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Palmyre: LETTRE OUVERTE À LA DIRECTRICE GÉNÉRALE DE L’UNESCO

LETTRE OUVERTE À LA DIRECTRICE GÉNÉRALE DE L’UNESCO

Madame Bokova, Palmyre, Sana’a et Ninive exigent votre démission

par Hassan Hamadé

L’intellectuel libanais Hassan Hamadé interpelle Irina Bokova, la directrice générale de l’Unesco, au vu de sa passivité devant les destructions des trésors archéologiques syro-mésopotamiens. Pour lui, elle n’a aucune excuse, alors que le vice-président des États-Unis, Joe Biden, a publiquement dénoncé les trois États qui arment et soutiennent Daesh.

Au IIIe siècle après J.C., Zénobia, épouse du prince de Palmyre Odénat —un général ayant reçut la nationalité romaine et ayant vaincu les Perses sassanides—, profita du désordre à Rome pour proclamer son fils empereur. Elle libéra tous les Etats du Levant de la dictature romaine et fit de sa cité, Palmyre, la capitale des peuples libres. La « cité du désert » devint un modèle unique de liberté philosophique et religieuse, où égyptiens, juifs, zoroastriens, païens et chrétiens discutaient d’égal à égal. Ce fut aussi un centre artistique exceptionnel jusqu’à son occupation par les légions d’Aurélien. Palmyre est à la fois le symbole de la résistance au colonialisme occidental de l’époque et une civilisation bien plus raffinée que le militarisme romain.
© Unesco/Ron Van Oers

Madame,

Cela va faire faire bientôt un mois et demi que l’une des plus prestigieuses perles de notre patrimoine archéologique est tombée sous les coups de Daesh et risque de subir le même triste sort que d’autres phares de la culture syro-mésopotamienne : la destruction totale par explosion ou par bulldozers. Je vous adresse un cri d’alarme, un SOS, qui se résume par un seul mot : Palmyre.

Avez-vous jamais entendu ce mot avant ?... Rien n’est moins sûr, hélas.

Conscient, comme les millions d’humains épris de justice et de paix, de l’importance extrême de la protection des patrimoines culturels des peuples en général et du notre en particulier, celui de la Sainte Syrie et de la Mésopotamie, j’ai suivi avec désolation, tristesse et colère votre attitude décevante, timide et irresponsable face aux génocides culturels continus qui frappent ce berceaux de la civilisation humaine : Sourakia.

En tant que dirigeante de l’Unesco vous n’auriez pas dû vous contenter de lancer de simples appels routiniers à la sauvegarde des sites archéologiques et des autres vestiges culturels, ni de vous contenter de jeter la responsabilité sur la seule organisation terroriste Daech. Ce n’est plus un secret pour personne que cette organisation, ainsi que ses cousines de la tristement célèbre Al-Quaïda, est armée et financée par des États « politiquement corrects » selon les normes de la soi-disant « communauté internationale ».

Leur rôle dans le financement et l’armement de ces organisations a été dénoncé par le vice-président des États-Unis, Joe Biden, lors d’une conférence tenue à l’université de Harvard le 2 octobre 2014. Il s’agit, selon M. Biden, de l’Arabie saoudite, de la Turquie et des Émirats arabes unis [1].

Je présume que vous vivez comme nous sur la planète terre, Madame, et que vous avez eu écho de ces révélations. Qu’en avez-vous fait, vous qui êtes directement concernée par la protection des sites archéologiques ? ...Au nom de la conscience culturelle mondiale dont vous êtes dépositaire vous auriez dû agir en lançant une vaste campagne juridico-médiatique afin de sensibiliser l’opinion publique internationale, saisir la justice internationale ainsi que les Nations unies, et ce en accord avec les résolutions pertinentes du conseil de sécurité (2170 [2], 2178 [3] et 2199 [4]) prises sous le chapitre 7 de la Charte [5]. Au lieu d’agir conformément à vos responsabilités, c’est-à-dire de faire tout simplement votre travail —car vous êtes payée par nous, citoyens des États membres de l’Onu—, vous avez opté pour le moindre effort, fuyant ainsi les exigences de votre tâche. Cette attitude est on ne peut plus perverse, honteuse, je dirai même déshonorante. N’oubliez pas, Madame, que votre mutisme est une sorte de non-assistance à patrimoine culturel mondial en danger d’autant que vous portez la responsabilité primordiale de veiller à la survie de ce patrimoine.

Il semblerait, Madame, que votre comportement est calqué sur celui des gouvernements engagés dans la Coalition internationale. Ceux-là prétendent faire la guerre contre Daech tandis que leurs actions militaires contredisent totalement leur prétention. Ce n’est plus un secret pour personne que la connivence totale qui existe entre l’US Air Force, colonne vertébrale de l’aviation coalisée qui contrôle tout l’espace aérien de Sourakia, et les destructeurs des sites a rendu et rend toujours possible l’exécution de leurs plans annoncés d’avance. C’est bien grâce à cette connivence que les gigantesques colonnes de blindés, de bulldozers et de véhicules de transports de troupes se déplacent en parfaite quiétude à travers l’immensité des déserts syro-mésopotamiens, parcourant à ciel découvert des centaines de kilomètres, allant d’une ville historique à une autre, attaquant l’un après l’autre ces sites millénaires. Ces colonnes de braconniers culturels auraient pu être prises pour cibles faciles par l’aviation coalisée. Leur anéantissement, leur extermination, est à la portée de cette aviation.

Face à ce génocide culturel continu, votre attitude parait compromettante et pose la grande question sur l’utilité de l’organisation que vous dirigez.

À l’engagement inlassable qu’exigerait votre fonction, et aux actions qui devraient en découler, vous semblez lui préférer les privilèges de celle-ci. Entre les paroles et les actes, vous semblez préférer celles-là. En écoutant vos condamnations je ne pouvais que penser à Paul Valery qui avait raison de dire :

« Il est des mots que l’on peut détacher de toute proposition et d’autres qui ne sont qu’en acte, et qui n’ont point de puissance ».

Libre à vous, Madame, de respecter ou d’ignorer cette sentence du grand poète.

Au nom de Palmyre (Syrie), de Sana’a (Yémen) et de Ninive (Irak), je vous prie de démissionner.

 

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