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Azel Guen : Décryptage de l'Actu Autrement - Page 111

  • Origines de la crise (fin)

    Origines de la crise (fin) : CDO et p’tites pépées 

    (ou comment développer un système financier planétaire hyper casse-gueule qui affame la moitié de la planète, déstabilise l’économie du reste du monde et enrichit une poignée de tarés en costard-cravate adeptes des martini-gin et des clubs de streching…)

     

    Si vous voulez connaître les derniers détails du raz-de-marée parti en 2007 depuis le pays des adeptes des dindes géantes de Thanks-Giving, raz-de-marée qui s’est pointé en 2008 en Europe (pour être vaguement colmaté à coups de renflouement des banques) et qui s’est de nouveau répandu en 2011, c’est maintenant qu’il faut rester vigilant. Tout réside dans la bonne compréhension des épisodes précédents : c’est à partir de tout cet enchaînement historique (décrit dans les épisodes ouane, tou, fri, faure) qu’on peut arriver à capter comment, à la charnière du XXème et du XXIème siècle, le système s’emballe encore un peu plus pour donner l’hérésie actuelle. Autant dire un système financier déchaîné, sauvage, débridé, et sous l’effet d’une hypertrophie telle que des nations industrielles ultra riches ne sont plus en capacité de lui résister.

    « On est les maîtres du mooooooonde ! »

    Tenez-vous bien à votre clavier, les annonces qui vont suivre ne sont pas des plaisanteries. La période entre 1995 et 2005 voit les fusions-acquisitions des grandes entreprises se multiplier dans tous les secteurs : normal l’OMC et le FMI encouragent la concurrence planétaire, il faut donc grossir pour écraser les adversaires. Petit problème d’ordre éthique : parmi les 200 plus grosses multinationales de l’époque, certaines ont des chiffres d’affaire  plus importants que le PIB du Portugal ou du Danemark. Les autres dépassent les PIB de n’importe quel pays africain. Par exemple, le chiffre d’affaire de Ford en 1999 est de plus de 175 milliard de dollars, le PIB du Danemark de 173 milliards, celui du Portugal, de 126. Il n’est pas compliqué d’imaginer ce qu’il est possible de pratiquer en termes de lobbying politique quand on possède des arguments pareils, hein ? Mais pour arriver à financer tous ces rachats et accroître les parts de marchés et autres investissements all- around-the-world, il faut emprunter un maximum de pépettes. Pas de problème ! On a des solutions dans les tiroirs mon grand, tu vas voir comment qu’on va tous se goinfrer sans trop d’efforts.

    Devine qui vient dîner dans mon hedge-fund ?

    Là, il faut avouer que c’est un peu coton, parce que plus grand monde ne sait exactement comment ça marche ce système des hedge funds. On peut dire quand même que ce sont eux qui financent les entreprises et les investisseurs institutionnels (suivez mon regard), qu’ils jouent avec des portefeuilles sur tous les registres, sans contrôle : cotations en bourse, marché de change des monnaies, immobilier, matières premières… Ces mecs là existent depuis longtemps (les années 50) mais leur pouvoir de nuisance s’est accru ces derniers temps (on comprend pourquoi en relisant les épisodes précédents). Pour plus de pertinence, autant s’appuyer sur un type qui s’est donné la peine de bosser dessus et dont l’article (publié en 2006 dans le « Monde diplomatique ») est assez éloquent à leur sujet. Extrait de « une économie d’apprentis sorciers », par Gabriel Kolko :

    « Il existe au moins dix mille hedge funds, dont les quatre cinquièmes sont domiciliés dans les îles Caïmans. Toutefois, quatre cents d’entre eux, qui gèrent chacun au moins 1 milliard de dollars, réalisent à eux seuls 80 % des opérations. En l’état actuel, il n’existe aucun moyen de les réglementer. Ces fonds spéculatifs détiennent plus de 1 500 milliards de dollars d’actifs, et le chiffre d’affaires quotidien de leurs opérations sur les produits dérivés globaux approche les 6 000 milliards de dollars – soit environ la moitié du produit national brut des Etats-Unis. Dans le climat d’euphorie des cinq dernières années, la plupart ont gagné, mais quelques-uns ont perdu. Ainsi, en un an (d’août 2005 à août 2006), près de mille neuf cents hedge funds ont vu le jour, mais cinq cent soixante-quinze autres ont été mis en liquidation. L’agence de notation Standard & Poor’s voudrait bien évaluer leur solvabilité, mais elle ne l’a toujours pas fait. »

    Ah ouais, c’est ballot que Standard & Poor’s évalue notre solvabilité nationale (pour abaisser notre note) mais n’évalue pas celle des hedge funds. Vraiment trop ballot.  Mais ça devient encore plus amusant quand on continue à lire l’article :

    « /…les clauses juridiques destinées à protéger les investisseurs se sont réduites en nombre, les prêteurs ont moins de possibilités de contraindre les entreprises mal gérées à se déclarer en cessation de paiement. Conscients que leurs paris sont de plus en plus risqués, les hedge funds s’arrangent pour qu’il soit beaucoup plus difficile de retirer l’argent avec lequel ils spéculent. Les opérateurs se sont repositionnés en intermédiaires entre les emprunteurs traditionnels – nationaux et privés – et les marchés ; ce qui contribue à déréglementer un peu plus encore la structure financière mondiale et à augmenter sa vulnérabilité aux crises. Ils recherchent des retours sur investissements élevés et prennent pour cela des risques de plus en plus grands. »

    Oh, les gars, j’ai eu une idée : et si on leur refilait des milliards de crédits merdeux incompréhensibles ? Ooooooh ouais, t’es trop génial John, viens là qu’on t’embrasse ! (bruits de verres qui tintent accompagnés de gloussements féminins).

    Nous sommes obligés d’arriver à cette affaire des subprimes. Forcément. Extrait (toujours du même article de 2006 de Kolko) à propos des produits dérivés :

    « Personne ne peut dire exactement ce que sont les produits dérivés de crédit. Pas même Gillian Tett, principale responsable de la rubrique des marchés de capitaux au Financial Times, qui a pourtant enquêté. Le produit est né, il y a une dizaine d’années (donc autour de 1995, ndlr), lors d’une réunion de certains dirigeants de la banque J. P. Morgan, à Boca Raton, en Floride : entre deux cocktails, et avant de se pousser les uns les autres dans la piscine, ils eurent l’idée d’un nouvel instrument financier, qu’ils voulaient suffisamment complexe pour ne pas être imité facilement (le droit d’auteur n’existe pas en matière de finance) et qui devait leur rapporter gros.…/…Aux yeux de l’investisseur américain Warren Buffet, bien placé pour connaître tous les dessous de la finance, les dérivés de crédit sont des « armes financières de destruction massive ». Alors qu’ils représentent théoriquement une assurance contre les risques de défaut de paiement, ils encouragent des paris encore plus hasardeux et une nouvelle expansion des prêts. Enron en fit abondamment usage, ce qui fut l’un des secrets de sa réussite – et de sa banqueroute finale, qui s’est traduite par un trou de 100 milliards de dollars. Totalement opaques, les dérivés de crédit ne font l’objet d’aucune surveillance réelle. Nombre de ces « produits » innovants, selon un directeur financier, « n’existent que dans le cybermonde et sont seulement des moyens permettant aux ultrariches d’échapper au fisc« .

    Chouette, chouette, chouette. Quand on sait ça, on est heureux de payer ses impôts, nan ?

    Dis monsieur le financier, dessine-moi un CDO… 

    Alors, alors, l’idée de John et ses potes de J.P Morgan tient en quelques mots : inventer un nouveau système de portefeuille d’obligations super pourri appelé CDO. Pas la peine de chercher à comprendre comment fonctionnent les CDO dans le détail, c’est à peu près autant abordable que la physique quantique… Tout ce qu’on peut dire à leur propos c’est qu’ils sont (en gros) des portefeuilles d’actifs qui contiennent des dettes immobilières, mais pas que. Avec aussi des obligations émises par les gouvernements (chouette, ça rassure). Ouais, c’est pas très clair. Mais le principe central qui a foutu le feu sur la planète est quand même en partie ce système qui porte le doux nom de « titrisation ». C’est, en résumé, un système de gestion des créances (donc des dettes, genre des prêts immobiliers) que les banques revendent à des sociétés censés les gérer, les garantir, en fait le plus souvent des fonds d’investissement. On aime bien ça en Amérique, parce que c’est censé être à rendement garanti, les CDO (miam, miam). Dans le cas de nos subprime, c’est un cas d’école : tu vends des crédits immobiliers aux ricains les plus démunis avec écrit en tout petit sur le contrat que leur taux de crédit va bouger en fonction des taux d’intérêts de tout un tas de trucs, mais entre autres le taux directeur de la réserve fédérale américaine (FED). Tu vends aux pauvres ces crédits pourris en 2004, et comme 3 ans plus tard le taux directeur principal de la FED est passé de 1% à 5%, les pauvres ne peuvent plus payer leurs mensualités. Mais pas grave, tu revends ces crédits pourris à des spécialistes de ce genre de trucs qui les titrisent, et donc les transforment en CDO. Et ce qui est très cool, c’est que ces CDO, on se les refile hors marché, on appelle ça de gré à gré, c’est plus discret. Hop, youpla. Ce qui très con, c’est qu’en 2007, après qu’un maximum de pauvres a dû vendre sa maison, le prix de l’immobilier chute en toute logique. Et le prix des maisons étant devenu minable, ben leur vente ne suffit plus à rembourser les créances. Damned ! « On en fait quoi John de nos CDO ? Heu…je sais pas, si on les refilait à des couillons en Europe, hum ? Fucking bastard, you’re a genius, allez, ressers-moi un martini-gin s’il te plaît… »

    Mais…et la crise européenne de la dette, c’est quoi en fait ?

    Allez, let’s go Paulo, on fait rapide, mais on donne des billes quand même. C’est fait de quoi une dette d’Etat, huuuummm ? Par qui elle est détenue ?  Et ben une dette d’Etat elle est faite en premier lieu d’obligations d’Etat. Ah ouais, cool…mais c’est quoi ? Des morceaux de papiers avec marqué dessus « reconnaissance de dette ». Ben ouais. Mais si on peut boursicotter dessus (miser à la baisse ou à la hausse en se les échangeant), c’est quand même de gré-à-gré, comme les CDO. Donc on ne connait pas le volume exact et surtout, surtout, leur taux d’intérêt, à ces obligations, varie en permanence. Fonction de la capacité de l’Etat à rembourser ou pas. Capacité évaluée par…John et ses potes, ce qu’on appelle pudiquement « les marchés ».  Il y a aussi des crédits classique auprès des banques, du FMI, d’autres Etats qui constituent la dette d’un Etat…mais bon, c’est moins important. Niveau Europe, la moitié des dettes dites « souveraines » sont détenues par des banques. Quand on parle de dette souveraine, ça correspond à des obligations émises dans une devise étrangère. Tous ces morceaux de papier qui correspondent à des reconnaissance de dettes sont transformés en bit informatiques pour qu’on puisse se les refiler allègrement entre opérateurs financiers. Tout ça en nano-secondes. Ce qui peut donner 25 000 opérations d’échanges de titres en 14 secondes. Not too bad. Sachant que c’est une intelligence artificielle qui a pris les décisions fonction de critères échangés toujours en nano-secondes avec d’autres intelligences artificielles. Pour finir là dessus, parlons rapidement de la spéculation sur ces dettes souveraines : personne n’a de réponse précise, mais il semble que des produits dérivés de crédits appelés CDS soient en cause. Par exemple les taux d’intérêt des obligations grecques est passé en deux ans (2009-2011) de 5 à…25%. Whaaaaa ! Pas cool pour eux les Grecs. Ben ouais, mais parce que, comme les Frenchies (à peu de chose près), 70% de leur dette est étrangère, aux Grecs. Et que les ventes à découvert permises par les produits financiers super compliqués, les CDS, permettent de faire grimper les taux d’intérêt des obligations. Un CDS c’est un Credit Default Swap : tu vends des crédits pourris super opaques bourrés de trucs différents, genre des CDO, et en version CDS ça te donne une assurance : en gros tu peux tout acheter (et revendre) sans avoir la thune. Ca te permet de faire des transactions super balèzes qui peuvent faire bouger les taux d’intérêt d’une obligation d’Etat sans avoir à t’emmerder à trouver les fonds pour acheter vraiment les obligations. Faut pas pousser non plus : quand t’es un banquier de génie chez J.P Morgan, que tu peux imaginer des trucs comme ça autour de la piscine avec des bimbos, après ton dizième martini-gin, tu peux te fendre la poire un bon coup en pensant à tous ces couillons qui vont devoir aller bosser à vélo jusqu’à 70 ans pour un salaire de 700 euros mensuel quand toi tu émarges à 10 millions de dollars et va faire tes courses de coke en jet privé. Après avoir revendu toutes tes obligations grecques, italiennes, françaises, irlandaises, portugaises, espagnoles, bien entendu… Ah, ouais, la vie est décidément trop trop cool chez J.P Morgan !

    Conclusion  (provisoire) de cette saga des origines (potentielles) de la crise

    Les banques ont perdu un maximum avec les CDO de type subprime, au point qu’il a fallu leur filer du pognon tellement les coffres étaient vides. Puis les fonds d’investissement de spéculation se sont jetés sur les obligations de dettes souveraines avec des CDS et généré cette nouvelle crise financière. Mais cette « crise », dite de la dette, qui est bancaire et spéculative n’est pas le plus inquiétant, ni le centre du problème. Si vous avez bien suivi toute l’histoire vous avez compris que ce qui est appelé « crise » n’en est pas une : c’est un système qui s’est mis en place sur plus de 40 ans, s’est développé, a gonflé et est arrivé aujourd’hui à son paroxysme. Le discours sur la crise des dettes souveraines est aussi débile que de se plaindre de grossir tout en se bourrant de confiseries du soir au matin. Ceux qui détiennent la dette française étaient non-résidents à 32% en 1993, ils sont à plus de 65% aujourd’hui. Ce sont des fonds de pension étatsuniens, des compagnies d’assurance, des grandes banques, des hedge funds. Nos créanciers sont simplement ceux qui ont bouffé la planète. Ils nous dirigent, et par dessus le marché ils spéculent sur la dette qu’ils ont participé à créer. Notre problème est d’avoir une dette publique à 82% parce que les dirigeants ont « oublié » de taxer normalement les multinationales pendant 20 ans tout en les laissant optimiser leurs profits vers les paradis fiscaux. Notre problème est d’avoir permis à nos dirigeants politiques de vendre nos pays à la finance internationale, d’avoir laissé  les multinationales mettre en coupe la planète et dicter leur loi aux Etats. Notre problème est d’avoir laissé se répandre des produits dérivés de crédit à grande échelle, de la spéculation à tous les niveaux (qui affame des peuples quand elle touche les matières premières agricoles), se constituer des monopoles privés de géants industriels plus puissants que les Etats eux-mêmes, l’évasion fiscale vers les paradis fiscaux (avec blanchiment d’argent) devenir la règle des puissants, la volatilité des cours des valeurs boursières par la titrisation se généraliser .

    Tout ce laisser-faire ultra-libéral mis en place avec la complicité et l’assentiment des « responsables politiques » pour qui les peuples ont voté, ont explosé les économies réelles des grandes nations industrielles et est en train d’engendrer une récession mondiale aux effets ravageurs. Alors si tu ne t’appelles pas John, que tu ne travailles pas dans la finance, que tu touches un salaire normal (moins de 50 000 euros par an) mais que tu ne peux pas partir en vacances comme les smicards le faisaient il y a 20, 30 ou 40 ans, dis-toi que tout ça est parfaitement logique. Mais si tu ne fais rien d’autre que de te plaindre en gobant ce que les avocats d’affaire au pouvoir te disent, relis ces articles et cherche le moyen pour collectivement botter le cul  à tous ces escrocs et récupérer le pognon qu’ils nous ont volé depuis des décennies. Amen.

    Prévisions de l’auteur sur l’évolution économique des six à douze prochains mois : 

    Scénario A : crack bancaire et boursier, récession mondiale, achetez des chèvres et des poules, investissez dans un carré de jardin et des bougies.

    Scénario B : restructuration massive des dettes souveraines européennes, mise sous tutelle par le FMI de plusieurs Etats, gouvernance économique européenne non-démocratique. Achetez-vous des masques de « V comme Vendetta », investissez dans les bons du trésor chinois.

    Scénario C : Les chefs d’Etat du G20 décident de mettre en œuvre le programme « Flower Power » : la révolution de la paix et de l’amour est déclarée sur toute la planète, l’argent est aboli, l’appareil productif est entièrement robotisé, plus personne ne travaille. Achetez-vous un bon anti-psychotique pour arrêter de délirer.

    L’origine de la crise (potentielle) se termine ici. Il manque bien entendu plein de choses, comme le fonctionnement économique de l’Europe libérale, la BCE, l’influence des pays en voie de développement, les guerres de l’énergie, la crise monétaire, la Chine et l’Inde comme accélérateurs de la mondialisation, mais l’auteur a besoin de prendre du repos. Et puis le but de cette série d’articles n’était pas de parler de tout ce qui a pu influencer l’état du monde actuel mais donner simplement le maximum d’éléments factuels sur les changements économiques qui nous ont mené là où nous sommes. En espérant que le but a été atteint. Y.M

    Origines de la crise (4) : si tu recules je te dérégule…

    Origines de la crise (3) : i belieeeeve i caaaaan fly

    Origines de la crise (2) : tu l’a vu mon gros baril ?

    Origines de la crise (1) : mais pourquoi, pourquoi, pourquoi…?

    Global economic crisis : comment ça va se passer (ou pas)

     

  • Réforme bancaire


    EDITO
    19/12/2012 à 16h38

    Réforme bancaire : encore une promesse de Hollande qui fait plouf

    Pascal Riché | Redchef Rue89


    Détournement de couverture de Martine

    « Mon véritable adversaire, c’est le monde de la finance », clamait François Hollande dans une formule restée comme le marqueur de sa campagne. Neuf mois plus tard, que reste-t-il de cette volonté de réformer la machine infernale à l’origine des crises de ces dernières années ?

    Hum... La réforme la plus simple, qui consisterait à séparer de façon étanche les activités de banque de dépôt et de banque d’investissement, est en train de passer à la trappe. Le candidat socialiste à la présidentielle proposait de « séparer les activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi, de leurs opérations spéculatives » (engagement n°7), mais depuis, le lobby bancaire n’a pas été inactif : la réforme présentée ce mercredi en Conseil des ministre n’est pas à la hauteur de la promesse.

    L’idée était pourtant simple : une banque ne devrait pas pouvoir faire porter sur sa clientèle « classique » (les déposants, les épargnants, les emprunteurs) le risque de ses jongleries financières. Les pertes de Jérôme Kerviel n’ont rien à voir avec les dépôts ordinaires des clients de la Société générale. Il n’y a aucune raison que les épargnants ou les contribuables payent les pots cassés des activités spéculatives de leurs banques.

    Ça serait un retour « vingt ans en arrière »

    Cette idée poussée par la gauche avant qu’elle ne soit au pouvoir, et que partage de nombreux économistes dans le monde entier, est en passe d’être abandonnée. Dès le mois d’octobre, le ministre de l’Economie et des Finances Pierre Moscovici a pris ses distances :

    « Je pense que si on sépare, on risque de fragiliser les deux activités. »

    Pour finir par juger que ce serait un retour « vingt ans en arrière ».

    L’idée n’est certes pas nouvelle : elle avait fait l’objet d’une loi aux Etats-Unis dès les années 30 (le Glass-Steagall Act) et servi de pierre angulaire bancaire aux Trente Glorieuses en France. Bill Clinton, pressé par les lobbies, avait abrogé la loi et le regrette aujourd’hui publiquement !

    Plus récemment, la séparation a été prônée par un rapport britannique conduit par John Vickers et elle est étudiée dans de nombreux pays. La proposition de Vickers n’est pas radicale : il suggère de filialiser les deux types d’activités au sein de chaque établissement.

    Mais les banques, qui ont peur d’être découpées et de maigrir, ont argué que la qualité de leurs services vient de la diversité de leurs activités. Les activités de marché les rendraient plus compétitives, ce qui aurait un impact favorable sur les conditions de crédit aux particuliers ou aux entreprises...

    Pour un peu, à les écouter, Gordon Gekko, héros du « Wall Street » d’Oliver Stone, serait au service du bas de laine de madame Michu.

    Un simple « pistolet à bouchon » pointé sur les banques

    La vérité c’est que c’est le bas de laine de madame Michu qui sert d’assurance vie aux pirouettes et à la carrière des Gordon Gekko. En effet, si l’Etat, dans plusieurs pays, est intervenu pour soutenir les banques (Citigroup, Royal Bank of Scotland, Dexia..), c’est avant tout pour éviter le chaos général.

    Séparez les activités et Gekko aura du soucis à se faire : en cas d’accident, la liquidation de ses activités sera alors possible sans trop nuire à l’économie. Le contribuable ne sera plus là pour lui sauver la mise.

    Force est de constater que le projet présenté au Conseil des ministres est une reculade par rapport à ce qui était envisagé. La sanctuarisation des activités à risque est réduite à presque rien.

    Exemple que nous fournit Christophe Nijdam, analyste bancaire chez AlphaValue : dans le cas de la BNP, il s’agit de cantonner 0,5% de son « produit net bancaire » (le chiffre d’affaires d’une banque) dans une filiale. « Ce qui n’est que l’épaisseur du trait. On ne peut pas appeler cela une réforme », commente-t-il abruptement.

    Encore moins ambitieux qu’aux Etat-Unis


    Un pistolet en plastique (Noisemedia)

    On peut en revanche l’appeler un pistolet à bouchon, pour reprendre l’expression d’Olivier Berruyer, président de DiaCrisis. Même le trading haute fréquence a été épargné !

    Le projet est moins ambitieux que ce qui a été engagé aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne. Et bien moins ambitieux que le projet de réforme bancaire européen à l’étude, connu sous le nom de rapport Liikanen. Pour reprendre l’exemple de Nijdam, l’application minimaliste de Liikanen cantonnerait, toujours dans le cas de la BNP, 13% de son produit net bancaire, soit 26 fois plus !

    Pierre Moscovici avait promis qu’avec la réforme bancaire, il y aurait un « avant » et un « après ». Sauf si le gouvernement ou les députés se ressaisissent, il n’y aura en réalité qu’un « avant » qui perdure.

    Pour le monde « d’après », celui dans lequel la finance sera remise à sa place, celle d’un outil au service de l’économie, il faudra attendre. Et hélas, probablement attendre la prochaine crise.

     
  • L’Algérie vers la prohibition de fait de l’alcool

    L’Algérie vers la prohibition de fait de l’alcool : entre tabou et hypocrisie 

    Aucune loi n’interdit de boire d’alcool en Algérie, ni de le commercialiser, ni de le produire ! Mais qu’en est-il sur le terrain ?

    « Plus aucun bar n’existe à Constantine. Ni à Chlef, Tlemcen, Batna ou Boumerdès. A Sétif, il n’en reste plus que deux. A Alger, autrefois réputée pour ses nombreux bistrots, une quinzaine seulement subsistent. Le 23 janvier, deux des plus vieux estaminets bien connus dans la capitale algérienne, la Butte et la Toison d’or, ont baissé leur rideau », relèvait cette année le quotidien suisse Le Temps.

    Les uns après les autres, les bars ferment en cédant la place aux débits de boissons informels qui commercialisent leur marchandise sans aucun respect pour les passants, ni pour la nature, en jetant les cannettes et bouteilles de verre dans les espaces publics.

    Cette situation contredit la volonté du ministère du Commerce, qui a émis une « note » en 2006 pour imposer aux débits de boissons de se mettre en conformité avec les règles de sécurité et de renouveler chaque année leur inscription sur le registre de commerce.

    Six ans après, que se passe‑t‑il ? Nombreux sont les propriétaires de bars qui ont perdu leur agrément, sans espoir de le récupérer. Beaucoup, parmi eux, ont préféré se convertir dans le fast‑food.

    De plus, des pétitions populaires de résidents protestant contre les nuisances que généreraient les bars ont été lancées, appuyées par la médiatisation de certains titres de presses connus pour leur ligne éditoriale.

    Cependant, la violence et l’insécurité s’est multipliée et elle s’est étendue à d’autres espaces, jusque‑là épargnés.

    L’Algérie glisse-elle vers la prohibition ? En moyenne, selon l’Association des producteurs algériens de boissons (Apab), les Algériens consomment 1,1 million d’hectolitres de bière par an, 500  000  hectolitres de vin, et 80  000 à 100  000 hectolitres de spiritueux.

    Production en hausse 

    Ils ont produit 400 000 hectolitres de vin en 2007, et en 2012, selon Euromonitor International. La production de vin en Algérie a connu une augmentation de l’ordre de 3% en 2011.

    L’Algérie était le premier exportateur au monde et le quatrième plus gros producteur de vin il y a 50 ans, avec un volume de 18 millions d’hectolitres. Cette production apportait, et apporte encore, des sommes considérables en devises versées dans les caisses de l’Etat, après l’or noir.

    Malgré la fermeture des bars, la production de vin n’a pas été affectée ; au contraire : selon le leader mondial dans la recherche stratégie pour les marchés de consommation, celle‑ci a même progressé.

    Comment expliquer cette antinomie ? Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène :

    • d’une part, le problème est idéologique au niveau individuel (la morale religieuse) ;
    • et d’autre part le changement générationnel, qui est en forte corrélation avec le premier facteur, mais également en lien avec le savoir‑faire dans le domaine.

    Boire pour oublier les malaises 

    Cependant, l’idée répandue dans notre société est que boire de l’alcool sert à oublier quelques instants ses problèmes et que ce n’est pas une question gastronomique.

    Ainsi, l’augmentation de la consommation est plus liée aux évolutions et aux malaises multidimensionnels (culturel, social, économique, etc.) qui secouent la société algérienne. Autrement dit, l’alcool est devenu une issue pour alléger les souffrances et les frustrations quotidiennes.

    L’alcool et le cannabis sont devenus des consommations qui traduisent le mal‑être de l’Algérien. Des études sociologiques pourraient nous éclairer sur ce phénomène.

    Pour répondre à la question de savoir si l’Algérie glisse vers la prohibition, la réponse est oui et non.

    Car sur le plan législatif, rien ne l’interdit, mais sur le plan social, sociétal, effectivement, avec l’arrivée d’une nouvelle génération qui n’a vécu la différence ni dans l’espace privé, ni dans l’espace public, s’amorcent des comportements hypocrites, c’est‑à‑dire, d’un côté une consommation d’alcool clandestine, – comme la question de la prostitution – et la consommation du cannabis ! , pour alléger le mal‑être, et de l’autre côté, une moralisation religieuse pour satisfaire sa culpabilité de « pécheur ».

    Morale religieuse et valeurs républicaines 

    Effectivement, quand on écoute le wali d’Alger, lors d’une conférence en octobre dernier au cours de laquelle il expliquait qu’il n’existe aucune politique du gouvernement ni des autorités locales visant à éradiquer le commerce des boissons alcoolisées et des spiritueux, on ne relève rien de bien extraordinaire.

    Jusqu’à ce qu’il ajoute (cité par Le Soir d’Algérie le 28 octobre 2012) :

    « Seul Dieu, qu’il me pardonne d’ailleurs, sait le nombre de licences que j’ai délivrées personnellement pour l’ouverture de nouveaux restaurants commercialisant des boissons alcoolisées. »

    Un autre exemple, rapporté par un chroniqueur judiciaire dans le journal L’Expression, concerne une juge algéroise qui, s’adressant à deux jeunes surpris en état d’ébriété la veille de l’Aïd El Kebir à El Biar, a tenu ces propos :

    « Ecoutez, en qualité de juge chargée d’appliquer la loi, je peux passer à la répression et vous infliger une lourde peine d’emprisonnement ferme qui s’achèvera bien un jour.

    Par contre, ce qui vous attend, c’est la punition qu’Allah vous réserve. D’ailleurs Il n’a pas attendu : vous étiez ivres le jour d’Arafat, soit la veille du 10 Dou El Hidja, les dix jours sacrés où l’interdit et le péché ne doivent pas avoir de place.

    Vous avez manqué la prière de l’Aïd, la cérémonie du sacrifice des moutons que vous gardiez quelques heures auparavant et vous n’avez reçu aucun vœu de vos parents ni présenté les vôtres à vos proches, sans compter que vous avez passé la fête aux “Quatre Ha” d’El Harrach ».

    Ces deux exemples montrent l’évolution de la moralisation religieuse dans notre société.

    La morale religieuse n’est plus astreinte au niveau individuel et cultuel dans la société algérienne, elle est devenue l’essence de la gestion de la cité et des rapports sociaux, cela explique le recul des partis politiques de tendance religieuse dans les deux dernières élections.

    Car leur projet de société n’est plus exclusivement à eux, il s’est désormais popularisé. Autrement dit, le projet d’une société religieuse s’est étendu aux partis populaires et nationalistes. La religion s’est politisée, ainsi, elle est omniprésente dans l’espace politique. La sécularisation des institutions de la République reste lettre morte.

    L’alcool et la violence 

    « Le nombre de crimes ne cesse d’augmenter, les bagarres sont de plus en plus nombreuses entre consommateurs d’alcool et habitants honnêtes des quartiers […] En hausse, le nombre des personnes atteintes de diabète trouve son origine dans la prolifération des magasins de vente de vins et liqueurs », écrivent [deux anciens dirigeants du Front islamique du salut, ndlr] Abdelfatah Zeraoui Hamadache et El Hachemi Sahnouni, dans un communiqué commun rendu public mardi 4 octobre 2011.

    Réduire le phénomène de la violence en Algérie à la consommation d’alcool me semble être une réflexion simplifiée et simpliste, elle ne prend guère en compte l’ensemble des facteurs qui engendrent la violence, dont la décennie noire !

    Ainsi, les causes de la violence en Algérie sont multiples du politique à l’historique, en passant par le dogmatique et l’évolution sociale ! La violence n’est pas une malédiction divine, elle est le produit de l’homme !

    Un petit rappel historique s’impose. Des années 60 jusqu’aux années 90, les boissons alcoolisées se vendaient dans les « souks el fellah » sans poser aucun problème aux Algériens. Les bars et leurs terrasses étaient ouvertement fréquentés, sans aucun débordement.

    Comment explique‑t‑on la baisse du crime et de la violence à cette époque ? Y a‑t‑il quelque chose qui a changé ? Oui, le nombre de bars s’est réduit et les espaces de vente se sont centralisés dans certaines villes uniquement.

    Cependant, contrairement à ce que les autorités prétendent, la violence a augmenté. La solution ne se trouve pas dans l’interdiction, ni dans la fermeture des bars, mais au contraire, à mon avis, dans la multiplication des points de vente pour mieux les maîtriser, sur tous les plans : écologique, sécuritaire, sanitaire et enfin, au niveau fiscal.

    La voie répressive n’est pas la bonne 

    C’est bien d’être idéaliste, de penser que la politique répressive pourrait donner des résultats. Or, la répression peut augmenter la consommation, l’interdiction augmenter la clandestinité et redoubler le désir, comme dit Georges Bataille.

    La voie répressive suivie jusqu’à maintenant dans plusieurs domaines (lois sur les harragas, sur les conversions, sur la consommation d’alcool, sur la sécurité routière, etc.) n’ont pas réussi à faire baisser les phénomènes interdits, au contraire, ils les ont aggravés, comme un sentiment d’injustice s’amplifie.

    Réfléchir à associer l’université par des études sociologiques avant d’entamer un projet de loi, un décret ou une note, quand il s’agit d’un phénomène social me semble plus judicieux et plus porteur à long terme, car avancer d’un seul point de vue mène souvent à l’échec !

     
  • Rouler sous une pluie battante

     

    La folie de ces gens.

    Vidéo illustrative

    Rouler à tomb(r)eaux ouverts

    JPEG - 13.2 ko

    Ils doivent tous être équipés de ce gentil coyote qui annonce à l'avance radars fixes ou mobiles, ce procédé hypocrite pour cinglés du champignon et roi de l'incivisme automobile ! Ils nous doublent dans une visibilité improbable, sur une route couverte d'eau. Ils se pensent au-dessous des règles élémentaires de la sécurité et de la prudence.

    Je ne parle même pas de cette mesure pratiquement jamais appliquée de la limitation de la vitesse par temps de pluie. Les radars, pour le prix qu'ils ont coûté à la collectivité ne remplissent même pas cette mesure de prudence, la seule qui conviendrait vraiment à ces mouchards aveugles ; réduire la vitesse des fous furieux quand il pleut !

    Ils foncent dans la brume et le brouillard, ils restent tout un trajet sur la troisième file, celle des seigneurs de la route, des possesseurs de grosses berlines, des gens au porte-feuille souvent rembourré et à la conscience collective inversement proportionnelle. Ils se croient invulnérables dans leurs grosses voitures, surpuissants dans leur confort factice.

    Ils sont en faute et pourtant si par malheur vous veniez à dépasser trop lentement à leur gré un poids-lourds, ils vous font appels de phares et menaces diverses. Ils vous collent pour montrer leur exaspération et leur désir de vous passer sur le corps. Ils sont furieux, vous devinez à leurs gestes les tombereaux d'injures qu'ils vous déversent pour avoir ralenti de quelques secondes leur marche triomphale vers la mort au volant.

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    Il y a 6 jours - 32 minutes

    22 Décembre 2012,Lille,sous une pluie battante et glaciale,des associations de soutien aux sans (...)

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    Car la route, en dépit de la fiscalité routière reste un espace de pure folie. Bien sûr, le plus grand nombre, lassé du racket d'état ou convaincu par civisme de cette nécessité collective, a depuis longtemps rangé ses prétentions de vitesse au rayon des souvenirs anciens. C'est une petite frange de conducteurs irascibles qui reste insensible à cette prudence élémentaire.

    Ceux-là sont bardés désormais d'électronique pour traquer le radar et le policier. Ils sont protégés par des véhicules de plus en plus massifs, de plus en plus dangereux pour les autres. Ils sont souvent dissimulés derrière des vitres opaques ou fumées pour échapper à la vue de la plèbe. Ils sont les seigneurs en tout lieu ou pour toute chose.

    Alors que ce soit la pluie, le brouillard, la neige ou bien des travaux, ils sont dispensés des règles communes. Ce sont les décideurs, les profiteurs, les jouisseurs de cette société inique. Ils arrivent parfois qu'un pauvre bougre désargenté rejoigne cette cohorte incivique. La griserie de la vitesse lui donne ainsi l'impression d'appartenir à cette caste supérieure.

    Je sais, je fais une fixation sur ces braves gens qui s'offrent, parce qu'ils l'ont mérité naturellement par un travail acharné et des mérites incommensurables de grosses berlines, allemandes la plupart du temps, tout terrain de plus en plus souvent ! Je suis d'une parfaite mauvaise foi, jaloux, envieux, mesquin et tout ce que vous trouverez encore à me dire. Mais prenez la peine d'observer ceux qui vous doublent ainsi en dépit de la raison et vous me direz si je me trompe vraiment.

    Mourir en voiture, c'est bien la plus stupide, la plus absurde, la plus choquante des manières de quitter cette vallée de larmes. Comment se fait-il encore qu'il y ait des inconscients qui ne perçoivent pas ce risque démoniaque. Si seulement ces montres d'égoïsme avaient la décence de réserver cette issue fatale qu'à eux-mêmes, mais souvent ce sont de pauvres bougres, qui ne demandaient rien à personne qui trinquent à leur place.

    La route demeure l'espace qui révèle la stupidité d'un petit nombre de sinistres personnages. Parce que l'état a fait le choix de la répression aveugle et si rentable, nous n'avons pas une police de la route pour ramener à la raison (si c'est possible) ces pauvres fous toujours pressés, toujours plus malins que les autres. La pluie continue de tomber, ils foncent et je les maudis !

    Prudemmment leur.

  • Mangeons et buvons… c’est Noël !

     

    La scène qui va être narrée est absolument authentique. Elle a inspiré quelques considérations sur le sens (éventuel) de la vie.

    21 décembre 2012, à la Poste. Nous sommes trois dans le bureau : la postière, avec qui je viens de traiter, moi-même donc, puis une charmante dame aux très beaux cheveux gris, qui connaît bien la préposée. Tandis que je trie quelques lettres, elle se met à raconter ce qui enchante sa vie :

     « Mon mari s’est fait plaisir. Il est retraité, il s’est commandé un 4x4 Volkswagen, et celui-ci est arrivé ! Le père Noël a été généreux ! Oh, notre voiture marchait tout à fait bien, mais il a eu envie d’en acheter une autre. Pour faire de la route, pour doubler, aller dans la neige, c’est parfait. Nous allons passer Noël en Dordogne. Mais on ne partira que la veille, parce que mon mari veut aller à la chasse. D’ailleurs, comme il ne veut pas salir le 4x4, il va prendre ma Twingo. »

     Un peu par provocation, je parle de ma R 25 de vingt et un ans qui, cet été, a vaillamment avalé 4 000 km de routes espagnoles sans le moindre problème :

     « Oh ! nous avions une R 25, il y a des années ! C’était une voiture magnifique, jamais le moindre problème. Un matin, mon mari m’a dit : ‘Je t’offre le petit-déjeuner à La Rochelle !’ On est partis, et comme il n’y avait pas de circulation, on a fait le trajet avec cette R 25 en moins de trois heures ! »

     Cette dame n’était vraiment pas désagréable. Elle ne cherchait même pas à frimer. Elle racontait son bonheur, son mari capable de la faire rêver avec un plein d’essence pour aller manger des croissants, et aujourd’hui avec son inutile 4x4. Probablement a-t-elle oublié de parler de leur camping-car, must du retraité qui ne sait pas quoi faire de ses sous. Elle aurait pu parler des voyages en avion ou des croisières qu’ils se sont payés. À n’en pas douter, la vie n’est pour elle et son époux qu’une longue vacance et une oasis de consommation.

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    Il y a 7 mois - 1 minute

    Étonnante reprise de la célèbre musique du film Requiem For a Dream par un groupe pour le moins original.

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     Pendant ce temps, il y a des gens qui n’ont pas de quoi se chauffer, des vieux qui mangent des boîtes de Ronron, des ouvriers qui se disent : « J’voudrais travailler encore/ Forger l’acier rouge avec mes mains d’or » (Lavilliers).

    Peut-être sont-ce les sidérurgistes de Florange qui ont fourni l’acier à Volkswagen… Il faut consommer, même n’importe quoi, pour soutenir nos industries et, ici, celles des Allemands. Il n’en reste pas moins qu’il y a en France (et ailleurs) des gens dont le problème est le suivant : Comment vais-je dépenser mon argent ?, et d’autres dont le problème symétrique est : Quel argent va-t-il me rester à dépenser ?

    Trop d’inégalités (et cette dame n’était pas la femme de Depardieu !). Trop d’écarts entre les gens aisés trop aisés, et les pauvres trop pauvres.

    Et surtout, trop de non-sens dans tout ça. Des gens qui rêvent de posséder plus, et des dealers de banlieue dont le rêve est de leur ressembler.

    Camus écrit dans La peste  : « Il peut y avoir de la honte à être heureux tout seul. » J’ose espérer que ce chasseur en 4x4 et sa charmante épouse ne gardent pas tout leur fric pour eux tout seuls. Si la fin du monde, comme prévu, n’est pas pour tout de suite, il y a une autre échéance : la fête de Noël où, faut-il le rappeler, on célèbre la naissance de Celui qui est venu nous sauver de notre médiocrité, de notre égoïsme, et du non-sens d’une vie qui n’a que cette vie présente comme perspective ultime. « Mangeons et buvons, car demain nous mourrons » (La Bible, És 2.13, 1 Co 15.32). Certes, mais il y a diverses façons de manger et de boire, et diverses façons de mourir, le moment venu.

    En un mot comme en cent : Qu’est-ce que nous foutons sur terre ?…