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  • Apartheid version 3G

    La politique israélienne est dictée par les colons, qui exigent d’aller plus loin dans l’annexion.

     

    Gwendal Evenou

    Aller en Palestine, c’est un peu comme essayer de tenir sur un fil de funambule : à tout moment on peut tomber dans le vide, un vide du droit et de la diplomatie internationale.

    Lors du début de la construction du « Mur de la honte » au Proche-Orient il y a une douzaine d’années, les militants des Droits de l’Homme s’indignèrent de son tracé, qui rognait très largement sur le territoire officiel de la Cisjordanie. De ce mur, aujourd’hui, plus personne ne veut : ni les pacifistes du monde entier, bien sûr, mais pas davantage les plus radicaux des Israéliens, en l’occurrence les juifs ultra-orthodoxes, qui voient dans cette « barrière de sécurité » un obstacle à leur soif de conquête, devant aboutir à l’avènement du Messie, après l’annexion totale de ce que eux appellent la Judée-Samarie.

    Mais sans doute est-ce également un stimulus pour les nouveaux colons, à qui l’on propose donc de venir s’installer sur des terres palestiniennes, privant souvent les communautés rurales palestiniennes de leur terre, et donc de leur gagne-pain. Qui voudrait donc s’installer ainsi en terre hostile, en voisinage direct avec leurs ennemis de soixante ans, à part les plus convaincus de la cause ultra-orthodoxe ? Si les gouvernements israéliens successifs ont encouragé ce processus de colonisation, en subventionnant largement les familles pour l’acquisition ou la location des habitations et par l’incitation fiscale – toute famille s’installant dans une colonie est exonérée d’impôt pendant dix ans -, ils ont sans doute été dépassés par la puissance que représente aujourd’hui cette communauté des colons. Les dernières élections l’ont montré : la politique israélienne est aujourd’hui en grande partie dictée par ces colons, qui exigent d’aller toujours plus loin dans l’annexion de ce qui reste de la Palestine.

    Ainsi donc vivent les Palestiniens, dans une insécurité permanente, avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête : celle de voir une grue débarquer un beau matin sur leurs terres, et de comprendre qu’ils n’en sont plus propriétaires. Ramallah, siège de l’Autorité Palestinienne, « capitale » de la Cisjordanie dans l’attente que Jérusalem la remplace, est une ville embouteillée, du lever du soleil à la nuit tombante. Des files interminables de voitures obstruent le centre-ville, à tel point qu’il est largement conseillé d’utiliser ses deux jambes, quand celles-ci n’ont pas été emportées par une attaque « préventive » de l’armée israélienne [1].

    Car à Ramallah, il est impossible de construire un périphérique : les colons ont décidé d’encercler littéralement une ville condamnée à ne pas s’étendre comme sa démographie devrait le laisser supposer.

    « On a cru qu’il était Arabe »

    En conséquence, cette colonisation empêche tout développement endogène d’un pays qui n’a plus, de fait, de continuité territoriale. Les Palestiniens sont dépendants d’Israël pour tout ce qui touche à la vie quotidienne, et la société israélienne le leur rend bien : il leur est interdit de travailler en Israël.

    Aussi décrit-on souvent la situation des Palestiniens comme celle de « citoyens de seconde zone ». L’expression est sans doute bien faible. Ils sont entassés dans un territoire qui s’amenuise progressivement, comme des Indiens dans leur réserve. Un panneau rouge est d’ailleurs là pour avertir que l’accès à ces « réserves » n’est pas autorisé aux Israéliens. Comprenez : aux Israéliens qui souhaiteraient aller à la rencontre de l’autre, pour comprendre, échanger et partager. Pour les autres - les colons - c’est une autre histoire : à la nuit tombée, ils raffolent de faire le coup de poing dans les zones palestiniennes, parfois escortés par la police israélienne, qui sait protéger sa population quand le besoin s’en fait sentir.

    En territoire israélien, le droit local ne s’applique plus aux Palestiniens. Ainsi, en réaction aux attaques à l’arme blanche, des lynchages publics se sont répétés. A Ber Sheva, une foule d’Israéliens a ainsi battu à mort un réfugié érythréen, avant de se rendre compte qu’il était « des leurs ». « On a cru qu’il était Arabe » se sont justifiés les agresseurs, sous-entendant ainsi que l’argument était suffisant pour les dédouaner de leur acte. Dans l’imaginaire israélien, les Arabes sont donc plus proches du chien qui a la rage que du « citoyen de seconde zone ».

    Aujourd’hui, les frontières de 1948 ou de 1967 sont donc devenues une vaste blague, quasiment une utopie perdue. Les territoires palestiniens en Cisjordanie ressemblent à un archipel, avec des ilots de « réserve indienne » sans lien entre eux. Tout autour, l’Etat Israélien est partout. Et avance. Jusqu’où ? Aujourd’hui, quand on se balade dans les campagnes de Cisjordanie, difficile de savoir si on est en territoire légitime ou colonisé. En fait, il n’y a que l’Apartheid numérique qui nous renseigne : la 3G étant réservée exclusivement aux Israéliens, il vous suffit de récupérer un smartphone pour détecter les zones où « ça capte ». Et quand ça capte, ça colonise...

    Les Palestiniens, usés par ces discriminations et ces provocations incessantes, et incrédules quant à une issue politique du conflit, sont un certain nombre à baisser les bras. Ils cherchent alors par tous les moyens à accéder à la citoyenneté israélienne, condition pour obtenir les aides sociales et accéder aux universités israéliennes. Jusqu’à simuler de fausses agressions pour... se faire prisonnier. Les prisons israéliennes accueillent ainsi de plus en plus de nouveaux étudiants arabes, qui choisissent, ultime paradoxe, le cachot pour espérer un avenir meilleur.

    Ceux qui optent encore pour la lutte le font bien souvent par désespoir et par dépit, comme l’ont montré les événements des dernières semaines, qui traduisent leur colère par des règlements de compte, tel un signe de vengeance impersonnel, souvent dirigé vers des inconnus innocents. La confiance envers les appareils politiques s’est estompée depuis la disparition de Yasser Arafat dans un Etat qui n’a pas renouvelé ses élites -et n’a pas pu le faire- depuis dix longues années.

    Deux peuples se font donc face, pendant que les partis politiques et les gouvernements apparaissent totalement dépassés. Vingt ans après la mort d’Yitzhak Rabin, il ne reste absolument rien de ce qui était alors perçu comme un premier pas dans le bon sens de l’Histoire. Depuis, les deux peuples luttent à reculons, se rapprochant inexorablement de l’abîme.

    Gwendal Evenou

    [1« Ils sont partis en courant loin de la maison, cherchant refuge pour se protéger des drones de la mort(...) Un drone les avait suivis, livrant des missiles les uns après les autres. (…) Le père de Wael, 27 ans, raconte qu’il s’est réveillé après que deux missiles les ont visés. Il a essayé de se tenir debout mais n’a pas réussi, il a regardé son corps et n’a pas retrouvé sa jambe droite ». Extrait des 7èmes concours de plaidoiries pour les droits de l’homme de Palestine, 18 octobre 2015 – plaidoirie à propos d’une famille de Gaza.

  • Appels au boycott : la France aujourd’hui plus répressive qu’Israël (Electronic Intifada)

     

    Ali Abunimah

    Le 20 octobre [2015], la chambre criminelle de la plus haute juridiction de France a confirmé la condamnation d’une dizaine de militants de la solidarité avec la Palestine pour avoir appelé publiquement au boycott des produits israéliens.

    Cette décision de la Cour de cassation en ajoute aux préoccupations déjà croissantes concernant la répression sévère de la liberté d’expression, soutenue par le Président français François Hollande, depuis les assassinats de journalistes dans les bureaux du magazine Charlie Hebdo en janvier.

    Elle fait aussi de la France, avec Israël, le seul pays à pénaliser les appels à ne pas acheter les produits israéliens.

    Mais la loi française qui prévoit des sanctions pénales est probablement plus sévère que celle d’Israël, laquelle autorise de poursuivre les partisans du boycott pour dommages financiers, mais pas de les emprisonner.

    « Un triste jour »

    « Cette décision est une mauvaise nouvelle concernant le respect de la liberté d’expression dans notre pays » déclare la Ligue des Droits de l’Homme, organisation centenaire de défense des droits humains. "Elle constitue un des aboutissements de la volonté de faire taire toute critique de la politique des gouvernants israéliens et tout acte d’opposition aux graves violations des droits de l’Homme dont ils se rendent coupables." (1)

    Pour le groupe de la campagne BDS France, la décision marque un "triste jour pour la démocratie française où l’appel au boycott d’un Etat criminel qui viole les droits humains ne va plus de soi", et où le gouvernement peut "détourner l’esprit de la loi dès qu’elle s’attaque à un partenaire politique".

    Le CRIF, groupe leader du lobbyisme pro-Israël en France s’est réjoui de la décision.

    Les organisations françaises anti-palestiniennes soutiennent activement cette répression judiciaire – sous le couvert de la lutte contre l’antisémitisme – avec l’espoir qu’elle mettra un terme à la campagne de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS).

    Criminalisation d’une protestation pacifique

    En 2009 et 2010, des dizaines de militants BDS étaient entrés dans des supermarchés dans l’est de Mulhouse, où ils ont crié des slogans, distribué des tracts et porté des vêtements appelant au boycott des produits israéliens.

    Leur but, explique BDS France, était « d’informer les consommateurs des problèmes éthiques que pose l’achat de produits provenant d’Israël », et notamment que leur production « est indissociable de la situation d’apartheid vécue par le peuple palestinien, de la spoliation de ses terres (et) du refus du droit au retour des réfugiés »

    Mais en 2010, Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Justice, avait donné comme instruction aux procureurs de poursuivre les militants BDS à travers le pays.

    En décembre 2011, les militants de Mulhouse ont été relaxés pour les accusations portées par les procureurs locaux, mais en 2013, la cour d’appel les en a déclarés coupables sur la base de la loi de 1972 qui prévoit jusqu’à un an de prison et d’importantes amendes pour quiconque aura « provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».

    Les militants ont été condamnés à des amendes et aux dépens pour un montant de 30 000 €.

    La Cour de cassation vient de confirmer la condamnation de 2013.

    « La nation israélienne »

    Les militants ont été reconnus coupables de propos appelant à une « discrimination » contre des producteurs et fournisseurs de produits en raison de leur appartenance à la « nation israélienne ».

    Dans une suprême ironie, apparemment pas appréciée par les juges français, la Haute Cour d’Israël elle-même a rejeté en 2013 l’existence de toute « nation israélienne ».

    Israël ne reconnaît que la nationalité juive, et aussi d’autres catégories ethniques et sectaires dans lesquelles il range des citoyens et des non-citoyens contre leur volonté.

    Le magistrat français Ghislain Poissonnier fournit le contexte et l’analyse juridique de l’affaire de Mulhouse dans un article pour l’AURDIP (http://www.aurdip.fr/pour-la-cour-de-cassation-la.html), une organisation d’universitaires qui soutient les droits palestiniens.

    Il y écrit que la loi de 1972, un amendement à la loi française sur la presse de 1881, a été conçue pour lutter contre « les discriminations dont sont victimes les personnes physiques, et en aucun cas pour interdire les appels pacifiques au boycott de produits issus d’un État dont la politique (est) critiquée ».

    Poissonnier ajoute que la Cour de cassation a violé les principes établis dans le droit français et le droit européen, et que sa décision est d’autant plus contestable vu l’abondance des appels, ces dernières années, aux boycotts des produits venant d’États accusés de violer les droits de l’homme.

    Les juges, dit-il, n’ont pas tenu compte de faits majeurs : les actions sur les supermarchés sont totalement pacifiques et les gérants de magasins ne portent aucune accusation ; il n’y a aucune ingérence dans la liberté de commercer ; le but des militants était d’amener au respect du droit international ; et souvent les produits israéliens portent des étiquettes falsifiées pour cacher qu’ils proviennent des colonies qui sont illégales en vertu du droit international. Les militants – et la campagne BDS en France – sont, en outre, engagés publiquement contre toute formes de discrimination raciale et religieuse, dont l’antisémitisme.

    Autre ironie, le gouvernement français est à l’heure actuelle en train de pousser fortement en faveur de nouvelles règles à l’échelle européenne pour que soient étiquetés clairement les produits des colonies, probablement pour que les consommateurs puissent les boycotter.

    Suppression de la liberté d’expression

    Le journaliste et militant pour la liberté d’expression Glenn Greenwald s’est montré particulièrement virulent à propos de l’hypocrisie de la France pour la liberté d’expression, avec sa marche de Paris après le massacre à Charlie Hebdo, qui était « conduite par des dizaines de dirigeants du monde entier, dont beaucoup emprisonnent, voire tuent des gens, parce qu’ils ont exprimé des opinions interdites ».

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    Le dirigeant de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, s’était joint aux leaders mondiaux à Paris, dans la marche du 11 janvier pour la liberté d’expression, incluant le droit des dessinateurs français à représenter le prophète Mahomet d’une manière bestiale. (Philippe Wojazer – Reuters)

    S’exprimant dans The Intercept, Greenwald affirme que « l’absurdité d’une France qui s’honore elle-même pour la liberté d’expression » est clairement mise en évidence avec la condamnation des militants BDS.

    « Pensez combien c’est pernicieux. Il est parfaitement légal de recommander des sanctions contre l’Iran, ou la Russie, ou le Soudan, ou pratiquement n’importe quel autre pays », observe Greenwald. « Mais il est illégal – criminel – de préconiser des boycotts et des sanctions contre un pays : Israël ».

    Il note que les dirigeants des organisations anti-palestiniennes en Europe veulent que la répression par la France serve de modèle aux autres pays, objectif partagé par le puissant groupe de lobby pro-Israël aux États-Unis, l’AIPAC.

    Le gouvernement conservateur canadien du Premier ministre sortant, Stephen Harper, a déjà menacé d’utiliser des lois contre les discours haineux afin de pouvoir cibler les militants BDS.

    Compte tenu de son bilan en attaques contre les militants BDS et de son rapprochement avec Israël, ces derniers jours, il y a peu de raisons d’espérer que le Premier ministre entrant du Parti libéral, Justin Trudeau, soit moins intolérant.

    Pour ce qui est de la France, même le groupe de réflexion Freedom House, du Département d’État US, manifeste son inquiétude devant les restrictions grandissantes à la liberté d’expression.

    Dans son dernier rapport annuel sur la liberté sur Internet, la France se voit dégrader sérieusement.Freedom House affirme que le gouvernement et la police sont passés en « surmultipliée » depuis les meurtres à Charlie Hebdo, poursuivant des gens pour des choses qu’ils ont dites en ligne et votant des décrets donnant aux ministres le pouvoir de bloquer des sites.

    De telles mesures, déclare Freedom House, « menacent la liberté sur Internet dans le pays ».

    L’un des cas cités par le rapport est celui du lycéen arrêté pour avoir publié une caricature ironiquesur Facebook.

    Invaincu

    Ghislain Poissonnier déplore qu’avec la décision de la Cour de cassation, « notre pays devient le seul État au monde – avec Israël – à pénaliser les appels citoyens à ne pas acheter de produits israéliens ».

    Il espère que les militants feront appel de leurs condamnations devant la Cour européenne des droits de l’homme.

    Sa jurisprudence, dit-il, est « traditionnellement plus protectrice de la liberté d’expression » que celle du système judiciaire français et ainsi, elle « donne des raisons d’espérer à tous ceux qui sont choqués par une décision qui isole totalement la France ».

    BDS France demande qu’il soit mis un terme aux poursuites des militants basées sur le décret Alliot-Marie de 2010, et il affirme son soutien aux personnes condamnées pour leur expression.

    Invaincu par la répression du gouvernement, BDS France « appelle toutes les personnes, en France comme partout dans le monde, à continuer de mettre en œuvre la décision du peuple palestinien : promouvoir une campagne de boycott, désinvestissement et sanctions contre l’État d’Israël, jusqu’à ce qu’il respecte le droit international et les principes universels des droits humains.

    « Pour tout citoyen de conscience, soucieux des droits et de la dignité des peuples, BDS est non seulement un droit, mais aussi un devoir moral ! »

    Ali Abunimah

    Traduction : JPP pour BDS France

    Source : Electronic Intifada : https://electronicintifada.net/blogs/ali-abunimah/france-now-more-repr...

    EN COMPLEMENT

    [MRAP] Communiqué : décision de la Cour de cassation de Mulhouse : une atteinte à la liberté d’expression

    La Cour de cassation, plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français, vient de rendre sa décision dans l’affaire d’appel au boycott des produits israéliens par des militants de Mulhouse.

    Elle confirme l’arrêt de la Cour d’appel de Colmar de novembre 2013, qui condamnait les militants, après leur relaxe en 1re instance par le tribunal correctionnel de Mulhouse en décembre 2011.

    Pour le MRAP il s’agit d’une atteinte à la légitime liberté d’expression politique, il apporte son soutien aux militants inculpés. Lors du jugement de première instance par le Tribunal de Pontoise en 2013, ce dernier avait estimé que : « Cet appel au boycott est en réalité une critique passive de la politique d’un Etat, critique relevant du libre jeu du débat politique qui se trouve au cœur même de la notion de société démocratique. Ainsi dès lors que le droit de s’exprimer librement sur des sujets politiques est une liberté essentielle dans une société démocratique, cet appel au boycott entre dans le cadre normal de cette liberté ».

    Pour le MRAP, l’action des citoyens engagés dans la campagne BDS, à laquelle il participe, entre directement dans ce cadre. En effet, comme indiqué dans le projet d’orientation adopté à son dernier Congrès des 10 et 11 octobre 2015, « le MRAP soutient la campagne internationale BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) en demandant le boycott des produits israéliens en raison de la colonisation illégale ». Une telle campagne - faut-il le rappeler - répond de façon démocratique à la démission totale de la « communauté internationale » face aux violations des droits légitimes du peuple palestinien par les gouvernements israéliens.

    La décision de se pourvoir en cassation dans cette affaire participe à l’évidence d’une stratégie d’intimidation, à laquelle se livrent certains milieux ultra-sionistes, qui n’hésitent pas à porter, contre toutes voix critiquant la politique menée par les gouvernements d’Israël, l’infamante accusation d’antisémitisme.

    La contestation de la politique d’un Etat qui bafoue toutes les règles du droit international et qui opprime un autre peuple est un droit absolu dans toute démocratie.

    C’est pourquoi le MRAP réitère sa demande d’abrogation urgente de la circulaire de Madame Alliot Marie, appelant les procureurs de France à poursuivre toute personne appelant au boycott des produits israéliens.

    Paris, 6 novembre 2015

    Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples
    43 bd Magenta - 75010 Paris - Tél. : 01 53 38 99 82


    Communiqué LDH : Condamnation des militants BDS de Mulhouse : une atteinte à la liberté d’expression

    Le 20 octobre 2015, la Cour de cassation a condamné douze militants du collectif BDS de Mulhouse, initialement relaxés par le tribunal de grande instance, puis condamnés par la cour d’appel de Colmar. Ces derniers avaient participé à deux interventions auprès de clients de supermarchés, leur demandant de s’abstenir d’acheter des produits exportés par Israël dans le cadre de la campagne internationale « Boycott-Désinvestissement-Sanctions » (BDS).

    Cette décision est une mauvaise nouvelle concernant le respect de la liberté d’expression dans notre pays. Elle constitue un des aboutissements de la volonté de faire taire toute critique de la politique des gouvernants israéliens et tout acte d’opposition aux graves violations des droits de l’Homme dont ils se rendent coupables.

    Comme elle l’a déjà affirmé, la LDH refuse catégoriquement que les militants de la campagne BDS soient accusés et jugés pour « provocation publique à la discrimination » lorsqu’ils combattent toute forme de discrimination et militent pour le droit des peuples à l’autodétermination. Elle demande le retrait des directives envoyées par le ministère de la Justice aux parquets pour entreprendre de telles poursuites, et persistera à combattre toutes les atteintes à la liberté d’expression.

    Paris, le 30 octobre 2015

  • Les cobayes humains de l’armée française

     

    Nicolas PLUET

    01/04/1960 : 150 prisonniers algériens utilisés comme cobayes humains lors du second essai nucléaire français à Reggane.

    01/04/1960 : 150 prisonniers algériens utilisés comme cobayes humains lors du second essai nucléaire français à Reggane.

    René Vautier est mort le 4 janvier 2015.
    Résistant à 15 ans, il fut, avec pour seule arme sa caméra, engagé sa vie durant contre le colonialisme et les injustices ; emprisonné dès son premier film à 21 ans ; censuré comme nul autre réalisateur français ne le fut.

    Lui qui avait des liens si forts avec l’Algérie s’était fait l’écho d’un témoignage terrible qui, jusqu’ici n’a pas été évoqué dans la presse française. Il est temps de le faire.

    Cela se passe au CSEM (Centre Saharien d’Expérimentation Militaire) situé à Reggane, à 700 km au sud de Colomb Bechar. Les tirs sont effectués à Hamoudia, à une cinquantaine de km au sud-ouest de Reggane. Le premier avril 1960 a lieu le second essai nucléaire français, sous le nom de code “Gerboise blanche”. La bombe dégagea environ 4 kilotonnes.

    Le tir a été l’occasion d’étudier la résistance des matériels militaires (avions, véhicules, parties de navires...) à une explosion nucléaire.

    L’armée française a mené des essais sur des rats, des lapins et des chèvres.

    Des exercices militaires en ambiance « post-explosion » ont été réalisés. Ils commencèrent vingt minutes après les tirs.

    Mais environ 150 hommes vivants furent aussi exposés aux effets de la bombe, ligotés à des poteaux, à environ 1 km de l’épicentre.

    Nous sommes en pleine guerre d’Algérie, cette guerre qui a fait plusieurs centaines de milliers de victimes algériennes, militaires et surtout civiles. Beaucoup de victimes meurent torturées. Pour le colonialisme français et son armée, la vie des algériens ne vaut pas cher à l’époque...

    René Vautier, avait monté son film “Algérie en flammes”, tourné dans les maquis algériens dans les studios de la DEFA (Deutsche Film-Aktiengesellschaft) en RDA.
    Karl Gass, réalisateur documentariste à la D.E.FA. avait recueilli le témoignage d’un légionnaire français d’origine allemande affectés à la base de Reggane.

    Le témoin affirmait avoir reçu , juste avant l’explosion, l’ordre de récupérer dans des prisons et des camps de concentration, 150 Algériens qui devaient être utilisés comme cobayes à proximité du point zéro . Il déclarait les avoir fait venir, les avoir remis à ses supérieurs hiérarchiques, et ne les avoir jamais revus. Ce légionnaire a été affecté ailleurs en 1961.

    M. Mostefa Khiati, médecin à l’hôpital d’El Harrach et M. Chennafi, enlevé avec cinq de ses amis de Staouéli (ouest d’Alger) à Reggane où ils devaient travailler, confirment ce témoignage (voir encadré “Ce que disent les Algériens”).

    En Algérie, la presse et les médias algériens, la Ligue Algérienne des Droits de l’Homme, des juristes, des médecins évoquent ces questions.

    Le 14 février 2007, le quotidien Le Figaro cite une réponse à l’interpellation des Algériens. Elle est faite par le responsable de la communication du ministère de la Défense, Jean-François Bureau : "Il n’y a jamais eu d’exposition délibérée des populations locales »". Il s’agit, selon lui, d’une légende entretenue par la photo d’une dépouille irradiée exposée dans un musée d’Alger. "Seuls des cadavres ont été utilisés pour évaluer les effets de la bombe", ajoute-t-il.

    Mais alors, quels sont ces cadavres ? D’où venaient-ils ? Quelles étaient les causes des décès ? Où sont les documents tirant les enseignements de leur exposition à la bombe ? Et surtout, peut-on sérieusement croire qu’en pleine guerre d’Algérie, l’armée française pouvait transporter des cadavres sur des centaines de km pour des essais “éthiques” alors qu’elle torturait et tuait quotidiennement civils et combattants algériens ?

    Qui peut croire aussi, qu’un pouvoir qui se dote à grands frais d’une arme nouvelle, qui fera l’essentiel de ses forces, va s’abstenir d’en faire l’essai jusqu’au bout ? La logique “technique” à défaut d’être humaine, c’est de la tester “en vraie grandeur” c’est à dire sur des êtres humains vivants ... Tous l’ont fait : lisez, pays par pays, l’ encadré à ce sujet.

    Pourtant, il n’y a pas eu de scandale d’Etat à la hauteur de ce fait qui relève du crime contre l’humanité.

    Le fait que le FLN avait accepté, dans le cadre d’"annexes secrètes", que la France puisse utiliser des sites sahariens pour des essais nucléaires, chimiques et balistiques pendant quatre années supplémentaires a sans doute créé des conditions propices à ce silence officiel...

    En effet, ces essais se sont poursuivis dans les conditions de mise en danger des populations locales et des travailleurs algériens sur les sites contaminés, le pouvoir algérien ne souhaitait sans doute pas voir ce dossier sensible resurgir.

    Derrière elle, l’armée française a laissé des poubelles nucléaires à peine ensablées
    (voir L’Humanité du 21/02/2007), des populations victimes de multiples cancers, des nappes phréatiques radioactives.

    Mais elle laisse aussi le souvenir, mieux caché pour l’instant, d’une épouvantable expérimentation effectuée sur des êtres humains vivants.

    Merci à René Vautier pour avoir tenté, durant des années, de lever la chape de plomb sur ce crime.

    A présent les bouches et les archives doivent s’ouvrir.

    Comme la Ligue Algérienne des Droits de l’Homme, exigeons l’ouverture compète des archives militaires sur les essais nucléaires dans le sud du Sahara (algérien) dans les années 1960 à 1966.

    Demandons aux nombreux militaires et civils français et algériens qui ont servi sur la base de Reggane et ont pu être témoins direct ou recueillir des témoignages de dire ce qu’ils savent.

    Que la France officielle reconnaisse aujourd’hui le crime.

    A défaut de pouvoir le réparer, qu’elle prenne ses responsabilités pour atténuer les conséquences de ses essais nucléaires sur les population algériennes :

    La réhabilitation des sites d’essais nucléaires, conformément à la législation internationale.

    La création d’une structure de santé spécialisée dans le traitement des maladies cancéreuses causées par la radioactivité. La mise en place d’un registre du cancer dans les régions d’Adrar, Tamanrasset et Béchar. La prise en charge totale des malades.

    La création d’un pôle d’observation des différents sites ayant servi aux essais nucléaires comme ce fut le cas pour l’Angleterre et ses sites en Australie.

    Auteur : Nicolas Pluet, militant communiste et ami de René Vautier.


    Sources et éléments pour des encadrés éventuels complétant le texte principal.
    Eléments pour un encadré sur
    Ce que disent les algériens

    Du côté algérien, des recherches ont été faites dans les années 2000 et résumées ainsi par l’avocate Me Fatima Ben Braham : « L’étude iconographique, de certaines de ces photos, nous a permis de constater que la position des soi-disant mannequins ressemblait étrangement à des corps humains enveloppés de vêtements. A côté de cela, nombre d’Algériens détenus dans l’ouest du pays et condamnés à mort par les tribunaux spéciaux des forces armées [français] nous ont apporté des témoignages édifiants. Certains condamnés à mort n’ont pas été exécutés dans les prisons, mais ils avaient été transférés pour ne plus réapparaître. Ils avaient, selon eux, été livrés à l’armée. Après consultation des registres des exécutions judiciaires, il n’apparaît aucune trace de leur exécution et encore moins de leur libération. Le même sort a été réservé à d’autres personnes ayant été internées dans des camps de concentration. »

    Après des recherches, l’avocate a retrouvé une séquence des informations télévisées montrant un combattant mort sur une civière entièrement brûlé, ainsi commentée : « Et voilà le résultat de la bombe atomique sur un rebelle. »
De plus, une étude minutieuse des photos de mannequins, et particulièrement une, où plusieurs corps (5 environ) étaient exposés, indique que les mannequins auraient une forte ressemblance à des corps humains.

    Elle a alors réuni un groupe de médecins et de médecins légistes à l’effet de faire le rapprochement des corps exposés avec de véritables corps humains dans la même position (tête, bras, jambes, bassin, buste, etc.)
Les résultats ont été concluants : il s’agit bien de corps humains (même le poids a été déterminé) et leur mort était certaine.
En 2005, la question a été posée aux autorités françaises qui ont d’abord répondu qu’il s’agissait uniquement de mannequins et de rien d’autre, pour tester les habillements face aux essais.

    Après insistance des Algériens, les autorités françaises ont rétorqué que « s’il y avait des corps à la place des mannequins, il faut se rassurer que les corps étaient sans vie ».

    Source : http://www.algeria-watch.org/fr/article/pol/france/cobayes_humains.htm


    Lors d’un documentaire, réalisé par Saïd Eulmi et diffusé à l’ouverture du colloque, il a été rapporté que des prisonniers de guerre avaient été utilisés comme cobayes lors des essais. Des images de corps humains calcinés accrochés à des poteaux ont été montrées. « Les corps de ces martyrs (...) ont été retrouvés durcis comme du plastique », a souligné Mostefa Khiati, médecin à l’hôpital d’El Harrach. « Les conventions de Genève ont été violées. Il s’agit de crimes de guerre », a estimé Abdelmadjid Chikhi, directeur des archives nationales.

    Source : Metaoui Fayçal, El Wattan


    Le témoignage de M. Chennafi, « un sexagénaire, enlevé avec cinq de ses amis de Staouéli (ouest d’Alger) à Reggane où ils devaient travailler jour et nuit et préparer l’installation de la bombe nucléaire : « Après l’explosion de cette bombe, les victimes étaient parties en fumée. Même les ossements ont disparu ». Plusieurs militaires et médecins Français ont confirmé l’utilisation par l’armée française d’habitants de la région ou de Ghardaia afin de "tester l’effet des radiations" sur eux. Ces derniers ont été placés dans les lieux servant de théâtre des opérations sans protection aucune. Les survivants n’ont bénéficié d’aucun traitement contre les radiations nucléaires par la suite.

    Source : Planète non violence (webzine)


    Ligue Algérienne des Droits de l’Homme

    La LADDH pense que l’exposition directe, par la France, de prisonniers dans l’expérience nucléaires constitue “une flagrante violation de la convention de Genève relative aux prisonniers de guerre et à leur traitement.

    Le FLN a accepté, dans le cadre d’"annexes secrètes", que la France puisse utiliser des sites sahariens pour des essais nucléaires, chimiques et balistiques pendant cinq années supplémentaires. Onze essais se sont ainsi déroulés après l’Indépendance du 5 Juillet 1962 et ce, jusqu’en février 1966.

    La LADDH est porteuse d’exigences vis à vis de la France (voir article principal).
    Source : http://ekopol.over-blog.com/2014/08/les-essais-nuclaires-francais.html


    Eléments pour un encadré sur :
    Radiations imposées.

    Même les militaires n’étaient pas protégés.

    Si l’on compare avec ce qui a été fait en Polynésie pour la protection des populations – des blockhaus pour Tureia qui se trouve à 110 km de Mururoa et des « abris de prévoyance » sommaires pour les Gambier, Reao et Pukarua, dans le Sahara algérien, les précautions prises pour la protection des personnels militaires et des habitants des palmeraies voisines ont été très sommaires, voire inexistantes.
    Quelques documents estampillés « secret » permettent d’avoir une idée du mépris des autorités militaires à l’égard de leurs hommes. on peut constater que pour les populations sahariennes de Reggane (environ 40 km d’Hammoudia) et quelques palmeraies encore plus proches des points zéro, la protection était nulle. Aucun abri ou autre bâtiment n’a été construit pour ces populations, tout aussi bien que pour les personnels militaires de la base de Reggane Plateau ou les quelques dizaines de militaires et civils qui restaient sur la base d’Hammoudia pendant les tirs.

    A Reggane au Sahara, à moins de 5 km de l’explosion, on donnait des lunettes noires aux soldats pour se protéger les yeux. Mais ils étaient en short et chemisette.

    Des retombées à plus 3 000 km, des conséquences sanitaires terribles.
    Outre dans tout le Sahara algérien, les retombées radioactives ont été enregistrées jusqu’à plus de 3000 km du site (Ouagadougou, Bamako, Abidjan, Dakar, Khartoum, etc.).

    24 000 civils et militaires ont été utilisés dans ces explosions, sans compter l’exposition aux radiations de toute la population de la région.

    A Reggane où les essais ont été atmosphériques et ont couvert une vaste zone non protégée, selon les médecins l’exposition aux radiations ionisantes provoque plus 20 types de cancer (cancers du sein, de la tyroïde, du poumon, du foie, du côlon, des os, etc.).
    Les leucémies dépassent de manière sensible la moyenne dans la région. Des malformations touchent aussi bien les adultes que les enfants, les nouveaux nés et les les fœtus. On constate également une baisse de fertilité des adultes. Des cas de cécité sont dus à l’observation des explosions. A Reggane le nombre de malades mentaux est très important. Des familles entières sont affectées, sans parler des lésions de la peau, des stigmates physiques et des paralysies partielles, ainsi que d’autres phénomènes sur lesquels les médecins n’arrivent pas à mettre de mots.

    Le bilan des décès causés par les maladies radio-induites ne cesse de s’alourdir à Tamanrasset. Au total 20 cancéreux, entre femmes, hommes et enfants, sont morts en juillet dernier, s’alarme Ibba Boubakeur en 201447, secrétaire général de l’Association des victimes des essais nucléaires à In Eker (Aven), Taourirt.

    « Nous avons assisté à l’enterrement d’enfants amputés de leurs membres inférieurs et de femmes à la fleur de l’âge. Le pire, c’est qu’aucune de ces victimes ne possède un dossier médical, hormis les quelques certificats délivrés par les médecins exerçant dans la région », se plaint-il. 52 ans après cette tragédie que la France ne veut toujours pas réparer.

    « On ne peut pas avoir le nombre exact de victimes. En 2010, un recensement partiel faisant état d’un peu plus de 500 victimes a été réalisé dans les localités relevant uniquement de la commune de Tamanrasset, à savoir Inzaouen, Ifak, Toufdet, Tahifet, Indalak, Izarnen, Outoul et Tit. Nous y avons constaté beaucoup de maladies, des avortements, des malformations et toutes les formes de cancer ».

    Selon une étude réalisée par des experts, 21,28% des femmes de cette région sont atteintes de cancer du sein et 10,13% du cancer de la thyroïde.

    Sources :

    http://www.reperes-antiracistes.org/article-dossier-algerie-les-essais...

    Ligue Algérienne des Droits de l’Homme. http://www.lematindz.net/news/15070-essais-nucleaires-en-algerie-la-la...

    http://lavoixdesidibelabbes.info/laven-salarme-des-deces-causes-par-le...

    http://ekopol.over-blog.com/2014/08/les-essais-nuclaires-francais.html

    http://www.djazairess.com/fr/elwatan/60683

    Le jour d’Algérie » du 13/02/2007


    Eléments pour un encadré sur :
    Essais humains : la France n’est pas la seule.

    USA
    Le secrétaire d’Etat à l’Energie américain, Hazel O’Leary, a révélé que son pays a mené des expériences sur quelque 700 "cobayes humains". C’était dans les années quarante, on administra à plus de 700 femmes enceintes, venues dans un service de soins gratuits de l’université Vanderbilt (Tennessee), des pilules radioactives exposant les foetus à des radiations trente fois supérieures à la normale. On leur faisait croire qu’il s’agissait d’un cocktail de vitamines. ..
    En 1963 (là, on était pourtant édifié sur les effets de la radioactivité !), 131 détenus de prisons d’Etat de l’Oregon et de Washington se portèrent "volontaires", en échange d’un dédommagement de 200 dollars chacun, pour recevoir de fortes doses de rayons X (jusqu’à 600 röntgens) aux testicules.
    Mais l’expérimentation humaine principale avait été menée lors des bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9 août 1945 et après eux.
    le Japon avait de toute façon déjà perdu la guerre et s’apprêtait à négocier, avant les bombardements nucléaires.
    Les USA choisissent Hiroshima et Nagasaki pour leurs configurations différentes et y expérimentent deux bombes de types différents : plutonium pour Nagasaki ; uranium 235 pour Hiroshima . Plus de 2 00 000 victimes immédiates, sans compter celles des décennies suivantes.
    Les archives américaines ont révélé , que quatre des plus grandes villes japonaises avaient été retenues comme cibles potentielles et interdites de tout bombardement, afin de pouvoir attribuer à la seule bombe atomique les dégâts observables. Par ordre de « préférence », il s’agissait de Hiroshima, Niigata, Kokura et Nagasaki.
    Après les bombardements les USA construisent tout un hôpital, implantent un camp de scientifiques pour examiner les survivants et mener des expériences sur eux, quelques semaines seulement après le bombardement. Mais ne soigneront personne.

    URSS
    En septembre 1954, l’armée soviétique exposa sciemment des civils et des militaires aux retombées d’une bombe atomique de 20 kilotonnes, explosée à 350 m au-dessus de la ville de Totskoye, dans l’Oural. outre les 45 000 soldats qui furent exposés - quand les généraux décidèrent de leur imposer des exercices militaires sur les terrains encore brûlants de radioactivité -, il y avait aussi des civils : un million de personnes environ, réparties dans un rayon de 160 km autour du site de l’expérience. En effet, Kouibichtchev (aujourd’hui Samara), alors peuplée de 800 000 habitants, se trouve à 130 km à l’ouest du site et Orenbourg, 265 000 habitants, à 160 km à l’est.
    Au Kazakhstan un quart du territoire kazakh est occupé par les terrains d’essais et des usines militaires. On y a fait exploser 466 bombes atomiques : 26 au sol, 90 en altitude et 350 sous terre. Lors de l’essai, en 1953, de la première bombe à hydrogène 14 000 personnes furent exposées aux retombées. Une vaste région de ce pays est contaminée. Elle a subi une irradiation d’un niveau comparable à celui de Tchernobyl pendant quarante ans.
    Source : http://atomicsarchives.chez.com/cobaye_humains.html

    Chine
    Le site d’essais nucléaires chinois de Lob Nor, dans le Xinjiang, est le plus vaste du monde : 100 000 km2, dans le désert du Turkestan oriental, dont environ un cinquième a été irradié.
    Les populations locales se sont plaintes à de nombreuses reprises de maladies inhabituelles : cancers de la thyroïde ou malformations à la naissance. Les estimations du nombre de victimes vont de « quelques décès » selon les autorités, à 200 000 selon les sympathisants de la cause ouïghoure (ethnie majoritaire au Xinjiang). Des tests indépendants, conduits dans quelques villages, ont montré des taux de radioactivité très supérieurs à la limite d’alerte, et 85 000 personnes au moins vivent encore à proximité immédiate des anciennes zones d’essais. Au début des tests, ces riverains n’étaient même pas déplacés. Dans les années 70, on les faisait évacuer quelques jours avant de les faire revenir.
    Source : Denis DELBECQ et Abel SEGRETIN

    Royaume Uni :
    le gouvernement britannique a eu recours à des soldats australiens, anglais et néo zélandais pour les utiliser comme cobayes lors d’essais nucléaires.
    Des centaines d’aborigènes ont probablement été contaminés à proximité du site d’essais de Maralinga.

  • Monsieur le Président, vous êtes tombé dans le piège !

    Monsieur le Président,

     

    Le choix extraordinairement irréfléchi de la terminologie que vous avez utilisée dans votre discours du samedi après-midi, où vous répétiez qu’il s’agissait d’un « crime de guerre » perpétré par « une armée terroriste » m’a interpellé. Vous avez dit littéralement :

    « Ce qui s’est produit hier à Paris et à Saint-Denis près du Stade de France, est un acte de guerre, et face à la guerre, le pays doit prendre les décisions appropriées. C’est un acte de guerre qui a été commis par une armée terroriste, Daech, une armée de terroristes, contre la France, contre les valeurs que nous défendons partout dans le monde, contre ce que nous sommes, un pays libre qui parle à l’ensemble de la planète. C’est un acte de guerre qui a été préparé, organisé, planifié de l’extérieur et avec des complicités intérieures que l’enquête fera découvrir. C’est un acte de barbarie absolue. »

     Si je souscris pleinement à la dernière phrase, force est de constater que le reste de votre discours est la répétition angoissante et presque mot à mot de celui que GW Bush a tenu devant le Congrès américain peu après les attentats du 11 septembre : « Des ennemis de la liberté ont commis un acte de guerre contre notre pays. »

    Les conséquences de ces paroles historiques sont connues. Un chef d’État qui qualifie un événement d’acte de guerre se doit d’y réagir, et de rendre coup pour coup. Cela a conduit Bush à l’invasion de l’Afghanistan, ce qui était encore admissible parce que le régime avait offert asile à Al Qaeda – même l’ONU avait approuvé. A suivi alors l’invasion totalement démente de l’Irak, sans mandat de l’ONU, pour la seule raison que les É.-U. soupçonnaient que ce pays détenait des armes de destruction massive. À tort, s’est-il avéré, mais cette invasion a conduit à l’entière déstabilisation de la région, qui se prolonge jusqu’à aujourd’hui. Le départ des troupes américaines en 2011 a laissé le pays dans une vacance du pouvoir. Et c’est peu après, lorsque dans le sillage du Printemps arabe une guerre civile a éclaté dans le pays voisin, que l’on a pu constater à quel point l’invasion militaire américaine avait été pernicieuse. Dans le nord-ouest de l’Irak déraciné et l’est de la Syrie déchirée, entre l’armée gouvernementale et la Free Syrian Army, assez d’espace s’était manifestement créé pour que se lève un troisième grand acteur : DAECH.

    Bref, sans l’invasion idiote de Bush en Irak, il n’y aurait jamais été question de DAECH. C’est par millions que nous avons manifesté contre cette guerre en 2003, moi aussi, la désapprobation était universelle. Et nous avions raison. Cela, pas parce que nous étions capables de prédire l’avenir, nous n’étions pas clairvoyants à ce point. Mais nous en sommes pleinement conscients aujourd’hui : ce qui s’est passé dans la nuit du vendredi à Paris est une conséquence indirecte de la rhétorique de guerre que votre collègue Bush a employée en septembre 2001.

    Et pourtant, que faites-vous ? Comment réagissez-vous moins de 24 heures après les attentats ? En employant la même terminologie que votre homologue américain de l’époque ! Et sur le même ton, bonté divine !

    Vous êtes tombé dans le panneau, et vous l’avez fait les yeux grands ouverts. Vous êtes tombé dans le panneau, Monsieur le Président, parce que vous sentez l’haleine chaude de faucons comme Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen vous brûler la nuque. Et vous avez depuis si longtemps la réputation d’être un faible. Vous êtes tombé dans le panneau. Des élections se préparent en France, elles auront lieu les 6 et 13 décembre, ce ne sont que des élections régionales, mais après ces attentats, elles seront placées sous le signe de la sécurité nationale, à n’en point douter. Vous êtes tombé dans le panneau à pieds joints, parce que vous avez fait mot pour mot ce que les terroristes espéraient de vous : une déclaration de guerre. Vous avez accepté leur invitation au djihad avec enthousiasme. Mais cette réponse, que vous avez voulue ferme, fait courir le risque monstrueux d’accélérer encore la spirale de la violence. Je ne la trouve pas judicieuse.

    Vous parlez d’une « armée terroriste ». Pour commencer, rien de tel n’existe. C’est une contradictio in terminis. Une « armée terroriste », c’est un peu comme pratiquer un régime boulimique. Des pays et des groupes peuvent avoir des armées ; s’ils ne parviennent pas à en former, ils peuvent opter pour le terrorisme, c’est-à-dire pour des actions ponctuelles dont l’impact psychologue est maximal au lieu d’un déploiement structurel de forces militaires avec des ambitions géopolitiques.

    Mais une armée, dites-vous ? Soyons clairs : jusqu’ici, nous ignorons si les auteurs des faits sont des combattants syriens revenus ou envoyés. Nous ne savons pas si les attentats ont été tramés dans le califat ou dans les banlieues et « quartiers ». Et bien que certains indices laissent supposer qu’il s’agit d’un plan global émanant de la Syrie (la quasi-simultanéité de l’attentat-suicide au Liban et de l’attaque éventuelle d’un avion russe), force est de constater que le communiqué de DAECH est venu bien tard, et qu’il ne contient pas d’autres éléments que ceux qui circulaient déjà sur internet. Ne serait-il pas question de coordination ou de récupération ?

    Pour autant que l’on sache, il pourrait s’agir d’individus incontrôlés, sans doute pour la plupart des citoyens français revenus de Syrie : ils y ont appris à manier des armes et des explosifs, s’y sont immergés dans une idéologie totalitaire, cryptothéologique et s’y sont familiarisés aux opérations militaires. Ils sont devenus des monstres, tous tant qu’ils sont, mais ils ne sont pas une armée.

    Le communiqué de DAECH glorifait les « lieux soigneusement choisis » des attentats, vos propres services soulignaient le professionnalisme de leurs auteurs : sur ce point, remarquons que vous parlez la même langue. Mais qu’en est-il, en réalité ? Les trois hommes qui se sont rendus au Stade de France où vous assistiez à un match amical de football contre l’Allemagne semblent plutôt être des amateurs. Ils voulaient sans doute pénétrer dans l’enceinte pour commettre un attentat contre vous, c’est fort possible. Mais celui qui se fait sauter à proximité d’un McDonald et n’entraîne qu’une victime dans la mort est un bien piètre terroriste. Qui ne fait que quatre morts avec trois attentats-suicides, alors qu’un peu plus tard une masse humaine de 80 000 personnes sort de l’enceinte, est un bon à rien. Qui veut décimer le public d’une salle avec quatre complices, mais ne bloque même pas la porte de sortie n’est pas un génie de la stratégie. Qui s’embarque dans une voiture et mitraille des citoyens innocents et sans armes attablés aux terrasses, n’est pas un militaire formé à la tactique, mais un lâche, un enfoiré, un individu totalement dévoyé qui a lié son sort à d’autres individus du même acabit. Une meute de loups solitaires, ça existe aussi.

    Votre analyse d’une « armée terroriste » n’est pas probante. Le terme que vous avez employé, « acte de guerre » est extraordinairement tendancieux, même si cette rhétorique belliqueuse a été reprise sans honte aucune par Mark Rutte aux Pays-Bas et Jan Jambon en Belgique. Vos tentatives de calmer la nation menacent la sécurité du monde. Votre recours à un vocabulaire énergique ne signale que la faiblesse.

    Il existe d’autres formes de fermeté que celle de la langue de la guerre. Immédiatement après les attentats en Norvège, le premier Stoltenberg a plaidé dans détours pour « plus de démocratie, plus d’ouverture, plus de participation ». Votre discours fait référence à la liberté. Il aurait aussi pu parler des deux autres valeurs de la République française : l’égalité et la fraternité. Il me semble que nous en avons plus besoin en ce moment que de votre douteuse rhétorique de guerre.

     

    Traduction du néerlandais par Monique Nagielkopf

  • Migrants:xénophobe en Europe

    L'événement a bouleversé toute l'Allemagne ce week-end. L'agression de la candidate à la mairie de Cologne Henriette Reker, à coups de couteau, par un homme au passé néonazi a suscité une immense vague de réprobation. Gravement blessée au cou, la candidate d'une coalition emmenée par la CDU (conservateur) a finalement été élue, dimanche. Mais les motifs de l'agression viennent rappeler combien l'accueil massif de réfugiés par l'Allemagne suscite les pires oppositions. En charge à Cologne de l'accueil des réfugiés, Henriette Reker a été visée justement pour cela :« Reker et Merkel nous inondent de réfugiés », a lancé l'homme qui l'a attaquée.

    Affiche électorale de Henriette Reker, agressée samedi à Cologne.Affiche électorale de Henriette Reker, agressée samedi à Cologne. © Reuters

    Lundi 19 octobre, l'émoi demeurait très vif, d'autant qu'une nouvelle manifestation du mouvement xénophobe Pegida a réuni dans la soirée près de 15.000 personnes à Dresde. Un an après sa création, ce mouvement des« patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident » s'installe dans le paysage allemand par des rassemblements hebdomadaires. À cela, s'ajoutent des critiques de plus en plus vives de la politique d'accueil revendiquée par Angela Merkel. Partout en Europe, la crise des réfugiés sert de carburant aux mouvements populistes, nationalistes, d'extrême droite.

    Des dirigeants, comme le Hongrois Viktor Orban, aux responsables de partis, tels que Marine Le Pen ou Christian Estrosi en France, l'accueil des réfugiés ne fait pas que bouleverser les frontières de l'espace Schengen : nous assistons à une reconfiguration d'ensemble des discours politiques et à des rapprochements inédits entre la droite et l'extrême droite. Cette reconfiguration est d'autant plus rapide que plusieurs pays européens sont en campagne électorale.

    La Suisse vient de voter, tout comme l'Autriche. La Pologne le fera le 25 octobre, puis la Slovaquie, l'Espagne et la France à l'occasion des élections régionales. La dénonciation de « l'invasion », des migrants et des « faux réfugiés » s'est installée au cœur des discours de campagne. Voici un tour d'Europe des pays et le récit de comment cette crise des réfugiés pèse sur les consultations électorales.

    Suisse.- Les nationalistes-populistes de l’UDC réalisent leur meilleur score

    Cela fait vingt ans que la Suisse place au cœur de ses campagnes électorales les thèmes de l’immigration et des réfugiés, sur fond de progression presque ininterrompue des nationalistes-populistes de l’Union démocratique du centre (UDC). Dimanche 18 octobre, l’UDC a encore amélioré son score avec de 29,4 % des voix (contre 26,6 % en 2011), raflant un total 65 sièges sur 200 au Conseil national (la chambre basse). Elle devance largement le parti socialiste (18,8 %) et la droite libérale (PLR 16,4 %) et les centristes du PDC (11,6 %), alors que les Verts accusent un fort recul. Les résultats du Conseil des États (46 députés élus dans les 26 cantons,) seront connus le 8 novembre prochain (voir ici les résultats).

    « Difficile de savoir ce qui relève de la crise actuelle des réfugiés, ou ce qui est seulement dans la continuité d’un agenda politique suisse dicté par l’UDC aux autres partis politiques »,estime Oscar Mazzoleni, politologue spécialiste de la droite anti-immigration, auteur de Nationalisme et populisme en Suisse : La radicalisation de la « nouvelle » UDC« Ce qu’on peut dire, c’est que l’UDC a bénéficié du climat d’inquiétude créé par la vague migratoire sur l’Europe », ajoute-t-il. Alors que le dossier des relations avec l’Union européenne, pourtant autrement plus brûlant pour le pays, « est resté au second plan, du fait de son extrême complexité », remarque-t-il.  

    Durant toute la campagne, les électeurs ont été abreuvés de discours, débats, chiffres et affiches sur la thématique des migrations qui, si l’on en croit un récent sondage de l’institut gfs.bern, est considérée par 46 % des personnes interrogées comme le « problème le plus urgent » à traiter. Galvanisée par la victoire, en février 2014, de son initiative populaire « contre l’immigration de masse » qui demande la réintroduction des quotas de travailleurs, l’UDC n’a pas lésiné sur les moyens se présentant comme l’« unique parti qui veut limiter l’immigration et corriger les abus de l’asile ».

    « Expulser enfin les étrangers criminels »

    En septembre, tous les foyers ont reçu dans leur boîte aux lettres Edition spéciale, un journal de vingt-deux pages. Plus d’un tiers des articles sont consacrés au péril que font courir les étrangers (toutes catégories confondues) au pays, avec ces titres évocateurs :« Stop au chaos de l’asile » ; « Combien de migrants supporte la Suisse ? » « Expulser enfin les étrangers criminels » « Asile, il faut agir immédiatement » « Genève, malade de son immigration », etc.

    « Êtes-vous inquiet devant une immigration sans limite, devant chaque année quelque 30 000 requérants d’asile qui cherchent une vie meilleure en Suisse et devant les énormes abus sociaux et la criminalité qui y sont liés ? Alors vous devez voter le 18 octobre », lance en première page Toni Brunner, le président de l’UDC. Dans ce « tout-ménage », les Érythréens qui arrivent en tête des demandes d’asile incarnent ces migrants économiques qui cherchent « avant tout à profiter des excellentes prestations sociales et médicales du pays ». Mais à côté de ça, la brochure réussit le tour de force de passer quasiment sous silence la crise des réfugiés syriens en Europe. Et pour cause.

    Comme nous l’avons raconté, la Suisse n’est pas la destination favorite, loin s’en faut, des réfugiés qui fuient les guerres en Syrie, en Irak et en Afghanistan. Le « chaos de l’asile » invoqué par l’UDC est tout relatif puisque pour les huit premiers mois de l’année 2015, 19 668 personnes ont déposé une requête (dont 1 425 Syriens), alors que les États membres de l’UE et de l’AELE enregistraient environ 550 000 demandes de janvier à juillet 2015 (contre 304 000 durant la même période de 2014). Soit une hausse de 20 % en Suisse, contre une moyenne européenne de plus 71 %.  

    Une affiche électorale de l'UDC.Une affiche électorale de l'UDC.

    En dépit de ces chiffres, les réfugiés se sont retrouvés au cœur de la bataille électorale. Le hasard du calendrier a voulu que le parlement suisse se penche cet été sur unerévision de la loi sur l’asile, un texte qui prévoit une accélération et une simplification des procédures et qui a finalement été adopté le 9 septembre, après dix heures de débats enflammés au Conseil national.   

    L’UDC avait mis toutes ses forces pour s’y opposer, piétinant au passage toutes considérations humanitaires. Alors que la photo du cadavre du petit Aylan échoué sur une plage de Bodrum faisait le tour du monde, le parti réclamait, seul contre tous, « un moratoire d’un an » dans les procédures d’asile, et la réintroduction d’un contrôle systématique aux frontières avec la mobilisation possible de l’armée. La motion était finalement refusée par 103 voix contre 48.

    Au sein de l’UDC, certains (dont les trois députés qui ont voté contre) s’étaient inquiétés de cette stratégie, craignant qu’une partie des électeurs ne soient choqués par un tel cynisme. Mais la ligne dure s’exprime à nouveau sans complexe. « L'UDC trouve anormal que tous ces réfugiés aillent en Europe. Nous préférons privilégier l'aide sur place »fait valoir son leader Toni Brunner, estimant « injuste que Mme Merkel ouvre les portes grandes aux réfugiés et ensuite veuille les répartir dans les autres pays. Ce qui va au final encore plus charger la Suisse ».

    Le 18 septembre, Berne a annoncé sa « participation » au premier programme de répartition de 40 000 réfugiés en provenance de Syrie, Irak et Afghanistan, adopté en juillet par l’Union européenne. Le gouvernement suisse s’est dit prêt à recevoir 1 500 personnes sur deux ans (un chiffre à retrancher de celui du quota de 3 000 personnes promis en mars au Haut-commissariat de l’ONU aux réfugiés), annonçant une enveloppe de 70 millions de francs pour les pays alentour.

    L’UDC n’avait pas manqué de fustiger le Conseil fédéral accusé de suivre « la mauvaise voie de l’UE ». Le parti libéral-radical (PLR) qui chasse depuis des années sur les terres des nationaux-populistes évoque le risque de voir s’infiltrer des « terroristes » parmi les réfugiés. Seuls les socialistes et les Verts demandent à Berne d’en faire davantage, jugeant ces initiatives beaucoup trop timides, face à une crise migratoire d’une telle ampleur.

    Un boulevard semble désormais s’ouvrir au premier parti de Suisse qui, en l’absence de toute législation sur le financement des partis politiques, a dépensé des millions dans cette campagne. Le 6 octobre, l’UDC a lancé unréférendum contre la fameuse loi sur l’asile révisée. Il s’agit d’interdire aux requérants de bénéficier de l’assistance gratuite d’avocats, comme le prévoit le texte. Les Jeunes de l’UDC proposent, eux, une nouvelle initiative populaire pour rétablir un contrôle complet des allées et venues sur le territoire suisse. Annoncée depuis plus d’un an, l’initiative « pour l’interdiction de se voiler le visage » dirigée en priorité contre les musulmans a été ressortie des tiroirs le 29 septembre. Elle est pilotée par le « comité d’Egerkinger », le regroupement qui avait préparé l’initiative sur l’interdiction de construction de minarets, approuvée en 2009. (Agathe Duparc à Genève.)

    Pologne.- Favorite, la droite nationaliste du PiS se déchaîne

    En Pologne, les élections législatives ont lieu dimanche 25 octobre, et la question des réfugiés s'est imposée de plain-pied dans la campagne. Le débat est irréel quand on pense qu'il s'agit d'un pays de 40 millions d'habitants… à qui Bruxelles demande d'accueillir à peine plus de 7 000 réfugiés.

    C'est surtout le parti Droit et Justice (PiS, droite conservatrice) qui s'est emparé de la thématique, pour agiter le chiffon nationaliste et discréditer un gouvernement soi-disant laxiste (PO, Plateforme civique, droite libérale). L'objectif est clair : remporter les élections et mettre fin à la cohabitation actuelle (la Pologne est gouvernée depuis juin par un président PiS face à gouvernement PO).

    Ainsi, le président Andrzej Duda refuse depuis début septembre de rencontrer la première ministre Ewa Kopacz, tout en critiquant dans les médias ce que la chef de l'exécutif accepte à Bruxelles, quand bien même PO serait elle-même allée à reculons sur le dossier migrants. La candidate du PiS au poste de premier ministre, Beata Szydło, parle carrément de « scandale » après le dernier sommet européen sur les quotas. Elle accuse le gouvernement d'avoir trahi le groupe de Visegrad (alliance entre Varsovie, Budapest, Prague et Bratislava). « C'était l'occasion de reconstruire la confiance et de bâtir de la solidarité entre les pays de la régiona-t-elle déclaréDésormais ce sera encore plus difficile. »

     

    Andrzej Duda, 42 ans, responsable du PiS et élu président en mai 2015.Andrzej Duda, 42 ans, responsable du PiS et élu président en mai 2015. © (dr)

     

    Le député PiS Witold Waszczykowski, chef adjoint de la commission parlementaire des affaires étrangères, va même jusqu'à dire que la Pologne « devrait être exclue du système de répartition des réfugiés » en raison de l'éventualité d'un afflux à venir de réfugiés ukrainiens. « Nous avons pour voisin un agresseur et les autres pays devraient le comprendre. » Mais c'est le président du parti qui a eu les mots les plus violents, et que le PiS affiche désormais en tête de gondole sur son site Internet, sous le slogan « Nous avons le droit de défendre notre souveraineté » : Jarosław Kaczyński y réitère les propos qu'il a tenus lors du débat parlementaire consacré au dossier des réfugiés, le 16 septembre dernier.

    « Il y a un vrai danger qu'un processus irréversible se mette en place, qui ressemblera à ça : d'abord le nombre d'étrangers s'accroît violemment, ensuite ils déclarent qu'ils ne respecteront ni notre droit ni nos coutumes, et ensuite ils imposent leur sensibilité et leurs exigences dans différents domaines, et ce de manière agressive et violente », déclarait Kaczyński. Et de prendre l'exemple de la France, de la Suède et de l’Italie, où des musulmans, dit-il, « ont su efficacement imposer la charia »... Le PiS ne fait aucune proposition concrète et ne dit pas s'il renégociera le quota à Bruxelles en cas de victoire aux élections… Or il a toutes les chances de l'emporter, tant PO semble à bout de souffle, après huit années d'exercice du pouvoir.

    Si le PiS a toujours été réactionnaire et nationaliste, c'est la première fois qu'il affiche un positionnement aussi tranché sur la question des immigrés dans une campagne électorale. Autrefois cette thématique était plutôt l'apanage de l'extrême droite polonaise, et encore, elle n'était pas tellement mise en avant, tant la question migratoire ne se posait guère dans ce vaste pays d'Europe centrale. C'est plutôt sur le rapport à l’Église et les problématiques de mœurs que s'arc-boutaient les conservateurs en Pologne.

    Du côté de la « Gauche unitaire » (Front mis sur pied pour le scrutin par les sociaux-démocrates du SLD – Union de la gauche démocratique – et d'autres formations de gauche), c'est la cacophonie. Les prises de position du SLD sont peu cohérentes avec les idées défendues par ses partenaires. La crise migratoire a permis au chef du SLD Leszek Miller de révéler son euroscepticisme ; il regrette, tout comme ses adversaires du PiS, que la Pologne se soit éloignée de ses partenaires du groupe de Visegrad. « Cela aurait été probablement meilleur si les Polonais étaient sur la même ligne que les Hongrois et les Slovaquesa-t-il assuré à différents médias polonais. Nous, les faibles, devons faire front ensemble. »

    Il faut selon lui étudier les possibilités réelles d'accueil… Mais le SLD s'est bien gardé d'avancer un quota, il a tout juste assuré que le pays ne pouvait absolument pas accueillir les quelque 7 000 réfugiés dont il est question. Officiellement, le SLD (né en 1991 d'une reconversion de l'ancien parti communiste) veut s'attaquer aux causes de la crise migratoire, et soutient pour cela la Russie dans la guerre en Syrie. « Nous devons réfléchir où se trouve actuellement le plus grand ennemi. Aujourd'hui, c'est l’État islamique. »

    La ligne est difficile à tenir pour le front unitaire, tant les figures de la formation Twój Ruch (« Ton mouvement ») sont à l'opposé des caciques du SLD. Ainsi, la tête de liste Barbara Nowacka déclarait, lors de la présentation du programme : « Nous sommes solidaires des réfugiés de guerre de Syrie du Proche-Orient, et nous agirons de telle sorte qu'ils puissent vivre dignement en Pologne jusqu'à ce qu'ils puissent rentrer chez eux. »Les Verts, également partenaires de cette coalition électorale, défendent quant à eux des quotas « obligatoires ».

    « Notre patrie n'est plus la nôtre »

    « Non aux quartiers islamiques dans nos villes », dit le slogan de cette affiche du KNP, formation d'extrême droite polonaise.« Non aux quartiers islamiques dans nos villes », dit le slogan de cette affiche du KNP, formation d'extrême droite polonaise.

    C'est sans conteste l'extrême droite libertarienne et eurosceptique de Korwin-Mikke qui est la plus radicale sur le dossier migrants. Le KNP (Congrès de la Nouvelle droite, complètement marginal pendant une quinzaine d'années, brusquement entré au parlement européen en 2014) afficheun programme en trois points. « Liquidation de l'impôt sur le revenu. Retrait des cotisations sociales obligatoires. Arrêt de la vague de migrants. » Quand on sait que la Pologne n'a, pour l'heure, accueilli aucun réfugié (à l'exception d'une fondation catholique qui a fait venir quelque 150 Syriens chrétiens en juillet), la formule a quelque chose de comique.

    Mais les leaders du KNP n'ont rien de drôle. Ils présentent les réfugiés comme des« immigrés islamiques », organisent çà et là des manifestations « contre les immigrés », rejettent en bloc tout ce qui vient de Bruxelles. Pour eux, même le PiS est modéré... L'eurodéputé Michał Marusik (qui siège avec le FN au parlement européen) s'est engagé pleinement dans cette campagne d'amalgames.

    Dans l'un de ses rassemblements, à Gdańsk, au mois de septembre, il lançait à la foule :« L'islamisme est la goutte d'eau qui fait débordela coupe d'amertume ! Mais le problème n'est pas seulement cette vague d'immigrés. C'est aussi que notre patrie n'est plus la nôtre. La Pologne n'est pas gouvernée comme il le faudrait.(...) Nous voulons une Pologne libre ! (…) » L'iconographie va avec le discours. Sur des affiches du parti, on peut voir un groupe terroriste cagoulé et armé jusqu'aux dents. « Non aux quartiers islamiques dans nos villes », dit le slogan. (Amélie Poinssot.)

    Croatie.- Les sociaux-démocrates profitent de l’afflux des réfugiés

    Le gouvernement social-démocrate croate de Zoran Milanovic a-t-il effectué un « sans-faute politique » dans sa gestion de la crise des réfugiés ? On pourrait le croire à regarder les résultats des sondages en vue des élections législatives convoquées pour le 8 novembre.

    Il y a quelques semaines, l’opposition de droite, menée par la Communauté démocratique croate (HDZ), semblait assurée de la victoire. Or, selon les récentes enquêtes d'opinion, la coalition de centre-gauche est au coude-à-coude avec le HDZ, les deux formations étant créditées de 32 % des intentions de vote. Sachant que les sociaux-démocrates peuvent encore compter sur le renfort de plusieurs petits partis, comme les écologistes du mouvement Orah, la victoire semble désormais à portée de main du premier ministre Milanovic, que l’on pensait pourtant « grillé » par quatre années d’un difficile exercice du pouvoir. Tous les indicateurs économiques de la Croatie, membre de l’UE depuis le 1er juillet 2013, sont en effet au rouge : chômage massif, croissance en berne depuis des années, etc.

    C’est grâce à la crise des réfugiés que la coalition au pouvoir a pu restaurer sa crédibilité politique. La Croatie se retrouve, en effet, « prise en étau » entre les réfugiés qui affluent de Serbie (plus de 100 000 depuis la mi-septembre) et les pays voisins, Slovénie et Hongrie. Des corridors humanitaires ont été improvisés mais si l’Autriche et l’Allemagne fermaient les portes, la situation deviendrait ingérable pour les pays de transit, comme la Croatie.

    Omniprésents dans les médias, Zoran Milanovic et son ministre de l’intérieur, Ranko Ostojic, ont su jouer avec brio d’un mélange de fermeté et d’humanisme. Le premier ministre a dénoncé la construction de la clôture de barbelés hongroise, en affirmant que « jamais » la Croatie n’en viendrait à de telles extrémités. Pourtant, Zagreb a fermé durant quelques jours ses frontières avec la Serbie, et a déployé des renforts de police le long de ses frontières avec le Monténégro.

    Alors que l’opinion publique croate, comme celle de tous les pays des Balkans, réagit avec empathie au drame des réfugiés – pour beaucoup de Croates, cette tragédie évoque celle qu’ils ont eux-mêmes vécue durant la guerre du début des années 1990 –, l’humanisme affiché par le gouvernement passe bien. Dans le même temps, les accusations lancées contre la Serbie, qui serait « incapable de gérer ses frontières », satisfont les secteurs les plus nationalistes de l’opinion.

    La reprise de ces antiennes anti-serbes ont coupé l’herbe sous le pied à la droite nationaliste. Le HDZ court derrière la crise des réfugiés, sans parvenir à trouver un angle d’attaque efficace contre le gouvernement. L’opposition concentre ses critiques sur les projets supposés du gouvernement de création d’immenses centres d’accueil sur la péninsule de Prevlaka, sur la frontière monténégrine, à une vingtaine de kilomètres de Dubrovnik, et sur l’île de Lastovo. Alors que l’activité touristique demeure importante toute l’année à Dubrovnik, les Croates font déjà des cauchemars en imaginant des milliers de réfugiés camper sous les remparts de la vieille ville… (Jean-Arnault Dérens en Croatie.)

    Espagne.- Rajoy et la droite hésitent à en faire un thème de campagne

    En Espagne, les législatives se dérouleront le 20 décembre. La campagne n’a pas encore commencé, et elle se jouera avant tout sur la « reprise » de l’économie espagnole promise par le chef de gouvernement conservateur Mariano Rajoy (PP). Les partis devraient tout de même s'affronter sur les questions migratoires, même si le pays ne se situe pas sur les routes des réfugiés fuyant la Syrie.

    Depuis la rentrée, les villes remportées par le mouvement « indigné », dont Madrid et Barcelone, ont constitué un réseau de villes-refuges, censé faciliter l’accueil de réfugiés. Avec l’aide de communautés autonomes remportées par la gauche (en mai), elles font pression sur le gouvernement de Rajoy, pour qu’il assouplisse sa politique. Ce dernier a fini par accepter, dans la douleur, le système de quotas proposé par Bruxelles. 

    En l'absence d'un parti d'extrême droite représenté au niveau national, le PP continue de présenter le cas des enclaves de Ceuta et Melilla, au nord du Maroc, protégées par un triple grillage de six mètres de haut, sur onze kilomètres, comme un succès de sa politique répressive. Depuis quatre mois, les intrusions de migrants sont quasiment impossibles. Le mouvement anti-austérité Podemos, lui, fait campagne pour instaurer des « voies d’accès légales » pour les réfugiés à travers l’Europe.

    À l’instar des Républicains en France, le PP est traversé par de nombreux courants, du centre droit à une ligne proche de l'extrême droite. Pour les élections catalanes du 27 septembre, Rajoy avait joué la carte de l’aile droitière, en imposant l’ancien maire de Badalona, Xavier Garcia Albiol, habitué des sorties nauséabondes visant les Roms en particulier (ce qui lui avait valu un procès, qu’il a gagné), et les migrants en général. Mais le PP n’est arrivé qu’en cinquième position en Catalogne, avec l’un de ses plus mauvais score... Cela pourrait faire réfléchir Rajoy d’ici aux législatives. (Ludovic Lamant.)
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    Autriche.- Les « torrents de réfugiés », aubaine de l'extrême droite FPÖ

    Heinz-Christian Strache rêvait d'arriver en tête. Ce dimanche 11 octobre, Vienne, ville-région et capitale autrichienne où vivent un quart des habitants du pays, élisait son maire. Strache, l'équivalent autrichien de Marine Le Pen, voulait absolument passer devant les sociaux-démocrates. Il rêvait, disait-il, de faire sa « révolution d'octobre ». Le symbole aurait été parfait : la ville, bastion de la bourgeoisie progressiste et libérale, est dirigée par les sociaux-démocrates depuis 1945.

    Strache, leader toujours bronzé d'une extrême droite qui se veut désormais respectable, n'a pas réussi son pari. Avec un progrès de 5 points, son parti, le FPÖ, dépasse certes les 30 % et ratiboise la droite classique, qui passe pour la première fois en dessous des 10 %. Il progresse quand tous les autres partis perdent du terrain, et emporte les districts de Simmering et Floridsdorf. Mais il reste à près de dix points derrière les sociaux-démocrates. Le vieux maire social-démocrate Michael Häupl, au pouvoir à Vienne depuis 1994, l'a joué habile en transformant le scrutin en référendum anti-Strache.

    Mais pour Strache, ce n'est qu'une demi-défaite. Car le leader de l'extrême droite a réussi à imposer ses thèmes, à commencer par la peur de ceux qu'il appelle les « soi-disant réfugiés », des étrangers et de l'islam en particulier. Depuis des mois, l'Autriche ne parle que de ça. La question de l'asile a écrasé la campagne. Rien qu'en septembre, après que l'Allemagne a imposé un strict contrôle à ses frontières, 200 000 migrants sont passés par l'Autriche, devenue une vaste salle d'attente (lire notre reportage). Et 10 000 ont déposé une demande d'asile. 

    Depuis des mois, Strache dénonce le « chaos de l'asile », les « torrents de réfugiés ». Pendant la campagne, il a aussi proposé d'ériger des murs aux frontières comme la Hongrie de Viktor Orban. Jouant à fond l'opposition entre les classes populaires autrichiennes déclassées et les migrants, il abuse de slogans simplistes comme« Vienne n'est pas Istanbul » ou « pas de nouvelles mosquées, mais de nouveaux logements ». Comme d'autres ailleurs, Strache surfe sur les peurs. Il fait référence aux invasions germaniques du IVe siècle (“Volkërwanderung”) – les fameuses « invasions barbares » aussi invoquées par Marine Le Pen. Il assure que les demandeurs d'asile vont prendre le travail ou les logements des honnêtes Autrichiens. Il certifie, comme Christian Estrosi chez nous, que des « terroristes » se cachent parmi eux. Un porte-parole de son parti a même traité les bénévoles qui aident les réfugiés dans les gares de Vienne de « collaborateurs de l'invasion »

    Cette rhétorique agressive lui a permis d'aligner les succès ces derniers mois lors d'autres élections régionales. En mai, après une percée de l'extrême droite (de 6 à 15 %) lors des élections régionales, les sociaux-démocrates du SPÖ ont dû se résoudre à une alliance avec le FPÖ dans l'État du Burgenland, le plus oriental du pays, à la frontière slovaque. Une alliance qui n'est pas inédite, mais prouve le délitement et la perte d'influence de la social-démocratie autrichienne.

    Dans l'État du Steiermark, il a triplé son score à 27 %, égalant les deux grands partis, le SPÖ et le ÖVP – qui ont depuis reconduit leur coalition. Fin septembre, en Haute-Autriche, la région de Linz, il a obtenu plus de 30 % des voix – deux fois plus qu'en 2009 – derrière la droite, devant les sociaux-démocrates – finalement, la droite pourraitgouverner avec les sociaux-démocrates et les écologistes, mais une coalition extrême droite/droite n'est pas exclue. 

    Alors que le SPÖ et les conservateurs gouvernent le pays ensemble, Strache a durement critiqué leur gestion de la crise des réfugiés. Il a surtout imposé son agenda. La ministre de l'intérieur conservatrice a ainsi lancé l'idée d'un asile « temporaire » de trois ans, qui serait ensuite ré-examiné. Une décision contraire à la convention de Genève.Localement, les candidats de droite comme de gauche ont défendu une ligne anti-immigrés dure, pensant ainsi limiter l'hémorragie de leurs électeurs. Une erreur, selon le politologie autrichien Thomas Hofer, interrogé par le journal allemand Süddeutsche Zeitung : « En imitant ce parti, en lui empruntant ses thèmes, on n'attire pas ses électeurs, on ne fait qu'alimenter son fonds de commerce. »

    Le FPÖ, qui gouverna le pays en alliance avec les conservateurs de 1999 à 2006, du temps de son ancien leader Jörg Haider – aujourd'hui décédé –, vise désormais les élections législatives de 2018. (Mathieu Magnaudeix, envoyé spécial à Vienne.)

    Slovaquie.- Surenchère avant les élections 

    En Slovaquie, les réfugiés n'existent pratiquement pas. Le pays est à l'écart des grandes routes de l'exil qui passent par la Serbie, la Hongrie et la Croatie. Les Syriens, Irakiens, Iraniens qui gagnent l'Europe n'en rêvent pas : ils visent l'Allemagne, la Suède ou la Finlande, où il y a du travail, et souvent leurs familles.

    Mais dans ce petit État de 5,4 millions d'habitants, indépendant depuis 1993, il n'est question que d'eux. Dans les médias, ils sont partout, comme si le pays découvrait les mouvements migratoires. Toujours, ou presque, les politiques en parlent comme d'une menace. Le Parlement a consacré sa session de rentrée à la crise migratoire « et les discours étaient plus affligeants les uns que les autres », selon Barbora Massova, l'avocate de la Ligue des droits de l'homme. Il n'est pas rare qu'à gauche comme à droite, les réfugiés soient, comme les Roms l'ont été avant eux, traités d'« inadaptables » ou de« tire-au-flanc ».

    Dans l'actuelle discussion européenne sur des quotas de réfugiés, la Slovaquie refuse farouchement tout système de quotas européen. C'est l' un des pays les plus intraitables, avec la Hongrie et la République tchèque, autres anciennes nations du bloc communiste qui ont intégré l'Union européenne.  Le gouvernement entend même porter plainte contre les quotas européens quand ils seront mis en place.

    Depuis des semaines, le premier ministre Robert Fico, un ancien communiste dont le parti social-démocrate détient la majorité absolue au Parlement, mène cette guerre rhétorique contre les réfugiés. Il les dépeint en profiteurs, venus essentiellement pour des raisons économiques, qui menaceraient l'identité chrétienne slovaque, ou comme des terroristes potentiels qui veulent« essayer de changer la nature, la culture et les valeurs de notre pays ». Pour plusieurs observateurs, cette rhétorique, outre le fait qu'elle permet d'étouffer des scandales de corruption, a un objectif politique immédiat : début mars, la Slovaquie élira ses députés. Fico entend bien conserver sa majorité.

    « Fico et ses proches veulent montrer les muscles, se désole Juraj Buzalka, chercheur à l'institut d'anthropologie sociale de l'université Comenius de Bratislava. Lui et l'autre personnalité de son parti, Robert Kalinak, ne reculent devant aucune instrumentalisation. Ils ont joué pendant longtemps la carte anti-hongroise [une forte minorité de 500 000 personnes, un dixième de la population – ndlr], puis la carte anti-Roms [toujours stigmatisés – ndlr], et maintenant ils s'en prennent aux réfugiés. Fico, qui est entré au parti communiste à la fin des années 1980 pour des raisons purement carriéristes, se présente désormais en catholique fervent. Après avoir été le bon élève de l'Union européenne, il s'en prend à elle parce qu'il espère que cela va lui profiter. »

    Fico n'est pas le seul à faire vibrer la corde anti-immigrés. À l'exception du chef du petit parti de la minorité hongroise, le Most de Bela Bugar, tous les partis s'y sont mis, de l'opposition conservatrice aux nationalistes, en passant, bien sûr, par l'extrême droite crypto-nazie qui dirige une des huit régions du pays. Ces messages simplistes trouvent une résonance dans les campagnes slovaques, délaissées depuis des décennies par le pouvoir central.

    « Jusqu'aux élections, et pour la première fois dans l'histoire de ce pays, les réfugiés vont être au centre des polémiques, alors que leur nombre ici est infinitésimal », soupire Barbora Messova. Un peu seul contre tous, le président de la République et homme d'affaires philanthrope Andrej Kiska, élu en 2014 au suffrage universel, tient un discours d'ouverture. Mais il n'a pas beaucoup de pouvoirs. (Mathieu Magnaudeix, envoyé spécial à Bratislava.)