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Politique de l'Empire - Page 11

  • LE DISCOURS SECURITAIRE

     

    Posté par 2ccr le 5 mai 2011

    LE DISCOURS SECURITAIRE dans société Dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le droit à la sûreté, est la protection des individus contre les arrestations et les emprisonnements arbitraires de l’État dans le but d’assurer leur liberté. Aujourd’hui, ce qu’on appelle le droit à la sécurité, c’est plutôt l’instauration d’un État arbitraire et policier, qui va précisément restreindre nos libertés ! C’est le monde à l’envers !

    Le discours sécuritaire permet, aux classes dominantes, de mener une politique d’agression inouïe contre les classes populaires, en se présentant sous un visage protecteur et universaliste. Parler de lutte contre l’insécurité, c’est  construire une représentation rassurante du pouvoir en place et  justifier toutes les régressions sociales et démocratiques par la nécessité de vaincre les ennemis de la liberté et de la sécurité.

    Transformer la vision du champ social 
    en construisant des divisions travailleur/chômeur, privé/public,  avec papiers/sans papiers, français/immigrés, etc. Cela permet, en divisant la société en groupes et sous-groupes concurrents et de briser l’unité du camp social contre les classes dominantes.

    En favorisant une délinquance de basse intensité pour concentrer l’attention publique sur ce qui porte atteinte à la propriété privée des biens (vols, cambriolages, etc.) insupportable à l’ordre social, en laissant du coup dans l’ombre tout ce qui porte atteinte aux droits et à la propriété collective.

    Construire un discours
     fondé sur la peur, qui ne s’adresse donc pas à l’intelligence des individus, mais à leurs pulsions. Et du coup, renvoyer tous ceux qui s’opposent au discours sécuritaire dans le camp des beaux parleurs qui s’opposent à ceux qui agissent. Se rendre immédiatement compréhensible, face à ceux qui essaient encore de penser qu’une autre société est possible


    Imposer une politique de l’urgence, 
    puisqu’il faut réagir vite à une menace vitale. Ce qui permet d’accélérer le passage des lois, et  de contourner les canaux de résistance démocratique. C’est aussi ce qui permet d’expliquer les régressions du droit, y compris juridique, et la nécessité de restaurer l’arbitraire de la justice : gardes à vues prolongées, jugements express, peines plancher, etc.

    Interdire toute pensée d’une alternative à l’ordre dominant, puisque ce qu’on ne peut préserver que ce qui existe, et que ce qui existe, c’est précisément le libéralisme qu’il faut protéger contre tout ce qui pourrait l’affaiblir. C’est le fameux TINA de Tatcher, ou alors la raison, le bon sens (Fillon : la réforme des retraites n’est ni de droite ni de gauche, etc.)

    L’’étau se resserre autour de nous. Il est indispensable de trouver des alternatives, et pas seulement d’en appeler, aux valeurs de la « République », à ces fameuses institutions dont on voit qu’elles sont compatibles avec l’arbitraire et la guerre aux pauvres. Nous avons encore le choix : ou bien des individus toujours plus aliénés et opprimés dans une société policée sous la coupe d’un État policier, ou bien une société enfin libérée du libéralisme et de son double : l’idéologie sécuritaire, raciste et antidémocratique.

    D’après un texte d’Antonio MOLFESE

    « Qui préfère la sécurité à la liberté aura tôt fait de perdre les deux » B. FRANKLIN

  • 18 MARS 1968

     

    Posté par 2ccr le 18 mars 2011

    Recherche: 18 mars 1968kennedy 18 mars 1968discours 18 mars 1968

    18 MARS 1968 dans C'était le... Quelques semaines avant son assassinat, Bob Kennedy prononçait, à l’Université du Kansas, le discours suivant : 

    « Notre PIB prend en compte, dans ses calculs, la pollution de l’air, la publicité pour le tabac et les courses des ambulances qui ramassent les blessés sur nos routes. Il comptabilise les systèmes de sécurité que nous installons pour protéger nos habitations et le coût des prisons où nous enfermons ceux qui réussissent à les forcer. Il intègre la destruction de nos forêts de séquoias ainsi que leur remplacement par un urbanisme tentaculaire et chaotique. Il comprend la production du napalm, des armes nucléaires et des voitures blindées de la police destinées à réprimer des émeutes dans nos villes. Il comptabilise la fabrication du fusil Whitman et du couteau Speck, ainsi que les programmes de télévision qui glorifient la violence dans le but de vendre les jouets correspondants à nos enfants.  

    En revanche, le PIB ne tient pas compte de la santé de nos enfants, de la qualité de leur instruction, ni de la gaieté de leurs jeux. Il ne mesure pas la beauté de notre poésie ou la solidité de nos mariages. Il ne songe pas à évaluer la qualité de nos débats politiques ou l’intégrité de nos représentants. Il ne prend pas en considération notre courage, notre sagesse ou notre culture. Il ne dit rien de notre sens de la compassion ou du dévouement envers notre pays. En un mot, le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue ».  

    Quarante ans après, cette critique radicale de l’économie de croissance est toujours d’actualité. Et ce n’est pas les derniers sondages plaçant l’UMP, le PS et le FN dans un mouchoir qui vont la remettre en cause, le système capitaliste à de beaux jours devant lui…

     

  • SUSPENSION DES DROITS FONDAMENTAUX


    Bush, Obama : le changement dans la continuité

    Loin d’avoir opéré une rupture avec son prédécesseur républicain, le président démocrate Barack Obama a renforcé les lois d’exception qu’il avait critiqué lorsqu’il était sénateur. Il est désormais possible de priver un citoyen états-unien de ses droits fondamentaux parce qu’il a pris part à une action armée contre son pays, mais aussi lorsqu’il a pris une position politique favorable à ceux qui résistent militairement à l’Empire. Pire : Barack Obama a fait inscrire dans la loi la « théorie de l’Exécutif unifié » de John Yoo qui met fin aux principes de séparation des pouvoirs énoncés par Montesquieu. Désormais la politique sécuritaire du président des États-Unis échappe à tout contrôle.

     | BRUXELLES (BELGIQUE) | 9 NOVEMBRE 2012 
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    Le président Obama déchirant la Constitution des États-Unis (photomontage)

    L’élection présidentielle et le jeu d’une possible alternance entre démocrates et républicains ne peuvent dissimuler une tendance lourde dans la mutation de la forme de l’État étasunien, quelle que soit la couleur du ticket présidentiel. Il apparaît même que c’est sous la présidence Obama que s’est produit le renversement le plus marqué de l’État de droit.

    Barack Obama avait été élu en invoquant un avenir fondé sur le respect des droits fondamentaux des individus et des peuples. Le bilan de son mandat est en totale rupture avec ces promesses. Les aspects visibles, telle la non fermeture de Guantánamo, le maintien des tribunaux militaires d’exception ou bien la pratique de la torture en Afghanistan, ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Ces éléments nous permettent seulement d’entrevoir la continuité entre les politiques des administrations Bush et Obama. Cependant, il s’est opéré un approfondissement tel de la politique antérieure qu’il a produit un changement dans la forme de l’État, une modification inédite de la relation entre les autorités constituées et le citoyen états-unien.

    La possibilité de traiter les ressortissants US comme des étrangers nommés comme terroristes est un objectif constant du pouvoir exécutif des USA depuis les attentats du 11 septembre 2001. Par la nouvelle prérogative qui lui est donné, grâce au National Defense Authorization Act, de pouvoir supprimer l’Habeas Corpus des citoyens étasuniens et plus seulement celui des ressortissants étrangers, l’administration Obama a réalisé ce que l’exécutif précédent avait mis en chantier, sans pouvoir le concrétiser.

    Fin de l’Habeas Corpus des étrangers

    Le Patriot Act entré en vigueur le 26 octobre 2001, autorisait déjà l’administration à détenir, sans inculpation et pour une période indéterminée, les étrangers soupçonnés d’être en relation avec des groupes nommés comme terroristes.

    Afin de pouvoir éventuellement juger ces prisonniers, des tribunaux spéciaux, les commissions militaires, furent créés par un décret présidentiel, le Military Order du 13 novembre 2001 [1]. Cet acte du pouvoir exécutif permet le jugement, par ces tribunaux militaires, des étrangers soupçonnés d’être en rapport avec Al Qaïda ou d’avoir « commis, préparé ou aidé à concevoir des actes de terrorisme international envers les USA ».

    L’état de guerre fût invoqué pour justifier la mise en place de ces juridictions si liberticides qu’elles violent le Code militairelui-même. Ces juridictions ont été installées pour juger des étrangers, soupçonnés de terrorisme et contre lesquels il n’y a pas de preuves recevables par une tribunal civil ou militaire.

    En votant le Military Commissions Act [2], en septembre 2006, les chambres ont légalisé les commissions militaires. La loi étend considérablement la notion « d’ennemi combattant illégal  » qui ne porte plus seulement sur les étrangers capturés sur le champ de bataille, mais concerne tout États-unien ou étranger n’ayant jamais quitté son pays d’origine. Si les États-unien, inculpés sur base de la notion d’ennemi combattant illégal, doivent être déférés devant des juridictions civiles, ce n’est pas le cas des étrangers qui peuvent être jugés devant des commissions militaires.

    Dans ces tribunaux d’exception, le prévenu n’a pas le choix son avocat. Ce dernier est un militaire désigné par le Président. Celui-ci nomme également les juges militaires et détermine le degré de torture (de « coercition physique ») pouvant être appliqué au prisonnier. L’avocat n’a pas non plus accès aux éléments de preuve, si ceux-ci sont classés « secret défense ».

    Inscription de l’ennemi dans le droit pénal

    Le Military Commissions Act introduit la notion d’ennemi dans le Code pénal. Il donne au président des États-Unis le pouvoir de désigner, comme tel, ses propres citoyens ou tout ressortissant d’un pays avec lequel les États-Unis ne sont pas en guerre. On est poursuivi comme « ennemi combattant illégal », non pas sur base d’éléments de preuves, mais simplement parce qu’on est nommé comme tel par le pouvoir exécutif US. Intégrée dans la loi, cette incrimination ne fait donc plus référence à une situation d’urgence, comme dans leMilitary Order de 2001, mais devient permanente. L’inscription de l’anomie dans la loi installe l’exception dans la durée. Elle procède à une mutation de l’ordre juridique et politique en créant un droit purement subjectif qu’elle place aux mains du pouvoir exécutif.

    Le 28 octobre 2009, le président Obama a signé le Military Commissions Act of 2009 [3] qui amende le Military Commissions Act of 2006. Cette réforme était formellement nécessaire pour la nouvelle administration, car Barak Obama était, en 2006, l’un des 34 sénateurs qui s’étaient opposés à l’ancienne législation.

    La nouvelle loi ne parle plus d’ennemis combattants illégaux, mais bien d’ « ennemis belligérants non protégés  ». L’essentiel demeure : l’inscription de la notion d’ennemi dans le Code pénal et ainsi la fusion entre le droit pénal et le droit de la guerre. Cependant, l’attribut « belligérant » caractérisant la notion d’ennemi élargit le champ de l’incrimination. Celle-ci ne porte plus uniquement sur des combattants, mais sur « des personnes qui sont engagées dans un conflit contre les USA ». La nouvelle définition permet ainsi de s’attaquer directement, non seulement à des personnes capturées, sur ou à proximité d’un champ de bataille, mais à des individus qui posent des actes ou émettent des paroles de solidarité vis-à-vis de ceux qui s’opposent à l’armée étasunienne ou simplement à la politique guerrière du gouvernement.

    Fin de l’Habeas Corpus des citoyens US

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    Le National Defense Authorization Act [4], signé par le président Obama le 31 décembre 2011, autorise la détention infinie, sans procès et sans inculpation, de citoyens étasuniens désignés comme ennemis par le pouvoir exécutif. Les individus concernés ne sont pas seulement ceux qui seraient capturés sur un champ de bataille, mais aussi ceux qui n’ont jamais quitté le sol des États-Unis, ni participé à une quelconque action militaire. La loi vise les personnes que l’administration a désignées comme membres « d’Al-Qaïda, des Talibans et qui prennent part à des hostilités contre les États-Unis  », mais aussi quiconque qui « a appuyé de manière substantielle ces organisations ». Cette formulation permet une utilisation flexible et extensive de la loi. Elle permettrait, par exemple, de s’en prendre à des organisations de défense des libertés civiles qui voudraient faire respecter les droits constitutionnels d’États-uniens désignés, par le pouvoir exécutif, comme ennemis des USA.

    Primauté des valeurs sur la loi

    En apposant sa signature, Obama a déclaré que son administration n’autorisera pas la détention militaire, illimitée et sans jugement, de citoyens US. Cette possibilité ne serait pas contraire à l’ordre de droit étasunien, mais seulement aux « valeurs de l’Amérique ». C’est au nom de celles-ci qu’il n’utilisera pas cette opportunité offerte par la loi et non pas parce que ce type d’enfermement s’opposerait à la Constitution. Il affirme même que, dans les faits, le National Defense Authorization Act ne lui donne pas de nouvelles prérogatives. Ces pouvoirs extraordinaires, le Président en disposerait depuis que le Congrès a adopté, le 14 septembre 2001, une résolution stipulant : « que le Président est autorisé à utiliser toutes les forces nécessaires et appropriées contre les nations, organisations ou personnes qui ont planifiés, autorisés, commis ou aidés les attaques terroristes survenues le 11 septembre 2001.... » Il rejoint ainsi la certitude exprimée par G. Bush, en opposition avec le cadre du texte, que l’accord donné au Président d’engager la force lui offre une autorité sans limite dans l’espace et dans le temps, pour agir contre tout agresseur potentiel et non uniquement contre ceux impliqués dans les attentats du 11-Septembre.

    Comme l’autorisation elle-même est précédée d’un préambule énonçant : « attendu que le Président a autorité sous la Constitution de dissuader et de prévenir les actes de terrorisme international contre les États-Unis », G. Bush a régulièrement fait part de celui-ci afin de justifier les violations des libertés constitutionnelles des citoyens US. Le Président Obama adopte la même lecture pour dénier le caractère novateur d’une loi lui permettant de supprimer l’Habeas Corpus de tout ressortissant étasunien.

    Un président se plaçant au-dessus de la loi

    Ici, la primauté ne réside plus dans le texte législatif, mais dans l’initiative présidentielle. C’est de son propre fait qu’Obama n’usera pas de l’autorisation donnée par la loi d’incarcérer, indéfiniment et sans inculpation, des citoyens US. De même, il s’oppose à l’obligation de détenir militairement les terroristes étrangers. À ce propos, il affirme que son administration « interprétera et appliquera les dispositions décrites ci-dessous de manière à préserver la flexibilité dont dépend notre sécurité et de maintenir les valeurs sur lesquelles est fondé ce pays ». Il s’écarte ainsi résolument de la règle qui veut que, une fois qu’il a signé un texte de loi, le Président l’applique loyalement. Obama renverse le caractère contraignant du texte législatif au profit de la liberté présidentielle. De même, les « valeurs de l’Amérique » deviennent prééminentes par rapport à la loi.

    Si le National Defense Authorization Act ne fait qu’entériner des prérogatives que le pouvoir exécutif possède déjà, le problème porte seulement sur les modalités d’exécution. Le Président ne doit pas être limité dans sa lutte contre le terrorisme. Pour Obama, les articles incriminés sont inconstitutionnels, non pas parce qu’ils concentrent les pouvoirs entre ses mains, mais parce qu’ils restreignent sa liberté d’action. Les clauses contestées instituent une détention militaire qui limite la nécessaire « flexibilité » de l’action de l’administration, par exemple, la possibilité de détenir un prisonnier étranger dans un camp de la CIA. Les articles incriminés « s’opposeraient au principe de la séparation des pouvoirs. »

    Un renversement du principe de la séparation des pouvoirs

    Obama renverse ce mode d’organisation issu des Lumières. Pour Montesquieu, l’objectif poursuivi est d’empêcher la concentration de la puissance politique en une seule autorité. Pour ce faire, les pouvoirs s’équilibrent et se limitent mutuellement. Obama, au contraire, opère un clivage dans l’exercice de la puissance étatique, de manière à ce que le Législatif ne puisse pas exercer un contrôle sur l’Exécutif. La séparation des pouvoirs devient absence de limite posée à l’action présidentielle. Il s’agit là d’un mode d’organisation d’un pays en guerre ouverte et dont l’existence est menacée par une puissance extérieure. Les administrations Bush ou Obama estiment que l’autorisation donnée en 2001 par le Congrès, d’engager la force contre les auteurs des attentats du 11 septembre, est équivalente à une Déclaration de Guerre, comme celles votées durant la Seconde Guerre mondiale. Le champ d’application devient cependant beaucoup plus large, puisque l’autorisation de 2001 permet d’engager la force non seulement contre d’autres nations, mais aussi contre des organisations ou de simples individus.

    Le National Defense Authorization Act inscrit dans la loi une mutation de la notion d’hostilité. Elle a pour but énoncé de faire face à un conflit contre des adversaires non clairement définis qui ne menacent pas l’intégrité du territoire national. La lutte antiterroriste produit une image constamment renouvelée de l’ennemi. Elle s’exhibe comme une guerre permanente et sans frontière qui, en ne distinguant pas le citoyen états-unien du soldat d’une puissance étrangère, ne sépare pas intérieur et extérieur. La structure politique et juridique, construite à partir de cette nouvelle guerre asymétrique, renverse la forme de l’État de droit. La loi n’est plus réduction de l’exception, mais sa continuelle extension.

     
  • L’hypocrisie du « deux poids deux mesures »

    Les doubles standards ne datent pas d’hier, mais je me demande si, à l’instar de l’hypocrisie ambiante, ils n’ont pas atteint de nouveaux sommets en ces temps de « guerre contre le terrorisme », « d’interventions humanitaires » et de prétendue « responsabilité de protéger » (R2P), apanage absolu des interventionnistes planétaires – ceux-là mêmes qui ont fini par institutionnaliser la torture (érigée de facto en option politique légitime), les « extraordinary renditions » (arrestations et déportations arbitraires vers des régimes tortionnaires), le recours intensif au bombardement par drone (« double tap » inclus), et qui ont décrété que la planète entière était une « free fire zone » (zone de feu à volonté).

     

    (double standard : norme duplice ou discriminatoire, autrement dit « deux poids, deux mesures »)

    Edward S. Herman, Z Magazine, novembre 2012

     

    Traduit de l'anglais par Dominique Arias

     

     
     
     
    Ces mêmes planificateurs de frappes, qui ne jurent plus que par leurs drones, nous rebattent constamment les oreilles avec « nos valeurs », tandis qu’ils massacrent et terrorisent à merci, et se posent en défenseurs des droits de l’Homme et de la démocratie agissant en état de « légitime défense ». George W. Bush n’avait prétendument agressé l’Irak que par peur des armes de destruction massive de Saddam Hussein – une prétendue menace, montée de toutes pièces. Mais sitôt qu’il ne fut plus possible de cacher qu’il s’agissait d’une fraude et que déjà des centaines de milliers de personnes avaient été tuées à cause de ce mensonge, on lui reconnut le mérite d’imposer par les armes la liberté et la démocratie en Irak – sans se demander pourquoi il n’allait pas les imposer aussi en Arabie Saoudite ou au Bahreïn, ou pourquoi il les réduisait au contraire dans son propre pays !

    Mais cette sanglante entrée en matière en poker-menteur belliciste trouvait malgré tout preneur chez le New York Times et consorts, les stars de l’intelligentsia et d’autres potentats notoires. Le 9 octobre 2002, le sacrosaint Elie Wiesel déclarait par exemple au Oprah Winfrey Show : « N’importe quoi vaut mieux que la guerre ! Je ne suis pas pour la guerre. Mais nous devons désarmer cet assassin ! » – à savoir Saddam Hussein qui, d’après Bush, Cheney et Judith Miller, et de fait, Wiesel et Winfrey, détenait des armes de destruction massive. Ainsi, « La guerre est la seule option » titrait le prochain commentaire de Wiesel dans The Observer (22 décembre 2002). La sainteté a pour avantage de garantir qu’une telle contradiction, fut-elle pétrie de mensonge, passera comme une lettre à la poste.

    Sitôt le coup de poker des armes de destruction massive éventé, la même clique adhéra instantanément à l’objectif de « promotion de la démocratie » en Irak, parce que « c’est Bush qui l’avait dit » et qu’il « tentait le tout pour le tout » en misant sur cet objectif, comme l’affirmait Michaël Ignatieff dans son fameux article du New York Times : « Qui sont les Américains pour estimer que c’est à eux de propager la liberté » (7 octobre 2005). En 2004, dans les colonnes du New Yorker, George Packer abondait déjà dans le sens d’Ignatieff en déclarant : « Il est clair que, si maladroite et sélective que puisse être l’exécution, Bush veut laisser la démocratisation en héritage. Alors quand ceux qui le critiquent, ici comme à l’étranger, prétendent que sa rhétorique n’est qu’une cynique façade pour grimer l’avidité de l’Amérique, ils se méprennent sur sa sincérité et semblent finalement se poser en défenseurs du statu quo » (“Invasion versus Persuasion”, The New Yorker, 20 décembre 2004). Ainsi, Packer (à l’instar d’Ignatieff) savait que Bush était sincère, mais il ne défendait pas le statu quo, lui, et ne suggérait nullement qu’on doive s’en tenir à le croire sur parole.

    Le double standard sur le terrorisme est lui aussi institutionnalisé de longue date. Ici, les porte-parole de l’establishment se calent au diapason d’une ligne de propagande où Occidentaux et Israéliens ne font jamais que « répondre » au terrorisme de leurs ennemis et de ceux qu’ils prennent pour cibles. Les pontes de l’establishment, eux, peuvent avaler les pires couleuvres et leur autisme atteint des proportions ahurissantes dès qu’il s’agit de s’accrocher à cette pratique. Ainsi, Luis Posada Carriles, membre très estimé du réseau terroriste des réfugiés cubains, reconnu coupable d’actes terroristes sanglants comme la destruction en vol d’un avion de ligne cubain, en 1976, qui fit 73 morts, peut se promener tranquillement dans les rues de Miami, pas question de l’extrader. Inversement, les États-Unis font des pieds et des mains pour que soit extradé chez eux Julian Assange, poursuivi pour avoir dénoncé la diplomatie américaine et ses crimes de guerres terroristes – dont les fameuses images d’un hélicoptère américain en Irak ouvrant le feu sans aucun état d’âme sur des civils et des journalistes au sol, révélation qui menaçait clairement la sécurité nationale américaine.

    Rappelons aussi que, tandis qu’un assassin comme Posada circule en toute liberté, les Cinq Cubains qui avaient infiltré des groupes terroristes anticastristes de Floride, et qui furent arrêtés aux États-Unis en 1998, tentant de réunir des informations sur des complots terroristes contre Cuba en échangeant certaines information avec le FBI, sont toujours incarcérés depuis 1998, leur action antiterroriste transmuée en espionnage.

    Cet étalage de double standard manifeste, d'hypocrisie et d'injustice flagrante, dédaigneusement ignoré par les médias de masse, n'interfère jamais avec la doctrine selon laquelle les États-Unis mènent effectivement une « guerre contre le terrorisme ». 

    L'une des plus récentes manifestations de double standard sur le terrorisme aura été la décision du Département d’État, en 2012, de retirer de sa liste des organisations terroristes désignées, le réseau Mujahedin e-Khalq (MEK), de l'opposition iranienne. Le MEK opérait jadis au service de Saddam Hussein et tua même occasionnellement des Américains. On a aussi dénoncé sa collaboration avec Israël dans l'assassinat de scientifiques Iraniens mais, vu l'évolution du conflit de basse intensité américano-israélien contre l'Iran, on peut désormais légitimement déplacer le réseau MEK vers la catégorie nettement plus valorisante des « combattants de la liberté » [freedom fighters]. Ça entraîne aussi d'autres aspects amusants. Le réseau MEK dispose par exemple de moyens considérables, qu'on lui a vu dépenser notamment pour faire du lobbying et organiser des manifestations en Europe et aux États-Unis. Les fonds lui parvenaient semble-t-il de pays notoirement très attachés aux libertés, tels que l'Arabie Saoudite, entre autres pays hostiles à l'Iran. Même lorsque il était encore sur la liste des organisations terroristes condamnées par les USA, ce réseau n'avait aucun problème pour organiser des actions et de faire de la propagande et du lobbying aux États-Unis même et dans d'autres pays occidentaux. De même, le réseau MEK a notoirement versé des sommes considérables à des pontes de l'administration américaine tels que Howard Dean (1), Tom Ridge (2), Rudy Giuliani (3), Newt Gingrich (4) ou Ed Rendell (5), pour qu'ils soutiennent franchement le réseau dans leurs articles ou leurs discours. Dans ce cas précis, aucune poursuite n'a été envisagée pour « aide matérielle » à une organisation terroriste.

    L'un des aspects les plus extraordinaires de la guerre contre le terrorisme est le recours massif à l'aviation et de plus en plus systématiquement aux drones armés, et la remarquable capacité des États-Unis à faire en sorte que les Occidentaux en général y voient une réponse légitime au terrorisme plutôt qu'une forme de terrorisme en soi. Cette forme de guerre s'est vue bien sûr accompagnée d'une dose de louanges complémentaires : affirmant par exemple que les cibles, militaires, étaient soigneusement sélectionnées de façon que les victimes civiles « innocentes » [Ndt : terme qui sous-entend que toutes ne le sont pas, ou que les personnes visées sont aussi des civils] sont des « dommages collatéraux » involontaires et non délibérés. Soit, mais dès lors qu'on peut effectivement prévoir qu'il y aura des victimes civiles, même si on ne peut savoir d'avance qui ou combien, il s'agit bien d'assassinats délibérés et donc de crimes de guerre. En outre, il est parfaitement faux de prétendre que toutes les précautions sont prises pour éviter les victimes civiles et que dans certains cas, celles-ci ne sont finalement pas si graves. Et cependant, intellectuels et politiciens patriotes n'en prennent pas moins ce genre d'arguments pour argent comptant (comme je l'expliquais déjà dans “Tragic Errors In U.S. Military Policy : Targeting the civilian population,” [Tragiques erreurs de la politique militaire américaine : la population civile prise pour cible], Z Magazine, septembre 2002). Des décennies d'utilisation de bombes à fragmentation et de munitions à l'uranium appauvri attestent du parti pris anti-civils des opérations militaires américaines, de même qu'une bien longue tradition de « nous ne tuons pas le plus d'ennemis possible » (6). L'invasion de l'Irak de 2003 débuta sur un programme de bombardement dit “shock and awe” [choc et stupeur], ouvertement conçu pour terroriser les dirigeants et la population et les amener à abdiquer. Et c'était déjà la même chose en 1999, lors du bombardement de la Serbie par l'OTAN, qui tendait de plus en plus ouvertement à détruire des infrastructures civiles. Mais qu'importe ! Les États-Unis, par définition (patriotique et hégémonique), ne terrorisent pas...

    De même, on peut trouver extraordinaire que les documents qui étudient de très près le terrorisme aérien puissent être scrupuleusement passés à la trappe ou minorés par les médias de masse. L'excellent ouvrage de Beau Grosscup : « Strategic Terror : The Politics and Ethnics of Aerial Bombardment » [Terreur stratégique : Politiques et culture du bombardement aérien] (Zed Books, 2006) n'a pas eu droit à un seul compte rendu dans aucun média d'importance aux États-Unis. Les grands médias se préoccupent énormément de terrorisme, mais pour qu'on en parle, les ouvrages portant sur le terrorisme ne doivent pas quitter l'orbite de la ligne officielle du parti.

    Ainsi, le rapport Living Under Drones [La vie sous les drones] (Cf. http://livingunderdrones.org/), produit en 2012 par un groupe de chercheurs de la Stanford Law School [l'école de droit de Stanford] et de la New York University School of Law [la section de droit de l'Université de New York], et qui s'appuyait sur plus de 130 interviews menées sur le terrain, au Pakistan, était une véritable épine dans le pied pour les médias. Les auteurs de cette étude y montrent que la grande majorité des victimes de frappes aériennes effectuées par drones, sont des civils, non des « militants » – à peine 2% des tués ont pu être identifiés comme des militants avérés. Ces chercheurs invalident très explicitement les affirmations officielles qui parlent encore de frappes par drone d'une précision chirurgicale. « C'est absolument faux ! » écrivent-ils textuellement. Ils expliquent aussi que l'un des aspects les plus importants de la guerre par drone est la pratique appelée par euphémisme « double tap » [Ndt : tap signifie tapoter (comme on dirait double clic), mais aussi capter, pomper ou tirer la sève ou le contenu d'un arbre ou d'un tonneau par exemple], laquelle consiste à tirer un second missile quelques instants après la première frappe. On élimine ainsi une bonne partie des badauds locaux et de ceux qui sont venus porter secours aux victimes. Cette pratique a pour effet de « décourager les civils ordinaires de venir se porter mutuellement secours, et tend même à inhiber la capacité d'intervention de l'assistance médicale d'urgence des travailleurs humanitaires ».

    Le rapport cite notamment le directeur de l'organisation caritative Reprieve [qui signifie grâce ou sursis], qui déclare : « C'est une région entière qui vit terrorisée par menace permanente de cette mort qui vous tombe du ciel […] C'est tout leur mode de vie qui s'effondre […] les enfants sont terrifiés de se rendre à l'école, les adultes ont la hantise de devoir se joindre à un mariage, à des funérailles, à un simple rendez-vous d'affaires, ou à quoi que ce soit qui implique de se réunir en groupe ».

    Manifestement voilà qui a tout d'une véritable guerre sale PAR (et non pas contre) le terrorisme. Mais si l'on peut effectivement suggérer ce genre de chose dans le London Independent (Jerome Taylor, “Outrage at CIA’s deadly ‘double tap’ drone strikes” [Les frappes « double tap » par drone de la CIA soulèvent l'indignation], 25 septembre 2012), le NewYork Times [l'équivalent du Monde aux USA], n'a toujours fait aucune mention du dossier « living under the drones » au moment où nous écrivons cet article (30 septembre 2012). Ce n'est pas vraiment le genre d'information qu'on s'empresse de publier ou de claironner bruyamment. Ce n'est pas comme lorsque la Secrétaire d’État Hilary Clinton déclare que le gouvernement de Bashir Al-Assad aurait « du sang sur les mains » s'il s'avisait de « d'interdire aux secours vitaux [qu'elle a promis], d'atteindre les civils » (Steven Lee Myers, “Nations Rebuke Leader of Syria as Assault Rages” [Les Nations réprimandent le dirigeant syrien tandis que les assauts font rage], New York Times, 25 février 2012. p 1 ; Voir aussi le long article New York Times du 3 mars 2012 : “Syria Blocks Red Cross From Taking Aid to Devastated Rebel Enclave in Homs” [La Syrie empêche la Croix Rouge d'apporter de l'aide à l'enclave rebelle dévastée de Homs]).

    Et cela nous amène à un autre prodige de double standard : L'Iran vit en état permanent d'agression et de menace, du fait de son prétendu refus de coopérer avec les Occidentaux et leur instrument aux Nations Unies, l'AIEA (Agence Internationale à l’Énergie Atomique), qui s'efforcent de mettre un terme à son programme nucléaire ; Mais dans le même temps, les États-Unis peuvent refuser de tenir leurs engagements à respecter les termes du Traité de Non-Prolifération nucléaire (TNP) qui leur impose d’œuvrer à l'élimination des armes nucléaires. Et Israël peut continuer d'accumuler un arsenal considérable d'armement nucléaire (fort de sa collusion avec les nations occidentales), hors de la juridiction du TNP [dont il refuse d'être signataire]. Et ces deux pays peuvent sans aucune crainte menacer quotidiennement l'Iran de frappes nucléaires... En matière de double standard, difficile de faire mieux ! De même, Israël peut aussi continuer à mener depuis des décennies son nettoyage ethnique systématique de la Palestine, sans redouter aucune sanction de la « communauté internationale », qui offre au contraire à la poursuite de cette entreprise immorale et illégale tout le soutien possible. C'est seulement lorsque un pays cible des Occidentaux et des USA est accusé de nettoyage ethnique, comme la Serbie des années 1990, que les moralistes et responsables occidentaux et leurs agents s'insurgent et passent à l'action.

    L'hégémonie du double standard et l'hypocrisie qui va de pair découlent d'une forte concentration du pouvoir et de leurs propres succès conjoints, en nos actuels temps modernes – que Steven Pinker tient pour une ère de « Longue Paix » et de « ré-civilisation » que nos meilleurs côtés [« Better Angels »] dominent, après la période désastreuse des années 1960. Voilà une magnifique illustration de la triste capacité des hommes à se mentir à eux-même.


    Edward S. Herman est Professeur Emérite de Finance à la Wharton School, Université de Pennsylvanie. Economiste et analyste des médias de renommée internationale, il est l’auteur de nombreux ouvrages dont : Corporate ControlCorporate Power (1981), Demonstration Elections (1984, avec Frank Brodhead), The Real Terror Network (1982), Triumph of the Market (1995), The Global Media (1997, avec Robert McChesney), The Myth of The Liberal Media : an Edward Herman Reader (1999) et Degraded Capability : The Media and the Kosovo Crisis (2000). Son ouvrage le plus connu, Manufacturing Consent (avec Noam Chomsky), paru en 1988, a été réédité 2002.

    (1) Howard Brush Dean III (1948) : homme politique américain, chef du comité national du parti démocrate de 2005 à 2009, gouverneur du Vermont de 1991 à 2003.

    (2) Thomas Joseph « Tom » Ridge (1946) : homme politique américain, membre du Parti républicain, ancien gouverneur de Pennsylvanie et premier secrétaire à la Sécurité intérieure de 2003 à 2005.

    (3) Rudolph William Louis Giuliani III, dit « Rudy Giuliani » (1944) : personnalité politique américaine, membre du Parti républicain, maire de New York de 1994 à 2001.

    (4) Newton Leroy McPherson, dit Newt Gingrich (1943) : homme politique américain, écrivain et conseiller politique à la Maison Blanche.

    (5) Edward Gene "Ed" Rendell (1944) : homme politique américain, membre du Parti démocrate, maire de Philadelphie de 1992 à 2000, gouverneur de l'État de Pennsylvanie de 2003 à 2011.

    (6) “We don’t make body counts” Dans la dernière phase de la guerre du Vietnam (1969-1975), le nombre d'ennemis tués (le fameux body count ardemmentencouragé par Nixon et Kissinger) était devenu le principal facteur d'avancement dans l'armée américaine. Tout le monde savait pourtant que la plupart de ces victimes étaient civiles et sans armes, ce que le décompte des armes (nettement inférieur) attestait constamment.

     


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  • USA : 10 chiffres qui disent tout

     


     

    6 novembre 2012

     
     

    « It’s the economy, stupid ! » (C’est l’économie qui importe, idiot !). Cette phrase permit à Bill Clinton de gagner la présidentielle en 92 contre Bush dont le bilan emploi était désastreux. Sous Clinton, le chômage ne cessa de grimper, et l’inégalité aussi. Et aujourd’hui ? Est-ce le président qui décide ? Ou l’économie ? C’est-à-dire d’autres gens - non élus - au-dessus du président. Voici, présentés en textes et dessins, les 10 chiffres clés qui résument la situation économique et sociale des USA. Pour comprendre l’essentiel. Quel que soit le président.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Réponse :

    Qu’allons-nous faire ? Une question d’autant plus grave que l’Union Européenne veut coûte que coûte nous imposer un copié – collé de cette politique antisociale des USA !

    Le problème n’est pas « Quel président ? » On se dit souvent qu’avec le « moins mauvais », on échappera au pire. Non, car le « moins mauvais » est en fait le plus intelligent pour emballer et vendre la même marchandise.

    Le problème est plutôt : « Comment résister à la politique impériale des USA ? » Et pour ça il nous faut : analyser l’économie pour comprendre le lien entre la politique antisociale et le militarisme, décoder les mécanismes de pillage des ressources et de contrôle de la planète, repérer les procédés de la guerre globale dans ses formes diverses. Et les procédés de désinformation qui nous cachent tous ces enjeux. Ainsi, on pourra unir et renforcer les résistances diverses qui se développent dans le monde. La colère monte partout, il nous faut présenter une vraie alternative…

     


    Source : Investig'Action

    Dessins : Yace