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Politique de l'Empire - Page 12

  • Alerte ! Arour le boucher est en Syrie




    D'abord les médias ont fait mine d'ignorer son existence. C'est qu'il faisait un peu tache d'huile sur leur joli tableau printanier. Une fois que sa barbichette teinte au henné a inondé les écrans télé des pays du Golfe et les rues syriennes acquises à la rébellion, ces mêmes médias ont eu le culot de traiter ses détracteurs de propagandistes du régime de Damas. Le quidam dont on parle ? Adnane Arour, la Bête de l'apocalypse syrienne.

     

    Manifestation de l’opposition syrienne organisée à Tripoli dans le Nord du Liban au printemps dernier. On y voit les portraits d’Arour et de Ben Laden, deux figures emblématiques du takfirisme. Sous leur portrait est indiqué : « Nous sommes tous le cheikh Adnane Arour », « Nous sommes tous le cheikh Ben Laden »
     
    Originaire de Hama, Adnane Arour est un ancien soldat de l’armée syrienne. Il a été limogé, dit-on, pour une sombre histoire de viol. 

    Il s’engage ensuite dans l’insurrection anti-baathiste. Mais la répression le contraint à fuir le pays.

    Durant son exil saoudien, il se recycle dans le takfirisme, un courant sunnite radical qui prône l'Inquisition contre tous les courants religieux non sunnites à commencer par les chiites et les alaouites considérés comme « pires que les Juifs ».

    A partir de 2006, il anime une émission sur Wissal TV où il exhorte les jeunes sunnites à aller égorger les hérétiques chiites et alaouites et à « s'occuper de leurs filles entre 14 et 16 ans ».

    C'est à croire que sa pieuse retraite en « terre sainte » n'a eu aucun effet sur ses pulsions perverses.

    En Occident, certains s'étonnent aujourd'hui que la rébellion syrienne puisse faire preuve de tant de cruauté à l'encontre des forces loyalistes ou de simples citoyens qui ont le malheur d'appartenir à la mauvaise confession.

    Depuis son célèbre appel à « hacher les alaouites » et à « donner leur chair aux chiens » en cas d’insoumission au califat qu’il prône, son nom décore les poubelles de nombreuses villes.

    Mais sur les pentes du Djebel Zawiya, le « Peshawar » syrien, une zone montagneuse de la province d'Idlib réputée puritaine et réfractaire aux idées progressistes du panarabisme laïc, Arour fait des émules.

    Officiellement, les commandants de l'ASL ne voulaient pas de cet énergumène.

    Mais il y a quelques jours, Arour a été accueilli en véritable Pierre L'Ermite de cette armée prétendument libératrice.
     
    Arour avec les commandants de l’insurrection à Idlib, octobre 2012


    Arour prononça même le discours inaugural du « Commandement central des conseils révolutionnaires syriens » fraîchement créé dans le Nord de la Syrie en présence de son fils Mohammed Arour lui aussi combattant de la rébellion unifiée.
     
    Avec la verve qu’on lui connaît, Arour s'attaque aux opposants prêts à un cessez-le-feu avec l'armée syrienne, reprochant à ces mêmes militants d’être « plus dangereux que le régime ».

    A la veille de l’Aïd El Adha, il paraît donc difficile d'envisager le moindre apaisement avec un tel provocateur dans les rangs de la rébellion.
     
    Etaient présents à cette grand-messe démocratique copieusement arrosée d’« Allah ou Akbar » le major de l'ALS Maher Al-Naimi et le lieutenant-colonel Amar Abdullah Al Wawi du Mouvement des officiers libres. Récemment blessé dans une attaque de la base aérienne d'Abou Al Duhur et soigné à Antakya, certaines sources avaient donné Al Wawi pour mort.
     
    A noter aussi que dans son discours, Adnane Arour n'a pas manqué de remercier les Etats turc et jordanien avec une mention spéciale pour la dictature saoudienne : « Moi je sais tous les sacrifices consentis par l'Arabie saoudite » a-t-il confié.
     
    Et de conclure par un vibrant remerciement adressé aux « hommes d'honneur du Qatar et du Liban ».
     
    En janvier de cette année, Arour s'était rendu en Libye. En direct de Tripoli, il avait félicité l’aviation de l’OTAN pour son travail de précision dans ses bombardements contre les villes et les quartiers fidèles à Mouammar Kadhafi.
     
    Arour demande la même chose pour son pays. Message très vite reçu par le safari club de BHL qui rempile sur le front syrien aux côtés de ses frères d’armes Kouchner, Glucksmann, Bérès et Bettati (cf. Le Monde, Assez de dérobades, il faut intervenir en Syrie, 22 octobre 2012)
     
    Le Grand Soir tant espéré par les démocrates syriens sincères mais naïfs aura été de courte durée.
     
    Avec le retour d’Arour en Syrie, bonjour l’Apocalypse.
     
    Bahar Kimyongur est auteur de Syriana, la conquête continue, Ed. Couleur Livres & Investig’action, 2011 et porte-parole du Comité contre l’ingérence en Syrie (CIS)
  • Israël ne cédera jamais les territoires occupés

    EN MÉMOIRE DE NOTRE ESTIMÉ CONFRÈRE GIORGIO S. FRANKEL 

    Notre confrère Giorgio S. Frankel(*) était un journaliste d’une rare honnêteté. Il a inlassablement dénoncé la politique poursuivie par les gouvernements successifs de l’Etat juif d’Israël. Un Etat qui s’est installé par la force sur une terre volée aux Palestiniens. Très peinée par sa disparition, le 20 septembre 2012, nous tenons à lui rendre hommage en republiant le long et fascinant entretien qu’il nous avait accordé en mai 2011 alors qu’il était très atteint par la maladie. Il nous avait parlé de la complicité lâche des journalistes alignés sur Israël qui mentent et couvrent les crimes les plus odieux. Nous gardons un souvenir émouvant de cet homme élégant dont le regard bleu intense et bon continue de nous habiter. - Silvia Cattori


    1ER OCTOBRE 2012 | THÈMES (S.CATTORI) : SIONISME RÔLE DES MÉDIAS

    Giorgio S. Frankel

    Israël ne cédera jamais les territoires occupés 
    (Entretien avec Giorgio S. Frankel publié en Italie le 25.05.2011)

    Les dirigeants israéliens affirment être « prêts à faire la paix » avec les Palestiniens. En réalité les gouvernements qui se sont succédé n’ont jamais eu la moindre intention de faire la paix. Ils se sont au contraire servis du dit « processus de paix » pour continuer leur politique de destruction et de déshumanisation, non seulement de la Palestine mais aussi d’autres pays et peuples du Proche et Moyen Orient. Ils ont pu continuer de massacrer et d’expulser le peuple palestinien hors de sa terre sans jamais subir de sanctions. L’écrivain Giorgio S. Frankel, met en relief dans cet entretien la complicité de ces journalistes partisans - et gouvernements occidentaux - dans l’expansion de l’État juif et dans la prolongation des souffrances du peuple palestinien.


    Silvia Cattori : Comme vous le savez quand il s’agit des crimes commis par l’armée israélienne contre les Arabes, la presse n’est pas du tout neutre. N’êtes-vous pas vous-même un de ces journalistes qui, dans le passé, a contribué à peindre une image idyllique d’Israël ?

    Giorgio S. Frankel [1] : Oui, dans le passé, j’ai participé à cette propagande sioniste parce que j’ai grandi dans un contexte favorable à Israël. Donc j’avais absorbé cette culture. Dans un certain sens la presse et les médias occidentaux contribuent activement à perpétuer l’image et l’idéologie d’Israël. Il y aurait ici un long discours à faire sur le pouvoir des forces pro-israéliennes dans la presse et les médias.

    N’oublions pas que pratiquement tous les correspondants des journaux étasuniens en Israël sont des Juifs pro-israéliens. Nombre d’entre eux ont servi volontairement dans les forces armées israéliennes. Donc ce phénomène existe. Un des piliers de la puissance israélienne dans le monde est cette capacité à perpétuer la narration israélienne et à continuellement modifier l’histoire pour la réécrire de façon favorable à Israël. Par exemple plus de 40 années sont maintenant passées depuis la guerre de juin 1967. Plus personne quasiment ne se souvient de la façon dont elle a commencé. La littérature pro-israélienne écrit avec désinvolture que ça a été une guerre dans laquelle Israël a dû se défendre d’une agression arabe. Cette agression n’a jamais existé. C’est Israël qui en juin 1967, à la fin d’une longue crise politique avec la Syrie, a attaqué l’Égypte par surprise. On écrit aujourd’hui qu’Israël a dû mener une guerre de défense après une agression arabe. C’est un exemple.

    Silvia Cattori : Le fait que les correspondants états-uniens envoyés en Israël soient, comme vous le soulignez, « quasiment tous des Juifs pro-israéliens » est certainement un problème. Mais, à votre avis, ne voyons-nous pas le même phénomène dans les pays européens ?

    Giorgio S. Frankel : L’Europe a eu une attitude partagée jusqu’à il y a quelques années. Dans un passé pas très lointain, l’Europe tendait davantage à sympathiser avec les Palestiniens. Dans les années 70 et 80, l’Italie était manifestement plus pro-arabe que pro-israélienne. L’attitude européenne a changé après l’attaque du 11 septembre 2001, quand s’est déchaînée dans le monde cette politique anti-arabe. L’attaque a été identifiée comme une offensive arabe contre le monde occidental. Après ce virage une hostilité croissante envers l’Islam s’est diffusée dans le monde occidental.

    L’islamophobie en Europe a été transmise par les États-Unis. Aujourd’hui, l’Europe -la politique des pays européens alignés après le 11 septembre sur les positions états-uniennes et la guerre d’Irak- poursuit une politique anti-arabe. Cette islamophobie croissante est en grande partie alimentée, partagée, soutenue par Israël. Il faut savoir que les Européens les plus racistes, comme le Hollandais Gert Wilders, et d’autres racistes nordiques, sont aujourd’hui considérés comme des héros en Israël. Gert Wilders est régulièrement invité à tenir des conférences même dans les universités israéliennes.

    On a cette attitude aussi dans les médias européens ; un peu moins dans les médias britanniques. Mais, en effet, pour de nombreuses raisons, Israël est arrivé à imposer son langage, son récit des épisodes proches et moyen orientaux. Les Israéliens ont un grand pouvoir, ils ont une grande capacité de propagande. Les Palestiniens ne disposent pas de cette force. Les Arabes n’ont pas cette capacité. Israël a pris le contrôle petit à petit. Il y a employé beaucoup de temps. Il a maintenant pratiquement le contrôle des communautés juives en Europe et aux États-Unis. Autrefois ce n’était pas comme ça. Autrefois les communautés juives critiquaient la politique d’Israël. Ainsi, si nous pensons à la propagande en faveur d’Israël, celle-ci n’est pas faite par des émigrés : elle est faite par des Juifs états-uniens qui en partagent la culture, le langage. Ce ne sont pas des étrangers. Les Juifs états-uniens sont pleinement intégrés, membres du Congrès, journalistes. La propagande pro-israélienne est renforcée de ce fait.

    Silvia Cattori : Quand ce contrôle politique d’Israël sur le monde juif a-t-il pris ce virage ?

    Giorgio S. Frankel : Il faut rappeler qu’à l’origine le sionisme était seulement hébergé dans le monde juif, surtout chez les Juifs états-uniens. Il a fallu beaucoup de temps pour que les sionistes arrivent à s’affirmer. Ceci, entre autres, est une des origines historiques de l’arrogance notoire, de la propension à la violence du sionisme. Le sionisme est devenu arrogant et politiquement violent justement à cause de son expérience aux États-Unis, quand il devait s’affirmer dans le judaïsme états-unien. Surtout après la deuxième guerre mondiale. Les Juifs du monde entier ont toujours eu une attitude très favorable et très sentimentale à l’égard d’Israël. Si l’on doit parler de virage, c’est après la guerre de juin 1967 qu’il y a eu un virage important. Cette guerre est très importante dans l’histoire d’Israël. Elle a créé dans la mentalité israélienne un sentiment de sécurité et de puissance. Ainsi il y a toujours eu une dialectique entre Israël et le judaïsme, quant à celui qui devait dominer l’autre. Mais après la guerre de 1967, les gouvernements israéliens ont décidé que c’était à eux qu’il revenait de dominer le monde juif. Cela s’est fait petit à petit.

    Silvia Cattori : Donc, à votre avis, la propagande des autorités israéliennes, qui a toujours consisté à dénigrer et déshumaniser les Arabes et les musulmans, sert, entre autres, à impliquer et à obtenir l’adhésion totale des Juifs au projet sioniste de domination et de destruction du peuple palestinien ?

    Giorgio S. Frankel : La peur des peuples musulmans a grandi après le 11 septembre. Cet événement a permis aux forces israéliennes de désigner le monde musulman comme un ennemi historique du monde occidental, ennemi avec lequel on ne peut pas faire la paix. En Europe, pour des raisons historiques, qui remontent aux Croisades, il y a cette peur ancestrale des musulmans. Après le 11 septembre il a été facile de relancer cette peur.

    Silvia Cattori : Cette propagande israélienne contre le monde arabe et musulman a réussi jusqu’à présent, avec l’aide de nos journalistes et gouvernements, à masquer de graves crimes comme l’épuration ethnique, l’annexion de Jérusalem, les massacres qui se répètent. Il est difficile de comprendre que des crimes aussi graves et massifs ne posent pas un problème moral aux Juifs qui soutiennent l’État qui les commet en leur nom. Nous voyons même des journalistes progressistes, des militants de groupes « Juifs pour la paix » tenir un discours qui « épargne » et dans un certain sens « légitime » le projet raciste de l’État exclusivement juif. Seuls quelques petits groupes marginaux ont toujours soutenu clairement le droit au retour des Palestiniens [2]. Ceci n’a-t-il pas toujours été une manière de légitimer la politique d’un État dont le projet raciste, dont l’idéologie violente, a vidé la Palestine de ses habitants ?

    Giorgio S. Frankel : C’est extrêmement compliqué. Si l’on s’en tient à des phases de la négociation israélo-palestinienne, les négociateurs palestiniens eux-mêmes disent implicitement que si l’on faisait un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza, le retour des réfugiés serait compris dans l’État palestinien ; qu’ils se contenteraient d’une déclaration de la part d’Israël d’une assomption de responsabilité historique du drame des Palestiniens chassés en 1948 ; qu’Israël pourrait ne laisser entrer que quelques dizaines de milliers de Palestiniens. Dans le plan de paix proposé par le roi d’Arabie saoudite en 2002, confirmé en 2007, n’est pas mentionné explicitement le droit au retour, mais une solution négociée entre Israël et les Palestiniens.

    Dans l’hypothèse d’une solution « deux États » le problème est de savoir si cette solution « deux États » est possible, avec Israël à l’intérieur des frontières de 67, et un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza. Pendant ces dix dernières années, on a continué à parler de « deux États pour deux peuples ». Ce qu’on a vu, peut-être définitivement en 2010, c’est que maintenant cette solution n’est absolument pas possible, parce qu’Israël a pris la moitié des terres confisquées en 1967 pour construire des colonies.

    Israël ne cédera jamais ces territoires palestiniens. Ce qui est apparu c’est qu’Israël n’est pas pressé : qu’Israël veut arriver, avec le temps, à la domination de tout le territoire. La domination totale de la Cisjordanie et de Gaza. Ce qui implique de fait, par conséquent, l’expulsion des Palestiniens qui y vivent.

    Silvia Cattori : L’Autorité de Ramallah, et les dirigeants de l’OLP -compromis dans des « processus de paix » qui ont permis à Israël de continuer à coloniser la Cisjordanie - ont renoncé aux droits légitimes de leur peuple, en pensant obtenir en échange leur « État » palestinien. Arriveront-ils à avoir cet État ?

    Giorgio S. Frankel : Oui, en effet. Même le président Yasser Arafat était sur cette position : si nous faisons un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza, nous ne prétendons plus au droit au retour. Dans les négociations avec Israël le droit au retour a été utilisé comme une carte négociable. Ce qui était important pour les dirigeants palestiniens était d’avoir leur État en Cisjordanie et à Gaza. Cet État désormais n’existera jamais plus. Il est possible que ces dirigeants palestiniens soient aujourd’hui en collusion avec Israël. Qu’ils soient donc pratiquement des fantoches d’Israël. Après toutes ces négociations ils n’ont absolument rien obtenu. Les conditions de vie des Palestiniens ont empiré.

    N’oublions pas que depuis qu’en 1993 a eu lieu la rencontre entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, la fameuse poignée de main à la Maison Blanche, les Israéliens ont continué à exproprier des terres en Cisjordanie, à chasser les Palestiniens de leurs maisons pour développer leurs colonies. En ces 17 années on a amplement démontré qu’Israël n’a pas la moindre intention de faire une paix qui porterait à la création d’un État palestinien en Cisjordanie et Gaza.

    Quand les dirigeants israéliens parlent d’un État palestinien ils ne disent jamais où il devrait naître. Pour eux, l’État palestinien est la Jordanie. Leur objectif est de renverser la monarchie jordanienne et d’envoyer là-bas tous les Palestiniens. Voilà la doctrine : la Jordanie est la Palestine pour les Israéliens. Tout leur discours se trouve là. Les Israéliens n’ont jamais été disposés à restituer les territoires conquis en 1967. Jamais. Donc la question du droit au retour pour Israël ne se pose pas comme un objectif réaliste. Le problème est celui-ci : la formule des deux États n’est plus possible. Alors y aura-t-il un État qui comprend Israël, l’actuelle Cisjordanie et Gaza ? Il faut voir si cet État sera un État unique (binational), comme dit Ilan Pappé. Ou bien si ce sera un État dominé par les Israéliens dans lequel les Palestiniens ne seront jamais démographiquement en majorité mais seront soumis à la « domination juive ». Ils pourraient même en être chassés…

    Silvia Cattori : Cette éventualité, selon vous, est-elle probable ?

    Giorgio S. Frankel : Je pense qu’Israël - même si c’est une grande puissance mondiale, une puissance militaire, nucléaire et technologique - est en réalité en train d’aller au désastre. Vers un collapsus intérieur. Les indices en sont cette folie croissante de la classe dirigeante israélienne. On a vu cette dernière année justement l’escalade de racisme en Israël. Racisme envers les Arabes citoyens d’Israël. Il y a en Israël des manifestations de racisme contre les Arabes, de xénophobie envers les travailleurs étrangers, de xénophobie envers la composante russe. Il y a des fractures croissantes dans le monde juif entre ashkénazes et séfarades, entre blancs et noirs falashas. Toute la société israélienne est en train de se fragmenter, de couler et de se dégrader en un complexe de haine raciale envers tout le monde. Israël a une attitude de plus en plus hostile envers le reste du monde. Un rien suffit pour créer des incidents diplomatiques.

    Alors que des générations de jeunes juifs états-uniens sont de plus en plus désenchantées vis-à-vis d’Israël. Ce qui signifie qu’Israël risque le collapsus, si des choses extérieures n’interviennent pas. La classe dirigeante israélienne est d’un niveau de plus en plus bas. L’intelligentsia israélienne est de plus en plus basse. Israël ne produit pas de culture, ne produit pas d’idées, ne produit pas de projets. Il produit des armes, des installations électroniques ; mais il ne produit pas de culture. Sa classe politique est de plus en plus corrompue économiquement, culturellement et dans ses coutumes. Un ex-chef de l’État israélien a été condamné pour violence sexuelle. Ceci est exemplaire de la corruption israélienne actuelle.

    Israël est voué au déclin. Ce déclin peut être accéléré par le fait qu’Israël est complètement lié aux États-Unis. Aujourd’hui sa politique se révèle très dangereuse parce que la situation intérieure états-unienne est de plus en plus grave. L’avenir d’Israël est plein de doutes.

    Silvia Cattori : Et pourtant Israël n’apparaît pas comme étant dans une position de faiblesse mais de domination. Il ne souffre pas de crise économique. Sa monnaie est forte et stable. Il continue à tenir tête au monde ; à ne pas céder de terrain et à poursuivre, sans être perturbé, sa politique de purification ethnique des Palestiniens. Il est même en mesure de revendiquer des concessions de plus en plus humiliantes, pour rendre impossible toute solution aux problèmes créés à ses voisins arabes. Malgré la gravité des crimes commis depuis plus de 60 ans, Israël non seulement n’est pas sanctionné mais est courtisé par nos gouvernements. Si Israël peut se comporter de façon aussi arrogante et violente, défier les grandes puissances, il doit y avoir une raison secrète qui a permis à tous les gouvernements israéliens de défier quiconque. Comment interprétez-vous cette arrogance croissante, sans précédent en politique internationale ?

    Giorgio S. Frankel : C’est vrai. Les fondements de cette arrogance sont multiples. Un de ces fondements est la puissance atomique israélienne. Israël est peut-être la quatrième puissance atomique dans le monde. Dès les années 70, c’est-à-dire il y a presque 40 ans, on disait qu’Israël était capable d’exercer une menace nucléaire contre l’Union soviétique. Ceci expliquait pourquoi l’Union soviétique avait toujours été très prudente vis-à-vis d’Israël. Il y a quelques années seulement, un historien militaire israélien d’origine hollandaise, Martin Van Cleveld, chercheur renommé et auteur d’études militaires, déclara dans une interview qu’Israël avait des armes atomiques pointées contre toutes les capitales du monde occidental. On parle beaucoup de cette doctrine Samson [3]. L’idée est celle-ci : si Israël se trouvait dans une situation telle qu’il lui semble être sur le point de succomber, alors il entraînerait le monde avec lui. Avant de succomber il lancerait des bombes atomiques sur l’Europe, sur le monde arabe et sur les États-Unis. Des scientifiques israéliens ont plusieurs fois affirmé que les Israéliens peuvent frapper n’importe quel point du globe.

    Connaissant l’histoire et la mentalité israéliennes cette attitude peut apparaître rationnelle dans le sens d’une argumentation destinée à forcer les autres pays à respecter la volonté d’Israël. Après tout, un pays européen peut se demander pourquoi soutenir la cause des Palestiniens, si on risque d’être attaqué et bombardé.

    Le fait qu’Israël puisse exercer un chantage atomique, direct ou indirect, qu’il puisse menacer de faire une guerre aux pays arabes ou à l’Iran en utilisant des bombes atomiques, déchaînerait une crise mondiale. Les possibilités d’utiliser directement un chantage atomique sont très nombreuses. Ceci est un fait, je dirais, fondamental.

    Puis, le lien stratégique avec les États-Unis, qui a débuté après la guerre de juin 1967, a conféré à Israël un pouvoir international notable et une sorte d’immunité. Quoi que fasse Israël, les États-Unis le protègent. S’il y a une résolution en cours au Conseil de sécurité contre Israël, elle ne peut pas passer parce que les États-Unis, en tant que membre permanent, peuvent opposer leur veto.

    Tout cela a donné à Israël un pouvoir notable, un degré d’impunité très élevé. Ensuite s’est créé dans le monde, je ne sais pas si c’est un mythe - mais étant donné que quasiment toutes les chancelleries le prennent au sérieux…- l’idée que, si des pays et des forces politiques veulent avoir de bons rapports avec les États-Unis, ils doivent avoir de bons rapports avec Israël. Il y a une propension dans nombre de pays du Tiers-monde à établir de bons rapports avec Israël de façon à ce qu’ensuite le lobby pro-israélien aux États-Unis soutienne ce pays. La Turquie l’a fait dans les années précédant le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan. Nombre d’autres pays l’ont fait. On a vu que ces pays qui ont eu de bons rapports avec Israël ont été gratifiés par les États-Unis.

    Les raisons pour lesquelles Israël est aussi puissant aux États-Unis sont dues au fait qu’Israël a établi un contrôle sur le Congrès. Israël domine le Congrès aux États-Unis ; il le domine vraiment. Depuis des décennies, les Israéliens ont créé aux USA une série de structures, d’institutions appelées lobby israélien. Ce lobby est formé de diverses organisations spécialisées : il y a le lobby au Congrès, celui qui fait pression sur la Maison Blanche, celui qui s’occupe des sommets militaires, etc.

    En tenant compte qu’il y a aux États-Unis 6 millions de Juifs aisés, ces organisations qui sont financées par le monde juif disposent de fonds énormes. L’une des plus importantes, l’AIPAC, a 100.000 adhérents. Elle a un pouvoir énorme. Ses membres envoient des fax, des e-mails aux députés, aux sénateurs, recueillent des fonds.

    Une chose très importante dont les journaux européens ont peu parlé, mais les journaux israéliens oui, ainsi que certains journaux juifs, est le fait que, au début de l’année 2010, les rapports entre Obama et Israël étaient très mauvais. Obama était prêt à avoir une politique de pression de plus en plus dure à l’encontre d’Israël. C’est ce qu’il semblait. En mai, Obama a complètement changé et a cédé peu à peu à toutes les requêtes des Israéliens. Les journaux israéliens ont révélé que les principaux financeurs juifs du parti démocrate avaient coupé les financements. Les milliardaires juifs, en mars 2010, ont fait savoir qu’ils ne donneraient pas un dollar si Obama ne changeait pas de politique. Obama s’est retrouvé à la veille des élections de mi-mandat en difficulté politique avec son propre parti, qui avait perdu ses financements juifs. C’est donc une source de pouvoir.

    Ajoutons aussi un autre facteur de pouvoir provisoire. Dans l’ère de la globalisation économique, Israël est devenu un élément structurel de ce super-pouvoir global qui s’est développé à partir des années 80 et 90. Dans l’élite mondiale qui a le pouvoir économique, etc.…, Israël est une partie intégrante de cette structure de pouvoir. Ce pouvoir économique, plus le pouvoir stratégique militaire, dans la mesure où les États-Unis visent la domination du Moyen-Orient, renforcent le pouvoir militaire et stratégique d’Israël.

    En 2003, quand les États-Unis ont attaqué l’Irak, les journalistes états-uniens et l’élite pro-israélienne disaient ouvertement que l’attaque contre l’Irak n’était que le début d’une stratégie vouée à démanteler le Moyen-Orient. Qu’après l’Irak, ce serait le tour de l’Égypte, puis de l’Arabie saoudite, etc. C’était la vision de l’époque. Ensuite la guerre contre l’Irak a mal tourné pour eux. Ce qui montre que le pouvoir militaire n’est valable que jusqu’à un certain point. Les États-Unis, malgré leur super-puissance militaire et technologique, perdent toutes les guerres. En voyant l’expérience des États-Unis nous pouvons garder à l’esprit que même pour la super-puissance israélienne les jours pourraient être comptés. Pour le moment Israël est une partie du super-pouvoir mondial. Mais ce pouvoir perd du terrain avec l’expansion du pouvoir asiatique.

    Silvia Cattori : Vous avez étudié ce sujet. Vous connaissez la réalité de près. Mais pour les gens en général il est très difficile de comprendre que ce ne sont pas les Arabes et les musulmans le problème mais la politique conflictuelle israélienne. La pression continue exercée par Israël contre le programme nucléaire civil iranien en fait partie. Croyez-vous en une attaque possible de l’armée israélienne ou d’autres, contre des sites iraniens ?

    Giorgio S. Frankel : Je n’y crois pas parce qu’Israël a commencé à menacer d’attaquer l’Iran au début des années 90 ; ça fait 20 ans que les autorités israéliennes répètent qu’elles vont attaquer l’Iran, que l’Iran est en train de fabriquer la bombe atomique, que l’Iran est une menace. Mais quand, dans l’histoire, un pays menace de faire la guerre et ne la fait pas pendant vingt ans, il ne la fera jamais.

    Cette menace contre l’Iran sert à Israël pour maintenir un climat de tension au Proche et au Moyen-Orient. En menaçant plusieurs fois par an de faire la guerre à l’Iran, il crée une situation de péril aux États-Unis et en Europe. La probabilité qu’Israël attaque l’Iran est très faible. Mais si Israël attaque vraiment l’Iran, les conséquences mondiales seraient tellement catastrophiques que, même si tout le monde pense que la menace du gouvernement israélien tient du bluff, personne ne va vérifier si c’est vraiment du bluff.

    Israël n’est pas en mesure d’attaquer l’Iran, il suffit de regarder une carte géographique. Il doit passer à travers d’autres pays. Il y a deux ans, les États-Unis firent un cadeau empoisonné aux Israéliens. Comme Israël parlait du danger iranien, les États-Unis envoyèrent en Israël un grand appareil radar qui contrôle le ciel autour du pays sur des centaines de kilomètres. Cette station est gérée par des militaires états-uniens. Elle fut présentée comme un geste de solidarité envers Israël ; en réalité les Israéliens ne sont pas très contents. Parce que les États-Unis savent exactement ce que font les avions israéliens. Les États-Unis ont affirmé de façon récurrente qu’ils ne veulent pas une guerre contre l’Iran, parce que ce serait une catastrophe.

    Ce sont des périodes cycliques. De temps en temps les Israéliens sortent cette carte iranienne. On en parle pendant quelques semaines et puis ça s’arrête. Le général Moshe Yalon, vice-premier ministre et ministre pour les menaces stratégiques, a déclaré : le programme nucléaire iranien est en retard ; donc nous avons deux ou trois ans pour prendre une décision. Ceci est un message pour indiquer qu’en ce moment il n’y a pas de danger iranien. Ce danger sert aux Israéliens pour entretenir un climat de tension et contraindre les États-Unis et les Européens à faire certaines politiques. Les Israéliens espéraient créer un climat de tension suffisant pour provoquer un affrontement entre l’Iran et les pays arabes. Cette stratégie aussi a échoué.

    Combien de temps a-t-il fallu aux autres puissances nucléaires pour fabriquer la bombe atomique ? Les États-Unis dans les années 40, quand on ne savait même pas à coup sûr qu’on pouvait faire la bombe atomique, y ont employé trois années. Israël a mis dix ans. Maintenant on dit depuis plus de vingt ans que l’Iran construit la bombe. C’est la bombe atomique la plus lente de l’histoire ! L’agence nucléaire qui doit contrôler la bombe atomique continue à dire qu’il n’existe pas d’indices de programme militaire.

    La bombe iranienne sert à Israël pour créer des problèmes stratégiques dans la région. La grande peur d’Israël est qu’un dialogue politique ne s’ouvre entre les États-Unis et l’Iran. Après quoi l’Iran serait reconnu comme puissance régionale avec laquelle on doit parler et discuter.

    L’autre puissance régionale qui est en train de s’affirmer est la Turquie. À présent Israël a des problèmes avec la Turquie parce qu’elle pourrait devenir la principale interlocutrice des États-Unis, du monde arabe et du monde musulman.

    L’autre grande arme d’Israël est l’accusation d’antisémitisme. C’est une arme à laquelle les Israéliens ont un grand et immédiat recours. Toute forme de critique d’Israël est dénoncée comme acte d’antisémitisme. Au début cela faisait un grand effet ; aujourd’hui un peu moins ; tôt ou tard, elle perdra son importance. Quand on abuse de ces armes elles perdent leur valeur. Israël accuse tout le monde d’antisémitisme. Si un Juif critique Israël, on dit que c’est un Juif qui a la haine de lui-même.

    A la fin, ça aussi ça s’écroulera. Parce que l’antisémitisme est une chose ; la critique d’Israël en est une autre. D’antisémitisme, il y en a peu actuellement, dans le monde. S’il resurgit c’est parce que cette façon qu’ont les Israéliens d’établir une identité entre judaïsme et « israélisme » est vraiment dégoûtante : c’est là un terrain très glissant.

    Silvia Cattori : Pendant ces années d’offensive militaires par Tel Aviv, on a assisté, en France par exemple, à une intensification des accusations d’antisémitisme même de la part de militants de groupes de « juifs pour la paix ». Des accusations d’antisémitisme et de négationnisme, se sont mises à pleuvoir sur des journalistes ou des militants qui mettent en évidence l’idéologie qui a amené l’État juif à conduire des politiques inacceptables depuis le début [4]. Si comme vous le soulignez, critiquer la politique israélienne n’a rien à voir avec le racisme, que cherchent alors, en vérité, ceux qui accusent les gens d’antisémitisme ?

    Giorgio S. Frankel : La grande erreur est celle commise par les communautés juives dans le monde en tant que, comme communautés juives, elles pensent avoir le droit de parler au nom d’Israël. De nombreux Juifs non Israéliens pensent pouvoir, en tant que Juifs, avoir le droit de soutenir Israël. C’est leur droit. Mais cela comporte que, tôt ou tard, on imputera aux Juifs non israéliens ce que font les gouvernements israéliens. D’autre part, quand Israël proclame qu’il veut être reconnu non seulement comme État juif, mais comme État national du peuple juif, cela veut dire qu’il demande, au niveau international, que lui soit reconnue une sorte de primauté aussi à l’égard des Juifs qui sont dans les autres pays. Cela devient très dangereux.

     

    Silvia Cattori : Pourquoi dangereux ?

    Giorgio S. Frankel : Parce qu’à la fin il est possible que, dans l’avenir, Israël veuille interférer dans la politique intérieure d’autres pays sous prétexte que ce pays a une politique hostile aux Juifs. Chirac refusa de participer à la guerre contre l’Irak. Peu de temps après le premier ministre israélien Ariel Sharon déchaîna une politique hostile à la France en avertissant les Juifs français : faites vos valises, quittez la France, venez en Israël. A l’avenir les Israéliens pourraient se comporter comme si c’était à eux qu’il revenait de définir le destin des Juifs italiens ou français.

    Silvia Cattori : Cette arme de l’antisémitisme a toujours permis à Israël de mettre les gouvernements qui ne suivent pas la ligne politique de Tel Aviv sous pression. Cela fait donc vingt ans qu’Israël essaie d’inciter le reste du monde à intensifier la pression contre l’Iran pour l’isoler, le sanctionner, en empêchant son développement normal. D’après vous, y arrivera-t-il ?

    Giorgio S. Frankel : Je n’en sui pas convaincu, parce que l’Iran jusqu’ici est protégé par la Chine et en partie par la Russie. Il a de bons rapports avec ses voisins : Turquie, Irak et avec des pays comme l’Azerbaïdjan et la Géorgie. Il a de bons rapports avec le Pakistan, avec l’Inde, avec les pays arabes du Golfe, en particulier avec le Qatar. Il est en train d’étendre sa présence diplomatique en Amérique latine. L’Europe suit la ligne dure : mais d’autres pays ne la suivent pas.

    Les Israéliens mènent cette déstabilisation intérieure de l’Iran par le biais d’attentats, de massacres, etc. ; c’est ce qu’ils sont probablement en train de faire. Il faut voir s’ils vont y arriver.

    Silvia Cattori : Israël seulement et pas les États-Unis [5] ?

    Giorgio S. Frankel : Tous les deux. Mais surtout les Israéliens.

    Silvia Cattori : Pourquoi « surtout les Israéliens » ? Ont-ils des moyens particuliers de pénétration et de manipulation des minorités ethniques ?

    Giorgio S. Frankel : Le problème de la stabilité de l’Iran est très complexe. On peut entrer clandestinement dans plusieurs zones. Il y a des populations hostiles au gouvernement central. Le Kurdistan est la région la plus importante pour le pétrole. Une minorité sunnite y vit. Il suffit de leur fournir des financements pour l’entraînement et de leur fournir des armes. Ce genre d’opérations s’appelle « la guerre de l’ombre ». Les possibilités d’intervention sont nombreuses.

    Silvia Cattori : Nous vous remercions.


    (*) Diana Carminati e Alfredo Tradardi : In memoria di Giorgio S. Frankel (22.09.2012 
    http://www.silviacattori.net/article3711.html

    Silvia Cattori

    Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio (24.06.2011)

    Texte original en italien (25.05.2011) : 
    http://www.silviacattori.net/article1639.html

     


     

    [1] Giorgio S. Frankel, analyste de questions internationales et journaliste indépendant, travaille sur le Moyen-Orient et le Golfe persique depuis le début des années 70. Il est l’auteur de : « L’Iran et la bombe », DeriveApprodi, Roma, 2010.

    [2] Le droit au retour est permis par la loi : mais nos gouvernements et partis politiques, de même que les défenseurs d’une « juste paix » l’ont toujours ignoré, parce que reconnaître aux réfugiés palestiniens le droit au retour obligerait Israël à reconnaître les expulsions de 1948, 1967, 2000 et à admettre que sa « guerre d’indépendance » est en réalité un crime.

    [3] « Option Samson » (ainsi appelée par des dirigeants israéliens d’après la figure biblique de Samson, qui abattit un temple philistin entraînant sa mort et celle de centaines de Philistins) suppose que face à une menace existentielle le projet nucléaire israélien comprend une attaque nucléaire contre les nations qui le menacent.

    [4] Voir : “1001 bugie su Gilad Atzmon” (“1001 mensonges sur Gilad Atzmon”), de Gilad Atzmon, comedonchisciotte.net , 2 novembre 2006.

    [5] Le journaliste Bob Wedford affirme que les services de la Cia, du Mossad et du MI-6 collaborent pour conduire des actions de sabotage contre l’Iran. En 2009 et 2010, l’Iran a arrêté plusieurs espions d’origine états-unienne entrés illégalement, parmi lesquels une femme qui possédait des « hidden spying equipment ». La France mène une diplomatie agressive contre l’Iran depuis que, en 2007, le président français Sarkozy a parlé de la possibilité de bombarder l’Iran. On se souviendra de l’appel de Bernard Kouchner aux nations, pour « se préparer au pire », à la « guerre » contre l’Iran.

     
  • LES ÉTATS-UNIS ET AL-QAÏDA


    Pourquoi les États-Unis arment-ils Al-Qaïda en Syrie ?
    Cette vidéo en anglais sous titrée en français est très éclairante et nous interpelle sur le fait que les gouvernements occidentaux, France et Etats-Unis en tête, s’appuient sur des groupes terroristes liés à Al-Qaida pour déstabiliser le gouvernement de Bachar el-Assad et détruire la Syrie.
    1ER OCTOBRE 2012 | THÈMES (S.CATTORI) : SYRIE
  • Robocop à vos portes

    15 septembre 2012

    La police étasunienne est une armée d’invasion (Dissident Voice)

     
    Marti Hiken, Luke Hiken

    La police est devenue une armée coloniale dans presque toutes les villes des Etats-Unis. Les 18 000 agences gouvernementales et locales de maintien de l’ordre réparties sur tout le territoire des Etats-Unis constituent davantage un danger qu’une protection. En 2008, il y avait 12 501 départements de police locale avec à leur tête au moins un officier de police à plein temps. Cette année-là, les départements de police locale avaient environ 593 000 employés à plein temps dont 461 000 étaient assermentés. Environ 60% de tout le personnel étatique et local assermenté était composé de membres de la police locale. Selon le Bureau des statistiques de la Justice, environ 75% des officiers de la police locale en 2007 étaient employés par des départements de la police qui autorisaient l’usage "d’objets conducteurs d’énergie" - comme les Tasers - alors qu’en 2003, il n’y en avait que 47%. Soixante et un pour cent des départements de la police locale utilisaient régulièrement des caméras vidéos dans les voitures de patrouille pour 55% en 2003. Il y avait environ 71 000 caméras dans les voitures en 2007 pour 49 000 en 2003.

    Les "appréhensions" policières ont donné lieu à la fouille au corps de 150 000 à 200 000 personnes rien que dans la ville de New York depuis le début de l’année, et plus de 85% des personnes appréhendées étaient des Américains d’origine hispanique ou africaine. Tant que les citoyens de ce pays ne se rendront pas compte de l’impact de la police sur nos communautés, nous continuerons à subir un niveau de répression, de surveillance illégale et d’incarcération bien supérieur à celui du reste du monde.

    Les policiers qui commettent des meurtres sont placés "en congé administratif rémunéré" et peuvent bénéficier des services de leurs syndicats et de leurs avocats avant qu’une investigation indépendante ne soit mise en place par les procureurs de district ou des agences de police extérieures. (Vous vous rendez compte, ils se retrouvent en congés payés grâce au fait d’avoir tué quelqu’un -la famille de la victime ne bénéficie pas de congés payés - seul le flic assassin y a droit !) Le police a des mois pour mettre au point sa version des faits avant que le reste de la communauté entende seulement parler du crime. Après un crime, la police expose aux médias sa version des faits qui est considérée comme parole d’évangile.

    Comme la police est la seule habilitée à filmer ou enregistrer ce qui se passe sur la scène de crime jusqu’à ce que la police ait décidé avec ses supérieurs de ce qu’il fallait dire, la police a un pouvoir absolu sur les faits dans la "justice" américaine. Beaucoup de monde pense que la police manipule les scènes de crime en y mettant des armes, des bombes incendiaires et des drogues soi-disant utilisées au cours de l’incident. Le public n’a pas le droit d’assister à ce qui se passe sur les lieux après le crime jusqu’à ce que la police ait donné ses conclusions et tenu une conférence de presse.

    Quand il y a une crime ou un accident, ils font arrêter la circulation pendant aussi longtemps qu’ils le jugent nécessaire. Par exemple, quand on a tiré sur un officier de police, le trafic a été interrompu pendant neuf heures sur la 680, une artère essentielle de la Baie de San Francisco, au grand détriment de milliers de personnes.

    Il y a aussi les funérailles d’officiers de police tués en service. Les fonds publics sont utilisés pour leur offrir des funérailles grandioses en présence de milliers de policiers.

    Ils psalmodient le mantra :"Nos policiers sont entraînés à utiliser la force nécessaire et raisonnable pour effectuer une arrestation ou éliminer une menace" pour justifier les atrocités que la police commet comme si le seul fait de prononcer ces paroles les rendaient vraies. Et c’est ainsi qu’on en arrive à la situation absurde où les policiers tiennent tous les rôles pour leur plus grande profit et s’absolvent de toute mauvaise conduite en étant tout à la fois le juge, le jury qui prononce les peines et ceux qui les appliquent. La police de Vallejo par exemple, a tué un citoyen tous les mois dans les 5 derniers mois et tous ces meurtres ont été déclarés "raisonnables et nécessaires."

    La police de San Francisco, presque deux fois plus nombreuse que celle de San José, est impliquée dans deux fois plus de meurtres par an que nos voisins du sud. Un noir sur trois est en prison ou en liberté surveillée aux Etats-Unis. Nous arrêtons et emprisonnons un pourcentage plus grand de citoyens que n’importe quel autre pays du monde.

    Et pourtant, les chefs de police viennent l’un après l’autre déclarer dans les quotidiens que si nous avions assez d’argent pour louer les services de davantage de brutes des rues pour maintenir l’ordre, nous serions plus en sécurité. C’est sûr et faire payer des impôts aux milliardaires serait mauvais pour les pauvres parce qu’on sait de quelle générosité et de quelles tendres attentions sont capables des voyous comme les frères Koch.

    Allez les amis, apprenez à penser par vous-mêmes et à lire entre les lignes. Moins de police signifierait moins de délits, moins de meurtres et moins de racisme. Nous n’avons pas besoin qu’ils envahissent nos communautés pour nous protéger, nous le faisons bien mieux nous-mêmes. Un nombre limité de policiers dont la mission serait de contrôler les crimes violents des gangs, de la Mafia et des extrémistes religieux serait bien préférable aux armées de métier installées au coeur de nos cités.

    Marti Hiken, Luke Hiken

    Luke Hiken est un avocat spécialiste du droit criminel et militaire, et du droit de l’immigration et des appels. Marti Hiken est la directrice de Progressive Avenues. Elle était auparavant directrice associée de the Institute for Public Accuracy et présidente de the National Lawyers Guild Military Law Task Force.

    Pour consulter l’original : http://dissidentvoice.org/2012/09/police-in-the-u-s-are-an-i...

    Traduction : Dominique Muselet

  • Produire des « États ratés »

    MADE BY USA

    Washington est passé maître dans l’art d’affaiblir ses cibles en y développant un terrorisme intérieur, puis de les accuser d’être responsables des crimes qu’il a commandités. Cette méthode lui permet à la fois de justifier une intervention militaire et de la conduire sans risque. Le schéma bien rôdé que décrit ici Edward S. Herman est aujourd’hui appliqué à la Syrie.

    RÉSEAU VOLTAIRE | 17 SEPTEMBRE 2012
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    Un cadre d’Al-Qaida venu en Syrie avec des officiers occidentaux. On ne change pas des recettes qui marchent.

    Pendant la guerre du Vietnam, au-dessus de l’entrée d’une base US on pouvait lire : « Killing Is Our Business, and Business Is Good ». (Tuer c’est notre affaire, et les affaires marchent fort). Et en effet, les affaires marchaient vraiment très fort au Vietnam (de même qu’au Cambodge, au Laos ou en Corée), où on comptait par millions le nombre de civils tués. D’ailleurs elles se sont plutôt bien maintenues aussi après la guerre du Vietnam. Les massacres ont continué sur tous les continents, aussi bien directement que par l’entremise de « proxies » [1], partout où la « sécurité nationale » états-unienne avait besoin de bases, de garnisons, d’assassinats, d’invasions, de campagnes de bombardements, ou de sponsoriser des régimes assassins et d’authentiques réseaux et programmes terroristes trans-nationaux, pour répondre à la « menace terroriste » qui ne cesse de défier le pauvre « géant pitoyable » [2]. Dans son excellent ouvrage sur l’ingérence des États-Unis au Brésil [3], Jan Knippers Black montrait déjà il y a des années, combien l’acception merveilleusement élastique du concept de « sécurité nationale » peut être élargie, en fonction de ce qu’une nation, une classe sociale ou une institution estime qu’elle devrait pouvoir recouvrir. Au point que ce sont précisément « ceux dont la richesse et la puissance devraient en principe garantir la sécurité, qui sont en fait les plus paranoïaques et qui, par leurs efforts effrénés pour assurer leur sécurité, engendrent eux-mêmes leur propre [lot de] destruction » (Son ouvrage traitait du risque d’apparition d’une démocratie sociale au Brésil dans les années 1960, et de son élimination grâce au soutien US à une contre-révolution et à l’établissement d’une dictature militaire). Ajoutez à cela le besoin des entrepreneurs liés au complexe militaro-industriel, de favoriser des missions justifiant l’augmentation des budgets de défense, et la pleine et entière coopération des médias de masse à cette activité, et vous obtenez une terrifiante réalité.

    En réalité ledit géant faussement paranoïaque s’est démené comme un beau diable pour produire des semblants de menaces à peu près crédibles, surtout depuis la chute de « l’Empire du Mal » que ce pays avait toujours prétendu « contenir  ». Dieu merci, après quelques tentatives sporadiques de cristalliser l’attention sur le narco-terrorisme, puis sur les armes de destruction massive de Saddam Hussein, le terrorisme islamique tomba littéralement du ciel pour offrir à cette défunte menace un digne successeur, découlant tout naturellement de l’hostilité du monde arabe aux libertés états-uniennes et de son refus de laisser à Israël la possibilité de négocier la paix et de régler pacifiquement ses désaccords avec les Palestiniens.

    En plus d’optimiser les massacres et les ventes d’armes qui en découlent, les États-Unis devenaient aussi de facto le premier producteur d’États ratés, à l’échelle industrielle. Par État raté [4], j’entends un État qui, après avoir été écrasé militairement ou rendu ingérable au moyen d’une déstabilisation économique ou politique et du chaos qui en résulte, a presque définitivement perdu la capacité (ou le droit) de se reconstruire et de répondre aux attentes légitimes de ses citoyens. Bien sûr, cette capacité de production des États-Unis ne date pas d’hier —comme le montre l’histoire d’Haïti, de la République Dominicaine, du Salvador, du Guatemala ou de ces États d’Indochine où les massacres marchaient si bien—. On a d’ailleurs pu constater récemment une prodigieuse résurgence de cette production d’États ratés, occasionnellement sans hécatombes, comme par exemple dans les ex-républiques soviétiques et toute une kyrielle de pays d’Europe de l’Est, où la baisse des revenus et l’accroissement vertigineux du taux de mortalité découlent directement de la «  thérapie de choc » et de la mise à sac généralisée et semi-légale de l’économie et des ressources, par une élite appuyée par l’Occident mais aussi plus ou moins organisée et soutenue localement (privatisation tous azimuts, dans des conditions de corruption optimales).

    Une autre cascade d’États ratés découlait par ailleurs des « interventions humanitaires » et changements de régime menés par l’OTAN et les USA, plus agressivement que jamais depuis l’effondrement de l’Union Soviétique (c’est à dire depuis la disparition d’une «  force d’endiguement » extrêmement importante bien que très limitée). Ici, l’intervention humanitaire en Yougoslavie a servi de modèle. La Bosnie, la Serbie et le Kosovo furent changés en États ratés, quelques autres s’en sortirent chancelants, tous assujettis à l’Occident ou à sa merci, avec en prime la création d’une base militaire US monumentale au Kosovo, le tout érigé sur les ruines de ce qui avait jadis été un État social démocrate indépendant. Cette belle démonstration des mérites d’une intervention impériale inaugura la production d’une nouvelle série d’États ratés : Afghanistan, Pakistan, Somalie, Irak, République Démocratique du Congo, Libye —avec un programme similaire déjà bien avancé aujourd’hui en Syrie et un autre visiblement en cours dans la gestion de la dite « menace iranienne », visant à renouer avec l’heureuse époque de la dictature pro-occidentale du Shah—.

    Ces échecs programmés ont généralement en commun les stigmates caractéristiques de la politique impériale et d’une projection de puissance de l’Empire. Ainsi par exemple l’émergence ou/et la légitimation (ou la reconnaissance officielle) d’une rébellion ethnique armée qui se pose en victime, mène contre les autorités de son pays des actions terroristes visant parfois ouvertement à provoquer une réaction violente des forces gouvernementales, et qui appelle systématiquement les forces de l’Empire à lui venir en aide. Des mercenaires étrangers sont généralement amenés à pied d’œuvre pour aider les rebelles ; rebelles indigènes et mercenaires étant généralement armés, entraînés et soutenus logistiquement par les puissances impériales. Ces dernières s’empressent bien sûr d’encourager et soutenir les initiatives des rebelles pour autant qu’elles leur paraissent propres à justifier la déstabilisation, le bombardement et finalement le renversement du régime cible.

    Le procédé était flagrant durant toute la période du démantèlement de la Yougoslavie et dans la production des États ratés qui en sont issus. Les puissances de l’OTAN ayant alors pour objectif l’éclatement de la Yougoslavie et l’écrasement de sa composante la plus importante et la plus indépendante, à savoir la Serbie, elles encouragèrent à la rébellion les éléments nationalistes des autres républiques de la fédération, pour lesquelles le soutien voire l’engagement militaire de l’OTAN sur le terrain était naturellement acquis. Le conflit n’en fut que plus long et vira au nettoyage ethnique, mais pour ce qui est de la destruction de la Yougoslavie et de la production d’États ratés, ce fut une réussite [5]. Assez curieusement, c’est avec l’aval et la coopération de l’administration Clinton et de l’Iran qu’on importa entre autres mercenaires, des éléments d’Al-Qaïda en Bosnie puis au Kosovo, pour aider à combattre le pays cible : la République Serbe [6] [7]. Mais Al-Qaïda comptait aussi parmi les rangs des « combattants de la liberté » engagés dans la campagne de Libye, et elle est aussi une composante notoire (même le New York Times le reconnaît désormais, fut-ce avec un peu de retard) du changement de régime programmé en Syrie [8]. Bien sûr, Al-Qaïda avait aussi été auparavant une pièce maîtresse du changement de régime [de 1996] [9] en Afghanistan, puis un élément clé du retournement de situation du 11-Septembre (Ben Laden, leader rebelle saoudien de premier rang, d’abord sponsorisé par les États-Unis, puis lâché par ses sponsors, se serait ensuite retourné contre eux avant d’être diabolisé puis éliminé par ces derniers).

    Ces programmes impliquent toujours une habile gestion des atrocités commises, qui permet de pouvoir accuser le gouvernement agressé d’avoir commis des actes de violence graves à l’encontre des rebelles et de leurs partisans, et ainsi de le diaboliser efficacement afin de pouvoir justifier une intervention plus massive. Cette méthode a joué un rôle clé pendant les guerres de démantèlement de la Yougoslavie, et probablement bien davantage encore dans la campagne de Libye et dans celle de Syrie. Elle doit d’ailleurs beaucoup à la mobilisation d’organisations internationales, qui prennent activement part à cette diabolisation en dénonçant les atrocités imputables au dirigeant visé, voire en le poursuivant et condamnant d’office au pénal. Dans le cas de la Yougoslavie, le Tribunal Pénal International pour l’ex Yougoslavie (TPIY), mis en place par l’ONU, travailla main dans main avec les puissances de l’OTAN pour s’assurer que la seule mise en accusation des autorités serbes suffirait à justifier toute action que les USA et l’OTAN décideraient d’entreprendre. Magnifique illustration de cette mécanique, la mise en examen de Milosevic par le Procureur du TPIY fut lancée précisément au moment où (en mai 1999) l’OTAN décidait de bombarder délibérément les infrastructures civiles serbes pour accélérer la reddition de la Serbie —alors que ces bombardements mêmes étaient des crimes de guerre caractérisés menés en totale violation de la Charte des Nations Unies—. Or c’est précisément le procès de Milosevic qui permit aux médias de détourner l’attention du public des exactions désobligeantes et illégales de l’OTAN.

    De même, à la veille de l’agression de la Libye par l’OTAN, le procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI) s’empressa de lancer des poursuites contre Mouammar el-Kadhafi sans même avoir jamais demandé le lancement d’une investigation indépendante, et alors qu’il était notoire que la CPI n’avait jusqu’ici jamais poursuivi personne d’autre que des chefs d’États africains non alignés sur l’Occident. Ce curieux mode de « gestion de la légalité » est un atout inestimable pour les puissances impériales et s’avère extrêmement utile dans la perspective d’un changement de régime comme dans la production d’États ratés.

    Interviennent aussi des organisations humanitaires ou de « promotion de la démocratie », soi disant indépendantes, à l’instar de Human Rights Watch, de l’International Crisis Group ou de l’Open Society Institute, qui régulièrement se joignent au cortège impérial en dressant l’inventaire des seuls crimes possiblement imputables au régime cible et à ses dirigeants, ce qui contribue notablement à radicaliser la polarisation des médias. L’ensemble permet la production d’un environnement moral favorable à une intervention plus agressive au nom de la défense des victimes.

    S’ajoute ensuite le fait que, dans les pays occidentaux, les dénonciations ou allégations d’atrocités commises —que viennent renforcer les images de veuves éplorées et de réfugiés démunis, les preuves apparemment patentes d’exactions odieuses et l’émergence d’un consensus sur la « responsabilité de protéger » les populations victimes du conflit— émeuvent profondément une bonne partie des milieux libertaires et de gauche. Nombre d’entre eux en viennent alors à hurler avec les loups et à s’en prendre eux aussi au régime cible, pour exiger une intervention humanitaire. Les autres s’enfoncent généralement dans le mutisme, rendus perplexes, certes, mais craignant surtout de se voir accusés de « soutenir des dictateurs  ». L’argument des interventionnistes est que, au risque de sembler soutenir l’expansion de l’impérialisme, on se doit de faire exception lorsque des choses particulièrement graves ont lieu et que tout le monde chez nous s’indigne et demande qu’on intervienne. Mais on se doit aussi, pour se montrer authentiquement de gauche, de tenter une micro-gestion de l’intervention pour contenir l’attaque impériale —en exigeant par exemple qu’on s’en tienne à une interdiction de survol en Libye— [10].

    Mais les États-Unis eux-mêmes ne sont pas l’une des moindres réussites de cette production d’États ratés. À l’évidence, aucune puissance étrangère ne les a jamais écrasés militairement, mais la base même de leur propre population a payé un tribut extrêmement lourd à leur système de guerre permanente. Ici, l’élite militaire, de même que ses alliés du monde de l’industrie, de la politique, de la finance, des médias et de l’intelligentsia, a très largement contribué à l’aggravation de la pauvreté et de la détresse généralisée, à la désintégration des services publics et à l’appauvrissement du pays, en maintenant la classe dirigeante, paralysée et compromise, dans l’incapacité de répondre correctement aux besoins et attentes de ses citoyens ordinaires, malgré l’augmentation constante de la productivité par tête et du PNB. Les excédents y sont intégralement captés par le système de guerre permanente et par la consommation et l’enrichissement d’une petite minorité qui —dans ce que Steven Pinker dans Better Angels of Our Nature appelle une période de « recivilisation »— combat agressivement pour pouvoir mener sa captation bien au-delà de la simple monopolisation des excédents, jusqu’au transfert direct des revenus, biens et droits publics de la vaste majorité de ses concitoyens (qui se démènent). En tant qu’État raté comme dans bien d’autres domaines, les États-Unis sont incontestablement une nation d’exception !

    Traduction 
    Dominique Arias

           
     

    [1Proxies, groupes paramilitaires ou mercenaires formés, armés, financés et soutenus ou dirigés par une ou plusieurs grandes puissances pour déstabiliser un pays cible. Les conflits dits « de basse intensité » ou « dissymétriques » menés ainsi indirectement sont appelés « proxy wars ». bien que souvent présentée comme telle, une proxy war est tout sauf une guerre civile (NdT.).

    [2] Dans les médias et le cinéma américain, les États-Unis sont fréquemment représentés comme un pauvre « géant pitoyable », malhabile et balourd. Cette représentation permet de minorer les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis délibérément et sciemment par ce pays, en les faisant passer pour autant de bourdes et de maladresses parfaitement involontaires. Le terme « casualties » (négligences) désigne par exemple les victimes civiles d’exactions militaires, lorsque celles-ci sont commises par les USA ou leurs alliés (NdT.).

    [3United States Penetration of Brazil, par Jan Knippers Black, Pennsylvania University Press, 1977, 313 pp.

    [4] États ratés (failed states), terme de diplomatie internationale qui désigne les États incapables de maintenir ou développer une économie saine, fait écho à « rogue states » (États voyous) et à « smart states » (États malins : en l’occurrence ceux qui, à l’instar des États-Unis, évitent de déclencher et de mener officiellement eux-mêmes les guerres qui leur profitent (NdT.).

    [5] Cf. “The Dismantling of Yugoslavia” (Le démantèlement de la Yougoslavie), par Edward S. Herman et David Peterson, Monthly Review, octobre 2007.

    [6] Cf. : “Unholy Terror” [terreur impie ou invraisemblable ou contre nature, l’acception de Unholy étant très large], de John Schindler, article particulièrement démonstratif sur ce sujet et qui, de fait, n’apparaît plus nulle part, sauf sur Z-Magazine ! Voir ici mon “Safari Journalism : Schindler’s Unholy Terror versus the Sarajevo Safari’s Mythical Multi-Ethnic Project”, Z Magazine, avril 2008

    [7] Sur le même sujet, voir aussi Comment le Djihad est arrivé en Europe, par Jürgen Elsässer, Xenia éd.

    [8] “Al Qaeda Taking Deadly New Role in Syria Conflict”, par Rod Nordland, New York Times, 24 juillet 2012.

    [9] Afghanistan : 
    Renversement de la monarchie 1978 
    Invasion soviétique en soutien au nouveau régime : 1979-1989 
    Guerre civile pro/anti-islamistes :1990-1996 
    Coup d’État et prise de pouvoir des Talibans : 1996 
    Début de l’intervention de Ben Laden dans le conflit : 1984 
    Création d’Al-Qaïda : 1987.

    [10] Cf. Gilbert Achcar, “A legitimate and necessary debate from an anti-imperialist perspective,” [Un débat légitime et nécessaire à partir d’une perspective anti-impérialiste] ZNet, 25 mars 2011 ; et ma réponse dans “Gilbert Achcar’s Defense of Humanitarian Intervention,” [Gilbert Achar prenant la défense d’une intervention humanitaire] MRZine, 8 avril 2011, concernant « les finasseries de la gauche impérialiste ».