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Azel Guen : Décryptage de l'Actu Autrement - Page 10

  • Un monde immonde engendre des actes immondes...

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    15 novembre 2015

    Article en PDF :

    A l’heure où nous écrivons le bilan des tueries parisiennes est de 128 morts et de 300 blessés. L’horreur de cette violence injustifiable est absolue. La condamnation doit l’être tout autant, sans aucune restriction et/ou nuance. Les acteurs et/ou commanditaires de ces meurtres aveugles ne peuvent invoquer aucune raison légitime pour justifier ces actes immondes. La tragédie que nous vivons débouchera sur une prise de conscience collective des dangers qui nous menacent ou au contraire sur un processus de reproduction dramatique, en fonction de notre capacité collective à tirer les leçons de la situation qui engendre un tel résultat. L’émotion est légitime et nécessaire mais ne peut pas être la seule réponse. La réponse uniquement sécuritaire est également impuissante. C’est justement dans ces moments marqués par l’émotion collective que nous ne devons pas renoncer à la compréhension, à la recherche des causes et à la lucidité face aux instrumentalisations de l’horreur.

     



    Les postures face à notre tragédie

    En quelques heures toute la panoplie des postures possibles face à la tragédie s’est exprimée. Il n’est pas inutile de s’arrêter sur chacune d’entre elles. La première se contente de dénoncer Daesh et à exiger cette dénonciation de manière pressante de nos concitoyens musulmans réels ou supposés. Le projet politique de Daesh et les actes qui en découlent ont déjà été dénoncés par la très grande partie des habitants de notre pays, populations issues de l’immigration incluses.

    Il faut vraiment être coupés de nos concitoyens musulmans réels ou supposés pour en douter. Ces concitoyens français ou étrangers vivant en France sont les premiers à souffrir de cette instrumentalisation de leur foi à des fins politiques, réactionnaires et meurtrières. « Qu’est-ce qu’on va encore prendre » est la réaction la plus fréquente qui suit l’émotion face à ces meurtres, conscients qu’ils sont des instrumentalisations de l’émotion à des fins islamophobes qui ne manquerons pas. Il ne s’agit pas d’une paranoïa mais de l’expérience tirée du passé et en particulier des attentats du début de l’année. Dans ce contexte les injonctions à la dénonciation sont ressenties comme une suspicion de complicité ou d’approbation. Une nouvelle fois ce qui est ressenti c’est une accusation d’illégitimité de présence chez soi. Voici ce qu’en disait Rokhaya Diallo dans une émission radio à la suite des attentats de janvier :

    « Quand j’entends dire que l’on somme les musulmans de se désolidariser d’un acte qui n’a rien d’humain, oui, effectivement, je me sens visée. J’ai le sentiment que toute ma famille et tous mes amis musulmans sont mis sur le banc des accusés. Est-ce que vous osez me dire, ici, que je suis solidaire ? Vous avez vraiment besoin que je verbalise ? Donc, moi, je suis la seule autour de la table à devoir dire que je n’ai rien à voir avec ça (1). »

    La seconde posture est l’essentialisme et le culturalisme. Les actes barbares que nous vivons auraient une explication simple : ils sont en germe dans la religion musulmane elle-même qui à la différence des autres, porterait une violence congénitale, une barbarie consubstantielle et une irrationalité dans son essence. Cette religion à la différence des autres religions monothéiste serait allergique à la raison et inapte à la vie dans une société démocratique. De cette représentation de la religion découle la représentation de ses adeptes. Les musulmans seraient, contrairement aux autres croyants, une entité homogène partageant tous le même rapport au monde, à la société et aux autres. Une telle posture conduit inévitablement à l’idée d’une éradication, l’islam apparaissant comme incompatible avec la république, la laïcité, le droit des femmes, etc. Résultat de plusieurs décennies de diffusion politique et médiatique de la théorie du « choc des civilisations », cette posture s’exprime dans des formes plus ou moins nuancées mais est malheureusement bien ancrée dans notre société (2).

    La troisième posture est celle de la relativisation de la gravité des tueries. Celles-ci ne seraient que le résultat d’une folie individuelle contre laquelle on ne pourrait rien si ce n’est de repérer le plus tôt possible les signes annonciateurs dans les comportements individuels. Nous ne serions qu’en présence d’accidents dans les trajectoires individuelles sans aucune base sociale, matérielle, politique. Une telle posture de "psychologisation" occulte que les individus ne vivent pas hors-sol et que leur mal-être prend telle ou telle forme en rencontrant un contexte social précis. C’est à ce niveau que se rencontre l’individu et sa société, la trajectoire individuelle et son contexte social, la fragilisation et les offres sociales et politiques qui la captent pour l’orienter. Il est évident que les candidats « djihadistes » sont issus de trajectoires fragilisées mais cela ne suffit pas à expliquer le basculement vers cette forme précise qu’est la violence nihiliste (3).

    La quatrième posture s’exprime sous la forme de la théorie du complot. Les tueries seraient le fait d’un vaste complot ayant des objectifs précis : complot juif mondial, "illuminati", actes des services secrets, etc. Elle conduit à un aveuglement face au réel et à l’abandon de l’effort de compréhension du monde et des drames qui le secouent. Elle suscite une dépolitisation se masquant derrière une apparente sur-politisation : dépolitisation car il serait vain de rechercher dans l’économique, le social, le politique, etc., les causes de ce que nous vivons et sur-politisation car tout serait issu d’une cause politique occulte portée par un petit groupe secret. Elle est entretenue par la négation dominante de la conflictualité sociale, des oppositions d’intérêts et des stratégies des classes dominantes pour orienter l’opinion dans le sens de ses intérêts matériels. A ce niveau l’accusation de « confusionnisme » de toute dénonciation des stratégies des classes dominantes conduit consciemment ou non à entretenir la théorie du complot. Certains « anti-confusionnistes » de bonne foi ou non entretiennent en effet boomerang le « complotisme ». Ce faisant, certains « anti-confusionnistes » entretiennent la confusion (4).

    La cinquième posture est l’explication en terme du « virus externe ». Notre société serait victime d’une contamination venant uniquement de l’extérieur contre laquelle il faudrait désormais se prémunir. Elle débouche sur une logique de guerre à l’externe et sur une logique sécuritaire à l’interne. Elle est créatrice d’une spirale où la peur et le discours sur la menace externe suscite une demande d’interventions militaires à l’extérieur et de limitation des libertés à l’interne. Susciter une demande pour ensuite y répondre est un mécanisme classique des périodes historiques réactionnaires. L’absence de mouvement anti-guerre dans notre société est le signe que cette posture est largement répandue. Or comme la précédente, elle conduit d’une part à l’abandon de la recherche des causes et d’autre part au sentiment d’impuissance (5).

    Il reste la posture matérialiste ne renonçant pas à comprendre le monde et encore plus quand il prend des orientations régressives et meurtrières. Minoritaire dans le contexte actuel, cette posture est pourtant la seule susceptible d’une reprise de l’initiative progressiste. Elle suppose de recontextualiser les événements (et encore plus lorsqu’ils prennent des formes dramatiques) dans les enjeux économiques, politiques et sociaux. Elle nécessite la prise en compte des intérêts matériels qui s’affrontent pour orienter notre demande et qui produisent des conséquences précises. Elle inscrit les comportements individuels comme étant des résultats sociaux et non des essences en action. Elle prend l’histoire longue et immédiate comme un des facteurs du présent. Elle peut certes se tromper en occultant par méconnaissance une causalité ou en la sous-estimant, mais elle est la seule à permettre une réelle action sur ce monde.

    Dans un monde marqué par la violence croissante sous toutes ses formes, le renoncement à la pensée nous condamne pour le mieux à une posture de l’impuissance et pour le pire à la recherche de boucs-émissaires à sacrifier sur l’autel d’une réassurance aléatoire.

    Une offre de « djihadisme » qui rencontre une demande

    Il existe une offre de « djihadisme » à l’échelle mondiale et nationale. Elle n’est ni nouvelle, ni inexplicable. Elle a ses espaces de théorisations et ses Etats financeurs. L’Arabie Saoudite et le Qatar entre autres, pourtant alliés des Etats-Unis et de la France, en sont les principaux (6).

    Ces pétromonarchies appuient et financent depuis de nombreuses années des déstabilisations régionales dont elles ont besoin pour maintenir et/ou conquérir leur mainmise sur les richesses du sol et du sous-sol du Moyen-Orient. Cette base matérielle est complétée par un besoin idéologique. Elles ont besoin de diffuser une certaine vision de l’Islam pour éviter l’émergence et le développement d’autres visions de l’Islam progressistes et/ou révolutionnaire qui menaceraient l’hégémonie idéologique qu’elles veulent conquérir. Plus largement les pétromonarchies sont menacées par toutes les théorisations politiques qui remettent en cause leur rapport aux grandes puissances qui dominent notre planète : nationalisme, anti-impérialisme, progressisme dans ses différentes variantes, communisme, théologie de la libération, etc.

    C’est à ce double niveaux matériel et idéologique que s’opère la jonction avec la « réal-politique » des puissances impérialistes. Elles aussi ont un intérêt matériel à la déstabilisation de régions entières pour s’accaparer les richesses du sol et du sous-sol, pour justifier de nouvelles guerres coloniales en Afrique et au Moyen-Orient, pour supplanter leurs concurrents, pour contrôler les espaces géostratégiques et pour balkaniser des Etats afin de mieux les maîtriser. Elles aussi ont un besoin idéologique de masquer les causes réelles du chaos du monde c’est-à-dire la mondialisation ultralibérale actuelle. Il n’y a aucune amitié particulière entre les classes dominantes occidentales et les pétromonarchies et/ou les « djihadistes », mais une convergence relative d’intérêts matériels et idéologiques. Comme le soulignait De Gaulle pour décrire la réal-politique : « Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts ». C’est cette réal-politique qui a conduit dans le passé à présenter les « djihadistes » en Afghanistan comme des combattants de la liberté et qui conduit un Fabius à dire aujourd’hui : « El Nosra fait du bon boulot ».

    Mais se limiter à l’offre ne permet pas de comprendre l’efficacité actuelle du phénomène. Encore faut-il expliquer le fait que cette offre rencontre une « demande ». Nous disions plus haut que cette offre n’est pas nouvelle. Nous l’avons-nous même rencontrée dans les quartiers populaires, il y a plus de trois décennies. Simplement à l’époque, elle ne rencontrait aucune « demande ». Nous pensions à vivre, à nous amuser, à militer et à aimer et regardions ces prédicateurs comme des allumés. C’est la raison pour laquelle il faut se pencher sur les processus d’émergence et de développement de cette demande « made in France ». A ce niveau force est de faire le lien avec les processus de paupérisation et de précarisation massive qui touchent les classes populaires. L’existence avérée de candidats « djihadistes » non issus de familles musulmanes souligne que c’est bien l’ensemble des classes populaires qui sont concernés par ces processus conduisant les plus fragilisés de leurs membres à sombrer dans des comportements nihilistes. Force également est de faire le lien avec les discriminations racistes systémiques et institutionnelle qui abîment des vies pour nos concitoyens noirs, arabes et musulmans. Force enfin est de prendre en compte dans l’analyse les effets des discours et pratiques islamophobes qui se sont répandus dans la société française et qu’il de bon ton de relativiser, d’euphémiser, voir de nier. Ce sont l’ensemble de ces processus qui conduisent à l’émergence du nihilisme contemporain.

    Enfin la vision méprisante des habitants des quartiers populaires comme « sous-prolétariat » incapable de penser politiquement conduit à sous-estimer le besoin du politique dans les classes populaires en général et dans leurs composantes issues de l’immigration post-coloniale en particulier. Ces citoyennes et citoyens observent le monde et tentent de le comprendre avec les grilles disponibles dans une séquence historique donnée. Ils et Elles ne peuvent que constater que des guerres se multiplient et que l’on trouve des financements pour le faire alors qu’on leur serine que les caisses sont vides. Elles et ils ne peuvent qu’interroger la soi-disant nécessité urgente d’intervenir en Irak, en Afghanistan, en Syrie, en Lybie, en Côte d’Ivoire, au Mali, etc. et à l’inverse la soi-disant nécessité urgente à soutenir l’Etat d’Israël en dépit de ses manquements à toutes les résolutions des Nations-Unies. Tous ces facteurs conduisent pour la majorité à une révolte qui cherche un canal d’expression et pour une extrême minorité à l’orientation nihiliste.

    A ne pas vouloir comprendre qu’un monde immonde conduit à des actes immondes, on constitue le terreau de la rencontre entre l’offre et la demande de nihilisme.

    Notes :

    1) http://www.atlasinfo.fr/Charlie-Heb...

    2) Voir sur ce sujet : Jocelyne Cesari, l’Islam à l’épreuve de l’Occident, La Découverte, Paris, 2004.

    3) Sur la rencontre entre le contexte social et effets fragilisant sur les trajectoires individuelles voir Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, Le Seuil, 1952.

    4) Luc Boltanski, Enigmes et complots. Une enquête à propos d’enquêtes, Gallimard, Paris, 2012.

    5) Voir notre article avec Yvon Fotia « Discrimination systémique » , Dictionnaire des dominations de sexe, de race, de classe, Syllepse, Paris, 2012.

    6) David Benichou, Farhad Khosrokhavar, Philippe Migaux, Le jihadisme, comprendre pour mieux combattre, Plon, Paris, 2015. Et Richard Labévière, Les dollars de la terreur, Les Etats-Unis et l’islamisme, Grasset, Paris, 1999.

    Source : www.investigaction.net

  • Les terroristes ont gagné, nos libertés vont trinquer

     

    Les terroristes ont gagné, le gouvernement restraint nos libertės publiques. Les chefs d'Etats vont bien se réunir à la COP 21 pour décider, à huis clos, de l'avenir de la civilisation. Mais pour les citoyens du monde le droit de se réunir pour exiger des mesures concrètes et contraignantes pour sauver notre climat risque de disparaître. (Valls : "la question de l’organisation de cette manifestation, d’une manière ou d’une autre, sera posée").


    La dictature de l'intolérance de DAECH, est parfaitement relayée par la dictature du contrôle social. Sous la pression de la barbarie, la démocratie est devenue l'ennemi numero un. Du premier ministre supprimant le droit de manifester, à la châtelaine de Montretout qui veut faire des camps de concentration préventifs pour intégristes, en passant par le roi des Républicains rêvant de mettre des bracelets électroniques sur le simple soupçon d'un classement administratif (fiches S : signifiant à Surveiller), l'unité nationale va se faire sur la mort de la démocratie.


    Comment peuvent-ils croire que c'est en interdisant toutes critiques, en réprimant tous mécontentements, toutes différences de penser, qu'ils nous protégeront de l'exaspération de ceux qui seront réprimés, niés d'exister, et dont la seule expression possible restera par l'action terroriste. Alors que le premier ministère norvègien, après le massacre d'Utoya répliquait dignement "Vous ne détruirez pas la démocratie et notre travail pour rendre le monde meilleur""nous allons répondre à la terreur par plus de démocratie, plus d'ouverture et plus de tolérance", notre gouvernement, qui se dit aussi "socialiste" va nous faire une société de contrôle généralisé.


    Pourtant ne serait-ce pas plus efficace, pour la paix sociale, de se demander les causes, du rejet, de la haine, de notre société, que montre l'assassinat aveugle de jeunes par d'autres jeunes transformés en kamikazes. Pourquoi ces jeunes n'ont-ils trouvé que cette monstruosité pour exister, pour se réaliser ? 
    Notre sociėté de consommation leur enjoint d'exister par leur capacité à accumuler des biens matériels. Mais s'ils ne peuvent pas se conformer aux diktats de la publicité, si la société ne leur laisse que le chômage et la frustration matérielle et sociale de ne pas être intégrés, ils risquent de finir comme Mohamed Mėrah et Omar Ismaïl Mostefaï. Ils cherchent d'abord à y prendre leur place par la délinquance matérielle, puis ils trouvent sur leur route des intégristes religieux qui leur promettent considération et admiration s'ils se sacriffient et sacrifient les autres. 


    La religion n'est là-dedans que le prétexte à exister, à avoir un pouvoir dans la société, et même sur la sociéte, par qui ils se concidèrent humiliés. Ca pourrait être n'importe qu'elle autre religion ou cause, comme étiquette valorisante. Pour une revenche sur la société qui les exclus, quoi de plus jouisif que d'avoir le pouvoir de vie et de mort sur les autres humains, même si c'est au prix de leur propre mort. Pour convaincre les plus crédules ou les plus idéalistes, les prêcheurs de la barbarie, leur promettent le paradis (entre autre, de cent vierges à leur service dans l'au-delà). Mais le profil ex-délinquants de droit commun de la plupart des Kamikazes montrent bien que ce n'est pas pour la générosité d'une religion qu'il agissent. C'est bien par pur égoïsme, pour satisfaire leur égo, qu'ils se vengent sur des innocents.


    Si nous ne voulons pas que de tels monstres se multiplient, ce n'est pas de la répression qu'il faut, mais de la prévention, prévention à la racine de la société. Seule une société plus égalitaire, plus juste, où chacun à sa place et peut se réaliser, tout en laissant aussi les autres se réaliser. 


    Au lieu de celle-là, nous vivont dans une société de la concurrence exacerbée de tous contre tous, de pays contre pays, d'économie contre économie, d'entreprise contre entreprises, de travailleur contre travailleurs, de chômeur contre chômeurs, et même de SDF contre refugiés. Dans notre société, la concurrence nous est inculquée dès le plus jeune âge, le sport est là pour ça, et le dopage n'est que la conséquence de cet état d'esprit de domination du plus fort. De plus les jeux videos, où il faut additionner les morts pour gagner, préparent très bien les esprits maléables des jeunes à passer du virtuel au réel.


    Si nous ne changeons pas cette sociėté, loin de diminuer, cette concurrence va être poussée jusqu'à la concurrence pour la survie. Avec le changement climatique mondial, les conditions de production, environnementales et alimentaires, vont dramatiquement changer. Soit nous limitons les changements et nous adaptons la société mondialisée à ces contraintes matérielles nouvelles, soit nous sommes condamnés à nous exterminer les uns les autres pour survivre.


    Mais les autres ne ce laisseront pas exterminer comme cela (nous sommes tous l'autre de quelqu'un : riches ou pauvres, d'un pays ou d'un autre, d'une religion ou d'une autre...) et les prétextes ne manquent pas pour nous entre-tuer. Il ne restera aux moins équipés pour la bataille, aux moins libres, que l'arme des faibles, sacrifier sa vie pour sa cause, devenir terroriste ou même devenir kamikaze.


    Si nous ne changeons pas la société, Les massacres comme celui de Paris ne peuvent que se multipllier, Or nous sommes à un momment décisif pour préparer, pour choisir, notre avenir. Les plus grands décideurs du monde, les chefs d'état de la plupart des nations, vont se réunir pour soit-disant limiter le réchauffement climatique à 2 degrés. Les scientifiques dénoncent, qu'en fait, ils ne vont rien limiter du tout, qu'aucunes mesures contraignantes ne seront prises, et que le réchauffement, déjà commencé, pourrait atteindre les 3 et même 4 degrés. Ces degrés multiplieront les catastrophes climatiques et donc les catastrophes humaines et sociales (innondations, sécheresses, ouragans, exodes massifs de population, guerres civiles ou/et nationales, et peut être jusqu'aux explosions nucléaires finales).


    La COP 21 fixe les priorités de la société future. Or le choix des puissants à été d'écouter les sponsors qu'ils se sont choisis, le choix de se soumettre aux lobbies pétroliers et des énergies carbonnées. Les émissions de CO2 vont donc continuer à augmenter. Non seulement il n'y aura pas de traité contraignant sur le climat, mais des traitės climaticides vont être signés et être, eux, contraignants pour déréguler l'économie. Les traités de libre-échange, CETA, TAFTA, TTP... vont imposer les intėrêts privés des multinationales sur l'intérêt général des générations futures. Non contents de ne pas légiférer pour stopper les émissions de CO2, les présidents vont bientôt signer pour l'abandon des droits de l'Humanité. 


    Stopper le TAFTA et les autres traités anti-souveraineté des peuples, doit être notre revendication comme résultat minimum et concret de la COP 21. Nous devons pouvoir manifester dans les rues de Paris et d'ailleurs, les 28 et 29 novembre et le 12 dėcembre 2015 pour exiger de choisir notre société et donc de choisir notre avenir. La sécurité qui compte le plus pour nous, c'est notre sécuritė climatique, qui est 100 fois plus importante que la sécurité contre quelques terroristes assassins qui nous terrorisent moins que l'avenir sanglant du rėchauffement climatique.


    La société civile doit pouvoir s'exprimer et exiger que ses choix soient respectés. Si le premier ministre interdit notre libre droit de manifester, va-t-il falloir, que des résistants du climat deviennent des terroristes du climat (les résistants de la dernière guerre étaient aussi appelés terroristes par le gouvernement de Vichy). En violant les libertés, les droits Humains (tant matériels que de libre pensée), notre gouvernement sème, non seulement le terrorisme aveugle des barbares de DAECH, mais obligera à un futur terrorisme ciblé des désespérés des conséquences du changement de climat.


    ps : les terroristes ont bien gagné puisque le président de la république va modifier la constitution pour ce donner encore plus de pouvoirs d'exception.


    http://blogs.mediapart.fr/edition/pole-emploi-mon-amour/article/141115/comment-eviter-de-tels-massacres-comment-eviter-le-terrorisme

  • « Nous payons les inconséquences de la politique française au Moyen-Orient »

     

    LE MONDE | • Mis à jour le

     

    image: http://s2.lemde.fr/image/2015/11/17/534x0/4811387_6_555d_laurent-fabius-et-le-ministre-du-petrole_53804d5e590fff94c999eb8101ee0f2c.jpg

    Laurent Fabius et le ministre du pétrole saoudien  Ali al-Naimi  le 8 novembre à Paris.

    Soyons réalistes, demandons l’impossible, clamaient dans les rues de Paris les utopistes de mai 1968. Etre réaliste aujourd’hui, c’est réclamer à ceux qui gouvernent d’aller aux racines de ce mal qui, le 13 novembre, a tué au moins 129 personnes dans la capitale française. Elles sont multiples, et il n’est pas question d’en faire ici l’inventaire. Nous n’évoquerons ni l’abandon des banlieues, ni l’école, ni la reproduction endogamique d’élites hexagonales incapables de lire la complexité du monde. Nous mesurons la multiplicité des causes de l’expansion de l’islamisme radical.

    Comme nous savons à quel point l’étroitesse des rapports entretenus dans tout le monde arabe entre les sphères politique et religieuse a pu faciliter son émergence, nous n’avons aucune intention simplificatrice. Mais, aujourd’hui, c’est la politiqueinternationale d’une France blessée, et de l’ensemble du monde occidental, que nous voulons interroger.

    Sur l’islamisme d’abord. Depuis le début de sa montée en puissance, dans les années 1970, les dirigeants occidentaux se sont convaincus qu’il devenait la force politique dominante du monde arabo-musulman. Addiction au pétrole aidant, ils ont renforcé le pacte faustien les liant aux Etats qui en sont la matrice idéologique, qui l’ont propagé, financé, armé. Ils ont, pour ce faire, inventé l’oxymore d’un « islamisme modéré » avec lequel ils pouvaient faire alliance.

    LE DJIHADISME EST AVANT TOUT L’ENFANT DES SAOUD ET AUTRES ÉMIRS AUXQUELS ELLE SE FÉLICITE DE VENDREÀ TOUR DE BRAS SESARMEMENTS SOPHISTIQUÉS. ON NE VEUT PAS VOIR QUE LA MÊME IDÉOLOGIE LES ANIME

    Le soutien apporté ces derniers mois au régime turc de M. Erdogan dont on connaît les accointances avec le djihadisme, et qui n’a pas peu contribué à sa réélection, en est une des preuves les plus récentes. La France, ces dernières années, a resserré à l’extrême ses liens avec le Qatar et l’Arabie saoudite, fermant les yeux sur leur responsabilité dans la mondialisation de l’extrémisme islamiste.

    Le djihadisme est avant tout l’enfant des Saoud et autres émirs auxquels elle se félicite de vendre à tour de bras ses armements sophistiqués, faisant fi des « valeurs » qu’elle convoque un peu vite en d’autres occasions. Jamais les dirigeants français ne se sont posé la question de savoir ce qui différencie la barbarie de Daesh de celle du royaume saoudien. On ne veut pas voir que la même idéologie les anime.

    Cécité volontaire

    Les morts du 13 novembre sont aussi les victimes de cette cécité volontaire. Ce constat s’ajoute à la longue liste des soutiens aux autres sanglants dictateurs moyen-orientaux – qualifiés de laïques quand cela convenait – de Saddam Hussein à la dynastie Assad ou à Khadafi – et courtisés jusqu’à ce qu’ils ne servent plus. La lourde facture de ces tragiques inconséquences est aujourd’hui payée par les citoyens innocents du cynisme à la fois naïf et intéressé de leurs gouvernants.

    L’autre matrice du délire rationnel des tueurs djihadistes est la question israélo-palestinienne. Depuis des décennies, les mêmes dirigeants occidentaux, tétanisés par la mémoire du judéocide perpétré il y a soixante-dix ans au cœur de l’Europe, se refusent à faire appliquer les résolutions de l’ONU susceptibles de résoudre le problème et se soumettent aux diktats de l’extrême droite israélienne aujourd’hui au pouvoir, qui a fait de la tragédie juive du XXe siècle un fonds de commerce.

    On ne dira jamais assez à quel point le double standard érigé en principe politique au Moyen-Orient a nourri le ressentiment, instrumentalisé en haine par les entrepreneurs identitaires de tous bords. Alors oui, soyons réalistes, demandons l’impossible. Exigeons que la France mette un terme à ses relations privilégiées avec l’Arabie saoudite et le Qatar, les deux monarchies où l’islam wahhabite est la religion officielle, tant qu’elles n’auront pas coupé tout lien avec leurs épigones djihadistes, tant que leurs lois et leurs pratiques iront à l’encontre d’un minimum décent d’humanité.

    Exigeons aussi de ce qu’on appelle « la communauté internationale » qu’elle fasse immédiatement appliquer les résolutions des Nations unies concernant l’occupation israélienne et qu’elle entérine sans délai la création trop longtemps différée de l’Etat palestinien par le retour d’Israël dans ses frontières du 4 juin 1967.

    Ces deux mesures, dont riront les tenants d’une realpolitik dont on ne compte plus les conséquences catastrophiques, n’élimineront pas en un instant la menace djihadiste, aujourd’hui partout enracinée. Mais elles auront l’immense mérite d’en assécherpartiellement le terreau. Alors, et alors seulement, les mesures antiterroristes prises aujourd’hui en l’absence de toute vision politique pourraient commencer à devenir efficaces.

    Sophie Bessis et Mohamed Harbi (Historiens)

    Sophie Bessis est l’auteur de La Double Impasse. L’Universel à l’épreuve des fondamentalismes religieux et marchand (La Découverte, 2014) ; Mohamed Harbi est ancien membre puis historien du Front de libération nationale algérien (FLN).

     
     


    En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/11/17/nous-payons-les-inconsequences-de-la-politique-francaise-au-moyen-orient_4811388_3232.html#GqoG1SXyoJ452DuK.99

  • L'ARABIE SAOUDITE, SPONSOR DE L'ETAT ISLAMIQUE ? OUI, JUSQU'EN 2014

     

    Argent, influence religieuse et militaire : ce que l'on sait


     
     

    Hypocrite, la diplomatie française ? Trois jours après les attaques qui ont fait 129 morts et 352 blessés à Paris et à Saint-Denis, plusieurs spécialistes - dont l'ancien juge antiterroriste Marc Trévidic et l'universitaire Jean-François Bayart - estiment que Paris s'est montrée trop complaisante avec l'Arabie saoudite. Mais que reproche-t-on au juste aux autorités saoudiennes ? Quel rôle a tenu le royaume islamique dans l'émergence de l'organisation Etat islamique (EI), qui a revendiqué les attentats du 13 novembre ?

    La saillie n'est pas venue de n'importe qui. C'est l'ancien juge antiterroriste Marc Trévidic, probablement l'un des experts les plus sollicités ces derniers jours pour analyser les attaques de Paris et Saint-Denis, qui l'affirme : "Il faut lutter contre l'idéologie salafiste. (...) Et c'est notre ambiguïté : on est copains avec des gens qui ont des idéologies très proches". Les "gens" en question : l'Arabie Saoudite. "Le wahhabisme [la doctrine religieuse officielle saoudienne] a diffusé cette idéologie sur la planète depuis le conflit en Afghanistan, pour simplifier, depuis 1979. Est-ce qu'on est copains avec eux parce que c'est un partenaire économique? (...) On est dans un paradoxe total."

    La France aurait commis une erreur en nouant une alliance avec l'Arabie saoudite : l'idée est également développée par le politiste Jean-François Bayart dans une tribune publiée par Libération, "Le retour du boomerang". "L’alliance stratégique que la France a nouée avec les pétromonarchies conservatrices du Golfe, notamment pour des raisons mercantiles, a compromis la crédibilité de son attachement à la démocratie", écrit notamment Bayart, qui a été consultant auprès du Centre d’analyse et de prévision du ministère des Affaires étrangères français.

    C'est enfin sous la plume des historiens Sophie Bessis et Mohamed Harbi que l'idée a été développée ce 17 novembre : "La France, ces dernières années, a resserré à l’extrême ses liens avec le Qatar et l’Arabie saoudite, fermant les yeux sur leur responsabilité dans la mondialisation de l’extrémisme islamiste".

    Le Monde - 17 novembre 2015

    La tribune de Sophie Bessis et Mohamed Harbi dans Le Monde

    L'Arabie saoudite est un encombrant partenaire, qui a sa part de responsabilité dans l'extrémisme islamiste : l'argument est souvent avancé, mais pas toujours détaillé. Que sait-on, au juste, de la position de l'Arabie saoudite vis-à-vis des groupes djihadistes, et en particulier de son rôle dans la montée en puissance de l'EI ? Pour le comprendre, il faut distinguer deux aspects : le rôle proprement matériel de l'Arabie saoudite, et son influence idéologique (par définition, plus difficile à mesurer). Si l'aide financière en provenance d'Arabie saoudite à destination de groupes djihadistes (et en particulier de l'Etat islamique) semble se tarir depuis 2014, des spécialistes assurent que la contribution la plus nette du royaume à la propagation du djihadisme salafiste s'est jouée sur le terrain des idées.

    L'ORGANISATION ETAT ISLAMIQUE BRIÈVEMENT FINANCÉE EN 2013, COMME L'ENSEMBLE DES FORCES ANTI-ASSAD

    Y'a-t-il eu, oui ou non, un soutien financier de l'EI par l'Arabie saoudite ? Le pays tire une partie de sa réputation de "promoteur du djihadisme" du soutien apporté aux talibans afghans dans les années 1980 puis 1990 (soutien également apporté, à l'époque, par les Etats-Unis et le Pakistan, qui espéraient que l'islam rigoriste du mouvement taliban permettrait de "stabiliser" le pays). Les talibans deviendront des partenaires privilégiés de l'une des plus puissantes organisations salafistes djihadistes : Al-Qaida.

    Mais le soutien de Riyad à des groupes djihadistes ne semble pas s'être arrêté là. En 2014, un ex-officier des services de renseignement, Alain Chouet, évoquait des financements beaucoup plus récents : "Il est clair que l’Arabie saoudite puis le Qatar ont financé [l'Etat islamique]". En janvier 2015, l'ancien diplomate Alexis Varende l'assurait encore : l'Arabie saoudite "finance ceux des djihadistes qui développent leurs activités à l’extérieur du royaume". Selon ces spécialistes, le royaumeauquel la France vend tant d'armes aurait financé le groupe armé qui a revendiqué les attaques de Paris (mais aussi de Beyrouth).

    Orient XXI

    L'article d'Alexis Varende pour Orient XXI

    Quand et comment le royaume a-t-il fourni son appui à l'organisation dirigée par Abou Bakr al-Baghdadi ? Les analyses sont globalement d'accord sur la période, mais pas sur les modalités. La période : celle des débuts de la rébellion en Syrie. Des fonds saoudiens auraient alors transité vers l'Etat islamique (qui s'appelait encore à l'époque EIIL - Etat islamique en Irak et au levant), ainsi que vers l'ensemble des forces anti-Assad. L'EIIL aurait bénéficié des efforts saoudiens pour renverser Bachar el-Assad et ainsi affaiblir "l'axe chiite" au Moyen-Orient. La thèse est notamment défendue par un ex-officier des renseignements français, Alain Rodier.

    Ce soutien aurait pris fin lorsque les différents groupes de la rébellion syrienne se seraient déchirés, et en particulier à la fin de l'année 2013, lorsque l'EIIL est entrée en guerre ouverte contre l'Armée syrienne libre (ASL). Cela signifie également que le soutien se serait tari avant l'expansion territoriale du groupe en Irak - où l'EI a conquis d'importantes positions à partir de juin 2014 : "S’il est certain que l’Arabie saoudite a aidé et soutenu des groupes et des factions djihadistes en Syrie, on ne peut pas en conclure que Riyad est aujourd’hui le commanditaire de l’expansion territoriale de l’EIIL des deux côtés de la frontière",soulignait à l'époque le journaliste spécialiste des mouvements djihadistes Wassim Nasr.

    FONDS PUBLICS OU PRIVÉS ?

    Qui, exactement, en Arabie saoudite, débloquait ces fonds ? Les analyses divergent. Car si l'article de La Croix qui cite Alain Chouet n'hésite pas à évoquer des "financements étatiques" (qui passeraient par des "montages financiers complexes"), d'autres analystes estiment qu'il n'existe pas de preuves d'une implication étatique directe. L'ancien patron du MI6 britannique, Richard Dearlove, préfère ainsi parler de "donateurs privés" saoudiens : "[Dearlove] ne doute pas que des financements substantiels et prolongés de la part de donateurs privés en Arabie saoudite et au Qatar, sur lesquels les autorités ont peut-être fermé les yeux, ont joué un rôle central dans la poussée de l'EI dans les zones sunnites d'Irak", rapporte ainsi The Independenten juillet 2014.

    En 2009 déjà, alors que l'EI n'existait pas encore, les services secrets américains jugeaient que Riyad ne faisait pas assez pour contrôler les donateurs privés finançant des groupes classés comme terroristes. Dans un câble diplomatiques révélé par Wikileaks, l'ambassade américaine dans la capitale saoudienne jugeait que "les donateurs [privés] en Arabie saoudite demeur[ai]ent la principale source mondiale de financement de groupes terroristes sunnites" :


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    Le télégramme diplomatique envoyé depuis Riyad le 30 décembre 2009

    Les membres des services secrets européens et américains ne sont pas les seuls à penser que les autorités saoudiennes ont pu fermer les yeux sur ces soutiens émanant de particuliers. Nabil Mouline, chercheur au CNRS et à Stanford, spécialiste de l'Arabie saoudite, partage ce constat : "L'État saoudien ainsi que l'establishment religieux n'ont jamais ouvertement financé l'État islamique qui représente pour eux une menace directe et indirecte à plus d'un titre. En revanche, il a pu exister un certain laisser-aller au sommet de l'État, dont ont profité tout à la fois des acteurs privés, des réseaux souterrains informels et des personnalités politiques pour financer les djihadistes".

    "LUTTER CONTRE LE NAZISME EN INVITANT HITLER" (TRÉVIDIC)

    La position saoudienne est aujourd'hui plus clairement anti-EI : depuis septembre 2014, Riyad est membre de la coalition "anti-Etat islamique". Le pays a versé 100 millions de dollars à un fonds des Nations unies contre le terrorisme, et le grand mufti d'Arabie saoudite, Abdel Aziz Al-Cheikh, a qualifié l'EI "d'ennemi numéro un de l'islam". Désormais visé sur son propre sol par les djihadistes, l'Etat de la péninsule arabique a annoncé en juillet 2015 avoir arrêté 431 membres présumés de l'EI.

    Cela n'empêche pas des journalistes, éditorialistes et historiens de pointer un autre type de responsabilité des autorités saoudiennes : leur influence idéologique sur ces groupes armés. C'est la thèse de Marc Trévidic : "la France n’est pas crédible dans ses relations avec l’Arabie saoudite", estime le magistrat, car "ce pays du Golfe a versé le poison dans le verre par la diffusion du wahhabisme. Les attentats de Paris en sont l’un des résultats. Proclamer qu’on lutte contre l’islam radical tout en serrant la main au roi d’Arabie saoudite revient à dire que nous luttons contre le nazisme tout en invitant Hitler à notre table".

    Le wahhabisme, doctrine religieuse officielle du royaume saoudien, aurait favorisé l'expansion du djihadisme : là encore, l'argument est souvent avancé mais rarement explicité. Comme dans Marianne, qui écrit que "la montée en puissance de l'EI doit beaucoup à l'Arabie saoudite et à sa volonté de répandre le wahhabisme dans le monde musulman".

    RIYAD "NORMALISE" LA DÉCAPITATION

    L'une des voix qui s'élève le plus régulièrement dans les médias américains pour pointer le rôle du wahhabisme saoudien dans l'expansion de groupes djhadistes est celle d'Ed Husain. Cet ancien militant de Hizb ut-Tahrir (parti politique islamiste partisan de l'établissement d'un califat) - devenu chercheur pour des think-tanks américains et britanniques - a notamment développé ses arguments dans cette tribune publiée par le New York Times. Il estime que Riyad est coupable d'encourager certaines atteintes aux droits humains : "Nous sommes indignés - avec raison - de la décapitation de James Foley et des autres atrocités commises par l'EI, mais nous fermons les yeux sur les exécutions publiques par décapitation permises par l'Arabie saoudite. En autorisant une telle barbarie, le royaume normalise et encourage indirectement la pratique de tels châtiments ailleurs."

    New York Times - Ed Husain

    La tribune d'Ed Husain dans le New York Times

    Autre exemple "d'influence" supposée du royaume sur le comportement des djihadistes : celui de la destruction de patrimoine culturel. "Si l'EI fait exploser des lieux saints, il a appris à le faire à partir du précédent posé en 1925 par la maison des Saoud, avec la démolition - inspirée par la doctrine wahhabite - de tombes âgées de 1400 ans dans le cimetière de Jannat Al Baqi, à Médine", argue encore Ed Husain.

    À la différence du soutien matériel, l'influence idéologique et doctrinale réelle du royaume sur les groupes djihadistes est difficile à évaluer. Les combattants de l'EI originaires d'Arabie saoudite eux-mêmes renient leur nationalité saoudienne,rappelle Wassim Nasr. L’organisation d'Abou Bakr al-Baghdadi ne reconnaît pas la légitimité des autorités saoudiennes, ajoutede son côté le chercheur Nabil Mouline. Une chose est certaine, cependant : au contraire de celles de l'EI, les pratiques militaires et judiciaires des autorités saoudiennes ne sont pas encore sorties de leur trou noir médiatique.

     
  • LA RÉMISSION PAR LE SANG DE CIVILS INNOCENTS

    peaceforparis-jeanjullien
     

    La stratégie apocalyptique mise en œuvre par Da’ech, particulièrement à l’égard d’un des alliés majeurs des djihadistes de surcroît le pays occidental le plus en pointe dans sa guerre psychologique incitative à l’encontre du président syrien Bachar Al Assad, leur ennemi commun, parait devoir mettre un bémol à la frénésie anti syrienne de la classe politico-médiatique française, sauf à précipiter la France dans une sarabande mortifère, avec, à terme, sa relégation à l’échelle des puissances.

    S’il a quelque peu libéré la France d’une alliance encombrante et déshonorante au regard de ses valeurs et de son histoire, ce terrible tribut de sang – le carnage de Charlie Hebdo le 5 Janvier 2015 et la tuerie du Bataclan le 13 Novembre 2015 – a, par contrecoup, mis en relief la dérive pathologique en même temps que la persistance des présupposés idéologiques post coloniales du pouvoir décisionnel français dans sa double version néo-gaulliste : Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, les initiateurs de la guerre de Libye et de Syrie et socialo-atlantiste François Hollande et Laurent Fabius, les zélés soutiens des djihadistes et portant les amplificateurs de leurs thèses nauséabondes.

    Si le bain de sang dont le territoire français a été le théâtre en 2015 a suscité une empathie internationale à l’égard de la France, il n’en occulte pas pour autant la responsabilité – lourde et directe – de la «Patrie des Droits de l’Homme» tant dans la gangrène djihadiste du Moyen-Orient que dans la destruction des états à structure républicaine, au bénéfice d’un syndicat pétro-monarchique le plus obscurantiste et le plus répressif de la planète.

    Comparaison n’est pas raison ;

    Certes Bachar Al Assad et Mouammar Kadhafi sont à classer parmi les dictateurs, mais au même degré que Mobutu (Zaïre), le tueur de Patrice Lumumba, Hissène Habré (Tchad), le geôlier de François Claustre, Blaise Compaoré, le tueur de Thomas Sankara, le Roi Hassan II du Maroc, le tueur de Mehdi Ben Barka. Mais contrairement aux grands amis de la France, qui ont décapité avec un bel enthousiasme les figures de proue du tiers monde en lutte pour son indépendance et sa dignité, le syrien n’est pas pourvoyeur des djembés et mallettes à une fraction vénale de la classe politico-médiatique.

    C’est là l’un des motifs de la furie anti syrienne. Le second est que l’ultime récalcitrant à une reddition arabe à l’impérium israélo-américain se veut et se vit comme le pivot de la contestation à l’axe atlantiste. Deux péchés mortels au regard d’une classe politique française philo-sioniste, gagnée par la pensée néo-conservatrice américaine.

    La France, en Libye et en Syrie, a commis un crime contre l’intelligence. Elle en a payé le prix dans la chair de ses citoyens, d’une manière répétitive tout au long de 2015. En toute impunité pour ses dirigeants.

    Si la responsabilité première incombe, sans la moindre contestation possible, aux néo-conservateurs américains, sous l’autorité du trio de sinistre mémoire George Bush jr, Dick Cheney et Donald Rumsfeld et leurs alliés wahhabites représentés par le Prince Bandar Ben Sultan, l’orchestrateur en chef du chaos destructeur de ce «désordre constructeur», la responsabilité seconde incombe au pouvoir français socialo-gaulliste dans sa nouvelle version néo-conservatrice et atlantiste.

    Non seulement en Libye et en Syrie, mais aussi par son silence mortel sur le Yémen, son alliance privilégiée avec le royaume saoudien, l’incubateur absolu du djihadisme erratique dégénératif et son appendice du Qatar, la Mecque de la confrérie des Frères Musulmans, la matrice de toutes les organisations radicales djihadistes d’Al Qaida et Jabhat An Nosra. Enfin, dernier et non le moindre, de la Turquie le volant régulateur es djihadistes sur le plan militaire, en même temps que le principal pourvoyeur du flux migratoire à destination de l’Union européenne en crise systémique de son économie.

    Le sommet G20 d’Antalya qui a regroupé le 14 Novembre 2015, au lendemain de la tuerie du Bataclan les 20 puissances économiques mondiales, en présence du turc Reccep Tayyeb Erdogan, du saoudien Salmane et de Laurent Fabius, – l’homme qui aurait mieux fait de brider les pulsions casinotières de son fils plutôt que de proférer des monstruosités du genre «Jabhat An Nosra fait du bon travail en Syrie», apparaît, rétrospectivement comme une farce tragique. D’un goût saumâtre.

    A Charlie Hebdo, au Bataclan, comme auparavant en Isère lors de la décapitation d’un patron, le 26 juin 2015, le pouvoir décisionnaire français dans sa version sarko hollandaise paie le prix de son dévoiement et de sa démagogie, de la morgue de ses élites intellectuelles, particulièrement de ses universitaires islamophilistes et de la servilité de sa classe politico-médiatique.

    Qu’un président confie la conduite de sa politique étrangère au plus célèbre ronfleur de la diplomatie internationale contemporaine donne la mesure de l’érosion de la déontologie du commandement.

    Qu’un socialiste soit le meilleur allié du turc, massacreur des Kurdes, auparavant des arméniens et des assyriens, des wahhabites, les plus gros corrupteurs de la vie politique arabe et les plus grands destructeurs du Moyen Orient, laisse rêveur quant à la signification du socialisme au XXI me siècle. Un fait qui explique, pour une large part, la désaffection politique de la jeunesse parisienne fauchée par la mitraille djihadiste.

    POUR ALLER PLUS LOIN
    ILLUSTRATION :

    Peace for Paris @jeanjullien. https://instagram.com/jean_jullien/