
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    Qu'importe votre avis sur Manning, cela crée un terrible précédent pour les «whistleblowers», les lanceurs d'alerte. Et son seul intérêt est la possibilité d'une peine de prison à perpétuité pour un jeune homme de 25 ans ayant d'ores et déjà plaidé coupable pour des chefs d'accusation susceptibles de l'envoyer vingt ans derrière les barreaux. On est devant une affaire de vengeance, pas de justice.

    La fuite dont est responsable Manning est, bien sûr, gigantesque. En 2009, il a donné à WikiLeaks des rames entières de câbles diplomatiques, des carnets de guerre sur les conflits en Irak et en Afghanistan, des dossiers sur Guantánamo, des notes internes des services secrets américains et la vidéo du raid d'un hélicoptère Apache en Irak, responsable de la mort «collatérale» d'un photographe de Reuters et de son chauffeur.

    Manning a reconnu être à l'origine des fuites, en plaidant coupable pour dix des chefs d'accusation pesant sur lui. Mais il affirme ne pas être coupable de collusion avec l'ennemi, car son intention n'était pas de voir la publication des documents secrets aider des organisations terroristes comme Al-Qaïda.

    Voici ce que dit la loi: la charge concerne «quiconque aide ou tente d'aider l'ennemi avec des armes, des munitions, du matériel, de l'argent et autres ressources;  ou qui, sans en avoir l'autorisation idoine, dissimule, protège, renseigne, communique ou correspond avec ou encore établit un lien quelconque avec l'ennemi, sciemment et de manière directe comme indirecte».

    Le chef d'accusation est large – le juge ne l'a pas inventé de toutes pièces. Mais dans d'autres affaires, les tribunaux ont requis que l'accusé ait spécifiquement et volontairement aidé l'ennemi. La charge a jusqu'à présent été réservée à des traîtres murmurant aux oreilles de nos adversaires.

    Comme le faisait remarquer en mars Yochai Benkler, un des experts de la défense dépêché au procès Manning, dans les colonnes de la New Republic, la collusion avec l'ennemi a auparavant été utilisée dans des«affaires stratégiques où quelqu'un avait remis des informations sur des mouvements de troupes directement à un individu que le collaborateur estimait être 'l'ennemi', où des prisonniers de guerre américains avaient collaboré avec leurs geôliers nord-coréens, ou encore dans le cas d'un citoyen germano-américain ayant participé à une opération de sabotage pour le compte des Allemands pendant la Seconde Guerre Mondiale».

    Une jurisprudence qui ne correspond à aucun des faits de l'affaire Manning. Pour le gouvernement et l'armée, les fuites relèvent du sabotage et de la folie. Mais selon Manning, son geste visait à provoquer un débat public. Il avait de plus en plus de doutes sur la guerre et voulait révéler les exactions de l'armée américaine pour que l'opinion sache. Ou pour citer la déposition de Manning devant la cour, plus tôt cette année:

    «Mon sentiment, c'était que nous prenions trop de risques pour des gens peu disposés à coopérer avec nous, ce qui générait de la frustration et de l'amertume des deux côtés. La situation, dans laquelle nous nous embourbions davantage année après année, s'est mise à me déprimer. (…) J'ai aussi cru que l’analyse détaillée des données sur le long terme et réalisée par différents secteurs de la société pouvait permettre à celle-ci de réévaluer le besoin, voire l'envie, de s’engager dans des opérations de lutte contre le terrorisme ou contre l’insurrection, ignorant les dynamiques complexes des populations vivant au quotidien dans les régions concernées». Pour lire sa déclaration complète, c'est ici.  

    Pour justifier leur décision, les procureurs ont fait valoir que «les preuves montreront que l'accusé a sciemment donné des renseignements à l'ennemi». Les preuves, c'est que certains des documents révélés par Manning, une fois sur Internet, ont atteint Ben Laden et ont été retrouvés sur son ordinateur.

    En d'autres termes, en donnant des informations à WikiLeaks, Manning les donnaient aux terroristes. Il s'agit d'une interprétation scandaleusement trop large d'une loi rédigée à l'emporte-pièce. Elle compromet toutes sortes d'individus publiant des choses susceptibles de contrarier les intérêts américains en ternissant l’image des Etats-Unis à l'étranger.

    Ce que font tous les jours des journalistes, ce que font tous les jours des tas de gens sur les réseaux sociaux. On appelle cela la liberté d'expression. La plupart des critiques de l'Amérique n'ont pas accès au genre de données nuisibles que Manning avait en sa possession. Mais désormais, quand ils l'auront, ils devront craindre que leur publication soit l'équivalent juridique d'un cadeau aux terroristes.

    Comme le souligne Benkler, qu'importe que la plate-forme de publication soit WikiLeaks, le New York Times ou Twitter. Et cette théorie de collusion avec l'ennemi est «inédite dans l'histoire américaine contemporaine». Il nous faut remonter à la Guerre de Sécession et à une affaire où un officier de l'Union avait donné à un journal de Virginie une liste de camarades soldats pour trouver l'équivalent du cas Manning.

    Si Manning passe le restant de ses jours en prison pour un geste de défiance commis au début de sa vingtaine, cela sera du même acabit que ses conditions de détention préventive que, dans un énorme euphémisme, le juge estimait «excessives».

    Pendant neuf mois, dans une prison militaire, Manning était à l'isolement pendant 23 heures par jour. Il devait dormir nu, sans draps ni oreillers. Il n'avait aucun moyen de faire du sport. La version officielle, c'est qu'il présentait un risque suicidaire élevé, mais, encore une fois, cela ressemble bien davantage à de la vengeance. 

    Aujourd'hui, pas même Manning n'en appelle à sa libération. Son affaire ne relève pas de la culpabilité ou de l'innocence, mais de la proportionnalité. En choisissant la démesure, le gouvernement et le tribunal risquent d'aller trop loin et vers un endroit trop sombre. La voie juridique est bien assez large pour punir Manning sans avoir à effectuer ce genre d'embardée. Et les raisons de s'en passer sont, aussi, bien plus que suffisantes.  

    Emily Bazelon 

  • La Libye, entre grignotage

    TRIBUNE11/06/2013 à 18h40

    La Libye, entre grignotage islamiste et milices armées

    Hélène Bravin | “Kadhafi, vie et mort d’un dictateur” (Ed. Bourin)

    TRIBUNE

    La Libye vit toujours à l’heure des milices. En atteste l’affrontement entre la milice de Benghazi, le « bouclier de la Libye », et la population, qui a eu lieu dans la nuit de samedi à dimanche et qui a fait de nombreux morts et blessés.

    Parallèlement, la situation politique est devenue précaire depuis la démission de Mohamed Megharief, le président du Congrès national général (CGN), suite au vote de la loi sur l’exclusion politique de certains responsables du régime, laquelle est une politique de grignotage mise en œuvre notamment par les islamistes.


    Intervention de l’armée libyenne lors des affrontements de Benghazi, le 8 juin 2013 (AP Photo/APTV)

    Benghazi enterre mardi ses morts suite à un affrontement entre des manifestants, dont certains étaient armés, qui ont souhaité déloger la milice des bâtiments qu’elle occupe depuis des mois ; une milice qui pourtant avait intégré l’armée régulière libyenne. Celle-ci ne s’est pas laissé faire. Bilan : environ trente morts et près d’une centaine de blessés.

    Echec de l’intégration des milices

    Cet affrontement marque indéniablement l’échec de la politique d’intégration des milices dans son armée régulière, jusqu’à présent menée par le gouvernement. Si le « bouclier de la Libye » a en effet bien intégré l’armée c’est toutefois en gardant ses propres structures et son chef, l’islamiste Imad Balam.

    Dans la nuit de samedi à dimanche, sa brigade d’Al Koufia (Est de Benghazi), dirigée par Wissam Ben Hamid, qui serait également islamiste, a fait savoir qu’elle gardait bien son indépendance, n’hésitant pas à tuer. Cet événement désastreux amène à réfléchir sur les différentes stratégies adoptées jusqu’à présent par le gouvernement pour faire face aux milices, et qui semblent de toute évidence peu efficaces.

    En novembre, lors du conflit de Beni Walid opposant les milices de Misurata à la tribu des Warfallahs, perçus comme kadhafistes, le gouvernement avait appuyé la milice de Misurata pour mettre fin au conflit.

    Résultat : la milice en est ressortie renforcée. Et les Warfallahs, représentants la plus grosse tribu de Libye, ont été écartés des postes à responsabilité dans les administrations, laissant un goût amère de revanche.

    Menacé dans son bureau

    Peu de temps après, Ali Zaedane a mené une politique très offensive vis-à-vis des milices. Il a demandé leur délogement même par la force et a exigé leur intégration dans l’armée sous deux conditions : l’abandon de leur structure et leur paiement après leur intégration.

    Cela lui a valu d’être menacé dans son bureau par une milice proche de l’islamiste Abdouhakim Bel Haj, et l’enlèvement de son chef de cabinet, qui est aussi son cousin. Du coup, seules quelques petites milices ont été délogées, les plus importantes restant vissés aux ministères et bâtiments.

    Durant l’épisode de l’occupation des ministères fin avril, par différentes milices et notamment islamistes qui ont ainsi fait pression pour faire voter la loi qui exclut les anciens collaborateurs au régime de Kadhafi, Ali Zaedane a joué cette fois-çi une politique d’apaisement.

    Résultat : son ministre de l’Intérieur a jeté l’éponge. Ce dernier, aurait préféré une réplique plus efficace du gouvernement.

    Le chef d’état-major dans le viseur

    Aujourd’hui, c’est au tour du chef d’Etat major, Youssef al-Mangouch, d’être jeté en pâture pour avoir mal géré la situation de Benghazi. Les forces spéciales, pourtant basées à Benghazi, sont semble-t-il arrivées trois ou quatre heures après le début de la tuerie et du délogement de la milice par les manifestants.

    Certes, depuis avril, ce chef d’état-major était déjà montré du doigt pour son inefficacité et était donc sur le départ ; aujourd’hui, sa destitution n’est finalement que le reflet de la très grande difficulté à faire face aux milices. Le gouvernement fera-t-il mieux sans son chef d’état-major ?

    Une nouvelle stratégie semble s’esquisser. Elle a été proposée par l’Assemblée : dissoudre les groupes armés qui dépendent des ministères de la Défense et de l’Intérieur et intégrer leurs membres de manière individuelle au sein des forces régulières. Donc au cas par cas.

    Si la dissolution ne pose pas problème, le « bouclier de la Libye » ne fait ainsi plus partie de l’armée ; reste à savoir si les membres de cette milice voudront bien intégrer l’armée sans leurs chefs et leurs structures…

    Pari hautement difficile, surtout quand on sait que leur chef, Imad Balam, est un islamiste qui aura quelques difficultés à se séparer de ses ouailles, lesquelles sont majoritairement islamistes. D’ailleurs, plutôt de réintégrer l’armée, celui-ci voudra peut-être se venger de l’affront qu’il lui a été fait d’avoir été destitué de son poste de surveillance des frontières et des installations pétrolières de l’Est…

    Comment dissoudre les milices ?

    Autre volet de la stratégie du Parlement, mais qui n’est pas nouvelle : dissoudre « tous les groupes armés illégitimes », autrement dit ceux qui n’ont pas intégré l’armée régulière, « y compris par l’utilisation de la force ».

    On s’interroge là aussi. Comment dissoudre des milices lourdement armées, quand on sait qu’elles se sont instituées en gardiennes de cinq régions : Barqa, Djebel Nefusa et Zouwara, Zentan, le Sud et Misurata, qui est devenue un véritable Etat dans l’Etat. Et que les fédéralistes dirigés par leur unité armée de Barqa viennent de proclamer une nouvelle fois leur autonomie…

    Comment convaincre des jeunes avides de trafics de rejoindre l’armée, et que le chômage gangrène la société libyenne ? Le pari est une nouvelle fois difficile.

    Autre question très préoccupante : la situation politique. Le président du Congrès national général (CNG), le deuxième homme fort de la Libye, a présenté sa démission le 28 mai, suite à l’adoption de la loi sur l’ « isolation politique », qui exclut les anciens du régime de Kadhafi et qui a été à l’initiative des Frères musulmans, ouvrant ainsi une crise politique sur sa succession.

    Avec cette loi, les islamistes entendent bien poursuivre leur politique de grignotage du pouvoir mise en œuvre depuis la fin de la révolution et qui, si elle réussissait, peut acheminer la Libye vers une islamisation.

    Sans attendre d’être exclu par la loi sur « l’isolation » politique qui le visait directement, il a été le président de la Cour des comptes, avec rang de ministre de 1972 à 1977 puis ambassadeur en Inde (1978-1980) ; Mohamed Megharief a pris les devants en démissionnant de son poste de président de GNG.

    On pouvait espérer qu’il soit repêché grâce à une motion, prévue par la loi mais très difficile à atteindre, qu’aurait pu voter à la majorité des deux tiers plus une voix les députés. Or, les tractations de coulisses lui ont été défavorables.

    Lâché par les islamistes, décidés à ne faire aucune exception, avec lesquels il a pourtant fait alliance pour se faire élire à la présidence ; lâché également par le clan des traditionnalistes appelés abusivement « libéraux », menés par Mahmoud Jibril, Mohamed Megharief a décidé de devancer, fierté oblige, le couperet de la loi en démissionnant.

    Grosses empoignades en prévision

    Son départ pose indéniablement le problème de sa succession. Tout d’abord, le premier vice-président de GNG étant visé par la loi, il ne pourrait lui succéder si elle devait lui être appliquée. Et le deuxième candidat, le second vice-président, qui a la faveur des islamistes – étant lui-même islamiste –, est loin de faire le consensus parmi les députés. Ceci augure donc de grosses empoignades pour trouver le candidat idoine.

    Au-delà du cas de Mohamed Megharief, la loi, au vu de son contenu recensant un nombre impressionnant de postes et de fonctions, risque de toucher de nombreux libyens. Si elle était en effet appliquée en ces termes, on assisterait alors à une purge monumentale des administrations, et surtout de ses compétences.

    Qui en profiterait ? On craint fort que cela se fasse en faveur des miliciens, mais aussi des islamistes, lesquels, il ne faut pas perdre cela de vue, ont tout de même été à l’initiative de la loi.

    Si, au départ, il y a eu en effet un consensus parmi les députés sur l’exclusion des postes à responsabilités de personnalités trop corrompues, et notamment impliquées dans les assassinats, le désaccord a surgit quand il s’est agit d’y inclure des fonctionnaires, des députés, et de ne pas tenir compte d’une période « dite d’exception », qui correspond à celle durant laquelle certaines personnalités sont passées dans l’opposition du temps de Kadhafi.

    Dans la fronde pour faire passer ces éléments discriminants, les islamistes ont été en première ligne. On peut citer :

    • Mohamed Al Toumi, député indépendant mais islamiste de la ville de Gharyain. Il a présidé le Comité chargé de la rédaction de la loi ;
    • Mansur Al Hassadi, député de la partie Justice et développement (Frère musulman) de la ville de Derna ;
    • des chefs de milices, tels que le chef de la Coordination nationale pour l’exclusion politique des responsables de l’ancien régime, Ausama Khabar, et chef de milice à Al Zawia (40 km à l’ouest de Tripoli).

    Purges et bras de fer

    Pour faire passer cette loi, les milices n’ont pas hésité à employer la force et la menace à l’encontre des députés, voire des hommes politiques. Ou encore à occuper différents ministères ; le coup d’envoi a été donné par Abdoulhakim Bel Haj, entraînant d’autres milices non islamistes, notamment celle de Misurata.

    Dès lors, un bras de fer très dur s’est déclaré, certains députés ne souhaitant pas voter la loi en ces termes. In fine, elle sera votée sous la pression. Au fil des mois, depuis leur entrée sur la scène politique, certains éléments révèlent peu à peu l’ambition des islamistes : accéder au pouvoir par une stratégie de grignotage.

    Tout d’abord, via la Haute commission pour l’intégrité et le patriotisme (HCIP), et qui est chargée des purges. Ses membres sont majoritairement islamistes. Mise en place en janvier 2012, elle a déjà écarté un grand nombre de fonctionnaires –- certaines sources donnent des chiffres qui varient de 350 à 550. Dans ce jeu de chaises musicales, les islamistes ont été largement favorisés.

    Certains postes-clefs sont ainsi actuellement occupés par des islamistes, comme c’est le cas, pour ne citer que ceux-ci, de Hacham Bichir, salafiste, chef du Haut comité de sécurité à Tripoli, de Fouzi AlKhadafi, chef du Haut comité de sécurité à Benghazi, et de Moustafa Shagouzli, le chef de l’Autorité des anciens combattants, chargée du recrutement des milices dans l’armée régulière.

    Aujourd’hui, avec la loi sur l’isolation politique, excluant des personnalités politiques qui ont même œuvré à la révolution de février 2011, ils tentent de conquérir les hautes sphères. En visant certains députés, les islamistes souhaitent par ailleurs le renouvellement partielle de l’Assemblée, dont l’issue, pensent-ils, pourrait jouer en leur faveur – les Frères musulmans n’ont actuellement que onze sièges.

    Comment appliquer la loi « sur l’isolation » ?

    Indéniablement, la question est de savoir si les islamistes réussiront à continuer leur politique de grignotage. Dans l’immédiat, l’enjeu porte sur l’application de loi sur l’isolation qui sera mise en œuvre d’ici peu.

    Sera-t-elle appliquée en ces termes ? Certains pensent déjà qu’elle ne le sera pas, compte tenu du trop grand nombre de Libyens visés. Puis cela tient à la décision des futurs membres du « comité » qui sera chargé des purges. S’il est prévu que la HICP soit dissoute, la loi prévoit curieusement la reconduction de ses membres au sein du comité des purges.

    Auront-ils l’aval de la Cour suprême ? Si tel est le cas, à travers ce comité, les islamistes pourraient agir. Autre question : en cas d’élection partielle de GNG, les islamistes peuvent-ils gagner plus de sièges ? S’ils l’espèrent vivement, rien ne dit qu’ils y parviendront malgré leur progression évidente au sein de la société.

    La société résiste encore – des drapeaux du Qatar ainsi que des photos de l’émir, le Sheikh Hamad Bin Khalifa Al Thani, ont été brûlés lors d’une manifestation à Benghazi en mai –, mais pour combien de temps ? Cela dépendra aussi de la capacité de résistance du Premier ministre, Ali Zaeidane. La loi ne le viserait pas, puisque son ancienne fonction sous Kadhafi, à savoir le poste de premier conseiller, n’est pas répertoriée.

    Mais, de toute évidence, le Premier ministre est d’ores et déjà affaibli, notamment depuis le départ de Mohamed Megharief, avec lequel il marchait en tandem sur de nombreux dossiers. Et quatre de ses ministres sont également visés par la loi.

    Pour résister, Ali Zaeidane devra de toute évidence « surfer ». Et continuer à éviter la confrontation directe –- à Benghazi, c’est la population qui a pris l’initiative de déloger la milice – avec les milices, notamment islamistes.

    Cette stratégie lui permettra sans doute d’aller malgré tout de l’avant. Reste toutefois à savoir dans quelles conditions… et quelles seront les concessions qu’il fera aux milices, notamment aux islamistes. Il a en effet promis que la loi serait appliquée.

  • Soulèvement contre le Frère Erdogan

    « SOUS NOS YEUX »

     

    Pour Thierry Meyssan, les Turcs ne manifestent pas contre le style autoritaire de Recip Tayyeb Erdogan, mais contre sa politique, c’est-à-dire contre les Frères musulmans dont il est le mentor. Il ne s’agit pas d’une révolution colorée sur la place Taksim contre un projet immobilier, mais d’un soulèvement dans l’ensemble du pays, bref c’est une vraie révolution qui remet en cause le « printemps arabe ».

     | BEYROUTH (LIBAN) | 10 JUIN 2013 
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    En une dizaine de jours, la répression des manifestations anti-Erdogan a déjà fait 3 morts et plus de 5 000 blessés.

    Le soulèvement turc plonge ses racines dans les incohérences du gouvernement Erdogan. Celui-ci, après s’être présenté comme « démocrate-musulman » (sur le modèle des « démocrates-chrétiens »), a brusquement affiché sa vraie nature à l’occasion des « révolution colorées » du printemps arabe.

    En politique intérieure et extérieure, il existe un avant et un après cette volte-face. Avant, c’était le noyautage des institutions. Après, c’est le sectarisme. Avant, c’est la théorie d’Ahmed Davutoğlu de « zéro problème » avec ses voisins. L’ex-empire ottoman semblait sortir de sa torpeur et revenir à la réalité. Après, c’est l’inverse : la Turquie s’est re-brouillée avec chacun de ses voisins et est entrée en guerre contre la Syrie.

    Les Frères musulmans

    Derrière ce virage, les Frères musulmans, une organisation secrète dont Erdogan et son équipe ont toujours été membres, malgré leurs dénégations. Si ce virage est postérieur à celui du Qatar, financier des Frères musulmans, il porte la même signification : des régimes autoritaires qui paraissaient anti-israéliens affichent soudainement leur alliance profonde.

    Il importe ici de rappeler que l’expression occidentale de « printemps arabe » est un leurre visant à faire accroire que les peuples tunisien et égyptien auraient renversé leur gouvernement. S’il y a bien eu une révolution populaire en Tunisie, elle ne visait pas à changer le régime, mais à obtenir une évolution économico-sociale. Ce sont les États-Unis, et non la rue, qui ont ordonnés à Zinedine el-Abidine Ben Ali et à Hosni Moubarak de quitter le pouvoir. Puis c’est l’OTAN qui a renversé et fait lyncher Mouammar el-Khadafi. Et ce sont à nouveau l’OTAN et le CCG qui ont alimenté l’attaque de la Syrie.

    Partout en Afrique du Nord —sauf en Algérie—, les Frères musulmans ont été placés au pouvoir par Hillary Clinton. Partout, ils ont des conseillers en communication turcs, gracieusement mis à disposition par le gouvernement Erdogan. Partout, la « démocratie » n’a été qu’une apparence permettant aux Frères d’islamiser les sociétés en échange de leur soutien au capitalisme pseudo-libéral des États-Unis.

    Le terme « islamiser » renvoie à la rhétorique des Frères, pas à la réalité. La Confrérie entend contrôler la vie privée des individus en se fondant sur des principes extérieurs au Coran. Elle remet en cause la place des femmes dans la société et impose une vie austère, sans alcool ni cigarettes, et sans sexe, du moins pour les autres.

    Durant une dizaine d’années, la confrérie s’est faite discrète, laissant la transformation de l’Enseignement public aux bons soins de la secte de Fethullah Gülen, dont le président de la République Abdullah Gül est membre.

    Bien que la confrérie clame sa haine de l’American Way of Life, elle se tient sous la protection des Anglo-Saxons (UK, USA, Israël) qui ont toujours su utiliser sa violence contre ceux qui leur résistaient. La secrétaire d’État Hillary Clinton avait installé dans son cabinet son ancienne garde du corps, Huma Abedin (épouse du député sioniste démissionnaire Antony Weiner), dont la mère Saleha Abedin dirige la branche féminine mondiale de la confrérie. C’est par ce biais qu’elle agitait les Frères.

    Les Frères ont fourni l’idéologie d’Al-Qaeda, par l’intermédiaire de l’un d’entre eux : Ayman al-Zawahiri, organisateur de l’assassinat du président Sadate et actuel leader de l’organisation terroriste. Al-Zawahiri, comme Ben Laden, a toujours été un agent des services états-unien. Alors qu’il était considéré officiellement comme ennemi public, il rencontrait très régulièrement la CIA à l’ambassade US à Bakou, de 1997 à 2001, témoigne la traductrice Sibel Edmonds, dans le cadre de l’opération « Gladio B » [1].

    Une dictature progressive

    Lors de son emprisonnement, Erdogan a prétendu avoir rompu avec les Frères et a quitté leur parti. Puis, il s’est fait élire et a imposé lentement une dictature. Il a fait arrêter et emprisonner deux tiers des généraux, accusés de participer au Gladio, le réseau secret d’influence US. Et il a obtenu le plus fort taux d’incarcération de journalistes au monde. Cette évolution a été masquée par la presse occidentale qui ne saurait critiquer un membre de l’OTAN.

    L’armée est le gardien traditionnel de la laïcité kémaliste. Cependant, après le 11-Septembre, des officiers supérieurs se sont inquiétés de la dérive totalitaire des États-Unis. Ils ont pris des contacts avec leurs homologues en Russie et en Chine. Pour stopper cette évolution avant qu’il ne soit trop tard, des juges leur ont rappelé leurs antécédents pro-US.

    Si les journalistes peuvent être, comme toute autre profession, des voyous, le taux d’incarcération le plus élevé du monde renvoie à une politique : celle de l’intimidation et de la répression. À l’exception d’Ulusal, la télévision était devenue un panégyrique officiel, tandis que la presse écrite prenait le même chemin.

    « zéro problème » avec ses voisins

    La politique étrangère d’Ahmed Davutoğlu était tout aussi risible. Après avoir cherché à résoudre les problèmes laissés sans solution, un siècle plus tôt, par l’Empire ottoman, il a voulu jouer Obama contre Netanyahu en organisant la Flotille de la libertévers la Palestine [2]. Mais, moins de deux mois après la piraterie israélienne, il acceptait la création d’une commission d’enquête internationale chargée d’étouffer l’affaire et reprenait en sous-main la collaboration avec Tel-Aviv.

    Signe de la coopération entre les Frères et Al-Qaïda, la confrérie avait placé sur le Marvi Marmara Mahdi al-Hatari, numéro 2 d’Al-Qaïda en Libye et probable agent britannique [3].

    Catastrophe économique

    Comment la Turquie a t-elle gâché non seulement une décennie de travail diplomatique de restauration de ses relations internationales, mais aussi sa croissance économique ? En mars 2011, elle participe à l’opération de l’OTAN contre la Libye, un de ses principaux partenaires économiques. Une fois la guerre finie, la Libye étant détruite, la Turquie perdit son marché. Simultanément, Ankara se lança dans la guerre contre son voisin syrien avec lequel elle venait, un an plus tôt, de signer un accord de libéralisation commerciale. Le résultat ne se fit pas attendre : la croissance de 2010 était de 9,2 %, elle tomba en 2012 à 2,2 % et continue à chuter [4].

    Relations publiques

    L’arrivée au pouvoir des Frères en Afrique du Nord est montée à la tête du gouvernement Erdogan. En affichant son ambition impériale ottomane, il a décontenancé le public arabe pour commencer, puis a dressé la majorité de son peuple contre lui.

    D’un côté, le gouvernement finance Fetih 1453, film au budget pharaonique pour le pays, censé célébrer la prise de Constantinople, mais historiquement fallacieux. D’un autre, il tente d’interdire la plus célèbre série télévisée du Proche-Orient,Le Harem du Sultan, parce que la vérité ne donne pas une image pacifique des Ottomans.

    La vraie raison du soulèvement

    La presse occidentale met en avant, dans le soulèvement actuel, des points de détail : un projet immobilier à Istanbul ; l’interdiction de vendre de l’alcool en soirée ; ou des déclarations encourageant la natalité. Tout cela est vrai, mais ne fait pas une révolution.

    En affichant sa vraie nature, le gouvernement Erdogan s’est coupé de sa population. Seule une partie minoritaire des sunnites peut se reconnaître dans le programme rétrograde et hypocrite des Frères. Or, environ 50 % des Turcs sont sunnites, 20 % sont alévis (c’est-à-dire alaouites), 20% sont Kurdes (principalement sunnites), et 10 % appartiennent à d’autres minorités. Il est statistiquement clair que le gouvernement Erdogan ne peut pas résister au soulèvement que sa politique a provoqué.

    En le renversant, les Turcs ne résolvent pas seulement leur problème. Ils mettent fin à la guerre contre la Syrie. J’ai souvent noté que celle-ci s’arrêterait lorsque un de ses sponsors étrangers disparaîtrait. Ce sera bientôt le cas. Ce faisant, ils mettent un terme à l’expansion des Frères. La chute d’Erdogan annonce celle de ses amis ; de Ghannouchi en Tunisie, à Morsi en Égypte. Il est en effet peu probable que ces gouvernements artificiels, imposés par des élections truquées, puissent survivre à leur puissant parrain.