Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Origines de la crise (fin)

Origines de la crise (fin) : CDO et p’tites pépées 

(ou comment développer un système financier planétaire hyper casse-gueule qui affame la moitié de la planète, déstabilise l’économie du reste du monde et enrichit une poignée de tarés en costard-cravate adeptes des martini-gin et des clubs de streching…)

 

Si vous voulez connaître les derniers détails du raz-de-marée parti en 2007 depuis le pays des adeptes des dindes géantes de Thanks-Giving, raz-de-marée qui s’est pointé en 2008 en Europe (pour être vaguement colmaté à coups de renflouement des banques) et qui s’est de nouveau répandu en 2011, c’est maintenant qu’il faut rester vigilant. Tout réside dans la bonne compréhension des épisodes précédents : c’est à partir de tout cet enchaînement historique (décrit dans les épisodes ouane, tou, fri, faure) qu’on peut arriver à capter comment, à la charnière du XXème et du XXIème siècle, le système s’emballe encore un peu plus pour donner l’hérésie actuelle. Autant dire un système financier déchaîné, sauvage, débridé, et sous l’effet d’une hypertrophie telle que des nations industrielles ultra riches ne sont plus en capacité de lui résister.

« On est les maîtres du mooooooonde ! »

Tenez-vous bien à votre clavier, les annonces qui vont suivre ne sont pas des plaisanteries. La période entre 1995 et 2005 voit les fusions-acquisitions des grandes entreprises se multiplier dans tous les secteurs : normal l’OMC et le FMI encouragent la concurrence planétaire, il faut donc grossir pour écraser les adversaires. Petit problème d’ordre éthique : parmi les 200 plus grosses multinationales de l’époque, certaines ont des chiffres d’affaire  plus importants que le PIB du Portugal ou du Danemark. Les autres dépassent les PIB de n’importe quel pays africain. Par exemple, le chiffre d’affaire de Ford en 1999 est de plus de 175 milliard de dollars, le PIB du Danemark de 173 milliards, celui du Portugal, de 126. Il n’est pas compliqué d’imaginer ce qu’il est possible de pratiquer en termes de lobbying politique quand on possède des arguments pareils, hein ? Mais pour arriver à financer tous ces rachats et accroître les parts de marchés et autres investissements all- around-the-world, il faut emprunter un maximum de pépettes. Pas de problème ! On a des solutions dans les tiroirs mon grand, tu vas voir comment qu’on va tous se goinfrer sans trop d’efforts.

Devine qui vient dîner dans mon hedge-fund ?

Là, il faut avouer que c’est un peu coton, parce que plus grand monde ne sait exactement comment ça marche ce système des hedge funds. On peut dire quand même que ce sont eux qui financent les entreprises et les investisseurs institutionnels (suivez mon regard), qu’ils jouent avec des portefeuilles sur tous les registres, sans contrôle : cotations en bourse, marché de change des monnaies, immobilier, matières premières… Ces mecs là existent depuis longtemps (les années 50) mais leur pouvoir de nuisance s’est accru ces derniers temps (on comprend pourquoi en relisant les épisodes précédents). Pour plus de pertinence, autant s’appuyer sur un type qui s’est donné la peine de bosser dessus et dont l’article (publié en 2006 dans le « Monde diplomatique ») est assez éloquent à leur sujet. Extrait de « une économie d’apprentis sorciers », par Gabriel Kolko :

« Il existe au moins dix mille hedge funds, dont les quatre cinquièmes sont domiciliés dans les îles Caïmans. Toutefois, quatre cents d’entre eux, qui gèrent chacun au moins 1 milliard de dollars, réalisent à eux seuls 80 % des opérations. En l’état actuel, il n’existe aucun moyen de les réglementer. Ces fonds spéculatifs détiennent plus de 1 500 milliards de dollars d’actifs, et le chiffre d’affaires quotidien de leurs opérations sur les produits dérivés globaux approche les 6 000 milliards de dollars – soit environ la moitié du produit national brut des Etats-Unis. Dans le climat d’euphorie des cinq dernières années, la plupart ont gagné, mais quelques-uns ont perdu. Ainsi, en un an (d’août 2005 à août 2006), près de mille neuf cents hedge funds ont vu le jour, mais cinq cent soixante-quinze autres ont été mis en liquidation. L’agence de notation Standard & Poor’s voudrait bien évaluer leur solvabilité, mais elle ne l’a toujours pas fait. »

Ah ouais, c’est ballot que Standard & Poor’s évalue notre solvabilité nationale (pour abaisser notre note) mais n’évalue pas celle des hedge funds. Vraiment trop ballot.  Mais ça devient encore plus amusant quand on continue à lire l’article :

« /…les clauses juridiques destinées à protéger les investisseurs se sont réduites en nombre, les prêteurs ont moins de possibilités de contraindre les entreprises mal gérées à se déclarer en cessation de paiement. Conscients que leurs paris sont de plus en plus risqués, les hedge funds s’arrangent pour qu’il soit beaucoup plus difficile de retirer l’argent avec lequel ils spéculent. Les opérateurs se sont repositionnés en intermédiaires entre les emprunteurs traditionnels – nationaux et privés – et les marchés ; ce qui contribue à déréglementer un peu plus encore la structure financière mondiale et à augmenter sa vulnérabilité aux crises. Ils recherchent des retours sur investissements élevés et prennent pour cela des risques de plus en plus grands. »

Oh, les gars, j’ai eu une idée : et si on leur refilait des milliards de crédits merdeux incompréhensibles ? Ooooooh ouais, t’es trop génial John, viens là qu’on t’embrasse ! (bruits de verres qui tintent accompagnés de gloussements féminins).

Nous sommes obligés d’arriver à cette affaire des subprimes. Forcément. Extrait (toujours du même article de 2006 de Kolko) à propos des produits dérivés :

« Personne ne peut dire exactement ce que sont les produits dérivés de crédit. Pas même Gillian Tett, principale responsable de la rubrique des marchés de capitaux au Financial Times, qui a pourtant enquêté. Le produit est né, il y a une dizaine d’années (donc autour de 1995, ndlr), lors d’une réunion de certains dirigeants de la banque J. P. Morgan, à Boca Raton, en Floride : entre deux cocktails, et avant de se pousser les uns les autres dans la piscine, ils eurent l’idée d’un nouvel instrument financier, qu’ils voulaient suffisamment complexe pour ne pas être imité facilement (le droit d’auteur n’existe pas en matière de finance) et qui devait leur rapporter gros.…/…Aux yeux de l’investisseur américain Warren Buffet, bien placé pour connaître tous les dessous de la finance, les dérivés de crédit sont des « armes financières de destruction massive ». Alors qu’ils représentent théoriquement une assurance contre les risques de défaut de paiement, ils encouragent des paris encore plus hasardeux et une nouvelle expansion des prêts. Enron en fit abondamment usage, ce qui fut l’un des secrets de sa réussite – et de sa banqueroute finale, qui s’est traduite par un trou de 100 milliards de dollars. Totalement opaques, les dérivés de crédit ne font l’objet d’aucune surveillance réelle. Nombre de ces « produits » innovants, selon un directeur financier, « n’existent que dans le cybermonde et sont seulement des moyens permettant aux ultrariches d’échapper au fisc« .

Chouette, chouette, chouette. Quand on sait ça, on est heureux de payer ses impôts, nan ?

Dis monsieur le financier, dessine-moi un CDO… 

Alors, alors, l’idée de John et ses potes de J.P Morgan tient en quelques mots : inventer un nouveau système de portefeuille d’obligations super pourri appelé CDO. Pas la peine de chercher à comprendre comment fonctionnent les CDO dans le détail, c’est à peu près autant abordable que la physique quantique… Tout ce qu’on peut dire à leur propos c’est qu’ils sont (en gros) des portefeuilles d’actifs qui contiennent des dettes immobilières, mais pas que. Avec aussi des obligations émises par les gouvernements (chouette, ça rassure). Ouais, c’est pas très clair. Mais le principe central qui a foutu le feu sur la planète est quand même en partie ce système qui porte le doux nom de « titrisation ». C’est, en résumé, un système de gestion des créances (donc des dettes, genre des prêts immobiliers) que les banques revendent à des sociétés censés les gérer, les garantir, en fait le plus souvent des fonds d’investissement. On aime bien ça en Amérique, parce que c’est censé être à rendement garanti, les CDO (miam, miam). Dans le cas de nos subprime, c’est un cas d’école : tu vends des crédits immobiliers aux ricains les plus démunis avec écrit en tout petit sur le contrat que leur taux de crédit va bouger en fonction des taux d’intérêts de tout un tas de trucs, mais entre autres le taux directeur de la réserve fédérale américaine (FED). Tu vends aux pauvres ces crédits pourris en 2004, et comme 3 ans plus tard le taux directeur principal de la FED est passé de 1% à 5%, les pauvres ne peuvent plus payer leurs mensualités. Mais pas grave, tu revends ces crédits pourris à des spécialistes de ce genre de trucs qui les titrisent, et donc les transforment en CDO. Et ce qui est très cool, c’est que ces CDO, on se les refile hors marché, on appelle ça de gré à gré, c’est plus discret. Hop, youpla. Ce qui très con, c’est qu’en 2007, après qu’un maximum de pauvres a dû vendre sa maison, le prix de l’immobilier chute en toute logique. Et le prix des maisons étant devenu minable, ben leur vente ne suffit plus à rembourser les créances. Damned ! « On en fait quoi John de nos CDO ? Heu…je sais pas, si on les refilait à des couillons en Europe, hum ? Fucking bastard, you’re a genius, allez, ressers-moi un martini-gin s’il te plaît… »

Mais…et la crise européenne de la dette, c’est quoi en fait ?

Allez, let’s go Paulo, on fait rapide, mais on donne des billes quand même. C’est fait de quoi une dette d’Etat, huuuummm ? Par qui elle est détenue ?  Et ben une dette d’Etat elle est faite en premier lieu d’obligations d’Etat. Ah ouais, cool…mais c’est quoi ? Des morceaux de papiers avec marqué dessus « reconnaissance de dette ». Ben ouais. Mais si on peut boursicotter dessus (miser à la baisse ou à la hausse en se les échangeant), c’est quand même de gré-à-gré, comme les CDO. Donc on ne connait pas le volume exact et surtout, surtout, leur taux d’intérêt, à ces obligations, varie en permanence. Fonction de la capacité de l’Etat à rembourser ou pas. Capacité évaluée par…John et ses potes, ce qu’on appelle pudiquement « les marchés ».  Il y a aussi des crédits classique auprès des banques, du FMI, d’autres Etats qui constituent la dette d’un Etat…mais bon, c’est moins important. Niveau Europe, la moitié des dettes dites « souveraines » sont détenues par des banques. Quand on parle de dette souveraine, ça correspond à des obligations émises dans une devise étrangère. Tous ces morceaux de papier qui correspondent à des reconnaissance de dettes sont transformés en bit informatiques pour qu’on puisse se les refiler allègrement entre opérateurs financiers. Tout ça en nano-secondes. Ce qui peut donner 25 000 opérations d’échanges de titres en 14 secondes. Not too bad. Sachant que c’est une intelligence artificielle qui a pris les décisions fonction de critères échangés toujours en nano-secondes avec d’autres intelligences artificielles. Pour finir là dessus, parlons rapidement de la spéculation sur ces dettes souveraines : personne n’a de réponse précise, mais il semble que des produits dérivés de crédits appelés CDS soient en cause. Par exemple les taux d’intérêt des obligations grecques est passé en deux ans (2009-2011) de 5 à…25%. Whaaaaa ! Pas cool pour eux les Grecs. Ben ouais, mais parce que, comme les Frenchies (à peu de chose près), 70% de leur dette est étrangère, aux Grecs. Et que les ventes à découvert permises par les produits financiers super compliqués, les CDS, permettent de faire grimper les taux d’intérêt des obligations. Un CDS c’est un Credit Default Swap : tu vends des crédits pourris super opaques bourrés de trucs différents, genre des CDO, et en version CDS ça te donne une assurance : en gros tu peux tout acheter (et revendre) sans avoir la thune. Ca te permet de faire des transactions super balèzes qui peuvent faire bouger les taux d’intérêt d’une obligation d’Etat sans avoir à t’emmerder à trouver les fonds pour acheter vraiment les obligations. Faut pas pousser non plus : quand t’es un banquier de génie chez J.P Morgan, que tu peux imaginer des trucs comme ça autour de la piscine avec des bimbos, après ton dizième martini-gin, tu peux te fendre la poire un bon coup en pensant à tous ces couillons qui vont devoir aller bosser à vélo jusqu’à 70 ans pour un salaire de 700 euros mensuel quand toi tu émarges à 10 millions de dollars et va faire tes courses de coke en jet privé. Après avoir revendu toutes tes obligations grecques, italiennes, françaises, irlandaises, portugaises, espagnoles, bien entendu… Ah, ouais, la vie est décidément trop trop cool chez J.P Morgan !

Conclusion  (provisoire) de cette saga des origines (potentielles) de la crise

Les banques ont perdu un maximum avec les CDO de type subprime, au point qu’il a fallu leur filer du pognon tellement les coffres étaient vides. Puis les fonds d’investissement de spéculation se sont jetés sur les obligations de dettes souveraines avec des CDS et généré cette nouvelle crise financière. Mais cette « crise », dite de la dette, qui est bancaire et spéculative n’est pas le plus inquiétant, ni le centre du problème. Si vous avez bien suivi toute l’histoire vous avez compris que ce qui est appelé « crise » n’en est pas une : c’est un système qui s’est mis en place sur plus de 40 ans, s’est développé, a gonflé et est arrivé aujourd’hui à son paroxysme. Le discours sur la crise des dettes souveraines est aussi débile que de se plaindre de grossir tout en se bourrant de confiseries du soir au matin. Ceux qui détiennent la dette française étaient non-résidents à 32% en 1993, ils sont à plus de 65% aujourd’hui. Ce sont des fonds de pension étatsuniens, des compagnies d’assurance, des grandes banques, des hedge funds. Nos créanciers sont simplement ceux qui ont bouffé la planète. Ils nous dirigent, et par dessus le marché ils spéculent sur la dette qu’ils ont participé à créer. Notre problème est d’avoir une dette publique à 82% parce que les dirigeants ont « oublié » de taxer normalement les multinationales pendant 20 ans tout en les laissant optimiser leurs profits vers les paradis fiscaux. Notre problème est d’avoir permis à nos dirigeants politiques de vendre nos pays à la finance internationale, d’avoir laissé  les multinationales mettre en coupe la planète et dicter leur loi aux Etats. Notre problème est d’avoir laissé se répandre des produits dérivés de crédit à grande échelle, de la spéculation à tous les niveaux (qui affame des peuples quand elle touche les matières premières agricoles), se constituer des monopoles privés de géants industriels plus puissants que les Etats eux-mêmes, l’évasion fiscale vers les paradis fiscaux (avec blanchiment d’argent) devenir la règle des puissants, la volatilité des cours des valeurs boursières par la titrisation se généraliser .

Tout ce laisser-faire ultra-libéral mis en place avec la complicité et l’assentiment des « responsables politiques » pour qui les peuples ont voté, ont explosé les économies réelles des grandes nations industrielles et est en train d’engendrer une récession mondiale aux effets ravageurs. Alors si tu ne t’appelles pas John, que tu ne travailles pas dans la finance, que tu touches un salaire normal (moins de 50 000 euros par an) mais que tu ne peux pas partir en vacances comme les smicards le faisaient il y a 20, 30 ou 40 ans, dis-toi que tout ça est parfaitement logique. Mais si tu ne fais rien d’autre que de te plaindre en gobant ce que les avocats d’affaire au pouvoir te disent, relis ces articles et cherche le moyen pour collectivement botter le cul  à tous ces escrocs et récupérer le pognon qu’ils nous ont volé depuis des décennies. Amen.

Prévisions de l’auteur sur l’évolution économique des six à douze prochains mois : 

Scénario A : crack bancaire et boursier, récession mondiale, achetez des chèvres et des poules, investissez dans un carré de jardin et des bougies.

Scénario B : restructuration massive des dettes souveraines européennes, mise sous tutelle par le FMI de plusieurs Etats, gouvernance économique européenne non-démocratique. Achetez-vous des masques de « V comme Vendetta », investissez dans les bons du trésor chinois.

Scénario C : Les chefs d’Etat du G20 décident de mettre en œuvre le programme « Flower Power » : la révolution de la paix et de l’amour est déclarée sur toute la planète, l’argent est aboli, l’appareil productif est entièrement robotisé, plus personne ne travaille. Achetez-vous un bon anti-psychotique pour arrêter de délirer.

L’origine de la crise (potentielle) se termine ici. Il manque bien entendu plein de choses, comme le fonctionnement économique de l’Europe libérale, la BCE, l’influence des pays en voie de développement, les guerres de l’énergie, la crise monétaire, la Chine et l’Inde comme accélérateurs de la mondialisation, mais l’auteur a besoin de prendre du repos. Et puis le but de cette série d’articles n’était pas de parler de tout ce qui a pu influencer l’état du monde actuel mais donner simplement le maximum d’éléments factuels sur les changements économiques qui nous ont mené là où nous sommes. En espérant que le but a été atteint. Y.M

Origines de la crise (4) : si tu recules je te dérégule…

Origines de la crise (3) : i belieeeeve i caaaaan fly

Origines de la crise (2) : tu l’a vu mon gros baril ?

Origines de la crise (1) : mais pourquoi, pourquoi, pourquoi…?

Global economic crisis : comment ça va se passer (ou pas)

 

Les commentaires sont fermés.