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Gouvernement français:décryptage - Page 27

  • Lyon:Journée ordinaire dans un poste de police

    Des enfants pourchassés, violentés et humiliés par la police

    Arrestations violentes, menottage, chantage, absence d’avocat, palpations intimes … Certains policiers s’acharnent contre les enfants des rues au lieu de les protéger.

    « Enlève ton soutien-gorge, mets les mains contre le mur et écarte les jambes »:

    Maria et Monika (1) ont respectivement 14 ans et 12 ans. Alors qu’elles sont dans la gare de Lyon Part Dieu en cette fin de juillet ensoleillée, elles sont interpellées par 2 policiers et conduites au poste de police. C’est devenu de la routine. Le Président de la République a changé mais ni les préfets ni les procureurs. Les consignes sont les mêmes depuis le discours de Grenoble de Sarkozy et la course aux chiffres continue, il faut interpeller tout ce qui bouge et particulièrement les enfants qui font la manche pour survivre. Au poste de police, on leur demande de vider leurs poches et de décliner leur identité. La maman de Monika qui passe devant le poste voit sa fille et rentre pour la réclamer. En guise de réponse, on lui demande son passeport où figure l’identité de l’enfant, un policier en fait une photocopie, lui rend et lui ordonne fermement de partir sans lui donner aucune indication sur le sort réservé à sa fille. A ce moment là, la police est donc parfaitement au courant de l’âge de Monika et sait qu’elle a 12 ans. Un policier passe alors un coup de fil et l’attente se prolonge. Au bout d’une trentaine de minutes, un autre policier attrape les enfants par les bras et les emmène vers une voiture pour les conduire à l’hôtel de police. Maria témoigne : « Il me serrait fort par le bras. Quand je lui ai dit qu’il me faisait mal, il a serré encore plus fort. »

    Arrivés à l’hôtel de police, rue Marius Berliet, les enfants descendent de voiture : « Le policier nous a demandé si on avait de l’argent sur nous. J’ai dit que non. Il m’a dit que si jamais sa collègue en trouvait, il nous mettrait en garde à vue. (NDLR : la garde à vue est interdite sur les mineurs de moins de 13 ans) On a marché quelques mètres et il a recommencé à me demander si j’avais de l’argent sur moi. Il m’a dit que c’était mieux de le donner tout de suite sinon, il y aurait des problèmes. Je ne sais pas pourquoi, il m’a demandé plusieurs fois si j’avais de l’argent sur moi en répétant que si je ne le donnais pas, il me mettrait en garde à vue. » Une fois dans le bâtiment, les deux enfants sont amenés dans une salle : « une grande salle avec des murs sales et des mégots par terre. La porte, en fait, c’était une grille avec des barreaux qui s’ouvrait et se fermait en glissant. »

    Ce qui se passe ensuite est assez ahurissant. Le récit s’appuie sur le témoignage écrit de Maria, 14 ans. Il est livré tel quel, la scène s’étant déroulée sans témoin:

    « Ils sont venus prendre ma copine et je suis restée seule dans la salle. Une femme policier en uniforme est arrivée. Elle était brune, elle avait une queue de cheval, des yeux noirs et des gants blancs. Elle m’a dit bonjour, je lui ai dit bonjour. Elle m’a dit d’enlever mon t-shirt, j’ai enlevé mon t-shirt. Ensuite, elle m’a demandé de retirer mon soutien-gorge. J’ai enlevé mon soutien-gorge. Elle l’a regardé dans tous les sens et puis elle l’a posé sur un banc. Je lui ai demandé si je pouvait me rhabiller. Elle m’a dit que non, que je pouvais juste remettre mon soutien gorge. Ensuite, la femme policier m’a dit de me tourner, de mettre les deux mains contre le mur et d’écarter les jambes. J’avais une jupe courte. Elle a relevé la jupe jusqu’au dessus de ma culotte et elle a commencé à mettre ses deux mains sur mon mollet et à remonter. Elle a continué à me tapoter  la peau avec ses deux mains en remontant, la jambe, le genou, la cuisse.

    Quand elle a mis sa main au niveau de mon sexe, j’ai sursauté tellement j’étais surprise, j’ai dit : aïe, vous me faites mal, madame, j’ai mes règles. Elle m’a dit : je m’en fous, j’ai des gants. Elle a du sentir que j’avais une serviette hygiénique parce que moi, j’ai bien senti sa main. Ensuite elle a recommencé avec l’autre jambe. Depuis le bas, jusqu’en haut. C’était insupportable.

    A la fin, elle m’a dit, c’est bon, tu peux te rhabiller. Je n’ai toujours pas compris pourquoi elle avait fait ça. Ca se voyait que j’avais rien sur moi. C’est comme si elle cherchait quelque chose sous ma peau… »

    L’histoire sordide se terminera quelques heures plus tard par une audition. «Un policier en civil m’a emmené dans un bureau. Il m’a demandé où j’habitais, comment s’appelaient mes parents, où ils étaient. Il m’a demandé si les autres policiers m’avaient mis des menottes. J’ai dit que non. C’était long. Le papier faisait 2 pages. A la fin, il m’a dit de signer. Je ne savais pas ce qui était écrit. J’ai juste vu écrit : procès verbal. J’ai signé, je n’avais pas le choix. Après, on est allé chercher ma copine. Elle ne voulait pas signer la feuille. Ils lui ont dit que si elle ne signait pas, ils ne la laisseraient pas sortir. A la fin, elle a signé.»

    Plus de 3 heures après avoir été interpellées à la gare de la Part-Dieu, les deux jeunes filles sortent donc de l’hôtel de police, relâchées dans la nature. Monika, 12 ans, aurait simplement subi une palpation sur tout le corps, y compris les seins, mais pas de mise à nue. Maria elle, est sortie très choquée. A aucun moment leurs parents n’ont été prévenus, elles n’ont vu ni médecin, ni avocat.

    Selon une source policière qui souhaite garder l’anonymat, l’absence de médecin et d’avocat serait normale car les enfants « n’ont pas été contraints ». Ils seraient « venus de leur plein gré » pour une « audition libre ». En ce qui concerne la fouille à nu, c’est impossible, selon la police, car interdit depuis mai 2011.

     

    Menotté à 12 ans, le bras en sang :

    Quelques jours auparavant, une autre histoire impossible s’était produite, mettant encore une fois en cause le comportement de certains policiers. Le récit des événements s’appuie sur le témoignage de l’enfant et de différents témoins.

    Roman (1) a 12 ans. Il fait la manche dans le métro en fin d’après-midi quand il aborde une passante qui le repousse. Probablement surpris par la réaction de la femme et se sentant agressé, il la pousse également et lui donne une tape au moment où elle se retourne pour partir. La main de l’enfant atterrit sur la partie postérieure de la dame. L’histoire aurait pu s’arrêter là. L’enfant n’a pas eu ce qu’il voulait et la femme a courageusement repoussé une tentative d’extorsion de quelques centimes par un enfant des rues qui faisait appel à sa générosité. Mais en réalité, l’histoire ne s’arrête pas là. Elle ne fait que commencer.

    A l’affût comme des chasseurs de gros gibiers, 3 policiers en civil surgissent et se précipitent sur l’enfant. Roman n’est pas vraiment un colosse. Il est même plutôt petit pour son âge. Il mesure 1m40 et pèse 45 kilos. Un de nos héros policiers sauveur de dame en détresse saute courageusement sur Roman et le projette contre un portillon en verre sécurit qui explose sous le choc. L’enfant a le bras en sang. Toute la scène est filmée par les caméras de surveillance. L’un des témoins raconte : « J’ai vu les policiers le traîner dans un coin à l’abri des regards. Beaucoup de sang coulait par terre. Un des policiers est parti en courant et les autres ont emmené le gamin derrière la porte qui donne sur les taxis. » Des copains de Roman essayent de pousser la porte pour rester près de lui. Ils sont violemment repoussés par les policiers qui se sentent probablement en grand danger face à deux enfants d’une quinzaine d’années. Les policiers mettent alors les menottes à Roman. Son bras ruisselle de sang, des traces sont encore visibles sur le sol plusieurs jours après les évènements. Ils le conduisent au poste de police de la gare.

    Ouf, mission accomplie pour nos gardiens de la paix. On est impatient de lire le rapport de police et leur version des faits. Pourquoi pas accuser le gamin d’agression sexuelle et de violences ? Qu’est ce qu’ils ne feraient pas pour gonfler les statistiques… La course aux chiffres devait disparaître, mais comme pour beaucoup de choses, le changement, c’est pas pour maintenant… Au poste de police, les policiers refusent d’abord à la famille de rentrer et puis ils laissent finalement passer la mère. Elle en ressort le passeport déchiré. A cet instant, les policiers connaissent l’âge de Roman et doivent donc en principe connaître également les procédures à respecter. Face à la blessure de l’enfant qui continue de saigner, les pompiers sont appelés et procèdent aux premiers soins. Puis les policiers décident de conduire l’enfant à l’hôtel de police sous les yeux de sa mère en larmes. La maman témoigne : « les policiers ont donné un coup de pied dans ma poussette avec le bébé et ils ont emmené mon fils avec les menottes et en le tenant par la gorge. Ils m’ont dit : dégage, ferme là… »

    A l’hôtel de police, Roman est placé dans la salle de garde à vue. Ici encore, les parents ne sont pas prévenus et pour cause, les policiers venaient d’écarter violemment la mère pour ne pas qu’elle reste avec son fils quelques instants auparavant. Ici encore, aucun avocat n’est appelé, ce qui constitue une violation des droits de l’enfant. Cette fois, en revanche, en ce qui concerne le médecin, on ne peut pas reprocher aux policiers d’avoir négligé l’aspect médical puisqu’ils décident de conduire l’enfant aux urgences. Les policiers déclarent alors au médecin que l’enfant s’est blessé en tapant dans un vitre. Ils ressortent de l’hôpital avec une radio rassurante du bras et un certificat médical qui disparaîtra mystérieusement du dossier. Au milieu de la nuit, les policiers emmènent Roman dans un foyer pour mineurs en disant qu’il a été trouvé à la rue, sans ses parents. Ses parents eux, paniqués, ne dormiront pas de la nuit, ne sachant pas où se trouve leur fils. Le lendemain ils retrouveront Roman traumatisé qui parle très peu. Son corps porte les stigmates de l’interpellation violente dont il a fait l’objet la veille: son avant bras est entouré par un large pansement et son poignet est noirci par les traces des menottes.

    Plus de 4 jours après les faits, un médecin constate : « l’avant-bras présente au tiers moyen des plaies en cours de cicatrisation et des ecchymoses du derme profond. Le poignet est aussi porteur de plaies en cours de cicatrisation et porteur de traces de striction. L’enfant se plaint d’avoir été très serré dans des menottes. »

     

    La loi, pourtant très claire, est violée:

    L’article 4 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, récemment modifiée par les lois Perben I et II est le texte de référence concernant la garde à vue ou la mise en retenue des enfants mineurs. (2)

    Avant 10 ans, aucune mesure de retenue n’est possible sur un enfant.

    Entre 10 ans et 13 ans, l’enfant ne peut être placé en garde à vue, mais il peut être « retenu », on appréciera la nuance, pour les besoins d’une enquête. Pour être retenu, il faut 2 conditions. La première est que le mineur soit soupçonné d’un crime ou d’un délit que la loi punit d’une peine d’au moins 5 ans de prison. Par exemple un vol avec violences ou une agression sexuelle. La seconde condition est qu’un magistrat: juge ou procureur de la république autorise la mise en rétention de l’enfant. L’enfant peut alors être retenu 12 heures, renouvelables une fois. Dans le cas où les deux conditions contre le mineur sont réunies et que la mesure de retenue est appliquée, elle doit forcément être accompagnée de 3 mesures: les parents doivent être immédiatement prévenus, un médecin doit examiner l’enfant afin de s’assurer que son état de santé est compatible avec la rétention et enfin, un avocat soit s’entretenir avec l’enfant.

    Entre 13 ans et 16 ans, la garde à vue est possible, y compris quand le mineur est soupçonné d’une simple infraction. Les conditions sont à peu près les mêmes que pour l’enfant de moins de 13 ans, à ceci près que l’avocat n’est obligatoire qu’à la demande de l’enfant ou de ses parents. La loi est également très claire en ce qui concerne les auditions des enfants. Les interrogatoires des mineurs placés en garde à vue font l'objet d'un enregistrement audiovisuel.

     

    Le chantage à la garde à vue pour contourner la loi

    Lors de la réforme de la procédure de la garde à vue, on se rappelle tous de la levée de boucliers des syndicats de police qui nous expliquaient en substance que la présence d’un avocat dès le début des gardes à vue allait compliquer leur travail. Et bien, ils ont trouvé la parade… Elle s’appelle l’audition libre.

    L’audition libre est une procédure sans contrainte au cours de laquelle une personne est entendue par les services de police. Plus besoin de notifier la mise en placement, plus besoin de notifier de droits, plus besoin de médecin, plus besoin d’avocat. C’est magique, non ? Lors d’une interpellation, les policiers procèdent donc souvent à un chantage pour contourner la loi et les garanties que le législateur a voulu donner aux citoyens. Le chantage est simple : soit vous nous suivez volontairement pour une audition libre, soit vous refusez et nous vous mettons en garde à vue. Sauf que… Dans les cas des 3 enfants, il y a bel et bien violation de la loi. Pour un mineur de moins de 13 ans, en dehors d’une procédure de vérification d’identité, ce qui n’était pas le cas puisqu’une copie des papiers d’identité était en possession des policiers, on est forcément dans le cadre d’une procédure de retenue. Et lorsqu’on procède à la retenue d’un mineur de moins de 13 ans… On rentre dans le cadre de l’article 4 de la loi du 2 février 45 modifiée par la loi du 4 avril 2011. Par conséquent, les parents auraient dû être prévenus de la retenue, les enfants auraient dû être vus par un médecin et ils auraient dû s’entretenir avec un avocat.

    Pour Maria, qui elle a moins de 15 ans, l’absence de contrainte et le fait qu’elle soit venue « de son plein gré » est totalement contradictoire avec ses déclarations. Elle est formelle, elle a été emmenée à la voiture de police tenue par le bras et donc contrainte et forcée. La police pourrait prétexter pour elle qu’il s’agissait d’une mesure de vérification d’identité, mais alors pourquoi avoir procédé à une mise à nu partielle et à une fouille à même la peau ?  S’agirait-il d’une nouvelle technique pour vérifier l’identité d’un mineur ? D’autre part, à qui fera-t-on croire que deux filles de 12 ans et 14 ans se sont rendues de leur plein gré à l’hôtel de police de Lyon en plein après-midi ? Vous imaginez le tableau ? Tiens, on ne sait pas quoi faire, on s’embête un peu, il n’y a pas école, et si on allait faire un tour à l’hôtel de police pour se faire palper à nu par une femme policier… Enfin, le cas de Roman est pire encore puisqu’il a été menotté et emmené par un policier qui le tenait par une clé de bras autour du cou. Si ça, ce n’est pas de la contrainte, il faudra nous expliquer. Décidément, la police possède un langage bien à elle qui n’est pas vraiment le même que celui du simple citoyen.

     

    La mise à nu et les palpations des parties intimes

    Les cas de mises à nu abusives se sont multipliés ces dernières années. On rappellera simplement quelques exemples comme celui de ce couple de retraités de 70 ans convoqué à un commissariat et dont la femme « a dû se déshabiller complètement, sous-vêtements compris, tandis que son mari a été palpé en slip et en t-shirt. » (3) Ou encore cet homme de 63 ans arrêté pour défaut de permis de conduire et fouillé à nu 3 fois. (4) Même si depuis juin 2011, un arrêté (5) précise que la fouille intégrale avec mise à nu complète est interdite, il existe un lourd passif concernant le recours abusif des fouilles à nu par des policiers. Dans un rapport publié en janvier 2012 concernant les contrôles d’identité à l’encontre des jeunes issus des minorités, Human Rights Watch dénonce certaines pratiques policières notamment à Lyon: « Ils nous touchent de plus en plus les parties intimes », témoigne un jeune homme. L’organisation internationale regrette notamment l’absence de règles spécifiques concernant les palpations corporelles sur les enfants. (6)

    En ce qui concerne le témoignage de Maria, la police niera peut-être tout en bloc, à moins qu’elle ne joue sur les mots en parlant de mise à nu partielle et donc autorisée. Il restera néanmoins à expliquer les palpations à même la peau car les déclarations de jeune fille sont très choquantes. S’il ne s’agissait pas d’un policier, on pourrait parler à minima d’attouchements à caractère sexuel. D’autre part, quel est l’intérêt pour la police de procéder à des palpations sur les jambes de l’enfant, en partant des mollets et en remontant jusqu’à l’entrejambes à même la peau ? De nombreux autres cas de palpations à même la peau ont également été recensés. Une palpation sert à s’assurer que rien n’est dissimulé, non ? Sur une chemise, un jean, un pantalon, cela à un sens, mais à même la peau ? Quel est donc le but poursuivi par les policiers lors de ces palpations ?

    Mais au-delà de ces questions, ce qui est profondément choquant et inadmissible, c’est qu’en France, dans un pays démocratique qui vient d’élire un président socialiste, un citoyen et à fortiori un enfant mineur puisse se retrouver seul dans une salle avec un policier qui lui demande de se déshabiller et que ce dernier puisse procéder à des palpations sur son corps, à travers des vêtements ou à même la peau, sans personne pour contrôler ce qui se passe. Ni médecin, ni avocat, ni même aucun autre témoin. Combien de mineurs ont-ils été ainsi palpés, touchés, humiliés ? Combien de plaintes ont été déposées ? De quels moyens les parents disposent-ils pour prouver la véracité des faits avancés par leurs enfants ? C’est parole contre parole… Et on sait ce que cela signifie face à un fonctionnaire de police assermenté.

     

    La méconnaissance du code de déontologie de la police :

    En juin 2012, le Défenseur des Droits a remis son rapport à François Hollande. Il fait état de violences policières persistantes: menottage systématique, insultes, brutalités entraînant parfois la mort. Alors que le nombre global de dossiers reçus dans les quatre domaines d’activité du Défenseur a baissé de plus de 3 %, les plaintes concernant la déontologie de la sécurité ont explosé avec une augmentation de 96 %. (7)

    Garde à vue qui ne dit pas son nom et masquée par une prétendue audition libre à laquelle on emmène les enfants manu militari, usage des menottes sur un enfant de 12 ans, mise à l’écart des parents, fouille à nu partielle, palpations à même la peau, obligation faite aux enfants de signer des procès verbaux qu’ils ne comprennent pas, absence d’avocat, absence d’examen médical, absence d’enregistrement video des auditions… En plus d’une violation de la loi pour certaines d’entre elles, toutes ces dérives constituent très clairement une violation du code de déontologie de la police qui précise notamment dans son article 10: « Toute personne appréhendée est placée sous la responsabilité et la protection de la police ; elle ne doit subir, de la part des fonctionnaires de police ou de tiers, aucune violence ni aucun traitement inhumain ou dégradant. »  (8) Cet article précise en outre: « Le fonctionnaire de police qui serait témoin d'agissements prohibés par le présent article engage sa responsabilité disciplinaire s'il n'entreprend rien pour les faire cesser ou néglige de les porter à la connaissance de l'autorité compétente.»

    Ironie de l’histoire, le code de déontologie de la police date du 18 mars 1986. Elle est signée par un certain Laurent Fabius, Premier Ministre de l’époque et Pierre Joxe, Ministre de l’Intérieur. 26 années se sont écoulées depuis. Laurent Fabius est à nouveau en responsabilité aux plus hautes fonctions de l’Etat. Quant à Pierre Joxe, il exerce une activité d’avocat spécialisé dans le droit des enfants. On espère qu’ils se pencheront, ainsi que le gouvernement, sur ces exemples qui ne sont ni des exceptions, ni l’apanage de la police. Dans un article mis en ligne en septembre 2012, Louise Fessard dénonce également dans Médiapart les pratiques illégales de certains gendarmes contre des enfants roms. (9)

    On imagine l’effet destructeur de ce genre de traitement sur des enfants qui subissent des traumatismes à la fois physiques et psychologiques. Ces pratiques sont d’autant plus scandaleuses qu’elles sont commises par des agents dépositaires de l’ordre public et visent des enfants qui devraient être protégés plutôt que pourchassés, violentés et humiliés.

    Après l’affaire Neyret à Lyon, celle des policiers de Vénissieux mis en examen pour corruption, les fonctionnaires de la BAC écroués à Marseille pour vol, racket et trafic de drogue, il y a vraiment des pratiques à revoir de toute urgence au sein de la police française.

     

    (1) Les prénoms ont été modifiés

    (2)http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=B8926A431D899272A108C6A693FFD5E5.tpdjo08v_2?idArticle=LEGIARTI000023876789&cidTexte=LEGITEXT000006069158&dateTexte=20120727

    (3) http://www.cnds.fr/avis/reponses_nov_08/Avis_2007_130.pdf

    (4) http://www.liberation.fr/societe/0101636431-fouille-a-nu-a-trois-reprises-pour-defaut-de-permis-de-conduire

    (5)http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=D097B418CC0952D6709EC4920C9E5F1C.tpdjo08v_2?cidTexte=LEGITEXT000024146234&dateTexte=20120727

    (6)  http://www.hrw.org/fr/news/2012/01/26/france-des-contr-les-d-identit-abusifs-visent-les-jeunes-issus-des-minorit-s

    (7) http://defenseurdesdroits.fr/documentation

    (8)http://www.interieur.gouv.fr/misill/sections/a_l_interieur/la_police_nationale/deontologie/code-deontologie/

    (9) http://www.mediapart.fr/journal/france/140912/des-gendarmes-varois-racontent-les-pratiques-illegales-contre-les-roms

  • Promesses Politiciennes...

    Parlons (Inter) Net
    Contrôle au faciès : Manuel Valls enterre le projet de récépissé.

    Manuel Valls : c’est une mesure « beaucoup trop bureaucratique et lourde à gérer ». Dame, contrôler, puis écrire sur un papier le nom du noir, heu, de l’ara… heu de l’individu d’apparence négroïde ou musulmane !

    Dans un second temps, et pour les mêmes raisons, il envisagerait de renoncer aux verbalisations des automobilistes mal garés. Relever le numéro d’immatriculation, écrire le PV, transmettre la souche au service qui enverra l’avis de contravention après avoir trouvé sur l’ordinateur l’adresse du fautif, recevoir une lettre en retour avec le chèque, le faire encaisser, éventuellement faire une relance, quel boulot paperassier !

    Et les élections ! On va la garder, cette usine à gaz ? Pas obligé, si les promesses électorales ne servent qu’à faire entrer Valls dans les godillots ferrés de Guéant et Hortefeux.

    Théophraste R. (Chef du bureau « Zéro papier »).

  • QUEL AVENIR POUR NOS QUARTIERS ?

    Posté par 2ccr le 14 septembre 2012


    Nous nous alarmons 
    de la violence qui parcourt l’humanité, alors que cette violence fonde nos rapports et est intrinsèque à nos modes de fonctionnement. Un enfant livré à lui-même, qui voit ses parents à la dérive, qui ne peut être scolarisé dans des conditions normales, qui a faim toute la journée, ne subit-il pas une violence ? On ne rend que ce qui nous a été donné, on communique par les moyens avec lesquels on nous a habitués à communiquer. La violence est un mal inoculé par la société.

    Les cités sont la part d’ombre de la nouvelle économie libérale. La misère qui y sévit est utile au système, c’est une pression permanente comme celle des pays riches sur les pays pauvres. Un espace de silence où La République entasse ce quelle ne veut ou ne sait pas prendre en compte. Le système est inadapté à offrir des solutions à ces quartiers car il repose sur sa capacité à exclure et à discriminer.

    Il y a sur le terrain un réel dégout de la politique et de ses cortèges de discours et de promesses sans lendemain. Il n’est plus admissible, en effet, que les politiques soient à ce point en décalage avec la réalité de notre société prise dans toute sa diversité. Il appartient donc aux pouvoirs de choisir : laisser ces populations à l’abandon ou faire le constat de leur incapacité à répondre aux réalités du terrain et d’en tirer les conséquences.

    Etre dans ces ghettos est presque toujours un non choix. La vision des medias et des hommes de pouvoir repose sur un schéma mental où on ne voit plus des femmes et des hommes, des citoyens, mais un quartier, des problèmes, une entité globale opaque. Là aussi pour ces cités, les autorités n’arrivent pas à faire la différence entre une partie et un tout. Une étiquette est collée définitivement sans rachat possible. La violence est omniprésente, les habitants désœuvrés la subissent, quotidiennement dans la cité, et à l’extérieur par un discours d’exclusion. Ce rejet est total, devant les boites de nuit, devant la justice aveugle, devant des policiers qui se croient tout permis au nom de cette étiquette, devant les medias, devant l’école, devant le regard des autres citoyens. L’humiliation est totale, la condamnation permanente, la stigmatisation incessante !

    Sur ce terreau les petits caïds rallient à eux même les plus modérés des habitants lorsque l’on polarise l’opinion dans un schéma d’opposition. L’Etat brille par son absence et le peu de moyens qu’il déploie dans ces quartiers. Les collectivités locales écrasent de leur mépris tous les acteurs sociaux, car là aussi il n’y a de place que pour le clientélisme et le paternalisme.

    Face à  ce délabrement et à l’absence de projet, le citoyen veut partir et sauver ses enfants. Certaines communautés se réfugient dans des valeurs propres à leurs cultures et sont  injustement diabolisés comme servant des idéologies étrangères. De nouvelles forces profitent de cet espace vide pour s’installer et développer un autre choix de société en réaction au rejet général. La seule et unique solution consiste en un plan Marshall pour les cités. Il est anormal de laisser persister des zones où La République ne fait pas face à ses devoirs !

    Il convient de faire passer les cités des rubriques des faits divers à la rubrique politique. Les ghettos répondent au principe d’Heisenberg, qui veut que lorsque deux facteurs sont liés, quand on accroit l’un, l’autre diminue. En augmentant l’action sociale, les infrastructures, les moyens d’éducation, les contrats locaux de sécurité, les crèches, les emplois, la présence de l’Etat, on diminue la violence, le sentiment d’exclusion, l’incivisme, l’échec scolaire, la toxicomanie, le désarroi… Il est temps de faire entendre un projet constructif et pertinent et non pas accompagner la démagogie ambiante.

    A. BLIDI

    Voir également : QUARTIERS IMPOPULAIRES

    « Il n’est point nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer »…GUILLAUME 1ER dit « Le Taciturne »« 

     
  • La consommation militante

     

    La consommation militante, grande ambition de l’économie solidaire


     

    Des entreprises que rien en apparence ne distingue des autres : elles présentent des bilans, se dessinent des objectifs de rentabilité et se battent chaque jour pour décrocher des marchés et affermir leurs positions. Des PME pour la plupart, parfaitement intégrées dans le paysage économique que rien dans le fonctionnement apparent ne distingue des autres. Pourtant, les entreprises qui se réclament des valeurs de l’économie sociale et solidaire sont gouvernées au quotidien par une doctrine aussi solide que particulière.

     

    Matthias Munks
    Mardi 21 Août 2012

    La consommation militante, grande ambition de l’économie solidaire

    Lorsqu’un consommateur fait son ravitaillement hebdomadaire chez Super U ou chez Leclerc, veut faire renouveler ses lunettes chez Optic 2000, ou lorsqu’il souscrit une assurance à la MAIF, il devient sans le savoir un acteur de l’économie sociale, un espace où l’enjeu est d’appliquer aux activités entrepreneuriales les principes participatifs de la gouvernance démocratique, et d’évaluer l’utilité sociale avec autant de précision que les résultats financiers. L’idée est née très tôt au 19ème siècle, alors que le développement industriel, porté par des progrès exponentiels des techniques de production, s’envole et installe la France et les principales puissances mondiales dans l’ère moderne. Très vite, il semble urgent à quelques uns, peut-être plus clairvoyants, de mettre le facteur humain au cœur de la réflexion : certes il faut produire, vite et beaucoup pour répondre à une demande croissante. Certes, il convient de favoriser la croissance. Mais sans jamais perdre de vue que cet essor a un coût social et humain que les lois sociales –fruit d’un long combat- ne peuvent suffire à corriger. Pour les tenants de l’économie sociale et solidaire, farouches partisans d’un produire mieux, il convient de se poser les bonnes questions en amont, de développer une réflexion citoyenne qui aille au delà des critères de la seule rentabilité et place l’utilité sociale au rang des critères essentiels, au même titre que le profit. Au cœur de cette démarche, les structures coopératives vont rapidement prendre une ampleur particulière. Avec la loi de 1947, elles acquièrent enfin un véritable statut. Et la crise qui bouleverse le paysage économique mondial et génère une nouvelle réflexion sur la croissance et l’entreprenariat, leur donne aujourd’hui un nouvel essor. En 2010, Coop FR qui représente en France l’Alliance coopérative internationale a formalisé autour de sept principes et de sept valeurs (la démocratie, la solidarité, la responsabilité, la pérennité, la transparence, la proximité et le service) un véritable modèle coopératif hexagonal. Aujourd’hui, la France compte 21 000 entreprises coopératives qui emploient près d’un million de salariés. Parfaitement intégrées au paysage économique, elles sont particulièrement présentes dans le secteur du commerce de proximité puisqu’elles représentent 28% de son chiffre d’affaire, avec près de 400 000 points de vente répartis dans 75 enseignes et assurant plus de 300 000 emplois. Lorsqu’il achète un survêtement chez Intersport ou du carrelage chez BigMat, lorsqu’il hésite entre un collier et un bracelet chez Julien d’Orcel, lorsqu’il s’offre une seconde monture en titane pour un euro de plus chez Optic 2000, ou lorsqu’il choisit pour ses enfants un puzzle chez Joué Club, le consommateur a le sentiment d’avoir trouvé au plus juste de son budget les produits dont il a besoin, auprès de professionnels fiables, installés en cœur de villes ou dans les grands centres commerciaux péri-urbains. Le plus souvent sans le savoir, il a été du même coup l'acteur éphémère d’une coopérative de commerçants détaillants. Sous l’égide d’une enseigne unique, chaque magasin est absolument autonome et maître de son évolution. Le système coopératif des magasins de détail fournit un cadre, une dynamique de croissance, mutualise les actions et propose un soutien logistique dans le développement notamment à la faveur d’un travail sur la marque. Mais surtout –et c’est sans doute ce qui fait son succès croissant- il instille un état d’esprit tant auprès de ses adhérents qu’auprès des consommateurs. Quand Optic 2000 lance sur l’ensemble du territoire une campagne, en 2008, « Faites vérifier votre vue pour conduire en toute sécurité », il y a un soubassement citoyen à sa démarche, lié à sa préoccupation d’être une force de proposition en matière de santé publique. Un sens citoyen corroboré par les actions de l'enseigne en France - Optic 2000 soutient l'AMF Téléthon -, où à l'étranger en menant des actions humanitaires au Burkina Faso et en Tunisie par exemple. Lorsque la marque propose aux consommateurs des montures « Mode in France » elle soutient l’emploi avec des lunettes réalisées et produites à 100% en France. Un euro sur chaque vente est aussi reversé au Téléthon. L’association AFM Téléthon, dans un récent communiqué, se félicitait ainsi du fait que «Optic 2000 participera notamment au financement des programmes qui concernent la recherche sur les maladies génétiques oculaires et le Réseau thérapie génique oculaire (R-TGO) lancé par l’AFM, Généthon et l’Institut de la vision. (...) L’opticien table sur une collecte de plus d’un million d’euros, tout au long de l’année. » Dans le même esprit, à la faveur des fêtes de fin d’année, JouéClub développe des partenariats avec des associations humanitaires pour qu’aucun enfant ne soit laissé pour compte. Et la remarque vaut tout autant pour les grandes enseignes coopératives du secteur de l’alimentation, toujours très proactives en matière de solidarité et impliquées dans les banques alimentaires. L’approche sociale et solidaire de l’économie a fait ses preuves. Elle démontre au quotidien qu’il est non seulement possible mais surtout nécessaire, aujourd'hui, d’allier la pertinence économique et les facteurs humains. Elle revient aux sources de l’entreprenariat en mettant en commun des talents et des techniques pour participer au bien être individuel et collectif, sans sacrifier l’un à l’autre. Mettre l’humain au cœur d’une démarche économique n’est pas un facteur de fragilisation pour les entreprises, bien au contraire. : Leur taux de défaillance, en l'occurrence, est particulièrement faible (0,5%). A l’image des magasins Leclerc ou des centres de lunetterie Optic 2000, l’ensemble des coopératives de commerçants détaillants est porté par une croissance forte et continue. Selon l’organisation Internationale du Travail (OIT), les institutions coopératives ont traversé la crise récente mieux que les entreprises traditionnelles. Dans leur étude « Resilience of the cooperative business model in times of crisis », publiée en 2009, deux chercheurs du Bureau International du travail, Johnston Birchalle et Lou Hammond Ketilson avancent une explication : les structures coopératives sont libérées de la pression que constitue le versement de dividendes aux actionnaires. Elles peuvent de ce fait se concentrer sur leur cœur de métier et opérer de meilleurs choix stratégiques. A méditer en cette année déclarée par l’ONU, « Année Internationale du mouvement coopératif ».




  • Agitprop occidentale sur la Syrie

    Agitprop occidentale sur la Syrie, un art où rien n’est laissé au hasard

    13 août 2012

    Il faut le reconnaître : en affaires intérieures comme en géopolitique, nos médias, nos intellectuels et nos stratèges mainstream manient à merveille l’art pour ne pas dire l’arme de la rhétorique inversée. A vouloir en découdre à tous prix avec le gouvernement de Damas d’une part et purger l’espace public des voix critiques et dissidentes sur le conflit syrien d’autre part, ils n’ont pas peur de verser dans l’idéologie, la propagande et le militantisme dignes des troupes de théâtre soviétiques d’agitprop. On trouvera bien sous leur plume une touche autocritique de ci de là pour se donner des airs pluralistes et libertaires. Mais consciemment ou pas, ils nous resservent la vieille soupe habituelle dans leur gamelle de soldats du système. Coup de projo sur la guerre des mots menée par nos « experts » embedded en Syrie. Sans blindé et sans camouflage.

    C’était déjà le cas lors du conflit libyen de l’an dernier. Un banlieusard de Benghazi recruté dans une mosquée salafiste mimant une décapitation avec son pouce sur son cou aux cris d’Allah ou Akbar, devenait miraculeusement un mignon combattant de la liberté.
    En revanche, ses compagnons français du « gang de Roubaix » ou de « Forsane Al Izza » n’ont pas eu droit aux mêmes éloges. On se souviendra que les unités du RAID n’avaient pas fait dans la dentelle pour « neutraliser » le frère toulousain du barbu de Benghazi.
    Alors, imaginez la tête et le discours des présentateurs du JT de TF1, imaginez l’attitude de l’armée française si 6.000 à 8.000 Mohamed Merah se déployaient dans Paris, Marseille ou Lyon comme à Homs, Damas ou Alep. Oserait-t-on parler de « soutien populaire » à propos de ces djihadistes s’ils trouvaient des appuis dans certaines cités HLM ?
    Idem pour les commandos qataris, saoudiens ou égyptiens partis mener le djihad contre la Libye verte de Mouammar Kadhafi. Tous ces légionnaires ont été dépeints comme des humanistes passionnés de démocratie. Par contre, un militant panafricain d’origine nigériane, malienne ou sahraoui qui combat aux côtés de Mouammar Kadhafi se transformait en vulgaire mercenaire, « violeur » de préférence pour bien entretenir le fantasme du Nègre libidineux. Avec des cargaisons de viagra livrées par le colonel s'il vous plaît !
    Concernant la Libye, il y a eu autant de désinformation qu’il n’y a de sable dans le désert de Syrte…
    Même topo en Syrie.
    Le djihadiste syrien adoubé par Riyad et Doha qui achève sa victime selon des pratiques satanistes est travesti en guérillero romantique sous le clavier magique de nos « spin doctors ». Mais un soldat syrien qui résiste à une invasion étrangère est sèchement présenté comme une sorte de SS à la solde de la « secte alaouite ». Un civil armé progouvernemental qui défend son quartier contre les incursions terroristes, contre les preneurs d’otages et les cambrioleurs, c’est d’office un chabbiha (partisan armé du régime) « briseur d’os et de crânes ». Même le milicien discipliné et patriote du Hezbollah libanais qui se trouve chez lui devient un odieux terroriste « auxiliaire de la dictature alaouite ».
    Autre comparaison : quand nos soldats tuent des innocents, cela s’appelle une bavure. Les miliciens de l’Armée syrienne libre (ASL) étant (à l’instar des soudards de Tsahal) nos protégés, les massacres qu’ils commettent sont eux aussi maquillés en bavures même quand leurs salves visent des quartiers résidentiels, des hôpitaux, des écoles et tuent le journaliste Gilles Jaquier ainsi que neuf manifestants pro-Assad à Homs.
    A l’inverse, quand c’est l’armée syrienne qui tue des innocents, ce qui arrive hélas très souvent, cela s’appelle un massacre prémédité.
    Un chasseur-bombardier de l’OTAN, ça mène des frappes, ciblées voire chirurgicales dira-t-on au risque de faire un pléonasme.
    Mais quand l’armée syrienne envoie ses MIG ou actionne son artillerie contre des terroristes et des mercenaires après avoir évacué les populations civiles (si les preneurs d’otages le permettent) pour éviter les victimes collatérales, cela s’appelle un « pilonnage intensif », un « massacre » ou une « boucherie ».
    Autre découverte lumineuse de nos fabricants du prêt-à-penser, le terrorisme existerait partout dans le monde sauf en Syrie où ce label serait une exclusivité du régime de Damas.
    Mieux, le terrorisme qui sévit en Syrie depuis bien avant le début du printemps arabe serait une « prophétie auto-réalisatrice » ou comment la presse occidentale s’invente des légendes urbaines.[1]
    On peut aisément comprendre le manque de zèle de la part de l’Occident à reconnaître ce terrorisme-là : il impliquerait une reconnaissance du droit du régime syrien à la légitime défense.
    Pour faire connaître la réalité du terrorisme anti-syrien en dépit du catéchisme manichéen dans lequel certains « experts » de la Syrie cherchent à nous enfermer, en avril dernier, j’ai publié un texte intitulé « Le terrorisme anti-syrien et ses connexions internationales  », par lequel je décrivais la consanguinité entre trois mouvements djihadistes antisyriens de naguère, d’hier et d’aujourd’hui, c’est-à-dire entre les Frères musulmans syriens qui ont dévasté le pays dans les années 70 et 80 avant d’être anéantis à Hama par l’armée syrienne en 1982, les mouvements anti-chiites comme Ousbat al Ansar, Fatah Al Islam ou Jound Al Cham qui ont contaminé les camps palestiniens du Liban au début des années 2000, puis qui ont vu leur force s'accroître après le départ des troupes syriennes du pays du Cèdre (avril 2005) surtout du côté de Tripoli au point de harceler l’armée syrienne sur son propre territoire et de frapper Damas et enfin, les filiales actuelles d'Al Qaïda en Syrie comme le Front al Nosrah, Ahrar Al Cham, la Brigade Tawhid etc. qui ont le vent en poupe à la faveur du prétendu « printemps syrien ».
    Hormis certains médias alternatifs, personne de la grande presse ne s’est intéressé à la genèse du terrorisme anti-syrien. Il y a comme un tabou à ce sujet.
    Tant et si bien que dès le début du printemps syrien, certains « experts » ont voulu nous faire croire qu’en Syrie, il n’existait pas de tradition d’Islam takfiriste et conquérant.
    Vous aviez beau leur rappeler que les plus farouches Inquisiteurs de l’Orient médiéval étaient syriens notamment Ibn Taymiyya ainsi que ses disciples Ibn Kathir et Ibn Qayyim, que certaines régions du pays s’abreuvent quotidiennement de prêches retransmis par des chaînes satellitaires saoudiennes comme Iqraa, Wessal ou Safa TV qui dépeignent les alaouites comme plus vils que les Juifs et les Chrétiens et qui appellent à « purifier » le pays des « impies », que pour cette raison, dans certains coins reculés de Syrie notamment en périphérie des zones de peuplement alaouites, les non sunnites et même les sunnites laïcs ne sont pas les bienvenus et ce, depuis des lustres, d’après notre presse officielle, ce serait malgré tout le gouvernement laïc et multiconfessionnel de Damas qui serait responsable de la « communautarisation » du conflit syrien.
    On se demande bien quel intérêt pourrait avoir Damas à nourrir une hostilité envers la population sunnite alors que le gros des effectifs militaires et l’essentiel de l’élite politique et économique du pays est sunnite.
    Pourquoi donc un gouvernement bénéficiant de l’appui de la majorité sunnite du pays s’aliénerait-il cette majorité ?
    Ceux qui connaissent le pays savent pertinemment bien que l’idéologie officielle ne tolère nullement le discours sectaire. Toute propagande à caractère « ta’ifiyyé » (sectaire) est pénalement punissable en Syrie.
    Or, seule l’opposition utilise la rhétorique sectaire, désigne les alaouites comme les « ennemis » ou les responsables de la répression et des injustices réelles ou supposées, accuse les druzes et les chrétiens de collusions avec le « régime alaouite » et menace les sunnites qui siègent au gouvernement de représailles pour leur prétendue trahison envers leurs coreligionnaires.
    Portée à bout de bras par les puissances sunnites (Turquie, Jordanie, Etats membres du Conseil de coopération du Golfe), l’opposition syrienne est l’unique camp qui peut réellement profiter de la confessionnalisation du conflit.
    En réalité, le ferment qui unit toutes ses forces contre le régime syrien n’a rien à voir avec la démocratie. C’est essentiellement la guerre contre l’Iran et ses soutiens politiques (la Syrie) et religieux (le Hezbollah) qui intéressent les bailleurs de fonds de la « révolution syrienne ».[2]
    Il convient de rappeler ici que la haine anti-chiite distillée par les régimes réactionnaires arabes d’inspiration sunnite s’est particulièrement exacerbée après les deux victoires du Hezbollah face à Israël, celle du 25 mai 2000 qui permit de libérer le Sud du Liban de l’occupation sioniste et celle qui couronna la « Guerre des 33 jours » durant l’été 2006.
    Ces deux victoires ont été conquises grâce au soutien sans faille de Damas. Depuis lors, les photos de Hassan Nasrallah, secrétaire-général du Hezbollah aux côtés de Bachar El-Assad ont fleuri dans tout le pays, ce qui n’a pas plu à tout le monde.
    En effet, le renforcement de la fraternité stratégique et idéologique entre la Syrie résistante et le Liban résistant a été brandi par les fondamentalistes sunnites férus de théories du « complot chiite » comme une menace pour « Ahl Al Sunna », la communauté des sunnites.
    Grâce à notre presse, l’opinion publique occidentale ignore dans sa majorité que les roitelets du Golfe ont à ce point paniqué de voir un mouvement chiite mettre Israël à genoux et générer une sympathie supra-confessionnelle dans la rue arabe qu’ils ont accusé celui-ci d’ « aventuriste », de « provocateur » et d’ « irresponsable ».
    Après cette mise au point nécessaire, revenons à d’autres cas d’abus de langage de notre presse engagée sur le front syrien.
    Quand un pays allié est attaqué par des groupes armés, ces derniers sont d’office des terroristes.
    Ainsi, le 5 août dernier, seize militaires égyptiens ont été tués dans le Sinaï non par des rebelles mais par des « terroristes ». [3]
    En revanche, les milliers de soldats syriens tués dans le même type de guet-apens sont les cibles légitimes des « révolutionnaires » et des « rebelles ».
    Un journaliste du camp ennemi tué par des terroristes est lui aussi une cible légitime puisqu’il n’est qu’un vulgaire « outil de propagande ». [4]
    Réduits à l’état de simples objets, de rouages inertes, les journalistes travaillant pour les chaînes publiques syriennes ne peuvent donc attendre la moindre compassion de la part de leurs confrères occidentaux.
    Le silence observé par les organisations internationales de défense de la presse à l’égard de la censure imposée par la Ligue arabe aux chaînes publiques syriennes n’a dès lors rien d’étonnant.
    Pour définitivement disqualifier un ennemi, rien de tel qu’une bonne dose de reductio ad hitlerum stalinumque.
    L’anti-hitlérisme et l’anti-stalinisme sont deux produits indétrônables de ce que Noam Chomsky appelle « l’industrie du consentement ».
    Les exactions commises par la police politique du régime de Damas sont ainsi assimilées aux pratiques « gestapistes » ou « staliniennes »[5] mais jamais à la répression survenue durant la guerre de Vendée ni aux horreurs perpétrées par la France lors de l’insurrection malgache de 1947 ni à l’usage massif de la gégène contre le peuple algérien ou en Indochine, ni aux tortures et exécutions perpétrées par l’armée US au Vietnam, à Bagram en Afghanistan, à Abou Ghraib en Irak ou en Amérique latine.
    Notre presse n’oserait jamais traiter nos alliés régionaux de Nazis, ni l’Arabie wahhabite de la dynastie Séoud peuplée de princes sadiques et de prêcheurs de la haine, ni l’émir putschiste et esclavagiste du Qatar ni le régime militaro-islamiste d’Ankara. Pourtant, ces trois régimes répriment, torturent, et emprisonnent. Cela dit, il est vrai que le premier nous approvisionne en pétrole, le deuxième nous fournit du gaz et rachète nos clubs de football et nos jolis quartiers et le troisième a un taux de croissance économique à deux chiffres. Et en plus, tous les trois sont Israel friendly.
    Dans les milieux atlantistes de gauche comme de droite, il est de bon ton de se référer à l’antifascisme pour « aider » le lecteur profane à décoder le conflit syrien.
    Pour Thomas Pierret, maître (incontesté) de conférences en islam contemporain à l'université d'Edimbourg, les djihadistes qui convergent en Syrie pour combattre le régime « impie » en Syrie font penser aux « Brigades internationales » mobilisées aux côtés de la République durant la guerre civile espagnole de 1936-39.[6]
    Mais il ne lui viendrait pas à l’esprit de comparer ces combattants aux recrues de la Division des grenadiers SS Charlemagne partis en découdre avec le bolchevisme sur le Front de l’Est durant la seconde guerre mondiale ou aux Contras qui ont combattu le gouvernement sandiniste du Nicaragua avec l’appui financier… de l’Arabie saoudite !
    L’utilisation abusive de la guerre antifasciste espagnole est devenue un classique parmi les marqueurs idéologiques permettant de distinguer les gentils des méchants.
    On se souviendra que l’an dernier, le philosophe mercenaire franco-israélien Bernard-Henri Levy s’était pris pour la réincarnation d’André Malraux affrontant les balles franquistes dans les tranchées de la République espagnole. Notre Don Quichotte milliardaire avait même confondu les Brigades internationales d’inspiration communiste avec les armées coloniales de l’OTAN et leurs supplétifs al-qaïdistes.
    Ces dernières semaines, les rebelles syriens et leurs alliés djihadistes venus « mourir à Alep » ont eu droit à de véritables chansons de geste dans notre presse où ils sont régulièrement comparés aux antifascistes du monde entier partis « mourir à Madrid » face aux troupes de Franco.[7]
    Je doute que BHL ne daigne offrir une image aussi épique de l’Internationale djihadiste qui se bat et meurt tout aussi « héroïquement » au Yémen ou au Pakistan à l’ombre des drones américains.
    Et puis, il y a ces mots aussi dévastateurs que des bombes…
    Suite à l’attentat du 18 juillet qui a visé les bureaux de la sécurité de Damas, le journaliste Pierre Prier du Figaro a interrogé le bloggeur associé du quotidien Le Monde, Ignace Leverrier, de son vrai nom Wladimir Glassman, le fameux borgne sioniste qui porte « un œil (un seul) sur la Syrie ».[8]
    Les deux comparses s’accordent à dire que le général Daoud Rajha victime de l’attentat était une « caution chrétienne » et un « idiot utile » du régime. Pour le sieur Leverrier/Glassman et pour bien d’autres observateurs, le régime syrien procède à des calculs ethniques pour « corrompre » les minorités et les rendre responsables de sa « politique de terreur ».
    En revanche, on ne les entendra pas utiliser les mêmes termes insultants à l’égard du Kurde Abdel Basset Sayda qui n’a été élu à la tête du Conseil national syrien (CNS) que pour draguer les Kurdes syriens et pour donner ainsi un cachet pluraliste à une opposition dominée par les Frères musulmans.
    Pourtant, Sayda, désormais grand ami de Sarkozy, est l’idiot utile par excellence, un parfait inconnu qu’une majorité de Kurdes syriens rejettent à la fois parce qu’il n’a aucun pedigree militant et parce qu’il siège dans une structure proche des services secrets turcs.
    Revenons sur le champ de bataille de la guerre des mots. Un imam sunnite soutenant le gouvernement de Bachar El-Assad est un « agent » du régime. Mais on n’utilisera jamais ce mot infamant à propos d’un imam de l’opposition inspiré par les prêches anti-chiites et inféodé au wahhabisme.
    Un gouvernement ennemi est toujours qualifié de « régime ». Il ne nous viendrait jamais à l’idée de parler de « régime » de Londres, de Paris, de Berlin ou de Washington.
    Un gouvernement ennemi doit continuellement inspirer haine et dégoût. C’est pourquoi, il doit être montré sous son jour le plus hideux.
    Par conséquent, la Syrie qui est à la fois un Etat-providence inspiré du modèle soviétique où le politique régule en grande partie l’économie, où le fonctionnariat est pléthorique, où l’enseignement est gratuit et de qualité de même que le système de santé, un Etat non endetté auprès de nos instances économiques et donc affranchi de la dictature financière occidentale, un Etat autosuffisant promoteur de la souveraineté alimentaire, un Etat tiers-mondiste et pro-palestinien, un Etat laïc et multiconfessionnel mais aussi un Etat policier où la torture et les exécutions sommaires sont monnaie courante, cette Syrie aux multiples facettes est dans notre presse réduite à son seul profil répressif. Les attributs de l’Etat syrien qui le rendent moins repoussant, seraient selon nos idéologues, tout bonnement fabriquées, bidonnés, manipulés et falsifiés.
    Un gouvernement ennemi est foncièrement machiavélique. Il est l’incarnation du Mal. Il tue ses ennemis mais aussi ses propres amis pour accuser ses ennemis. L’assassinat du fils du moufti pro-Bachar, c’est Bachar ! L’attentat contre les généraux de Bachar, c’est Bachar ! Les djihadistes anti-Bachar, une œuvre de Bachar ! Les étudiants pro-Bachar tués à l’université par des anti-Bachar, un coup de Bachar ! Les massacres de villageois, d’ouvriers, de fonctionnaires, de journalistes, de profs, de cinéastes, de sportifs pro-Bachar, un crime de Bachar ! Nos médias ne reculent devant aucune théorie du complot à propos de l’ennemi.
    Dans les rédactions occidentales comme dans la rue, celui qui n’associe pas l’Etat syrien aux termes « cynique », « brutal », « totalitaire », « féroce », « maffieux », « sanguinaire », « odieux », « barbare », « sectaire », « corrompu », « assassin » etc. est suspecté de sympathie envers l’ennemi.
    A moins de s’appeler Kofi Annan, défendre la paix, la modération, la réconciliation en Syrie comme le fit le défunt (premier) président algérien Ben Bella pour mettre un terme à la guerre civile qui déchira son pays devient suspect. Maccarthysme, le retour.
    Un gouvernement ennemi est « isolé » même s’il jouit du soutien des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), c’est-à-dire de nations qui totalisent plus de 40% de la population mondiale. Ajoutez à cette dynamique les Etats-membres de l’ALBA, l’Algérie, l’Iran ou encore la Biélorussie et vous arrivez à près de la moitié de l’humanité. Cela fait tout de même beaucoup d’amis pour un Etat mis en quarantaine.
    Un gouvernement ennemi comme celui de Damas a pour seul soutien populaire une bande de « profiteurs », de « clients » et d’ « apparatchiks »[9] mais les opposants achetés à prix d’or sur le marché de Riyad et Doha sont bien entendu des démocrates sincères et désintéressés.
    Quant au peuple, toujours d’après nos médias, c’est l’opposition qui en aurait l’exclusivité. En revanche, l’autre peuple, celui qui refuse de prendre part à l’anarchie, qui affiche un soutien total ou conditionnel au gouvernement, qui incarne la majorité silencieuse, ce peuple-là, n’existe pas. Au mieux, il est vaguement évoqué dans de rares articles d’analyse.
    La liste des mots détournés par le courant de pensée dominant dans le cas de la guerre civile syrienne est longue et le sujet mériterait que l’on y consacre un dictionnaire.
    Les quelques exemples cités dans ce billet montrent que dans une guerre, les mots ne sont pas neutres. Leur choix est déterminé par nos convictions. Ils sont le prolongement, le miroir de nos idées, de notre sensibilité. Les journalistes de guerre ne dérogent pas à la règle. Ils ne choisissent pas leurs mots, leurs sources ou leurs interlocuteurs au hasard. Avoir une idéologie et faire de la propagande n’a rien de surprenant en soi lorsque l’on a pour mission d’intéresser un public sur des événements politiques contenant une lourde charge émotive. Ce sont les intérêts sous-jacents qui doivent poser question et nous inciter à rester vigilants surtout lorsque ledit journaliste dissimule sa propagande sous les oripeaux d’une morale supérieure prétendument universelle.
    Source : michelcollon.info
    Notes :
    [1] Alain Jaulmes, Le Figaro, 31 juillet 2012
    [2] Il n’est pas toujours aisé de séparer le politique du religieux. Les courants orthodoxes comme les hétérodoxies cumulent souvent une dimension à la fois politique et religieuse.
    [3] France 24, 11 août 2011
    [4] AFP, 6 août 2012
    [5] Koen Vidal, De Morgen, 3 juillet 2012
    [6] Le Vif, 6 août 2012, Gokan Gunes, Syrie : qui sont ces djihadistes dont se sert Damas ?
    [7] Mourir à Madrid est un célèbre film documentaire de Frédéric Rossif consacré à la guerre civile espagnole
    [8] Le Figaro, 19 juillet 2012
    [9] Le Soir, 30 janvier 2012