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  • Informer sur le Proche-Orient

    Informer sur le Proche-Orient : « La tentation est de se rabattre sur ce qui apparaît comme un "juste milieu" »

    lundi 19 octobre 2015

    Nous remettons à la « une », trois ans après sa première publication, une interview de Benjamin Barthe, journaliste au Monde, consacrée au traitement médiatique du conflit opposant Israël aux Palestiniens. Les événements de ces derniers jours, et leur couverture par les « grands médias », confirment en effet malheureusement la plupart des constats opérés dans cette interview (Acrimed, 19 octobre 2015).

    Avant de devenir journaliste au Monde (desk Proche-Orient), Benjamin Barthe a été pigiste à Ramallah durant neuf ans, de 2002 à 2011. Il a reçu le prix Albert Londres en 2008 pour ses reportages sur Gaza. Il est l’auteur de Ramallah Dream, voyage au cœur du mirage palestinien [1]. En octobre 2010, il participait à un « Jeudi d’Acrimed » dont la vidéo est visible ici-même. Pour le n° 3 de Médiacritique(s) (avril 2012), il nous a accordé l’entretien reproduit ci-dessous.



    Dans quelles conditions travaille-t-on lorsque l’on est journaliste dans les territoires palestiniens ?

    Le terrain est assez singulier. Il n’est pas accessible à tous les journalistes, il y a une forme de filtrage effectué par les autorités israéliennes, avec notamment la nécessaire obtention d’une carte de presse. Si l’on travaille pour une publication installée, renommée, cela s’obtient sans trop de problèmes. Dans le cas contraire, on ne l’obtient pas toujours. Or, par exemple, il est impossible de se rendre à Gaza sans carte de presse. Un second filtrage est effectué par Israël : c’est la censure militaire. Les journalistes à qui une carte est attribuée doivent s’engager à respecter la censure et à ne pas porter atteinte à la sécurité de l’État d’Israël. Enfin, la fragmentation géographique des territoires palestiniens est, de facto, un filtrage. Toutes les zones ne sont pas toujours accessibles. C’est ainsi que, lors des bombardements israéliens sur Gaza, à l’hiver 2008-2009, l’accès était fermé aux journalistes.

    Le territoire palestinien est exigu, ce qui crée en réalité des conditions favorables au travail de journaliste. On peut se rendre dans un lieu donné, mener son enquête, rentrer le soir même et rédiger son article. Par ailleurs, cela permet de faire des micro-enquêtes, des micro-reportages, de s’intéresser de manière précise au quotidien des Palestiniens. Parfois j’ai eu l’impression de faire des articles de type presse quotidienne régionale, à ceci près que le moindre de ces micro-reportages met toujours en jeu des questions politiques. Si l’on a envie de bien faire son travail, on peut donc proposer aux lecteurs des sujets originaux, variés, qui peuvent rendre palpable l’expérience quotidienne des Palestiniens et expliquer, beaucoup mieux que bien des sujets sur les épisodes diplomatiques tellement répétitifs et stériles, les enjeux de la situation.



    Comment manier les différentes sources sans être victime de la propagande ?

    On est confronté à une surabondance de sources, en réalité. Il y a bien sûr la presse, notamment la presse israélienne, avec des journalistes qui font très bien leur travail, par exemple au quotidien Haaretz. Il y a aussi une abondance d’interlocuteurs, notamment du côté palestinien, avec une réelle disponibilité. Ils veulent parler de leur situation, la faire connaître. Ils estiment que c’est dans leur intérêt de parler aux médias. Par exemple, il est relativement facile de parler, à Gaza, à un ministre du Hamas. Il y a aussi les sources venues de la société civile, avec les nombreuses ONG, tant du côté palestinien que du côté israélien, ou des différentes agences de l’ONU, très présentes sur le territoire. Ces ONG et ces agences produisent en permanence des rapports, des enquêtes, qui représentent une matière première considérable.

    L’important, c’est la gestion de ces sources. Le fait qu’il y ait surabondance peut en effet s’avérer être un piège. Premièrement, ces sources ne sont pas toutes désintéressées, elles peuvent avoir un agenda politique, il faut donc en être conscient et les utiliser à bon escient. Mais il y a un autre danger : on constate une tendance, dans la communauté des journalistes, à considérer que les sources israéliennes et les sources palestiniennes sont par définition partisanes. La tentation est donc de se rabattre sur ce qui apparaît comme un « juste milieu » : les sources venues de la communauté internationale, notamment les rapports de l’ONU, de la Banque mondiale, du FMI, etc. Ce n’est pas mauvais en soi, certains de ces rapports sont très fournis, très documentés, mais il y a tout de même des précautions à prendre. En effet, ces sources internationales restent prisonnières d’une certaine vision du conflit : la plupart d’entre elles sont arrivées dans la région après les accords d’Oslo et leur lecture du conflit est imprégnée de la logique et de la philosophie d’Oslo.

    Un exemple : la Banque mondiale a sorti récemment un rapport sur la corruption dans l’Autorité palestinienne. Les conclusions du rapport étaient en forme d’encouragement à la nouvelle administration palestinienne et au Premier ministre, Salam Fayyad, pour son travail de transparence, de modernisation des infrastructures et des institutions palestiniennes. Ce qui est assez choquant ici, c’est que la Banque mondiale est partie prenante de ce travail de réforme, elle verse de l’argent, elle participe aux programmes de développement qui sont mis en place dans les territoires palestiniens, etc. Que la Banque mondiale s’érige donc en arbitre des élégances palestiniennes, qu’elle distribue les bons et les mauvais points sur la corruption, est assez déplacé, puisque ce sont des politiques dans lesquelles elle est pleinement investie qu’elle prétend juger.

    J’ai rencontré la personne qui a enquêté et fait ce rapport, et il s’avère qu’elle a démissionné. En effet, son rapport a été en partie réécrit. C’est la philosophie même de son rapport qui a été remaniée, puisqu’elle y expliquait qu’en réalité c’était la structure même d’Oslo qui expliquait la corruption : un régime censé gérer une situation d’occupation pour le compte d’un occupant, en l’aidant par exemple à y faire la police, est par nature, par essence, générateur de corruption, qu’elle soit morale, politique ou économique. Or la Banque Mondiale n’a pas voulu que cette question soit abordée, y compris par sa principale enquêtrice : cela en dit long sur la situation, de plus en plus bancale, de plus en plus problématique, dans laquelle se trouvent ces organismes internationaux. Ils demeurent prisonniers d’un paradigme qui date de plus de vingt ans, et qui a largement failli. Il faut donc manier ces sources avec prudence.



    Certains insistent particulièrement sur le poids des mots, et notamment sur la portée symbolique de certains termes : mur/barrière, colonies/implantations, etc. Qu’en penses-tu ?

    Le débat au sujet de la clôture construite par Israël (faut-il parler d’un mur ? D’une barrière ? D’une clôture ?) est pour moi assez vain. Par endroit il s’agit effectivement d’une clôture électronique, avec des barbelés, à d’autres endroits il s’agit bien d’un mur... Donc le débat sur le nom m’intéresse assez peu. Pour moi, ce qui est essentiel, c’est de montrer les processus à l’œuvre derrière les mots, de montrer les réalités.

    On peut tout à fait dire qu’Israël construit un mur, mais si l’on oublie de préciser que ce mur est construit dans les territoires palestiniens et non pas entre Israël et la Cisjordanie, on passe à côté de la réalité de ce mur. Si on oublie de préciser, à propos des portes qui ont été aménagées par Israël dans le mur en expliquant qu’il ne s’agissait donc pas d’une annexion car les agriculteurs dont les champs se situent de l’autre côté du mur pourraient le franchir, qu’en réalité ces portes demeurent, la plupart du temps, fermées, ou que les soldats censés les ouvrir arrivent régulièrement en retard, de nouveau on rate la réalité.

    Il y a bien des mots qui sont piégés, mais pas nécessairement ceux auxquels on pense. Ainsi en va-t-il de Gilad Shalit, que presque tout le monde a présenté comme un « otage » qui avait été « kidnappé ». J’ai pour ma part toujours fait attention, dans mes écrits, à le qualifier de « prisonnier ». En effet, pour moi il ne fait aucun doute qu’il s’agissait bien d’un prisonnier de guerre, au même titre qu’un grand nombre de détenus palestiniens dans les prisons israéliennes. Et Gilad Shalit n’avait pas été « kidnappé », mais bien capturé par les Palestiniens.

    Autre exemple, et autre catégorie de mots piégée : c’est toute la nomenclature qui a été mise en place avec le processus d’Oslo. On parle de « processus de paix », de « président palestinien », de « gouvernement palestinien », etc. Le terme de « président » ne figurait pas, au départ, dans les accords d’Oslo. C’est la vanité de Yasser Arafat, et l’intelligence politique de Shimon Pérès, notamment, qui a vite compris l’intérêt qu’il avait à utiliser lui aussi ce terme. L’idée qu’il y avait un « président palestinien » entretenait l’idée qu’il se passait quelque chose d’historique : les Palestiniens avaient désormais un « président », ils n’étaient donc pas loin d’avoir un État... Or il est intéressant de questionner ce vocabulaire, cette sémantique : quels sont exactement les pouvoirs de ce « président » ? En réalité, il n’a pas beaucoup plus de pouvoir et d’attributions qu’un préfet (sécurité, aménagement du territoire), si ce n’est le fait qu’il peut se déplacer à l’étranger en prenant un avion prêté pour l’occasion par un pays arabe. Ses « pouvoirs » ne s’exercent en outre que sur une partie de la Cisjordanie, 40 % si l’on est optimiste, 18 % si l’on est plus réaliste et que l’on ne prend en compte que ce que l’on nomme les « zones autonomes » palestiniennes. Voilà qui donne une idée un peu plus précise de ce qu’est le « président » palestinien.

    Il en va de même avec le « processus de paix ». Ce terme entretient l’idée que même si parfois il y a des incidents, des moments un peu compliqués, globalement il y a un processus, une dynamique. Or force est de constater que, s’il y a peut-être eu au départ une dynamique, le « processus de paix » est très rapidement devenu un processus de chantage, un bras de fer totalement déséquilibré entre le géant israélien et le lilliputien palestinien, duquel Israël n’avait rien à craindre. C’est ainsi qu’avec sa mainmise sécuritaire Israël a pu continuer à acculer les Palestiniens, à construire les colonies, etc. Je pense donc que c’est bien du devoir des journalistes d’interroger ces termes, ces mots, et de leur redonner leur véritable sens.

    Je voudrais finir en ajoutant que ce qui est valable pour les mots est également valable dans un autre domaine : les cartes. Il existe en effet une production cartographique « classique » qui structure l’imaginaire, y compris l’imaginaire médiatique. On serait face à une région que l’on peut diviser en deux : à l’ouest, Israël, et à l’est, la Cisjordanie. Cela entretient l’idée que l’on va vers la création de deux États, qu’il suffirait d’opérer un découpage le long de la « ligne verte » qui séparerait Israël de la Cisjordanie. Or la réalité est bien différente : il y a, partout d’est en ouest, l’État d’Israël, avec en son sein quelques enclaves palestiniennes. Et lorsque l’on déplace le curseur géographique, comme lorsque l’on interroge le vocabulaire, on questionne vraiment les schémas classiques et les paradigmes sur la base desquels est trop souvent construite l’information.

     
  • En France on peut manifester contre tout, sauf contre Israël

     

     

    On savait déjà, avec l’affaire Dieudonné qu’en France on peut se moquer de tout, sauf des sionistes. On sait maintenant avec l’affaire BDS qu’en France on peut manifester contre tout, sauf contre Israël.

     

    [...] L’absurdité d’une France s’auto-congratulant pour sa liberté d’expression fut vraiment visible cette semaine dans le verdict rendu par la plus haute cour du pays, un verdict qui est une attaque frontale contre la liberté d’expression. La Cour de cassation a maintenu l’accusation criminelle contre douze activistes politiques pour ce seul crime : promouvoir un boycott et demander des sanctions contre Israël dans le but de mettre fin à l’occupation militaire de la Palestine qui dure depuis des dizaines d’années. Qu’ont donc fait ces criminels français ?

    Ceci :

    Ces individus sont arrivés au supermarché en portant des chemises peintes avec les mots Longue vie à la Palestine, Boycott d’Israël. Ils ont aussi distribué des prospectus ou il était écrit qu’acheter des produits israéliens revient à légitimer les crimes contre Gaza.

    En France – pays qui se prétend la terre de la liberté d’expression – faire cela fait de vous un criminel. Comme le rapporta le Forward, « le tribunal invoqua les lois républicaines françaises sur la liberté de la presse, qui prescrivent des peines d’emprisonnement ou une amende pouvant atteindre 50 000$ pour les parties qui provoquent la discrimination, la haine ou la violence envers une personne ou un groupe de personnes basée sur le fait qu’elles appartiennent, ou pas, à un groupe ethnique, une nation, une race ou une religion ». Parce que BDS [Acronyme pour Boycott, Désinvestissement et Sanctions, mouvement prônant le boycott des produits fabriqués dans les colonies israélienne implantées en Palestine, NdT] est discriminatoire par essence, a jugé le tribunal, c’est un crime que d’en faire la promotion. [Vous remarquerez que le boycott imposé à la Russie par des sanctions illégales ne fait pas partie de cette catégorie, NdT]

    Ce verdict d’un tribunal français n’est que le reflet d’une tendance mondiale. Comme de plus en plus de gens à travers le monde prennent conscience de la nature brutale et criminelle du gouvernement israélien, ses partisans essayent de plus en plus de criminaliser l’activisme contre l’occupation israélienne. Ainsi, des activistes pro israéliens ont célébré cette semaine cette attaque contre ce droit basique qu’est celui de la liberté d’expression.

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  • À petits pas vers le Nouvel Ordre mondial

    L’ONU prépare le fichage biométrique pour toute l’humanité

     

    Saviez-vous que l’ONU a l’intention de mettre des cartes d’identification biométriques entre les mains de chaque homme, femme et enfant sur toute la planète d’ici à 2030 ? Et saviez-vous que la collecte de données de plusieurs de ces cartes sera centralisée à Genève, en Suisse, dans une base de donnée ?

    J’ai récemment écrit au sujet des 17 nouveaux « objectifs mondiaux » que l’ONU a lancé fin septembre. Même après avoir écrit plusieurs articles sur ces nouveaux objectifs mondiaux, je ne pense toujours pas que la plupart de mes lecteurs aient saisi leur caractère réellement insidieux. Ce nouveau programme est clairement un modèle pour un nouvel ordre mondial, et si vous creusez les sous entendus de ces nouveaux objectifs mondiaux, vous trouverez des choses très inquiétantes.

    Par exemple, l’objectif 16.9 prépare la cible suivante

    En 2030, fournir une identité juridique pour tous, y compris l’enregistrement des naissances.

    L’ONU travaille déjà dur pour la mise en œuvre de cet objectif, en particulier parmi les populations de réfugiés. L’ONU a établi un partenariat avec Accenture pour mettre en œuvre un système d’identification biométrique qui communique des informations « renvoyées vers une base de données centrale à Genève ». Ce qui suit est un extrait d’un article qui a été publié sur findbiometrics.com

    Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) va de l’avant avec ses plans pour utiliser la technologie biométrique pour identifier et suivre les réfugiés, et a sélectionné un fournisseur pour le projet. Accenture, un fournisseur international de services technologiques, a gagné l’appel d’offres concurrentiel et supervisera la mise en œuvre de la technologie avec un contrat de trois ans.

    Le HCR utilisera le « Biometric Identity System Management » (BIMS) d’Accenture pour cette tentative. Le BIMS peut être utilisé pour collecter les données biométriques du visage, de l’iris, les empreintes digitales et sera également utilisé pour fournir à de nombreux réfugiés leur seule forme de documents officiels. Le système fonctionnera en conjonction avec la plate-forme « Unique Identity Service Platform » d’Accenture (UISP) pour envoyer ces informations à une base de données centrale à Genève, permettant aux bureaux du HCR dans le monde entier de se coordonner efficacement avec l’autorité centrale du HCR pour le suivi des réfugiés.

    Je ne sais pas pour vous, mais cela me parait effrayant.

    Et ces nouvelles cartes d’identité biométriques ne seront pas disponibles seulement pour les réfugiés. Selon un autre rapport de FindBiometrics, les autorités espèrent que cette technologie leur permettra d’atteindre l’objectif de l’ONU d’avoir ce genre d’identification dans les mains de chaque homme, femme et enfant sur la planète en l’an 2030…

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  • Un enfant autiste de six ans abattu par deux policiers

     

    États-Unis, le pays de la violence aveugle

    • Les deux agents ont été suspendus vendredi de leurs fonctions après une course-poursuite en voiture dans laquelle le père de l’enfant, qui conduisait, a été grièvement blessé. L’enfant est mort après avoir été atteint de plusieurs tirs des policiers.

     

    Nouvelle bavure policière aux États-Unis ? Un petit garçon autiste de 6 ans, Jeremy Mardis, a été tué mardi 3 novembre alors que son père, au volant de sa voiture, était poursuivi par deux policiers.

     

     

    Norris Greenhouse et Derrick Stafford (voir la photo ci-dessous) ont tiré plusieurs coups de feu sur le véhicule pour tenter de mettre fin à une course-poursuite dans l’État de Louisiane. Leurs balles ont non seulement blessé grièvement Chris Few, le père de 25 ans, mais également tué son fils. Les deux agents, ont été arrêtés et suspendus de leurs fonctions vendredi 6 novembre.

     

     

    Deux autres agents également impliqués, Jason Brouillette et Kenneth Parnell, ont également été suspendus mais ne sont pas poursuivis par la justice.

     

    « La chose la plus perturbante que j’ai jamais vue »

    Jeremy Mardis était « un don du ciel », a déclaré sa grand-mère à la télévision WAFB. « Il était toujours souriant, toujours heureux. Il a été diagnostiqué autiste quand il avait deux ans. Il aimait tout le monde et c’était réciproque. J’ai entendu qu’il avait été tué à cause des blessures [l’autopsie l’a confirmé, rapportent les médias américains, NDLR], il ne méritait pas ça. Il n’aurait pas fait de mal à une mouche », a-t-elle encore confié.

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  • Les médias dominants et l’Ours russe

    Je suis professeur d’histoire et je donne des cours, parmi d’autres sujets, sur la Russie et l’URSS. J’essaie d’expliquer à mes étudiants comment les Russes se voient eux-mêmes et voient leur histoire, et comment les médias dominants occidentaux (Mainstream Media – MSM dans l’acronyme internet) présentent la Russie à leurs lecteurs. Bien sûr, la cible principale des MSM est le président russe, Vladimir Poutine, mais la Russie en est aussi une.

    Comment est-ce possible ? Après l’effondrement de l’URSS en 1991, la Russie était à genoux, son économie était détruite par des Russes aspirant à devenir des Occidentaux, dits libéraux, qui lui appliquaient des traitements de choc. L’idée était de désintoxiquer rapidement les Russes du socialisme, mais les libéraux ne sont parvenus qu’à ruiner l’épargne personnelle des Russes ordinaires qui ont perdu leurs économies deux fois au cours des années 1990. Peu importe, c’est le prix à payer, ont conseillé les MSM, si vous voulez être comme nous à l’Ouest. Et qui ne voudrait pas nous ressembler ?

    Le président Boris Eltsine, qui est arrivé au pouvoir en démembrant l’URSS, était présenté en Occident comme un héros. En fait, il jouait le fou du roi du président Bill Clinton. « Ce bon vieux Boris », a dit Clinton lorsque Eltsine a lancé des chars contre le Parlement russe en 1993 et a truqué les élections en 1996 avec l’aide de l’ambassade des États-Unis à Moscou. Vous faites ce que vous avez à faire, auraient commenté des responsables du gouvernement états-unien. Eltsine a conservé son pouvoir, pour autant qu’il en ait eu un, manifestant sa gratitude envers les États-Unis en se comportant comme le pote de Clinton lorsqu’il s’est rendu à Washington. C’était de l’excellent matériel pour les MSM, mais pas si excellent vu de Moscou. Vous vous souvenez du premier film de la série des Star Wars, lorsque la princesse Leia est capturée par la méchante limace géante, Jabba le Hutt, qui la tient en laisse ? Eltsine n’était certainement pas la superbe princesse Leia, mais la laisse était bien réelle.

    Être dépendant des États-Unis n’a jamais rien rapporté à Eltsine au-delà de sa survie personnelle. Pendant ce temps, un allié de longue date de l’Union soviétique (et allié de l’Occident aussi), la Yougoslavie, a été détruit par l’Otan. Vous vous souvenez de l’Otan, n’est-ce pas, censément organisée comme défense contre l’URSS, mais qui s’est tournée ensuite vers l’agression au nom d’une « responsabilité de protéger » bidon. Il n’y a eu aucune gratitude —je fais le commentaire en passant— pour le rôle de la Serbie pendant la Première Guerre mondiale et celui de la Yougoslavie pendant la Seconde Guerre mondiale, ou pour la déclaration d’indépendance du maréchal Josip Broz Tito à l’égard de Staline. C’est sûr, la gratitude n’est pas une valeur dans les relations entre États.

    Le gouvernement US a dû être incertain quant à sa capacité de tenir la Russie avec la laisse de Jabba parce que l’Otan s’est vue confier la nouvelle tâche d’encercler la Russie, en s’étendant vers l’Est, contrairement aux engagements de ne pas le faire pris envers le dirigeant soviétique Mikhail Gorbachev, un autre favori des médias dominants. Ce devait être un nouveau cordon sanitaire, bien que personne ne l’appelle comme ça.

    Enfin, Eltsine a démissionné à la fin de 1999. Vladimir Poutine a été élu à la présidence l’année suivante, et il s’est appliqué à intégrer la Russie, politiquement et économiquement, dans l’Europe. En dépit de tous les efforts de Poutine auprès du président des États-Unis George W. Bush, les relations de la Russie avec l’Occident n’ont pas abouti. Comme l’un de mes étudiants l’a découvert en réalisant un mémoire de Master sur les MSM et Poutine, le président russe était caractérisé dès le début comme un ancien officier du KGB, qui voulait faire renaître l’URSS, l’idée la plus éloignée de l’esprit de Poutine. Des caricatures politiques le montraient avec des marteaux et des faucilles dans les yeux, ou se transformant en Staline. Un autre le montrait apportant un petit déjeuner au mausolée de Lénine, et disant : « Réveille-toi, putain, réveille-toi, Vladimir Ilitch ».

    Comment l’Occident (lire les États-Unis) a-t-il pu représenter Poutine de manière aussi fausse, et pourquoi ? Pour une chose, Poutine ne voulait pas se coucher aux pieds de Jabba le Hutt. Il s’est employé à restaurer la force économique, politique et militaire de la Russie. L’Europe occidentale a rarement été à l’aise avec une Russie forte. La russophobie occidentale date en fait depuis au moins le début du XIXe siècle. Un dirigeant assuré et d’esprit indépendant à Moscou est le dernier Russe que les MSM voudraient embrasser. Poutine est l’éléphant, ou plutôt l’ours dans le magasin de porcelaine. L’homme de pouvoir occidental craint et hait les autres soumis qui sortent des rôles de serviteurs courbés qui leur ont été assignés.

    La Russie veut la guerre. Regardez comme elle a mis ses frontières à côté de nos bases militaires

    Poutine a commencé à parler trop franchement d’agression lorsque les États-Unis ont envahi l’Irak en 2003 sous un prétexte bidon et ont financé les révolutions de couleur en Géorgie et en Ukraine en 2003 et 2004. Poutine n’a pas non plus aimé lorsque le président Bush est sorti du traité ABM à la fin de 2001, alors même que Poutine essayait de lier des amitiés.

    Nous devons nous prémunir contre l’Iran, disait Bush. Il n’y a aucune menace de la part de l’Iran, insistait Poutine, il n’y en a jamais eu. Les Russes soupçonnaient que l’Iran était seulement une couverture pour renforcer l’encerclement de la Russie par l’Otan (lire les États-Unis). Il y a maintenant un accord avec l’Iran sur les questions nucléaires, mais le développement et le déploiement des missiles antibalistiques continue allègrement. Les soupçons de la Russie à l’égard des États-Unis semblaient fondés.

    Poutine a aussi osé défier l’élément principal de l’idéologie politique US, l’exceptionnalisme états-unien. Les États-Unis sont « la Nation exceptionnelle », c’est l’idée, la cité qui brille au haut de la colline, destinée à imposer ses valeurs et ses intérêts aux autres peuples et nations, pour leur propre bien, qu’ils le veuillent ou non.

    Une chose qu’on peut dire à propos des MSM, c’est qu’ils n’aiment pas voir critiquer leurs mythes. « Nous sommes un Empire maintenant, a dit Karl Rove, l’un des néocons de Bush junior, et lorsque nous agissons, nous créons notre propre réalité ». Les MSM, aurait-il pu ajouter, servent de porte-voix de l’Empire, renforçant les nouvelles réalités, exactement comme c’est dépeint dans le roman 1984 d’Orwell. Le problème était, et est encore, que ces réalités ne sont pas la réalité pour la plupart des autres peuples vivant hors des États-Unis et de leurs États vassaux. Qui se soucie de ce qu’ils pensent, a commenté en effet Rove, nous allons créer de nouvelles réalités, « et à vous, vous tous [là-bas], il ne restera qu’à étudier ce que nous faisons ».

    C’est de l’autodéfense

    Regardons la brève confrontation entre la Russie et la Géorgie en 2008. Le président géorgien, Mikhaïl Saakachvili, une marionnette couarde des États-Unis, a envoyé ses soldats en Ossétie du Sud, pensant qu’il pourrait l’occuper avant que la Russie ne réagisse. Il s’était trompé et l’armée géorgienne a été écrasée. Les médias dominants ont traité la riposte comme un acte d’agression russe. Le proverbial ours russe est devenu l’image favorite des caricaturistes états-uniens. L’un d’eux a représenté l’ours rongeant un os appelé Géorgie en surveillant un minuscule Bush Jr., comme s’il disait : vous ne pouvez pas faire en Géorgie ce que vous avez fait en Irak. Un autre ours tient la Géorgie dans sa gueule comme s’il allait l’avaler. C’est une image omniprésente en Occident. Les caricaturistes états-uniens semblent vouloir inciter leurs dirigeants à la bagarre en dessinant un grand ours russe grognant contre le tout petit Bush Jr. ou le minuscule Barack Obama. « Qu’allez-vous faire avec ça ? » demande le méchant ours.

    Bien sûr, l’agresseur en Ossétie du Sud était Saakachvili, encouragé par ses nounous US. Vous pouvez le faire si vous agissez assez rapidement, semble avoir été l’idée des États-uniens. Pour être honnête, tous les caricaturistes occidentaux n’avaient pas emboité le pas à propos de la Géorgie, mais ce n’a pas été long avant que la plupart d’entre eux rentrent dans le rang. Si vous avez le moindre doute, faites seulement une recherche sur internet.

    L’Occident n’a pas aimé les critiques de Poutine à l’égard de l’agression de l’Otan contre la Libye en 2011 —y a-t-il un autre mot pour ça ?— et le lynchage de son dirigeant Mouammar el-Kadhafi. Dans une scène grotesque, la secrétaire d’État Hillary Clinton, semblable à un vampire assoiffé, jubilait sur les images de son cadavre ensanglanté. Poutine a traité l’attaque de l’Otan de « démocratie des frappes aériennes ». C’était une métaphore saisissante pour l’hypocrisie occidentale. Il n’y a pas de démocratie dans la Libye autrefois prospère, seulement ruines, chaos et groupes déchaînés de djihadistes salafistes violents. Merci à l’Otan, elle s’est frayé un chemin en Syrie et en Irak. Les MSM critiquent par ailleurs la Russie pour son soutien à la résistance de la Syrie contre les monstres de Frankenstein occidentaux, si souvent employés, depuis la guerre soviétique en Afghanistan jusqu’à aujourd’hui, pour renverser des gouvernements laïques indépendants au Proche-Orient ou en Asie. Si seulement les djihadistes étaient restés en Syrie et n’étaient pas arrivés en Irak pour créer un État islamique (ÉI). En envoyant des unités de l’armée de l’air russe en Syrie, Poutine a démasqué les États-Unis et leurs vassaux soutiens des membres « modérés » d’ÉI. Il n’y a pas de djihadistes modérés, bien sûr ; ils sont une invention états-unienne. Poutine a parlé de bluff occidental et invité en effet les États-Unis à se tourner contre leurs propres alliés djihadistes. Ce ne sera pas un virage facile à prendre à Washington. Les vieilles habitudes ont la vie dure.

    Là où la Russie défend le processus démocratique

    Le seul développement qui a vraiment déclenché la fureur des médias dominants contre Poutine et la Russie est la crise en Ukraine. Pour l’Occident, c’est la faute de la Russie, l’agression de la Russie, en particulier la réunification avec la Crimée, oubliant que les États-Unis et leurs satellites de l’Union européenne ont déclenché la crise actuelle en soutenant un coup d’ État fasciste violent à Kiev. Faites une recherche sur Internet : l’image du dangereux ours russe est omniprésente. Il a menacé les Criméens pour qu’ils votent en faveur de la réunification avec la Russie. Jusqu’où pouvez-vous aller dans l’absurde et loin de la réalité ? Comme si les Criméens voulaient embrasser la junte fasciste de Kiev.

    L’ours russe est aussi montré en train de manger un poisson nommé Ukraine. « Je me sentais menacé », grogne l’ours, coiffé d’une chapka décorée du marteau et de la faucille.

    Pourtant un autre ours, montrant ses dents acérées, offre des chocolats Valentine à une babouchka nommée Ukraine de l’Est. « Sois à moi… sinon », dit la légende. Le message est si scandaleux qu’on se met à rire. Mais après réflexion, cette image n’est pas drôle du tout car elle montre jusqu’où les médias dominants ont inversé la réalité.

    Ensuite il y a un Time récent, qui pourrait être encore plus MSM que le Time magazine, qui déplore « la dangereuse montée des faucons du Kremlin », ceux qu’on appelle les siloviki, des fonctionnaires puissants, comme s’il n’y avait pas de types de ce genre dans les gouvernements occidentaux. Si l’hôpital se moquait de la charité, ça donnerait ça. Ces nouveaux méchants de Moscou « dominent la vie politique en Russie », selon le Time, « [et]… contribuent […] à une atmosphère paranoïaque et agressive ». Time nous offre un véritable dictionnaire de clichés occidentaux grotesques sur la Russie. Le mégaphone de l’agresseur que sont les médias dominants accuse l’autre de l’agression, c’est un vieux truc d’ailleurs souvent utilisé par les États-Unis. Quant à la paranoïa, regardez une carte. Qui tente d’encercler qui ? Qui menace qui ? Qui dépense presque autant en armements que tous les autres États réunis ? Ce n’est pas la Russie.

    La novlangue orwellienne est maintenant la norme en Occident et tout particulièrement aux États-Unis. Lisez seulement les discours d’Obama. La Russie et la Chine sont des autres mécréants. Cette chosification des adversaires des États-Unis est-elle une préparation à la guerre ? En écoutant Obama, vous ne saurez jamais que les États-Unis ont déclenché un coup État fasciste à Kiev, commis des actes d’agression flagrants contre l’Iran et la Libye, dans d’autres pays, ou qu’ils arment les djihadistes salafistes en Syrie. Les dissidents qui révèlent les mensonges sont ignorés, ridiculisés, noircis. Les lanceurs d’alerte sont emprisonnés. Et Poutine, homme remarquable s’il y en eut, est maudit encore plus que les autres pour oser, comme l’enfant dans le conte de Hans Christian Andersen, révéler que l’empereur est nu. « Est-ce que vous réalisez ce que vous avez fait ? », a demandé Poutine récemment à l’ONU. Niet, Gospodin Prezident, ils ne réalisent pas. Il était d’usage de dire que la vérité a ses droits, mais je ne suis pas sûr qu’elle les aura, du moins assez tôt pour être quelque chose de plus qu’un sujet de débat entre historiens, comme Karl Rove l’a suggéré, trop tard.

    Traduction
    Diane
    site : Le Saker Francophone

    Source
    Strategic Culture Foundation (Russie)