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  • Palmyre: LETTRE OUVERTE À LA DIRECTRICE GÉNÉRALE DE L’UNESCO

    LETTRE OUVERTE À LA DIRECTRICE GÉNÉRALE DE L’UNESCO

    Madame Bokova, Palmyre, Sana’a et Ninive exigent votre démission

    par Hassan Hamadé

    L’intellectuel libanais Hassan Hamadé interpelle Irina Bokova, la directrice générale de l’Unesco, au vu de sa passivité devant les destructions des trésors archéologiques syro-mésopotamiens. Pour lui, elle n’a aucune excuse, alors que le vice-président des États-Unis, Joe Biden, a publiquement dénoncé les trois États qui arment et soutiennent Daesh.

    Au IIIe siècle après J.C., Zénobia, épouse du prince de Palmyre Odénat —un général ayant reçut la nationalité romaine et ayant vaincu les Perses sassanides—, profita du désordre à Rome pour proclamer son fils empereur. Elle libéra tous les Etats du Levant de la dictature romaine et fit de sa cité, Palmyre, la capitale des peuples libres. La « cité du désert » devint un modèle unique de liberté philosophique et religieuse, où égyptiens, juifs, zoroastriens, païens et chrétiens discutaient d’égal à égal. Ce fut aussi un centre artistique exceptionnel jusqu’à son occupation par les légions d’Aurélien. Palmyre est à la fois le symbole de la résistance au colonialisme occidental de l’époque et une civilisation bien plus raffinée que le militarisme romain.
    © Unesco/Ron Van Oers

    Madame,

    Cela va faire faire bientôt un mois et demi que l’une des plus prestigieuses perles de notre patrimoine archéologique est tombée sous les coups de Daesh et risque de subir le même triste sort que d’autres phares de la culture syro-mésopotamienne : la destruction totale par explosion ou par bulldozers. Je vous adresse un cri d’alarme, un SOS, qui se résume par un seul mot : Palmyre.

    Avez-vous jamais entendu ce mot avant ?... Rien n’est moins sûr, hélas.

    Conscient, comme les millions d’humains épris de justice et de paix, de l’importance extrême de la protection des patrimoines culturels des peuples en général et du notre en particulier, celui de la Sainte Syrie et de la Mésopotamie, j’ai suivi avec désolation, tristesse et colère votre attitude décevante, timide et irresponsable face aux génocides culturels continus qui frappent ce berceaux de la civilisation humaine : Sourakia.

    En tant que dirigeante de l’Unesco vous n’auriez pas dû vous contenter de lancer de simples appels routiniers à la sauvegarde des sites archéologiques et des autres vestiges culturels, ni de vous contenter de jeter la responsabilité sur la seule organisation terroriste Daech. Ce n’est plus un secret pour personne que cette organisation, ainsi que ses cousines de la tristement célèbre Al-Quaïda, est armée et financée par des États « politiquement corrects » selon les normes de la soi-disant « communauté internationale ».

    Leur rôle dans le financement et l’armement de ces organisations a été dénoncé par le vice-président des États-Unis, Joe Biden, lors d’une conférence tenue à l’université de Harvard le 2 octobre 2014. Il s’agit, selon M. Biden, de l’Arabie saoudite, de la Turquie et des Émirats arabes unis [1].

    Je présume que vous vivez comme nous sur la planète terre, Madame, et que vous avez eu écho de ces révélations. Qu’en avez-vous fait, vous qui êtes directement concernée par la protection des sites archéologiques ? ...Au nom de la conscience culturelle mondiale dont vous êtes dépositaire vous auriez dû agir en lançant une vaste campagne juridico-médiatique afin de sensibiliser l’opinion publique internationale, saisir la justice internationale ainsi que les Nations unies, et ce en accord avec les résolutions pertinentes du conseil de sécurité (2170 [2], 2178 [3] et 2199 [4]) prises sous le chapitre 7 de la Charte [5]. Au lieu d’agir conformément à vos responsabilités, c’est-à-dire de faire tout simplement votre travail —car vous êtes payée par nous, citoyens des États membres de l’Onu—, vous avez opté pour le moindre effort, fuyant ainsi les exigences de votre tâche. Cette attitude est on ne peut plus perverse, honteuse, je dirai même déshonorante. N’oubliez pas, Madame, que votre mutisme est une sorte de non-assistance à patrimoine culturel mondial en danger d’autant que vous portez la responsabilité primordiale de veiller à la survie de ce patrimoine.

    Il semblerait, Madame, que votre comportement est calqué sur celui des gouvernements engagés dans la Coalition internationale. Ceux-là prétendent faire la guerre contre Daech tandis que leurs actions militaires contredisent totalement leur prétention. Ce n’est plus un secret pour personne que la connivence totale qui existe entre l’US Air Force, colonne vertébrale de l’aviation coalisée qui contrôle tout l’espace aérien de Sourakia, et les destructeurs des sites a rendu et rend toujours possible l’exécution de leurs plans annoncés d’avance. C’est bien grâce à cette connivence que les gigantesques colonnes de blindés, de bulldozers et de véhicules de transports de troupes se déplacent en parfaite quiétude à travers l’immensité des déserts syro-mésopotamiens, parcourant à ciel découvert des centaines de kilomètres, allant d’une ville historique à une autre, attaquant l’un après l’autre ces sites millénaires. Ces colonnes de braconniers culturels auraient pu être prises pour cibles faciles par l’aviation coalisée. Leur anéantissement, leur extermination, est à la portée de cette aviation.

    Face à ce génocide culturel continu, votre attitude parait compromettante et pose la grande question sur l’utilité de l’organisation que vous dirigez.

    À l’engagement inlassable qu’exigerait votre fonction, et aux actions qui devraient en découler, vous semblez lui préférer les privilèges de celle-ci. Entre les paroles et les actes, vous semblez préférer celles-là. En écoutant vos condamnations je ne pouvais que penser à Paul Valery qui avait raison de dire :

    « Il est des mots que l’on peut détacher de toute proposition et d’autres qui ne sont qu’en acte, et qui n’ont point de puissance ».

    Libre à vous, Madame, de respecter ou d’ignorer cette sentence du grand poète.

    Au nom de Palmyre (Syrie), de Sana’a (Yémen) et de Ninive (Irak), je vous prie de démissionner.

     

  • Syrie: LETTRE OUVERTE À FRANÇOIS HOLLANDE

     
    LETTRE OUVERTE À FRANÇOIS HOLLANDE 

    Semer la sauvagerie dans nos pays se retournera contre vous

    par Hassan Hamadé

    C’est avec beaucoup d’assurance et de satisfaction que le président français, François Hollande, a reçu les Amis du Peuple syrien, le 6 juillet 2012. C’est avec orgueil qu’il leur a lu un discours, écrit pour lui par le département d’État et mal traduit en français. En quelques instants, il s’est converti en leader de l’opposition armée syrienne agitant le drapeau vert, blanc, noir de la colonisation française. Depuis, il ne perd aucune occasion de vouloir, d’annoncer, puis de renoncer à la guerre. Hassan Hamadé observe sa triste agitation.

     
     

     

    Le 6 juillet 2012, François Hollande présidait un sommet des Amis de la Syrie. Parmi les invités d’honneurs, on comptait plusieurs criminels contre l’humanité (c’est-à-dire ayant organisé l’exécution massive de personnes au seul motif de leur appartenance religieuse). Douze jours plus tard, il donnait l’ordre d’assassiner les membres du Comité syrien de Sécurité nationale et de donner l’assaut de Damas.

    Monsieur le président,

    J’ai tenu à vous adresser par la présente une parole vraie, avec l’espoir qu’elle puisse être lue avec attention par votre Excellence. Cette parole émane d’une personne admirative du patrimoine culturel français, attachée à sa diversité et à sa richesse ; un attachement d’autant plus intense que, pour lui, le grand héritage des Lumières subit de nos jours, une véritable persécution. Ses nobles principes sont brutalement écartes de la vie publique, à commencer par ceux contenus dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, énoncée le 26 août 1789, en pleine Révolution.

    C’est avant tout un héritage libre de par sa nature. Il forge, immunise et protège des êtres humains libres, tels que Dieu les a crées et voulus. Il porte en lui des valeurs humaines, sociales, qui ne peuvent être ligotées, ni refoulées dans les coulisses de la mémoire, sans que cela constitue un crime culturel contre l’humanité. Des valeurs résumées par le fameux triptyque, Liberté, Égalité, Fraternité, faisant de la Révolution française le flambeau et la boussole pour plusieurs peuples au monde et préparant le terrain à la naissance du système démocratique, en France et dans d’autres pays.

    Hélas, ces valeurs sont exclues, remplacées par une culture visant à amadouer les gens, à les priver petit à petit de leurs acquis sociaux, à les porter à accepter l’injustice sociale, voire même l’esclavage masqué, préparant ainsi la naissance d’un homme quasi-robotisé, dépourvu de dignité, de sentiment et d’ambition.

    Comment ne pas réagir face à ce contraste flagrant, révoltant, entre l’actuelle culture décadente et celle des Lumières, construite par des hommes libres qui n’ont pas hésité à annoncer leurs convictions devant le grand roi de France Louis XIII : 
    « Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes, 
    Ils peuvent se tromper comme les autres hommes ». 
    Le Cid, de Pierre Corneille, 1637, soit un siècle et demi avant la Révolution française.

    C’est cette même flamme de la liberté qui a porté le vrai philosophe Jean Paul Sartre à refuser, en 1964, le prix Nobel. Comme s’il prévoyait que ce prix allait être décerné à des politiciens tels Shimon Peres, commanditaire du massacre de Cana et père de la bombe atomique israélienne, ainsi qu’à d’autres de son genre avides de guerres d’agressions.

    Je me contenterai de ces deux exemples, riches en symboles et en significations, sans oublier de saluer la mémoire de Voltaire, de Rousseau et d’autres phares de la culture franco-universelle, pionniers et contemporains.

    Monsieur le président

    Comment se fait-il que cet héritage fantastique n’a plus droit de cité dans les choix politiques actuels de la France ? Est-il possible qu’il en demeure ainsi ? Comment ne pas poser ces questions alors nous assistons à des transformations rapides dans le conflit en Syrie, dont vous êtes un des principaux intervenants étrangers, depuis sa conception et sa préparation par le camp militaro-politique auquel vous appartenez, sans jamais parvenir à influencer les choix décisifs. Ces transformations ainsi que leurs répercussions et les indications dangereuses qu’elles portent, justifieraient une simple question : n’avez-vous donc pas pensé, ne serait-ce qu’un instant, à l’éventualité de voir votre principal allié, les États-Unis vous réserver une mauvaise surprise, récidivant sa perfidie de 1956 qui avait réduit en cendres les espoirs franco-britanniques de récupérer les propriétés coloniales nationalisées par le président Gamal Abdel Nasser ? Une volte face qui a facilité la défaite humiliante des deux ex-empires européens, remplacés par le fameux condominium soviéto-états-unien avec l’entrée triomphale de Moscou sur la scène régionale etc..

    Nul chef d’État ne peut se payer le luxe d’ignorer les leçons de l’Histoire. Elles doivent être prises en compte dans les analyses et les prévisions qui précèdent l’action dans les crises internationales.

    Monsieur le président,

    Vous avez fait preuve d’un enthousiasme étrange pour renverser militairement l’État syrien. Vous étiez même prêts à participer à une vaste offensive de l’Otan, sous le prétexte de la nécessité de trancher à tout prix, d’autant que vos alliés sur le terrain se montraient incapables d’arriver au but. N’avez-vous pas remarqué que ces massacres, perpétrés depuis plus de deux ans et sept mois, ne sont pas moins que la destruction totale de la Syrie en tant qu’État et société ? Une question clé se pose ici : renverser un régime que vous décrivez des plus despotiques au monde, justifierait-il la destruction du pays en entier pour le transformer en un vaste cimetière ? Quel est donc ce système démocratique qui naîtra des cimetières ?

    Vous avez manifesté une très ferme détermination à engager l’Otan dans une guerre d’agression contre la Syrie au motif que « le régime » utiliserait des armes chimiques. Soit. Vous avez approuvé a priori la décision US, annoncée publiquement, de recourir pour cette expédition « punitive » à des missiles de croisière Tomahawk. Cependant, nous savons d’après l’expérience irakienne, que les États-Unis, utilisant une technique française, les équipent d’ogives couvertes d’uranium appauvri et ce pour deux raisons. 
    La première c’est le besoin de se débarrasser d’une partie de l’énorme stock d’uranium appauvri en le vidant sur des pays destinés à être détruits, sans tenir compte des conséquences catastrophiques que cela pourrait avoir sur l’environnement et la santé des générations à venir des peuples cibles. 
    La deuxième raison est économique. Car les armes à uranium appauvri ont une capacité de destruction et de pénétration des blindages nettement supérieure aux armes conventionnelles. L’effet direct de ce procédé permet une réduction substantielle des coûts et des dépenses de la guerre. Les États-Unis ont ainsi utilisé, lors de la guerre de destruction de l’Irak en 2003, plus de 2 800 tonnes d’uranium appauvri, selon les témoignages précis d’experts internationaux réputés pour leurs compétences scientifiques et leur intégrité morale, tels qu’Hans Christopher Van Spoonek ou Denis Halliday. 
    La morale de cette histoire : vous êtes résolument opposé à l’extermination des populations en Syrie par des armes chimiques, mais vous ne trouvez pas d’inconvénient dans leur extermination par les armes nucléaires ! Étrange est vôtre logique.

    Comme vous le constatez, Monsieur le président, j’évite d’avancer une quelconque opinion quant à la véracité des accusations que vous portez sur l’usage d’armes chimiques par l’État syrien. Cependant, il m’est extrêmement difficile d’ignorer les affirmations du juge international, Carla Del Ponte. La magistrate a déterminé, preuves à l’appui, la responsabilité directe des opposants armés dans l’utilisation d’armes chimiques contre des civils à Khan Al-Assal. Je ne conteste pas la sincérité de vos accusations parce que vous insistez toujours pour ignorer les massacres commis par les terroristes, vos alliés. Depuis plus de deux ans et sept mois, l’Otan n’en a dénoncé aucun. Pas même un seul. Ce comportement, pour étrange qu’il puisse paraître, s’inscrit dans la logique qui guide les choix du commandement de l’Alliance atlantique dans la confrontation internationale qui se déroule en Syrie. Votre camp procède au ramassage des « djihadistes »(d’Al-Qaïda et de ses dérivés) et à leur transfert vers la Syrie. Il se charge de leur fournir les armes sophistiquées et la logistique nécessaire à l’accomplissement de leurs missions destructrices. Aujourd’hui, les masques sont tombés. Ce n’est que par respect pour votre prestigieuse fonction présidentielle que je m’abstiendrai de tout commentaire des déclarations compromettantes d’officiels français de haut rang, tels par exemple les dires de votre ministre des Affaires étrangères (dont le génie, les compétences et les performances diplomatiques ne peuvent passer inaperçus). Selon lui, « Les gars d’Al-Nosra font du bon boulot sur le terrain ». Cette déclaration, déjà gravée dans les Annales de ce conflit, est certes antérieure à l’annonce officielle de la fusion de leurs structures organisationnelles avec celles d’Al-Qaïda en Mésopotamie, mais bien ultérieure à de multiples massacres perpétrés par « Al-Nosra » dans différentes régions de Syrie.

    Monsieur le président,

    Pour comprendre la politique d’un pays il faudrait tout d’abord avoir ne serait-ce qu’un simple aperçu de son patrimoine culturel. Partant de ce principe, j’ai tenu à évoquer le patrimoine culturel français et son rôle déterminant dans le façonnage de la démocratie française et dans le rayonnement de vôtre pays. Mais, comme je l’ai évoqué plus haut, ce patrimoine se trouve, hélas, persécuté. Pourquoi en est-il ainsi ? Tout simplement parce que, de nos jours, il n’a plus droit de cité, ni dans la vie publique ni dans les choix diplomatiques. Il suffit simplement d’observer, de près, les modalités du fonctionnement des médias pour se rendre compte que la culture prédominante dans ce milieu est quasiment réduite à des stéréotypes dont l’unique mission est de lancer des campagnes de propagande en faveur du bellicisme états-unien et de ses entreprises guerrières sur la scène internationale.

    Justifier les « guerres d’agressions » et le « chaos constructeur », dont les théories sont mises en place à Washington par « les princes de l’obscurité », telle semble-il est la principale mission politique des « grand intellectuels » qui monopolisent vos écrans. Terrible fracture entre aujourd’hui et hier. André Malraux fut le philosophe et le penseur le plus proche de l’esprit et du cœur du général De Gaulle. Permettez-moi, Monsieur le président, de vous poser une question qui pourrait paraitre naïve : quel est le philosophe ou le penseur le plus proche de votre esprit et de votre cœur ? Est-ce Bernad-Henri Lévy, Alain Alain Finkielkraut ou d’autres parmi les fervents thuriféraires des guerres de l’Otan ? Des « intellectuels » qui défendent un concept politique visant, conformément aux directives de Washington et d’Israël, à « semer la sauvagerie » (selon l’expression du penseur libanais Youssef Aschkar) dans nos pays, avoisinants l’Europe. Des « intellectuels » qui ne réalisent pas qu’en implantant la sauvagerie dans nos terres, c’est à l’Union européenne qu’il font le plus grand tort. Des « intellectuels » monopolisant les médias et les transformant, avec l’aide des patrons du monde de la finance et des complexes militaro-industiels, en outils de terrorisme, menaçant quiconque oserait exprimer son refus de se soumettre au diktat de la « pensée unique ».

    Comme vous le savez bien, la « pensée unique » est une rhétorique idéologique, injuste de nature, qui mène la plupart du temps aux pires aboutissements. Dans le livre de Youssef Aschkar, intitulé La Mondialisation de la terreur [1], il apparait clairement que « ce qui se passe actuellement dans la Méditerranée et ce qui pourrait s’y passer est dangereux, abominable et destiné à l’être encore d’avantage si l’on permet à cette percée idéologique monstrueuse avec toutes ces facettes, de conduire cette opération qui consiste à "semer la sauvagerie" au point de non-retour, où tous les partenaires de la Méditerranée, en premier les Européens, découvriront trop tard qu’ils sont en face d’un courant incontournable et devant des dégâts et des dommages à jamais irréparables ».

    Excusez-moi si j’ai utilisé le terme « terrorisme » en évoquant vos médias qui incitent à « semer la sauvagerie » et à mener des guerres offensives contre nos pays. Et je ne suis pas le seul à le dire. Votre prédécesseur, le président Nicolas Sarkozy a reconnu cette réalité lorsqu’il s’était plaint durant sa dernière campagne électorale d’être devenu la cible du « terrorisme du système médiatique ». C’est un aveu, qui sert désormais de référence, une confirmation que vos média exercent le terrorisme. Des médias terroristes. Le président Sarkozy va même jusqu’à évoquer l’existence d’un « système » médiatique terroriste. Et comme vous le savez, Monsieur le président, le terme « système » dans ce contexte porte une connotation fort péjorative, car il englobe également la propagande du « discours unique » qui est loin d’être une attribution des démocraties.

    Cette opinion, fort précise, converge avec la vôtre, Monsieur le président, voire même la complète. Comment ? Vous avez, Monsieur le président, proclamé de vive voix lors de la même campagne électorale, dans un discours que vous avez prononcé en janvier 2012 à l’aéroport du Bourget : « J’ai un adversaire, et mon adversaire n’a ni visage ni adresse, ni parti politique, il ne se porte pas candidat aux élections, mais c’est lui qui gouverne. C’est le monde de la finance ».

    Vous avez fort raison, Monsieur le président. Vos paroles sont très claires. Le pouvoir réel dans votre pays ne réside plus dans les institutions constitutionnelles du « Pouvoir ». Le temps, à ce qu’il parait, est devenu celui de la post-démocratie. C’est l’ère de « l’oligarchie », le pouvoir de la finance. D’ailleurs le « néolibéralisme », qui est la forme la plus brutale du capitalisme déchaîné, ne peut coexister avec les systèmes démocratiques. Le néolibéralisme enfante des dictatures proclamées ou camouflées. Nous ne sommes donc pas étonnés de voir les médias érigés en « système » terroriste, sachant qu’ils appartiennent en majorité aux grands capitaux, aux complexes militaro-industriels et au monde de la finance. Ceci étant, il est normal que leur vocation devienne l’implantation de la sauvagerie, non seulement dans nos pays, mais dans les vôtres aussi… Pouvons-nous par exemple reprendre les mots de Pierre Corneille sur les erreurs des rois et remplacer le vocable « rois » par « néolibéralisme » ? … ou employer le mot « Israël » à la place « des « rois » ?

    Nous sommes devant plusieurs éléments qui constituent le grand puzzle de la scène globale, dans votre pays comme dans le nôtre et dans le monde entier. Ce paysage est réel. Il ne peut être éclipsé, ni rendu crédible par les prétextes avancés pour détruire un pays en entier : tuer ses habitants, éradiquer sa société, ses fondements économiques, culturels, environnementaux et existentiels, tout en y semant la sauvagerie pour le « renvoyer à l’âge de la pierre » comme le répètent, en toute arrogance, sans jamais être critiqués, les dirigeants des États-Unis et d’Israël quand il s’agit de faire souffrir nos pays. Y a-t-il un terrorisme plus terrible que d’anéantir des peuples et des pays entiers pour les renvoyer à « l’âge de la pierre » ?

    N’est-ce pas l’apogée du terrorisme que de soumettre les peuples de Syrie, du Liban et de Palestine — durant trois mois — aux menaces d’une guerre de destruction massive, par des missiles de croisière qui rappellent la destruction de l’Irak avec les mêmes armes à l’uranium appauvri ?

    Monsieur le président, si vous aviez visité la Syrie, le Liban ou la Palestine, et aviez eu des contacts directs avec ses peuples, vous auriez rencontré un chauffeur de taxi qui vous aurait récité des poèmes de Victor Hugo. Je vous demande, vous qui êtes si enthousiaste pour la destruction de nos pays : avez-vous lu de votre vie, l’ouvrage d’un seul intellectuel syrien ?…

    Monsieur le président,

    Je vous invite à envoyer une invitation à la grande chercheuse, Hoda Abdel Nasser, pour qu’elle vous présente les précieuses lettres échangées entre son père, le président Gamal Abdel Nasser, et le général De Gaulle. Ce serait peut-être un moyen pour vous de vous soigner de ce « prurit belliqueux » qui atteint certain chefs d’États. D’autant que Washington a brusquement fait volte-face, sans prendre votre avis, comme lors de l’agression tripartite contre Suez. Je vous conseille également de lire 1956, Suez, un ouvrage écris par l’ancien ministre français des Affaires étrangères, le diplomate chevronné Christian Pineau.

    Croyez-moi, Monsieur le président, seule la culture est capable de stopper l’avancée de cette stratégie diabolique visant a implanter la sauvagerie et à renvoyer nos pays à « l’âge de la pierre ».

    Monsieur le président, je vous prie de bien vouloir prendre en considération cet humble conseil provenant d’un allié de l’opposition démocratique syrienne, qui a refusé, dès le début, la militarisation de l’opposition, l’argent corrompu des pays du Golfe, vos ingérences destructrices et le maintien en place du régime au pouvoir. Je parle de l’opposition démocratique que vous-même avez refusé d’écouter, bien que nul en Syrie ne doute de sa sincérité.

    Je réitère mes remerciements pour toute l’attention que vous pourriez réserver à cette parole vraie car elle tient à la sauvegarde des relations de respect et d’amitié entre nos pays et la France.

    As Salam Aleiqom (La paix soit avec vous).

    Source 
    As-Safir (Liban)

  • Vous avez parlé du "terrorisme" ?

    Aux États-Unis aussi, la définition médiatique du « terroriste » est à géométrie variable

    par FAIRle 25 juin 2015

    Si l’on trouve des « terroristes » et du « terrorisme » sous toutes les plumes journalistiques ou presque, en France, aux États-Unis et ailleurs, force est de constater que les grands médias appliquent trop souvent, dans ce domaine aussi, le « deux poids, deux mesures ». En effet, s’ils s’empressent de brandir le terme dans certains contextes et pour certains individus (plutôt « islamistes » ou, par défaut, « musulmans »), ils répugnent parfois à le faire alors même que tout semble indiquer qu’il se justifierait (les individus sont alors plutôt « occidentaux » ou, comme on le dit dans le monde anglophone, de type « caucasien »). À cet égard, le traitement du « cas Breivik » fut « exemplaire ».


    Le court texte qui suit, paru le 19 juin dernier sous le titre « Why Are persons Unknown More Likely to Be Called « Terrorist » Than a Known White Supremacist ? », sur le site de l’observatoire américain des médias Fair, revient sur ce travers journalistique. (Acrimed)

    Au lendemain d’un acte de violence de masse, un pays hébété se tourne généralement vers ses grands médias pour voir la façon dont ils présentent les évènements. Les termes utilisés par les journalistes dans les heures qui suivent un massacre contribuent à former l’opinion publique tout en ayant une influence majeure sur les réactions politiques.

    Lorsque deux bombes ont explosé le 15 avril 2013 lors du marathon de Boston, faisant trois morts et des centaines de blessés, cela a immanquablement fait les gros titres : une recherche effectuée le lendemain de l’attentat à partir d’une base de données regroupant les journaux américains indiquait que 2593 articles mentionnaient le marathon, tous ou presque relatant les explosions. Parmi ceux-ci, 887 (34%) eurent recours au terme « terrorisme » ou assimilé (« terroriste », sous sa forme adjectivale ou nominale) – bien que l’on ne connût les auteurs, et a fortiori leur motivation, que plusieurs jours plus tard.

    Lorsque neuf personnes ont été tuées le 17 juin dernier dans l’Eglise épiscopale méthodiste africaine Emanuel, 367 articles ont paru le lendemain qui mentionnaient « Charleston » et « l’église », selon la même base de données ; un important fait d’actualité, certes, mais loin du traitement hors norme des attentats du marathon de Boston. Et parmi ces 367 articles, seuls 24 (7%) parlaient de « terrorisme » ou de « terroriste », bien que d’emblée, Dylan Roof, suspect n°1, fût identifié, tout comme furent exposées les preuves selon lesquelles il était mu par une idéologie suprémaciste blanche ainsi que le désir de « déclencher une guerre civile » (selon le journal local de Caroline du Sud The State).

    D’après certains, on a tellement usé et abusé du terme « terrorisme » que l’on ferait mieux de s’en passer. Reste que la violence motivée politiquement ciblant des civils – invariant de toutes les définitions du « terrorisme » – est un phénomène bien réel qu’il est difficile de ne pas nommer.

    Si les médias veulent utiliser ce terme, néanmoins, ils doivent le faire sans recourir au « deux poids, deux mesures ». En l’appliquant à des attaques dont les auteurs n’étaient alors pas encore identifiés, tout en refusant, dans la plupart des cas, de l’utiliser pour qualifier un massacre attribué à un blanc suprémaciste souhaitant déclencher une guerre raciale, ils ont échoué.

    Jim Naureckas

    (Traduit par Thibault Roques)

  • WikiLeaks : Laurent Joffrin serait-il devenu « paranoïaque » ?

    EN BREF

    par Julien Salingue, le 25 juin 2015

    La nouvelle a été annoncée à grands renforts de teasing : mardi 23 juin, à 22 heures, du « très lourd » serait publié par Mediapart et Libération. Et, à l’heure dite, le couperet est tombé : de nouveaux documents rendus publics par WikiLeaks établissent que les États-Unis ont espionné les autorités françaises durant de longues années, y compris au plus haut niveau de l’État.

    On ne peut évidemment que se féliciter du fait que de telles informations soient portées à la connaissance du public, et saluer le travail de WikiLeaks et des journalistes qui ont contribué à les rendre accessibles : le moins que l’on puisse dire est en effet que ces révélations (ou confirmations preuves à l’appui) sont d’utilité publique.

    Mais les esprits chagrins (ou taquins) que nous sommes n’ont pu s’empêcher de relever, en voyant Laurent Joffrin faire la tournée des plateaux de télévision et de radio pour exposer et défendre le travail fourni par le journal qu’il dirige, que certains nageaient en plein paradoxe. En consultant nos archives, nous avons en effet retrouvé ceci :

    C’est d’ailleurs un paradoxe que de voir WikiLeaks s’attaquer essentiellement aux démocraties, laissant de côté les dictatures les plus opaques et les plus répressives. Aussi bien, il est assez réconfortant de voir que les échanges secrets des grandes diplomaties sont fort peu différents, sur le fond, de leur discours public. Il faut croire que le machiavélisme qu’on prête aux gouvernants, toujours soupçonnés d’organiser de noirs complots, est moins grand dans la réalité que dans l’esprit de certains militants quelque peu paranoïaques.

    Lignes écrites par un certain… Laurent Joffrin, le 30 novembre 2010, dans un éditorial de… Libération, consacré aux premières révélations de WikiLeaks, et titré – ça ne s’invente pas – « Paradoxe ». Nous avions relevé à l’époque que la ligne éditoriale de Libération avait alors été très fluctuante, de la dénonciation du « Big brother » Wikileaks au soutien affirmé au groupe dirigé par Julian Assange, et nous formulions alors le souhait que ces évolutions traduisent une saine prise de conscience.

    Cinq ans plus tard, l’éditorialiste, de retour à Libération, semble être beaucoup plus nuancé quant à l’intérêt des révélations WikiLeaks, et c’est tant mieux. Mais que penserait Joffrin Laurent (cuvée 2010) de la posture de Laurent Joffrin (cuvée 2015) ? Le rangerait-il parmi les « militants quelque peu paranoïaques » ? Ou peut-être serait-il classé dans cette autre catégorie que le directeur de Libération affectionne, celle de « complotiste » ?

    À voir. Mais faisons un vœu : Laurent Joffrin, pris ces derniers jours, selon ses propres termes, en flagrant délit de « paranoïa » [1], sera désormais plus prudent lorsqu’il sera tenté de jeter des anathèmes sur ceux qui l’empêchent d’éditorialiser en rond, y compris et notamment le pôle de la critique des médias dont nous nous revendiquons et qu’il aime à qualifier de « média-paranoïaque ». Ce serait la moindre des choses, n’est-ce pas ?

    Julien Salingue

     

    Notes

    [1] Comme nous le notions dans un précédent article, à propos de l’utilisation du terme « paranoïa » par Laurent Joffrin, « l’usage péjoratif de termes psychiatriques n’est pas la marque d’une grande compassion pour ceux qui souffrent des troubles que ces termes désignent, [et] leur usage à des fins polémiques ne témoigne ni d’une grande originalité, ni d’une grande finesse ».

  • Un autre regard sur la Syrie

    Pourquoi ne pas reconnaître le Rojava ?

     
    Carol Mann, sociologue spécialisée dans la problématique du genre et conflit armé, directrice de l’association Women in War est de retour de Syrie. Elle pose un regard critique sur le traitement médiaitique des événements qui ont endeuillé la France et la Tunisie. Et rappelle le silence autour des combats du Rojava.

     

    Revenant tout juste d’un voyage au Rojava, au nord-est de la Syrie, je ne peux que m’indigner de la façon dont les médias occidentaux, dont la France, réagissent aux attentats terroristes perpétrés vendredi sur divers partie du globe.



    En France, on a surtout souligné ce qui s’était déroulé en Tunisie et en France, pour mettre en exergue, comme l’affirme l’éditorial du Monde du dimanche 27 juin dernier « une réaffirmation ferme unanime et permanente de nos valeurs démocratiques ». Comme si ce lien ne concernait pas d’autres carnages mentionnés au passage, soit le Koweït, la Somalie et plus particulièrement en ce qui concerne la démocratie, celui qui a eu lieu à Kobané, dans le Kurdistan syrien. Ce massacre a fait plus de victimes qu’ailleurs (plus de 200 et autant de blessés) sans compter les 70 personnes qui sont encore otages aux mains de terroristes.



    En janvier 2014, la ville de Kobané, on s’en souviendra, a finalement été prise aux forces de l’E.I. par l’armée du Kurdistan syrien appelé « Rojava », région kurde au nord-est de la Syrie, autonome depuis la fin 2013. Elle est dirigée par le Parti d’Union Démocratique (PYD), lié au PKK en Turquie, gérée par un binôme masculin-féminin, Salih Muslim et Asya Abdullah, reçue en février dernier par le Président Hollande sans qu’un quelconque accord d’aide ne s’ensuive. La présence d’hommes et de femmes à la tête de toutes les institutions est une caractéristique du Rojava, y compris dans l’armée où 40% des effectifs sont des jeunes femmes, les fameuses combattantes kurdes tant médiatisées.

    Le Rojava non seulement conduit la principale campagne militaire cohérente contre les djihadistes de l’EI (en dépit du manque chronique d’armement). Mais il leur oppose une idéologie démocratique, unique dans cette aire géographique, fondée sur ce qui est appelé le communalisme libertaire (basé sur les théories tardives du penseur anarchiste américain Murray Bookchin), pacifique et égalitaire que le leader turc emprisonné Abdullah Ocalan a adopté depuis quelques années, opérant une reconversion radicale du Marxisme-Leninisme violent qui caractérisait autrefois le PKK. Contrairement au Kurdistan irakien avec lequel les médias confondent le Rojava (délibérément ? on peut se le demander), le PYD ne nourrit pas la moindre ambition territoriale et cherche simplement à être une région autonome dans une Syrie pacifique et démocratique. Ici toutes les nationalités et les religions ont le droit de citoyenneté, à condition de se conformer à la législation égalitaire tout à fait opposée à tous les pays de la région où la Charia et son code de la famille dominent.



    Le Rojava constitue le seul rempart militaire et idéologique contre le délire fasciste des jihadistes de l’État Islamique. Pourquoi donc ce silence véritablement mortifère ? Alors que le PKK est toujours sur la liste des organisations terroristes (ce qui n’est plus le cas depuis peu du Hamas), le PYD n’y a jamais figuré. Pourquoi alors ce silence de la part des médias et des pouvoirs, en particulier en France ? C’est que la reconnaissance ouverte du Rojava mettrait en cause les alliances tissées entre la France. Principalement notre grand allié de l’OTAN, la Turquie qui laisse libre passage aux recrues de l’EI qu’ils soutiennent sans discrétion, et les Émirats, ces derniers étant, eux aussi des bailleurs de fonds de l’E.I. ainsi que de nombreuses institutions françaises (le Qatar pour le PSG et les mosquées salafistes entre tant d’autres). Le prix à payer pour une équipe de football se compte en candidats français et françaises pour le Djihad, celles-ci étant toujours plus nombreuses à gagner la Syrie par la Turquie. Des jeunes venus du monde entier rejoignent eux-aussi (mais discrètement) la révolution du Rojava (ce qui sera le sujet d’un article que je publierai prochainement).



    Reconnaître le Rojava et l’urgence de l’armer signifierait également l’obligation d’admettre l’échec cuisant de la coalition internationale contre l’E.I. qui, au bout d’un an d’existence, est plus fort que jamais. On a voulu combattre le « terrorisme » (jamais vraiment explicité) comme s’il s’agissait de l’ébola ou d’un tsunami, autrement dit en évacuant toute dimension politique qui mettrait en cause les principaux acteurs, y compris la France et ses partenaires politiques et économiques.
    Il faut à présent choisir son camp. Arrêter de faire une publicité sournoise et continue à l’EI en les présentant comme invincibles. Car ils ne le sont pas, loin s’en faut si nos gouvernements veulent bien agir autrement. Au centre des prises de position qui s’avèrent essentielles se situe le choix rationnel des alliances et une réflexion sur notre stratégie géopolitique actuelle fondée sur des priorités économiques quasiment suicidaires. Et en même temps, soutenir le Rojava comme seule option démocratique de la région est centrale à toute solution pacifique pour mettre fin à une série de conflits dans laquelle la planète entière est en train de sombrer.