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Economie - Page 2

  • Êtes-vous pauvre ? Mesures de la pauvreté et impact sur le taux de pauvreté

    Chaque méthode a ses avantages et ses inconvénients, et selon le choix de la mesure et du seuil, le nombre de pauvres dans un pays peut drastiquement augmenter ou diminuer.  Explications.

    Par Thomas Renault.

    riche v pauvre credits le rétroviseur (licence creative commons)

     

     

    Êtes-vous pauvre ? Cette question en apparence simple est en réalité assez complexe ! En effet, d’un point de vue statistique, pour être capable de définir si une personne est pauvre, il faut être capable de définir un niveau (ou un seuil) précis en dessous duquel une personne est alors considérée comme pauvre (et au dessus duquel elle ne l’est pas). Mais comment justement fixer ce niveau et comment l’ajuster dans le temps ? Est-on pauvre lorsque l’on dispose de moins de 1000 euros par mois ? Est-on pauvre lorsque l’on est moins riche qu’un certain pourcentage de la population ? Est-on pauvre lorsqu’on ne peut pas s’acheter de la viande au moins une fois par semaine ? Avec ces trois questions, je viens d’introduire indirectement trois méthodes différentes pour mesurer la pauvreté : (1) la mesure monétaire absolue (un niveau de vie inférieur à x euros par mois, avec un seuil qui s’ajuste dans le temps en prenant en compte l’inflation), (2) la mesure monétaire relative (un niveau de vie inférieur à x% du niveau de vie médian des habitants de votre pays) et (3) la mesure de la pauvreté en tant que privation (ou mesure en conditions de vie). Chaque méthode a ses avantages et ses inconvénients, et selon le choix de la mesure et du seuil, le nombre de pauvres dans un pays peut drastiquement augmenter ou diminuer. C’est parti pour le grand test :

    « Êtes-vous pauvre 2015 ? » !

    La pauvreté relative

    Selon les derniers chiffres de l’INSEE, 14,3% de la population française est pauvre, soit environ 8,6 millions de personnes (source : « auvreté en 2012 : comparaisons régionales – INSEE »). Selon l’INSEE, vous êtes « pauvre » si votre niveau de vie est inférieur à 987 euros par mois. Donc si vous gagnez le SMIC (1096 euros net en 2012), vous n’êtes pas pauvre ; et ce même si vous habitez tout seul à Paris et que votre loyer est de 700 euros (ce qui peut être discutable…) ! Si vous percevez uniquement le Revenu de Solidarité Active (RSA – 467 euros par mois), vous êtes alors considéré comme pauvre (là dessus, peu de discussions possibles) !

    Mais comment est calculé ce seuil de 987 euros ? Le seuil de pauvreté en France est défini par l’INSEE comme étant égal à 60% du niveau de vie médian de la population française : c’est donc une mesure relative, qui dépend directement du revenu médian du pays. Pour illustrer cela, supposons alors un pays avec 21 habitants, ayant chacun le niveau de vie suivant (voir tableau ci-dessous). Pour simplifier, on suppose alors que chaque habitant est célibataire et sans enfant, en évitant ainsi les problématiques relatives aux unités de consommation (pour plus d’infos à ce sujet, voir « La mesure de la pauvreté – INSEE »).

    seuil-pauvrete-60

     

    La première étape consiste donc à calculer le niveau de vie médian. Dans notre exemple, le niveau de vie médian est de 1500 euros, ce qui signifie que 10 habitants ont un revenu supérieur à ce niveau et 10 habitants ont un revenu inférieur. Pour définir le seuil de pauvreté, on multiplie ensuite 1500 par 60%, ce qui nous donne un seuil à 900 euros. Ensuite, sont considérés comme pauvres tous les habitants ayant un niveau de vie inférieur à 900 euros (soit dans notre cas 5 habitants – et donc un taux de pauvreté de 23,8%). La prise en compte d’un seuil de pauvreté en fonction d’un niveau relatif de niveau de vie permet donc d’évaluer une notion de pauvreté à un moment donné et pour un pays donné.

    Mais il y a aussi tout de même pas mal de limites à cette mesure. Supposons que du jour au lendemain, une croissance incroyable touche notre pays, et que double le niveau de vie de l’ensemble des habitants. Dans cette situation, avec un seuil de pauvreté défini de manière relative, il y aura toujours autant de pauvres dans notre pays : le seuil de pauvreté passant à 1800 euros, les pauvres d’avant sont toujours pauvres (au sens statistique) et ce malgré le fait que leur niveau de vie ait doublé. À l’inverse, il est possible de voir une baisse du taux de pauvreté dans un pays si les pauvres restent aussi pauvres (en euros) mais que les plus riches deviennent moins riches (une baisse du niveau de vie médian pouvant entraîner une baisse du taux de pauvreté, même sans hausse du niveau de vie réel des plus pauvres). Ces deux exemples sont assez extrêmes, mais illustrent tout de même assez simplement les problématiques relatives à l’utilisation d’un seuil relatif.

    De plus, il est important de faire bien attention à ne pas tirer de conclusions hâtives lors des comparaisons internationales du taux de pauvreté. Par exemple un pays « A » où l’ensemble des habitants a le même niveau de vie (500 euros par mois par exemple) sera considéré comme ayant 0% de taux de pauvreté, tandis qu’un pays « B » où l’habitant le plus pauvre a un niveau de vie de 1000 euros mais où il existe de plus fortes inégalités pourrait avoir par exemple un taux de pauvreté de 20%… Pourtant, les non-pauvres du pays « A » seraient tous pauvres dans le pays « B » (à un ajustement de revenu médian près) ! Le taux de pauvreté mesuré d’une manière relative se rapproche donc davantage d’une mesure des inégalités dans un pays donné que d’une réelle mesure de la pauvreté (même si les deux mesures peuvent être liées).

    La pauvreté absolue

    Plutôt qu’une mesure relative, il est aussi possible de mesurer la pauvreté monétaire de manière absolue : c’est à dire en utilisant un niveau fixe dans le temps (avec simple ajustement pour l’inflation) ne dépendant pas de la richesse moyenne ou médiane d’un pays. Les États-Unis utilisent par exemple principalement une mesure monétaire absolue pour définir le taux de pauvreté. Le seuil de pauvreté a été défini en 1963 comme étant égal à trois fois le montant d’un régime alimentaire minimum, et est ajusté chaque année pour prendre en compte l’inflation. Par exemple, s’il faut au minimum 300$ par mois pour pouvoir se nourrir correctement aux USA, le seuil de pauvreté sera fixé à 900$. Cela nous donne donc une mesure absolue de la pauvreté, qui est par la suite ajustée en fonction de la situation familiale et du nombre d’enfants (source : « How the Census Bureau Measures Poverty »). Par exemple, un individu seul avec un niveau de vie inférieur à 12.119$ par an (1009$ par mois) sera considéré comme pauvre aux USA.

    poverty-threshold-usa

     

    En utilisant cette mesure monétaire absolue du seuil de pauvreté, le taux de pauvreté aux États-Unis est relativement stable, ce qui signifie que le niveau de vie des pauvres augmente à peu près au même niveau que l’inflation. Cependant, si les États-Unis utilisaient une mesure relative comme la France, il y a fort à parier que les conclusions seraient très différentes : la hausse des inégalités (cf. travaux de Piketty par exemple) aux USA devrait en effet se traduire par une hausse du taux de pauvreté avec une mesure relative.

    Pour les pays en voie de développement, une mesure de pauvreté monétaire absolue souvent utilisée est celle de 1,25$ PPA par jour (« Banque Mondiale – Ratio de la population pauvre disposant de moins de $1,25 par jour (PPA) (% de la population) »). L’objectif ici est assez différent, mais cela permet une comparaison internationale entre les pays et la fixation d’objectifs de réduction de la pauvreté à l’échelle mondiale, comme par exemple, dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) : « Objectif 1 – Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population dont le revenu est inférieur à un dollar par jour » (objectif atteint, principalement grâce à la forte croissance en Inde et en Chine – avec ajustement à 1,25$ par la suite)

    Intuitivement, j’ai donc tendance à préférer la mesure absolue (ajustée de l’inflation et/ou avec taux de change PPA) plutôt que la mesure relative. En effet, le problème avec la mesure relative est, sauf à réduire les inégalités, il est très difficile de réduire le taux de pauvreté. De plus, à très long terme, il est possible d’imaginer un monde avec un taux de pauvreté quasi-nul si l’on mesure cela d’un point de vue absolu (#Bisounours), tandis qu’exception faite d’un monde communiste, la pauvreté sera toujours présente et ne baissera pas vraiment si l’on garde une mesure relative.

    La pauvreté en conditions de vie

    Une dernière méthode consiste, non pas à s’appuyer sur des variables monétaires (niveau de vie, revenu, consommation), mais sur des notions de privations ou de conditions de vie. Une personne est alors considérée comme pauvre si elle est privée d’accès à un certains nombres de biens, de services ou de « capacités » (mais pas au sens des « capabilities » d’Amartya Sen) jugés comme « essentiel ». Selon Eurostat par exemple (source : « Material deprivation statistics »), une personne est pauvre si elle n’a pas accès au minimum à 4 des 9 biens/services/capacités :

    1. Être capable de payer son loyer ou son emprunt hypothécaire
    2. Pouvoir chauffer suffisamment son logement
    3. Partir une semaine en vacances par an
    4. Manger une fois tous les deux jours un repas avec viande, poulet, poisson ou équivalent végétarien
    5. Faire face à des charges financières imprévues
    6. Avoir un téléphone (y compris le téléphone mobile)
    7. Avoir un téléviseur couleur
    8. Avoir une machine à laver le linge
    9. Avoir une voiture

    En prenant en compte cette notion de privation, « seulement » 5,1% des français sont alors considérés comme pauvres (contre plus de 14% avec la mesure relative de l’INSEE – voir graphique ci-dessous pour un comparatif du taux de privation dans différents pays). De plus, les questions étant les mêmes pour l’ensemble des pays, une comparaison internationale est alors plus facile qu’avec la notion de pauvreté relative (qui dépend du revenu médian du pays) et les problématiques de parité de pouvoir d’achat sont indirectement intégrées. L’INSEE utilise d’ailleurs aussi un indicateur de pauvreté en conditions de vie pour compléter l’approche monétaire (voir par exemple « INSEE – Pauvreté en conditions de vie ») qui ressemble pas mal à celui d’Eurostat mais en mettant l’accent sur les restrictions de consommation, les retards de paiements, l’insuffisance des ressources et les difficultés de logement.

    taux-privation

     

    Mais pour revenir au taux de pauvreté calculé de manière relative, et pour compléter mon argumentation sur le fait que je n’aime pas trop cet indicateur relatif, voici un comparatif du taux de pauvreté en Europe en prenant donc en compte le pourcentage de population dans chaque pays ayant un niveau de vie inférieur à 60% du niveau de vie médian de ce pays (source : INSEE).

    europe-pauvrete-seuil

     

    Avec ce genre d’indicateur, et si l’on ne fait pas attention à la manière dont le taux de pauvreté est calculé, on se retrouve à penser que le taux de pauvreté en Espagne est similaire à celui de la Bulgarie, la Grèce ou la Roumanie… Mais si on regarde le niveau de vie moyen ou le taux de privation (graphique ci-dessus), il est assez simple de voir qu’en réalité, le taux de pauvreté est nettement inférieur en Espagne qu’en Bulgarie (et si vous avez voyagé dans les deux pays, il y a peu de débat à ce sujet). Attention, je ne dis pas qu’il n’y a pas de pauvres en Espagne ou que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais simplement qu’une carte telle que ci-dessus n’a en réalité pas beaucoup de sens (en tout cas en tant que mesure de la pauvreté).

    Conclusion

    Un indicateur n’est ni bon ni mauvais : un indicateur sert simplement à mesurer une situation donnée… Ensuite, pour que cela ait de la valeur, il faut être capable d’analyser et de « faire parler » cet indicateur. Le problème avec le taux de pauvreté mesuré de manière relative est que l’interprétation est assez complexe et que le lien entre « le taux de pauvreté baisse » et « les pauvres sont moins pauvres » n’est pas direct ! Bien que la mesure des privations ou la mesure absolue aient aussi des défauts, cela se rapproche davantage, selon moi, du concept de « taux de pauvreté » tel qu’il pourrait être imaginé par un individu n’ayant pas de connaissances poussées en statistiques ou en économie. Dans le meilleur des mondes, il faudrait donc regarder en parallèle l’évolution de ces trois indicateurs, afin d’avoir une meilleure compréhension globale de la pauvreté dans un pays donné, tout en pouvant comparer l’évolution par rapport à ses voisins et être capable de mesurer si la pauvreté diminue ou non dans le temps. Voilà, la prochaine fois qu’un de vos amis vous dira « je suis pauvre en ce moment », vous aurez de quoi argumenter pas mal sur cette notion de pauvreté relative, absolue ou de privation (le pote relou de base !)…

  • Chasse aux grévistes au Royaume-Uni

    18 juillet 2015 | Par Florian Cornu

    David Cameron © Photo par Thierry Erhman sous licence CC

    Mercredi 15 juillet dernier, à peine deux semaine après l'annonce de coupes budgétaires drastiques dans le budget des aides sociales, le gouvernement conservateur de David Cameron a présenté un nouveau projet de loi clairement anti-syndicat. En encadrant et en criminalisant le droit de grève, ce projet qui remet en cause le droit du travail vise également à affaiblir le Labour (parti travailliste).

    Comme l'analyse le Guardian dans un article du 15 juillet 2015, il s'agit là d'une attaque clairement idéologique. Elle est liée à la diffusion de l'idée selon laquelle les syndicats appellent à la grève par plaisir. Elle vise également, en encadrant les dons des membres des syndicats réservés au financement des partis politiques, à affaiblir le Labour qui en tire la majeure partie de son budget. Un pied de nez au pluralisme démocratique en somme.

    Le projet qui visait, à la base, à rendre illégale une grève ne rassemblant pas au moins 40% des votes des salariés, va maintenant beaucoup plus loin. Les mesures proposées sont les suivantes :

    -Les membres des syndicats se verront demander tous les 5 ans s'ils souhaitent continuer à verser le surplus à leur adhésion au syndicat. Cette somme sert à financer les partis politiques affiliés aux syndicats.

    -L'obligation pour les syndicats et grévistes de donner un préavis de 14 jours avant toute grève 

    -L'entreprise dont les salariés sont en grève pourra embaucher des contractuels pour remplacer les grévistes et "briser les piquets de grèves"

    -Les syndicats devront également renouveler le vote d'une grève dans les 4 mois succédant le premier vote.

    -Criminaliser les piquets de grève dits "intimidants ou "illégaux" pour pouvoir attaquer les syndicats et les grévistes en justice.

    -Préciser sur le bulletin de vote de la grève les raisons claires de cette dernière, et les types d'actions prévues.

    -La possibilité pour le gouvernement de demander des dommages d'un maximum de 20 000 livres sterling pour non respect des procédures s'appliquant à la grève. Il pourra également mener chaque année une enquête (financée par l'entreprise mais également par le syndicat) pour s'assurer de la "confirmité" des procédures. 

    -Évocation pendant le débat sur la loi d'utilisation de canons à eaux pour disperser les émeutes telles que celles survenues à Londres en 2011.

    Productivité vs Précarité

    Le gouvernement justifie ce projet de loi dit "Javid" (du nom de son instigateur Sajid Javid) par l'augmentation du nombre de préavis de grève dans le métro londonien, les chemins de fer et les écoles depuis deux ans. Si les mesures de cette proposition parlent d'elles-mêmes, la secrétaire à la santé et Sajid Javid, le secrétaire d'état au Commerce à l'Innovation et au Savoir-Faire, ont tenu des discours explicites pour la justifier.

    Il s'agirait de ne plus "nuire à la productivité" et de trouver "le juste milieu entre les intérêts des syndicats et de ceux qui veulent aller travailler à l'heure et ne peuvent se rendre au travail que via un unique moyen de transport".

    Bien sûr, cette proposition de loi n'est que le prolongement d'une idéologie et des réformes qui en découlent par le gouvernement conservateur de David Cameron depuis 2010. Une évolution naturelle pourrait-on dire, et un débat intéressant à l'heure où on ne cesse d'entendre que l'économie anglaise et son taux de chômage se portent bien. On entend bien souvent que le Royaume-Uni, à la manière du "modèle allemand", entretient une culture du business salvatrice pour la croissance.

    Pourtant, ces résultats économiques sont trompeurs et brandis hors contexte : une flexibilité outrancière du marché de l'emploi, des périodes d'essai de 6 mois et des contrats précaires dont les fameux "zero-hour". Toutes ces mesures qui minent la jeunesse, les immigrés et des retraités qui se voient bien souvent obligés de travailler aux caisses des supermarchés pour compenser une retraite quasi inexistante. Des mesures enfin, qui font du Royaume-Uni l'un des pays les plus inégalitaires en Europe aujourd'hui. (Indice GINI 2015)

     

  • Ondes, Linky, trafic d’influence, combines.. La ritournelle habituelle !

     

    Ondes électromagnétiques : l’industrie entre négation et collusion

    L’intolérance aux ondes électromagnétiques est une question décriée dans la communauté scientifique. Au mieux, il faudrait être indifférent aux souffrances des électrosensibles. Au pire, les envoyer en psychiatrie. Les choses changent mais très lentement. La raison ? Le jeu trouble des industriels mais également celui d’organisations supposées défendre les électrosensibles. Révélations.

     

    Un constat accablant

    Celui-ci est posé par le professeur et toxicologue Paul Héroux, directeur du programme de santé au travail à la faculté de médecine de l’Université McGill (Canada). Que dit-il ? Il existe depuis 50 ans une bataille continue entre les physiologistes, qui savent de quoi ils parlent, et les industriels, qui veulent maintenir des seuils très élevés concernant les normes, simplement pour faciliter le déploiement des technologies.

    Or, en 2001, le centre international de recherche contre le cancer (CIRC), dépendant de l’Organisation mondiale de la santé, a reconnu qu’il y a une connexion entre les champs électromagnétiques de basse fréquence et la leucémie chez l’enfant, connexion confirmée depuis. En 2011, ce même CIRC démontre la connexion entre l’exposition à long terme aux ondes cellulaires et le cancer, notamment le cancer au cerveau. De fait, Paul Héroux avance que tout le spectre électromagnétique est en cause.

    Dès lors, quelles ont été les réactions des autorités politico-sanitaires ? Aucune ! Paul Héroux dit quelque chose de très juste : l’industrie préfère se réfugier dans l’ignorance et la négation. Il est ainsi plus simple (rentable…) de garder des normes anciennes et des préjugés qui collent à notre intérêt plutôt que d’essayer de comprendre ce qui peut devenir le scandale sanitaire de ce siècle.

    La guerre des lobbies

    Il est vain de raconter, une nouvelle fois, les manœuvres du lobby des opérateurs de téléphonie mobile pour minimiser le Grenelle des ondes en 2009 tout comme la proposition de loi de la députée EELV Laurence Abeille en 2013. L’entrisme de France Telecom dans les allées du pouvoir, à l’image de celui d’EDF concernant les questions nucléaires, est tel que tout débat ou législation pour contrecarrer un futur désastre sanitaire est voué à l’échec.

    Mélange des genres, création de pseudo comités scientifiques indépendants, regroupant généralement les mêmes personnages : le connaisseur n’a pas besoin qu’on lui rappelle les états de service du docteur André Aurengo, membre de l’académie de médecine et chef de service à la Pitié-Salpétriêre, tour à tour membre du conseil d’administration d’EDF, du conseil scientifique de Bouygues Telecom et de l’Association française des opérateurs mobiles. Rien de tel pour émerveiller les ministres et conseillers en charge des questions de santé publique.

    Tout ceci est connu mais il apparaît un nouveau genre de compromission : celui d’organisations censées lutter aux côtés des électrosensibles.

    Le jeu de dupes

    La journaliste scientifique Annie Lobé a levé plusieurs lièvres en suivant les débats de l’Assemblée nationale concernant l’adoption obligatoire du compteur Linky, les 20/21 mai.

    Pour résumer, la manière dont se déroule le vote est assez effarante, réalisée en quelques minutes alors que l’enjeu est de si grande importance. Les députés sont suivistes. Le travail de lobbying, de phagocytage des pensées a été réalisé bien en amont par les industriels. Les parlementaires votent à l’unisson, à gauche comme à droite. Où est la prise en compte des effets sanitaires des ondes ?

    Les amendements déposés, notamment par EELV, sont retoqués même s’ils sont très édulcorés… par les députés eux-mêmes ! En effet, Annie Lobé précise bien, en prenant l’exemple de la députée écolo Barbara Pompili, que celle-ci omet de parler des radiofréquences comme cancérogène possible (d’après le CIRC) quand elle prend la parole. Or, « c’est pourtant la donnée cruciale qui engendre un risque judiciaire pour les législateurs du Linky ! Le jour ou l’affaire de santé publique éclatera, ni Barbara Pompili et ni aucun autre député EELV ne pourra dire qu’ils « ne savaient pas », puisque c’est écrit dans l’amendement déposé en leur nom ! »

    Mais là n’est pas le pire… En effet, la députée PS et rapporteur de la loi, Sabine Buis, s’est prévalu d’une expertise réalisée par le bien connu CRIIREM pour le compte du SIPPEREC (Syndicat Intercommunal de la Périphérie de Paris pour l’Electricité et les Réseaux de Communication) pour demander le retrait des amendements parlant des effets sanitaires des ondes.

    Et que dit cette étude (que personne n’a pu lire, d’ailleurs) ? Qu’il n’y a ni risque sanitaire ni rien à craindre du développement du Linky ! Or, cela laisserait à penser que le CRIIREM joue double jeu. Ce Centre de Recherche et d’Information Indépendant aurait-il, lui aussi, cédé aux sirènes des lobbies ? S’institutionnaliser, recevoir des financements publics, bref, jouer la caution « morale », celui qui défend les électrosensibles mais qui, à la fin, se rallie aux industriels… Belle évolution depuis sa création. Mais est-ce si étonnant ?

    A regarder le CRIIREM de près, on y retrouve quelqu’un de bien connu des mouvements antinucléaires : Michèle Rivasi, fondatrice de la CRIIRAD, qu’elle a su installer dans le paysage et qui joue actuellement plus un rôle de faire-valoir à EDF-AREVA qu’un vrai opposant au système nucléariste, ce qu’elle était à l’origine. Quant à Madame Rivasi, elle est devenue entre-temps députée européenne sous l’étiquette EELV : une véritable sinécure…

    En clair, le vote de la loi a permis de révéler des alliances contre nature (sans parler des combinazione entre le PS et EELV), les faux nez des industriels, les intérêts cachés des uns et des autres, se rejoignant à la fin, sans honte. Quant aux électrosensibles, ils attendront !

    djuVSondes
    Agoravox
  • Amazon, de l’autre côté de l’écran

     

    vendredi 2 juillet 2010, par Joël Faucilhon

    Joël Faucilhon, animateur depuis 2002 du site lekti-ecriture.com,vient de publier Rêveurs, marchands et pirates. Que reste-t-il du rêve de l’Internet ? (Le Passager clandestin, juin 2010). En des termes très clairs, destinés au profane autant qu’à l’internaute chevroné, ce petit livre décrit une histoire de l’Internet partant des rêves de partage des connaissances et aboutissant à une marchandisation phénoménale, notamment à travers l’« entonnoir » à contenus de Google et les tours de passe-passe du « gratuit » et du Web 2.0. Poètes ou pirates, nous rassure cependant l’auteur, les rêveurs sont toujours là. Il a accepté de nous confier, pour ce blog, le chapitre consacré à l’entreprise Amazon.com.

     

    L’intensification des échanges commerciaux sur l’Internet, la vitesse et l’augmentation du nombre et du montant global des transactions, la chute des prix de vente de la plupart des produits, le sentiment d’immédiateté éprouvé par l’internaute, de plus en plus enclin à faire ses achats depuis son domicile, tout ceci ne pouvait se faire sans la mise en œuvre de nouvelles logiques de distribution. Conçu à l’origine comme une plate-forme d’échange et de diffusion de contenus scientifiques et informatifs, libres et gratuits, l’Internet a ainsi imposé un nouveau modèle économique et social, décuplant les effets de la division traditionnelle du travail dans l’économie capitaliste.

    Ce modèle est d’une terrifiante simplicité : d’un côté, des cadres dirigeants et des programmeurs intéressés aux bénéfices par le biais des stock-options ; de l’autre, des manutentionnaires en situation de grande précarité, travaillant dans de vastes entrepôts proches des grands axes routiers, qui traitent les commandes et expédient quotidiennement des millions de colis, et des centres d’appel, localisés dans les pays en voie de développement, en charge de la relation client.

    Les cadres des grandes sociétés de l’Internet, qu’ils appartiennent à la sphère du marketing ou à celle de la programmation informatique, sont les enfants chéris de cette nouvelle société. Généralement, leur rémunération est triple, composée d’une part fixe (salaire mensuel), d’une part variable (intéressement aux résultats) et d’une part différée (les fameuses stock-options), quand la société est cotée en Bourse. Ils ont généralement moins de trente ans lorsqu’ils font partie des services de recherche et de développement, un peu plus dans le cas des cadres administratifs et commerciaux. À titre d’exemple, un ingénieur employé par Amazon en charge du développement de la plate-forme perçoit, selon son expérience, entre 80 000 et 120 000 dollars par an ; même chose pour un analyste financier [1].

    La masse de travailleurs précaires affectés aux entrepôts du commerce électronique à travers le monde ne bénéficie pas du même traitement : cadences de travail toujours plus élevées, droits sociaux réduits à la portion congrue, généralisation des contrats précaires et obstacles mis au développement des organisations syndicales se combinent avec des salaires souvent inférieurs au salaire horaire minimum garanti.

    Des « associés » moins égaux que d’autres

    Le cas d’Amazon est à ce titre emblématique. La firme, fondée par Jeff Bezos en 1995, avait été érigée en modèle de la nouvelle économie, peu avant l’explosion de la bulle spéculative sur les entreprises de l’Internet, en 2000. En 1999, Jeffrey Preston Bezos était même sacré « personnalité de l’année » par le très sérieux magazine Time. Bezos a la prétention de révolutionner les relations sociales au sein de l’entreprise, en même temps que le mode de fonctionnement économique de celle-ci. Le discours officiel est qu’Amazon n’a pas de salariés, seulement des « associés », puisqu’en principe tout employé recruté par la firme en CDI se voit aussi attribuer un certain nombre de stock-options. Cet intéressement aux résultats de l’entreprise suffirait à faire naître chez tous, du directeur commercial de la maison mère au chef de rayon de l’entrepôt du Bedfordshire, le sentiment de participer à un projet commun. Cette posture a d’ailleurs valu à Jeff Bezos une image médiatique de patron humain et compréhensif, de « Mr Nice Guy » [2], que la réalité des conditions de travail dans le secteur de la distribution de l’entreprise vient pourtant sérieusement écorner. Les internautes adeptes de l’e-shopping sont familiers de l’enseigne d’Amazon, vaste librairie en ligne à laquelle ils sont systématiquement renvoyés (les fameux « liens entrants » opèrent ici à plein régime) lorsqu’ils effectuent une recherche portant sur à peu près n’importe quel ouvrage. On connaît beaucoup moins en revanche la partie immergée de ce gigantesque iceberg, celle de la distribution. De fait, ce n’est qu’assez récemment que le grand public a pu avoir connaissance des conditions de travail dans les entrepôts de la firme. En décembre 2008, la journaliste Claire Newell, parvenue à se faire recruter comme intérimaire dans l’une de ces immenses plaques tournantes située à Bedfordshire, en Angleterre, livre une enquête qui fait grand bruit. Publié par le Sunday Times [3], le constat est édifiant, et l’article sera repris un peu partout dans le monde [4]. La journaliste infiltrée y décrit les cadences infernales, les objectifs quasi impossibles à atteindre, le contrôle exercé par des managers sourcilleux, mais aussi par un système de vidéosurveillance extrêmement sophistiqué. Dans cet entrepôt, les manutentionnaires parcourent chaque jour jusqu’à 22 kilomètres pour un salaire de 7,50 euros de l’heure, une partie de cette somme servant d’ailleurs à payer le transport pour atteindre un lieu de travail situé loin de toute agglomération. La journée de travail n’est interrompue que par deux pauses de 15 et 20 minutes ; aux cinq journées de travail hebdomadaire s’ajoute une « nuitée » obligatoire de 10 h 30, du samedi soir au dimanche matin. En outre, la direction alloue à chaque employé un quota fixe de six points ; chaque absence, même justifiée par un certificat médical, entraîne le retrait d’un point. Au bout de six points, c’est la porte. Sans surprise, peu de citoyens anglais acceptent de telles conditions de travail. La plupart des manutentionnaires sont donc des ressortissants de pays d’Europe de l’Est, qui espèrent ainsi obtenir une prolongation de leur permis de séjour. Un intérimaire britannique confie d’ailleurs à Claire Newell : « “Ces pauvres diables”, qu’est-ce qu’ils endurent ! » Il ajoute : « Jamais plus je ne regarderai Amazon de la même manière ».

    Inutile de préciser que, face à ces conditions de travail, les employés extrêmement précarisés d’Amazon sont à peu près dépourvus de tout moyen de faire entendre leurs revendications. C’est aussi le cas des salariés peut-être un peu mieux lotis des services clients du groupe, qui, en tant que titulaires de CDI, possèdent des actions dans l’entreprise. Dès lors, puisqu’ils en sont « propriétaires », comme aime à le dire son fondateur Jeff Bezos, nul besoin pour eux d’en passer par une quelconque action collective pour faire entendre leur voix. C’est en se fondant sur ce principe qu’en 2000, le groupe de Jeff Bezos s’efforça d’empêcher la création du tout premier syndicat de l’économie numérique américaine, au sein du service clients de sa maison mère, à Seattle.

    Au premier trimestre 2000, le chiffre d’affaires d’Amazon était en recul de 17 % (soit 99 millions de dollars de perte). Pour faire face à cette situation, le siège avait imposé un plan de rigueur au sein de l’entreprise, tout en demandant des augmentations très importantes de productivité dans ses entrepôts. Parallèlement, des services entiers, basés à Seattle, étaient délocalisés en Inde (plateaux d’appels) et au Dakota du Nord. Dans ce contexte, les employés de Seattle, et en particulier ceux du service clients, soutenus par deux syndicats américains, WashTech (Washington Alliance of Technological Workers [5]) et le POF (Prewitt Organizing Fund), initièrent un mouvement de recrutement et d’organisation collective, dans la perspective de négociations avec la direction du groupe. Or, pour Jeff Bezos, on l’a vu, la pratique syndicale est tout à fait inutile au sein d’Amazon, puisque, par le biais de l’intéressement (les stock-options), « chacun (...) peut [y] exercer à tout moment son droit à soulever des questions et des préoccupations liées au lieu de travail ».

    Très vite, un certain nombre de décisions furent prises qui ne laissèrent guère planer de doute sur les intentions de la direction. Les cadres de Seattle reçurent tout d’abord par e-mail l’instruction de prévenir les activistes des risques liés au développement de toute activité syndicale : « Informez les représentants du personnel des inconvénients inhérents à la syndicalisation, notamment les grèves et la gestion des piquets de grèves, les amendes, les cotisations. ». Des réunions se tinrent, où chacun était fermement convié – quitte à prendre sur ses jours de congé – pour s’entendre exposer, sans possibilité de discussion, tous les maux du syndicalisme. Bientôt, les stands installés par les représentants du personnel dans la cafétéria furent interdits au motif qu’ils violaient le règlement sur le prosélytisme – tandis que d’autres stands faisant la publicité d’actions culturelles étaient, quant à eux, parfaitement tolérés. Puis les premières rumeurs de licenciements commencèrent à circuler, jusqu’au début de l’année 2001 où, sur les 1 300 suppressions d’emplois décidées par la firme, 850 affectèrent le centre de Seattle, sans aucun critère objectif pour l’expliquer [6]. Le but était clairement d’étouffer dans l’œuf toute velléité d’organisation sociale du travail. Velléités vraisemblablement couronnées de succès, puisque, dix ans plus tard, aucune activité syndicale n’est attestée chez Amazon États-Unis.

    Avec une hypocrisie caractéristique de la novlangue capitaliste, la direction d’Amazon se refuse à désigner ces travailleurs comme des « employés », préférant, dès lors que l’ensemble du personnel de la société est censé posséder des stock-options, le terme d’« associés ». Non seulement les cadres dirigeants un peu partout dans le monde, mais aussi les manutentionnaires des entrepôts du Bedfordshire, les employés du service clients de Seattle et tous les salariés de la firme sont donc les associés du fondateur Jeff Bezos ; ils travaillent, comme lui, au succès d’Amazon, et doivent tirer fierté de participer au rayonnement de l’entreprise [7]. Pourtant, tous les « associés » d’Amazon ne sont pas égaux, même en matière d’intéressement : en 2004, lorsque sa filiale française met en œuvre un plan social de grande ampleur, la plupart des employés remerciés constatent que, grâce à un savant montage, ils sont dans l’impossibilité de liquider leurs stock-options pour en récupérer la contrepartie financière [8]. Le vernis du discours fondateur d’Amazon (une entreprise caractérisée par la participation de tous à l’activité et aux bénéfices, des conditions de travail décontractées, amicales et stimulantes, etc.) n’aura donc pas mis très longtemps à craquer, comme le constate d’ailleurs dès 2001 Marcus Courtney, l’un des fondateurs de WashTech : « C’était l’exemple-à-suivre.com, le lieu où il fallait travailler, où il fallait être. Aujourd’hui, c’est la compétition avec les travailleurs indiens pour les postes. C’est la “Silicon jungle” ».

    Logistique et distribution : le silence des entrepôts

    L’exemple d’Amazon n’est pas isolé. La firme de Jeff Bezos n’est que l’archétype des nouvelles formes d’exploitation que recouvre l’Internet. Les usagers de l’Internet ont d’ailleurs du mal à se figurer qu’au-delà de l’écran, des hommes et des femmes bien réels enregistrent et assurent la préparation et la livraison de leurs commandes, répondent à leurs demandes d’assistance en ligne, etc. De façon générale, les « travailleurs de l’Internet » forment une masse invisible, paupérisée, retranchée dans des entrepôts placés sous vidéosurveillance, mais à l’abri des regards extérieurs. Mener l’enquête dans de tels endroits est une tâche difficile et l’information sur les conditions de travail de ces lieux est rare, mais chaque fois qu’à la faveur de mouvements sociaux encore embryonnaires, elle parvient à filtrer, elle donne à voir une réalité peu amène. Et la France n’y fait pas exception.

    Le 13 mai 2008, une centaine d’employés de CDiscount, sur les 800 que compte le groupe, se mettent en grève, en Gironde. La plupart sont caristes et préparateurs de commandes. Ils souhaitent notamment bénéficier de temps de pause plus longs alors qu’il leur arrive, « l’hiver, de travailler dans les entrepôts par des températures négatives, sans pouvoir prendre de boissons chaudes » [9]. L’immense majorité d’entre eux ne gagnent pas plus que le Smic, même après plusieurs années d’ancienneté. Au bout de dix jours à peine, les salariés doivent interrompre le mouvement sans avoir obtenu la moindre avancée, parce qu’ils ne peuvent plus tenir financièrement1 [10].

    En décembre 2009, une grève touche l’entrepôt principal d’Amazon France, près d’Orléans. Les syndicats s’insurgent contre le fait que plusieurs salariés ont été licenciés pour « insuffisance professionnelle » depuis le début de l’année ; l’approche des fêtes de fin d’année a entraîné le doublement des effectifs grâce au recrutement d’intérimaires. « L’ambiance est actuellement très tendue, commente un responsable de Force ouvrière. Pour faire face à l’afflux des commandes, on nous demande des objectifs que l’on ne peut pas atteindre » [11]. Les revendications des grévistes – ceux des salariés qui bénéficient de contrats à durée déterminée – sont simples : hausse des salaires, possibilité d’un treizième mois, tickets restaurants et primes d’équipe, et augmentation de 10 minutes du temps de pause quotidien. Devant la difficulté de mobiliser les intérimaires [12], la grève prendra rapidement fin sans que la direction n’ait eu à faire la moindre concession.

    Ces divers mouvements de grève ne doivent pas être traités comme des cas isolés. Cadences infernales, salaires minima, contrats précaires, fragilisation des droits sociaux et syndicaux : le commerce sur l’Internet est un secteur économique fortement concentré, animé pour l’essentiel par quelques groupes d’envergure nationale ou internationale, placés dans une situation de concurrence accrue ; ces firmes tentent donc, par tous les moyens, de réduire le coût d’une main-d’œuvre encore indispensable tout en augmentant son volume d’activité. Tâche en partie facilitée par l’isolement des travailleurs au sein de grands entrepôts, eux- mêmes situés à l’écart des grands centres urbains et par l’ignorance publique et l’indifférence médiatique à l’égard de leur situation. Ignorance et indifférence encore plus grande lorsqu’il s’agit de services sous-traités et délocalisés à l’étranger comme les plates-formes téléphoniques dédiées à la « relation clients ».

    Notes

    [1http://www.glassdoor.com/

    [2] Cf. Andrew Gumbel, « Short shrift for unions in Amazon’s silicon jungle », The Independent, 3 février 2001 (http://www.independent.co.uk/news/b...)

    [3http://business.timesonline.co.uk/t....

    [4] En France, on en rend compte sous le titre : « Chez Amazon, des conditions de travail dignes de Zola » (voir France-Info, 17 décembre 2008, http://www.france-info.com/economie...)

    [5] WashTech est un syndicat américain né au sein de Microsoft, en 1998. Il regroupe donc surtout des ingénieurs et techniciens de l’industrie électronique et logicielle, et combat désormais surtout les tentatives de délocalisation (outsourcing) des grandes compagnies technologiques américaines (voir leur site Internet : http://www.washtech.org).

    [6] « Short shrift... », art. cit. 2. Ibid. Les 450 autres emplois supprimés s’expliquent par la fermeture, au même moment, d’un centre de distribution situé en Géorgie.

    [7] En réaction à l’enquête du Sunday Times, Allan Lyal, vice-président pour l’Europe d’Ama- zon, indiquait au journal : « Nous voulons que nos associés soient heureux de travailler chez Amazon et les intérêts des travailleurs sont défendus par un forum démocratiquement élu des employés, qui rencontrent régulièrement l’encadrement. » http://business.timesonline.co.uk/t...

    [8] Voir 01net, 10 août 2004 (http://www.01net.com/editorial/2493...).

    [9] Voir 01net, 23 mai 2008 (http://www.01net.com/editorial/3812...)

    [10] 11. Comme l’explique à 20 minutes Claudine Beyssière, responsable syndicale FO, le 23 mai 2008 (http://www.20minutes.fr/article/232...)

    [11] L’Expansion, 9 décembre 2009 : http://www.lexpansion.com/economie/...

    [12] Leur « moyenne d’âge ne dépasse pas la trentaine. Ils ne sont pas syndiqués ». Voir l’article d’Alain Beuve-Mery, « En remontant le cours d’Amazon jusqu’aux sources du e-com-merce », Le Monde des Livres, 18 janvier 2007

  • Biopiraterie

    Biopiraterie : comment des entreprises privées menacent de s’approprier des semences et des plantes

     
         

    Aider les chercheurs à cataloguer des semences, et se retrouver ensuite privés du droit de les planter : c’est la menace qui pèse sur les paysans français. Des entreprises privées nouent des partenariats avec des instituts de recherche publique pour collecter des graines dans les champs des éleveurs et des cultivateurs. Puis déposent des brevets, qui privatisent l’utilisation future de ces plantes et de leurs vertus, grâce à des failles réglementaires qui permettent aux multinationales de s’accaparer la biodiversité. « Aujourd’hui, un paysan qui partage ses ressources génétiques avec la recherche n’est plus protégé », dénonce la Confédération paysanne. Enquête sur ces nouveaux risques de biopiraterie.

    « On veut mutualiser nos semences, pas se les faire voler ! Non aux brevets sur le vivant ! ». Déguisés en bagnards, boulets aux pieds, une dizaine de paysans déambulent dans les allées du Salon de l’agriculture ce 23 février. Direction, le stand de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra). Pourquoi cet institut de recherche est-il dans la ligne de mire de la Confédération paysanne ? Tout a commencé par un banal coup de fil. Jean-Marc Arranz, animateur à la Chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques, est contacté au printemps 2014 par un centre de ressources génétiques (CRG), basé à Lusignan en Poitou-Charentes. Il a déjà entendu parler de cette « banque publique de graines » rattachée à l’Inra. Ce centre collecte, répertorie et stocke des échantillons de plantes et de graines. Ses chercheurs s’intéressent justement aux semences pyrénéennes et « souhaitaient discuter des modalités d’une collecte de graines chez des éleveurs », explique Jean-Marc Arranz.

    Les éleveurs donnent leur accord sur le principe, mais certains s’inquiètent d’un risque de biopiraterie : quelles sont les garanties que, suite à la collecte de l’Inra, des entreprises privées ne brevettent les caractéristiques des plantes identifiées qui deviendront ainsi leur propriété ? « Nous ne voulons pas nous retrouver dans la situation des éleveurs en Italie : il y a eu un prélèvement de trèfle dans la montagne et des entreprises sont venues ensuite réclamer des royalties aux paysans. C’est ce qui s’est aussi passé pour le riz basmati en Inde », craint Pascale Rey, éleveuse laitière installée en vallée d’Aspe. Une discussion s’engage entre les éleveurs de la Chambre d’agriculture et le CRG. Rapidement, l’échange bute sur quelques détails pour le moins... épineux.

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