Marchandisation de la santée
Un pas de plus dans la marchandisation de la sant é
L’Accord national interprofessionnel (ANI) conclu en janvier dernier introduit de nouveaux droits, en contrepartie desquels les salariés devraient accepter une plus grande flexibilité pour les employeur. C’est le principe.
Parmi ces droits, la généralisation de la couverture complémentaire des frais de santé à tous les salariés (ainsi que l’extension de trois mois de la portabilité des droits à la complémentaire santé et prévoyance une fois le contrat de travail rompu).
Autrement dit, les entreprises devront bientôt proposer à leurs salariés une complémentaire santé, cette assurance qui prend en charge une partie ou la totalité des frais de santé non remboursés par la Sécurité sociale, ce qui peut apparaître comme un progrès. Mais – et ceci a été peu noté –, une telle généralisation s’inscrit dans un mouvement plus vaste de désengagement de la Sécurité sociale dans le financement des dépenses de santé. Celui-ci, impulsé par la volonté des pouvoirs publics de réduire les dépenses publiques, se traduit en pratique par une augmentation continue de la part des dépenses financées par les patients ou les organismes complémentaires d’assurance santé (le reste à charge).
Sécu : seuls 55% des soins remboursés
Depuis le début des années 90, plusieurs mesures ont entrainé une diminution de la part des soins courants remboursés par le système public, comme :
- les participations forfaitaires et les franchises médicales ;
- les déremboursements d’un nombre croissant de médicaments ou l’augmentation du forfait hospitalier.
A ces mesures s’ajoutent, plus récemment, l’augmentation des dépassements d’honoraires et les dépenses de soins dentaires ou d’optique peu voire pas remboursés.
Si bien qu’aujourd’hui seuls 55% de ces soins courants sont remboursés par l’assurance maladie obligatoire. Par ces politiques, les pouvoirs publics sont engagés dans un processus de « marchandisation » de la santé.
Chômeurs, retraités, étudiants toujours pas concernés
Grâce à la généralisation de la complémentaire santé, une telle politique de désengagement de l’Etat pourra se poursuivre. Or celle-ci présente de nombreux dangers dont celui d’accroitre les inégalités d’accès aux soins.
En effet, 6% de la population, soient 4 millions de personnes, se trouvent sans couverture complémentaire pour des raisons essentiellement financières. Parmi ces personnes on trouve surtout des inactifs, des chômeurs, des femmes au foyer, des retraités et des étudiants pour lesquels la généralisation de la complémentaire n’apportera aucune solution.
98% des salariés ont une complémentaire
La généralisation de la complémentaire améliorera vraisemblablement la situation de certains salariés en leur permettant d’accéder massivement à des contrats collectifs qui offrent de meilleurs niveaux de couverture car, souscrit collectivement, ils permettent une meilleure mutualisation des risques.
Mais cette amélioration concernera une faible partie de ces salariés dans la mesure où, en 2009, 98% des salariés ont une complémentaire santé, dont 60% grâce à des contrats collectifs souscrits dans leur entreprise.
« Chacun paie selon sa santé ;»
D’autres conséquences, encore mal évaluées, présentent différents risques. Ainsi, le transfert du financement de la santé vers le secteur des assurances, des Institutions de Prévoyance et des mutuelles dont les contraintes de gestion sont différentes, rend possible la sélection des clients en fonction de leur risque, entrainant des inégalités encore plus importantes pour certaines catégories de personnes comme les retraités, gros consommateurs de soins, qui verront leurs cotisations augmenter.
Par ailleurs, les contrats de protection en santé construits au niveau des branches ou des entreprises se substituent partiellement à la Sécurité sociale, conduisant à la disparition de la couverture universelle offerte aux assurés sociaux. Le système de protection sociale en santé passerait d’un système où « chacun paye selon ses ressources » à un système dans lequel « chacun paie selon sa santé ».
D’autres part, le texte ne prévoit pas, à l’heure actuelle précisément les conditions de financement de cette complémentaire (si ce n’est par moitié par les employeurs et les salariés) ni de « garde-fous ». Dans quelle mesure celle-ci ne pourrait-elle pas, par exemple, se substituer à des augmentations de salaires ? Pour l’heure, rien n’est décidé, mais le financement de cette « complémentaire » risque de réserver bien des surprises.
Nathalie Coutinet
Economiste Atterrée