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  • La politique d’immigration de Manuel Valls au guéantomètre

    Camille Polloni | Journaliste Rue89

    Si le ministre de l’Intérieur marche sur les pas de son prédécesseur sur le nombre d’expulsions, il diverge sur l’accueil des étudiants. Décryptage en 10 points.

    SUJET SUGGÉRÉ PAR
    UN INTERNAUTE

    La comparaison plane sur son ministère. Pour ceux qui, comme François Delapierre (Front de Gauche) situent Manuel Valls à « l’extrême droite du mouvement socialiste », le ministre de l’Intérieur marcherait dans les traces de son prédécesseur, Claude Guéant.

    Jean-Luc Mélenchon va encore plus loin dans le JDD ce dimanche, en affirmant que Manuel Valls « chasse sur les terres » de Marine Le Pen, qui l’aurait « contaminé ».

    POPULARITÉ RECORD
    Dans un sondage Ifop commandé par le JDD, 61% des personnes interrogées se disent « satisfaites »de l’action de Manuel Valls, loin devant les autres membres du gouvernement. D’autres études d’opinion réalisées depuis 2012 tendent à montrer la popularité record du ministre de l’Intérieur.

    Les commentateurs de Rue89 ne sont pas en reste. Pour certains, Valls ne serait « pas vraiment » de gauche, donnant les mêmes coups de menton que Sarkozy et aussi inflexible que Guéant avec les sans-papiers.

    Pour se faire une idée plus informée des ressemblances et des différences entre leurs politiques d’immigration, petite plongée dans les chiffres disponibles.

    Démarcation sur le droit d’asile ?

    Manuel Valls marche droit dans les traces de Claude Guéant en ce qui concerne le nombre d’expulsions, de régularisations et de naturalisations. Sa politique diverge surtout sur les aides au retour et sur le traitement réservé aux étudiants et jeunes adultes. Le ministre a aussi voulu donner des gages aux associations de défense des étrangers en supprimant le délit de solidarité.

    Plusieurs inflexions récentes – fin de la garde à vue pour les sans-papiers, rétention des mineurs – ne viennent pas d’une volonté politique mais de décisions juridictionnelles qui s’imposent au gouvernement.

    La réforme du droit d’asile pourrait marquer une vraie différence avec le gouvernement précédent. Mais elle n’aura pas lieu avant les municipales, et le statut de réfugié n’a pas été davantage accordé en 2012 que les années précédentes.


    Manuel Valls (à dr.) et Claude Guéant, durant la cérémonie d’investiture, le 17 mai 2012 (Thibault Camus/AP/SIPA)

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    Les expulsions

    Plus dur que Guéant ?

     

    Dès le mois d’octobre 2012, Manuel Valls annonce la couleur devant l’Assemblée nationale : la baisse du nombre d’expulsions n’est pas un objectif du gouvernement.

    « Cette politique ne se traduira pas par des évolutions sensibles en termes de chiffres, s’agissant tant des régularisations que des reconduites à la frontière. Telle est la volonté du gouvernement. Personne ne peut en douter : nous serons extrêmement fermes. »

    A d’autres occasions, le ministre laisse entendre que le nombre d’expulsions pourrait augmenter. Pas de surprise donc, quand les chiffres de 2012 tombent : 36 800 personnes ont été expulsées, soit une hausse de 11,9% par rapport à l’année précédente.

    En attendant le bilan 2013

    Comme l’explique Libération, cette augmentation « concentrée sur les six premiers mois » de 2012, est en partie due à deux facteurs :

    • l’anticipation, par la justice, de la fin de la garde à vue des sans-papiers(effective depuis juillet 2012). Celle-ci entraîne une hausse du nombre d’expulsions sur le premier semestre, et une baisse mécanique pour le second ;
    • l’action du gouvernement précédent qui visait les 40 000 reconduites à la frontière alors que Manuel Valls a annoncé la fin des objectifs chiffrés.

    Il faudra donc attendre le bilan de 2013 pour savoir si Manuel Valls s’inscrit vraiment dans la lignée de ses prédécesseurs. En dix ans, le nombre annuel d’expulsions a quadruplé (voir notre graphique ci-dessous).

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    Le « délit de solidarité »

    Vraiment supprimé ?

     

    L’article L-622-1 du Code des étrangers existe depuis 1945, mais il a étésurnommé « délit de solidarité » par les associations de soutien aux sans-papiers pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Voici ce qu’il dit :

    « Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 euros. »

    En 2009, les associations (Gisti, Cimade, France Terre d’Asile, Secours catholique, Emmaüs) lancent une campagne, estiment que ce délit « d’aide au séjour irrégulier » menace les activités militantes et les marques individuelles de solidarité dans un contexte de durcissement des politiques d’immigration.

    Une polémique oppose alors le ministre de l’Immigration, Eric Besson, aux soutiens des sans-papiers, sur la réalité des poursuites. Le film « Welcome »,sorti la même année, contribue à alerter l’opinion sur les risques encourus par ceux qui aident les migrants en France.

    Janvier 2012 : Valls réforme le Code des étrangers

    Le 2 janvier dernier, Manuel Valls supprime le « délit de solidarité ». C’est-à-dire qu’il réforme le Code des étrangers pour élargir les exceptions à :

    « Toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s’il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte. »

    Le délit d’aide au séjour irrégulier existe toujours mais serait désormais uniquement dirigé contre les filières d’immigration clandestine, pas contre les bénévoles. La notion de « contrepartie », difficile à cerner selon les associations de défense des sans-papiers, continue toutefois à faire débat.

    Fin août, le procès d’un citoyen français accusé d’avoir fourni une fausse attestation d’hébergement à un étranger en situation irrégulière au Havre,devrait tourner autour de cette question. A l’occasion de cette affaire, plusieurs associations (Syndicat de la magistrature, Syndicat des avocats de France, Ligue des droits de l’homme) se sont inquiétées d’un éventuel « retour du délit de solidarité ».

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    Les mineurs en rétention

    Pas fini, mais exceptionnel

     

    C’était une promesse de campagne de François Hollande :

    « Je veux prendre l’engagement, si je suis élu à la présidence de la République, de mettre fin dès mai 2012 à la rétention des enfants et donc des familles avec enfants. »

    Par ces propos, le futur président de la République prend acte d’une décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) datant de janvier 2012.L’arrêt Popov a condamné la France pour avoir enfermé une famille kazakhe dans un centre de rétention inadapté à l’accueil des enfants.

    La CEDH estime :

    « Les autorités doivent mettre en œuvre tous les moyens nécessaires afin de limiter autant que faire se peut la détention de familles accompagnées d’enfants et préserver effectivement le droit à une vie familiale. »

    VOIR LE DOCUMENT

    (Fichier PDF)

    Pour traduire cette décision en actes, Manuel Vallsa envoyé une circulaire aux préfets, en juillet 2012 (lire le document ci-contre). Mais si elle encadre et limite cette pratique, elle n’y met pas fin, contrairement à ce que promettait le candidat Hollande :

    • l’assignation à résidence devient la règle pour les familles en attente d’expulsion. Seules celles qui n’auraient pas respecté leurs obligations devraient être placées en centre de rétention, en dernier recours donc.
    • Mayotte fait exception, et n’est pas compris dans le nouveau dispositif.

    Sept familles placées en centres de rétention

    A plusieurs reprises depuis, les associations (et, sur Rue89, 60 professeurs de droit) ont alerté sur le cas de mineurs enfermés en rétention, en contradiction, selon elles, avec la décision de la CEDH :

    En 2011, d’après un rapport des associations intervenant en rétention, 312 enfants étaient passés par des CRA avec leurs parents.

    Ce nombre a-t-il diminué depuis la circulaire ? Le député socialiste du Val-de-Marne, René Rouquet, voulait poser la question au ministre de l’Intérieur en juin. Manuel Valls étant retenu au Sénat, c’est le ministre de la Ville, François Lamy,qui lui a répondu :

    « Au terme de cette circulaire, il n’y a plus de primo-placement de parents accompagnés d’enfants mineurs. Il en résulte que, depuis sa mise en œuvre, sept familles ont été placées en centre de rétention pour des durées très, très brèves, pour la plupart suite au non respect des obligations de l’assignation à résidence.

    A titre de comparaison, plus de 200 familles avec enfants avaient été placées en rétention sur la même période en 2011-2012. »

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    Les aides au retour

    Drastiquement réduites

     

    En décembre 2012, Manuel Valls annonce la fin de « l’aide au retour » humanitaire versée aux ressortissants de l’Union européenne qui acceptent de rentrer dans leur pays d’origine contre une somme d’argent : 300 euros par adulte et 150 euros par enfant mineur.

    Le ministre vise les Roms roumains et bulgares, pour qui le système d’aide au retour humanitaire (ARH) serait « inopérant » voire aurait des « effets pervers ». En clair, les Roms accepteraient cette aide mais reviendraient en France ensuite.

    En réalité, l’arrêté pris en février ne supprime pas l’ARH créée en 2006 pour les « Européens en situation de détresse », mais en diminue fortement le montant, qui passe à 50 euros par adulte et 30 euros par enfant.

    Manuel Valls a d’ores et déjà annoncé que les démantèlements de camps de Roms « se poursuivront ».

    Un autre type d’aide au retour (ARV), concernant les étrangers non européens, a lui aussi subi une baisse drastique, passant de 2 000 euros à 500 euros pour un adulte.

    Le gouvernement précédent avait massivement encouragé le dispositif d’aide au retour pour atteindre les quotas d’expulsions qu’il s’était fixé.

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    La garde à vue pour séjour irrégulier

    Remplacée par une « rétention » de seize heures

     

    Depuis un an, la garde à vue d’un sans-papiers pour le seul motif de sa situation irrégulière est illégal.

    Là non plus, la décision ne vient pas de Manuel Valls mais de la Cour de cassation, qui a suivi l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne.

    Sans la garde à vue, les policiers disposent de quatre heures pour contrôler l’identité d’une personne. Insuffisant, expliquent-ils, pour engager une procédure d’expulsion si nécessaire.

    Le ministre de l’Intérieur a donc fait voter un nouveau dispositif, effectif depuis le 1er janvier 2013. Il prévoit une rétention de seize heures. La garde à vue, elle, pouvait durer 24 heures, renouvelables une fois.

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    Le statut de réfugié

    Accordé au compte-gouttes

     

    Entre 2007 et 2012, le nombre de demandes d’asile a augmenté de 70%.

    Mais le statut de réfugié, lui, est toujours accordé au compte-gouttes : environ 10 000 personnes en bénéficient chaque année.

    Cette question de l’asile devrait être au cœur de la prochaine loi sur l’immigration. Il s’agit de :

    • réduire les délais de traitement des dossiers, aujourd’hui de seize mois en moyenne (objectif : six à neuf mois) ;
    • réformer l’hébergement, qui ne peut accueillir qu’un tiers des demandeurs d’asile. A Metz, certains ont même décider d’attaquer l’Etat ;
    • mieux répartir les demandes d’asile sur le territoire, car les grandes villes sont engorgées.

    Une concertation sur la réforme du droit d’asile s’est ouverte en juillet, pilotée par la sénatrice centriste Valérie Létard. Mais en intégrant le volet « asile » à une loi plus générale sur l’immigration, Manuel Valls a repoussé l’examen du texte après les municipales de 2014.

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    La « circulaire Guéant » sur les étudiants étrangers

    Supprimée

     

    C’était une mesure symbolique. Dès l’arrivée du gouvernement, la circulaire Guéant sur les étudiants étrangers – qui avait entraîné la situation irrégulière de centaines de jeunes diplômés – a été abrogée, un an après son entrée en vigueur.

    Pourtant, a déclaré Manuel Valls à l’Assemblée :

    « Nous avons accueilli en 2012 10% d’étudiants étrangers en moins. [...] Le message négatif envoyé par la circulaire du 31 mai 2011 n’est pas étranger à cette désaffection. »

    Les étudiants étrangers pourraient à l’avenir bénéficier plus facilement d’un titre de séjour pluriannuel, ce qui leur éviterait de refaire des démarches tous les ans. L’enseignement supérieur accueille 300 000 étudiants étrangers chaque année.

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    Le nombre de régularisations

    Constant

     

    « Il n’y aura pas de régularisation massive comme en 1981 [131 000 personnes, ndlr] ou 1997 [80 000, ndlr]. »

    Manuel Valls a été clair. Le chiffre annuel de régularisation de sans-papiers restera de l’ordre de 30 000 personnes par an, c’est-à-dire autant que d’expulsions.

    La circulaire du 28 novembre 2012 vise à mieux préciser les critères de régularisation mais ne les élargit pas vraiment. Le ministre de l’Intérieur ne souhaite pas non plus régulariser progressivement les étrangers inexpulsables.

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    Les naturalisations

    Des critères assouplis

     

    Le 18 octobre 2012, Manuel Valls signe une circulaire pour faciliter l’acquisition de la nationalité française. Elle prévoit notamment :

    • un assouplissement des critères liés au travail (possibilité de CDD ou d’intérim) ;
    • un examen bienveillant des demandes déposées par des étudiants étrangers et des jeunes de moins de 25 ans ;
    • un retour au délai de cinq ans de séjour régulier sur le territoire (passé à dix ans par Claude Guéant).

    Les deux dernières années du quinquennat de Nicolas Sarkozy, le nombre de naturalisations avait fortement baissé, une tendance qui s’est poursuivie en 2012.

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    Portrait de l’immigration

     

    Les derniers chiffres disponibles montrent que si le nombre total de nouveaux admis au séjour est resté stable en 2012, sa composition a varié :

    • l’immigration professionnelle et étudiante a diminué ;
    • l’immigration familiale a augmenté de 6,7%.

    L’admission au séjour par motifs (Ministère de l’Intérieur)

  • Réflexions sur les théories du complot


    TRIBUNE
    04/08/2013 à 12h23

    11 Septembre, OGM, ondes... : la science citoyenne, cette fumisterie

    Jérôme Quirant | Enseignant-chercheur

    TRIBUNE

    Lorsqu’en 2008 je me suis penché sur les théories du complot autour des attentats du 11 septembre 2001, je n’imaginais pas que cela m’amènerait à m’intéresser à des domaines aussi divers que les OGMles ondes électromagnétiques ou le nucléaire.

    Confronté à l’époque à des théories conspirationnistes plus insolites les unes que les autres sur les effondrements des tours du World Trade Center, j’avais certes trouvé une source inépuisable de sujets d’examen, ludiques, pour mes étudiants, mais je ne pouvais non plus me résoudre à laisser circuler de telles inepties.

    Cela m’a conduit à créer un site Internet, puis à coordonner un numéro spécial de la revue Science et pseudosciences qui donnait la parole aux – vrais – spécialistes du domaine, pour expliquer quelle est la connaissance scientifique sur un sujet précis.

    C’est à la suite de ce numéro que j’ai été invité, en 2011, à entrer dans le comité de rédaction de cette revue, éditée par l’Association française pour l’information scientifique.


     

    Depuis, j’ai été sidéré par les similitudes entre le mouvement conspirationniste autour du 11 septembre et ceux agissant dans bien d’autres domaines (OGM, nucléaire, etc.) :

    • des associations se revendiquant « citoyennes »,
    • des pétitions,
    • des actions médiatiques,
    • la dénonciation d’un complot dont ils seraient les uniques pourfendeurs,
    • le souhait d’organiser des débats publics,
    • le vide en matière d’argumentation scientifique.

    Pas besoin d’associations citoyennes
    pour démontrer le théorème de Pythagore

    Pourtant, nul besoin d’associations « citoyennes » pour démontrer le théorème de Pythagore. Il n’existe pas plus de science citoyenne que prolétarienne ou bourgeoise, mais une démarche scientifique qui permet d’expliquer notre monde et de proposer des solutions techniques pour améliorer notre quotidien.

    Et toute allégation, quelle qu’elle soit, doit être vérifiable et vérifiée par n’importe quel scientifique respectant les fondements de la démarche scientifique. Ainsi progresse la science.

    Or, si sur le 11 septembre ces gesticulations n’ont eu aucune influence sur la production scientifique – elle en est restée à un enchaînement « crash d’avion – incendie – affaiblissement de la structure – effondrement » pour les tours du WTC –, il en va autrement pour d’autres secteurs d’activité. Souvent, les mouvements « anti » ont instillé la frilosité, voire sapé toute recherche ou développement industriel :

    • Alors que dans les années 90, la France était leader sur les OGM, il est devenu impossible de faire la moindre recherche de manière sereine sur ce sujet.
    • Dans les années 70 et 80, des projets industriels majeurs ont vu le jour en France (TGV, Airbus, Ariane, nucléaire civil…). Aujourd’hui, quels sont les grands desseins capables de doper une industrie moribonde et créer les emplois qui iraient avec ?

    Des collectifs « indépendants »... de toute démarche scientifique sérieuse

    Ces associations citoyennes se revendiquent aussi et surtout « indépendantes ». Reopen911, qui a donné du crédit en France aux théories complotistes sur le 11 septembre, demande une enquête « indépendante » pour expliquer comment se sont effondrées les tours du World Trade Center, alors que cette question est réglée depuis longtemps dans la communauté scientifique.

    L’association Robin des toits, « indépendante du lobby de la téléphonie », lutte pour la baisse d’intensité des champs électromagnétiques (supposés nocifs) induits pas les antennes de téléphonie mobile et s’esbaudit devant n’importe quelle expérience allant dans ce sens, même totalement inepte.

    La dernière en date était celle de lycéennes danoises, qui ont magistralement démontré que l’exposition de semences à des conditions de température et d’hygrométrie différentes (les graines étaient placées derrières les ventilateurs d’ordinateurs !) joue sur leur croissance

    Le Criigen, farouchement opposé au développement des OGM, a été capable de recueillir 2 millions d’euros pour financer une étude « indépendante », mais qui ne vaut rien sur le plan scientifique…

    Le Criirad, censé révéler la vérité vraie sur le nucléaire, a redécouvert la radioactivité naturelle grâce à ses compteurs Geiger. L’association, « indépendante du lobby nucléaire », a même dû mettre à jour ses connaissances sur la mesure de la radioactivité suite à la catastrophe de Fukushima.

    On le voit, ces associations sont surtout « indépendantes » de toute démarche scientifique, une notion qui leur est même totalement étrangère. Cela n’empêche pas les médias de leur fournir régulièrement des tribunes, leur octroyant une légitimité qu’elles n’ont jamais acquise sur le plan scientifique.

    Car si on peut être « anti » pour diverses raisons, justifiées et tout à fait honorables (qu’elles soient économiques, sociétales, environnementales, etc.), il n’est pas acceptable que les données scientifiques soient travesties de manière fallacieuse à des fins idéologiques.

    La science ne sort pas forcément victorieuse des « débats publics » sur les sujets sensibles

    L’autre dada des associations citoyennes est l’organisation de débats publics qu’elles réclament à cors et à cris. Pourquoi ? Platon l’a très bien expliqué dans son « Gorgias », trois siècles avant J.-C., en écrivant un dialogue entre Gorgias, maître rhéteur, et Socrate : 

    « Suppose qu’un orateur et qu’un médecin se rendent dans la cité que tu voudras, et qu’il faille organiser, à l’assemblée […], une confrontation entre le médecin et l’orateur pour savoir lequel des deux on doit choisir comme médecin.

    Eh bien j’affirme que le médecin aurait l’air de n’être rien du tout, et que l’homme qui sait parler serait choisi s’il le voulait. […] Car il n’y a rien dont l’orateur ne puisse parler, en public, avec une plus grande force de persuasion que celle de n’importe quel spécialiste.

    Ah, si grande est la puissance de cet art rhétorique ! [...]

    – La rhétorique n’a aucun besoin de savoir ce que sont les choses dont elle parle ; simplement, elle a découvert un procédé qui sert à convaincre, et le résultat est que, devant un public d’ignorants, elle a l’air d’en savoir plus que n’en savent les connaisseurs ».

    Non seulement la vérité scientifique est loin d’être assurée de sortir victorieuse de tels débats, mais comme l’a souligné le physicien Serge Galam dans une tribune parue dans Le Monde en avril, le débat est une machine à produire de l’extrémisme :

    « Le débat public […] cache une machine infernale de production d’extrémisme au service des a priori, des menteurs, des préjugés ». A supposer même que ces débats puissent se tenir. »

    Quoiqu’il en soit, s’il est concevable que des débats publics soient organisés sur des choix sociétaux ou autres, il faut aussi rappeler que jamais dans l’histoire aucun « débat public » n’a fait avancer la connaissance scientifique d’un pouce. Jamais. Ce n’est tout simplement pas là que la science se développe.

    Le savoir académique est devenu inaudible

    Hélas, de nos jours, lorsqu’un scientifique donne des explications sur un sujet sensible, il est systématiquement accusé d’être en « conflit d’intérêt », vendu aux « lobbies » et au « grand capital ».

    Le savoir académique est devenu inaudible : on se retrouve à devoir choisir, par exemple, entre l’avis d’un scientifique compétent sur le nucléaire, mais par la force des choses en relation avec l’industrie ou la recherche dans le domaine, et celui d’un « citoyen » incompétent qui se promène avec son compteur Geiger (remplacer « nucléaire » par « cancer » ou « OGM », et « compteur Geiger » par « poudre de perlimpinpin » ou « tomate bio » pour le même effet).

    Pourtant, une simple étude bibliographique de la littérature scientifique à disposition suffit à tordre le cou à pas mal de contre-vérités. Malheureusement, les médias sont plus enclins à donner du crédit aux associations citoyennes véhiculant un message simple (voire simpliste) plutôt que de se plonger dans un article scientifique à la compréhension ardue.

    Pire, ils les mettent sur un même plan, comme si la connaissance scientifique avait la même valeur que le premier propos impromptu de comptoir.

    C’est ce qui m’a amené à proposer plusieurs articles sur Rue89, mais en me bornant bien sûr à des études bibliographiques d’articles parus dans des revues scientifiques. N’étant pas spécialiste des domaines traités il n’était pas question de me substituer aux personnes faisant référence dans leur secteur.

    Les revues à comité de lecture ne sont certes pas la panacée (elles sont devenues, elles aussi, une véritable industrie), mais le processus de « peer-review » reste un premier filtre efficace pour éliminer la majeure partie du grand n’importe quoi qui est proposé sur le Net ou dans les médias avides de sensationnel, mais peu de démonstrations scientifiques.

    La situation économique de la France, avec une industrie atone et un commerce extérieur catastrophique, est grave. Les Chinois exportent leur propre TGVou leurs centrales nucléaires… Nos récoltes ne se vendent plus à l’étranger, car non OGM ( !)... et demain, nous en serons réduits à acheter les semences issues de laboratoires indiens.

    Sous prétexte de principe de précaution, nous en sommes arrivés à ne plus rien faire du tout, et même à régresser. De façon paradoxale, alors que la gauche a été porteuse des progrès considérables que nous avons connus au XXe siècle, elle est aujourd’hui en prise avec les pires obscurantismes contemporains.

    Il serait temps d’en prendre conscience avant de percuter le mur vers lequel nous avançons à vive allure. Et surtout de relancer la recherche en France, seule façon pour les « citoyens » français de subsister encore au XXIe siècle.

    Dans les années 70, on disait qu’en France on n’avait pas de pétrole, mais des idées. Aujourd’hui, le paradigme s’inverse : il semblerait qu’on ait du gaz de schistes (à vérifier) mais qu’on soit en panne d’idées…

     
  • Algérie :polémique


    04/08/2013 à 10h26

      ...autour d’un déjeuner public en Kabylie pendant le ramadan

    Algérie Focus' 

    Elyas Nour avec Abdou Semmar

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    Des évangélistes ont consommé de la bière en plein Ramadan au rassemblement qui a été organisé samedi par des militants non-jeûneurs au carrefour Matoub Lounès à Tizi-Ouzou, la deuxième ville de Kabylie. Cette drôle d’information vient d’être diffusée par l’APS, Algéire Presse Service, la très sérieuse agence d’information gouvernementale.

    Une information si controversée qu’elle a suscité moult interrogations. D’autant plus qu’aucune source fiable n’est avancée par l’APS pour justifier une telle assertion dans une dépêche qui risque d’être reprise par tous les médias nationaux ou internationaux.

    Aucun évangéliste signalé sur place

    Tous les témoins oculaires que nous avons contacté par téléphone nous ont démenti cette information. La présence d’aucun groupe d’adeptes évangélistes n’a été signalée sur les lieux de ce rassemblement qui a drainé quelques centaines de participants.

    Parmi ces derniers qui ont déjeuné publiquement afin de dénoncer les atteintes aux libertés individuelles enregistrées dans certaines localités à travers l’Algérie en ce mois de Ramadan, il y avait certes des militants autonomistes du mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK), mais aucune trace de « ces adeptes d’une église évangéliste qui ont consommé de la bière ».

    « Depuis le début du rassemblement et jusqu’au dispersement des manifestants, je n’ai perçu la présence d’aucun évangéliste qui a consommé de la bière. Seul un jeune désœuvré s’est présenté en état d’ébriété. Mais les organisateurs l’ont écarté tranquillement et depuis aucun débordement n’a été enregistré », témoigne pour sa part, Arezki About, membre actif de la Maison des Droits de l’Homme et du Citoyen Tizi Ouzou (MDHC).

    Arrière-pensée bien précise

    Il est clair que les formules dont a usé l’auteur de cette dépêche APS, diffusée exactement à 16 H 02, soit quatre heures après le rassemblement, ne sont pas dénuées d’une arrière-pensée bien précise. Il est question donc, laisse-t-on dire, ni plus ni moins d’ « autonomistes » et d’ « évangélistes ».

    Ainsi, à en croire l’APS, une personne n’appartenant à aucune de ces deux factions n’a aucunement adhéré à cette action. Il s’agit bel et bien d’une stigmatisation qui pourrait être lourde de conséquences. Au lieu de garantir les libertés individuelles, le gouvernement, à travers son agence officielle, désigne des cibles à livrer à la vindicte populaire.

    « Comportement contraire à la société musulmane »

    Une énième tentative de détourner l’opinion publique des véritables enjeux en tentant de lancer une polémique à propos des « autonomistes » et « évangélistes », des corps étrangers à l’Algérie, qui font preuve d’un « comportement contraire à la société musulmane », semble-t-on dire. En somme, l’APS fait dans l’amalgame et la manipulation.

    Une telle couverture médiatique n’est pas digne d’une agence d’information sérieuse. Pis encore, elle risque de donner naissance à de dangereux malentendus. Et en cette période délicate, l’Algérie n’en a vraiment pas besoin…

     

     

     
     

     

  • MAROC :Le roi n'a plus toujours raison


    Pour la première fois, le roi Mohammed VI a dû révoquer une décision qu'il avait prise pour faire face à la mobilisation des Marocains, scandalisés par la grâce accordée au pédophile multirécidiviste Daniel Galvan.


     

    Rabat, le 7 août 2013 : des manifestants protestent contre la grâce accordée par Mohammed VI à un pédophile espagnol - AFPRabat, le 7 août 2013 : des manifestants protestent contre la grâce accordée par Mohammed VI à un pédophile espagnol - AFP

    L'excès de tyrannie finit toujours par tuer la tyrannie ! Celle de Mohammed VI n'échappe pas à ce postulat implacable. Son refus d'amender le régime, son affairisme coupable, son accaparement de tous les pouvoirs, son obstination à s'entourer de prédateurs, de tortionnaires et d'incompétents, son refus de se séparer des corrompus qui l'entourent, lui font dire à qui veut bien y croire qu'il exerce une monarchie exécutive, alors qu'il se trouve tout simplement à la tête d'une dictature.

    L'affaire de la grâce le démontre clairement [accordée le 30 juillet au pédophile multirécidiviste, Daniel Galvan Fina, de nationalité espagnole, condamné en 2011 à 30 ans de prison pour avoir violé 11 enfants ; face aux manifestations de protestation et à la forte mobilisation sur les réseaux sociaux, le roi est revenu sur sa décision le 4 août ; le 6 août Galvan a été placé en détention préventive par la justice espagnol].

    A concentrer tous les pouvoirs, le despote finit par n'en maitriser aucun et n'est, dès lors, plus à l'abri du moindre faux-pas, de la moindre erreur ou peau de banane de son entourage.

    On aurait pu évoquer tant d'affaires qui ont jeté l'opprobre et la honte sur le pays, comme la torture à compte d'auteur, pratiquée à l'encontre de nos semblables, acheminés par les avions cargo, depuis l'Afghanistan, tel du bétail livré, pieds et poings liés, aux soins criminels de bouchers qui ne partagent plus rien avec le genre humain. Le roi pouvait-il ignorer les abominations que ces janissaires commettaient impunément, sur notre sol, au nom de la lutte contre le terrorisme ?

    Demander pardon, pour toutes les exactions du passé !

    "Les peuples qui ignorent leur histoire se condamnent à la revivre !", disait Churchill. Autant se l'avouer, notre pays se trouve bien dans la situation de celui qui s'obstine à ignorer son histoire et qui la visite encore et encore, au gré d'insupportables recommencements. L'espace d'un instant fugace, nous avions espéré la fin de nos tourments, à la mort d'Hassan II [29 juillet 1999]. On se prendrait presque à regretter le défunt tyran, tant le Maroc semble naviguer à vue, d'improvisations en errements, de mensonges en travestissements de la réalité et d'exactions en forfaitures.

    La prédation économique s'est accélérée, les prédateurs se sont multipliés. La corruption s'est généralisée à toutes les couches sociales et à toutes les professions. La magouille politique a atteint des sommets et le Maroc visite le fonds du classement de tous les indices. Autant de crimes et point de châtiments, parce que nous continuons de nous taire, d'un silence complice. Nous persistons à nous voiler la face, et à nous bercer de vieilles comptines éculées où il est question du bon roi et du vilain entourage.

    Comme dans cette malheureuse affaire de grâce, l'Etat marocain a fait la démonstration de ses limites, et n'a désormais plus rien d'autre à offrir que des coups de matraques à ses détracteurs, et des boucs émissaires à la colère populaire légitime.

    A de rares exceptions près, la classe politique, toutes tendances confondues, s'est claquemurée dans le silence du lâche quand elle n'a pas tout simplement pris fait et cause pour la grâce, sans aucune considération pour les victimes et leur famille. Des comportements indignes qui confortent le tyran dans sa tyrannie et l'incitent à persévérer dans son aveuglement.

    Pourtant, hormis la répression policière, le limogeage des seconds couteaux ou encore l'emprisonnement des démocrates et la prédation économique, il y aurait tant à faire et qui, à défaut d'être entrepris, éloigne d'autant le Maroc du concert des véritables démocraties.

    Il y aurait également tant de ces gestes à accomplir qui grandissent toujours ceux qui les accomplissent. A commencer par le premier d'entre eux, celui de demander pardon, pour toutes les exactions, les crimes ou les erreurs du passé !

  • RUSSIE/USA

    VU DE RUSSIESommet annulé : "Nous n'avons pas besoin des Etats-Unis"

    La seule chose qui intéresse les Américains dans les relations avec la Russie est de la désarmer, et de la rayer de la carte des grandes puissances... - Indigné, ce journaliste russe fustige l'annulation de la visite de Barack Obama.



    Dessin de CajasDessin de Cajas
    Ça y est, Barack Hussein Obama a annulé sa visite à Moscou. Les principales chaines de télévision russes, penaudes, enfouissent la nouvelle dans les dernières minutes de leurs flash d'information et, plutôt que d'employer clairement le terme de "visite d'Etat", articulent timidement le mot "sommet" qui, bien qu'il soit officiellement admis dans le jargon diplomatique et employé dans les décrets présidentiels n'en est pas moins étranger au vocabulaire des Russes, à l'exception des politologues.

    N'oublions pas qu'une visite d'État, c'est la plus prestigieuse forme de rencontre pour un chef d'État étranger en Russie. Du point de vue du protocole, du cérémonial et du nombre de personnalités officielles impliquées, c'est le plus important événement diplomatique qui soit.

    Tandis que le déplacement d'Obama à Saint-Pétersbourg en septembre, ça ne vaut rien en termes de relations bilatérales, parce que c'est un sommet du G20. Dans ce genre de forums les rencontres bilatérales ont certes cours, mais comme on dit, elles se déroulent "en marge". Vous savez, comme dans les cahiers d'écoliers, dans les livres et les programmes de théâtre. Il y a des "marges" ... eh bien, les sommets internationaux eux aussi ont des "marges". Sauf qu'il se pourrait bien qu'à Saint-Pétersbourg il n'y ait même pas de "marges" russo-américaines.

    Pleins de gestes de soumission

    Est-ce que nos américanistes du ministère des Affaires étrangères, de l'Institut d'études sur les États-Unis et le Canada (ISKRAN) et de l'administration du président vont enfin ouvrir les yeux après un tel affront ? Il y a eu la trahison de Mikhaïl Gorbatchev [Secrétaire général du Parti communiste soviétique, puis le premier et dernier président de l'Union soviétique, initiateur de la perestroïka en 1985], la perte de la souveraineté durant ces foutues années 1990, dans les années 2000 nous leur avons fait tant de cadeaux, mais sans la réciproque, pleins de gestes de soumission, comme par exemple l'abandon des bases militaires deLourdes à Cuba et Cam Ranh au Vietnam, des bases pourtant hautement stratégiques.

    Nous avons aussi contribué à l'implantation de bases militaires américaines en Asie centrale post-soviétique [comme la base aérienne de Manas au Kirghizistan, base-clé de l'opération de la coalition internationale en Afghanistan]. Enfin, leur transit militaire [provisoire pour le stockage, l'expédition et la réception de frets non militaires transportés par des avions civils, pour le compte de la Force internationale d'assistance et de sécurité (ISAF) en Afghanistan] passe [depuis août 2012] par notre territoire [via la ville d'Oulianovsk, à 900 km de Moscou].

    Cela fait peut-être assez de cadeaux de nous autres si riches à ces nécessiteux ? Est-ce qu'ils nous ont offert quoi que ce soit en retour ? Ah mais oui, c'est vrai, il y a eu la "liste Magnitski" [liste noire de responsables russes pour leur rôle présumé dans la mort en prison en 2009 du juriste fiscaliste Serguéï Magnitski, inculpé de fraude fiscale] ... et le déploiement militaire de l'OTAN à nos frontières, on l'aurait déjà oublié ? Le retrait des Etats-Unis du Traité sur les armements de défense antimissile [traité ABM dont les USA se sont retirés en 2002] ne nous a pas plus marqué ; sans parler des sanctions infligées à nos entreprises ou le cas de ressortissants russes kidnappés dans des pays tiers et détenus dans les prisons américaines : motus et bouche cousue ...

    "Ils ont bien vu et tapé dans le mille"

    La Maison-Blanche, la vraie, a délibérément laissé planer le doute sur une possible visite d'Obama à Moscou, espérant que nous lui livrerions [Edward] Snowden [ancien agent des services secrets américains qui, après avoir dénoncé les programmes de surveillance globale de Washington, a obtenu l'asile d'un an en Russie]. L'interview accordée récemment à l'agence Bloomberg par James F. Collins, ancien ambassadeur américain à Moscou, donne un aperçu assez clair de l'état d'esprit de l'administration Obama. Collins a déclaré : "Je pense sans le moindre doute que Poutine a très envie de cette rencontre." (Sous-entendu : "Vous en avez plus besoin que nous.")