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France - Page 21

  • Même la justice française condamne BHL…

    vendredi 26 avril 2013

    Depuis quarante ans, les élucubrations de Bernard-Henri Lévy lui ont valu les réprimandes et les sarcasmes d’intellectuels aussi divers que Raymond Aron, Pierre Vidal-Naquet, Gilles Deleuze, Pierre Bourdieu... Cela n’a nullement empêché le philosophe préféré des médias d’empiler les signes de reconnaissance de la bonne société et de multiplier les propos diffamatoires. Avec un argumentaire plutôt subtil : tous ses ennemis politiques seraient assimilables à des nazis...

    La liste des bourdes et des calomnies de notre intellectuel de parodie est longue et ancienne. Il a pour distinction de s’être à peu près trompé sur tout. Soucieux d’accomplir un travail de mémoire sur les impostures intellectuelles de BHL, Le Monde diplomatique a, il y a quelques années, regroupé et classé toutes ses calembredaines dans un dossier très détaillé.

    Mais rien n’y faisait. Les présidents français passaient (François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande), et chacun recevait Bernard-Henri Lévy à l’Elysée, comme si une telle charge relevait de son office au même titre que la désignation du premier ministre et la possession des codes nucléaires. Parfois, des présidents lui confiaient même une mission officielle ou semi officielle (en Bosnie dans le cas de Mitterrand, en Afghanistan avec Chirac, en Libye avec Sarkozy). Au risque pour la France d’embarrasser ses diplomates et de devenir (un peu) la risée des chancelleries monde entier.

    Le 23 avril 2013, la 17e chambre correctionnelle de Paris a cessé de rire. Dans un arrêt juridiquement remarquable, elle a reconnu Bernard-Henri Lévy « complice du délit de diffamation publique envers un particulier ». Et elle a estimé que Franz-Olivier Giesbert, qui avait publié le texte diffamatoire, s’était rendu, en qualité de directeur de la publication, « coupable » du même délit de diffamation publique.

    De quoi s’agissait-il ? D’un « bloc-notes de Bernard Henri-Lévy » publié par Le Point. Cet exercice hebdomadaire de BHL est devenu la lecture presque obligée de tous ceux — sociologues, anthropologues, historiens, humoristes — qui travaillent sur les réseaux de connivence en France. Notre philosophe y dispense en effet, sans la moindre distance ni la moindre ironie, les compliments à ses obligés — ou à ceux dont il attend quelque faveur. Symétriquement, il se montre tout aussi généreux de ses remontrances, voire de l’expression violente de son animosité, lorsqu’il parle de ses adversaires. En particulier de ceux qui ont démasqué ses diverses impostures.

    Au nombre desquels ... Le Monde diplomatique, un mensuel qui ferait partie « des chagrins de [l’] existence [de BHL] » depuis qu’il se serait mis « au service du pouvoir pétrolier ». Faute de temps sans doute, et de moyens aussi (ceux de Bernard-Henri Lévy sont considérables), Le Monde diplomatique n’a jamais répliqué sur le terrain judiciaire. Lorsque, le 23 décembre 2010, Bernard Cassen, ancien journaliste et directeur général du Monde diplomatique, a lu le « bloc-notes » de BHL dans Le Point, il a cette fois décidé de porter l’affaire devant les tribunaux.

    Pourquoi ? Parce que Bernard-Henri Lévy avait écrit ceci : « Viennent de se produire deux événements [...] considérables. [...] Le second fut ces Assises internationales sur l’islamisation de l’Europe organisées, quelques jours plus tard, à Paris, par le groupuscule néonazi qui s’était rendu célèbre, le 14 juillet 2002, en tentant d’assassiner Jacques Chirac et qui s’est allié, pour l’occasion, à un quarteron d’anciens trotskistes rassemblés sous la bannière du site Internet Riposte laïque. Il faut le dire et le redire : [...] présenter comme un “arc républicain”, ou comme une alliance entre “républicains des deux rives”, ce nouveau rapprochement rouge-brun qui voit les crânes rasés du Bloc identitaire fricoter, sur le dos des musulmans de France, avec tel ancien du Monde diplo, Bernard Cassen, est un crachat au visage [de la] République. »

    Impatient, peut-être même frénétique à l’idée de fustiger une nouvelle fois Le Monde diplomatique, Bernard-Henri Lévy avait tiré trop vite. Et commis une erreur grossière d’identification. Tel ce singe de la fable de La Fontaine qui avait pris le port du Pirée pour un homme (1), notre intellectuel avait en effet confondu Bernard Cassen avec… Pierre Cassen, fondateur du site Riposte laïque, effectivement proche de l’extrême droite.

    Mais il ne s’agissait que d’une « coquille », gémit BHL. Le tribunal lui répond de manière cinglante en lui reprochant un manque total de « sérieux » : « Il convient de considérer que l’évocation de Bernard Cassen, ancien journaliste et directeur général du mensuel Le Monde diplomatique [...] au lieu et place de Pierre Cassen relève davantage d’une insuffisance de rigueur et d’une carence de fond, que de la simple “coquille” invoquée en défense. »

    Et la 17e chambre correctionnelle précise : « Pour l’ensemble de ces motifs, le bénéfice de la bonne foi ne saurait être accordé [à BHL] et, par voie de conséquence, Franz-Olivier Giesbert ne saurait en bénéficier. »

    La sévérité de la justice — qui aligne dans ses attendus les appréciations peu flatteuses pour le directeur et pour le chroniqueur du Point : absence de sérieux, insuffisance de rigueur, carence de fond, manque de bonne foi... — s’explique assurément par la gravité de la faute commise par Franz-Olivier Giesbert et par BHL, son « complice ». Comme le note le tribunal : « L’alliance explicitement imputée à Bernard Cassen avec un groupe politique présenté comme véhiculant une idéologie gravement attentatoire aux valeurs républicaines et comme ayant tenté d’assassiner le chef de l’Etat le jour de la fête nationale de 2002, constitue un fait précis, dont la vérité est susceptible d’être prouvée, et qui porte atteinte à son honneur et à sa considération. »

    Les deux prévenus, reconnus « auteur et complice du délit de diffamation publique envers un particulier », sont condamnés chacun à une amende de 1 000 euros « qui, pour Bernard-Henri Lévy — dont le casier judiciaire ne porte trace d’aucune condamnation, à la différence de Franz-Olivier Giesbert — sera assortie du sursis ».

    Et la publication de cette décision devra paraître dans un prochain numéro du Point, « au pied du “bloc-notes” de Bernard-Henri Lévy [...] dans un encadré, et sous le titre écrit en caractères majuscules et gras de 0,4 cm de hauteur CONDAMNATION JUDICIAIRE . Les deux complices devront par ailleurs payer les frais d’insertion de la publication de la décision qui pourfend leur diffamation dans deux organes de presse choisies par le plaignant.

    D’ores et déjà, Le Monde diplomatique se porte candidat à la publication dans ses colonnes de cette réjouissante décision de la justice française.

  • Fraude à la gelée royale ?

    ALIMENTATION

    Après le scandale de la viande de cheval, la fraude à la gelée royale ?

    PAR IVAN DU ROYSOPHIE CHAPELLE (18 AVRIL 2013)

    La gelée royale, ce complément alimentaire riche en vitamines, fait-elle l’objet de pratiques commerciales douteuses ? 98 % de la gelée royale vendue en France est importée d’Asie, principalement de Chine. Recours à des antibiotiques interdits, congélations à répétition, nourriture artificielle : le flou qui règne sur la traçabilité de certains produits risque d’entacher l’image de toute la filière, y compris bio. D’autant qu’une étude réalisée par des apiculteurs français vient jeter le trouble.

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    La gelée royale, cet aliment fabriqué par les abeilles nourricières pour leur reine, est réputée pour ses qualités nutritives, riches en vitamines et en oligoéléments. Vendue via des sites Internet entre 10 € et 30 € les 25 grammes, la gelée royale, certifiée bio de préférence, est aussi un marché lucratif. Certains sites mettent en avant le « made in France », quand d’autres jouent sur la production familiale locale « depuis plusieurs générations », telles les marques « Ruchers de Lorraine », Famille Mary, « apiculteur depuis 1921 », ou ces vendeurs qui se présentent comme « apiculteurs de père en fils à Bourg Saint Maurice » (Savoie). Bref, une gelée royale qui fleure bon le terroir et la production artisanale. En tout cas rien ne laisse présager le contraire.

    Et c’est bien ce qui met en colère les apiculteurs du Groupement des producteurs de gelée royale (GPGR). Sous contrôle d’huissier, ils ont réalisé leur propre enquête. Ils ont commandé des pots de gelée royale sur 34 sites internet différents, puis ont fait procéder à l’analyse des pollens afin de déterminer leurs origines exactes. Selon les résultats, 98 % de la gelée royale vendue en France, sur internet et par correspondance, serait importée d’Asie, et surtout de Chine [1]. Les résultats, assortis du nom des marques et des appréciations du GPGR, viennent d’être mis en ligne.

    Et ce n’est pas très flatteur pour plusieurs marques. La gelée royale des « Ruchers de Lorraine » viendrait ainsi de Chine, et l’étiquetage, selon le commentaire du GPGR, comporterait des « informations visant à tromper le client sur l’origine et/ou la congélation ». Les « apiculteurs de père en fils à Bourg Saint Maurice » importeraient également de Chine leur gelée royale qui n’aurait donc rien de savoyard. D’autres sites précisent bien un « produit d’importation » sans davantage de détails.

    L’appréciation du GPGR :

    « Il y a une volonté de cacher l’origine, estime Rémy Pélissier, producteur dans le Berry et co-fondateur du GPGR. Elle est toujours marquée dans un coin, en tout petit. Mais ce qui nous met la puce à l’oreille c’est le prix ». La gelée royale importée est en effet vendue 40 fois moins cher sur le marché de gros que celle produite par le GPGR. « Pour le consommateur, la différence de prix varie du simple au double, précise Rémy Pélissier. C’est un marché très juteux pour les conditionneurs, c’est là qu’ils se font la marge ». Une différence de prix derrière laquelle se profileraient des conditions de production très différentes.

    Ce poids extravagant des importations de gelée royale, Benoit Mary ne le dément pas. Il dirige la société Famille Mary qui produit ou commercialise entre autres du miel et de la gelée royale bio, certifiée par Ecocert. En cause, selon lui : les difficultés de produire de la gelée royale bio en France. « C’est impossible de la produire ici pour des questions de surface », explique-t-il.« Cette production ne peut être ici que marginale pour des raisons à la fois climatiques, environnementales et économiques. Les Chinois ont une tradition de production et de consommation, au même titre que le thé ou le ginseng. Importer d’Asie, c’est uniquement une question d’approvisionnement. » Sa gelée royale vient de Mongolie, produite à 2 000 mètres d’altitude. « Là il y a des zones de 25 km2 avec des plantes exclusivement en bio. » Il assure s’y rendre chaque année pour contrôler la qualité de la filière mongole.

    Des abeilles nourries à la farine de soja

    Reste que l’Asie est vaste. Et tous les revendeurs ne prêtent pas forcément autant d’attention au parcours du produit. L’apiculteur Rémy Pélissier a eu l’occasion de se rendre à Taïwan, réputée pour proposer une gelée royale de qualité. Sur place, il observe les pratiques de producteurs, visite des centres de recherche et des unités de conditionnement. Et constate que les apiculteurs asiatiques nourrissent leurs abeilles avec de la farine de soja... Des protéines que les abeilles ne vont pas butiner naturellement ! « Au GPGR, nous utilisons seulement les produits de la ruche, à savoir le miel et le pollen, pour nourrir les abeilles. En Chine, ils utilisent des produits moins chers que ceux de la ruche, comme la levure de bière ou le sirop de sucre, pour pousser à la production ».

    Pour Benoit Mary, il s’agit là d’une « minorité de producteurs ». « Nos abeilles sont nourries avec du pollen soumis au cahier des charges bio. Notre gelée royale est très contrôlée et fait l’objet de nombreuses études de cohérences », assure-t-il. Réponse similaire du côté du site « Belle et bio », mis à l’index par le GPGR pour ses indications et mentions d’origine « difficiles à trouver ». « C’est bien un produit d’importation. Mais nous ne cherchons pas à tromper le consommateur car cela est bien marqué sur notre site », nous répond Flora Hinaut, responsable de la société. « Tous nos échantillons envoyés en laboratoire nous sont toujours revenus aux normes en conformité avec le label Ecocert », ajoute-t-elle.

    Pour les produits non bio, le flou règne. D’autant que plusieurs problèmes sanitaires entachent la filière. Contrairement à ce que spécifie la charte du GPGR, les produits de la ruche d’origine chinoise ont déjà été traités aux antibiotiques. En janvier 2002, la Commission européenne décide d’un embargosur le miel et la gelée royale provenant de Chine, qui contenaient des résidus de traitements d’antibiotiques interdits en Europe. Depuis la levée de l’embargo en 2004, des lots de gélules de gelée royale en provenance de Chine ont étéinterceptés, notamment en Grande-Bretagne et en Slovénie en 2008. Ils contenaient du chloramphénicol, un antibiotique interdit en Union européenne dans les produits d’origine animale. « Notre gelée royale est tracée et est garantie pure auprès de tous nos clients, répond à ce sujet Benoit Mary. Les analyses réalisées garantissent la non présence de contaminants d’antibiotiques apicoles. »

    Congélations multiples

    Des congélations et décongélations successives seraient également couramment pratiquées par les nombreux intermédiaires avant la vente. « Sitôt la gelée royale extraite, l’apiculteur asiatique la congèle », a pu constater Rémy Pélissier lors de son déplacement à Taïwan. « On a fait une tournée sur l’île : quand on a ramené les lots le lendemain à l’usine, ils étaient largement décongelés. Avant d’être recongelés pour l’exportation et d’arriver décongelés en Europe, puis conditionnés en France. » Le producteur français a compté jusqu’à cinq congélations et décongélations successives ! Des pratiques qui pourraient, selon le GPGR, altérer la composition de la gelée royale. Raison pour laquelle ses adhérents s’engagent à mettre au froid la gelée royale immédiatement après récolte, sans subir aucune congélation.

    « Il n’y a aucune preuve que la congélation abîme le produit, indique de son côté Benoit Mary. Les analyses que l’on a réalisées en laboratoire montrent que la congélation contribue à conserver les vitamines, notamment B5, et tous les bienfaits de la gelée royale. Il n’y a aucun risque sur le plan bactériologique. Je préfère que la gelée royale soit congelée plutôt que d’y ajouter des conservateurs. » Certaines sociétés, qui commercialisent la gelée chinoise, la qualifient cependant de produit « frais ». Cette mention ne peut légalement être utilisée seulement pour les produits dont la durabilité n’excède pas 30 jours. Problème : les dates limites d’utilisation optimale diffèrent fortement entre la gelée royale produite en France et celle qui est importée : 18 mois pour le GPGR contre cinq ans pour la gelée importée.

    La société Belle et Bio affiche ainsi la mention « fraîche », sans préciser sur son site qu’il s’agit d’un produit congelé. « Je ne pense pas qu’il y ait de soucis à ce niveau-là. Au niveau réglementaire, tout est bon », confie la responsable de la société à Basta !. En mars 2012, l’un des plus gros importateurs français de gelée royale, le laboratoire Cevrai FCV, spécialisé dans le marché des compléments alimentaires, a pourtant été sanctionné pour cette raison. Et a été condamné pour tromperie. « Selon la direction des fraudes, et d’après un arrêté du 9 mai 1995, le laboratoire ne pouvait pas appliquer le qualificatif de “fraîche” à un produit ayant subi un processus de congélation et de décongélation »,rappelle le journal Le Dauphiné. Épinglée en 2008, la société avait dû aussitôt rectifier son étiquetage.

    Traçabilité insuffisante

    Malgré ces cas de fraudes, il n’existe toujours pas aujourd’hui de traçabilité systématique pour la gelée royale importée. « La date de récolte est souvent inconnue et on n’a qu’une vague idée de ce qui est importé en France », relève Rémy Pélissier. Il estime la production venue de Chine à environ une centaine de tonnes, soit des revenus potentiels de 40 millions d’euros pour des pots de 25g vendus 10 € minimum. A côté, la production du GPGR ne pèse qu’un peu plus de 2 tonnes. « Aujourd’hui, la législation oblige simplement à indiquer que la gelée royale est importée. Ce que nous voulons, c’est que le pays d’origine soit mentionné très clairement sur l’emballage afin qu’il soit facilement identifié par le consommateur. » Les producteurs demandent également à ce que la congélation ou non du produit soit précisée.

    Face à des pratiques commerciales qu’il juge « trompeuses », le GPGR compte de plus en plus d’adhérents. Treize ans après sa création, le groupement rassemble aujourd’hui 90 apiculteurs dans toute la France. « La production de gelée royale a permis pas mal d’installations, note Rémy Pélissier. Elle passionne beaucoup d’apiculteurs et permet de s’installer sans trop d’investissements ». En levant le voile sur l’origine des gelées royales importées, le groupement espère pouvoir valoriser sa production de proximité. Et contribuer à davantage de « transparence » dans une filière où la marge pour les intermédiaires est extrêmement généreuse entre l’achat de gros et la revente en boutique spécialisée. Les problèmes de manque de surfaces et d’obstacles à la certification bio, soulevés par Benoît Mary, demeurent cependant cruciaux.

    Sophie Chapelle et Ivan du Roy

     

  • Qui a peur des perturbateurs endocriniens ?

    cosmetiques

    S’il fallait faire un remake de Psychose en 2013, l’assassin se trouverait peut-être dans la douche cette fois ! Certes, les perturbateurs endocriniens ne tuent pas, ils se contentent d’exercer une action hormonale… y compris à des doses infimes. Mais après la publication de notre enquête sur la présence de perturbateurs endocriniens dans 66 produits cosmétiques et d’hygiène, il est probable que vous regardiez désormais votre gel douche ou votre déodorant d’un autre œil.

    L’Organisation mondiale de la santé ou le Programme des Nations unies pour l’environnement considèrent les perturbateurs endocriniens comme une menace pour la santé et l’environnement. Leur impact sur la fertilité ou sur les troubles neurocomportementaux ont déjà de quoi inquiéter. A long terme, ils sont aussi soupçonnés d’induire certaines formes de cancer hormono-dépendants, mais aussi le diabète de type 2, la maladie d’Alzheimer ou l’obésité.

    Mais les fabricants n’en ont cure, et ces substances ont littéralement envahi notre salle de bains ! Conservateurs, antibactériens, filtres solaires, émollients… Vous reprendrez bien un peu de triclosan (un conservateur susceptible d’agir sur la thyroïde) dans votre dentifrice ? Il vous sera en tout cas difficile de snober le propylparaben, que nous avons retrouvé dans 28 des 66 cosmétiques analysés. Et impossible de se fier complètement à l’étiquetage : si les molécules précisées dans certaines listes d’ingrédients ne se retrouvent pas toujours dans le produit, il arrive aussi qu’une substance non signalée soit décelée dans le flacon !

    Sans compter que nous utilisons la plupart du temps plusieurs produits d’hygiène qui contiennent des substances dont les effets s’additionnent (gare à l’effet cocktail !). Ainsi, le triclosan a été trouvé dans des teneurs acceptables dans des dentifrices ou des déodorants pris isolément… mais la plupart des consommateurs utilisent ces deux produits, et bien d’autres encore !

    Alors que la Commission européenne s’apprête à publier sa stratégie sur les perturbateurs endocriniens, une initiative appuyée de la France en la matière serait la bienvenue. L’approfondissement des recherches et un encadrement réglementaire plus strict (notamment sur les formulations et l’étiquetage) s’imposent… Sans pour autant céder à la psychose.

    1. Le 13 avril 2013 à 20:34, par restons simples
       

      Une règle simple, hommes femmes enfants ont-il besoin de tous ses produits des temps nouveaux. Dans les années 80, à la maternité, la règle était le persavon, rien d’autre mais à la sortie du séjour était distribuée une panoplie d’échantillons… du lait et autres cosmétiques pour le bébé et la maman pas encore pour le papa… tout ça est parti à la poubelle car pourquoi nous dire une chose pour ailleurs, nous encourager à une autre… tous ces produits n’apporte rien à notre quotidien, un pain de savon… rien d’autre devrait satisfaire les besoins de la toilette… et de sentir bon toute la journée… après si vous souhaitez vous empoisonner et empoisonner votre famille, vous achetez et utilisez tout le reste… mais maintenant vous savez ce qu’il va vous arriver à les utiliser… il suffit de ne pas les acheter et vous rendrez les industriels un peu plus soucieux de votre santé.

       
    2. Le 14 avril 2013 à 1:44, par Chantal
       

      Dans son livre « Le livre antitoxique, » chez Fayard, le Dr Laurent Chevallier, nutritionniste, spécialiste de médecine environnementale, attaché au CHU de Montpellier, estime que le prix à payer pour la santé de nos enfants sera élevé.

      Les perturbateurs endocriniens sont partout, dans des milliers de produits de consommation courante. Mais pour le Dr Laurent Chevalier, « ce n’est pas la dose qui fait le poison, mais le moment de l’exposition. »

      La période embryonnaire est une période de vie d’une extrême vulnérabilité. Si on est exposé par le biais de la grossesse à ces perturbateurs endocriniens il peut y avoir des conséquences par la suite. Il faut également faire lors de la petite enfance, entre 0 et 6 ans.

      Les perturbateurs endocriniens modifient l’action d’un certain nombre d’hormones. Soit ils vont limiter l’action des hormones, soit ils vont entraver leur action.
      http://www.franceinfo.fr/sciences-sante/info-sante/les-dangers-du-bisphenol-a-946211-2013-04-09

      On trouve en fin d’ouvrage un guide antitoxique pour se repérer au quotidien.

  • LE "POPULISME", C'EST QUOI ?

    chronique le 18/04/2013 par Judith Bernard

    Enquête sur un mot piège...enu reconnu d'Utilité Publique Ce contenu a été voté "d'utilité publique" par nos abonnés, ou sélectionné par la rédaction pour être gratuit. Il est eporairement accessible à tous, abonnés et non abonnés

    Alors que le terme «populiste» circule dans la parole publique comme une invective dont le sens serait admis par tous, il n’est pas inutile de se demander d’où nous tenons ce sens prétendument évident: la une du Monde de dimanche dernier sert de point de départ à une petite enquête lexicale qui fait apparaître que l’usage public de la notion s’est établi, depuis une décennie, dans un horizon sémantique éminemment discutable, que Le Monde, dans ses colonnes, se garde bien de discuter.

    Voilà que les «populistes!» sont partout… Mélenchon était abonné depuis un moment à ce procès-là, et avec lui tous les contestataires de l’ordre politique en place, mais voici que le reproche grimpe jusqu’à toucher le sommet du pouvoir : le président Hollande, avec sa nouvelle lubie de la transparence imposée à ses ministres, se retrouve souillé de la même infamie, sa stratégie pointée du même doigt accusateur : «populisme?».

     

     Le point d’interrogation que Le Monde a la charité de laisser traîner ne fait guère illusion – ce mot lâché fait boule puante, avec ou sans ponctuation suspensive il salit son objet d’une odeur persistante, et voici le président himself tout empoissé de l’opprobre «années 30»

    Car les deux qualifications vont ensemble – dire l’une c’est suggérer l’autre, l’attelage n’a pas besoin d’être explicite pour être opérant, c’est toute une petite charrette qui va son chemin dans l’imaginaire, dans des zones un peu sombres où elle s’aventure d’autant plus loin que personne ne sait exactement comment la décrire, de quoi elle est faite et ce qu’on veut dire par là au juste.


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    POUR UNE DÉFINITION ACADÉMIQUE – OU QUAND MON BON VIEUX ROBERT SÈCHE.

    Ce qu’on veut dire par là? Le "vieux" dictionnaire ne m’est pas ici d’un grand secours : mon fidèle Robert de 1996 ne reconnaît à l’item "populisme" que la définition d’un mouvement littéraire (qui «cherche, dans les romans, à dépeindre avec réalisme la vie des gens du peuple»).

    La chose est à peine croyable et vous pouvez pourtant la vérifier par vous-mêmes, en 1996, le sens politique de la notion, si massivement en usage aujourd’hui, n’est pas seulement mentionné dans un dictionnaire qui fait pourtant référence. Cela veut donc dire qu’alors, il ne circule pas dans la parole publique, que nous n’en avons pas l’usage commun...

    RESSOURCES INTUITIVES ET WIKIPÉDIENNES

    Ce sens politique, nous "l’intuitons" donc – nous ne l’avons pas appris à l’école, nous en avons peu à peu édifié empiriquement la définition en fonction de sa construction étymologique (le "populo" fait la cible, le "–isme" une tendance exclusive, et nous sentons qu’il y a là une forme particulièrement dangereuse de démagogie), intuition étayée par les usages que nous en avons entendu faire dans la parole publique.

    On peut considérer que vers 2006 (date où la notice wikipédia du "populisme" est discutée comme "insuffisamment objective" et "ne citant pas suffisamment ses sources"), il circule avec le sens que nous lui donnons aujourd’hui : "Le populisme, nous explique Wikipedia, désigne un type de discours et de courants politiques, prenant pour cible de ses critiques "les élites" et prônant le recours au "peuple" (d’où son nom), s’incarnant dans une figure charismatique et soutenu par un parti acquis à ce corpus idéologique».

    Sa dimension péjorative semble établie, si l’on en juge par le corps de l’article, même si elle est moins aiguë que dans les usages qui en sont faits : «Le populisme met en accusation les élites ou des petits groupes d'intérêt particulier de la société. Parce qu'ils détiennent un pouvoir, le populisme leur attribue la responsabilité des maux de la société: ces groupes chercheraient la satisfaction de leurs intérêts propres et trahiraient les intérêts de la plus grande partie de la population. Les populistes proposent donc de retirer l'appareil d'État des mains de ces élites égoïstes, voire criminelles, pour le «mettre au service du peuple». Afin de remédier à cette situation, le dirigeant populiste propose des solutions qui appellent au bon sens populaire et à la simplicité. Ces solutions sont présentées comme applicables immédiatement et émanant d'une opinion publique présentée comme monolithique. Les populistes critiquent généralement les milieux d'argent ou une minorité quelconque (ethnique, politique, administrative, etc.), censés avoir accaparé le pouvoir; ils leur opposent une majorité, qu'ils représenteraient.»

    Il faudrait ici tout un cours d’histoire pour examiner les mouvements politiques cités ensuite en exemples français du populisme – "boulangisme" de la fin du XIXème siècle, "poujadisme" des années 50 – ce qui n’est pas l’objet de cette chronique, déjà largement débordée par l’ampleur inattendue de son objet.

    LA DOXA DES "DÉMOPHOBES"

    Ce qui frappe surtout, à mesure qu’on explore la notion, c’est que ses définitions ne se laissent pas réduire à un énoncé simple ; c’est donc un concept politique complexe, dont on s’étonne qu’il ait si facilement, et en si peu de temps, inondé l’espace de la parole publique : ici encore, Wikipédia apporte des éléments d’analyse éclairants, s’appuyant sur des travaux universitaires :

    "Annie Collovald met en parallèle le succès du vocable avec la disparition progressive des classes populaires dans les appareils et dans les discours des partis politiques et interprète l'usage croissant du mot populisme ou populiste comme l'expression d'une méfiance grandissante à l'égard des classes populaires et d'un penchant nouveau pour la démocratie capacitaire voire censitaire." (d'aprèsAnnie Collovald,Le «Populisme du FN»: un dangereux contresens, Éditions du Croquant, 2004).

    Le "populisme" serait ainsi peut-être l’arme lexicale de ceux qu’on pourrait appeler des "démophobes" (craignant démos, le peuple), redoutant une montée des revendications du peuple à recouvrer une souveraineté dont il s’estime dépossédé ? On s’amusera alors à constater que la discussion wikipédiesque sur le terme commence à se développer en 2006, soit dans ce grand moment démocratique qui sépare la victoire du Non au référendum sur le Traité Constitutionnel Européen (2005) et l’imposition de force de ce même texte par le Traité de Lisbonne (2007)… N’insistons pas trop, on nous reprocherait d’être… populiste. Et ce serait infamant.

    MAIS POURQUOI DONC C’EST SI MAL?

    Mobilisé depuis quelques années par les partis dominants, pour dénoncer les "extrêmes" sur leurs bords, et repris par les médias institutionnels sans la moindre nuance, le "populisme" s’est imposé dans nos têtes comme une forme du mal en politique : on sent que c’est toxique, que c’est une tentation à laquelle il ne faut pas céder - c’est trop facile, trop simple, et ça peut être hyper grave.

    En relisant la définition admise par Wikipédia, on peut faire l’hypothèse que le grand mal prêté au populisme consiste dans la désignation, par le grand nombre, d’un petit nombre jugé coupable : appelons le petit nombre "minorité", comme le fait la notice, et l’on sent le danger, où la foule va persécuter, lyncher, voire exterminer le petit groupe ; ajoutons que la minorité peut être "ethnique", comme le précise aussi la notice, et le pire pointe son nez, qu’on appelle génocide.

    Ce n’est dit nulle part mais je fais le pari que ce non-dit est le socle implicite sur quoi se constitue l’effet repoussoir de la notion, sur lequel jouent les orateurs qui s’en servent comme d’une arme supposée fatale à l’adversaire : ce n’est pas seulement comme erreur de jugement (cette manière de croire que le "peuple" aurait raison contre "les élites") que le populisme est tenu pour négatif, c’est pour la violence potentielle qu’il est susceptible de libérer, si l’accusation se mue en acte punitif.

    UN USAGE DOMINANT AU SERVICE DE LA DOMINATION

    Nos cerveaux, embarqués dans le grand trafic médiatique des notions, ne prennent guère le temps de fouiller ainsi dans les problèmes de dénotation et de connotation que je tente d’explorer : percevant qu’un usage lexical est dominant, établi et indiscutable, ils se conforment à cet usage, s’en contentent, voire s’en emparent à leur tour - car dans la langue, l’usage fait loi et se répand comme une maladie contagieuse. Et nous voici tous croyant à la redoutable toxicité de ce "populisme" qui nous rappelle qu’il est très dangereux "pour la démocratie" de juger coupable une "minorité" - fût-ce la minorité numériquedes tenants du pouvoir, et quel que soit l’usage qu’ils font en effet du pouvoir.

    Si bien que sentant monter en soi et partout autour cette colère contre des puissants si peu capables de servir le bien commun, si manifestement incompétents ou financièrement intéressés, on se retient au dernier moment de dénoncer leur inaptitude grotesque ou leur crapulisme sans vergogne. On se retient de vomir, on s’installe dans la nausée, on n’ose plus se soulager, on se dit "non, non, pas vomir, pas crier, pas dénoncer : ce serait du populisme" - on n’est pas tout à fait sûrs, pourtant : c’est le problème avec cette notion qui s’est imposée par la doxa, sans préalable définitionnel ; on n’est pas sûr, on sent que c’est une maladie de la démocratie mais on n’a pas bien compris les symptômes, alors on demande un diagnostic : "Docteur, c’est ça, le populisme?".

    ALLÔ, NON MAIS ALLÔ, QUOI : DOCTEUR?

    Et voici que le docteur (en sociologie) nous parle. Dans les colonnes du Monde (daté dimanche-lundi : celui dont la une figure en haut), Pierre Birnbaum est annoncé comme un "spécialiste des populismes", et l’on se jette sur l’entretien qu’il offre au journal, qui permettra enfin d’y voir clair. Las, au lieu d'une définition, avec critères précis et discriminants, ce qu’offre l’universitaire est une réalisation parfaite de ce que Frédéric Lordon appelle, dans sa dernière livraison au Monde Diplomatique, une «leçon de maintien démocratique », par laquelle l’élite (ici intellectuelle: Birnbaum est professeur émérite de sociologie politique à l’université Paris I, ce qui en jette un maximum) rappelle à l’agité qui est en chacun de nous l’art de bien se tenir, c’est-à-dire d’abord de tenir sa langue.


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    Tenir sa langue, c’est s’abstenir en toute circonstance de dénoncer le pouvoir excessif de l’argent dans notre démocratie, parce que cela rappelle les années 30 : "J’ai écouté attentivement ce qu’a dit François Hollande, confie l’émérite: ‘nécessité d’une lutte implacable contre les dérives de l’argent, de la cupidité et de la finance occulte’: comment ne pas penser aux années 1920-1930, à la dénonciation du ‘mur d’argent’, des ‘ploutocrates’ et des ‘200 familles’ ?"

    ENCORE DE L’HISTOIRE

    Nous sommes donc passés aux années 20-30, nouvelle matrice de la définition du populisme, ce qui n’est pas très aidant pour qui a essayé de s’en faire une idée à partir des modèles historiques proposés précédemment (boulangisme et poujadisme). Ces "200 familles" auxquelles nous sommes supposés "ne pas pouvoir ne pas penser" avaient été désignées par Daladier en 1934 comme ayant la main sur l’ensemble de l’économie et de la politique française :

     

    «Deux cents familles sont maîtresses de l'économie française et, en fait, de la politique française. Ce sont des forces qu'un État démocratique ne devrait pas tolérer, que Richelieu n'eût pas tolérées dans le royaume de France. L'influence des deux cents familles pèse sur le système fiscal, sur les transports, sur le crédit. Les deux cents familles placent au pouvoir leurs délégués. Elles interviennent sur l'opinion publique, car elles contrôlent la presse».(Discours prononcé lors du Congrès radical de Nantes, 1934).

     

    Daladier visait les 200 plus gros actionnaires de la Banque de France, et sa formule a connu un succès redoutable, reprise par tous les bords politiques, de l’extrême gauche à l’extrême droite.

    Qu’on connaisse ou pas cette histoire des "200 familles", l’efficacité dissuasive de l’analyse de Birnbaum tient évidemment dans la mention des années 20-30 : ce contexte de la montée des fascismes, associé à la désignation de boucs émissaires - ici, des "familles" - laisse imaginer le pire sans qu’il soit besoin de le formuler. C’est d’ailleurs un amalgame particulièrement paumatoire : les 200 familles en question n’étaient évidemment pas toutes juives, et Daladier ne les désignait pas à la haine publique pour précipiter leur élimination pure et simple. Mais peu importe la nuance : au bout du raisonnement qui désigne une "minorité" jugée "coupable" et démesurément puissante, il y a le pire cauchemar de notre histoire : la Shoah. Ce spectre n’a pas besoin d’être nommé pour poser sa grande ombre sur notre imaginaire, immédiatement censuré dans les tentations qu’il pouvait éprouver de se révolter contre les puissances de l’argent.

    LE TABOU DE L’ARGENT

    En repliant ainsi la dénonciation de l’élite financière contemporaine sur l’époque préfasciste, où une telle dénonciation a pu servir de tremplin à l’essor de l’antisémitisme, l’universitaire bannit toute possibilité de dénoncer l’excessif pouvoir politique qui échoit aux agents économiques les mieux dotés. "Populiste" est ce discours qui dénonce le pouvoir de l’argent. Et "populisme" est le début du fascisme.

    Tout l’argumentaire de Birnbaum pour constituer cette séquence de la "transparence" imposée aux ministres en épisode populiste tient dans un inventaire de citations de politiques visant l’argent, comme si en dénoncer le pouvoir démesuré relevait nécessairement d’un noir projet politique : "On se souvient de Vincent Peillon dénonçant le ‘mur de l’argent’, de Benoît Hamon critiquant les ‘cadeaux faits aux plus riches’, d’Arnaud Montebourg évoquant le ‘système financier mondialisé’. Les trois sont aujourd’hui au gouvernement. Comme Mitterrand qui dénonçait ‘l’argent qui corrompt et pourrit jusqu’à la conscience des hommes’. François Hollande sait très bien, quand il le faut, reprendre ce vocabulaire qui parle évidemment à une certaine gauche mais la dépasse largement : la haine des riches, de l’argent et des banques appartient aussi à l’imaginaire d’une droite antilibérale qui est très puissante en France».

    Et hop, voici venir la "haine des riches", glissée dans la phrase comme une évidence. Dénoncer le pouvoir excessif de l’argent dans notre modèle politique, ce serait "haïr les riches". On tombe de sa chaise, de voir ainsi toute analyse économique contestataire rabattue au niveau d’une pulsion basse prenant des personnes - les riches - pour objet.

     

    Certes, Hollande a ouvert la brèche à cet amalgame odieux, avec sa funeste ânerie du"je n’aime pas les riches"(2006, sur le plateau d’A vous de juger). Sans doute croyait-il s'attirer les suffrages du "peuple" à qui les élites prêtent cet instinct nauséabond, mais le fait est qu’il n’a pas persisté dans ce discours, constatant probablement l’absence totale d’efficacité d’une posture politique aussi bas de gamme.

     

    CONTESTER LES STRUCTURES N’EST PAS HAÏR LES PERSONNES

    Peut-être faudrait-il expliquer, à Hollande comme à Birnbaum, que lorsque le corps social conteste le pouvoir démesuré qui échoit aux agents économiques les mieux dotés, ce n’est pas parce qu’il "n’aime pas les riches". Simplement, le corps social ne se satisfait pas de ce que le pouvoir soit réservé à une caste – la publication des patrimoines permet au moins de faire apparaître que notre démocratie tend bien, en effet, vers la ploutocratie, puisque la plupart des ministres font état d’un patrimoine très au dessus dupatrimoine médian; que cette richesse soit la cause ou la conséquence de leur position de pouvoir pose dans tous les cas un sérieux problème à la démocratie, et c'est notamment cette structure de causalité qui est interrogée. Plus profondément, le corps social ne se satisfait pas de ce que les structures qui l’organisent permettent aux seuls riches - même (et surtout) loin des postes politiques officiels - d’infléchir la vie politique, économique, médiatique ; parce que le corps social est un corps qui veut tout entier être considéré, il veut la démocratie, et la démocratie, normalement, ce n’est pas le pouvoir des riches pour les riches.

    Ce sont donc les structures qu’il conteste, pas les personnes qui en bénéficient. Mais cette nuance ne semble pas accessible aux partis politiques dominants, non plus qu’aux élites qui les soutiennent, les uns et les autres particulièrement prompts aux amalgames dont ils accusent précisément leurs adversaires. Amalgame consistant systématiquement à confondre leurs deux bords extérieurs sous le très utile et très insidieux vocable des "extrêmes", et Birnbaum y va évidemment lui aussi de ce raccourci indispensable à sa thèse : "ces références (à l’argent) constituent le vieux fond sémantique de l’extrême gauche et de l’extrême droite" - et l’on renifle la puanteur de ce "vieux" fond de sauce, sédimenté par l’Histoire, où goulag et camp d’extermination forment la masse compacte de nos terreurs post-modernes.

    LES «ÉLITES» PARLENT AUX «ÉLITES»: DE L’ART DE NOUS FAIRE TAIRE.

    Ne comptons pas sur le journaliste qui lui tend le micro de cet entretien pour l’inviter à plus de subtilité dans l’analyse politique : il est si parfaitement acquis à David Revault d’Allones, auteur de cet entretien, que les thèses du Front de Gauche relèvent de ce "populisme" si haïssable aux yeux du professeur (et pourtant si complexe dans sa définition, comme on l’a vu) que l’adjectif "populiste" ne fait même pas l’objet de la question :

    "Face à la montée des discours populistes, notamment à gauche avec Jean-Luc Mélenchon, M. Hollande pouvait-il tenir d’autres propos?"

    Et le professeur émérite d’emboîter le pas du journaliste du Monde, relevant dans la «radicalisation incontestable» du discours de Mélenchon des traces de Chavisme, mais aussi de poujadisme (le «Du balai» vient de là, apparemment), et revenant bien sûr, soi disant pour l'invalider, mais la légitimant tout de même, sur l’accusation d’antisémitisme :

    "si nul ne peut accuser Mélenchon de préjugés antisémites, une telle phrase appartient toutefois à un registre qui ne peut que les évoquer".

    "...Qui ne peut que les évoquer" ; la même tournure à vocation exclusive que la question du début – "comment ne pas penser (aux années 20-30)?" : la même manière de dessiner un chemin de pensée obligatoire, pas d’échappatoire possible – on ne peut pas ne pas - la même manière de dicter à nos cerveaux les synapses qu’ils doivent produire : si tu entends "argent" dans la bouche d’un politique, pense "populisme" ; si tu entends "populisme", pense fascisme, nazisme, Shoah. Et tais-toi, surtout : tais-toi.

     

  • La "commission pour la transparence"


    L
    a "commission pour la transparence" a-t-elle transmis à la Justice la fausse déclaration de Cahuzac ?

    Chuut ! Elle n'a pas le droit de parler. Notre enquête infructueuse

    Une Peugeot 307 achetée d’occasion, un fauteuil Charles Eams, des bijoux de famille, quelques centaines d'euros sur un compte épargne logement, une maison de campagne ou encore un (petit) appartement acheté à crédit. Depuis quelques jours, les politiques défilent au micro des journalistes pour rendre public leur patrimoine. Un nouvel effet de l'affaire Cahuzac et une tentative de transparence pour "moraliser la vie politique". Pourtant, une commission chargée de contrôler le patrimoine des élus existe. Les sanctions ont même été renforcées. Et qu'a-t-elle fait dans le cadre de l'affaire Cahuzac ? Mystère. Solicités par @si, les 15 membres de cette commission de la "transparence" n'ont pas vraiment joué le jeu de ladite transparence. Et pour cause : la loi leur interdit de parler. Chut !

    On va tout savoir, ou presque : de la 4L de Cécile Duflot au fauteuil d'Arnaud Montebourg , en passant par les crédits immobiliers de Laurent Wauquiez. Des révélations pour le grand public, mais pas pour les membres de la "Commission pour la transparence financière de la vie politique" qui sont déjà au courant. Créée en 1988, cette commission est chargée de recueillir les déclarations de patrimoine de tous les élus : ministres, députés, conseillers généraux, régionaux, municipaux (ayant une délégation de signature), ainsi que les dirigeants d'organisme public, soit au total 6 400 déclarations.

     

    Site de la commission avec les formulaires pour élus

    Instaurée en 1988, cette commission, compare les déclarations des élus à leur entrée en fonction et à leur sortie. Un travail titanesque pour les quinze membres de la commission et leur dizaine de rapporteurs. La procédure de vérification des déclarations des 577 députés prend par exemple entre six et dix mois. En cas de déclaration incomplète, la commission peut demander des précisions aux élus.

    Et s'il y une suspicion d'enrichissement anormal, elle peut transmettre le dossier au parquet. Est-ce le cas de Jérôme Cahuzac, qui a caché dans sa déclaration de patrimoine les 600 000 euros de son compte à l'étranger ?

    Nous avons tenté de joindre, non sans mal, les neuf membres de cette commission de transparence ainsi que leurs six suppléants dont les noms apparaissent dans un tableau mis en ligne sur le site officiel de la commission . Résultat ? Un vrai parcours du combattant et une vraie liste d'excuses digne d'un tableau de vie scolaire au collège. Deux d'entre eux, membres du Conseil d'Etat ou de la Cour des comptes, sont en voyage à l'étranger (identifiables par un avion dans notre tableau) et ne peuvent donc pas répondre en temps voulu. Trois autres, conseillers honoraires à la Cour de Cassation ou la Cour des comptes, n'ont plus de bureau (sigle bleu). Et quand certains membres en ont un bureau, avec téléphone, ce n'est pas forcément plus facile pour les joindre : on ne peut pas laisser de message sur le répondeur des trois conseillers issus de la Cour de cassation ("c'est impossible", nous précise le standard). Du côté du secrétariat de Didier Migaud (premier Président de la Cour des comptes et membre de droit de la commission transparence), on nous explique qu'il ne peut pas parler (Chut ! Index sur la bouche). Rémi Caron, conseiller d'Etat en service extraordinaire (sic) a un répondeur qui marche et un message donc (mais il ne nous a pas rappelé).

     

     



    Finalement, sur quinze personnes, nous n'en avons eu que trois au téléphone. Des échanges téléphoniques parfois brefs : "J'étais en partance pour une réunion, je ne peux pas vous parler", nous dit Michel Braunstein avant de raccrocher (logo "Course à pied"). "Je ne suis pas en mesure de vous répondre. Au nom de la commission, on ne peut pas divulguer quoi que ce soit sur ce qui s'y passe", explique Pierre Forterre, en toute transparence. Même réponse de Jean-Michel Berard, qui accepte tout de même de nous préciser que "le président de la commission a la possibilité de transmettre au parquet une fausse déclaration". Est-ce que Jean-Marc Sauvé (qui "est absent pour une semaine") l'a fait ? Berard ne répond pas et nous renvoie vers le secrétaire général adjoint du Conseil d'Etat, Brice Bohuon qui centralise la communication. Après une après-midi à le relancer, il finit par nous rappeler. Et le verdict tombe : "Je suis obligé de vous faire la réponse que j'ai faite à vos collègues journalistes : on a l'obligation de garder la plus stricte confidentialité sur ce dossier. On s'exposerait à des sanctions pénales, c'est dans la loi de 1988 qui institue cette commission". 

    Impossible de savoir si la fausse déclaration de patrimoine de Cahuzac a été transmise au parquet. Mais selon nos informations, c'est bien ce recours qui est envisagé par le cabinet du président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, pour empêcher l'ancien ministre du budget de revenir à l'Assemblée comme il en a l'intention. Car depuis la loi organique du 14 avril 2011, citée dans le 15ème rapport de la commission (document PDF) , une déclaration mensongère peut donner lieu à des sanctions. Selon l'article LO 135 du code électoral, "le fait pour un député d'omettre sciemment de déclarer une part substantielle de son patrimoine ou d'en fournir une évaluation mensongère qui porte atteinte à la sincérité de sa déclaration et à la possibilité pour la Commission pour la transparence financière de la vie politique d'exercer sa mission est puni de 30 000 € d'amende et, le cas échéant, de l'interdiction des droits civiques selon les modalités prévues à l'article 131-26 du code pénal, ainsi que de l'interdiction d'exercer une fonction publique selon les modalités prévues à l'article 131-27 du même code". L'article 131-26 du code pénal permet au juge de prononcer une inéligibilité. 

    Conclusion : si les 600 000€ du compte en Suisse ne figurent pas dans la déclaration de patrimoine faite par Jérôme Cahuzac en juin 2012, la commission pour la transparence financière peut saisir le procureur. Une procédure qui pourrait alors aboutir à l'inéligibilité de l'ancien ministre du budget. Ce qui serait d'ailleurs une première dans l'histoire de la commission : "En 23 ans d'activité, la Commission a transmis 12 dossiers au parquet, qui ont tous donné lieu à un classement sans suite"relevait le site instituionnel Vie-publique.fr en février 2012. Ca, c'était avant l'entrée en vigueur de la loi renforçant les sanctions. Et depuis la nouvelle loi ? Chuuuut !

    (avec Mireille Campourcy, pour le tableau des absences)