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Agitprop occidentale sur la Syrie

Agitprop occidentale sur la Syrie, un art où rien n’est laissé au hasard

13 août 2012

Il faut le reconnaître : en affaires intérieures comme en géopolitique, nos médias, nos intellectuels et nos stratèges mainstream manient à merveille l’art pour ne pas dire l’arme de la rhétorique inversée. A vouloir en découdre à tous prix avec le gouvernement de Damas d’une part et purger l’espace public des voix critiques et dissidentes sur le conflit syrien d’autre part, ils n’ont pas peur de verser dans l’idéologie, la propagande et le militantisme dignes des troupes de théâtre soviétiques d’agitprop. On trouvera bien sous leur plume une touche autocritique de ci de là pour se donner des airs pluralistes et libertaires. Mais consciemment ou pas, ils nous resservent la vieille soupe habituelle dans leur gamelle de soldats du système. Coup de projo sur la guerre des mots menée par nos « experts » embedded en Syrie. Sans blindé et sans camouflage.

C’était déjà le cas lors du conflit libyen de l’an dernier. Un banlieusard de Benghazi recruté dans une mosquée salafiste mimant une décapitation avec son pouce sur son cou aux cris d’Allah ou Akbar, devenait miraculeusement un mignon combattant de la liberté.
En revanche, ses compagnons français du « gang de Roubaix » ou de « Forsane Al Izza » n’ont pas eu droit aux mêmes éloges. On se souviendra que les unités du RAID n’avaient pas fait dans la dentelle pour « neutraliser » le frère toulousain du barbu de Benghazi.
Alors, imaginez la tête et le discours des présentateurs du JT de TF1, imaginez l’attitude de l’armée française si 6.000 à 8.000 Mohamed Merah se déployaient dans Paris, Marseille ou Lyon comme à Homs, Damas ou Alep. Oserait-t-on parler de « soutien populaire » à propos de ces djihadistes s’ils trouvaient des appuis dans certaines cités HLM ?
Idem pour les commandos qataris, saoudiens ou égyptiens partis mener le djihad contre la Libye verte de Mouammar Kadhafi. Tous ces légionnaires ont été dépeints comme des humanistes passionnés de démocratie. Par contre, un militant panafricain d’origine nigériane, malienne ou sahraoui qui combat aux côtés de Mouammar Kadhafi se transformait en vulgaire mercenaire, « violeur » de préférence pour bien entretenir le fantasme du Nègre libidineux. Avec des cargaisons de viagra livrées par le colonel s'il vous plaît !
Concernant la Libye, il y a eu autant de désinformation qu’il n’y a de sable dans le désert de Syrte…
Même topo en Syrie.
Le djihadiste syrien adoubé par Riyad et Doha qui achève sa victime selon des pratiques satanistes est travesti en guérillero romantique sous le clavier magique de nos « spin doctors ». Mais un soldat syrien qui résiste à une invasion étrangère est sèchement présenté comme une sorte de SS à la solde de la « secte alaouite ». Un civil armé progouvernemental qui défend son quartier contre les incursions terroristes, contre les preneurs d’otages et les cambrioleurs, c’est d’office un chabbiha (partisan armé du régime) « briseur d’os et de crânes ». Même le milicien discipliné et patriote du Hezbollah libanais qui se trouve chez lui devient un odieux terroriste « auxiliaire de la dictature alaouite ».
Autre comparaison : quand nos soldats tuent des innocents, cela s’appelle une bavure. Les miliciens de l’Armée syrienne libre (ASL) étant (à l’instar des soudards de Tsahal) nos protégés, les massacres qu’ils commettent sont eux aussi maquillés en bavures même quand leurs salves visent des quartiers résidentiels, des hôpitaux, des écoles et tuent le journaliste Gilles Jaquier ainsi que neuf manifestants pro-Assad à Homs.
A l’inverse, quand c’est l’armée syrienne qui tue des innocents, ce qui arrive hélas très souvent, cela s’appelle un massacre prémédité.
Un chasseur-bombardier de l’OTAN, ça mène des frappes, ciblées voire chirurgicales dira-t-on au risque de faire un pléonasme.
Mais quand l’armée syrienne envoie ses MIG ou actionne son artillerie contre des terroristes et des mercenaires après avoir évacué les populations civiles (si les preneurs d’otages le permettent) pour éviter les victimes collatérales, cela s’appelle un « pilonnage intensif », un « massacre » ou une « boucherie ».
Autre découverte lumineuse de nos fabricants du prêt-à-penser, le terrorisme existerait partout dans le monde sauf en Syrie où ce label serait une exclusivité du régime de Damas.
Mieux, le terrorisme qui sévit en Syrie depuis bien avant le début du printemps arabe serait une « prophétie auto-réalisatrice » ou comment la presse occidentale s’invente des légendes urbaines.[1]
On peut aisément comprendre le manque de zèle de la part de l’Occident à reconnaître ce terrorisme-là : il impliquerait une reconnaissance du droit du régime syrien à la légitime défense.
Pour faire connaître la réalité du terrorisme anti-syrien en dépit du catéchisme manichéen dans lequel certains « experts » de la Syrie cherchent à nous enfermer, en avril dernier, j’ai publié un texte intitulé « Le terrorisme anti-syrien et ses connexions internationales  », par lequel je décrivais la consanguinité entre trois mouvements djihadistes antisyriens de naguère, d’hier et d’aujourd’hui, c’est-à-dire entre les Frères musulmans syriens qui ont dévasté le pays dans les années 70 et 80 avant d’être anéantis à Hama par l’armée syrienne en 1982, les mouvements anti-chiites comme Ousbat al Ansar, Fatah Al Islam ou Jound Al Cham qui ont contaminé les camps palestiniens du Liban au début des années 2000, puis qui ont vu leur force s'accroître après le départ des troupes syriennes du pays du Cèdre (avril 2005) surtout du côté de Tripoli au point de harceler l’armée syrienne sur son propre territoire et de frapper Damas et enfin, les filiales actuelles d'Al Qaïda en Syrie comme le Front al Nosrah, Ahrar Al Cham, la Brigade Tawhid etc. qui ont le vent en poupe à la faveur du prétendu « printemps syrien ».
Hormis certains médias alternatifs, personne de la grande presse ne s’est intéressé à la genèse du terrorisme anti-syrien. Il y a comme un tabou à ce sujet.
Tant et si bien que dès le début du printemps syrien, certains « experts » ont voulu nous faire croire qu’en Syrie, il n’existait pas de tradition d’Islam takfiriste et conquérant.
Vous aviez beau leur rappeler que les plus farouches Inquisiteurs de l’Orient médiéval étaient syriens notamment Ibn Taymiyya ainsi que ses disciples Ibn Kathir et Ibn Qayyim, que certaines régions du pays s’abreuvent quotidiennement de prêches retransmis par des chaînes satellitaires saoudiennes comme Iqraa, Wessal ou Safa TV qui dépeignent les alaouites comme plus vils que les Juifs et les Chrétiens et qui appellent à « purifier » le pays des « impies », que pour cette raison, dans certains coins reculés de Syrie notamment en périphérie des zones de peuplement alaouites, les non sunnites et même les sunnites laïcs ne sont pas les bienvenus et ce, depuis des lustres, d’après notre presse officielle, ce serait malgré tout le gouvernement laïc et multiconfessionnel de Damas qui serait responsable de la « communautarisation » du conflit syrien.
On se demande bien quel intérêt pourrait avoir Damas à nourrir une hostilité envers la population sunnite alors que le gros des effectifs militaires et l’essentiel de l’élite politique et économique du pays est sunnite.
Pourquoi donc un gouvernement bénéficiant de l’appui de la majorité sunnite du pays s’aliénerait-il cette majorité ?
Ceux qui connaissent le pays savent pertinemment bien que l’idéologie officielle ne tolère nullement le discours sectaire. Toute propagande à caractère « ta’ifiyyé » (sectaire) est pénalement punissable en Syrie.
Or, seule l’opposition utilise la rhétorique sectaire, désigne les alaouites comme les « ennemis » ou les responsables de la répression et des injustices réelles ou supposées, accuse les druzes et les chrétiens de collusions avec le « régime alaouite » et menace les sunnites qui siègent au gouvernement de représailles pour leur prétendue trahison envers leurs coreligionnaires.
Portée à bout de bras par les puissances sunnites (Turquie, Jordanie, Etats membres du Conseil de coopération du Golfe), l’opposition syrienne est l’unique camp qui peut réellement profiter de la confessionnalisation du conflit.
En réalité, le ferment qui unit toutes ses forces contre le régime syrien n’a rien à voir avec la démocratie. C’est essentiellement la guerre contre l’Iran et ses soutiens politiques (la Syrie) et religieux (le Hezbollah) qui intéressent les bailleurs de fonds de la « révolution syrienne ».[2]
Il convient de rappeler ici que la haine anti-chiite distillée par les régimes réactionnaires arabes d’inspiration sunnite s’est particulièrement exacerbée après les deux victoires du Hezbollah face à Israël, celle du 25 mai 2000 qui permit de libérer le Sud du Liban de l’occupation sioniste et celle qui couronna la « Guerre des 33 jours » durant l’été 2006.
Ces deux victoires ont été conquises grâce au soutien sans faille de Damas. Depuis lors, les photos de Hassan Nasrallah, secrétaire-général du Hezbollah aux côtés de Bachar El-Assad ont fleuri dans tout le pays, ce qui n’a pas plu à tout le monde.
En effet, le renforcement de la fraternité stratégique et idéologique entre la Syrie résistante et le Liban résistant a été brandi par les fondamentalistes sunnites férus de théories du « complot chiite » comme une menace pour « Ahl Al Sunna », la communauté des sunnites.
Grâce à notre presse, l’opinion publique occidentale ignore dans sa majorité que les roitelets du Golfe ont à ce point paniqué de voir un mouvement chiite mettre Israël à genoux et générer une sympathie supra-confessionnelle dans la rue arabe qu’ils ont accusé celui-ci d’ « aventuriste », de « provocateur » et d’ « irresponsable ».
Après cette mise au point nécessaire, revenons à d’autres cas d’abus de langage de notre presse engagée sur le front syrien.
Quand un pays allié est attaqué par des groupes armés, ces derniers sont d’office des terroristes.
Ainsi, le 5 août dernier, seize militaires égyptiens ont été tués dans le Sinaï non par des rebelles mais par des « terroristes ». [3]
En revanche, les milliers de soldats syriens tués dans le même type de guet-apens sont les cibles légitimes des « révolutionnaires » et des « rebelles ».
Un journaliste du camp ennemi tué par des terroristes est lui aussi une cible légitime puisqu’il n’est qu’un vulgaire « outil de propagande ». [4]
Réduits à l’état de simples objets, de rouages inertes, les journalistes travaillant pour les chaînes publiques syriennes ne peuvent donc attendre la moindre compassion de la part de leurs confrères occidentaux.
Le silence observé par les organisations internationales de défense de la presse à l’égard de la censure imposée par la Ligue arabe aux chaînes publiques syriennes n’a dès lors rien d’étonnant.
Pour définitivement disqualifier un ennemi, rien de tel qu’une bonne dose de reductio ad hitlerum stalinumque.
L’anti-hitlérisme et l’anti-stalinisme sont deux produits indétrônables de ce que Noam Chomsky appelle « l’industrie du consentement ».
Les exactions commises par la police politique du régime de Damas sont ainsi assimilées aux pratiques « gestapistes » ou « staliniennes »[5] mais jamais à la répression survenue durant la guerre de Vendée ni aux horreurs perpétrées par la France lors de l’insurrection malgache de 1947 ni à l’usage massif de la gégène contre le peuple algérien ou en Indochine, ni aux tortures et exécutions perpétrées par l’armée US au Vietnam, à Bagram en Afghanistan, à Abou Ghraib en Irak ou en Amérique latine.
Notre presse n’oserait jamais traiter nos alliés régionaux de Nazis, ni l’Arabie wahhabite de la dynastie Séoud peuplée de princes sadiques et de prêcheurs de la haine, ni l’émir putschiste et esclavagiste du Qatar ni le régime militaro-islamiste d’Ankara. Pourtant, ces trois régimes répriment, torturent, et emprisonnent. Cela dit, il est vrai que le premier nous approvisionne en pétrole, le deuxième nous fournit du gaz et rachète nos clubs de football et nos jolis quartiers et le troisième a un taux de croissance économique à deux chiffres. Et en plus, tous les trois sont Israel friendly.
Dans les milieux atlantistes de gauche comme de droite, il est de bon ton de se référer à l’antifascisme pour « aider » le lecteur profane à décoder le conflit syrien.
Pour Thomas Pierret, maître (incontesté) de conférences en islam contemporain à l'université d'Edimbourg, les djihadistes qui convergent en Syrie pour combattre le régime « impie » en Syrie font penser aux « Brigades internationales » mobilisées aux côtés de la République durant la guerre civile espagnole de 1936-39.[6]
Mais il ne lui viendrait pas à l’esprit de comparer ces combattants aux recrues de la Division des grenadiers SS Charlemagne partis en découdre avec le bolchevisme sur le Front de l’Est durant la seconde guerre mondiale ou aux Contras qui ont combattu le gouvernement sandiniste du Nicaragua avec l’appui financier… de l’Arabie saoudite !
L’utilisation abusive de la guerre antifasciste espagnole est devenue un classique parmi les marqueurs idéologiques permettant de distinguer les gentils des méchants.
On se souviendra que l’an dernier, le philosophe mercenaire franco-israélien Bernard-Henri Levy s’était pris pour la réincarnation d’André Malraux affrontant les balles franquistes dans les tranchées de la République espagnole. Notre Don Quichotte milliardaire avait même confondu les Brigades internationales d’inspiration communiste avec les armées coloniales de l’OTAN et leurs supplétifs al-qaïdistes.
Ces dernières semaines, les rebelles syriens et leurs alliés djihadistes venus « mourir à Alep » ont eu droit à de véritables chansons de geste dans notre presse où ils sont régulièrement comparés aux antifascistes du monde entier partis « mourir à Madrid » face aux troupes de Franco.[7]
Je doute que BHL ne daigne offrir une image aussi épique de l’Internationale djihadiste qui se bat et meurt tout aussi « héroïquement » au Yémen ou au Pakistan à l’ombre des drones américains.
Et puis, il y a ces mots aussi dévastateurs que des bombes…
Suite à l’attentat du 18 juillet qui a visé les bureaux de la sécurité de Damas, le journaliste Pierre Prier du Figaro a interrogé le bloggeur associé du quotidien Le Monde, Ignace Leverrier, de son vrai nom Wladimir Glassman, le fameux borgne sioniste qui porte « un œil (un seul) sur la Syrie ».[8]
Les deux comparses s’accordent à dire que le général Daoud Rajha victime de l’attentat était une « caution chrétienne » et un « idiot utile » du régime. Pour le sieur Leverrier/Glassman et pour bien d’autres observateurs, le régime syrien procède à des calculs ethniques pour « corrompre » les minorités et les rendre responsables de sa « politique de terreur ».
En revanche, on ne les entendra pas utiliser les mêmes termes insultants à l’égard du Kurde Abdel Basset Sayda qui n’a été élu à la tête du Conseil national syrien (CNS) que pour draguer les Kurdes syriens et pour donner ainsi un cachet pluraliste à une opposition dominée par les Frères musulmans.
Pourtant, Sayda, désormais grand ami de Sarkozy, est l’idiot utile par excellence, un parfait inconnu qu’une majorité de Kurdes syriens rejettent à la fois parce qu’il n’a aucun pedigree militant et parce qu’il siège dans une structure proche des services secrets turcs.
Revenons sur le champ de bataille de la guerre des mots. Un imam sunnite soutenant le gouvernement de Bachar El-Assad est un « agent » du régime. Mais on n’utilisera jamais ce mot infamant à propos d’un imam de l’opposition inspiré par les prêches anti-chiites et inféodé au wahhabisme.
Un gouvernement ennemi est toujours qualifié de « régime ». Il ne nous viendrait jamais à l’idée de parler de « régime » de Londres, de Paris, de Berlin ou de Washington.
Un gouvernement ennemi doit continuellement inspirer haine et dégoût. C’est pourquoi, il doit être montré sous son jour le plus hideux.
Par conséquent, la Syrie qui est à la fois un Etat-providence inspiré du modèle soviétique où le politique régule en grande partie l’économie, où le fonctionnariat est pléthorique, où l’enseignement est gratuit et de qualité de même que le système de santé, un Etat non endetté auprès de nos instances économiques et donc affranchi de la dictature financière occidentale, un Etat autosuffisant promoteur de la souveraineté alimentaire, un Etat tiers-mondiste et pro-palestinien, un Etat laïc et multiconfessionnel mais aussi un Etat policier où la torture et les exécutions sommaires sont monnaie courante, cette Syrie aux multiples facettes est dans notre presse réduite à son seul profil répressif. Les attributs de l’Etat syrien qui le rendent moins repoussant, seraient selon nos idéologues, tout bonnement fabriquées, bidonnés, manipulés et falsifiés.
Un gouvernement ennemi est foncièrement machiavélique. Il est l’incarnation du Mal. Il tue ses ennemis mais aussi ses propres amis pour accuser ses ennemis. L’assassinat du fils du moufti pro-Bachar, c’est Bachar ! L’attentat contre les généraux de Bachar, c’est Bachar ! Les djihadistes anti-Bachar, une œuvre de Bachar ! Les étudiants pro-Bachar tués à l’université par des anti-Bachar, un coup de Bachar ! Les massacres de villageois, d’ouvriers, de fonctionnaires, de journalistes, de profs, de cinéastes, de sportifs pro-Bachar, un crime de Bachar ! Nos médias ne reculent devant aucune théorie du complot à propos de l’ennemi.
Dans les rédactions occidentales comme dans la rue, celui qui n’associe pas l’Etat syrien aux termes « cynique », « brutal », « totalitaire », « féroce », « maffieux », « sanguinaire », « odieux », « barbare », « sectaire », « corrompu », « assassin » etc. est suspecté de sympathie envers l’ennemi.
A moins de s’appeler Kofi Annan, défendre la paix, la modération, la réconciliation en Syrie comme le fit le défunt (premier) président algérien Ben Bella pour mettre un terme à la guerre civile qui déchira son pays devient suspect. Maccarthysme, le retour.
Un gouvernement ennemi est « isolé » même s’il jouit du soutien des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), c’est-à-dire de nations qui totalisent plus de 40% de la population mondiale. Ajoutez à cette dynamique les Etats-membres de l’ALBA, l’Algérie, l’Iran ou encore la Biélorussie et vous arrivez à près de la moitié de l’humanité. Cela fait tout de même beaucoup d’amis pour un Etat mis en quarantaine.
Un gouvernement ennemi comme celui de Damas a pour seul soutien populaire une bande de « profiteurs », de « clients » et d’ « apparatchiks »[9] mais les opposants achetés à prix d’or sur le marché de Riyad et Doha sont bien entendu des démocrates sincères et désintéressés.
Quant au peuple, toujours d’après nos médias, c’est l’opposition qui en aurait l’exclusivité. En revanche, l’autre peuple, celui qui refuse de prendre part à l’anarchie, qui affiche un soutien total ou conditionnel au gouvernement, qui incarne la majorité silencieuse, ce peuple-là, n’existe pas. Au mieux, il est vaguement évoqué dans de rares articles d’analyse.
La liste des mots détournés par le courant de pensée dominant dans le cas de la guerre civile syrienne est longue et le sujet mériterait que l’on y consacre un dictionnaire.
Les quelques exemples cités dans ce billet montrent que dans une guerre, les mots ne sont pas neutres. Leur choix est déterminé par nos convictions. Ils sont le prolongement, le miroir de nos idées, de notre sensibilité. Les journalistes de guerre ne dérogent pas à la règle. Ils ne choisissent pas leurs mots, leurs sources ou leurs interlocuteurs au hasard. Avoir une idéologie et faire de la propagande n’a rien de surprenant en soi lorsque l’on a pour mission d’intéresser un public sur des événements politiques contenant une lourde charge émotive. Ce sont les intérêts sous-jacents qui doivent poser question et nous inciter à rester vigilants surtout lorsque ledit journaliste dissimule sa propagande sous les oripeaux d’une morale supérieure prétendument universelle.
Source : michelcollon.info
Notes :
[1] Alain Jaulmes, Le Figaro, 31 juillet 2012
[2] Il n’est pas toujours aisé de séparer le politique du religieux. Les courants orthodoxes comme les hétérodoxies cumulent souvent une dimension à la fois politique et religieuse.
[3] France 24, 11 août 2011
[4] AFP, 6 août 2012
[5] Koen Vidal, De Morgen, 3 juillet 2012
[6] Le Vif, 6 août 2012, Gokan Gunes, Syrie : qui sont ces djihadistes dont se sert Damas ?
[7] Mourir à Madrid est un célèbre film documentaire de Frédéric Rossif consacré à la guerre civile espagnole
[8] Le Figaro, 19 juillet 2012
[9] Le Soir, 30 janvier 2012

 

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