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DÉNONCER LE SEXISME ORDINAIRE

observatoire du 30/10/2014 par Robin Andraca

DÉNONCER LE SEXISME ORDINAIRE ET ÊTRE ACCUSÉ DE RACISME

Une vidéo virale américaine crée la polémique

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Après Bruxelles, New York. Une jeune Américaine se filme en train de marcher dans les rues de Manhattan, pour montrer le harcèlement de rue dont elle est victime quotidiennement. Une jeune étudiante flamande avait eu la même démarche, en 2012, en se filmant dans un quartier populaire de Bruxelles. Alors que ces vidéos souhaitaient attirer l'attention sur le sexisme ordinaire, elles sont toutes les deux taxées de racisme. 

Une polémique peut parfois en cacher une autre. Equipée de deux micros et d'une caméra (planquée dans un sac à dos quelques mètres devant), cette jeune femme souhaitait alerter l'opinion publique sur le harcèlement dont elle est victime quotidiennement. Et ça semble plutôt bien parti : postée sur Youtube par le collectif international Hollaback, qui lutte depuis des années contre le harcèlement de rue, la vidéo a déjà été vue plus de 15 millions de fois.

Sauf que. Sur Youtube, la jeune femme a été menacée de viol par plusieurs utilisateurs et la vidéo a été critiquée dans les médias. Slate et Salon se sont par exemple tous les deux penchés sur le phénomène et arrivent à la même conclusion : ce n'est pas seulement l'histoire d'une jeune femme harcelée verbalement par des hommes dans les rues de New York. C'est aussi (et surtout ?) la journée d'une jeune femme blanche harcelée par des hommes qui sont pour la plupart noirs ou latinos. Difficile, en effet, au vu de la vidéo, de leur donner tort.

FÉMINISTE OU RACISTE ?

Et ce n'est certainement pas la justification de Rob Bliss, directeur de l'agence marketing partenaire de cette opération, sur le réseau social Reddit, qui éteindra la polémique. "Nous avons eu une bonne quantité de Blancs, mais pour plusieurs raisons, beaucoup de ce qu'ils ont dit l'était en passant, ou hors-caméra. Du coup, leurs scènes étaient beaucoup plus courtes, mais leur nombre était à peu près le même", argue Bliss avant de développer : "Il y a parfois une sirène qui coupe la scène ou quelqu'un qui passe devant la caméra, on a donc dû travailler avec ce qu'on avait. Les villes sont bruyantes et remplies de gens qui passent devant la caméra, vous savez ?". Réponse de Hanna Rosin, qui tient un blog féministe sur Slate : "C'est peut-être vrai mais si au final il faut supprimer tous les passages avec des personnes blanches, autant faire une autre prise". 

Ce n'est d'ailleurs pas la première fois, Rosin le rappelle également, que l'agence de marketing est soupçonnée de racisme. Dans une vidéo destinée à promouvoir la ville de Grand Rapids, l'agence avait été vivement critiquée par un blogueur localpour avoir transformé une ville pauvre du Michigan, dont 20% de la population est noire, en un gigantesque spot de pub, où presque tous les acteurs sont blancs et semblent tout droit sortis des plus belles parades de Disney World (le lipdub de plus de 9 minutes, est visible ici pour les plus curieux).

Autre forme de critique : le très populaire site humoristique Funny or Die a aussi détourné le message de la vidéo, en mettant un scène un homme blanc qui marche silencieusement dans les rues de New York.

La vidéo féministe a (déjà) sa parodie

LE PRÉCÉDENT BELGE

En 2012, le film d'une étudiante flamande, qui prétendait aussi dénoncer le sexisme ordinaire, avait déjà suscité la critique en Belgique (et en France, où la vidéo avait été largement reprise par la plupart des médias). La raison ? Annessens, le quartier où a été tournée la vidéo, est principalement habité par la communauté maghrébine de Bruxelles. Interrogée à l'époque sur la chaîne de télévision flamande VRT, Sofie Peeters ne s'en cachait pas : "C'était l'une de mes grandes craintes, comment traiter cette thématique sans tourner un film raciste. Je ne le dis pas volontiers, mais il s'agit de personnes d'origine étrangère dans 95% des cas. Il y a une méconnaissance de nos cultures respectives. Les musulmans ont un comportement assez insistant par rapport à la sexualité : porter une jupe pour une femme, c'est déjà risqué". Taoufil Amzile, responsable de l'association belge des professionnels musulmans, avait réagi à ces propos, estimant que "ce type de comportement dépend de beaucoup trop de facteurs pour simplement le réduire à une question d'origine. Je ne pense pas qu'il existe de déterminisme à ce niveau-là".

ET EN FRANCE ?

"Envoyé Spécial" s'était penché, en mars 2013, sur ce sujet. La journaliste Virginie Vilar, équipée à son tour d'une caméra cachée et d'un micro, s'était rendue sur les Champs-Elysées à Paris et à Mantes-la-Jolie pour filmer les harceleurs de rue.

Interrogée en fin d'émission sur le profil de ces harceleurs, la journaliste estimait qu'ils étaient "surtout jeunes et majoritairement d'origine étrangère". Tout en s'interrogeant à demi-mots : "Ces jeunes parlent-ils de sexualité à la maison ? Quelle image ont-ils de la femme ? Est ce que c'est un mot tabou, la sexualité ? En tout cas, moi ce que j'ai ressenti, c'est qu'il y avait beaucoup de frustration, comme si pour eux, le fait d'aborder une inconnue dans la rue n'était pas si facile, et s'ils le faisaient toujours de manière maladroite, voire agressive".

L'occasion de relire notre papier : "Un film belge attire l'attention sur le harcèlement de rue".

 

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