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  • LE "POPULISME", C'EST QUOI ?

    chronique le 18/04/2013 par Judith Bernard

    Enquête sur un mot piège...enu reconnu d'Utilité Publique Ce contenu a été voté "d'utilité publique" par nos abonnés, ou sélectionné par la rédaction pour être gratuit. Il est eporairement accessible à tous, abonnés et non abonnés

    Alors que le terme «populiste» circule dans la parole publique comme une invective dont le sens serait admis par tous, il n’est pas inutile de se demander d’où nous tenons ce sens prétendument évident: la une du Monde de dimanche dernier sert de point de départ à une petite enquête lexicale qui fait apparaître que l’usage public de la notion s’est établi, depuis une décennie, dans un horizon sémantique éminemment discutable, que Le Monde, dans ses colonnes, se garde bien de discuter.

    Voilà que les «populistes!» sont partout… Mélenchon était abonné depuis un moment à ce procès-là, et avec lui tous les contestataires de l’ordre politique en place, mais voici que le reproche grimpe jusqu’à toucher le sommet du pouvoir : le président Hollande, avec sa nouvelle lubie de la transparence imposée à ses ministres, se retrouve souillé de la même infamie, sa stratégie pointée du même doigt accusateur : «populisme?».

     

     Le point d’interrogation que Le Monde a la charité de laisser traîner ne fait guère illusion – ce mot lâché fait boule puante, avec ou sans ponctuation suspensive il salit son objet d’une odeur persistante, et voici le président himself tout empoissé de l’opprobre «années 30»

    Car les deux qualifications vont ensemble – dire l’une c’est suggérer l’autre, l’attelage n’a pas besoin d’être explicite pour être opérant, c’est toute une petite charrette qui va son chemin dans l’imaginaire, dans des zones un peu sombres où elle s’aventure d’autant plus loin que personne ne sait exactement comment la décrire, de quoi elle est faite et ce qu’on veut dire par là au juste.


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    POUR UNE DÉFINITION ACADÉMIQUE – OU QUAND MON BON VIEUX ROBERT SÈCHE.

    Ce qu’on veut dire par là? Le "vieux" dictionnaire ne m’est pas ici d’un grand secours : mon fidèle Robert de 1996 ne reconnaît à l’item "populisme" que la définition d’un mouvement littéraire (qui «cherche, dans les romans, à dépeindre avec réalisme la vie des gens du peuple»).

    La chose est à peine croyable et vous pouvez pourtant la vérifier par vous-mêmes, en 1996, le sens politique de la notion, si massivement en usage aujourd’hui, n’est pas seulement mentionné dans un dictionnaire qui fait pourtant référence. Cela veut donc dire qu’alors, il ne circule pas dans la parole publique, que nous n’en avons pas l’usage commun...

    RESSOURCES INTUITIVES ET WIKIPÉDIENNES

    Ce sens politique, nous "l’intuitons" donc – nous ne l’avons pas appris à l’école, nous en avons peu à peu édifié empiriquement la définition en fonction de sa construction étymologique (le "populo" fait la cible, le "–isme" une tendance exclusive, et nous sentons qu’il y a là une forme particulièrement dangereuse de démagogie), intuition étayée par les usages que nous en avons entendu faire dans la parole publique.

    On peut considérer que vers 2006 (date où la notice wikipédia du "populisme" est discutée comme "insuffisamment objective" et "ne citant pas suffisamment ses sources"), il circule avec le sens que nous lui donnons aujourd’hui : "Le populisme, nous explique Wikipedia, désigne un type de discours et de courants politiques, prenant pour cible de ses critiques "les élites" et prônant le recours au "peuple" (d’où son nom), s’incarnant dans une figure charismatique et soutenu par un parti acquis à ce corpus idéologique».

    Sa dimension péjorative semble établie, si l’on en juge par le corps de l’article, même si elle est moins aiguë que dans les usages qui en sont faits : «Le populisme met en accusation les élites ou des petits groupes d'intérêt particulier de la société. Parce qu'ils détiennent un pouvoir, le populisme leur attribue la responsabilité des maux de la société: ces groupes chercheraient la satisfaction de leurs intérêts propres et trahiraient les intérêts de la plus grande partie de la population. Les populistes proposent donc de retirer l'appareil d'État des mains de ces élites égoïstes, voire criminelles, pour le «mettre au service du peuple». Afin de remédier à cette situation, le dirigeant populiste propose des solutions qui appellent au bon sens populaire et à la simplicité. Ces solutions sont présentées comme applicables immédiatement et émanant d'une opinion publique présentée comme monolithique. Les populistes critiquent généralement les milieux d'argent ou une minorité quelconque (ethnique, politique, administrative, etc.), censés avoir accaparé le pouvoir; ils leur opposent une majorité, qu'ils représenteraient.»

    Il faudrait ici tout un cours d’histoire pour examiner les mouvements politiques cités ensuite en exemples français du populisme – "boulangisme" de la fin du XIXème siècle, "poujadisme" des années 50 – ce qui n’est pas l’objet de cette chronique, déjà largement débordée par l’ampleur inattendue de son objet.

    LA DOXA DES "DÉMOPHOBES"

    Ce qui frappe surtout, à mesure qu’on explore la notion, c’est que ses définitions ne se laissent pas réduire à un énoncé simple ; c’est donc un concept politique complexe, dont on s’étonne qu’il ait si facilement, et en si peu de temps, inondé l’espace de la parole publique : ici encore, Wikipédia apporte des éléments d’analyse éclairants, s’appuyant sur des travaux universitaires :

    "Annie Collovald met en parallèle le succès du vocable avec la disparition progressive des classes populaires dans les appareils et dans les discours des partis politiques et interprète l'usage croissant du mot populisme ou populiste comme l'expression d'une méfiance grandissante à l'égard des classes populaires et d'un penchant nouveau pour la démocratie capacitaire voire censitaire." (d'aprèsAnnie Collovald,Le «Populisme du FN»: un dangereux contresens, Éditions du Croquant, 2004).

    Le "populisme" serait ainsi peut-être l’arme lexicale de ceux qu’on pourrait appeler des "démophobes" (craignant démos, le peuple), redoutant une montée des revendications du peuple à recouvrer une souveraineté dont il s’estime dépossédé ? On s’amusera alors à constater que la discussion wikipédiesque sur le terme commence à se développer en 2006, soit dans ce grand moment démocratique qui sépare la victoire du Non au référendum sur le Traité Constitutionnel Européen (2005) et l’imposition de force de ce même texte par le Traité de Lisbonne (2007)… N’insistons pas trop, on nous reprocherait d’être… populiste. Et ce serait infamant.

    MAIS POURQUOI DONC C’EST SI MAL?

    Mobilisé depuis quelques années par les partis dominants, pour dénoncer les "extrêmes" sur leurs bords, et repris par les médias institutionnels sans la moindre nuance, le "populisme" s’est imposé dans nos têtes comme une forme du mal en politique : on sent que c’est toxique, que c’est une tentation à laquelle il ne faut pas céder - c’est trop facile, trop simple, et ça peut être hyper grave.

    En relisant la définition admise par Wikipédia, on peut faire l’hypothèse que le grand mal prêté au populisme consiste dans la désignation, par le grand nombre, d’un petit nombre jugé coupable : appelons le petit nombre "minorité", comme le fait la notice, et l’on sent le danger, où la foule va persécuter, lyncher, voire exterminer le petit groupe ; ajoutons que la minorité peut être "ethnique", comme le précise aussi la notice, et le pire pointe son nez, qu’on appelle génocide.

    Ce n’est dit nulle part mais je fais le pari que ce non-dit est le socle implicite sur quoi se constitue l’effet repoussoir de la notion, sur lequel jouent les orateurs qui s’en servent comme d’une arme supposée fatale à l’adversaire : ce n’est pas seulement comme erreur de jugement (cette manière de croire que le "peuple" aurait raison contre "les élites") que le populisme est tenu pour négatif, c’est pour la violence potentielle qu’il est susceptible de libérer, si l’accusation se mue en acte punitif.

    UN USAGE DOMINANT AU SERVICE DE LA DOMINATION

    Nos cerveaux, embarqués dans le grand trafic médiatique des notions, ne prennent guère le temps de fouiller ainsi dans les problèmes de dénotation et de connotation que je tente d’explorer : percevant qu’un usage lexical est dominant, établi et indiscutable, ils se conforment à cet usage, s’en contentent, voire s’en emparent à leur tour - car dans la langue, l’usage fait loi et se répand comme une maladie contagieuse. Et nous voici tous croyant à la redoutable toxicité de ce "populisme" qui nous rappelle qu’il est très dangereux "pour la démocratie" de juger coupable une "minorité" - fût-ce la minorité numériquedes tenants du pouvoir, et quel que soit l’usage qu’ils font en effet du pouvoir.

    Si bien que sentant monter en soi et partout autour cette colère contre des puissants si peu capables de servir le bien commun, si manifestement incompétents ou financièrement intéressés, on se retient au dernier moment de dénoncer leur inaptitude grotesque ou leur crapulisme sans vergogne. On se retient de vomir, on s’installe dans la nausée, on n’ose plus se soulager, on se dit "non, non, pas vomir, pas crier, pas dénoncer : ce serait du populisme" - on n’est pas tout à fait sûrs, pourtant : c’est le problème avec cette notion qui s’est imposée par la doxa, sans préalable définitionnel ; on n’est pas sûr, on sent que c’est une maladie de la démocratie mais on n’a pas bien compris les symptômes, alors on demande un diagnostic : "Docteur, c’est ça, le populisme?".

    ALLÔ, NON MAIS ALLÔ, QUOI : DOCTEUR?

    Et voici que le docteur (en sociologie) nous parle. Dans les colonnes du Monde (daté dimanche-lundi : celui dont la une figure en haut), Pierre Birnbaum est annoncé comme un "spécialiste des populismes", et l’on se jette sur l’entretien qu’il offre au journal, qui permettra enfin d’y voir clair. Las, au lieu d'une définition, avec critères précis et discriminants, ce qu’offre l’universitaire est une réalisation parfaite de ce que Frédéric Lordon appelle, dans sa dernière livraison au Monde Diplomatique, une «leçon de maintien démocratique », par laquelle l’élite (ici intellectuelle: Birnbaum est professeur émérite de sociologie politique à l’université Paris I, ce qui en jette un maximum) rappelle à l’agité qui est en chacun de nous l’art de bien se tenir, c’est-à-dire d’abord de tenir sa langue.


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    Tenir sa langue, c’est s’abstenir en toute circonstance de dénoncer le pouvoir excessif de l’argent dans notre démocratie, parce que cela rappelle les années 30 : "J’ai écouté attentivement ce qu’a dit François Hollande, confie l’émérite: ‘nécessité d’une lutte implacable contre les dérives de l’argent, de la cupidité et de la finance occulte’: comment ne pas penser aux années 1920-1930, à la dénonciation du ‘mur d’argent’, des ‘ploutocrates’ et des ‘200 familles’ ?"

    ENCORE DE L’HISTOIRE

    Nous sommes donc passés aux années 20-30, nouvelle matrice de la définition du populisme, ce qui n’est pas très aidant pour qui a essayé de s’en faire une idée à partir des modèles historiques proposés précédemment (boulangisme et poujadisme). Ces "200 familles" auxquelles nous sommes supposés "ne pas pouvoir ne pas penser" avaient été désignées par Daladier en 1934 comme ayant la main sur l’ensemble de l’économie et de la politique française :

     

    «Deux cents familles sont maîtresses de l'économie française et, en fait, de la politique française. Ce sont des forces qu'un État démocratique ne devrait pas tolérer, que Richelieu n'eût pas tolérées dans le royaume de France. L'influence des deux cents familles pèse sur le système fiscal, sur les transports, sur le crédit. Les deux cents familles placent au pouvoir leurs délégués. Elles interviennent sur l'opinion publique, car elles contrôlent la presse».(Discours prononcé lors du Congrès radical de Nantes, 1934).

     

    Daladier visait les 200 plus gros actionnaires de la Banque de France, et sa formule a connu un succès redoutable, reprise par tous les bords politiques, de l’extrême gauche à l’extrême droite.

    Qu’on connaisse ou pas cette histoire des "200 familles", l’efficacité dissuasive de l’analyse de Birnbaum tient évidemment dans la mention des années 20-30 : ce contexte de la montée des fascismes, associé à la désignation de boucs émissaires - ici, des "familles" - laisse imaginer le pire sans qu’il soit besoin de le formuler. C’est d’ailleurs un amalgame particulièrement paumatoire : les 200 familles en question n’étaient évidemment pas toutes juives, et Daladier ne les désignait pas à la haine publique pour précipiter leur élimination pure et simple. Mais peu importe la nuance : au bout du raisonnement qui désigne une "minorité" jugée "coupable" et démesurément puissante, il y a le pire cauchemar de notre histoire : la Shoah. Ce spectre n’a pas besoin d’être nommé pour poser sa grande ombre sur notre imaginaire, immédiatement censuré dans les tentations qu’il pouvait éprouver de se révolter contre les puissances de l’argent.

    LE TABOU DE L’ARGENT

    En repliant ainsi la dénonciation de l’élite financière contemporaine sur l’époque préfasciste, où une telle dénonciation a pu servir de tremplin à l’essor de l’antisémitisme, l’universitaire bannit toute possibilité de dénoncer l’excessif pouvoir politique qui échoit aux agents économiques les mieux dotés. "Populiste" est ce discours qui dénonce le pouvoir de l’argent. Et "populisme" est le début du fascisme.

    Tout l’argumentaire de Birnbaum pour constituer cette séquence de la "transparence" imposée aux ministres en épisode populiste tient dans un inventaire de citations de politiques visant l’argent, comme si en dénoncer le pouvoir démesuré relevait nécessairement d’un noir projet politique : "On se souvient de Vincent Peillon dénonçant le ‘mur de l’argent’, de Benoît Hamon critiquant les ‘cadeaux faits aux plus riches’, d’Arnaud Montebourg évoquant le ‘système financier mondialisé’. Les trois sont aujourd’hui au gouvernement. Comme Mitterrand qui dénonçait ‘l’argent qui corrompt et pourrit jusqu’à la conscience des hommes’. François Hollande sait très bien, quand il le faut, reprendre ce vocabulaire qui parle évidemment à une certaine gauche mais la dépasse largement : la haine des riches, de l’argent et des banques appartient aussi à l’imaginaire d’une droite antilibérale qui est très puissante en France».

    Et hop, voici venir la "haine des riches", glissée dans la phrase comme une évidence. Dénoncer le pouvoir excessif de l’argent dans notre modèle politique, ce serait "haïr les riches". On tombe de sa chaise, de voir ainsi toute analyse économique contestataire rabattue au niveau d’une pulsion basse prenant des personnes - les riches - pour objet.

     

    Certes, Hollande a ouvert la brèche à cet amalgame odieux, avec sa funeste ânerie du"je n’aime pas les riches"(2006, sur le plateau d’A vous de juger). Sans doute croyait-il s'attirer les suffrages du "peuple" à qui les élites prêtent cet instinct nauséabond, mais le fait est qu’il n’a pas persisté dans ce discours, constatant probablement l’absence totale d’efficacité d’une posture politique aussi bas de gamme.

     

    CONTESTER LES STRUCTURES N’EST PAS HAÏR LES PERSONNES

    Peut-être faudrait-il expliquer, à Hollande comme à Birnbaum, que lorsque le corps social conteste le pouvoir démesuré qui échoit aux agents économiques les mieux dotés, ce n’est pas parce qu’il "n’aime pas les riches". Simplement, le corps social ne se satisfait pas de ce que le pouvoir soit réservé à une caste – la publication des patrimoines permet au moins de faire apparaître que notre démocratie tend bien, en effet, vers la ploutocratie, puisque la plupart des ministres font état d’un patrimoine très au dessus dupatrimoine médian; que cette richesse soit la cause ou la conséquence de leur position de pouvoir pose dans tous les cas un sérieux problème à la démocratie, et c'est notamment cette structure de causalité qui est interrogée. Plus profondément, le corps social ne se satisfait pas de ce que les structures qui l’organisent permettent aux seuls riches - même (et surtout) loin des postes politiques officiels - d’infléchir la vie politique, économique, médiatique ; parce que le corps social est un corps qui veut tout entier être considéré, il veut la démocratie, et la démocratie, normalement, ce n’est pas le pouvoir des riches pour les riches.

    Ce sont donc les structures qu’il conteste, pas les personnes qui en bénéficient. Mais cette nuance ne semble pas accessible aux partis politiques dominants, non plus qu’aux élites qui les soutiennent, les uns et les autres particulièrement prompts aux amalgames dont ils accusent précisément leurs adversaires. Amalgame consistant systématiquement à confondre leurs deux bords extérieurs sous le très utile et très insidieux vocable des "extrêmes", et Birnbaum y va évidemment lui aussi de ce raccourci indispensable à sa thèse : "ces références (à l’argent) constituent le vieux fond sémantique de l’extrême gauche et de l’extrême droite" - et l’on renifle la puanteur de ce "vieux" fond de sauce, sédimenté par l’Histoire, où goulag et camp d’extermination forment la masse compacte de nos terreurs post-modernes.

    LES «ÉLITES» PARLENT AUX «ÉLITES»: DE L’ART DE NOUS FAIRE TAIRE.

    Ne comptons pas sur le journaliste qui lui tend le micro de cet entretien pour l’inviter à plus de subtilité dans l’analyse politique : il est si parfaitement acquis à David Revault d’Allones, auteur de cet entretien, que les thèses du Front de Gauche relèvent de ce "populisme" si haïssable aux yeux du professeur (et pourtant si complexe dans sa définition, comme on l’a vu) que l’adjectif "populiste" ne fait même pas l’objet de la question :

    "Face à la montée des discours populistes, notamment à gauche avec Jean-Luc Mélenchon, M. Hollande pouvait-il tenir d’autres propos?"

    Et le professeur émérite d’emboîter le pas du journaliste du Monde, relevant dans la «radicalisation incontestable» du discours de Mélenchon des traces de Chavisme, mais aussi de poujadisme (le «Du balai» vient de là, apparemment), et revenant bien sûr, soi disant pour l'invalider, mais la légitimant tout de même, sur l’accusation d’antisémitisme :

    "si nul ne peut accuser Mélenchon de préjugés antisémites, une telle phrase appartient toutefois à un registre qui ne peut que les évoquer".

    "...Qui ne peut que les évoquer" ; la même tournure à vocation exclusive que la question du début – "comment ne pas penser (aux années 20-30)?" : la même manière de dessiner un chemin de pensée obligatoire, pas d’échappatoire possible – on ne peut pas ne pas - la même manière de dicter à nos cerveaux les synapses qu’ils doivent produire : si tu entends "argent" dans la bouche d’un politique, pense "populisme" ; si tu entends "populisme", pense fascisme, nazisme, Shoah. Et tais-toi, surtout : tais-toi.

     

  • La "commission pour la transparence"


    L
    a "commission pour la transparence" a-t-elle transmis à la Justice la fausse déclaration de Cahuzac ?

    Chuut ! Elle n'a pas le droit de parler. Notre enquête infructueuse

    Une Peugeot 307 achetée d’occasion, un fauteuil Charles Eams, des bijoux de famille, quelques centaines d'euros sur un compte épargne logement, une maison de campagne ou encore un (petit) appartement acheté à crédit. Depuis quelques jours, les politiques défilent au micro des journalistes pour rendre public leur patrimoine. Un nouvel effet de l'affaire Cahuzac et une tentative de transparence pour "moraliser la vie politique". Pourtant, une commission chargée de contrôler le patrimoine des élus existe. Les sanctions ont même été renforcées. Et qu'a-t-elle fait dans le cadre de l'affaire Cahuzac ? Mystère. Solicités par @si, les 15 membres de cette commission de la "transparence" n'ont pas vraiment joué le jeu de ladite transparence. Et pour cause : la loi leur interdit de parler. Chut !

    On va tout savoir, ou presque : de la 4L de Cécile Duflot au fauteuil d'Arnaud Montebourg , en passant par les crédits immobiliers de Laurent Wauquiez. Des révélations pour le grand public, mais pas pour les membres de la "Commission pour la transparence financière de la vie politique" qui sont déjà au courant. Créée en 1988, cette commission est chargée de recueillir les déclarations de patrimoine de tous les élus : ministres, députés, conseillers généraux, régionaux, municipaux (ayant une délégation de signature), ainsi que les dirigeants d'organisme public, soit au total 6 400 déclarations.

     

    Site de la commission avec les formulaires pour élus

    Instaurée en 1988, cette commission, compare les déclarations des élus à leur entrée en fonction et à leur sortie. Un travail titanesque pour les quinze membres de la commission et leur dizaine de rapporteurs. La procédure de vérification des déclarations des 577 députés prend par exemple entre six et dix mois. En cas de déclaration incomplète, la commission peut demander des précisions aux élus.

    Et s'il y une suspicion d'enrichissement anormal, elle peut transmettre le dossier au parquet. Est-ce le cas de Jérôme Cahuzac, qui a caché dans sa déclaration de patrimoine les 600 000 euros de son compte à l'étranger ?

    Nous avons tenté de joindre, non sans mal, les neuf membres de cette commission de transparence ainsi que leurs six suppléants dont les noms apparaissent dans un tableau mis en ligne sur le site officiel de la commission . Résultat ? Un vrai parcours du combattant et une vraie liste d'excuses digne d'un tableau de vie scolaire au collège. Deux d'entre eux, membres du Conseil d'Etat ou de la Cour des comptes, sont en voyage à l'étranger (identifiables par un avion dans notre tableau) et ne peuvent donc pas répondre en temps voulu. Trois autres, conseillers honoraires à la Cour de Cassation ou la Cour des comptes, n'ont plus de bureau (sigle bleu). Et quand certains membres en ont un bureau, avec téléphone, ce n'est pas forcément plus facile pour les joindre : on ne peut pas laisser de message sur le répondeur des trois conseillers issus de la Cour de cassation ("c'est impossible", nous précise le standard). Du côté du secrétariat de Didier Migaud (premier Président de la Cour des comptes et membre de droit de la commission transparence), on nous explique qu'il ne peut pas parler (Chut ! Index sur la bouche). Rémi Caron, conseiller d'Etat en service extraordinaire (sic) a un répondeur qui marche et un message donc (mais il ne nous a pas rappelé).

     

     



    Finalement, sur quinze personnes, nous n'en avons eu que trois au téléphone. Des échanges téléphoniques parfois brefs : "J'étais en partance pour une réunion, je ne peux pas vous parler", nous dit Michel Braunstein avant de raccrocher (logo "Course à pied"). "Je ne suis pas en mesure de vous répondre. Au nom de la commission, on ne peut pas divulguer quoi que ce soit sur ce qui s'y passe", explique Pierre Forterre, en toute transparence. Même réponse de Jean-Michel Berard, qui accepte tout de même de nous préciser que "le président de la commission a la possibilité de transmettre au parquet une fausse déclaration". Est-ce que Jean-Marc Sauvé (qui "est absent pour une semaine") l'a fait ? Berard ne répond pas et nous renvoie vers le secrétaire général adjoint du Conseil d'Etat, Brice Bohuon qui centralise la communication. Après une après-midi à le relancer, il finit par nous rappeler. Et le verdict tombe : "Je suis obligé de vous faire la réponse que j'ai faite à vos collègues journalistes : on a l'obligation de garder la plus stricte confidentialité sur ce dossier. On s'exposerait à des sanctions pénales, c'est dans la loi de 1988 qui institue cette commission". 

    Impossible de savoir si la fausse déclaration de patrimoine de Cahuzac a été transmise au parquet. Mais selon nos informations, c'est bien ce recours qui est envisagé par le cabinet du président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, pour empêcher l'ancien ministre du budget de revenir à l'Assemblée comme il en a l'intention. Car depuis la loi organique du 14 avril 2011, citée dans le 15ème rapport de la commission (document PDF) , une déclaration mensongère peut donner lieu à des sanctions. Selon l'article LO 135 du code électoral, "le fait pour un député d'omettre sciemment de déclarer une part substantielle de son patrimoine ou d'en fournir une évaluation mensongère qui porte atteinte à la sincérité de sa déclaration et à la possibilité pour la Commission pour la transparence financière de la vie politique d'exercer sa mission est puni de 30 000 € d'amende et, le cas échéant, de l'interdiction des droits civiques selon les modalités prévues à l'article 131-26 du code pénal, ainsi que de l'interdiction d'exercer une fonction publique selon les modalités prévues à l'article 131-27 du même code". L'article 131-26 du code pénal permet au juge de prononcer une inéligibilité. 

    Conclusion : si les 600 000€ du compte en Suisse ne figurent pas dans la déclaration de patrimoine faite par Jérôme Cahuzac en juin 2012, la commission pour la transparence financière peut saisir le procureur. Une procédure qui pourrait alors aboutir à l'inéligibilité de l'ancien ministre du budget. Ce qui serait d'ailleurs une première dans l'histoire de la commission : "En 23 ans d'activité, la Commission a transmis 12 dossiers au parquet, qui ont tous donné lieu à un classement sans suite"relevait le site instituionnel Vie-publique.fr en février 2012. Ca, c'était avant l'entrée en vigueur de la loi renforçant les sanctions. Et depuis la nouvelle loi ? Chuuuut !

    (avec Mireille Campourcy, pour le tableau des absences)

     

  • Marchandisation de la santée

    Un pas de plus dans la marchandisation de la sant é

    Publié le 15/04/2013 à 12h46

    L’Accord national interprofessionnel (ANI) conclu en janvier dernier introduit de nouveaux droits, en contrepartie desquels les salariés devraient accepter une plus grande flexibilité pour les employeur. C’est le principe.

    Parmi ces droits, la généralisation de la couverture complémentaire des frais de santé à tous les salariés (ainsi que l’extension de trois mois de la portabilité des droits à la complémentaire santé et prévoyance une fois le contrat de travail rompu).

    Autrement dit, les entreprises devront bientôt proposer à leurs salariés une complémentaire santé, cette assurance qui prend en charge une partie ou la totalité des frais de santé non remboursés par la Sécurité sociale, ce qui peut apparaître comme un progrès. Mais – et ceci a été peu noté –, une telle généralisation s’inscrit dans un mouvement plus vaste de désengagement de la Sécurité sociale dans le financement des dépenses de santé. Celui-ci, impulsé par la volonté des pouvoirs publics de réduire les dépenses publiques, se traduit en pratique par une augmentation continue de la part des dépenses financées par les patients ou les organismes complémentaires d’assurance santé (le reste à charge).

    Sécu : seuls 55% des soins remboursés 

    Depuis le début des années 90, plusieurs mesures ont entrainé une diminution de la part des soins courants remboursés par le système public, comme :

    • les participations forfaitaires et les franchises médicales ;
    • les déremboursements d’un nombre croissant de médicaments ou l’augmentation du forfait hospitalier.

    A ces mesures s’ajoutent, plus récemment, l’augmentation des dépassements d’honoraires et les dépenses de soins dentaires ou d’optique peu voire pas remboursés.

    Si bien qu’aujourd’hui seuls 55% de ces soins courants sont remboursés par l’assurance maladie obligatoire. Par ces politiques, les pouvoirs publics sont engagés dans un processus de « marchandisation » de la santé.

    Chômeurs, retraités, étudiants toujours pas concernés 

    Grâce à la généralisation de la complémentaire santé, une telle politique de désengagement de l’Etat pourra se poursuivre. Or celle-ci présente de nombreux dangers dont celui d’accroitre les inégalités d’accès aux soins.

    En effet, 6% de la population, soient 4 millions de personnes, se trouvent sans couverture complémentaire pour des raisons essentiellement financières. Parmi ces personnes on trouve surtout des inactifs, des chômeurs, des femmes au foyer, des retraités et des étudiants pour lesquels la généralisation de la complémentaire n’apportera aucune solution.

    98% des salariés ont une complémentaire 

    La généralisation de la complémentaire améliorera vraisemblablement la situation de certains salariés en leur permettant d’accéder massivement à des contrats collectifs qui offrent de meilleurs niveaux de couverture car, souscrit collectivement, ils permettent une meilleure mutualisation des risques.

    Mais cette amélioration concernera une faible partie de ces salariés dans la mesure où, en 2009, 98% des salariés ont une complémentaire santé, dont 60% grâce à des contrats collectifs souscrits dans leur entreprise.

    « Chacun paie selon sa santé  

    D’autres conséquences, encore mal évaluées, présentent différents risques. Ainsi, le transfert du financement de la santé vers le secteur des assurances, des Institutions de Prévoyance et des mutuelles dont les contraintes de gestion sont différentes, rend possible la sélection des clients en fonction de leur risque, entrainant des inégalités encore plus importantes pour certaines catégories de personnes comme les retraités, gros consommateurs de soins, qui verront leurs cotisations augmenter.

    Par ailleurs, les contrats de protection en santé construits au niveau des branches ou des entreprises se substituent partiellement à la Sécurité sociale, conduisant à la disparition de la couverture universelle offerte aux assurés sociaux. Le système de protection sociale en santé passerait d’un système où « chacun paye selon ses ressources » à un système dans lequel « chacun paie selon sa santé ».

    D’autres part, le texte ne prévoit pas, à l’heure actuelle précisément les conditions de financement de cette complémentaire (si ce n’est par moitié par les employeurs et les salariés) ni de « garde-fous ». Dans quelle mesure celle-ci ne pourrait-elle pas, par exemple, se substituer à des augmentations de salaires ? Pour l’heure, rien n’est décidé, mais le financement de cette « complémentaire » risque de réserver bien des surprises.

    Nathalie Coutinet
    Economiste Atterrée

     
  • Cannabis social

    Le porte-parole des Cannabis social clubs écope de huit mois avec sursis 

    19 avril 2013 | Par La rédaction de Mediapart

    Le porte-parole des « Cannabis social clubs », Dominique Broc, qui prône la dépénalisation du cannabis, a été condamné jeudi à Tours à huit mois de prison avec sursis et 2 500 euros d'amende pour détention et usage de drogue et refus de prélèvement d'ADN.

    Dominique Broc est à l'origine du mouvement des Cannabis social clubs, des groupements d'adultes, « basés sur l'amitié » qui cultivent ensemble du cannabis pour leur consommation personnelle, afin de « s'affranchir du marché noir », avait-il expliqué lors de l'audience devant le tribunal correctionnel, le 8 avril.

    Le jardinier de 44 ans avait été interpellé le 21 février, à son domicile d'Esvres-sur-Indre. Les gendarmes avaient alors découvert chez lui 126 plants de chanvre et 26 g de cannabis. Il n'était cependant pas poursuivi pour « production de cannabis en bande organisée », un crime passible de 30 ans de réclusion, qui se juge devant la cour d'assises spéciale.

     

     
  • Qu'elle est jolie la république bourgeoise !

     

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    Après la «République irréprochable» de Sarkozy, voici « la République exemplaire» deHollande. La réalité de la République, aujourd'hui comme hier, contraste tristement avec les déclarations de l'un et de l'autre président. Les scandales financiers et les affaires de corruption qui mettent en cause les membres de leurs gouvernements respectifs ont tendance à se perpétuer. Et au moment où l’on exige de la population des sacrifices de plus en plus lourds, de plus en plus insupportables, au moment où les chômeurs et les précaires se comptent par millions, les représentants de la bourgeoisie, eux,se permettent de «planquer leur magot» dans les paradis fiscaux, se servent abondamment dans les caisses de l’État et jouissent d'innombrables privilèges. De Christine Boutin à Eric Woerth en passant par Christian Blanc, Christian Estrosi, Alain Joyandet etc., la liste des ministres du gouvernement Sarkozy impliqués dans des affaires est longue (1). Le gouvernement actuel qui n'a même pas un an d'existence est déjà secoué et ébranlé, en attendant d'autres révélations, par le séisme Cahuzac. Il ne s'agit là bien évidemment que de quelques exemples qui ne doivent pas masquer le caractère récurrent et structurel de la corruption qui règne dans les plus hautes sphères de l’État. Car les scandales financiers, corruption, privilèges et autres affaires, sont intimement liés au fonctionnement même du système capitaliste qui les produit et reproduit de manière permanente.



     

    « Le gouvernement moderne n'est qu'un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière» (2). L'État n'est donc pas au service de tous, mais sert seulement les intérêts privés de quelques uns. La police, la justice, les préfets, les députés, les ministres etc. ne sont pas les représentants de toute la société. Le président de la République n'est pas le président de tous les français. Le président gère l’État contre l'intérêt général au profit de l'intérêt particulier, celui de la classe dominante. Et plus il sert les intérêts de la bourgeoisie, plus il s'éloigne de ceux des classes populaires.

    La corruption, elle aussi, remplace l'intérêt public par l'intérêt privé. Elle efface les frontières entre les deniers publics et les revenus privés. Les hommes et les femmes politiques sans scrupulespeuvent ainsi se servir, avec un sentiment d'impunité, dans les caisses de l'État comme s'il s'agissait de leur propre patrimoine! La corruption nie et méprise le principe de transparence et permet à une seule et même classe sociale, par le biais de l'État, d'accéder d'une manière occulte et illégale aux ressources publiques.

     

    Le scandale Liliane Bettencourt, la femme la plus riche de France, illustre d'une manière éloquente cette proximité et cette confusion des intérêts de la grande bourgeoisie et du pouvoir politique. Celui-ci doit être au service de celle-là. L'ex-ministre du budget, Eric Woerth, était soupçonné, via sa femme qui gérait les dividendes de la milliardaire, de conflit d'intérêt. Mme Bettencourt a avoué de son côté posséder des comptes à l'étranger et toute une île aux Seychelles non déclarés au fisc.

    La collusion des intérêts du capital et ceux de l'État trouve ici son expression la plus éclatante : Le pouvoir politique met l'État à la disposition du pouvoir économique qui, en échange, finance entre autres ses campagnes électorales. Eric Woerth était le trésorier de l'UMP et le financier du système Sarkozy. C'est lui qui était chargé de récolter les fonds auprès des grosses fortunes au profit du président de la République. On comprend mieux, dans ces conditions, pourquoi Sarkozy tenait absolument à soutenir «totalement et complétement»son ministre du travail et pourquoi il désirait que Liliane Bettencourt reste en France :«Je ne veux pas qu'elle foute le camp en Suisse» disait-il.

    Rappelons tout de même que c'est ce même ministre qui a conduit, au nom du gouvernement, la bataille de la destruction du système de retraite par répartition. Lui, le bourgeois, qui vit dans l'opulence, exige des salariés de travailler toujours plus pour une pension de misère!

    Et c'est ce même gouvernement qui a toléré que des milliers de familles bourgeoises «très patriotes», dont il possède la liste, «planquent» scandaleusement leur magot à l'étranger pour échapper au fisc. Les intérêts de l'État,donc d'une infime minorité, sont incompatibles avec ceux de l'immense majorité de la population.

     

    En novembre 2010, Eric Woerth démissionne de son poste de ministre du travail après avoir perdu celui du budget. Il sera mis en examen en février 2012 pour «trafic d'influence passif et recel de financement illicite de parti politique».

     

    Tous les gouvernements bourgeois, avec des différences de degré et non d'essence, sont corrompus. Mais sous le régime de Sarkozy, les affaires fleurissaient et se banalisaient plus facilement. C'est que Sarkozy aime l’argent, le luxe, l'apparat, le cérémonial et n'hésitait pas à étaler ostensiblement, dans une république affaiblie, les fastes d’un pouvoir quasi monarchique. Sa fascination pour les riches n'a d'égale que son mépris pour les pauvres.

     

    En avril 2007, Nicolas Sarkozy avait promis une «République irréprochable», une «démocratie moderne qui sera exemplaire au regard du monde». Dans la réalité, il a laissé derrière lui une république corrompue et une démocratie entièrement livrée au capital et aux parasites spéculateurs sans foi ni loi.

    Le 21 mars 2013, Nicolas Sarkozy est mis à son tour en examen par le juge d'instruction Jean-Michel Gentil pour «abus de faiblesse» dans l'affaire Bettencourt.

     

    Hollande dont l'admiration pour l'austérité et le mépris pour les classes populaires sont sans bornes a placé Jérôme Cahuzac, son homme de confiance, au cœur de sa politique économique. Cahuzac, ministre du budget, comme Woerth, est ainsi devenu le symbole de l'austérité. Il était l'incarnation, le visage hideux de la politique de rigueur chère aux sociaux-démocrates.

     

    Le 2 avril 2013, Jérôme Cahuzac avoue ce qu'il niait publiquement depuis des mois y compris dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Il est mis en examen «pour blanchiment de fraude fiscale», lui, qui était pourtant chargé de lutter contre cette même fraude ! Cahuzac est à l'image du Parti Socialiste qui se réclame toujours en théorie du socialisme démocratique et mène dans la pratique des politiques libérales très éloignées des intérêts des classes populaires. Le scandale Cahuzac est le reflet de cette politique conduite par la social-démocratie au profit de la bourgeoisie dont elle sert les intérêts avec un zèle singulier. Car la collaboration de classes est une constante dans l'histoire de ce courant politique (3). Le scandale Cahuzac n'est pas une affaire de morale, mais le produit d'un système économique dont les intérêts de classes constituent son fondement matériel. La morale n'a pas d'existence propre. Elle dépend des conditions matérielles qui la produisent. Elle est l'émanation des activités économiques, des comportements matériels des hommes. Lutter contre les scandales, les affaires, les fraudes etc., en invoquant la morale est une illusion et par dessus le marché une hypocrisie. Toutes ces gesticulations autour de«la moralisation de la vie publique», de«la nécessité d’une lutte implacable contre les dérives de l’argent, de la cupidité et de la finance occulte», de«la transparence de la vie publique», de «la lutte contre la grande délinquance économique et financière» etc.(4) ne sont que des balivernes idéalistes derrière lesquelles la social-démocratie tente de dissimuler sa véritable nature, un instrument au service du capital.

     

    La classe ouvrière, qui ne demande qu'à travailler pour survivre, découvre que ceux qui lui imposent toujours plus de sacrifices possèdent des patrimoines sans commune mesure avec ce que peut gagner et épargner un smicard. Combien de siècles de labeur et de souffrance au travail faut-il à un ouvrier pour atteindre le patrimoine des riches ministres du gouvernement «socialiste»?

     

     

    On peut adopter les lois que l'on veut contre la corruption, les affaires et les privilèges, mener toutes les enquêtes possibles, on peut même diminuer et limiter leur importance, mais on ne peut pas les éliminer. Car leur existence et celle du capitalisme sont tellement imbriquées l'une dans l'autre que l'on ne peut supprimer l'une sans éliminer l'autre. Les lois et les mesures prises pour lutter contre la corruption ne sont que des paravents derrière lesquels la bourgeoisie dissimule ses forfaits. Le problème n'est donc pas l'existence de la corruption, des scandales financiers, des affaires et autres privilèges, mais celle du capitalisme qui les engendre. Il y a eu dans le passé des scandales, il y a aujourd'hui des scandales et il y aura dans l’avenir d’autres scandales tant que ce système existe.

    Le véritable scandale, c'est le capitalisme lui-même.

     

    Mohamed Belaali

     

     

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    (1) Il s'agit, entre autres, des 9 500 euros mensuels de Christine Boutin pour une obscure mission sur la mondialisation, des 12 000 euros des cigares de Christian Blanc, les hôtels particuliers de l'ex-ministre de l'industrie Christian Estrosi ou les 116 500 euros d'Alain Joyandet pour un aller/retour à la Martinique sans parler de son permis illégal pour agrandir sa maison près de Saint-Tropez.

    Rappelons pour mémoire que Jacques Chirac a été condamné par la justice à deux ans de prison avec sursis en 2011. Alain Juppé condamné lui aussi par le tribunal de grande instance de Nanterre, à dix-huit mois de prison avec sursis et dix ans d'inéligibilité, le 30 janvier 2004. Charles Pasqua condamné à plusieurs reprise dans plusieurs affaires. Jean-Marc Ayrault condamné en 1997 à six mois de prison avec sursis pour «favoritisme» et «réhabilité» en 2007, etc. etc.

     

     

    (2) K. Marx et F. Engels «Manifeste du parti communiste». Éditions en langues étrangères. Pekin, page 35.

     

    (3) http://www.belaali.com/article-social-democratie-et-collaboration-de-classes-50152165.html

     

     

    (4) Voir la déclaration du président de la République:

    http://www.elysee.fr/declarations/article/declaration-du-president-de-la-republique-4/