Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 2

  • 25 ans après Tchernobyl

     

    centralenucleaire

     

    C’était il y a 25 ans, déjà. Au lendemain de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, le Professeur Pellerin, à l’époque directeur du Service central de protection contre les rayonnements ionisants, assurait aux Français que tous les aliments étaient comestibles sans restriction, faisant fi des taux maximaux recommandés par la Commission européenne. Le nuage, ironisait-on alors, se serait arrêté à nos frontières. Le bon sens aussi ! Dès 1987, l’UFC-Que Choisir passait la France au compteur Geiger, et révélait que des champignons alsaciens, ou encore des fromages de chèvre ardéchois, dépassaient allègrement les valeurs limites recommandées !

    Aujourd’hui, pendant que le drame de Fukushima replonge le Japon dans les heures les plus sombres de son histoire, par un étrange clin d’œil le Pr Pellerin est placé face à ses responsabilités devant la Chambre d’instruction de la Cour d’appel de Paris. La communication lénifiante des responsables de l’époque a-t-elle, oui ou non, eu des conséquences sanitaires en raison de la consommation de produits irradiés ? Des millions de consommateurs, rassurés à tort, réclament justice ! Malgré l’intervention de l’UFC-Que Choisir à la barre de la Cour, qui a insisté sur la nécessité de poursuivre l’enquête, le Parquet demande le non-lieu.La Cour se prononcera le 7 septembre…

    Ces événements appellent un vrai débat sur le nucléaire, impliquant experts et économistes, mais aussi tous les Français. Les risques, les avantages, les coûts et les conséquences pour les générations futures doivent être pesés et comparés aux énergies renouvelables. Hasard du calendrier, au même moment les Français encaissent une autre explosion, celle des prix de l’énergie. Essence, gaz, électricité… une véritable conspiration, fatale au porte-monnaie des ménages !C’est pourquoi j’appelle le gouvernement à organiser des Assises de l’Energie, pour garantir l’accès de tous à des énergies sûres, respectueuses de l’environnement, et au juste prix. L’occasion aussi de dissiper le brouillard qui règne autour de la question du nucléaire.

    Déjà 2 commentaires, publiez le vôtre !

    1. Le 10 mai 2011 à 11:42, par francissarthe

      Des assises de l’energie pourquoi pas , il en ressortira des propositions interessantes mais les appliquer c’est autre chose , entre l’oubli et le détournement d’idées nos responsables gouvernementaux sont passés maîtres en la matière et ce n’est pas nouveaux . La cause est connue les lobby sont trop influents (puissance économique ).
      côté positif si l’on associe la population cela peut entrainer des réflexions et des débats .Il ne faut pas confier la reflexion aux seules compétents auto- proclamés ou à ceux sélectionnés par les politiques .

    2. Le 13 juin 2011 à 13:51, par bruno catiau

      à Alain Bazot bonjour,

      au delà du « billet d’humeur » je trouve la position de l’UFC lénifiante.
      Le nucléaire « pas cher »(dixit un entretien dans les jours qui ont suivi la catastrophe de Kukushima le 11/03/2011 ,…)alors que la cour des comptes épinglent tous les ans la filière nucléaire en raison de la NON PRISE EN COMPTE du démantèlement des vieux réacteurs et la gestion des déchets dont les coûts sont estimés respectivement à 65 MILLIARDS € et 58 MILLIARDS € !!!
      Qui va payer si ce n’est un consommateur AVEUGLE et bercé par un monde politique à la merci d’un lobby puissant ?
      J’aurai souhaité plus d’objectivité
      un eco citoyen engagé à l’UFC QUE CHOISIR Lille

  • Quand la France laisse entrer

    Quand la France laisse entrer les produits des colonies et poursuit ceux qui s’y opposent 

    jeudi 18 mars 2010, par Alain Gresh

    La Cour de justice de l’Union européenne vient d’adopter une importante résolution dont témoigne un communiqué de presse du 25 février, « Des produits originaires de Cisjordanie ne peuvent bénéficier du régime douanier préférentiel de l’accord CE-Israël  ».

    « La Cour statue que les produits originaires de Cisjordanie ne relèvent pas du champ d’application territorial de l’accord CE-Israël et ne sauraient donc bénéficier du régime préférentiel instauré par celui-ci [1]. Il s’ensuit que les autorités douanières allemandes pouvaient refuser d’accorder le traitement préférentiel prévu par cet accord aux marchandises concernées au motif que celles-ci étaient originaires de Cisjordanie. »

    « La Cour rejette également l’hypothèse selon laquelle le bénéfice du régime préférentiel devrait être, en tout état de cause, octroyé aux producteurs israéliens installés en territoires occupés soit en vertu de l’accord CE-Israël soit sur la base de l’accord CE-OLP. La Cour relève que des marchandises certifiées par les autorités israéliennes comme étant originaires d’Israël peuvent bénéficier d’un traitement préférentiel uniquement en vertu de l’accord CE-Israël, pourvu qu’elles aient été fabriquées en Israël. »

    Pourtant, malgré cette résolution, qui confirme bien d’autres déclarations, le gouvernement français se garde bien de toute action contre ces importations illégales qui contribuent à l’extension des colonies que, par ailleurs, verbalement, il condamne.

    En revanche, il a décidé de poursuivre ceux qui, exaspérés par la paralysie de la communauté internationale, se battent pour que ces produits n’entrent pas en France et pour que les entreprises françaises désinvestissent – faisant par exemple campagne contre Veolia et Alstom qui construisent un tramway à Jérusalem.

    Depuis plusieurs semaines déjà, le gouvernement français a développé une campagne calomnieuse contre ceux qui s’élèvent contre l’entrée des produits des colonies, prétendant qu’ils veulent boycotter les produits casher ! Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la justice, a, quant à elle, effectué un virage à 180 degrés sur cette question (lire Dominique Vidal, « Boycott : la contre-offensive d’Israël et de ses amis  », La valise diplomatique, 22 février 2010).

    Avec le zèle des nouveaux convertis, elle a entériné le 12 février une « dépêche » de la direction des affaires criminelles et des grâces aux procureurs généraux près les cours d’appel. Ce texte confidentiel, que l’on trouvera ci-dessous (PDF), confirme d’abord ce que nous écrivions dans Le Monde diplomatique au mois de juin 2009, à savoir que « l’indépendance de la justice n’est plus un dogme  ».

    M. Jean-Marie Huet, directeur des affaires criminelles et des grâces, écrit :

    « Depuis le mois de mars 2009, plusieurs procédures faisant suite à des appels au boycott de produits israéliens (...ont été portées à la connaissance de la direction des affaires criminelles et des grâces. (...) Il apparaît impératif d’assurer de la part du ministère public une réponse cohérente et ferme à ces agissements. A cette fin et dans la perspective éventuelle d’un regroupement des procédures (...j’ai l’honneur de vous prier de bien vouloir porter à la connaissance de la direction des affaires criminelles et des grâces tous les faits de cette nature dont les parquets de votre ressort ont été saisis. »

    Et, au cas où les procureurs n’auraient pas compris leur devoir :

    « Si certaines procédures ont déjà fait l’objet de classements sans suite, vous prendrez soin d’exposer de manière détaillée les faits et de préciser les éléments d’analyse ayant conduit à cette décision. »

    Ce que l’on attend avec intérêt, c’est la dépêche du ministère demandant aux procureurs de poursuivre les magasins qui vendent des produits israéliens entrés illégalement dans le pays, car sans mention du fait qu’ils ont été fabriqués dans des territoires que la France continue de considérer comme occupés.

    Dépêche de la direction des affaires criminelles et des grâces
  • Eternel retour des bandes de jeunes

     Le décès d’un adolescent lors d’un affrontement entre jeunes dans la région parisienne, en mars 2011, a de nouveau projeté les bandes à la «une» de l’actualité. Mais, au-delà des discours alarmistes des experts et des martiales déclarations des ministres de l’intérieur, que sait-on de ces formes de sociabilité des milieux populaires et de leurs évolutions?

    par Gérard Mauger, mai 2011

    A l’occasion de tel ou tel fait divers, de la publication des dernières statistiques policières ou de l’annonce d’un nouveau projet de loi sécuritaire, le monde des bandes resurgit régulièrement dans les débats politiques et médiatiques. Aux figures des apaches de la Belle Epoque, des blousons noirs de la fin des années 1950, des loubards des années 1970 a succédé le spectre des «jeunes des cités».

    L’une des interprétations du phénomène relie immigration et délinquance. Martelée par le chroniqueur Eric Zemmour, elle a trouvé un relais récent dans le monde académique. Refusant, lui aussi, de «se laisser intimider par la pensée unique» et en quête d’une théorie originale de la délinquance, le sociologue Hugues Lagrange a cru bon de mettre en avant les «origines culturelles (1)». Mais, si l’exhibition d’une «nouvelle variable» peut, la conjoncture politique aidant, être au principe d’un «scoop sociologique», l’étude au coup par coup de variables isolées conduit à une impasse scientifique. En l’occurrence, s’il est vrai que les enfants d’immigrés sont surreprésentés en prison et, vraisemblablement, dans la population délinquante, c’est notamment parce qu’ils le sont aussi dans la population en échec scolaire et, de ce fait, dans celle des jeunes sans diplôme en quête d’un emploi et jugés inemployables (2) — tant à cause de leur absence de ressources scolaires que des discriminations qui les frappent. Quant à l’influence propre de «facteurs ethniques ou culturels» (domination masculine, polygamie, etc.), encore faudrait-il, après les avoir identifiés, montrer qu’ils ont un effet criminogène : les réserves sont permises...

    Mais comment rendre compte du monde des bandes? De la fin des années 1950 à celle des années 1970, il pouvait être décrit comme l’univers de sociabilité dans lequel les adolescents des classes populaires jouissaient des licences accordées à la jeunesse et faisaient l’apprentissage collectif des valeurs de virilité associées à l’usage de la force physique comme force de travail. La «culture de rue» apparaissait ainsi comme un préalable à la «culture d’atelier». Mais, au milieu des années 1970, le processus de consolidation de la condition salariale de l’après-guerre fait place à une insécurité sociale croissante et à la déstabilisation des modes de vie des classes populaires : désindustrialisation, chômage, précarisation et dégradation de l’emploi ouvrier, tertiarisation des emplois sans qualification, renforcement de la ségrégation sociale - spatiale, généralisation de l’enseignement scolaire, déclin de l’encadrement politique et consolidation de l’encadrement étatique. Au renforcement des politiques sécuritaires (3) fait écho l’institutionnalisation de la figure du stagiaire perpétuel; à l’effondrement du taux d’emploi des jeunes, l’apparition et le développement d’une économie «souterraine» dans certaines banlieues populaires.

    Affaiblissement du contrôle parental 

    Ces transformations ont affecté le monde des bandes. Leurs ressortissants se recrutent désormais pour l’essentiel dans des familles populaires plus ou moins désaffiliées de la société salariale et souvent d’origine immigrée. Ces dernières ne disposent ni des informations nécessaires sur le fonctionnement du système scolaire, ni des savoirs et savoir-faire culturels légitimes (à commencer par la langue). Leurs conditions d’existence sont une source permanente d’inquiétude et de tensions. La précarité les contraint à vivre en fonction des impératifs et des accidents biographiques : licenciements, accidents de travail, invalidités, décès, conflits conjugaux, problèmes judiciaires, etc. Confrontées à l’impossibilité matérielle d’exercer le contrôle et à l’incapacité culturelle d’assurer le suivi (en particulier scolaire) d’enfants «qui leur échappent» (dans tous les sens du terme), soumises aux injonctions contradictoires de travailleurs sociaux qui les invitent à moins de sévérité et plus de rigueur, ces familles se voient reprocher une attitude jugée démissionnaire. L’affaiblissement du contrôle familial renforce ainsi la socialisation par le groupe de pairs.

    La ségrégation sociale étant aussi spatiale, les enfants des fractions les plus démunies des classes populaires fréquentent les établissements où les taux de réussite au brevet et au baccalauréat sont particulièrement faibles et les taux de redoublement élevés. Les difficultés d’apprentissage des fondamentaux conduisent à l’hypoactivité scolaire et progressivement au retrait du jeu. Plus l’écart se creuse par rapport aux exigences de l’enseignement, plus la présence en classe apparaît inutilement humiliante, plus la probabilité de perturber l’activité pédagogique ou de fuir l’école s’accroît. La recherche de la protection du quartier et de la reconnaissance au sein du groupe de pairs renforce la porosité de la frontière entre les activités des bandes et l’espace scolaire.

    Les emplois précaires accessibles aux jeunes sans diplôme ou titulaires de diplômes dévalués sont souvent des emplois de services (commerce ou bureaux) ou des emplois ouvriers dispersés dans des univers beaucoup plus proches des prestataires de services que des ateliers de production. L’écart s’est creusé entre, d’un côté, la culture de rue et ses valeurs de virilité et, de l’autre, les dispositions requises dans le secteur tertiaire (coursiers, employés de maison, agents de nettoyage, travailleurs de la restauration, etc.) ou même dans l’usine moderne (disponibilité, initiative, flexibilité, etc.). «Le rêve macho-prolétarien de faire ses huit heures plus les heures supplémentaires tout au long de leur vie d’adulte dans un atelier syndiqué à un poste difficile [a] été remplacé par le cauchemar d’un travail de bureau subalterne, mal payé et très féminisé (4)», écrit l’anthropologue Philippe Bourgois.

    Au sein du monde des bandes, on peut désormais distinguer deux pôles. Le premier — celui des jeunes encore scolarisés — reste sous-tendu par la logique agonistique (5) des blousons noirs ou des loubards, valorisant le courage, l’esprit rebelle et un virilisme agressif. L’enjeu est la conquête, la défense et l’amélioration d’une position «en vue», individuelle et collective (celle du quartier), dans la hiérarchie des réputations locales. La tchatche, les vannes cherchent à tourner l’autre en dérision en sachant jusqu’où ne pas aller trop loin. Mais les réputations s’acquièrent surtout dans les bagarres au sein du groupe, avec les bandes des cités voisines ou encore avec la police. Ces «faits d’armes», les pointes de vitesse et les vols de véhicules constituent l’essentiel des pratiques délinquantes caractéristiques de ce pôle, sur fond de conduites banales susceptibles d’engendrer nuisances sonores, obstructions du passage dans les espaces collectifs ou dégradations du mobilier urbain.

    Faire un «truc de ouf »

    Le second pôle — celui des «grands» — se démarque du premier par l’investissement dans l’économie «souterraine» (l’épithète insistant sur son caractère occulte), «parallèle» (le flou du qualificatif suggérant l’existence d’un continuum avec l’économie formelle), «illégale» (l’adjectif emprunté au répertoire juridique en souligne le caractère délinquant), voire «des cités» (la notion évoquant la thématique de la survie). L’affiliation au monde des bandes a pour corollaire la dénégation de la relégation : le «bizness» permet l’appropriation des attributs de l’excellence juvénile qui permettent de sauver la face. La croyance en la possibilité de «monter sa propre affaire» — l’esprit du capitalisme souterrain... — s’avère d’ailleurs étonnamment partagée. L’échec des tentatives d’insertion professionnelle par des voies légales, les dispositions à l’égard du travail non qualifié, les tensions entre nécessité économique et contraintes symboliques, l’impératif de la «débrouille», la convergence entre une définition dominante de la réussite sociale et les trajectoires ascensionnelles des revendeurs de stupéfiants, le travail de légitimation morale du «bizness» peuvent faire alors de l’engagement dans l’économie illégale le choix le moins humiliant et le plus rassurant (6).

    Le «bizness» et, plus spécifiquement, le «deal» impliquent une plus grande porosité du monde des bandes par rapport au milieu de la délinquance professionnelle. Conformément à l’hypothèse des premiers sociologues de l’école de Chicago, l’existence d’un «pôle délinquant» dans le quartier en fait une aire de recrutement et de transmission des savoir-faire délinquants, ouvrant un espace d’«opportunités déviantes». La surenchère caractéristique de la logique agonistique peut rendre compte de la fuite en avant dans la hiérarchie indigène des délits (du vol à l’étalage au braquage). Faire un «truc de ouf» (de fou) est un gage de réputation et de prestige. Par ailleurs, la prison, en favorisant le développement de relations dans le monde de la délinquance professionnelle et la transmission des savoir-faire correspondants, reste un lieu privilégié de conversion du monde des bandes au «milieu».

    Quelles conséquences peut-on tirer de ce genre d’analyse? Le monde des bandes apparaît comme un effet des structures sociales. C’est pourquoi, instrument de compréhension de soi-même et des autres, la sociologie se voit régulièrement taxée d’«angélisme» par tous ceux qui, drapés dans la défense des victimes (semblant, d’ailleurs, ignorer que les premières victimes des bandes sont les jeunes des bandes eux-mêmes), entretiennent la «panique morale» et se font les hérauts de la «guerre contre le crime». D’où la fortune des théories de l’action rationnelle appliquées à la délinquance qui légitiment la philosophie pénale inspirée de la doctrine du libre-arbitre, le retour de la théorie du criminel-né (7), sinon des «explications» plus ou moins ouvertement racistes.

    A l’inverse, reprenant à son compte une longue tradition anarchiste et prise dans une surenchère de radicalité, une fraction de la gauche intellectuelle croit déceler dans le monde des bandes cette «fleur du prolétariat» que Mikhaïl Bakounine décrivait comme «cette grande masse, ces millions de non-civilisés, de déshérités, de misérables et d’analphabètes (...), cette grande canaille populaire qui, étant à peu près vierge de toute civilisation bourgeoise, porte en son sein, dans ses passions, dans ses instincts, dans ses aspirations, dans toutes les nécessités et les misères de sa position collective, tous les germes du socialisme de l’avenir et qui seule est assez puissante aujourd’hui pour inaugurer et pour faire triompher la révolution sociale (8)». C’est le même mirage qu’on retrouve chez ceux qui voient dans les «feux de joie» des émeutes de novembre 2005 «le baptême d’une décennie pleine de promesses» et s’émerveillent de «tout ce qu’il y a de purement politique dans cette négation absolue de la politique» (9).

    Ignorant ces enthousiasmes rhétoriques, les luttes politiques, médiatiques, scientifiques qui ont pour objet la définition de la représentation légitime de la délinquance juvénile et de ses causes ont un double enjeu. L’indignation morale régulièrement réactivée à l’égard du monde des bandes est utilisée à des fins partisanes pour capter les voix d’une partie de l’électorat du Front national. Mais elle permet surtout de renforcer le contrôle policier sur un sous-prolétariat qui ne cesse de s’étendre et d’exacerber les divisions au sein des univers populaires. A la traditionnelle vision du monde «nous»-«eux», elle substitue un nouveau clivage entre établis et marginaux. Les premiers appartiennent à des classes moyennes précarisées et à des classes populaires bloquées dans leur espoir d’ascension, alors que les autres sont des ouvriers et employés «précarisés» et des «sans». Comment alors reconstituer et unifier un mouvement populaire capable d’inclure ses marginaux? Comment réduire la fracture entre les deux groupes, alors que les porte-parole politiques et médiatiques des classes dominantes s’en prennent alternativement à des établis «privilégiés» et à des marginaux «diabolisés» et/ou «assistés»?

    Gérard Mauger

    Directeur de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Il a publié récemment La Sociologie de la délinquance juvénile, La Découverte, coll. «Repères», Paris, 2009.
     
  • Boycott d’Israël, un appel indigne

    Boycott d’Israël, un appel indigne

    mardi 2 novembre 2010, par Alain Gresh

    Dans le quotidien Le Monde daté du 2 novembre, une trentaine de personnalités signent un appel intitulé « Le boycott d’Israël est une arme indigne ».

    Il commence ainsi :

    « Une entreprise commence à faire parler d’elle en France, consistant à promouvoir un embargo d’Israël tant dans l’ordre économique que dans celui des échanges universitaires ou culturels. Ses initiateurs, regroupés dans un collectif intitulé Boycott, désinvestissement, sanctions, ne s’embarrassent pas de détails. Au vu de leur charte, tout ce qui est israélien serait coupable, ce qui donne l’impression que c’est le mot même d’Israël que l’on souhaite, en fait, rayer des esprits et des cartes. »

    « L’illégalité de la démarche ne fait pas de doute et la justice française ne tardera pas à la confirmer. »

    Les signataires font référence à des condamnations prononcées par des tribunaux français sur injonction politique (« Quand la France laisse entrer les produits des colonies et poursuit ceux qui s’y opposent »), contre des militants appelant au boycott. Mais, ce qu’ils oublient de dire c’est que, même d’un point de vue purement juridique, il est parfaitement légal d’appeler au désinvestissement et aux sanctions contre un Etat. Le seul point de litige est celui que soulignait Willy Jackson dans un article du Monde diplomatique (septembre 2009), « Israël est-il menacé par une campagne de désinvestissement ? » :

    « S’il fait appel à la liberté de chacun de consommer ou de ne pas consommer, le boycott peut contrevenir à certaines dispositions légales lorsqu’il se transforme en incitation à une action collective. En France, par exemple, l’article 225 alinéa 2 du code pénal modifié par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité dispose que toute discrimination qui consiste « à entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque » est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Ainsi, autant chacun peut librement choisir ce qu’il achète et l’afficher publiquement comme attitude individuelle, autant le fait d’appeler au boycott pourrait tomber sous le coup de cet article. »

    Mais même sur ce point, deux remarques s’imposent :

    - d’abord, une grande partie des produits israéliens qui entrent en France comportent une composante qui implique une activité économique dans les colonies de Cisjordanie et de Jérusalem-Est. Et c’est en en permettant l’accès libre de ces produits que le gouvernement français viole le droit international. La Cour de justice de l’Union européenne a adopté le 25 février 2010 une résolution stipulant que les produits originaires de Cisjordanie ne peuvent bénéficier du régime douanier préférentiel de l’accord CE-Israël. Quelles mesures les signataires de cet appel préconisent-ils pour arrêter ce scandale ?

     la question que pose le boycott est celle de l’impunité. Comment ne pas comprendre l’indignation devant une occupation qui se poursuit depuis plus de quarante ans sans aucune mesure prise par la communauté internationale contre cette violation du droit international ? Et s’il n’y avait pas eu la flottille de Gaza, le blocus de ce territoire se serait-il (légèrement) assoupli ? Si la société civile n’était pas intervenue, Gaza vivrait encore sous le même blocus (pourtant condamné du bout des lèvres par les Etats-Unis, l’Union européenne, et sans doute la majorité des signataires de ce texte). Les porteurs de valise, qui aidaient le Front de libération nationale algérien violaient la loi, comme la violaient ces Américains qui refusaient de partir au Vietnam.

    Les signataires [1] poursuivent :

    « Mais la justice sera bien en peine de sanctionner ce qui est essentiel dans cette affaire. C’est pourquoi, nous, associations, citoyens de tous bords, acteurs de la vie de notre pays, tous également attachés à la paix au Moyen-Orient et, donc, à l’avènement d’un Etat palestinien viable et démocratique aux côtés d’Israël, nous sommes convaincus que les boycotteurs se trompent de combat en prenant le parti de la censure plutôt que celui de la paix, celui de la séparation plutôt que celui de la possible et nécessaire coexistence – celui, en un mot, de la haine et non de la parole et de la vie partagées. »

    Qui est aujourd’hui, en parole au moins, contre la création d’un Etat palestinien ? Même le président George W. Bush et Benyamin Netanyhou s’y sont ralliés en paroles. Et alors ? Le refus de considérer que l’on a d’un côté un occupant et de l’autre un peuple occupé, d’un côté un Etat puissant, de l’autre une Autorité impuissante, fausse tout possibilité de solution.

    Il est significatif que ce texte sur la nécessaire coexistence soit publié alors même que le gouvernement israélien cherche à faire adopter un texte pour empêcher les Palestiniens citoyens d’Israël de pouvoir habiter dans des quartiers juifs (lire le texte de Zvi Bar’el, « South Africa is already here », Haaretz, 31 octobre 2010)

    « La possibilité de critiquer, même de manière vive, le gouvernement israélien concernant sa politique vis-à-vis des Palestiniens n’est pas ici en cause. Peu de gouvernements sont autant sévèrement jugés, y compris par certains d’entre nous. Mais la critique n’a rien à voir avec le rejet, le déni, et, finalement, la délégitimation. Et rien ne saurait autoriser que l’on applique à la démocratie israélienne un type de traitement qui n’est réservé aujourd’hui à aucune autre nation au monde, fût-elle une abominable dictature. »

    Critiquer Israël ? Finkelkraut, Encel et Lévy critiques du gouvernement israélien ? On croit rêver. En pleine guerre de Gaza, ils justifiaient les crimes commis par l’armée israélienne et, encore plus révoltant, Bernard-Henri Lévy pénétrait dans Gaza assis sur la tourelle d’un char israélien. Quant aux signataires membres du Parti socialiste, faut-il rappeler que leur parti est lié au Parti travailliste, qui a mené les guerres au Liban et à Gaza et qui, aujourd’hui, aux côtés d’Avigdor Lieberman, participent au gouvernement de Benyamin Netanyahou ? et que leur parti est resté passif durant l’invasion de Gaza ?

    Certains des signataires critiquent peut-être le gouvernement israélien, mais comment cette critique se traduit-elle en actes ? Ne sont-ils pas coupables de non-assistance à un peuple en danger ?

    Quant à l’argument selon lequel on applique à la démocratie israélienne un traitement qui n’est réservé à aucun autre pays, il appelle deux remarques :

     le fait qu’Israël soit démocratique (pour ses citoyens juifs seulement) ne l’empêche pas de commettre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. La France martyrisant l’Algérie durant la guerre d’indépendance était aussi un pays démocratique. Faut-il s’étonner que les Palestiniens ne fassent pas la différence entre une bombe démocratique et une bombe dictatoriale ?

     d’autre part, il est vrai que le traitement du gouvernement israélien est sans équivalent : aucun Etat n’a violé impunément autant de résolutions du conseil de sécurité des Nations unies depuis plus de quarante ans, résolutions votées aussi bien par les Etats-Unis que l’Union européenne.

    « D’autant que, de plus, la globalité du rejet et sa bêtise font que l’on emporte dans le même mouvement les forces qui, en Israël, œuvrent jour après jour au rapprochement avec les Palestiniens en sorte que les partisans du boycott sont, aussi, des saboteurs et des naufrageurs d’espérance. »

    Oui, il y a des forces en Israël qui luttent avec courage, mais ce ne sont pas celles auxquelles les signataires font allusion : faut-il rappeler que non seulement le Parti travailliste mais aussi le mouvement La Paix maintenant ont justifié les guerres du Liban et celles de Gaza ?

    Et le texte se poursuit :

    « La paix ne se fera pas sans les Palestiniens. Mais elle ne se fera pas non plus sans les Israéliens. Et moins encore sans les intellectuels et les hommes et femmes de culture qui, quels que soient leur pays d’origine ou leur parti pris politique, travaillent à rapprocher les peuples. Céder à l’appel du boycott, rendre impossibles les échanges, infliger aux chercheurs israéliens, par exemple, ou aux écrivains on ne sait quelle punition collective, c’est abandonner toute perspective de solution politique au conflit et signifier que la négociation n’est plus dans le champ du possible. »

    L’argument est repris sans cesse pour affirmer qu’on ne peut pas boycotter la culture. Rappelons d’abord que la coopération culturelle et scientifique entre Israël et l’Union européenne concerne avant tout des laboratoires et des universités qui participent directement au complexe militaire israélien. Quant à l’argument sur le boycott des livres ou du cinéma, je renvoie à la polémique autour des cinémas Utopia (« Yann Moix et Le Figaro condamnés »).

    Conclusion des signataires :

    « Nous n’acceptons pas cet aveu d’échec. Nous pensons que notre rôle est de proposer un chemin de dialogue. C’est pourquoi, nous, signataires, sommes résolument contre le boycott d’Israël et pour la paix – et, précisément, contre le boycott parce que nous sommes pour la paix. »

    Mais de quel dialogue, de quelle paix parle-t-on ? Qui pourrait être contre la paix ? Les questions qui se posent sont pourtant simples et devraient interpeller les signataires : la paix est-elle possible avec l’occupation et la colonisation ? Comment obtenir la fin de la colonisation qu’ont poursuivie depuis 1967 tous les gouvernements israéliens sans exception ? Comment mettre fin à l’occupation ? Le mouvement de boycott-désinvestissement-sanction (BDS) représente la réponse de la société civile à l’impuissance de la communauté internationale et pose une simple question : Israël se retirera-t-il des territoires occupés s’il n’y a aucune pression, aucune sanction ? La réponse, pour tout observateur de bonne foi, est non. En ne faisant rien, les signataires sont les complices non seulement de la politique d’occupation, mais aussi de la poursuite de l’impasse avec tous les risques qu’elle fait peser sur l’avenir de la région.

    Notes

    [1] La liste des signataires :

    Yvan Attal, comédien ; Pierre Arditi, comédien ; Georges Bensoussan, historien ; Michel Boujenah, comédien ; Patrick Bruel, comédien et chanteur ; Pascal Bruckner, essayiste ; David Chemla, secrétaire général de JCALL, ; Bertrand Delanoë, maire de Paris ; Frédéric Encel, géopolitologue ; Alain Finkielkraut, philosophe ; Patrick Klugman, avocat ; François Hollande, député (PS) de Corrèze ; Georges Kiejman, avocat ; Anne Hidalgo, première adjointe au maire de Paris ; Bernard-Henri Lévy, philosophe ; Mohamed Sifaoui, essayiste ; Yann Moix, écrivain ; Bernard Murat, directeur de théâtre ; Jean-Marie Le Guen, député ; Pierre Lescure, directeur de théâtre ; Serge Moati, journaliste ; Daniel Racheline, vice-président de JCALL ; Arielle Schwab, présidente de l’UEJF ; Dominique Sopo, président de SOS-Racisme ; Gérard Unger, président de JCALL ; Manuel Valls, député-maire d’Evry ; Michel Zaoui, avocat.

    On comparera cette liste à celle des personnalités qui se sont prononcées contre l’inculpation de Stéphane Hessel, Alima Boumediene-Thiery et tous ceux qui ont été mis en cause dans la campagne de boycott]. On notera, parmi elles, Michel Rocard, Laure Adler, Raymond Aubrac, Etienne Balibar, Jean Baubérot, Miguel-Angel Estrella, Eva Joly, Jean Lacouture, Noël Mamère, François Maspero, etc.

  • Vous avez aimé Claude Guéant ?

    Vous avez aimé Claude Guéant ? Vous adorerez Manuel Valls 

    mercredi 16 mai 2012, par Alain Gresh

    Non, Manuel Valls, le nouveau ministre de l’intérieur, ne fera sans doute pas de déclaration sur l’inégalité entre les civilisations. Il ne faudrait donc pas lui faire de procès d’intention. Il faudrait se garder de toute caricature.

    Le problème est que Manuel Valls est sa propre caricature, même s’il s’abstiendra, du moins faut-il l’espérer, d’affirmer comme son prédécesseur qu’il y a trop de musulmans en France . C’est tout de même lui qui, se promenant sur un marché de sa bonne ville d’Evry, le 7 juin 2009 , interpellait ses collaborateurs : « Belle image de la ville d’Evry… Tu me mets quelques Blancs, quelques White, quelques Blancos ! »

    Manuel Valls ne représente pas grand-chose dans son parti : il n’a récolté que 5,7 % des voix lors de la primaire d’octobre 2011. Il est vrai que cet admirateur de Dominique Strauss-Kahn et de Tony Blair aurait sans doute plus sa place au Nouveau centre ou au Modem de François Bayrou, dont il reprend les thèses économiques et sociales. Nicolas Sarkozy avait tenté de le débaucher en 2007 et Martine Aubry lui avait écrit une lettre ouverte en juillet 2009 : « Si les propos que tu exprimes reflètent profondément ta pensée, alors tu dois en tirer pleinement les conséquences et quitter le Parti socialiste. »

    Mais Valls a su faire le bon choix : rester au PS tout en combattant tous les principes de la gauche et, finalement, accéder à un poste où il pèsera lourd dans les choix gouvernementaux des prochains mois sur la sécurité, l’immigration, l’islam. Concédons-lui donc le fait qu’il est un habile politicien, mais mettons entre parenthèses l’idée qu’il serait de gauche.

    C’est sur le terrain de la sécurité que Valls a voulu se faire un nom, en montrant que la gauche pouvait être aussi répressive, voire plus, que la droite. Il a multiplié les articles et les livres sur le sujet, dont Sécurité, la gauche peut tout changer (Editions du Moment, Paris, 2011). Cet ouvrage rend un hommage appuyé et répété aux forces de l’ordre, sans jamais évoquer les violences policières, les jeunes assassinés dans les quartiers, les procès de policiers qui débouchent toujours sur des non-lieux. En revanche, il est impitoyable avec le terrorisme, ayant été l’un des seuls socialistes à exiger l’extradition de Cesare Battisti. Et aussi avec les délinquants, ces classes dangereuses dont la bourgeoisie a toujours eu peur. Valls ne regrette-t-il pas, dans son livre, que la gauche n’ait pas assez rendu justice à Clemenceau, l’homme qui n’hésitait pas, entre 1906 et 1908, à faire tirer sur les ouvriers au nom, bien sûr, de l’ordre républicain ?

    Lors du soulèvement des banlieues de 2005, il a été l’un des trois députés socialistes à ne pas voter contre la prolongation de l’état d’urgence, une décision qui ramenait la France à l’époque de la guerre d’Algérie. En octobre 1961, s’il avait été ministre de l’intérieur, Valls n’aurait certainement pas hésité à faire appliquer l’ordre républicain à tous ces Algériens qui osaient défier le couvre-feu (lire Sylvie Thénault, « L’état d’urgence (1955-2005). De l’Algérie coloniale à la France contemporaine : destin d’une loi  »)…

    Pour Valls, la violence dans nos villes « augmente de manière constante » depuis plus de trente ans. Il reprend les arguments de son ami Alain Bauer (lire Les marchands de peur. La bande à Bauer et l’idéologie sécuritaire ), l’homme qui a imposé à la gauche comme à la droite le thème de l’insécurité — avec l’aide active du Front national et de Jean-Marie et Marine Le Pen. Conseiller de Sarkozy, Bauer est aussi proche de Manuel Valls car, pour lui, la sécurité n’est ni de gauche ni de droite (l’économie non plus, sans doute...). Et personne ne sera trop regardant sur les médecines du docteur Bauer, l’homme qui propage la peur dans les villes et en profite pour leur vendre, à travers sa société AB conseils, et à prix d’or, les remèdes à l’insécurité. Un peu comme si un responsable de l’industrie pharmaceutique établissait les prescriptions pour les malades...

    Nous ne reviendrons pas ici sur la critique détaillée de ses théories de la sécurité. Laurent Mucchielli, l’un des meilleurs spécialistes de la question et qui est plusieurs fois cité de manière élogieuse par Valls, a un diagnostic ravageur (« La posture autoritaire et populiste de Manuel Valls  », Lemonde.fr, 5 juin 2011). Critiquant Sécurité, la gauche peut tout changer, qui vient alors de sortir, il fait deux remarques :

    « La première est que M. Valls n’a pas un niveau de connaissance suffisant des problèmes. Nous l’avons vu, son diagnostic est globalement plutôt superficiel. Ses propos ressemblent étrangement aux discours de certains syndicats de police et parfois même d’un certain café du commerce. La violence explose, les délinquants rajeunissent sans cesse, il n’y a plus de valeurs et plus de limites, la justice ne fait pas son boulot, on les attrape le soir ils sont remis en liberté le lendemain... etc. En cela, M. Valls est proche d’un certain terrain politique : celui des plaintes de ses administrés, des courriers de protestation reçus en mairie, des propos entendus en serrant des mains sur le marché le samedi matin ou encore de ce que lui racontent les policiers municipaux de sa ville. Mais il est totalement éloigné de ce que peut-être le diagnostic global d’un problème de société et l’approche impartiale d’une réalité complexe. Telle est sans doute la condition ordinaire d’un responsable politique de haut niveau, dont on imagine l’agenda très rempli. Mais l’on attendrait alors de lui qu’il ait l’intelligence de comprendre les biais et les limites de sa position pour s’entourer de personnes capables de lui donner le diagnostic de base qui fait ici défaut. Encore faut-il toutefois le vouloir et ne pas se satisfaire de ce niveau superficiel d’analyse, au nom d’une posture volontairement très politique pour ne pas dire politicienne. C’est la deuxième hypothèse. »

    Voici donc pour la compétence du nouveau ministre de l’intérieur. Par ailleurs, poursuit Mucchielli :

    « C’est bien une posture politique qui irrigue fondamentalement la pensée de Manuel Valls, une posture politicienne même dans la mesure où elle vise manifestement à se distinguer en politique, en particulier vis-à-vis d’autres personnalités du parti socialiste. Cette posture, on la retrouve d’abord dans les pages consacrées à une sorte d’éloge de l’ordre comme “socle des libertés” (p. 58), comme on la retrouve à la fin du livre dans l’éloge de « l’autorité » qui serait aujourd’hui « bafouée » et « attaquée de toutes parts » (p. 156-157). De nouveau, c’est exactement aussi la posture qui traverse toutes les lois votées ces dernières années par ses adversaires politiques. »

    Valls n’est pas seulement un défenseur de la sécurité, mais aussi uncontempteur du communautarisme et un pseudo-partisan de la laïcité (c’est évidemment tout à fait par hasard que les cibles de ses attaques sont les populations des quartiers populaires).

    On ne compte plus les exemples de ces attaques contre un soi-disant communautarisme, c’est-à-dire contre les musulmans, de sa volonté d’interdire à un Franprix de ne vendre que des produits halal — aurait-il interdit des magasins qui ne vendraient que des produits casher ? — à l’affaire de la crèche Baby Loup et au licenciement d’une employée qui portait le foulard. Après l’absurde décision de Nicolas Sarkozy d’interdire à des théologiens musulmans d’intervenir au congrès de l’UOIF , il a fait de la surenchère, non seulement en approuvant la décision mais en écrivant  :

    « Tariq Ramadan, leader européen de l’Internationale des Frères Musulmans, présenté par ailleurs comme un “intellectuel” muni d’un passeport suisse, doit s’exprimer le week-end prochain à Bagnolet. Il propagera les mêmes idées extrémistes que ceux qui ont déjà été interdits de territoire français. » Quelques jours plus tard,le candidat Nicolas Sarkozy à son tour , mettait en doute les qualités d’intellectuel de Tariq Ramadan. Quant à ces déclarations sur les idées « extrémistes » défendues par Ramadan, il devrait plutôt lire ses textes et écouter ses interventions.

    On ne peut s’étonner alors que Manuel Valls fasse l’éloge du dernier livre de Hugues Lagrange, qui met en avant l’origine culturelle des immigrés pour expliquer les difficultés de l’intégration — rappelons que le même argument culturel était avancé pour expliquer les difficultés des immigrés juifs d’Europe centrale, italiens ou portugais à s’intégrer dans les années 1930, 1940 ou 1950 (lire Gérard Mauger, « Eternel retour des bandes de jeunes  », Le Monde diplomatique, mai 2011). Aucune idée de droite n’est vraiment étrangère à M. Valls.

    Une dernière question : Manuel Valls est aussi signataire d’un appel indigneappelant à poursuivre les militants qui prônent le boycott des produits israéliens. Parmi eux, Stéphane Hessel ou Alima Boumediene. Que fera le ministre de l’intérieur, alors que plusieurs de ces militants ont été relaxés par la justice, mais que certains restent poursuivis ?

    Ajout 17 mai. Voici comment le pourfendeur du communautarisme parle (17 juin 2011) : 
    « Par ma femme, je suis lié de manière éternelle à la communauté juive et à Israël »(vidéo ). Imaginons un responsable français ayant épousé une femme d’origine algérienne ou marocaine et disant « Par ma femme, je suis lié de manière éternelle à la communauté musulmane et à l’Algérie (ou au Maroc). »

    Ajout du 14 novembre 2012 : la vidéo de Valls a été retirée à la demande de Radio Judaïca de Strasbourg pour atteinte aux droits d’auteur (sic !). Mais la censure est difficile sur Internet e ton peut la trouver à d’autres adresses .