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  • Sus à l’islam !

    Sus à l’islam ! Ils ne se fatiguent jamais...

    dimanche 24 mars 2013, par Alain Gresh

    La France est en crise. Comme le reste de l’Europe. Et Chypre n’est que le dernier épisode (avant le prochain) de cette spirale infernale : ébranlement du système financier, austérité imposée à la population au nom d’une rigueur qui ne touche ni les banques ni les riches. Encore un peu plus de chômage, encore un peu plus de souffrances.

    Mais vous n’y êtes pas du tout... Ce qui nous menace vraiment, ce qui met en cause notre identité même, nos raisons de vivre, ce qui fait qu’on ne se sent plus chez nous, ce ne sont ni les financiers ni nos dirigeants, mais ces musulmans, ces étrangers, ces « pelés », ces « galeux » dont nous vient tout le mal. Ce n’est pas la religion en général — il suffit de lire les apologies du nouveau pape, le respect avec lequel il est traité — mais cette religion-là. Elle est fondamentalement différente du christianisme qui aurait permis, lui, la laïcité (et tout le monde de rabâcher, sans la comprendre, la formule « rendre à César ce qui est à César », comme si toute l’histoire chrétienne se reflétait dans cette maxime...).

    Heureusement, contrairement aux élites, le peuple, lui, comprend. Il comprend que cette menace existe. Et il demande des mesures, des lois, des sanctions. Il faut être, n’est-ce pas, à son écoute — et dans ce cas, il ne s’agit pas de populisme démagogique. Et si demain l’opinion exige le retour de la peine de mort, votons une loi pour la rétablir !

    Il est vrai que l’état de l’opinion est inquiétant. La lancinante menace islamiqueinquiète. Et le dernier rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) l’illustre.

    Comme le note Le Monde (21 mars), « Les actes antimusulmans progressent pour la troisième année consécutive  » :

    « Pour la présidente de la CNCDH Christine Lazerges, tous ces indicateurs sont le reflet de situations différentes. “Pour l’antisémitisme, les causes sont aujourd’hui essentiellement conjoncturelles”, estime-t-elle. Mme Lazerges les relie notamment au contexte de l’affaire Merah, en mars 2012, et à celui de l’attaque d’une supérette casher de Sarcelles (Val-d’Oise) en septembre 2012.

    Selon elle, la hausse des actes antimusulmans — recensés en tant que tels depuis 2010 — est plus préoccupante. “On a affaire à un phénomène beaucoup plus structurel, car nous observons cette augmentation depuis maintenant trois années consécutives, détaille-t-elle. Numériquement, les chiffres sont faibles, mais ils ne montrent que la partie visible de l’iceberg.

    Tous ces indicateurs corroborent les résultats d’une enquête d’opinion de l’institut CSA dévoilée dans le rapport de la CNCDH. Réalisée auprès d’un échantillon de 1 029 personnes du 6 au 12 décembre 2012, elle confirme que les Français ont une vision de plus en plus négative de l’islam. 55 % des personnes interrogées considèrent qu’il “ne faut pas faciliter l’exercice du culte musulman en France” (+ 7 points par rapport 2011). Ce phénomène de rejet n’existe pas pour les autres religions. »

    Ces enquêtes montrent comment une partie des sympathisants de gauche (socialistes, verts, Front de gauche) partagent cette islamophobie. Au lieu de lutter contre cette évolution inquiétante, à laquelle les médias ont largement contribué, toutes tendances confondues (ceux de « gauche » comme Marianne ouLe Nouvel Observateur — lire « La ruse est leur mot d’ordre  » —, peut-être même un peu plus), on nous appelle à prendre de nouvelles mesures, à adopter de nouvelles lois, notamment pour « libérer » les femmes musulmanes (il faut dire que c’était aussi notre objectif pendant plus d’un siècle en Algérie et que nous avons échoué, alors l’heure de la revanche a sonné).

    Il faut donc légiférer avec courage et détermination, notamment après le jugement sur l’affaire de la crèche Baby Loup de Chanteloup-les-Vignes. La Cour de cassation a annulé le 19 mars le licenciement d’une employée de cet établissement des Yvelines qui avait décidé de porter le foulard. Selon la Cour, le principe de laïcité ne peut s’appliquer dans une entreprise privée.

    Comme le notait Libération le 22 mars  :

    « Le Défenseur des droits a demandé vendredi au législateur de “clarifier” la loi sur la laïcité et recommandé une large consultation préalable, dans un courrier adressé au premier ministre suite à l’affaire de la crèche Baby Loup. “Une clarification de la situation conduite par le législateur me paraît hautement nécessaire”, écrit Dominique Baudis à Jean-Marc Ayrault, en estimant que le parcours judiciaire du dossier Baby Loup illustre les « difficultés d’interprétation » des textes. »

    Et l’hebdomadaire Marianne, se saisissant de l’affaire, « soutient l’appel pour une nouvelle loi sur les signes religieux »  :

    « Sur les crèches et les gardes d’enfants, c’est une proposition de loi venant du Parti radical de gauche qui a été votée l’année dernière au Sénat. N’ayant pas bénéficié de la même diligence que d’autres textes sociétaux, elle n’a toujours pas été présentée à l’Assemblée nationale. C’est dans l’Hémicycle que Manuel Valls, transgressant la règle interdisant à un ministre de commenter une décision de justice, vient de déclarer : “En sortant quelques secondes de mes fonctions, je veux vous dire combien je regrette la décision de la Cour de cassation sur la crèche Baby Loup et sur cette mise en cause de la laïcité. » (Lire la tribune, censurée par Le Point, de Sihem Souid, « Monsieur le Ministre de l’Intérieur, vous faites fausse route ! »).

    Que le ministre viole les règles de séparation de l’exécutif et du judiciaire n’émeut pas l’hebdomadaire. Vous comprenez, nous sommes en situation de guerre : au diable les vieilles règles de l’Etat de droit ! Rappelons que ce ministre de l’intérieur, Manuel Valls, tant aimé par la droite, est celui-là même qui déclare, sûrement au nom de la laïcité, que « par [sa] femme, [il est] lié de manière éternelle à la communauté juive et à Israël » (lire « Vous avez aimé Claude Guéant, vous adorerez Manuel Valls  ») et qui estime que la lutte contre le hijab « doit rester pour la République un combat essentiel », mais affirme qu’un juif doit pouvoir porter fièrement sa kipa (c’est pourtant un signe religieux).

    Marianne poursuit :

    « Voilà donc une contradiction de plus entre les engagements politiques et la triste réalité : le candidat Hollande avait expliqué que la laïcité était l’un des piliers de sa “République exemplaire” et qu’il en graverait les principes dans la Constitution. A défaut de ce symbole dont on ne parle plus, il y a mieux à faire et plus urgent : suivre la suggestion des signataires (parmi lesquels de nombreux parlementaires) de l’appel que nous publions . Colmater vite par une loi les derniers vides juridiques que les amateurs de surenchères, encouragés par la Cour de cassation, ont déjà bien repérés.

    Le président de la République a donné comme première justification de l’intervention militaire française au Mali la volonté de “protéger les femmes”. Celles de Chanteloup-les-Vignes méritent aussi d’être protégées. »

    Ainsi donc les troupes françaises sont au Mali pour protéger les femmes, comme les troupes de l’OTAN les protègent en Afghanistan ?

    Qui rappellera que la loi du 15 mars 2004 a été condamnée par la commission des droits de l’homme des Nations unies, et que la France a six mois pour répondre aux demandes de cette dernière ? (lire « Signes religieux dans les lycées : L’ONU condamne la France à revoir la loi du 15 mars 2004  »). Il paraît, selon un sondage de l’Ifop publié dans Ouest France, que 84 % des Français sont opposés au port du foulard par des femmes employées dans des lieux privés accueillant du public (commerces, supermarchés, cabinets médicaux, crèches, écoles privées). Peu importe qu’une telle décision soit contraire à toutes les conventions internationales et européennes : nous sommes la France, la grande nation qui illumine l’avenir de l’humanité.

    Et pendant ce temps, tranquillement, la droite radicale progresse à travers l’Europe, comme le montre l’élection d’Oskar Freysinger en Suisse (« L’extrême-droite européenne salue l’élection d’Oskar Freysinger  », 22 mars), l’homme qui s’est rendu célèbre en gagnant un référendum contre la construction des minarets.

    Gageons qu’il se réjouira d’une nouvelle loi française hostile aux musulmans (« Suisse, une victoire de l’islamophobie, une défaite de la raison  »).

  • La ruse est leur mot d’ordre

    « La ruse est leur mot d’ordre  

    samedi 2 mars 2013, par Alain Gresh

    « Terrorisme : les adeptes de la “taqiyya”. La ruse est leur mot d’ordre. » Sous la signature d’Olivier Toscer, ce texte est paru dans Le Nouvel Observateur du 28 février. Il n’est pas encore disponible en ligne, mais il mérite que l’on s’arrête sur ce grand moment de journalisme d’investigation, que le « chapô » (texte introductif) résume ainsi :

    Ils boivent de l’alcool, s’affichent avec des femmes et ne fréquentent pas les mosquées. Adeptes de la dissimulation religieuse, ces fous d’Allah sont la hantise des services secrets.

    On sait d’emblée que l’on a affaire à un journaliste cultivé, « fin connaisseur de l’islam », comme les médias aiment à l’écrire. Il sait ce qu’est la taqiyya, cette possibilité en islam de dissimuler ses croyances en cas de danger. Une autre manière de dire que les Arabes (et les musulmans) sont « fourbes ». Mille et un récits coloniaux insistent sur cette « qualité » intrinsèque aux Arabes, qui avaient l’audace de refuser la conversion au christianisme et qui n’étaient pas de « bonne foi » quand on leur demandait de collaborer avec leurs occupants. On ne peut pas les croire, disait la doxa coloniale.

    Un exemple, parmi des milliers d’autres, celui de Mark Sykes, haut fonctionnaire britannique, qui fut un des négociateurs des accords dits Sykes-Picot (1916), qui partagèrent le Proche-Orient entre la France et le Royaume-Uni, au mépris total de la volonté des peuples concernés. Il fut l’auteur d’un livre, The Caliph’s Last Heritage, dont l’index, au terme, « caractère arabe » renvoyait aussi à... « trahison ». Cette analyse venait d’un spécialiste, puisque Sykes avait laissé croire à ses supérieurs, de manière mensongère, qu’il maîtrisait l’arabe et le turc.

    Revenons donc à l’article d’Olivier Toscer. Il commence ainsi :

    Il s’appelle Jamal Zougam. Il est marocain et purge aujourd’hui une peine de prison à vie pour sa participation aux attentats de Madrid en 2004. Pendant onze ans, Zougam, immigré en Espagne, a géré paisiblement une petite boutique de téléphones à Lavapiés, un quartier populaire du centre de Madrid. Personne dans son entourage ne soupçonnait que ce beau gosse à la réputation de tombeur entretenait depuis quatre ans des liens très étroits avec le mouvement djihadiste. « Il aimait l’alcool, les femmes, les discothèques et semblait parfaitement intégré dans la société espagnole », relève un rapport d’analyse de la police américaine sur le processus de radicalisation en Occident, rédigé en 2007. C’est pourtant Zougam qui avait mis au point les détonateurs des bombes placées dans les gares madrilènes, en mars 2004, tuant près de 200 personnes.

    Le dossier Zougam fait aujourd’hui figure de cas d’école étudié par tous les services antiterroristes, notamment en France. « Il est l’exemple parfait du terroriste passé maître dans l’art de la dissimulation, explique un haut responsable français de la lutte antiterroriste. Dans la sphère djihadiste, on appelle cette technique, la “taqiyya”. » De quoi s’agit-il ? Au départ, le concept est purement religieux. « La “taqiyya” a été articulée par des clercs chiites lorsque cette minorité de l’islam était pourchassée par des sunnites à certaines époques de l’histoire, explique le chercheur Mohamed-Ali Adraoui. Les savants se basaient souvent sur “les Abeilles”, une sourate du Coran qui légitime la dissimulation de la croyance. La “taqiyya” est une tactique consistant à faire mine d’abjurer sa foi quand on y est obligé pour survivre. » Valider religieusement le décalage entre l’apparence que l’on donne et ce que l’on a véritablement dans le cœur ? Une aubaine pour les djihadistes. « Dans la tête d’un terroriste, il y a l’idée que l’islam est attaqué, poursuit Mohamed-Ali Adraoui. Son devoir est de se défendre, et tout est permis pour triompher, même s’il faut pour ce faire ne respecter aucun des préceptes et rites de l’islam. »

    Résumons en une phrase : un terroriste, pour réussir son action, doit dissimuler. Voilà une découverte qui a demandé un grand travail de recherche ! Dans d’autres pays et à d’autres époques, il est bien connu que les activistes armés avaient l’habitude d’annoncer publiquement leurs actions, de proclamer où et quand ils allaient poser des bombes, et de professer en public les thèses de leur organisation... Il n’y a évidemment que les musulmans « fourbes » pour dissimuler leurs convictions.

    Ainsi, les djihadistes auraient publié

    un article titré « Qualités d’un assassin urbain », sorte de vademecum pour apprentis terroristes occidentaux. L’auteur, au pseudonyme évocateur de « Fils de l’assassinat », y exposait les rudiments de la taqiyya : le bon terroriste se caractérise par « son habileté à se fondre dans la société moderne [...], écrit-il. Il ressemble à un citoyen ordinaire habillé comme tout le monde. Au lieu d’apparaître radical en religion, il peut se couper ou se raser la barbe à un niveau acceptable dans la société où il vit ». Et de donner quelques conseils précis sur le comportement à avoir en société : « Parlez avec tout le monde. Plus vous êtes silencieux, plus vous apparaissez dangereux. »

    Evidemment, le journaliste ne pouvait pas ne pas évoquer Merah :

    Connu pour ses liens avec la mouvance djihadiste du Sud-Ouest, Merah cherche à sortir des radars. Mis à part quelques altercations violentes et la conduite d’une moto sans permis, le jeune homme évite de se faire remarquer.

    Là aussi, la différence est frappante avec, par exemple, les militants d’Action directe qui, au contraire, cherchaient à se faire repérer...

    Et la conclusion est à la hauteur de l’article :

    Retranché dans son appartement quelques heures avant d’être abattu les armes à la main, Merah lâchera au négociateur de la DCRI : « C’est pas l’argent le nerf de la guerre, c’est la ruse ! »

    Là aussi, vous avez un comportement vraiment musulman. Ecrit il y a quelques milliers d’années et attribué à Sun Tzu, L’Art de la guerre définissait déjà la ruse comme un ingrédient essentiel de toute stratégie. Nul doute que Sun Tzu était déjà un musulman adepte de la taqiyya.

  • Les chiffres invraisemblables sur la destruction programmée de l’Irak

    20 mars 2013

    L’invasion de l’Irak, il y a dix ans, a provoqué la plus grave crise humanitaire dans le monde. Comme on l’avait annoncé, le pays a été systématiquement détruit. La brutale réalité dépasse tout ce qu'il est possible d'imaginer. Ce qui suit ne s’adresse pas aux lecteurs sensibles.

    “Le chemin vers Jérusalem passe par Bagdad.
    Henry Kissinger
    Morts, disparus, réfugiés
    Selon l’UNESCO, entre 1991 et 2003, un million d’Irakiens, dont la moitié étaient des enfants, ont perdu la vie suite aux sanctions économiques imposées au pays.[1] Cela n’était que le prélude. Entre l’invasion étasunienne en mars 2003 et mars 2013, 1,5 million d’Irakiens de plus ont été tués.[2]
    Le nombre de personnes disparues est actuellement estimé entre 250.000 et plus d’un million. Pour les seules familles expatriées, presque 100.000 enfants sont portés disparus.[3]
    L’invasion et l’occupation qui a suivi ont été à l’origine d’une des plus grandes migrations de peuples provoquée par un conflit dans l’histoire du Moyen-Orient.[4] Un rapport des NU datant de 2008 rapportait 2,8 millions de personnes déplacées à l’intérieur de l’Irak.[5] La Croix Rouge irakienne rapportait, en juillet 2007, qu’au moins 2,5 millions d’Irakiens avait fui à l’étranger.[6] Au total, il s’agissait donc de 5,3 millions de réfugiés[7] sur une population de 31 millions, soit une personne sur six.[8] Parmi ces réfugiés en Irak, 80% sont des femmes et des enfants de moins de 12 ans.[9]
    Entre l’invasion étasunienne en mars 2003 et mars 2013, jusqu’à 1,5 million d’Irakiens ont été tués. Un irakien sur six est en fuite.
    Terrorisme, torture, détention, traumatismes…
    Pendant des années, l'Irak fut le pays le plus violent et le moins sûr du monde.[10] En 2011, il fut rattrapé par la Somalie… Etant donné les multiples attentats à la bombe et la violence religieuse des diverses milices, c’est un endroit plus dangereux que l’Afghanistan.[11] Plus d’une victime sur trois du terrorisme mondial est un Irakien.[12]
    Ces dix dernières années, plusieurs dizaines de milliers d’Irakiens ont été emprisonnés sans aucune forme d’inculpation ou de procès, dans des prisons officielles ou secrètes (aussi bien irakiennes qu’étasuniennes).[13]
    “Tu as vu ce qui s’est passé en Afghanistan : les gens se promenaient dans les rues ! Et ils étaient joyeux. Ils avaient des ballons. Ils faisaient de la musique. 
    Et ils accueillaient les Etats-Unis. 
    Car tout le monde sait que les Etats-Unis ne veulent pas occuper l’Irak. »
    Donald Rumsfeld, à l’époque ministre de la Défense, 4 décembre 2002[14]
    Entre 2005 et 2008, 50 à 180 corps humains ont chaque jour été jetés dans les rues de Bagdad, portant pour la plupart d'affreuses traces de torture.[15] On sait que la force d’occupation a formé, entraîné, armé et déployé des escadrons de la mort[16] responsables de ces assassinats. Il y a un lien direct entre les centres de torture et le Pentagone.[17]
    Être journaliste dans ce pays entre deux fleuves n’est pas une sinécure. Depuis l’invasion, au moins 382 journalistes (dont 352 Irakiens) ont été tués.[18] Ce nombre dépasse celui de toute autre zone de guerre de l’Histoire. Pour comparaison : durant la période 1996-2006, 862 journalistes ont été tués dans le reste du monde.[19]
    Il n’est pas étonnant que les Irakiens souffrent de traumatismes extrêmes, au niveau plus élevé que dans d’autres zones de guerre. Une étude indique que parmi les réfugiés irakiens 80% avaient été témoins d'une fusillade, 72% avaient été victimes d'une voiture piégée, et 75% connaissaient une personne morte assassinée.[20]
    On sait que les Etats-Unis ont formé, entraîné, armé et déployé des escadrons de la mort responsables de ces assassinats.
    Le pays le moins vivable du monde
    Pour la énième fois, Bagdad a été proclamée « ville moins vivable de la planète »,[21] suite à la destruction systématique par l’armée étasunienne d’usines, d'écoles, d'hôpitaux, de musées, de centrales d’énergie et d’installations de purification des eaux.[22]
    Pourtant, selon les dispositions de la Convention de Genève, lorsqu’une force d’occupation opère par le biais d’un gouvernement qu’elle a installé, elle est responsable de la protection et du bien-être de la population civile.[23] Ces règles et obligations ont été systématiquement ignorées.
    “Mais lancez donc une guerre totale contre ces tyrans !
    Je pense que nous allons faire ça à merveille. 
    Et plus tard, nos enfants nous en feront l’éloge. »
    Michael Ledeen, American Enterprise Institute, 29 octobre 2001[24]
    Selon la Croix Rouge, la crise humanitaire en Irak après l’invasion étasunienne est une des pires du monde.[25] Aujourd’hui, 11 millions, soit presque la moitié des citadins irakiens, habitent dans des bidonvilles.[26] En 2000, ils n’étaient même pas 3 millions. Selon Oxfam, 8 millions d’Irakiens ont un besoin d’aide urgente, et 4 millions manquent de nourriture.[27] 70% de la population n’ont pas accès à une infrastructure d’électricité fiable.[28]
    Les bas niveaux d’eau des lacs et rivières ont provoqué une catastrophe car la canalisation défectueuse a empoisonné l’eau potable, rendue ainsi inapte à la consommation humaine et animale.[29] Par conséquent, 70% des Irakiens n’ont pas accès à l’eau potable.[30]
    La contamination par l’uranium appauvri et d’autres pollutions liées aux opérations militaires ont engendré une augmentation de déformations génétiques et de cancers qui ont rendu le pays quasi invivable.[31]
    Pour la énième fois, Bagdad a été proclamée « ville moins sûre de la planète ». La contamination par l’uranium appauvri et d’autres pollutions liées aux opérations militaires ont engendré une augmentation de déformations génétiques et de cancers qui ont rendu le pays quasi invivable.
    Femmes et enfants
    En Irak, 44.000 enfants de moins de cinq ans meurent chaque année,[32] ce qui est deux fois trop élevé. Ça veut dire que chaque jour 60 enfants meurent inutilement.[33] Un demi-million d’enfants sont mal nourris et 800.000 jeunes irakiens, entre cinq et quatorze ans, sont mis au travail.[34]
    L'Irak est devenu le pays des orphelins. On estime à 5 millions le nombre d’orphelins,[35] dont plus d’un demi-million vivent dans la rue.[36]
    En Irak, 44.000 enfants de moins de cinq ans meurent chaque année, ou 60 par jour, soit plus que la normale. Un demi-million d’enfants sont mal nourris et 800.000 jeunes irakiens ,entre cinq et quatorze ans, sont mis au travail.
    L'Irak est aussi le pays des veuves. En 2007, le Ministère irakien des Affaires des Femmes rapportait qu’il y avait environ 3 millions de veuves, suite à la guerre avec l’Iran, la guerre du Golfe de 1991, et l’occupation de l’Irak depuis 2003.[37] Plus de la moitié des veuves ont perdu leur mari après l’invasion de 2003, avec des conséquences dramatiques pour elles. 8% d'entre-elles seulement perçoivent une pension, 55% sont déplacés, et un nombre équivalent sont victimes de violences.[38]
    Pour les femmes, l’invasion a signifié un grand bond en arrière. Depuis 2003, nombre de leurs droits ont reculé, notamment le droit à la protection maternelle, à l’emploi et aux soins de santé.[39] À présent, la polygamie est proposée comme une solution au très grand nombre de veuves,[40] et le mu’ta, sorte de mariage de complaisance – une forme de prostitution légalisée – est de retour.[41]
    Education
    L’enseignement a été une cible systématique dans la destruction de l’Irak. Entre mars 2003 et octobre 2008, plus de 30.000 attaques violentes ont été commises contre des institutions d’enseignement. Plus de 700 écoles primaires ont été bombardées, 200 ont été incendiées et plus de 3.000 ont été pillées. Plusieurs établissements d’enseignement ont été utilisés pour héberger des militaires.[42]
    En 2008, seule la moitié des enfants entre six et douze ans fréquentait encore l’école.[43] En 2005, ils étaient encore 80%. Plus de 90% des enfants accusent un retard au niveau de l’apprentissage.[44]
    L’enseignement supérieur a été particulièrement visé et encore plus durement frappé. 84% des institutions de l’enseignement supérieur ont été incendiées, pillées ou gravement endommagées.[45] Plus de 470 professeurs irakiens ont été des cibles, soit presque un enseignant tué par semaine depuis le début du conflit.[46]
    L’enseignement a été une cible systématique dans la destruction de l’Irak.Plus de 470 professeurs irakiens ont été tués, soit presque un par semaine.
    Une fuite de cerveaux sans précédent
    Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que le pays se vide. Depuis l’invasion, 20.000 scientifiques et de professionnels irakiens et 6.700 professeurs de l’université ont fui le pays.[47]
    Les médecins, notamment, ont pris la fuite. Rien de surprenant quand on sait que, depuis 2003, plus de 2.000 médecins ou infirmiers ont été assassinés.[48] Plus de la moitié des médecins enregistrés se sont également désengagés dans leur propre pays.[49]
    La désarticulation est totale. 75 % des médecins, pharmaciens, infirmiers, et 80% du corps d’enseignants de Bagdad ont été tués, ont émigré, ou ont abandonné leur poste.[50] Avant 2006, environ 40% de la classe moyenne avait pris la fuite suite à la violence ou la terreur.[51]
    75 % des médecins, pharmaciens, infirmiers et 80% du corps d’enseignants de Bagdad ont été tués, ont émigré, ou ont abandonné leur poste.
    Iconoclasme et purifications religieuses et ethniques
    Non seulement les cerveaux ont été décimés mais également l’héritage culturel. Après l’invasion, l’occupant étasunien a laissé 12.000 sites archéologiques sans aucune surveillance et les pillages en ont été la conséquence.[52] Rien qu'au Musée national de Bagdad, 15.000 artéfacts mésopotamiens d’une valeur inestimable ont été volés.[53]
    Les minorités irakiennes (les Chaldéens, Assyriens, Mandéens, Bahia, Yezidi…) sont au bord de l’extermination car elles sont confrontées à une violence inouïe.[54] Depuis l’invasion, l’Irak attire des combattants djihadistes visant souvent des minorités ethniques et religieuses.[55] Certaines de ces minorités ont vécu pacifiquement en Irak pendant deux mille ans. A l’heure actuelle, ce même scénario se répète en Syrie.
    Les minorités irakiennes (les Chaldéens, Assyriens, Mandéens, Bahia, Yezidi…) sont au bord de l’extermination.
    Néo-colonie et terre conquise pour les Etats-Unis
    L’Irak ne fut pas seulement occupé en termes militaires mais également en termes économiques. Le pays est devenu un paradis pour les investisseurs étrangers, au détriment des Irakiens qui n'ont rien eu à dire dans la reconstruction de leur pays.[56] Les nouveaux contrats ont presque tous été attribués à des entreprises étrangères. L’exemple le plus édifiant à ce titre est celui de Halliburton.[57] En 2003, cette entreprise de construction de Houston est parvenue à acquérir un contrat d’une valeur de plusieurs milliards.[58] Détail révélateur : l’ancien CEO (jusqu’en 2000) n'était autre que Dick Cheney, vice-président et homme fort du cabinet de guerre de Bush. Jusqu’à maintenant, l’homme a conservé des intérêts dans cette société.[59]
    “Il y a beaucoup d’argent pour financier tout ceci (…) les revenus du pétrole de ce pays pourraient s’élever entre 50 et 100 milliards de dollars US dans le courant des deux ou trois années à venir (…) Nous avons à faire à un pays qui peut financier sa propre reconstruction, et assez vite.
    Paul Wolfowitz, conseiller d’élite de Bush et architecte de l’invasion, 27 mars 2003[60]
    De nouvelles lois ont également prévu des impôts faibles permettant que des entreprises irakiennes passent à 100% aux mains d'investisseurs étrangers, y compris le droit de transférer tous les bénéfices à l’étranger.[61] Les transactions financières avec l’étranger sont passées entre les mains d’une banque des Etats-Unis, notamment JP Morgan, le premier financier de la première guerre mondiale et de Mussolini.[62]
    Même après le retrait (de la plupart) des troupes étasuniennes, en décembre 2011, les conseillers étasuniens restent liés à tous les ministères et services de sécurité.[63] L’ambassade des Etats-Unis à Bagdad est le symbole de la main de fer sur le pays. Cette ambassade est la plus grande et la plus chère du monde, aussi grande que le Vatican, et dotée d’un cadre de personnel de 15.000 personnes.[64]
    L’ambassade des Etats-Unis à Bagdad est le symbole de la main de fer sur le pays. Elle est la plus grande et la plus chère du monde.Les transactions financières avec l’étranger sont passées aux mains d’une banque des Etats-Unis, notamment JP Morgan, le premier financier de la première guerre mondiale et de Mussolini.
    Facture improbable et situations maffieuses
    Selon Stiglitz, lauréat du prix Nobel, l’invasion de l' Irak a coûté quelque 3000 milliards de dollars,[65] l’équivalent de 100 ans d’aide au développement des Etats-Unis.[66] Un sixième de ce montant aurait suffi pour atteindre les objectifs du millénaire pour le monde entier.[67]
    Pour l’occupation et la soi-disant reconstruction du pays, des montants considérables ont été prévus. Cependant, ils n’ont toujours pas été équitablement distribués. Selon Transparency International, il s’agit en l’espèce du plus grand scandale de corruption jamais vu dans l’histoire.[68] Des milliards de dollars se sont envolés en fumée. Jusqu’à présent, on vole du pétrole à volonté, puisqu’il n’y a toujours pas de système de mesure moderne disponible.[69]
    Certes, on a bien tenté de combattre cette corruption massive. Ainsi, un service contre la corruption a vu le jour. Cependant, les fonctionnaires trop zélés sont assassinés. Depuis 2006, 30 inspecteurs contre la fraude ont été « liquidés ».[70]
    Selon Stiglitz, lauréat du prix Nobel, l’invasion de l' Irak a coûté quelque 3000 milliards de dollars, l’équivalent de 100 ans d’aide au développement des Etats-Unis.
    Parole contre parole
    Avant la première guerre du Golfe, en 1991, James Baker, à l’époque ministre étasunien des affaires étrangères, avait dit à son homologue Tariq Aziz : « Nous allons détruire ton pays et le catapulter à l’âge de pierre ».[71] Près de dix ans plus tard, Paul Wolfowitz, vice-ministre de la Défense et architecte de l’invasion, disait que les Etats-Unis « allaient en terminer avec les états qui soutiennent le terrorisme ».[72] Ils ont tenu parole.
    “Nous allons détruire ton pays et le catapulter à l’âge de pierre”.
    James Baker, à l’époque ministre étasunien des affaires étrangères
    La population irakienne ne se croise pas les bras. Depuis l’invasion et l’occupation qui a suivi, les protestations sont constantes. Elles se sont accélérées lors du Printemps arabe en janvier-février 2011. Depuis le 25 décembre 2012, des protestations massives ont lieu chaque jour à Ramadi.[73]
    Ces protestations auxquelles participent des centaines de milliers de personnes se sont étendues vers d’autres villes, partout dans le pays. Le 12 janvier dernier, plus de 2 millions de manifestants réclamaient la démission du premier ministre irakien Al Maliki. Ils réclament notamment la fin des atrocités, l’abolition des lois antiterroristes, la fourniture de services de base essentiels, l’arrêt de la marginalisation et de la division organisée parmi les groupes religieux et ethniques, la sanction du comportement criminel de l’armée, de la police et des forces de sécurité.
    En Chine ou au Myanmar, il suffit d'un dissident pour se retrouver à la une des journaux. Par contre, nos médias gardent le silence sur ces protestations massives. Oui, la vérité est toujours la première victime de toute guerre.[74]
    Traduit du néerlandais par Erwin Carpentier
    Source : De wereld morgen
    Notes :

    [2]Le nombre des morts est très controversé et, bien sûr, politiquement très sensible. Le chiffre d’un million et demi est basé sur les calculs suivants :
    En 2006 déjà, le prestigieux magazine Lancet dénombrait environ 650.000 morts. En 2008, l’Opion Research Business, magazine autant renommé, recensait aussi un peu plus d’un million de victimes. En extrapolant, sur la base des comptes d’Iraq Body Count (IBC), on arrive au chiffre d’un million et demi. Les calculs conservateurs se limitent à 100.000 morts.
    http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736%2806%2969491-9/abstract
    [8]Aujourd'hui, on estime à presque trois millions le nombre total de réfugiés, à l'intérieur du pays ou à l'étranger.
    www.unhcr.org/pages/49e486426.html
    [33]En 1990, l'Irak avait le même taux de mortalité infantile que son voisin, la Turquie. Aujourd'hui, ce chiffre est le double.
    http://hdr.undp.org/en/media/hdr_1992_en_indicators1.pdf , p. 142. 

    Irak 


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  • Et Littell niquaAngot

    par Marc-Édouard Nabe

    Et Littell niquaAngot

     

    Chaque année, les ennemis de la littérature qui constituent le « milieu

    littéraire » ont besoin d’un seul auteur et d’un seul livre pour leur rentrée de

    merde. Le «tube » est formaté dès le mois de juin pour devenir l’exclusif succès

    de l’automne. L’an dernier, c’était Houellebecq. L’année d’avant, Beigbeder

    ; l’année d’avant encore : Angot. On tourne en gros sur trois noms. Cette

    fois, c’était au tour d’Angot, elle avait tout préparé dans sa petite tête de garçonnet

    fébrile et soupe au lait. Sûre d’elle, l’Angot! C’était joué : sinon le Goncourt

    dans la poche, le Renaudot les doigts dans son nez à la Louis XI.

    Ce qui me frappe, moi qui ai bien connu ce petit monde-là du temps où

    j’étais «écrivain », c’est sa naïveté stratégique...Ces gens sont toute la journée

    à comploter, à dresser des plans sur leur comète, à se croire joueurs exceptionnels

    d’échecs, de go ou de petits chevaux, mais ils n’ont aucun sens de la

    logique ésotérique des choses. Il était évident que Christine Angot, devenue

    aussi mauvaise écrivaine que mauvaise calculatrice (ça va souvent ensemble),

    allait se ramasser la gueule; même sans l’arrivée de l’« outsider » qu’on

    sait. Pareil pour le Houellebecq 2005. Comment un garçon intelligent comme

    Michel a-t-il pu croire être enfin couronné du prix des prix ( puisque c’est

    ça, incompréhensiblement, qu’ils cherchent tous !) et à la fois obtenir autant

    de succès public qu’il en escomptait, en passant de Flammarion (sic ) à Fayard

    (sic ) après une campagne si mal orchestrée d’annonces cyniques et de rodomontades

    capitalistes ? L’ institution des Lettres françaises ne se plait finalement

    qu’à redorer l’image d’Épinal de l’artiste plein d’épines, c’est-à-dire

    celle d’un messie fantasmé, désargenté, hostile à toute médiatisation, et qui

    arriverait sans crier gare... Surtout ne pas consacrer un laborieux best-seller

    de la glauquitude qui se la joue « grand écrivain maudit » ! Il est bien temps

    après de pleurnicher sur l’épaule de son blog, ou comme Angot de cracher

    dans la soupe tendue, comme à une prisonnière à travers ses barreaux, par

    Le Journal du dimanche... Quel manque de dignité et quelle incohérence surtout.

    Voilà des auteurs qui demandent tellement le beurre et l’argent du

    beurre qu’on finit par leur donner la misère et l’huile de la misère. «Toute

    littérature doit être écrite contre la rentrée littéraire » dit celle qui n’a fait

    qu’écrire des livres pour les rentrées littéraires... Culot ? Bêtise ? Prétention?

    Tout cela à la fois, mais avant toute chose: infantilisme. On a déjà remarqué

    que l’écriture française contemporaine (et si peu moderne) était inspirée par

    l’infantilisme, mais il faut savoir que c’est l’édition tout entière et ses fonctionnaires

    qui sont infantiles dans leurs pratiques de bambins pas propres.

    Comment une Angot a-t-elle pu être assez bête pour quitter Stock (même

    si elle n’avait aucune chance d’y obtenir un prix ) et suivre chez Flammarion

    une éditrice considérée par les autres mafieux, au mieux comme une

    indélicate, au pire comme une traîtresse ? C’était couru que la directrice

    d’origine italienne, dont je ne vois pas pourquoi je citerais le nom puisqu’elle

    m’a ignoré pendant les dix ans où elle trônait rue Sébastien-Bottin, allait

    essuyer la vengeance terrible de Gallimard et des jurés qui le composent,

    tous déchaînés pour infliger à cette arrogante la leçon qu’elle méritait.

    Et quelle leçon ! Terrible, en effet... D’abord, aucun de « ses » livres ne

    s’est retrouvé sur les listes qui comptent. Pas un Flammarion en lice. Quelle

    humiliation ! Fabriquer de toutes pièces les auteurs qui donneront le plus

    au public l’illusion qu’ils sont écrivains, ça ne marche plus. Croire que survendre

    la publication d’un roman aussi raté que Rendez-vous suffit à installer

    un snobisme qui va impressionner les parrains du Milieu relève de la

    mégalomanie la plus pathétique. Faire la gueule à la une des Inrockuptibles,

    ça fait surtout bien rire les dix incorruptibles de chez Drouant.

    Non, le livre d’Angot n’était pas son « meilleur », car la pontifiante donneuse

    de leçons sur la « vérité en littérature » y ment sur ce qu’il y a de pire :

    le sentiment. L’ex-chroniqueuse de Campus, qui croyait que travailler pour

    la télé favoriserait son travail pour le roman ( encore un mauvais calcul ),

    sait maintenant que c’est à ce mensonge littéraire qu’elle doit son échec.

    Dans les choux, la chouchoute ! Son Prix de Flore ( avoir le Prix de Flore à

    45 ans, après quinze livres ! ), remis par son confrère en collaboration télévisuelle

    et en débâcle littéraire Beigbeder, ne la consolera pas au-delà des

    quelques larmes ridicules que ça lui a tiré. En effet, il ne restait plus à l’Angot

    qu’à être émue... Émue par un prix de Flore !

    Et puis Zorro est arrivé ! Sous la forme d’un fluet jeune homme de 38

    ans, blondinet pâle, et souriant sournoisement d’avance de tout ce qu’il

    allait déclancher. Les épaules tombantes, le costard étriqué juste ce qu’il

    faut, la cravate nase, l’anneau à l’oreille...Tout pour plaire ! Bravo, Jonathan

    Littell ! Sincèrement, profondément, fraternellement bravo ! Je n’aime pas

    beaucoup ce que vous faites, mais ce que vous avez défait, j’adore !

    Niquer à ce point tout un système qui se croyait aussi immuable qu’indestructible,

    et d’un seul coup, c’est ça l’exploit. Plus que d’avoir écrit un roman

    de 900 pages directement en français ! La loi est tombée... « Attention!

    Un “carton” peut en cacher un autre. » Celui d’Angot ne faisait pas le poids :

    petit roman d’amour larvés ( l’amour et le roman) d’une écrivaine trop connue,

    trop chiante, trop égocentrique, trop puante, trop médiatisée, trop avide

    de reconnaissance. Celui qu’Antoine Gallimard et Richard Millet ont fabriqué

    comme un monstre de Frankenstein était parfait. L’auteur : un inconnu,

    travaillant dans l’humanitaire, habitant à l’étranger, méprisant les magouilles

    parisianistes. Le livre ? Les mémoires imaginaires sur fond de documentation

    d’un officier SS, névrosé, pédé, raffiné, qui raconte sans chichis les

    camps de la mort... Littell ne pouvait que gagner : c’est mathématique. On

    résume : Jeune + Yankee + Juif + roman + écrit en français + sur les nazis

    + avec un titre facile et mou ( Les Bienveillantes ) + chez Gallimard en collection

    blanche + grand format + à 25 euros = triomphe total !

    Et plus que total car le livre de Littell aurait pu se contenter d’être le

    plus remarqué, ou même le plus vendu de la rentrée, mais cette fois, et c’est

    nouveau, il l’a été à l’exclusion de tous les autres ! Même aux grandes heures de

    Houellebecq ou de Beigbeder, les best-sellers habituels gardaient leur cote.

    Ici, c’est le crack Littell ! Il a empêché les lecteurs « normaux » d’acheter un

    autre livre que le sien, tous genres confondus.

    Littell est responsable de l’effondrement du marché à un point de gravité

    qu’il est trop tôt pour mesurer... Désastre à tous les étages ! Les éditeurs

    déposent le bilan au bord de l’autoroute. Les critiques littéraires, ne pouvant

    pas faire dix articles sur le Littell par semaine, n’ont plus qu’à ranger

    poignards et bouquets. Et les suicides de libraires sont en constante augmentation

    ! Car même les mémères n’ont plus acheté, comme c’était prévu,

    le Nothomb « déjanté », le Zeller « charmant », le Mauvinier « sportif », le

    Dantec « psychédélique », le Shan Sa « exotique », le d’Ormesson « épatant »

    que sais-je encore... Jusqu’aux livres de cuisine, pour gosses, ou les atlas et

    le guide du routard... RIEN NE SE VEND. Bernard Werber lui-même a des

    fourmis dans les jambes. Marc Levy a l’air encore plus triste que d’habitude!

    Ce n’est même plus en « retours » qu’on parle, c’est en rapatriements !

    Littell est le seul écrivain réellement génocidaire de notre époque. Il a

    mis en oeuvre une solution finale romanesque pour détruire les écrivains,

    les éditeurs, les journalistes, les libraires et même les lecteurs. Car acheter son

    livre dispense de le lire. L’élite lit mais la masse est sommée d’acheter. Tirelire

    Littell ! Chaque fois que les 25 euros tombent dans sa poche ( il s’est réservé

    tous les droits étrangers, cet enculé! ), ça fait un livre non-lu de plus, et donc

    un lecteur de vraie grande littérature en moins, quoi qu’en disent les larbins

    extasiés de la critique qui osent voir en lui un nouveau Tolstoï (ce qui

    le gêne lui-même) ou un fils deThomas Mann (alors qu’il est celui de Robert

    Littell ). Beaucoup déplorent cet état de fait, moi je m’en félicite: Les Bienveillantes

    sont peut-être le dernier produit littéraire de tout un cycle de marchandisation

    du livre qui a fait son temps. C’était celui qu’il fallait écrire et

    publier, en apothéose !...

    Les Bienveillantes sont avant tout un attentat dirigé contre les écrivains

    minables du Septième arrondissement qui étaient encore dans l’illusion

    d’écrire des livres «importants» qui se vendent... Tous à la casse! Houellebecq

    en avait rêvé ; Littell l’a fait. Personne, jamais, dans le secteur du livre, n’a exécuté

    aussi méchamment ses confrères. Et je vois dans le sujet même du roman

    de Littell une des raisons de ce carnage. Il n’a pas seulement mis beaucoup

    de lui dans son personnage de nazi, il est lui-même l’exterminateur

    des 680 romans de la rentrée ! Sans état d’âme, faisant son boulot, sans

    remords et appliqué, exactement comme son narrateur SS qui massacre les

    gens en écoutant du Couperin et en relisant L’Education sentimentale.Tu parles

    d’un sentimental ! Est-ce parce que ce SS est demi-français qu’il a tous les

    vices ? Homo superpervers, matricide, beau- parricide, incestueux, scatologique,

    pourquoi pas pédophile et zoophile ? Il ne manque plus qu’à son héros

    d’aller manger des cadavres, ou de se taper son berger allemand devant les

    fours crématoires ! Parfois, dans son roman, on n’est pas loin du cliché du

    nazi « hardcore » et néanmoins très cultivé, connaissant tout de la culture

    française, et rien de la germanique. Littell ignore la langue allemande et

    multiplie les erreurs, les approximations, comme les lapsus dans ses rares

    interventions radiophoniques, au point que ses détracteurs le soupçonnent

    d’avoir eu un Nègre, un Nègre en collection blanche...

    Qu’importe ! Pour le coincer, ça va être difficile : il reste invisible... Comble

    du dandysme, Littell se la joue situationniste ! Mi-Gracq ( les journalistes

    vieille école adorent) mi-Debord ( ce sont les jeunes qui en raffolent ). «La

    littérature n’appartient pas à la société du spectacle.» lance-t-il entre deux

    autres déclarations bien méprisantes sur le petit monde parisien qui le

    glorifie. Le Prix Goncourt et Grand prix de l’Académie Française 2006 est-il

    bien certain d’être hors-spectacle lorsque, sur son nom et son livre, les magazines

    multiplient les numéros spéciaux sur le nazisme avec DVD en bonus

    ( il y a eu Les Damnés sous cellophane ; on attend Portier de Nuit ! ) ? De mauvaise

    langues ont pu voir dans cette attitude antimédiatique une stratégie

    finement commerciale. En effet, plus un livre est médiatisé, moins il se vend:

    c’est prouvé, et les éditeurs et écrivains continuent à se persuader du contraire!

    Chaque émission grand public à laquelle participe un écrivain venu vendre

    son navet le fait aussitôt descendre de plusieurs points dans les classements.

    Littell l’a compris : il est arrivé en douce, sans tambour et encore

    moins de trompettes, et voilà le résultat : le seul livre qui ne passe pas à la télé,

    c’est celui qui se vend le plus !

    Il ne faut plus passer à la télé pour parler de ses livres et accepter d’en

    répondre devant des procureurs. Il faut y aller seulement pour dire qu’on

    n’y va pas. Bref, pour y faire des trous afin que la lumière crue de la réalité

    se glisse dans l’interstice, par surprise, un instant.

    Ah! ça s’est bien déchaîné autour des Bienveillantes... Les pour (Le Point,

    les Figaro, ParisMatch, Le Nouvel Obs, France Inter ) ; les contre ( Les Inrocks,

    Marianne, Le Canard, Libération,Canal +, France 2 ). Les pires attaques viennent

    bien sûr des confrères ulcérés... Il fallait voir l ’Angot, pour une fois

    bien baisée, écumant de rage à la télé contre Littell... « Un Juif n’a pas le

    droit de se mettre dans la peau d’un bourreau ! » Ah bon ? Et dans celle d’un

    soldat israëlien dans la bande de Gaza, il peut ? Non, ce qu’elle voulait dire,

    cette « pure » écrivaine décidément bien moralisatrice quand il s’agit de faire

    le procès d’un confrère plus bankable qu’elle, c ’est que Littell n’avait pas le

    droit de la niquer. Surtout qu’elle est frigide depuis son Inceste...

    Quant à son grand ami, le petit Moix, il explose littéralement ( à défaut

    de le faire littérairement) de haine douloureuse chaque fois qu’on lui parle,

    toujours à la télé, de l’énorme livre qui a réussi à l’enculer à travers son

    Panthéon... Il faut dire que, tremblant si fort qu’on découvre qu’il se lit une

    page de Bagatelles pour un massacre tous les matins au petit déjeuner, Moix

    s’était déjà empressé de traiter Céline d’«ordure » et de dénonciateur de Juifs

    devant 3 millions de téléspectateurs dans une autre émission bas de gamme...

    Même Claude Lanzmann a du mal à cacher que ça lui fait mal aux seins

    de voir avant de mourir qu’un jeune con d’Américain est venu lui piquer

    son exclusivité sur la Shoah, en faisant lui aussi un « chef d’oeuvre » ( dixit

    Le Nouvel Obs ) sur la question. Le vieux bouledogue des Temps Modernes

    n’en décolère pas et il se console ( difficilement ) en décidant que lui seul,

    Lanzmann, peut comprendre le livre de Littell... On n’imagine pas sans frémir

    ce que Lanzmann leur aurait passé si Les Bienveillantes n’avaient pas été

    écrites par un Juif !... À quoi ça tient tout de même ! Et si l’auteur s’était

    appelé « Jean Petit », comme il en avait l’ intention avant d’être refusé par

    plusieurs éditeurs, et qu’il ait publié son roman chez Robert Laffont, traduit

    de l’américain, ou bien encore qu’il porte sur le Rwanda ou la Bosnie,

    personne ne se serait retourné sur son passage...

    D’autres critiques lui ont reproché d’avoir mélangé le vrai et le faux...

    «Docu-fiction » ! Sacrilège pour les historiens, mais aussi sacrilège pour les

    romanciers. Depuis la libération du camp d’Auschwitz en 1945, un tabou

    fictionnel s’est mis en place. ElieWiesel l’a décrété : « Si c’est un roman, il

    ne doit pas parler d’Auschwitz ; si c’est un livre sur Auschwitz, ça ne peut

    pas être un roman. » Le roman rend libre ? Enfermons-le ! À quand la loi qui

    interdira d’écrire quoi que ce soit de fictif après l’Holocauste ? Ce qui s’est

    passé réellement à Auschwitz est impossible à imaginer, donc on ne doit

    plus pouvoir rien imaginer d’autre ! Auschwitz est situé à un tel degré de

    réalité qu’il provoque une sorte de haine de l’imagination. Les fanatiques du

    culte mémoriel ont tellement peur qu’on transforme leur réalité en mythomanie

    qu’ils en arrivent à remettre en question le phénomène transpositionnel

    même de l’art...

    Theodor Adorno était même allé plus loin : « On ne peut plus penser

    après Auschwitz ». En ce sens, Littell a transgressé un tabou. Rien que pour

    ça, il a toute ma sympathie. Mais si on veut comprendre ce qui a provoqué

    toutes ces atrocités, il ne faut pas raconter la Shoah, pas plus du point de

    vue du bourreau que de celui de la victime, mais analyser la place des Juifs

    dans la société allemande depuis la fin de la guerre de 14 jusqu’à l’avènement

    d’Hitler... Le roman ( documenté ! ) qui reste à faire est celui des élites

    juives allemandes, et pas des élites nazies.Tout le secret est là... Littell a

    eu l’intelligence de s’en tenir au sujet qui était dans ses cordes. C’est-à-dire

    à l’histoire d’un nazi interchangeable qui ne fait qu’obéir aux ordres, et dont

    on ne sait toujours pas, au bout de 900 pages, ce qui l’a fait adhérer au parti.

    Contrairement à La Chute, qui était un film allemand sur Hitler dans son

    bunker bondé de personnages hors du commun, Les Bienveillantes sont un

    livre écrit en français sur l’extermination racontée par un seul homme banal...

    On dirait que seule la « normalité » du monstre nazi peut expliquer ce

    qui ce qui a poussé les Allemands à planifier l’Holocauste ! La « banalité du

    bourreau », c’est Hannah Arendt qui l’a inventée, et non pas découverte...

    Beaucoup d’historiens et d’intellectuels juifs la détestent ou l’adulent pour

    ça. Les uns trouvent bon qu’on puisse considérer tout homme médiocre

    comme un nazi potentiel ( parce que ça veut dire qu’au fond tout nazi est

    un médiocre ) ; les autres lui en veulent car depuis elle, on peut croire qu’un

    nazi est un homme comme les autres, alors que c’est faux: tout le monde

    ne peut pas être Himmler, Heydrich, ou Eichmann qui lui a servi de cobaye

    lors de son reportage au fameux procès de Jérusalem. Or, on n’a pas compris

    tout de suite que Hannah Arendt, en banalisant Eichmann, couvrait l’homme

    qu’elle aimait : Martin Heidegger ! Le philosophe d’Être etTemps est, encore

    aujourd’hui, considéré comme le plus impardonnable penseur du XXe siècle

    pour avoir été nazi toute sa vie ( quoi qu’en disent ses blanchisseurs ) et

    jusque dans sa philosophie... Arendt était sa secrétaire et sa maîtresse, et elle

    projeta sur Eichmann ce qu’elle aurait aimé qu’on dise de son Heidegger : que

    c’était juste un pur idéaliste noyé dans la masse, inconscient de sa culpabilité,

    un petit rouage sans importance du système Hitler... Exactement comme

    le héros des Bienveillantes !

    Et c’est bien ce qui manque au livre de Littell, la réponse à la question

    principale: « qu’est-ce qui peut bien convaincre un SS de devenir un meurtier

    ? ». Les apôtres du Christ ne rechignaient pas à dire pourquoi Jésus les faisait

    kiffer ; dans aucun livre sur le Troisième Reich, en particulier ceux écrits

    par des Juifs, on ne cherche à expliquer ce que les nazis trouvaient de génial

    dans les idées du Führer... Ça reste un mystère. Mystère qui n’en est pas un

    d’ailleurs. Quand on voit les connards de trente ans de notre époque, on

    n’a aucune peine à imaginer qu’à la fin des années vingt en Allemagne d’autres

    trentenaires aient pu trouver dans le nazisme une nouvelle façon de

    penser et d’agir...

    «Qui peut savoir comment nous nous serions comportés à l’époque ? »

    répètent en choeur les pseudo-intellos qui adorent se donner du frisson rétrospectif...

    Eh bien, moi je sais: très mal ! Je connais beaucoup d’antinazis

    d’aujourd’hui qui auraient fait d’excellents SS d’hier... Quand on assiste à

    tous ces débats stériles où quinze sociologues, écrivains, psychanalystes,

    historiens, témoins, politiques s’interrogent sur la raison qui a fait que le

    nazisme a pu être possible, on a envie de leur dire en faisant un tour de

    table : « Mais c’est à cause de vous ! » Pour l’instant, on ne peut pas aller plus

    loin. Tout le monde sait, mais personne ne peut le dire. C’est encore trop

    tôt pour répondre clairement à la vraie question: «pourquoi cela s’est-il produit

    ». Soixante ans après, on en est toujours au « comment cela a-t-il pu être

    possible ». Le «comment» a bon dos ! Il permet à tous ceux qui bandent en

    secret pour le nazisme, tous les voyeurs d’Auschwitz, les refoulés de l’extermination,

    les amoureux de la mort, de se planquer derrière la « volonté de

    comprendre ».

    Comment les nazis s’y sont pris, c’est une discussion de chef de gare.

    Se fasciner pour la bureaucratie qui a permis le génocide, c’est encore rester

    au degré zéro de l’Histoire et de la Vérité. Travail de gratte-papiers et d’archivistes

    ! En ce sens, révisionnistes bornés et mémorialistes hystériques sont

    dans le même panier de crabes. Le « pourquoi les Allemands en sont arrivés

    là ? » impliquerait trop de descentes dans l’enfer des sociétés occidentales

    du XXe siècle ( et du début du XXIe ), et pourtant il faudra bien qu’on y

    voie clair une bonne fois pour toutes. Sans l’éclaircissement définitif de ce

    problème, le monde ne pourra plus avancer, car c’est de ça, et de rien d’autre,

    que souffrent les âmes culpabilisées ; c’est ça qui bouche l’accès au bonheur

    depuis 1945 : la non-réponse à cette question : « pourquoi les nazis

    voulaient détruire les Juifs ? » Et ça, ni Poliakoff, ni Hilberg, ni Littell aujourd’hui

    n’y répondent. Leur silence est si fort qu’on pourrait même rajouter un

    second « pourquoi ? » au premier, mais, comme chacun sait, ici il n’y a pas

    deux pourquoi...

    De leur côté, les médias font semblant de se demander pourquoi le public

    se fascine pour le nazisme... Comme s’ils ne savaient pas ! Ce sont eux

    qui imposent, et d’une façon totalement goebbelsienne, le retour des images

    hitlériennes à foison et sans risque d’accusation de complaisance puisque

    c’est à charge, soi-disant... Le système totalitaire du Troisième Millénaire

    sait très bien comment était fabriqué celui du Troisième Reich, car le premier

    est entièrement calqué sur le second : dans sa structure, sa logistique,

    ses mécanismes, ses dispositifs de manipulation des masses... Le public n’a

    plus qu’à obéir à ce nazisme « soft » qu’est le spectacle médiatique à outrance,

    construit de façon peut-être encore plus perverse que celui du Führer. Il ne

    manquait plus à la dictature spectaculaire qu’un Mein Kampf obligatoire,

    que tout le monde doit posséder chez soi, pour potasser le programme...

    Cette bible du « fasciné par le mal malgré lui », c’est Les Bienveillantes dont

    l’achat permet d’assouvir pour l’instant le «désir de nazisme » des Français.

    Oui ! La France a un désir de nazisme, il n’y a même que ça qui la fasse

    jouir. Grâce à un Juif américain, les Français ( tous antisémites et antiaméricains

    ) vont pouvoir se branler à leur guise sur une fresque-compil pornonazi

    et sans en avoir honte, avec l’alibi de « la littérature de Littell », autant

    dire la « littellrature » !

    Les Français, car ce livre a été écrit en français pour des Français, en ont

    marre qu’on ne leur ait jamais expliqué pourquoi ils ont collaboré avec des

    types qui cherchaient à se débarasser physiquement des Juifs, ni ce qui les a

    poussés entre 40 et 44 à faire du zèle dans ce sens-là, bref : quel est le problème

    de la France avec les Juifs depuis l’Affaire Dreyfus, et même avant ? En

    parler franchement ne serait pas une justification des pires crimes, mais un

    geste de détente, un soulagement dans la société d’aujourd’hui qui reste

    étouffée par ça sans le savoir.

    Littell surgit à une époque où les gens cherchent dans la fiction des réponses

    à leur angoisse au sujet de la Shoah. Pourquoi ? Parce que la réalité

    de l’Holocauste finit par devenir abstraite tellement elle est rendue floue et

    reste inexpliquée par les gardiens du Temple de la mémoire. Il fallait que

    quelqu’un lui restitue une forme de réalisme, même si c’est un réalisme

    romanesque... Les Bienveillantes vieilliront-elles bien ? Rien de moins sûr,

    mais Jonathan Littell aura réussi à faire franchir à ce pays de collabos qu’est

    la France une étape de plus dans sa longue marche pour se déculpabiliser.

    Seuls les écrivains ratés ne l’ont pas compris, trop aveuglés par leur

    jalousie. Tous éclopés, cassés, en lambeaux, sur des béquilles après cette

    rentrée qui a ressemblé à la bataille de Stalingrad, ils n’ont plus qu’à reformuler

    la phrase célèbre « peut-on écrire après Auschwitz ? » en « peut-on

    écrire après Littell ? »

    YL /TM 2006

  • La dernière lettre (Truth Dig)

    Message à Georges Bush et à Dick Cheney de la part d’un vétéran mourant

    La dernière lettre (Truth Dig)

    Thomas Young
    Thomas Young (photo de Claudia Cuellar)

    Il est peu vraisemblable que Thomas Young, paralysé et aux portes de la mort, ait écrit lui-même cette lettre. Elle a probablement été dictée et réécrite, dans un style assez percutant et enlevé.

    Quoi qu’il en soit, l’essentiel est ailleurs. Il est dans un réquisitoire terrible au nom de tous ceux qu’on a envoyés à la boucherie et qui sont devenus eux-mêmes bouchers. Pour le plus grand profit de commanditaires qui devraient comparaître devant un Tribunal International.

    LGS

    Je vous écris cette lettre pour le 10è anniversaire de la guerre en Irak au nom de mes collègues vétérans de la guerre en Irak. Je vous écris cette lettre au nom des 4 488 soldats et Marines qui sont morts en Irak. Je vous écris cette lettre au nom des centaines de milliers de vétérans qui ont été blessés et au nom de ceux dont les blessures, physiques et psychologiques, ont détruit leur vie. Je suis l’un de ces blessés graves. J’ai été paralysé dans une embuscade d’insurgés en 2004 à Sadr. Ma vie touche à sa fin. Je vis en soins palliatifs.

    Je vous écris cette lettre au nom des maris et des femmes qui ont perdu leurs époux, au nom des enfants qui ont perdu un parent, au nom des pères et des mères qui ont perdu des fils et des filles et au nom de ceux qui prennent soin des milliers de mes camarades vétérans qui ont des lésions cérébrales. Je vous écris cette lettre au nom de ces vétérans dont le trauma et l’auto-répulsion pour ce qu’ils ont vu, enduré et fait en Irak ont conduit au suicide et au nom des soldats en service et des Marines qui commettent, en moyenne, un suicide par jour. Je vous écris cette lettre au nom de près des un million de morts Irakiens et au nom des innombrables blessés Irakiens. Je vous écris cette lettre au nom de nous tous – les détritus humains que votre guerre a laissés derrière elle, ceux qui passeront leur vie dans une douleur et un chagrin sans fin.

    Je vous écris cette lettre, ma dernière lettre, M. Bush et M. Cheney. Je ne vous écris pas parce que je pense que vous saisissez les terribles conséquences humaines et morales de vos mensonges, de vos manipulations et de votre soif de richesse et de pouvoir. Je vous écris cette lettre parce que, avant ma propre mort, je veux qu’il soit clair que moi, et les centaines de mes camarades anciens combattants, ainsi que des millions de mes concitoyens, comme les centaines de millions d’autres en Irak et au Moyen Orient, sachent réellement qui vous êtes et ce que vous avez fait. Vous pouvez échappez à la justice mais à nos yeux vous êtes chacun coupable de crimes de guerre flagrants, de pillages et, finalement, d’assassinats, y compris l’assassinat de milliers de jeunes Américains – mes camarades vétérans – dont vous avez volé l’avenir.

    Vos postes de dirigeants, vos millions de dollars de richesse personnelle, vos consultants en relations publiques, vos privilèges et votre pouvoir ne peuvent masquer la vacuité de votre caractère. Vous nous avez envoyé combattre et mourir en Irak après que vous, M. Cheney, ayez esquivé la conscription pour le Vietnam, et vous, M. Bush, vous vous soyez porté AWOL (« absent without official leave » c’est-à-dire « absent sans permission officielle », synonyme dans le langage militaire de désertion – NDT) de votre unité de la Garde Nationale. Votre lâcheté et votre égoïsme ont été démontrés il y a des années. Vous n’étiez pas prêts à risquer votre vie pour notre nation mais vous avez envoyé des centaines de milliers de jeunes hommes et de femmes se sacrifier dans une guerre insensée, sans plus de réflexion qu’il n’en faut pour sortir les poubelles.

    J’ai rejoint l’armée deux jours après les attaques du 11 septembre. J’ai rejoint l’armée parce que notre pays avait été attaqué. Je voulais riposter à ceux qui avaient tué près de 3 000 de mes concitoyens. Je n’ai pas rejoint l’armée pour aller en Irak, un pays qui n’avait pas pris part aux attentats du 11 septembre 2001 et ne constituait aucune menace à ses voisins, encore moins pour les Etats-Unis. Je n’ai pas rejoint l’armée pour « libérer » les Irakiens ou pour fermer les installations mythiques d’armes de destruction massive ou pour implanter ce que vous avez appelé cyniquement la « démocratie » à Bagdad et au Moyen-Orient. Je n’ai pas rejoint l’armée pour reconstruire l’Irak, dont vous avez prétendu à l’époque qu’il pourrait être payé par les ressources pétrolières de l’Irak. Au lieu de cela, cette guerre a coûté aux Etats-Unis environ 3 milliards de dollars. Je n’ai surtout pas rejoint l’armée pour mener à bien une guerre préventive. La guerre préventive est illégale au regard du droit international. Et en tant que soldat en Irak, je le sais maintenant, j’étais complice de votre stupidité et de vos crimes. La guerre en Irak est la plus grande erreur stratégique de l’histoire américaine. Elle a fracassé l’équilibre des forces au Moyen-Orient. Elle a installé un gouvernement pro-iranien corrompu et brutal à Bagdad, installé solidement au pouvoir par la torture des escadrons de la mort et la terreur. Et elle a laissé l’Iran comme une puissance dominante de la région. A tous points de vue – moral, stratégique, militaire et économique, l’Irak a été un échec. Et c’est vous, M. Bush et M. Cheney, qui avez commencé cette guerre. C’est vous qui devriez en payer les conséquences.

    Je n’écrirais pas cette lettre si j’avais été blessé en combattant en Afghanistan contre ces forces qui ont perpétré les attentats du 11 septembre. Si j’avais été blessé là-bas, je serais quand même malheureux à cause de ma détérioration physique et de ma mort imminente, mais j’aurais au moins la consolation de savoir que mes blessures seraient la conséquence de ma propre décision à défendre le pays que j’aime. Je ne serais pas obligé de rester couché dans mon lit, le corps rempli d’analgésiques, en train de mourir et d’avoir à faire face à des centaines de milliers d’êtres humains, y compris des enfants, y compris moi-même, qui ont été sacrifiés par vous pour rien de plus que la cupidité des compagnies pétrolières, votre alliance avec les émirs du pétrole d’Arabie Saoudite et votre folle vision de l’empire.

    J’ai souffert, comme beaucoup d’autres anciens combattants handicapés, des insuffisances de soins souvent ineptes fournis par l’administration des vétérans. J’ai fini par réaliser, comme beaucoup d’autres anciens combattants handicapés, que nos blessures mentales et physiques ne sont d’aucun intérêt pour vous, peut-être d’aucun intérêt pour n’importe quel politicien. Nous avons été utilisés. Nous avons été trahis. Et nous avons été abandonnés. Vous, M. Bush, feignez beaucoup d’être chrétien. Mais mentir n’est-il pas un péché ? Tuer n’est-ce pas un péché ? Le vol et l’égoïsme ne sont-ils pas un péché ? Je ne suis pas chrétien. Mais je crois dans l’idéal chrétien. Je crois que ce que vous faites au plus insignifiant de vos frères vous le faites en définitive à vous-même, à votre propre âme.

    Mon jour du jugement dernier approche. Le vôtre viendra. J’espère que vous serez envoyé devant un tribunal. J’espère que, pour le salut de votre âme, vous trouverez le courage moral pour affronter ce que vous avez fait, à moi et à beaucoup, beaucoup d’autres qui méritent de vivre. J’espère qu’avant que votre vie sur terre prenne fin, comme la mienne s’achève à présent, vous trouverez la force de caractère pour vous présenter devant le public américain et devant le monde, et en particulier devant le peuple Irakien, pour implorer leur pardon.

    Thomas Young

    Source : https://www.truthdig.com/dig/item/the_last_letter_20130318/

    Traduction : Romane

    URL de cet article 19839 
    http://www.legrandsoir.info/la-derniere-lettre-truth-dig.ht