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France - Page 4

  • DÉNONCER LE SEXISME ORDINAIRE

    observatoire du 30/10/2014 par Robin Andraca

    DÉNONCER LE SEXISME ORDINAIRE ET ÊTRE ACCUSÉ DE RACISME

    Une vidéo virale américaine crée la polémique

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    Après Bruxelles, New York. Une jeune Américaine se filme en train de marcher dans les rues de Manhattan, pour montrer le harcèlement de rue dont elle est victime quotidiennement. Une jeune étudiante flamande avait eu la même démarche, en 2012, en se filmant dans un quartier populaire de Bruxelles. Alors que ces vidéos souhaitaient attirer l'attention sur le sexisme ordinaire, elles sont toutes les deux taxées de racisme. 

    Une polémique peut parfois en cacher une autre. Equipée de deux micros et d'une caméra (planquée dans un sac à dos quelques mètres devant), cette jeune femme souhaitait alerter l'opinion publique sur le harcèlement dont elle est victime quotidiennement. Et ça semble plutôt bien parti : postée sur Youtube par le collectif international Hollaback, qui lutte depuis des années contre le harcèlement de rue, la vidéo a déjà été vue plus de 15 millions de fois.

    Sauf que. Sur Youtube, la jeune femme a été menacée de viol par plusieurs utilisateurs et la vidéo a été critiquée dans les médias. Slate et Salon se sont par exemple tous les deux penchés sur le phénomène et arrivent à la même conclusion : ce n'est pas seulement l'histoire d'une jeune femme harcelée verbalement par des hommes dans les rues de New York. C'est aussi (et surtout ?) la journée d'une jeune femme blanche harcelée par des hommes qui sont pour la plupart noirs ou latinos. Difficile, en effet, au vu de la vidéo, de leur donner tort.

    FÉMINISTE OU RACISTE ?

    Et ce n'est certainement pas la justification de Rob Bliss, directeur de l'agence marketing partenaire de cette opération, sur le réseau social Reddit, qui éteindra la polémique. "Nous avons eu une bonne quantité de Blancs, mais pour plusieurs raisons, beaucoup de ce qu'ils ont dit l'était en passant, ou hors-caméra. Du coup, leurs scènes étaient beaucoup plus courtes, mais leur nombre était à peu près le même", argue Bliss avant de développer : "Il y a parfois une sirène qui coupe la scène ou quelqu'un qui passe devant la caméra, on a donc dû travailler avec ce qu'on avait. Les villes sont bruyantes et remplies de gens qui passent devant la caméra, vous savez ?". Réponse de Hanna Rosin, qui tient un blog féministe sur Slate : "C'est peut-être vrai mais si au final il faut supprimer tous les passages avec des personnes blanches, autant faire une autre prise". 

    Ce n'est d'ailleurs pas la première fois, Rosin le rappelle également, que l'agence de marketing est soupçonnée de racisme. Dans une vidéo destinée à promouvoir la ville de Grand Rapids, l'agence avait été vivement critiquée par un blogueur localpour avoir transformé une ville pauvre du Michigan, dont 20% de la population est noire, en un gigantesque spot de pub, où presque tous les acteurs sont blancs et semblent tout droit sortis des plus belles parades de Disney World (le lipdub de plus de 9 minutes, est visible ici pour les plus curieux).

    Autre forme de critique : le très populaire site humoristique Funny or Die a aussi détourné le message de la vidéo, en mettant un scène un homme blanc qui marche silencieusement dans les rues de New York.

    La vidéo féministe a (déjà) sa parodie

    LE PRÉCÉDENT BELGE

    En 2012, le film d'une étudiante flamande, qui prétendait aussi dénoncer le sexisme ordinaire, avait déjà suscité la critique en Belgique (et en France, où la vidéo avait été largement reprise par la plupart des médias). La raison ? Annessens, le quartier où a été tournée la vidéo, est principalement habité par la communauté maghrébine de Bruxelles. Interrogée à l'époque sur la chaîne de télévision flamande VRT, Sofie Peeters ne s'en cachait pas : "C'était l'une de mes grandes craintes, comment traiter cette thématique sans tourner un film raciste. Je ne le dis pas volontiers, mais il s'agit de personnes d'origine étrangère dans 95% des cas. Il y a une méconnaissance de nos cultures respectives. Les musulmans ont un comportement assez insistant par rapport à la sexualité : porter une jupe pour une femme, c'est déjà risqué". Taoufil Amzile, responsable de l'association belge des professionnels musulmans, avait réagi à ces propos, estimant que "ce type de comportement dépend de beaucoup trop de facteurs pour simplement le réduire à une question d'origine. Je ne pense pas qu'il existe de déterminisme à ce niveau-là".

    ET EN FRANCE ?

    "Envoyé Spécial" s'était penché, en mars 2013, sur ce sujet. La journaliste Virginie Vilar, équipée à son tour d'une caméra cachée et d'un micro, s'était rendue sur les Champs-Elysées à Paris et à Mantes-la-Jolie pour filmer les harceleurs de rue.

    Interrogée en fin d'émission sur le profil de ces harceleurs, la journaliste estimait qu'ils étaient "surtout jeunes et majoritairement d'origine étrangère". Tout en s'interrogeant à demi-mots : "Ces jeunes parlent-ils de sexualité à la maison ? Quelle image ont-ils de la femme ? Est ce que c'est un mot tabou, la sexualité ? En tout cas, moi ce que j'ai ressenti, c'est qu'il y avait beaucoup de frustration, comme si pour eux, le fait d'aborder une inconnue dans la rue n'était pas si facile, et s'ils le faisaient toujours de manière maladroite, voire agressive".

    L'occasion de relire notre papier : "Un film belge attire l'attention sur le harcèlement de rue".

     
  • Tour de France: le piége à con

    18 juillet 2015 | Par Gregoiredsj

     

    Aujourd'hui c'est notre Tour...

    Samedi 18 juillet, le Tour de France passe dans le village des Vignes, en Lozère. Une portion de la route des Gorges du Tarn a été élargie (3 km environ) pour pouvoir faire passer les cyclistes, pour la modique somme de 1 600 000 € ( 1 000 000 € pour le Conseil Général, 600 000 € pour le Conseil Régional). Ils doivent passer devant notre hôtel-restaurant. On nous a prévenu, ça va être impressionnant... Nous attendons.

    A 11h00, la circulation est coupée, et pour l'instant il faut bien le reconnaître, il n'y a personne. A 12h00, une gendarme est déposée sur notre parking pour vérifier que le public respecte bien les consignes de sécurité, mais du public, il n'y en a toujours pas. Chômage technique... Elle cuit doucement sous un soleil de plomb. Jusqu'à 14h00 c'est le calme plat. On vend quelques bières, sodas, cafés. Et puis, une petite foule commence à se former le long des routes, sur notre terrasse. Il paraît que la caravane du Tour est bientôt là. On est venu en famille pour voir ce fabuleux spectacle, ce grand rendez vous sportif. Pas mal de retraités, des parents, des enfants, des adolescents. Ils attendent tous le passage de la mythique caravane du Tour. Quelques motards commencent à débouler à toute vitesse. Un mélange de presse, de gendarmes et puis soudain, comme un éclair arrive une ribambelle de véhicule publicitaire: Vittel sont les premiers, en camion rouge vif. La foule se dresse et s'agglutine au bord du bitume. Sur les camions, de jeunes créatures souriantes et vulgaires se mettent à balancer des échantillons d'eau minérale. Comme une meute de chiens, le public se jette dessus. C'est le début de la curée. Les vieux, les enfants, les ados, les femmes, les hommes se jettent sur les cadeaux, Skoda avec des bobs vert fluos, Festina avec des casquettes, RAGT (semencier industriel) avec des sachets de graines, Haribo avec des sachets de bonbons, Skip avec de la lessive, Le Crédit Lyonnais avec des casquettes jaunes pétard, ERDF avec des portes clefs, Force Ouvrière... Tout le monde est là, les industriels, les syndicats, les cyclistes, le public, ensemble dans cette grande communion commerciale, vide de sens à en gerber.

    Nous sommes pourtant dans une nature magnifique, avec la rivière sous nos fenêtres, les vautours, des mouflons dans les falaises, des paysans qui s'acharnent à produire des produits de qualité (charcuterie, fromages, légumes, vin) et que j'essaye d'aider à mon humble échelle en proposant leurs produits à la carte de notre restaurant. Et là sous nos yeux, avec le soutien financier de toutes nos institutions, défile toute la merde du monde industriel. C'est consternant, aberrant et affligeant. On a envie de dégoupiller une grenade. Au lieu de ça, je vide mon sac sur cette page. Ca n'enlève pas toute cette laideur, mais ça soulage...

  • Attentats (déjoués) pouvoir et médiatisation

     Ce petit détail qui cloche

    PAS DE DOUTE, ON NOUS PREND POUR DES BILLES !

    Et bien entendu, nos députés qui ne sont, à priori, pas plus bêtes qu’un journaliste de Numérama n’ont absolument rien remarqué. C’est ballot, tout de même…

    —————————————————————————————–

    Si l’attentat déjoué, pour lequel quatre personnes ont été placées en garde à vue et trois mises en examen, était prévu pour la fin de l’année, voire le début de l’année 2016… pourquoi les policiers qui les avaient étroitement à l’oeil ont-ils choisi cette semaine de les arrêter et de faire connaître leur arrestation, alors qu’ils pouvaient se donner le temps de consolider un dossier actuellement fragile ?

    Le faire en plein examen du projet de loi Renseignement par le Conseil constitutionnel est-il une pure coïncidence ?

    Comment savoir si l’annonce d’un projet d’attentat déjoué et la mise en examen de ses co-auteurs présumés répond à une véritable stratégie policière et judiciaire cohérente, ou s’il s’agit plus cyniquement de l’orchestration médiatique d’un projet de pieds nickelés, à des fins purement politiques ?

    Étant donné qu’il se trouve réellement des hommes pour trancher la tête d’autres hommes en France, nous avions choisi de nous astreindre à un silence respectueux concernant le nouveau projet d’attentat déjoué par les services du renseignement français, qui pouvait correspondre à une réelle menace. Pas question de prêter le flanc à ceux qui accusent rapidement les opposants au projet de loi Renseignement de donner constamment dans l’interprétation paranoïaque des faits, même si le calendrier des arrestations médiatisées semblait particulièrement opportun, au moment où le Conseil constitutionnel rédige la décision qu’il rendra dans les prochains jours sur le projet de loi renforçant les pouvoirs des services de renseignement.

    Certes, pensions-nous, il y a parfois des coïncidences dans le calendrier.

    Comme ce projet d’attentat au musée du Louvre (par quelqu’un qui était en prison) révélé par le Parisien le 9 juillet 2014, le jour-même où le Gouvernement présentait en conseil des ministres le projet de loi de lutte contre le terrorisme.

    Comme cette arrestation médiatisée d’un recruteur de djihadistes le 11 septembre 2014, alors que l’Assemblée débutait l’examen du texte le 15 septembre.

    Comme cette note secrète de la DGSI concernant des attentats déjoués, qui fuite le 3 novembre 2014 alors que le 4 novembre, le Sénat devait adopter définitivement une loi anti-terrorisme.

    Comme cette conférence de presse organisée par Bernard Cazeneuve le 22 avril 2015 pour annoncer des projets d’attentats déjoués par les services de renseignement, quinze jours avant le vote du projet de loi Renseignement à l’Assemblée nationale.

    Comme ces attentats déjoués à Villejuif, annoncés le 8 juin 2015, la veille du vote du projet de loi Renseignement au Sénat.

    Mais ce ne sont que des coïncidences.

    Et même si Bernard Cazeneuve avait expliqué sur RTL qu’il ne fallait pas parler des projets d’attentats déjoués par ce qu’il « n’est pas nécessaire de parler de ce qui se fait et qui est de nature à protéger les Français« , il a depuis justifié un changement de politique de communication. « Lorsqu’il y a des faits graves, il est du rôle du gouvernement d’en informer les Français. On ne peut pas cacher la vérité aux Français, c’est ce que souhaite le gouvernement, c’est ce que souhaitent le président de la République et le Premier ministre et nous le faisons, ce travail d’information, en très étroite relation avec l’autorité judiciaire et notamment le parquet« , a ainsi expliqué cette semaine le ministre de l’intérieur. Dont acte.

    Ce n’est donc pas du tout pour faire pression sur un Conseil constitutionnel submergé d’argumentaires de censure de la loi sur le Renseignement que le gouvernement a permis que soit communiqué des informations sur le projet d’attentat déjoué, qui devait viser une base militaire de Fort Béar. Et que ce soit communiqué, notamment, le fait qu’ils utilisaient abondamment les réseaux sociaux et même des « forums chiffrés » pour communiquer ensemble avec des membres de l’Etat Islamique.

    Ce n’est encore qu’une coïncidence.

    Mais il y a tout de même un petit détail curieux qui nous a incité à sortir de la réserve que nous nous étions imposée. Une logique judiciaire et policière qui nous échappe. Si l’on en croit les déclarations du procureur de la République François Molins, l’attentat imaginé par des jeunes hommes de 16 à 23 ans qui étaient sous étroite surveillance aurait été prévu pour décembre 2015 ou janvier 2016. L’on croit comprendre que pour le moment aucun élément matériel de préparation de l’attentat n’a été mis au dossier. Il y a bien des paroles, beaucoup de paroles, des projets… mais rien de concret. Pas la moindre arme achetée, par exemple.

    Or pour être constituée pénalement, l’infraction de préparation d’un acte de terrorisme prévue par le code pénal demande que soit notamment démontré « le fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui« . Dès lors, pourquoi les services de renseignement qui avaient déjà ces individus sous étroite surveillance, et qui savaient visiblement qu’il n’y avait pas de menace immédiate puisque l’attentat était prévu dans six mois, ont-ils décidé de passer à l’action maintenant et de le faire savoir, plutôt que d’attendre le moment où les armes nécessaires à l’attentat seraient effectivement obtenues ou activement recherchées ?

    Vraiment, un petit quelque chose dont la logique nous échappe. Une idée ?

    Publié par Guillaume Champeau, le Vendredi 17 Juillet 2015

    http://www.numerama.com/magazine/33711-attentat-dejoue-ce-tout-petit-quelque-chose-d-illogique.html

    SUR LE MÊME SITE :

    http://www.numerama.com/f/138743-t-un-site-de-rencontre-adultere-americain-pirate.html

    C’est pas « justice soi-même », c’est « morale soi-même »…

    C’est bien gentil tout ça, mais quand les hackers vont-ils s’attaquer au système financier ??

  • Les journalistes, chouchous de l’État

     la preuve par les chiffres

    Vous voulez savoir pourquoi les journalistes des grands médias sont alignés parfois contre toute logique, avec la plus grande des mauvaises foi, négligeant rapports et documents pris au sérieux et étudiés par la presse étrangère ? Vous aimeriez savoir pourquoi en France nous avons une caste médiatique qui ferait le bonheur d’une république bananière ? Vous avez sans doute une idée… Mais avec quelques chiffres, tout s’éclaire .

    TVA à 2,1%, 7650€ d’abattement fiscal, exonération de l’ISF, les cadeaux aux journalistes

    EXTRAITS

    … »Nos gouvernants qu’ils soient de droite ou de gauche, sont dans le même courant, ils pensent ainsi pareil que dans les rédactions. Ils essaient suivant le parti soit de les récompenser ou de les acheter, au nom de la liberté d’informer. Donc on les arrose de subventions, auquel cas aucun de ces médias ne survivraient, et puis on leur donne des avantages mais surtout, on les tait.

    Ainsi, les journalistes «déduisent donc un premier montant de 7 650 euros de leur rémunération nette de cotisations sociales, puis opèrent la déduction forfaitaire de 10 % sur le montant restant. Puisque cette somme de 7 650 euros est réputée constituer une allocation pour frais d’emploi utilisée conformément à son objet, les journalistes sont censés réintégrer en contrepartie dans leur revenu imposable les allocations pour frais d’emploi réellement versées par l’employeur. Toutefois, comme l’administration plafonne à 3 430 euros cette réintégration, le journaliste est toujours gagnant…

    Ainsi, un journaliste dont la rémunération fixe est de 40 000 euros nets et se fait rembourser en sus 10 000 euros de frais de réception, transport, documentation, cadeaux…, aura perçu 50 000 euros et se retrouvera au final imposé sur : 40 000 + 3 430 – 7 650 = 35 780 – 10 % = 32 202 euros. » 

    « Et comme le législateur aime vraiment les journalistes, il leur offre une petite douceur supplémentaire, à savoir l’exonération totale de l’indemnité spécifique de licenciement à l’initiative de l’employeur. Indemnité qui, rappelons-le, s’élève au moins à un mois de salaire par année d’ancienneté… »

    Oui il y a vraiment quelque chose de bien pourri dans la République, la connivence des pouvoirs.

    Mike Borowski

    SOURCE DE L’ARTICLE :

    http://lagauchematuer.fr/2015/03/25/tva-a-21-7650e-dabattement-fiscal-exoneration-de-lisf-les-cadeaux-aux-journalistes/

  • "Yacoub, 27 ans, Libyen"

     par Caroline Sédrati-Dinet

    19 juillet 2015 | Par La Chapelle en Lutte

    « Depuis 2011, j'ai souffert. Avant je n'avais jamais souffert. Peut-être que je vais continuer à souffrir ? Peut-être que c'est mon chemin de vie ?

    Tout le monde connaît Yacoub, son bonnet rasta, son humeur égale, sa nonchalance active. Il est devenu une « figure » des migrants de La Chapelle, sollicité par tous, toujours disponible pour assurer une traduction de l'arabe vers le français qu'il parle quasi parfaitement, pour aider à la distribution de nourriture, pour répondre aux journalistes... Mais pas grande gueule, la voix très douce. De grands yeux. Et un large sourire quand la fatigue s'éloigne.

    Yacoub est né à Sabah, une grande ville située dans une zone désertique à 650 km au sud de la Libye. C'est un Amazigh – un Amazigh noir alors que cette ethnie est majoritairement blanche. Un peuple discriminé : « Nous, les Amazigh noirs, n'avons jamais été considérés comme des Libyens, nous n'avons aucun droit, il n'y a pas d'école pour nous. Quand il y a un Noir tué en Libye, c'est un Amazigh ».

    Yacoub s'en sort bien. Il n'a jamais été à l'école publique de son pays mais, pendant six ans, sa famille lui paie des cours du soir (30 dinars par mois) pour apprendre l'anglais et le français. Parallèlement, il commence à travailler dans des hôtels de Tripoli. « Il n'y a pas beaucoup de touristes en Libye mais, petit à petit, je suis devenu un guide reconnu, on savait que je faisais tout pour mes clients et on réservait mes services longtemps à l'avance ». En période creuse, il s'occupe d'un magasin de téléphones avec son grand frère qui a ouvert une boutique. « Je fais ma vie, je gagne un bon salaire, entre 6000 et 10 000 dinars par mois [soit 4 à 6000 euros environ au cours actuel, NDLR]. A l'époque, tout le monde a de l'argent en Libye… »

    Début 2011 : la première guerre civile libyenne provoque l'effondrement du pays. Face au soulèvement populaire et à l'intervention occidentale qui se profile, le chef d’État Mouammar Kadhafi multiplie les promesses afin d'obtenir le soutien des diverses tribus du pays : « Aux Amazigh noirs, il promet des papiers. Nos anciens se réunissent. Ils pensent que la guerre ne va pas durer et décident que notre jeunesse doit aider Kadhafi pour acquérir les droits que leurs ancêtres n'ont jamais eus ».

    Réticent, Yacoub, revenu à Sabah du fait de l'instabilité politique dans la capitale, se plie à la décision des aînés et rejoint en bus l'armée du « Guide de la Révolution » à Tripoli. On lui donne une tenue avec des armes. Pas d'entraînement. Sa mission : patrouiller dans la ville en 4*4 pour repérer les nombreux migrants et réfugiés (soudanais, éthiopiens, somaliens…) qui souhaitent traverser la Méditerranée. La Libye est alors le principal pays de transit vers l'Europe pour des dizaines de milliers d'Africains. Les négociations pour aboutir à un accord avec les Européens pour régler la question migratoire ne sont plus d'actualité. Cette fois, ripostant aux menaces d'ingérence de l'Occident, Kadhafi « ouvre les vannes » de l'immigration : il affrète des bateaux gratuits et les volontaires au départ, cinquante dollars en poche, quittent le pays. « J'ai embarqué des milliers de personnes avec la consigne de chanter tout au long du trajet : « Allah Wa Mahama Wa Libya Wabes » (« Dieu et Kadhafi protègent la Libye ») ».

    Fin août 2011, après plusieurs offensives et contre-offensives, la prise de Tripoli par les opposants à Kadhafi entraîne la fuite du chef d’État. « Les rebelles prennent le pouvoir, ils contrôlent tout, ils cherchent les soutiens de Kadhafi. Je me cache dans la ville pilonnée par l'OTAN : la terre tremble, elle s'ouvre, elle balance comme si c'était la mer ». Il y a cette femme, à la fenêtre d'un immeuble, au sixième étage. Il la regarde. Sous le coup des bombes, l'immeuble s'effondre. Le regard de la femme qui tombe…

    « La ville entière est en guerre, les banques sont volées, les magasins pillés, il n'y a plus rien à manger. Plus personne ne connaît personne… On vit une vie, je ne sais comment le dire… On prend des armes pour se défendre. On ne dort jamais, on a peur de mourir bombardés par l'OTAN. Des civils qui n'ont rien à voir avec la guerre sont massacrés, il y a des cadavres dans les maisons, des femmes enceintes sont brûlées vivantes… La Libye est un volcan ».

    La première guerre civile s'achève en octobre 2011. Mais la situation politique reste extrêmement fragile, avec de nombreux combats de rue entre factions rivales. Le grand frère de Yacoub est militaire dans l'armée libyenne depuis 2009 – ce qui lui a permis d'acquérir des papiers dès cette époque. Fin 2014, dans un contexte où la guerre civile a repris entre deux gouvernements rivaux et plusieurs groupes djihadistes, il est accusé de trahison, déserte et entame une vie clandestine avec sa jeune épouse. Yacoub lui apporte à manger secrètement. A son tour, des soldats rebelles le repèrent et découvrent qu'il a lui aussi servi sous les ordres de Kadhafi. Avec ses deux jeunes sœurs de 7 et 9 ans, il rejoint son frère et sa belle-sœur dans leur cachette. « On est là depuis une quinzaine de jours quand on entend du bruit dans la rue, des voitures, des voix qui parlent forts. Mon frère pense que ce sont les voisins, il va voir. J'entends : « On va te tuer ! Dis nous où est ton petit frère ! » »

    Yacoub s'enfuit par une fenêtre avec ses deux sœurs, sa belle-sœur préfère rester sur place. Dans la cour, ils se glissent tous les trois dans des toilettes extérieures – impossible d'aller plus loin, au-delà, c'est la mer. « On entend du bruit, les soldats fouillent. Par la protection de Dieu, ils ne nous voient pas ». Ils restent terrés dans ce réduit, sans nourriture, juste l'eau de la cuvette pour étancher la soif, qu'ils boivent à l'aide du tuyau de la chasse d'eau qui fait office de paille. Trois jours. Et puis « ma petite sœur, elle est malade, elle est morte dans mes bras ». De ce moment, il garde une trace indélébile sur la lèvre inférieure, une dépigmentation qu'il associe à l'eau viciée bue là-bas. Une marque qui le rattache pour toujours à cet instant.

    « Alors il faut qu'on sorte. On sort, il n'y a plus personne. Je pars vers l'hôpital. Je laisse mes deux sœurs, celle qui est morte, celle qui est en vie. Je suis dans un état très grave. Je croise une femme et je lui demande de m'aider, je dois téléphoner. Elle veut me donner 10 dinars pour acheter une carte de téléphone mais je n'ai plus la force de marcher. Elle s'en va. J'ai peur et je me cache plus loin. Elle me retrouve avec une carte mais mon téléphone est déchargé. Finalement quelqu'un me prête son portable et j'appelle un cousin. Il est soulagé d'apprendre que je suis en vie, il m'informe que mon grand frère est en prison, que ma belle-sœur a été violée... »

    Yacoub se réfugie avec trois autres hommes « dans un bâtiment en ruine, tu ne penses même pas qu'il peut y avoir quelqu'un qui vit là tellement il est en ruine ». Un rendez-vous est fixé en pleine nuit, trois jours plus tard, pour embarquer vers l'Europe. « On a peur, on est méfiant, on attend d'être sûr de reconnaître la personne qui vient nous chercher en voiture pour sortir de nos cachettes ».

    Mi-avril. Vers 3 heures du matin, le bateau largue les amarres. 160 personnes à bord. « Le premier jour, je suis vraiment content. Puis la situation devient très tendue : dès le deuxième jour, il n'y a plus rien à manger et bientôt juste l'eau de la mer à boire. Il y a aussi des problèmes de gazoil, de moteur… ». Il y a encore cette femme déchirée qui jette à la mer son nourrisson décédé pour éviter les risques sanitaires sur un bateau surpeuplé.

    Dans ce contexte, des dissensions apparaissent entre les quatre Libyens et les migrants soudanais et érythréens, largement majoritaires et peu enclins à se montrer amènes avec des ressortissants d'un pays qui les a maltraités. « Pour me protéger, je descends dans la soute, c'est très dur, il fait chaud, ça sent l'essence ». Il y rencontre Abdou, un Soudanais, qui lui tend une lame de rasoir – dans ce contexte, un geste salvateur, qui cèlera leur amitié jusqu'en France, car Yacoub peut couper ses longs dreadlocks. Ne plus être reconnu, se fondre dans la foule.

    Le sixième jour, le soir. Des lumières apparaissent au loin. Puis des maisons, des voitures qui circulent. « Et il y a des humains, comme nous. Au bout de la mer, le bateau s'arrête ». Yacoub ne le sait pas mais il est en Italie. Avec les autres migrants, il court, il court sans chaussure – il n'en a plus depuis longtemps –, sans rien dans le ventre depuis cinq jours.

    « Il y a un restaurant, des gens vont à notre rencontre, ils enlèvent leurs chaussures, leur chemise, ils nous donnent leurs vêtements, ils nous nourrissent ». Les Italiens sont prêts à les accueillir. Mais les migrants ont peur de la police, d'être renvoyés en Libye, de revivre tout ça. Dans l'heure qui suit, une soixantaine d'entre eux se rend à la gare toute proche et monte dans le premier train. « Je suis très fatigué, mon corps est comme un cadavre, mais si je meurs autant mourir ici ».

    Encore trois jours d'errance : Yacoub change de train, change et change encore. Ils ne sont plus qu'une petite trentaine de migrants désormais. Et puis c'est la France, « on ne savait même pas qu'on avait passé la frontière ». Sur les indications d'un voyageur, le prochain train sera pour Paris. Une fois arrivé, un Soudanais rencontré à la gare accompagne le groupe jusqu'au campement sous le métro aérien situé à la station La Chapelle. La plupart des compagnons de Yacoub continueront leur route vers l'Angleterre. « Moi je préfère rester ici, je peux enfin me poser un peu ».

    Quelques jours plus tard, le 2 juin, le campement de La Chapelle est évacué. Yacoub est conduit dans un hôtel au Blanc-Mesnil (93). « C'est la première fois depuis longtemps que je peux dormir, vraiment dormir… » Revers de la médaille : il n'y a pas de nourriture. Quelques jours sans manger, ou presque : faute d'une autre solution, le 8 juin, il rejoint avec d'autres la Halle Pajol (Paris 18e), nouveau campement improvisé dans le quartier de La Chapelle, où il espère pouvoir s'alimenter.

    Sandwiches au thon, tomates… : il y a de quoi se sustenter grâce aux dons des habitants du quartier. Mais, à partir de midi, des CRS arrivent en nombre. Vers 16h, les migrants sont expulsés des lieux dans la violence et poussés avec force dans des bus. « Le nôtre tourne un peu dans le quartier, puis nous laisse dans une rue pas loin. On retourne au Blanc-Mesnil où le Secours catholique finit par ravitailler l'hôtel ». Mais déjà les migrants doivent laisser leur place. Un bus est affrété en direction du centre d'accueil et de soins hospitaliers (CASH) de Nanterre (92). « C'est un endroit très sale, j'ai peur de tomber malade ». Les repas sont composés de biscuits – avec du lait à midi.

    11 juin. Yacoub et les autres migrants doivent quitter le centre de Nanterre. Que faire, sinon retourner à La Chapelle ? « Aucun d'entre nous ne connaît le chemin, on s'arrête à chaque station de RER pour voir où on est et ça nous prend la journée ». Leur retour coïncide avec la manifestation qui suit le départ des migrants du Bois-Dormoy (Paris 18e), où ces derniers avaient élu domicile quelques jours, et l'occupation de la caserne des pompiers désaffectée de Château Landon (Paris 10e), là encore réprimée par les CRS.

    Il faut trouver un endroit où dormir. Ce sera la première nuit passée au jardin d'Eole (Paris 18e). En quelques jours, le campement s'organise avec le soutien d'habitants du quartier et de militants. « Enfin, un lieu où on mange bien ». Une scène toute simple ravive le souvenir de sa vie d'avant : le 18 juin, lors de la rupture du jeûne du premier jour du ramadan (qu'il a décidé de ne pas faire cette année compte tenu de sa situation), des migrants assis en cercle par terre partagent un plat de nourriture. « Depuis que je suis né, c'est comme ça que j'ai mangé. Depuis 2011, j'avais perdu cette image, je me sens vraiment ému ».

    Le lendemain, vendredi 19 juin, environ deux cents places d'hébergement à Paris et en banlieue sont « proposées » par l'OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) et des associations du secteur, comme Emmaüs Solidarité. Les migrants sont encerclés par la police. Pas le choix, pas le temps de réfléchir. Yacoub est emmené en bus dans un centre proche de la Place d'Italie. « On est seize par chambre, il n'y a rien à manger avant 20h et je n'ai pris aucune nourriture depuis la veille, je préfère m'enfuir ».

    Retour à la case départ. Après quelques nuits précaires, un campement se forme de nouveau sur la halle Pajol. Yacoub y dort parfois. Mais certains soirs, il est désormais hébergé par un ami soudanais d'Abdou, à quatre stations de métro de La Chapelle. Il préfère cette solution à celles proposées par les pouvoirs publics. Il n'est monté dans aucun bus, le 9 juillet, lors de l'opération – menée sur le modèle de celle du jardin d'Eole quelques semaines plus tôt mais sans menace policière, cette fois – proposant 200 places d'hébergement nouvelles.

    « Je suis le premier de ma famille à avoir mis les pieds en Europe. Est-ce que c'est une bonne chose pour moi ? Ce que je vois, c'est que ma situation est toujours très difficile. Parfois je regrette d'être venu ici. Parfois je regrette de ne pas être mort en Libye. Une chose est sûre : si je rentre dans mon pays, c'est la mort qui m'attend ». Deux jours plus tôt, le 12 juillet, Yacoub a appris celle de son grand frère en prison, sans doute sous la torture.

    Post-scriptum

    Yacoub souhaite solliciter le statut de réfugié en France. Il a fait une demande de domiciliation auprès de France Terre d'Asile, préalable à toute demande d'asile, mais les délais pour obtenir un rendez-vous sont de plusieurs semaines. En attendant, il apprend l'italien avec Annalisa, une bénévole d'origine italienne qui vient presque tous les jours au campement. « La Libye est une ancienne colonie italienne et l'Italie y est encore très présente – par exemple, l'arabe libyen a intégré beaucoup de mots italiens, j'aime cette langue ». Amazigh, arabe, anglais, français et bientôt italien : maîtriser cinq langues, est-c'est suffisant pour un nouveau départ ? « Pour l'instant, c'est trop compliqué pour moi de faire des projets, je n'ai rien décidé de ce que je ferai ensuite ».

    Portraits de Pajol, par Caroline Sédrati-Dinet